iscom 2016 - mémoire communication de crise et reseaux sociaux

47
Comment devrait évoluer la communication d’une marque sur les réseaux sociaux alors que l’entreprise doit faire face à une crise médiatisée ? TUTEUR DE MÉMOIRE PIERRE BAILLY DIRECTEUR DE MÉMOIRE BEJAOUI-MAUDUECH SAMY RESPONSABLE PÔLE DIGITAL GROUPE MED’COM BOURHIS Mélanie COMAL 4 A PROMOTION 2016 MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES ISCOM LYON PROMOTION 2016 LA COMMUNICATION DE CRISE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX

Upload: melanie-bourhis

Post on 12-Apr-2017

1.171 views

Category:

Marketing


5 download

TRANSCRIPT

Page 1: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Comment devrait évoluer la communication d’une marque sur les réseaux sociaux alors que l’entreprise doit faire face à une crise médiatisée ?

TUTEUR DE MÉMOIREPIERRE BAILLY

DIRECTEUR DE MÉMOIREBEJAOUI-MAUDUECH SAMYRESPONSABLE PÔLE DIGITALGROUPE MED’COM

BOURHIS MélanieCOMAL 4 APROMOTION 2016

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDESISCOM LYON PROMOTION 2016

LA COMMUNICATION DE CRISE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX

Page 2: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier toute l’équipe pédagogique de l’ISCOM Lyon et leurs

intervenants professionnels pour les apports théoriques et pratiques tout au long de mon

cursus, qui m’ont permis de mieux appréhender le monde de la communication.

Je remercie également vivement mon directeur de mémoire M. Samy

BEJAOUI­MAUDUECH, Responsable Pôle Digital du groupe MED’COM, pour son soutien et

son suivi lors de la rédaction de ce mémoire.

1

Page 3: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

2

Page 4: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Introduction

Avec 68% des individus inscrits sur les réseaux sociaux, la société s’est fortement

digitalisée. De plus, 42% de la population mondiale est présente sur Internet, soit plus de 3

milliards de personnes : c’est un changement majeur de la société de consommation et 1

comportementale qui a été réalisé grâce à la démocratisation d’Internet. Les internautes,

chaque jour plus nombreux et plus connaisseurs, exigent l’instantanéité des requêtes,

informations et réponses. C’est alors que les réseaux sociaux peuvent devenir un réel

avantage concurrentiel pour l’entreprise (très réactive, délivrant du contenu riche et adapté à

sa cible), mais également une menace présente à chaque jour, parfois source de tensions

au sein même de l’entreprise dans son organisation. Ces crises peuvent engendrer des

changements profonds de la communication (tant dans l’image de marque que dans sa

prospérité et son chiffre d’affaire), du ton employé, des contenus partagés, des interactions

avec les internautes, mais également parfois de tout le branding, comme ce fut le cas pour

Volkswagen avec son slogan “Das Auto” retiré à la suite du scandale sur ses performances

de moteur.

Il faut alors que chaque entreprise s’adapte à ces nouveaux marchés, et aux nouvelles

cibles digitales associées, telles que les baby boomers ou la génération Y, car si elle ne

parvient pas à les appréhender, c’est toute sa réputation et sa pérennité qui seront remis en

cause par le biais de crises digitales, parfois désastreuses. Ces crises ont cependant des

signaux d’alarme, et il est donc crucial aujourd’hui d’étudier tant son environnement que les

bonnes pratiques à mettre en oeuvre pour anticiper et gérer au mieux ces crises sur les

réseaux sociaux. Ainsi, il faut prendre en considération le fait d’embaucher du personnel en

interne ou en externe pour gérer l’image de l’entreprise en tenant compte de ces nouvelles

parties prenantes et des enjeux associés.

Il reste important de noter que chaque événement requière sa propre gestion, mais

également chaque entreprise. Une entreprise en démarrage ne gérera pas les mêmes

problématiques, avec des solutions et moyens différents d’une multinationale. Les contextes

et environnements sont également bien différents. Les préconisations représentent donc un

outil de guidage à prendre en considération, mais qui n’est pas exhaustif. Il est à adapter en

fonction des situations.

1 Internet Live Stats, http://www.internetlivestats.com, consulté le 10 avril 2016

3

Page 5: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Partant de ces constatations, il apparaît important de traiter la problématique suivante :

Comment devrait évoluer la communication d’une marque sur les réseaux sociaux alors que l’entreprise doit faire face à une crise médiatisée ? Cette problématique

permettra donc de faire ressortir des bonnes pratiques à mettre en place lors d’une crise

médiatisée, amplifiée sur les réseaux sociaux en vitesse ou en force.

Dans un premier temps, nous aborderons les notions derrière cette problématique, en

analysant les réseaux sociaux au fil du temps, le concept de communauté, mais aussi les

changements opérés dans la gestion de crise depuis l’avènement des médias sociaux. Puis

des études liées à la problématique seront étudiées, et les différentes phases des crises

identifiées et expliquées.

Dans un second temps, des pratiques communes et des cas seront analysés, et les apports

des professionnels et auteurs étudiés seront mis en perspective.

Enfin et pour conclure, des préconisations seront apportées, dans le but d’aider à la gestion

de crise en général, en fonction des trois grandes phases de la crise. Ces recommandations

seront à destination des gestionnaires de communautés et coordonnateurs médias sociaux,

afin qu’ils soient en mesure d’anticiper et adapter leur communication en fonction de

l’intensité de la crise et de son stade.

4

Page 6: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

I. Mise en contexte de la problématique

A. Historique des réseaux sociaux

Depuis le premier mail envoyé en 1971 par des chercheurs, Internet a bien évolué, et les

modes d’utilisation avec. Mais ce n’est que presque 20 ans plus tard, en 1989, que le Word

Wide Web verra le jour. Conçu par Tim Berners­Lee, du CERN , l’ingénieur en informatique 2

voulait proposer un outil distribuant l’information d’une manière nouvelle entre les

scientifiques utilisant l’accélérateur de particules du Centre.

En 1994, Justin Hall a décidé de se connecter au monde extérieur, en publiant sur sa page

pendant 11 ans. Son site, Justin’s Links from the Underground, est considéré comme le

premier blog personnel. L’année suivante, Classmates sera créé. Ce premier réseau social

permettait de retrouver ses anciens camarades de classe. Suivront Meetup.com et

Friendster, puis l’avènement massif des réseaux sociaux en 2003 avec la création de

Myspace, WordPress et LinkedIn. Les messages vont plus vite, le monde entier se retrouve

connecté, les sphères professionnelles et personnelles se confondent. La liste continue de

s’ajouter chaque année et les comportements évoluent au fil des années et des tendances,

notamment via TheFacebook qui deviendra par la suite Facebook, le réseau social par

excellence prisé de 1,55 milliards d’internautes . Les utilisateurs y partagent des moments 3

de vie et suivent les aventures de leurs amis et leur famille. Ensuite, Twitter permet la

diffusion instantanée de messages et informations. Très utilisé des journalistes et

influenceurs, 94 % des crises éclosent ou sont relayées sur Twitter . YouTube, et Pinterest 4

sont pour eux deux plateformes permettant de partager pour l’une des vidéos, et pour l’autre

des photos. YouTube propose différents contenus d’utilisateurs : tutoriels, films, interviews,

publicités, etc. tandis que Pinterest est plus dédié à trouver de l’inspiration essentiellement

en décoration et en cuisine.

Grâce à ces nombreux réseaux, chacun a accès aux contenus créés par d’autres

internautes du monde entier, et ce à n’importe quel moment. Cette tendance a été

accentuée par l’arrivée en 2011 de Snapchat. Les membres peuvent, depuis leur

2 Conseil européen pour la recherche nucléaire 3 Le blog du communicant, “Les 50 chiffres à connaître sur les médias sociaux en 2016”, http://www.blogdumoderateur.com/50­chiffres­medias­sociaux­2016, consulté le 16 avril 2016 4 VANDERBIEST, Nicolas, « Rétrospective des bad buzz 2015 », < http://www.visibrain.com/fr/blog/livre­blanc­bad­buzz­2015 >, 19 janvier 2016, consulté le 30.01.16, p.8

5

Page 7: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

application, partager des photos et vidéos de leur vie, et profitent de filtres exclusifs

largement relayés sur les réseaux sociaux. Les marques s’en sont en suite emparés pour

diffuser à une clientèle jeune des vidéos d’égéries ou encore des tournages.

En évoluant en même temps que la société, les réseaux sociaux se sont démultipliés et

diversifiés. Certains sites comme 9Gag ou Reddit possèdent une forte communauté

internationale, engagée tant dans l’humour que dans les dénonciations de marques peu

scrupuleuses, notamment Nescafé qui sera expliqué par la suite.

B. La notion de communauté

Selon le Larousse, une communauté est “Ensemble de personnes unies par des liens

d'intérêts, des habitudes communes, des opinions ou des caractères communs”.

Aujourd’hui, le mot de “communauté” désigne plus largement un collectif, un mouvement,

réunissant des personnes sans ressemblances particulières d’un point de vue extérieur, qui

interagissent entre elles autour d’un intérêt commun.

En 1993 déjà, Howard Rheingold définissait les communautés virtuelles comme des

“regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu’un nombre suffisant

d’individus participent à ces discussions pendant assez de temps en y mettant assez de

coeur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du cyberespace” . 5

Malgré tout, cette utilisation du terme “virtuelle” est contestable, car ces communautés se

reflètent par un ancrage très “réel”, avec des discussions et répercussions qui vont au­delà

du virtuel.

Dans l’ouvrage Influence et réputation sur Internet : communautés, crise et stratégie , les 6

auteurs y ajoutent ce rapport au réel en définissant cela comme des groupes partageant un

intérêt commun, un réseau de présences, une possibilité de peser dans un processus de

décision, et une capacité de production économique. C’est là qu’est mise en évidence la

capacité de menaces de tels groupes ­ tant réels que virtuels ­ et l’influence qu’ils peuvent

exercer sur les marques et les politiques.

5 RHEINGOLD, Howard, The Virtual Community: Homesteading on the Electronic Frontier, 1993, p.6 6 CHAZAUD, Nicolas, COUSIN, Hugo, FROSSARD, Fabrice, JEANNE­BEYLOT, François, MILLIAN, David, PASQUIER, Martin, VIOLET­SURCOUT, Antoine, Influence et réputation sur Internet: communautés, crises et stratégies, Paris, La Bourdonnaye – Collection AEGE, 2013, p.25

6

Page 8: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Ces communautés qui évoluent sur Internet s’axent autour de plusieurs générations

sociales, tendant à réduire les différences entre elles. On relève trois grandes générations

d’internautes : les baby boomers, nés avant 1964; la génération X, nés entre 1965 et 1982;

et enfin la génération Y, ou milléniaux, nés entre 1982 et 2000.

La première génération est composée des baby boomers, c’est­à­dire les personnes entre

52 ans et 70 ans en 2016, nées après la seconde guerre mondiale. Ils utilisent un ordinateur

de bureau pour aller sur Internet, ils y suivent l’actualité économique et politique mondiale,

tout en suivant les nouvelles de leur famille grâce aux réseaux sociaux et plus

particulièrement à Facebook. Ils affectionnent les images et vidéos en très grande partie, à

plus de 25%.

La seconde, la génération X, intègre donc des personnes ayant 36 à 51 ans en 2016. Ils

sont particulièrement actifs en soirée sur Internet. Ils sont assez ouverts à la nouveauté, et

vont là où leur famille est afin de se tenir informés : Facebook surtout, mais aussi Twitter ou

encore Snapchat. Ils achètent moins sur Internet que la génération Y, mais avec des

montants plus importants , avec un équivalent de 266€ par mois en moyenne pour la 7 8

génération X, contre 176€ pour la génération Y qui va suivre.

La troisième grande génération, la génération Y, a entre 16 et 36 ans en 2016. Les

“milléniaux” possèdent un téléphone intelligent et parfois une tablette. Ces personnes se

connectent chaque jour à Internet, et sont des cyberacheteurs. Si on regarde quelques

statistiques, 67% de ces personnes fréquentent les réseaux sociaux , 64% de cette 9

génération les utilisent même pour trouver un emploi. On remarque ainsi que ces réseaux

sociaux, créés pour interagir, s’étendent jusqu’à la sphère professionnelle. Les membres de

la génération Y sont ultra­connectés et ouverts sur le monde. Ainsi, la réputation numérique

est au coeur des enjeux managériaux.

Il est à noter qu’une nouvelle génération fait son apparition sur le net et bientôt le marché du

travail, la génération Z. Nés avec les réseaux sociaux, il est commun pour eux d’avoir grandi

avec une tablette et de s’appuyer sur Internet et tous les réseaux sociaux mis à disposition

pour interagir avec le monde : l’historique Facebook, les implantés Instagram et Snapchat,

les nouveaux Periscope et Peach.

7 Cefrio, “Net Tendances 2013”, http://www.cefrio.qc.ca/media/uploader/Fiche35­44ans_final.pdf, consulté le 16 avril 2016 8 Cefrio, “Net Tendances 2013”, http://www.cefrio.qc.ca/media/uploader/Fiche18­34ans_final.pdf, consulté le 16 avril 2016 9 Cefrio, “Generation Y = Net Generation”, http://lagenerationy.com/2009/01/29/generation­y­net­generation­25, consulté le 16 avril 2016

7

Page 9: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

L’entreprise doit donc savoir s’adapter et s’adresser à ces nouveaux modes de

fonctionnement et parties prenantes, en étant plus réactives et en profitant des nouvelles

opportunités créées par les réseaux sociaux. En effet, ces réseaux sociaux et les

communautés/générations qui y interagissent constituent de nouveaux risques de réputation

pour les marques. Il est devenu plus simple, plus rapide et plus commun de se lier à une

cause par une mention ”J’aime” ou une signature de pétition par un clic, quand auparavant

nous ne nous serions pas arrêté dans la rue pour signer une pétition écrite, par exemple.

Nescafé s’est notamment retrouvé visé par une communauté du site humoristique

participatif 9Gag en 2011. La marque a organisé un concours vidéo basé sur le nombre de

mentions “J’aime” via sa page Facebook. Un utilisateur de 9Gag a donc demandé à la

communauté de voter pour sa vidéo au sujet de son frère handicapé de naissance, et a

comptabilisé plus de 47 000 mentions “J’aime” en quelques heures. La publication a alors

été considérée comme frauduleuse et disqualifiée. Des milliers de commentaires sont alors

déversés sur la page Facebook Nescafé Hongrie puis Nescafé Worldwide pour faire plier la

marque, une page Facebook dédiée est même créée et comptabilise plus de 25 000

membres. Le mouvement a continué de prendre de l’ampleur, si bien que Nescafé a du se

justifier sur les conditions de vote et a annoncé avoir appelé l’internaute. Finalement, elle

donnera le montant du lot (5 000€) à un institut s’occupant de l’enfant handicapé et a

informé qu’il recevra un traitement particulier.

Cet exemple montre bien qu’un problème isolé peut rapidement se transformer en réel

mouvement, et être très néfaste pour l’image de marque, et sa réputation sur Internet. Les

internautes pouvaient voir les commentaires massifs et ainsi peut­être rejoindre eux­aussi le

mouvement, et des personnes à priori sans point commun autre que la fréquentation du site

9Gag se sont unis pour une même cause.

Les marques vont être jugées sur leurs publications et réactions, voire sur leur image ou

concept en général. Les contenus partagés doivent être réfléchis, car il y aura toujours une

communauté de personnes qui critiquera partie ou tout de la publication. Ces communautés

ont réellement pris de l’importance grâce à l’Internet participatif, ou “Web 2.0”, qui leur a

permis de s’exprimer beaucoup plus facilement et rapidement, et la marque doit en tenir

compte en adaptant rapidement sa communication, les contenus partagés, mais aussi le

ton.

8

Page 10: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

C. Crises avant et après le web 2.0 : quelles différences ?

C’est dans cette société de l’instantanéité que doivent interagir les marques et trouver à la

fois leur place, et leur public. L’année 2003 a marqué un tournant majeur avec l’apparition

du “Web 2.0”. Avec lui, les internautes partagent avis et opinions grâce aux commentaires et

blogs.

Les entités médiatiques valorisent également les pages Facebook, très suivies des

internautes en ce qui concerne la presse en ligne, car ils s’arrêtent souvent au titre

apparaissant directement sur leur fil d’actualité. Depuis cette date, Internet est plus interactif

et réactif, et les internautes n’hésitent plus à partager leur mécontentement. Les marques

sont étudiées et scrutées par le plus grand nombre, et le moindre faux­pas peut se

transformer en réelle crise d’image voire économique pour l’entreprise.

Avant Internet et surtout avant ce virage entrepris en 2003, la marque exerçait une

communication unilatérale maîtrisée, s’adressant à des individus ciblés et directement

connus par la marque. Les opinions naissaient de groupes d’experts, puis étaient repris par

des journalistes, avant d’arriver à l’opinion publique.

Ainsi, pour qu’il y ait crise, il fallait que le problème atteigne les journalistes de la presse et la

télévision pour voir un article ou un reportage dans les jours ou semaines suivants. Les

lecteurs et téléspectateurs allaient ensuite en parler à leur entourage si le problème évoqué

avait assez d’importance.

Mais dorénavant, pour toucher l’opinion, il faut utiliser les différents réseaux sociaux à

disposition de l’entreprise pour s’exprimer et faire valoir sa communication. Les médias

traditionnels et ce “Web 2.0” s’entremêlent dans la fabrique de l’opinion, additionnés aux

contenus créés par les internautes. L’information se propage beaucoup plus rapidement, et

en atteignant une population qui peut être beaucoup plus large.

Entre rappels de produits, publicités critiquées et concurrence vive, il est devenu primordial

d’être présent et de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Une note en magasin ou un

reportage télévisé ne suffisent plus, car ce sont sur les réseaux sociaux que les

communautés critiqueront, et les choses pourraient s’aggraver d’elles­mêmes par effet

d’amplification du bruit.

D’une manière générale, les marques ont moins de contrôle sur ce qui est dit, et par qui.

Avec le web participatif, la cible de l’entreprise s’est élargie aux non­consommateurs,

9

Page 11: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

associations de consommateurs ou encore groupes de lobbying. Chaque partie prenante

requière une attention particulière, voire sa propre stratégie de communication, car en cas

de dérèglement entre la marque et l’avis des internautes, c’est toute une crise qui peut

démarrer et, par un phénomène de contamination, toucher chaque autre sphère de cibles.

GDF­SUEZ a ainsi commencé une mutation numérique auprès de ses actionnaires

individuels en créant le “e­club”. Les actionnaires ont un espace dédié rassemblant des

conférences, des nouvelles, des visites virtuelles, des formations. Ils ont également une

page Facebok dédiée “Actionnaires EDF ­ page officielle” , leur délivrant des informations 10

sur les dividendes, sur l’histoire de la marque, les dates des assemblées générales, sa

culture d’entreprise, etc.

GDF­SUEZ a créé un espace et des comptes sur les réseaux sociaux dédiés à ses

actionnaires

Cet exemple montre bien qu’une communication doit être adaptée aux différentes parties

prenantes, mais reste en accord avec l’utilisation des réseaux sociaux à partir du moment où

la marque diffuse des informations pertinentes pour la cible en question.

Cet Internet participatif, résolument plus tourné vers l’instantanéité, a également fait naître

les notifications “push” d’applications comme le journal Le Monde, ou encore BFM TV qui

entre le 6 mai et le 11 juin 2014 avait envoyé plus de 150 notifications. Ces notifications sont

10 https://www.facebook.com/actionnairesedf/, consulté le 30 avril 2016

10

Page 12: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

destinées à informer les abonnés sur l’information brûlante ou en temps réel en quelques

mots, directement sur le centre de notification de leur téléphone intelligent.

D. Communication de crise et réseaux sociaux : actualité et pertinence

Pour être considéré comme crise selon la “chaîne de propagation” éditée par la plateforme

de veille Visibrain, un événement négatif doit être relayé sur les réseaux sociaux, repéré par

des blogueurs experts et être ensuite repris par la presse en ligne. L’événement peut enfin

être relayé sur la radio et la télévision. Ce schéma est particulièrement vrai pour les

générations X et Y, très connectées.

La chaîne de propagation définie par la plateforme de veille Visibrain dans “Le livre blanc

des crises 2.0 survenues en 2014”

Il faut tout de même garder à l’esprit que cette chaîne de propagation est effective dans le

cas d’une crise qui émerge directement des réseaux sociaux. D’autres chaînes de

propagations existent pour les crises qui émergent de médias traditionnels tels que la

télévision ou la presse.

L’année 2015 a connu 109 crises selon Visibrain , un chiffre en stagnation par rapport à 11

l’année précédente. 56% de ces crises sont directement nées sur Internet, notamment via

11 VANDERBIEST, Nicolas, op. cit., p.8, 9 et 13

11

Page 13: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Twitter, Facebook et le site Internet de la marque ou entreprise, puis dans une moindre

mesure via Youtube et un blog. On observe donc une prévalence des crises digitales, nées

directement sur Internet. Ce phénomène a d’ailleurs tendance à augmenter. En

comparaison, durant l’année 2012, seules 32 crises avaient été relevées par la plateforme

de veille, ce qui représente une multiplication par 3 des crises.

De plus, avec 78 % des crises qui sont dues à une erreur dans la communication ou le

marketing de la marque, l’image de l’entreprise est directement atteinte au moment même

où elle souhaite valoriser ses actions et produits.

C’est cette prévalence et expansion des crises, qui plus est digitales, qui rendent la

problématique de ce mémoire, à savoir “Comment devrait évoluer la communication d’une

marque sur les réseaux sociaux alors que l’entreprise doit faire face à une crise médiatisée

?” plus que jamais d’actualité. Les entreprises et gestionnaires de réseaux sociaux doivent

maîtriser ce sujet sensible afin d’accompagner au mieux la crise et ses parties prenantes.

E. Quelques mots sur les études sociologiques et marketing liées au sujet

L’étude Global Trends 2030 , réalisée par le National Intelligence Council, vise à fournir un 12

cadre de réflexion sur les trajectoires mondiales potentielles dans les quinze à vingt

prochaines années. Cette étude est basée sur des données publiques, privées et

académiques.

Les chercheurs en ont ressorti quatre grandes tendances futures. La première est la

responsabilisation des individus quant à son propre argent et celui des autres. La classe

moyenne va augmenter, renforçant des valeurs comme le sentiment d’appartenance à une

identité nationale, l’insécurité ou encore la pression exercée sur les travailleurs peu qualifiés.

Ensuite, l’espérance de vie est amenée à s’allonger, par la baisse des maladies

contagieuses mortelles. Certains pays sont donc amenés à voir leur population vieillir, et en

subir des retombées économiques problématiques. Une tendance à l’urbanisation et à

l’immigration sont également à anticiper.

12 National Intelligence Council, “Global Trends 2030”, https://www.dni.gov/files/documents/Interactive%20Le%20Menu.pdf, consulté le 24 avril 2016

12

Page 14: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Dans un troisième temps, c’est une réorganisation des pouvoirs à l’échelle mondiale : l’Asie

va continuer à prendre de l’importance, en éventuellement détrônant les États­Unis. Ces

changements seront accompagnés par la technologie, pour tourner ces changements de

pouvoirs vers un réseau à plusieurs facettes en fonction des pays.

Enfin, c’est la demande en ressources naturelles, telles que l’eau, l’énergie et la nourriture,

qui augmenteront entre 35 et 50% comparé à 2012. La question ici est de savoir s’il y aura

une gestion plus efficace des ressources, une plus large utilisation de la technologie, ou des

mécanismes de gouvernance plus adaptés.

Cette étude montre l’environnement incertain qui est à anticiper au mieux. Urbanisation,

vieillissement de la population, diminution des ressources disponibles et propagation de la

technologie aux différents secteurs sont autant de facteurs à garder à l’esprit dans la

rédaction des plans de communication et des anticipations des signaux d’alerte de crise.

La seconde étude est tournée vers les médias, il s’agit du Baromètre 2016 de confiance des

Français dans les médias réalisé par TNS SOFRES en janvier 2016. Les Français ont le 13

plus confiance en la radio avec 55% de crédibilité, puis vient le journal avec 51% de

crédibilité et la télévision avec 50% de crédibilité Internet est loin derrière, avec seulement

31% de crédibilité. Il est à pensé que les Français ont peu confiance en ce média de par la

surabondance d’informations et les origines diverses et non contrôlées de ces informations.

On parle du phénomène d’infobésité. Cela explique également que les Français auront

tendance à vérifier une information trouvée sur Internet en la croisant avec la télévision ou la

radio lorsque l’information est importante, comme ce fut le cas durant les multiples attentats

de 2015 et 2016 en France. La population se tournera plus facilement vers les chaînes

d’information en direct.

Malgré le fait que la population ait peu confiance en Internet, ce média est tout de même le

deuxième en terme de source d’information (20% d’entre eux utilisent Internet comme

première source d’information, derrière la télévision pour 54%). Cette étude révèle

également une “fracture générationnelle”, car ces chiffres sont modifiés pour les moins de

35 ans. 38% de cette génération s’informe principalement par Internet, contre 20% au total.

13 TNS SOFRES “Baromètre 2016 de confiance des Français dans les médias”, http://www.tns­sofres.com/sites/default/files/2016.02.02­baro­confiance­media.pdf, consulté le 24 avril 2016

13

Page 15: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Grâce à cette étude de TNS Sofres, on remarque que les marques et entreprises doivent

tenir compte de plusieurs paramètres dans leur gestion des réseaux sociaux et des crises

sur ces derniers. L’information publiée ne sera pas forcément prise en considération via les

réseaux sociaux.

Pire, elle pourrait être détournée ou mal perçue, comme ce fut le cas pour Air France en

Octobre 2015. La compagnie, lors de son annonce d’un plan de restructuration, a subi une

grève de ses salariés, durant laquelle deux cadres ont vu leur chemise arrachée et cinq

dirigeants manqué de se faire séquestrer. Quelques jours après, Air France a diffusé un clip

vidéo sur les réseaux sociaux “Air France c’est ça” qui avait pour but de redorer l’image des

employés. Le clip, maladroit, a été largement repris et raillé sur Internet, et a été mal perçus

par la population.

Le moment choisi est donc crucial sur les réseaux sociaux, et encore plus en communication

de crise, mais il faut également tenir compte de la phase de cette crise pour anticiper au

mieux sa gestion.

F. Phases des crises

1. Comment naît la crise ?

La crise est définie par Wikipedia comme une “mutation brutale”. C’est une “période de 14

tension conflictuelle ou une situation de déséquilibre grave ou de rupture préoccupante”. On

observe donc un événement déclencheur qui sort de l’ordinaire. La crise peut mettre en éveil

une série de dysfonctionnements et être le fruit d’une prise de risques. Le “Laboratoire des crises, de la réputation et des phénomènes d’Influence” Reputatiolab a

défini en 2013 une nouvelle typologie des crises , adaptée au web 2.0. On y retrouve alors 15

cinq types de crises.

La première, communicationnelle, représenterait 43% des crises 2.0 selon ce même site

Internet. Cette crise peut être issue de la communication de la marque elle­même, comme

14 Wikipedia, “Crise (généralité)”,https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_(g%C3%A9n%C3%A9ralit%C3%A9), consulté le 24 avril 2016 15 ReputatioLab, “Vers une typologie des crises adaptées au 2.0”, http://www.reputatiolab.com/2013/07/vers­une­typologie­des­crises­adaptees­au, consulté le 18 avril 2016

14

Page 16: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

les multiplient American Apparel et United Colors of Benetton, ou les dérives des employés,

comme ce fut le cas à de nombreuses reprises, comme chez Burger King avec un employé

ivre et filmé, ou pour avoir diffamé son entreprise ou ses supérieurs sur les réseaux sociaux.

La seconde typologie de crise est fonctionnelle, comme 41% des crises étudiées. La crise

fonctionnelle provient d’un mécontentement produit/ ou des fournisseurs/partenaires ou de

la concurrence, comme ce fut le cas pour les opérateurs téléphoniques “historiques” lors de

l’arrivée du disruptif Free.

La troisième peut être accidentelle, comme son nom l’indique, a une origine accidentelle, qui

peut être commis par un élément extérieur, ou alors en interne comme le crash de la

Germanwings en mars 2015, dû au pilote.

Ensuite, la crise d’origine technique trouve son origine d’un dysfonctionnement de produit ou

de service, comme la crise majeure subie par Kryptonite. Un consommateur de la marque

de cadenas a mis en ligne une vidéo l’ouvrant avec un simple stylo à bille, les autres

utilisateurs ont alors filmé leurs exploits avant de demander réparation. Le coût a été de plus

de 10 000 000 $ de réparations pour la marque. La crise technique peut aussi survenir d’une

manière extérieure à cause des phénomènes de spam ou de cyberpiratage.

Et enfin, la crise liée à la juridiction peut être due à une procédure déclenchée par la

marque, comme ce fut le cas pour Le Figaro contre le nom du blog Madame Figaro, ou une

procédure subie, comme par exemple Kerviel contre la Société Générale.

Les crises sont donc majoritairement dues à un mécontentement des consommateurs, qui

s’expriment largement sur Internet. C’est souvent par l’entrée dans la scène médiatique

qu’un événement devient crise. Une crise commence donc par un risque, puis une

émergence, s’en suit la crise aiguë qui peut devenir chronique, et enfin la cicatrisation et les

leçons à tirer.

2. Quelques mots sur les phases des crises

Avant la crise, la marque doit déjà anticiper cette crise. Durant toute la vie d’une marque ou

entreprise, des mécontentements émergeront, plus ou moins virulents. Ce sont des signaux

d’alertes à prendre en considération et à garder à l’esprit, car si de trop nombreux signaux

15

Page 17: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

émergent, ou durant une très courte période de temps, c’est alors une crise qui peut

survenir. De plus, il est important que la marque communique régulièrement en temps de

“paix” pour se créer une communauté.

L’anticipation est alors indispensable. Il s’agit de préparer un processus de réponse en cas

d’explosion d’une crise à des signaux repérés. Ce processus sera expliqué en partie 3 de ce

mémoire. Toute cette écoute et cette veille ne suffisent parfois pas à anticiper ou éviter une

crise, c’est alors que vient la phase d’atténuation.

La seconde phase a donc lieu pendant la crise, et l’important ici est de limiter les retombées.

Tout d’abord, c’est normalement à l’entreprise elle­même de décider si elle est en crise.

Certaines compagnies comme Air France, EDF ou La Poste peuvent être considérées

comme en crise permanente. Ce sont les consommateurs et journalistes qui ont tendance à

définir l’entreprise en état de crise.

Au déclenchement de la crise, il est primordial d’être rapide. Une première réaction trop

longue sera perçue comme du mépris. Le dialogue doit rapidement être instauré avec toutes

les parties prenantes, individuellement et avec transparence, tout au long de la crise.

Air France en avait d’ailleurs fait les frais en mars 2011 lors du séisme au Japon. Des

Français ont voulu prendre un vol dans les heures qui ont suivi, sauf que les prix étaient

exhorbitants. Ils se sont alors révoltés sur Twitter. Marina Tymen, alors community manager

d’Air France, raconte que “J’ai certainement commis l’erreur de ne pas avoir tweeté pour

dire que les messages avaient bien été lus ou pris en considération. J’attendais de pouvoir

statuer sur la réalité des tarifs en train d’être communiqués. »” . Cette attente sera perçue 16

comme du dédain de la part de la marque envers ces ressortissants impuissants. Il est

important de noter l’émotion qui sort de cette crise. D’une manière générale, les crises

peuvent également générer de la polémique ou un besoin de rationnalité, notamment en cas

d’accident grave comme dans l’aviation.

Un autre risque planant pour l’entreprise est de subir un “hijacking” décris par Nicolas

Vanderbiest comme un détournement d’un hashtag au profit d’une autre cause. Ce 17

16 French Web, “La Community Manager d’Air France décrypte le bad buzz du week-end dernier”, http://www.frenchweb.fr/la­community­manager­air­france­decrypte­bad­buzz­week­end­dernier/12956, consulté le 24 avril 2016 17 VANDERBIEST, Nicolas, op. cit., p.49

16

Page 18: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

phénomène a par exemple eu lieu lors de la campagne Viande de France, où le hashtag a

été repris par des activistes végétaliens.

Toutes les prises de parole doivent être réfléchies. Il s’agit de répondre aux besoins et

questions des consommateurs, employés, opposants, journalistes, etc. en éclaircissant les

faits et en donnant des pistes de solutions. Il faut être dans l’empathie pour atténuer la crise

ressentie.

La troisième et dernière phase est celle de l’analyse. Cette sortie de crise peut s’amorcer si

un événement plus grave a eu lieu et pris le pas sur les médias, ou quand le problème a été

réglé, comme le dédommagement de l’entreprise de cadenas Kryptonite, ou le don à

l’institut pour Nescafé.

L’entreprise doit alors se concentrer sur le retour d’expérience, pour tirer des leçons de la

crise et apprendre à mieux gérer les crises dans le futur. La marque ou l’entreprise doit

apprendre à mettre en cohérence son image, sa réputation et son identité avec ses valeurs

et sa communauté.

17

Page 19: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

II. Analyse argumentée de la problématique

Dans cet environnement riche décrit précédemment, où chacun partage son avis et juge les

marques, plusieurs acteurs et tactiques peuvent être pris en considération pour gérer au

mieux une crise sur les réseaux sociaux.

A. Les pratiques communes utilisées par les acteurs impliqués

Dans la gestion de crise sur les réseaux sociaux, les acteurs de premier plan sont

évidemment ceux qui sont directement au contact des comptes de la marque ou de

l’entreprise : les community manager, et les social media manager. Les premiers gèrent

directement l’image des marques sur les réseaux sociaux, en créant et en animant leurs

pages Facebook, comptes Twitter, pages entreprise LinkedIn, etc. tandis que les seconds

coordonnent les actions sur les différents réseaux d’une marque, et supervisent les

contenus et stratégies mises en place. Leur rôle à tous deux est d’accompagner au mieux et

de limiter l’atteinte d’un point de vue économique, ou en terme d’e­réputation.

Pour ce faire, il est d’usage de s’adresser individuellement à chacun, en répondant aux

messages, tweets, publications sur la page. Les internautes doivent se sentir pris en

considération, savoir que que leur avis compte. Certains professionnels préfèrent supprimer

les commentaires négatifs afin de ne pas “entâcher” les comptes de leurs clients, d’autres

conseillent d’assumer et d’être transparent.

À l’éclatement de la crise, les consommateurs et internautes ressentiront une émotion forte,

puis un rejet de la marque peut se faire ressentir. Ces acteurs de premier plan doivent donc

gérer cette situation au mieux, en éprouvant de l’empathie notamment et en s’excusant si la

situation s’y prête.

C’est ce qui arrive en cas d’accident d’aviation, ou par exemple lorsque le Rana Plaza,

atelier de confections de marques comme Mango ou Primark, s’est effondré en avril 2013,

faisant plus de 1 000 morts. Des pétitions ont par la suite fait le tour d’Internet, et des

accords et engagements responsables quant au travail des enfants ou aux conditions de

travail dans les pays émergents ont depuis été signés et annoncés par communiqué de

presse.

18

Page 20: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Ensuite, les community managers ont pour habitude de prôner la réactivité. Facebook

encourage d’ailleurs cette réactivité grâce à une icône “responds within a few hours” par

exemple. Comme expliqué précédemment, les internautes veulent leurs réponses

instantanément. Et à l’heure où de plus en plus de pages servent de services clients et

d’enquêtes de satisfaction grâce aux notations et avis, les marques ont intérêt d’être

d’autant plus réactives. Cette rapidité et réactivité doivent donc être accentuées en cas de

crise, comme l’a montré Bouygues lorsque Free est arrivé sur le marché. Dans ce contexte,

Orange, SFR et SOSH ont fermé les commentaires de leurs pages. En revanche, le

community manager de Bouygues, Tanguy, s’est attelé à répondre à un maximum de

commentaires (la plupart annonçant qu’ils fermaient leur ligne pour passer à la concurrence

low­cost) en utilisant l'auto­dérision, en signant de son prénom et, bien sûr, en répondant

dans les heures qui suivaient. Il faut préciser que la page Facebook de Bouygues reçoit

environ un message par seconde , Tanguy a donc besoin d'être épaulé par 4 personnes 18

pour y faire face. Cette stratégie a payé, et un mouvement de fans s’est même créé autour

de ce Tanguy, conservant ainsi une communauté, rendue fidèle à Bouygues.

Enfin, quant aux commentaires négatifs, certains professionnels considèrent qu’il faut les

supprimer pour ne pas entacher les comptes de la marque. Cependant, cela se sait ! Les

internautes voyant leur commentaire supprimé peuvent en publier un nouveau, qui sera

forcément plus frustré et énervé que le précédent. Cette personne aura également plus

tendance à s’exprimer sur d’autres réseaux également afin d’exprimer d’autant plus son

mécontentement.

C’est une mésaventure qu’a subi le site de fleuriste aquarelle.com, lorsqu’une cliente s’est

plainte. Et pour cause, sa demande de remboursement était refusée car elle avait écris un

commentaire sur la page Facebook ! Le commentaire originel et le commentaire de

dénonciation ont tous deux été supprimés de Facebook, et l’internaute a continué à

dénoncer la marque, saisissant même Twitter et demandant à des journalistes de venir lui

parler, preuves à l’appui. La réaction de l’administrateur de la page aquarelle.com a été

d’annoncer que le problème avait été réglé. Sauf que c’était un mensonge, et que

l’administrateur avait bloqué la personne en question, ne faisant qu’envenimer la situation.

La cliente a évidemment continué de se plaindre, toujours via Twitter, jusqu’à ce que la page

la débloque et la rembourse (réellement) en refaisant livrer l’article en parallèle.

18 “Free Mobile : Le buzz "Tanguy de Bouygues", SFR répond mal à ses clients, etc.”, L’informaticien, <http://www.linformaticien.com/actualites/id/23078/free­mobile­le­buzz­tanguy­de­bouygues­sfr­repond­mal­a­ses­clients­etc.aspx>, consulté le 28 avril 2016

19

Page 21: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Cet exemple montre l’importance de créer un dialogue et une relation “saine” et éthique

avec ses consommateurs, dans le respect de l’autre. La marque aurait du répondre

calmement au premier message, en s’excusant du désagrément et en proposant de venir

parler en message privé, plutôt que de ne pas répondre, et même en venir à supprimer les

commentaires et bloquer le profil de la personne.

B. Deux analyses de cas : Nestlé et Findus

Un cas d’école en terme de communication de crise sur les réseaux sociaux est celle de la

marque Nutella. La célèbre pâte à tartiner a d’abord été vivement critiquée sur son utilisation

de l’huile de palme, riche en acides gras saturés et dont la production accentue la

déforestation en Malaisie, Indonésie et Papouasie­Nouvelle­Guinée; puis par la censure de

certains mots lors de son opération de personnalisation des emblématiques pots.

Toute cette affaire de l’huile de palme a démarré avec la demande d’une surtaxation de

300% sur l’huile de palme, amendement qui a été appelé “taxe Nutella” pour attirer les vues

des journalistes. Nutella, basé sur le concept de la Love Brand (stratégie d’une marque

basée sur “l’amour” de ses consommateurs envers sa marque, comme ici Nutella,

consommé par 3 familles françaises sur 4 ), a dès le lendemain sorti une campagne de 19

frange ampleur : deux pleines pages de publicité dans les grands quotidiens nationaux,

appelée “L’huile de palme parlons­en.”

La marque a défendu son utilisation dans la presse dès le lendemain du scandale de la

“Taxe Nutella”

19 Planetoscope, “La consommation de Nutella en France“, <http://www.planetoscope.com/Autre/1304­consommation­de­nutella­en­france.html>, consulté le 29 avrl 2016

20

Page 22: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Nutella y informe les lecteurs et consommateurs des aspects nutritionnels et

environnementaux de leur huile certifiée équitable, se positionnant ainsi en victime. Ils ont

ensuite créé un site et un fil Twitter baptisés “Nutella parlons­en” (clôturé depuis), prenant le

parti de ne pas modifier sa recette, mais plutôt communiquer sur ses avantages et les

responsabilités prises. Sur ce compte Twitter, la marque a fait valoir son engagement

écologique, apostrophé les journalistes pour orienter le débat, et a partagé des articles de

presse favorables à la marque.

Une vidéo a également été réalisée, centrée sur les 7 ingrédients de la pâte à tartiner pour

en justifier la présence et rappeler les engagements de la marque.

La marque a ensuite bénéficié de l’amour de ses consommateurs, et les pages Facebook et

publications “Touche pas à mon Nutella” se sont multipliées. La position choisie par Nutella

et sa réactivité ont donc été les bons choix, et la marque a ensuite repositionné sa

communication entière : « Nous réorientons la plateforme de communication. Dès 2013,

nous allons adresser un message beaucoup plus universel, basé sur l’émotion et le plaisir »

. 20

Aujourd’hui, la marque communique avec parcimonie, et le discours “responsable” semble

s’éloigner de l’image de marque. De plus en plus de consommateurs se tournent vers

d’autres pâtes à tartiner, et Nutella continue de jouer avec son aspect de Love Brand.

Un tweet datant du 5 Février 2016, seul tweet en plusieurs mois relatif à l’huile de palme

Un responsable a également annoncé : « Nous avons 16 millions de fans sur Facebook

sans jamais avoir investi un centime mais nous avons décidé de passer à l’offensive ».

20 ARNAUD, Jean­François, « Nutella règne sans partage sur les palais français », Challenges, consulté le 27 Avril 2016

21

Page 23: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Depuis, la marque a d’ailleurs lancé plusieurs campagnes web tournées vers la

personnalisation des pots, et plus récemment l’édition de mugs imprimés de photos.

C’est en Février 2015 que Nutella a lancé cette campagne de personnalisation de pots, via à

nouveau un site dédié. Problème, des internautes s’aperçoivent que certains mots racistes,

injurieux ou plus tendancieux tels que “huile de palme” ou “musulman”, sont interdis

directement dans l’encodage de la page. Rapidement, Twitter détourne les célèbres pots.

Face à l'ampleur du mouvement, Nutella a décidé de diffuser un communiqué, expliquant

que le projet initial était de “se servir du pot de Nutella comme d’un support de

communication pour partager son enthousiasme” et non diffuser des “messages négatifs 21

ou insultants”.

La marque a de nouveau montré sa maîtrise des réseaux sociaux et la connaissance de sa

communauté, grâce à l’usage de l’autodérision. Nutella a invité les internautes ayant essayé

de contourner l’interdiction de mots de partager un GIF (une courte vidéo qui tourne en

boucle, ou une juxtaposition courte d’images) montrant une phrase mots à mots sur le­dit

pot : “Notre imagination n’égalera jamais la vôtre.” Retour mitigé de la Twittosphère

(l’environnement de Twitter, incluant ses membres, les “twittos”) avec seulement 90

partages, mais réaction largement saluée par la presse !

Il est à noter que cette crise aurait de toute manière eu lieu. En effet, si Nutella avait décidé

de ne pas censurer ces mots, les mêmes internautes se seraient insurgés et auraient crié au

scandale. La marque avait donc très sûrement bien anticipé cette réaction des internautes,

expliquant ainsi leur maîtrise et leur rapidité quant à cette crise naissante.

Nutella est donc un maître dans l’anticipation, pouvait ainsi réagir rapidement et

efficacement tout en rejoignant sa communauté. Mais une autre marque alimentaire n’avait

pas vu la crise arriver : Findus.

Le bad buzz (ou “retentissement négatif”) a démarré lorsque, lors d’une analyse, une viande

supposément de boeuf était en fait du cheval. Findus est alors le nom le plus cité. 22

21 Infopresse, ”Nutella, bon joueur à la suite de la polémique”, <http://www.infopresse.com/article/2015/2/25/nutella­bon­joueur­suite­a­la­polemique>, consulté le 28 avril 2016 22 GINISTY, Christophe, Pourquoi et comment Findus a loupé sa communication de crise“, <http://www.ginisty.com/Pourquoi­et­comment­Findus­a­loupe­sa­communication­de­crise_a940.html>, consulté le 28 avril 2016

22

Page 24: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

La première erreur de la marque a été de ne pas assumer et de rejeter la faute sur un tiers,

“trompée par son fournisseur” . La marque s’est efforcée de garder sa réputation, et n’a pas 23

commencer par éprouver de l’empathie envers ses consommateurs qui auraient mangé de

la viande de cheval sans même le savoir, n’abordant que la qualité de leurs produits.

En communiquant de cette manière, la marque n’a fait qu’accentuer sa présence, et la crise

est devenue la “crise Findus”, terme toujours utilisé trois ans plus tard. Les consommateurs

n’ont pas été interpellés directement, donc le dialogue n’a pas été installé.

Ensuite, la marque a mis à disposition des informations sur son site Internet, mais est restée

timide sur les réseaux sociaux. L’entreprise aurait du commencer par s'excuser, et alimenter

ses réseaux régulièrement. En l’absence de communication de la part de la marque, ce sont

les internautes qui ont fait sa communication … et c’est ainsi qu’un compte Twitter “Findus

France” a été créé puis suspendu. L’origine de ce compte est cependant incertaine : tweets

sérieux, parlant de tests ADN… la marque aurait­elle dénoncé et clôturé son propre compte

en voyant l’échec engendré?

Encore une fois, la marque n’ayant pas lancé de campagne de communication, les

internautes diffusent alors massivement des parodies des produits, mettant en avant des

phrases humoristiques faisant parler des chevaux : "Je me casse, je ne vais pas finir dans

des lasagnes", ou encore "Pouliche con carne". Certaines affiches sont mêmes éditées

“Chez Findus, nous sommes très à cheval sur la qualité et la provenance des ingrédients” : 24

communication malheureuse de la marque ou détournement ouvert?

Enfin, une énième erreur de Findus aura été d’essayer de “nettoyer” le web, en engageant

une entreprise pour effacer les traces de cette crise, plutôt qu’en embauchant des

professionnels pour gérer leur réputation en organisant la parole, notamment en créant des

contenus utiles et en s’adressant aux consommateurs. Le but de l’opération était de retirer le

nom “Findus” de la presse, au profit de “Viande de cheval”, mesure inutile où les journalistes

se sont sentis bridés, orientés, dans une manoeuvre de sauvetage mal orchestrée.

23 L’express, “Scandale de la viande de cheval : qui est responsable?”, <http://www.lexpress.fr/actualite/societe/scandale­de­la­viande­de­cheval­qui­est­responsable_1218943.html>, consulté le 28 avril 2016 24 Huffington post, “Publicité Findus ou détournement ? Cette affiche fait le tour du web”, <http://www.huffingtonpost.fr/2013/02/23/une­nouvelle­pub­findus­une­affiche­fait­tour­reseaux­sociaux_n_2750254.html>, consulté le 28 avril 2016

23

Page 25: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Ce cas de l’entreprise Findus met en évidence le manque de préparation d’un bord, et le

manque de connaissance des outils et de leur utilisation d’autre part, de même que la

méconnaissance de la puissance des communautés. Si la marque s’était préparée, avait

embauché des professionnels du milieu pour organiser leur parole et créer un dialogue, la

marque n’aurait pas été étiquetée de cette manière.

C. Résultats de l’enquête terrain

Grâce à une enquête qualitative auprès de professionnels des réseaux sociaux, puis une

seconde auprès des particuliers dits “connectés” et “non connectés”, j’ai été plus à même de

comprendre les bonnes pratiques d’une part, et l’environnement d’autre part.

En ce qui concerne les professionnels, j’ai interrogé 4 personnes d’horizons différents : un

responsable e­réputation d’une chaîne nationale de supermarchés, un business

development manager pour un site e­commerce, une social media manager en agence de

communication, et une social media manager freelance. Les 4 crises et leurs gestions

étaient très différentes, certaines beaucoup plus efficaces que d’autres. Les résultats

obtenus sont ainsi variés, et montrent à la fois les bonnes pratiques et les erreurs à ne pas

commettre. Les résultats seront expliqués à la page suivante, en point II. D.

Pour les particuliers, l’étude fut particulièrement intéressante car les deux groupes de

personnes “connectées” ont cité les mêmes choses. Facebook est le “média” le plus usité en

terme d’informations. Ces personnes savaient que Twitter est particulièrement apprécié par

les journalistes, mais les personnes interrogées ne comprenaient pas trop l’intérêt de ce

réseau social et son fonctionnement. Sur de gros faits d’actualité, ces personnes recoupent

l’information avec la télévision ou la radio. Ils utilisent au moins 5 réseaux sociaux plusieurs

fois par mois, et les crises citées communes étaient : Je suis 3 Suisses, Findus, et

Volkswagen. Lorsqu’interrogés sur Nutella, ressortent le problème de l’huile de palme, et

celui du pot personnalisable avec des mots.

Concernant les “non connectés”, ils continuent de valoriser la télévision. Ils utilisent 1 à 2

réseaux sociaux, principalement pour suivre l’actualité de leur famille et de leurs amis. Ils

citent également la crise de Volkswagen. Lorsqu’interrogés sur Nutella, ils pensent

seulement à l’aspect calorique général du produit, et pas spontanément aux deux crises

24

Page 26: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

citées plus haut. Ils n’ont donc qu’une connaissance faible des crises, et n’ont pas été

atteints par la communication des marques sur les réseaux sociaux. Ils ne connaissent pas

la gestion et la réaction que la marque a eu par rapport à la crise, et ne sont donc pas

influencée par cette communication digitale.

On voit donc bien la prévalence d’un public de personnes connectées à être atteint par les

crises sur les réseaux sociaux. Le ton et les canaux employés par la marque en crise

devront donc être adaptés à ce public relativement jeune et très connecté.

D. Apports des professionnels interrogés

Les quatre entrevues avec des professionnels m’ont donné des informations précieuses

quant aux bonnes pratiques, aux pratiques à éviter, et aux changements de fond à apporter.

Tout d’abord a été mise en évidence l’importance de parler en “temps de paix”, c’est­à­dire

de déjà développer ses réseaux et créer une communauté fidèle, plutôt que d’attendre

l’arrivée d’une crise pour prendre la parole. Ensuite, durant le temps de la crise elle­même,

les évolutions de la communication sont multiples. Il faut premièrement expliquer la situation

aux internautes puis savoir s’excuser sur la situation pour calmer les esprits.

Ensuite, et comme certains community manager doivent considérer les réseaux sociaux

comme un service client à part entière (dans le cadre d’un site e­commerce par exemple), il

faut rapidement et régulièrement diffuser des informations directement sur la page, via des

statuts et non pas uniquement des partages de liens institutionnels. Si la marque ne parle

pas en premier, d’autres le feront, et seront susceptibles de diffuser des informations

erronées ou tronquées. Il devient alors difficile pour la marque de se faire entendre!

En plus d’expliquer la situation rapidement, il convient de conserver les messages négatifs

et de les traiter, en répondant individuellement et en invitant à continuer de parler par

messages privés pour démêler la situation. De plus, parfois, cela crée une relation renforcée

avec la personne, qui, si le problème est résolu, devient alors un client fidèle et engagé.

Enfin, certains professionnels ont noté que si la crise n’atteint pas la télévision, son impact

est moindre et sa durée réduite. Cela était en tout cas vrai en novembre 2013 lors de la crise

Intermarché à propos de la pêche en eau profonde, étudiée en entrevue . Les réseaux 25

25 Entrevue disponible en annexe, page 45

25

Page 27: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

sociaux sont alors perçus comme amplificateurs, mais la télévision reste prédominante en

terme d’exposition. En effet, la télévision est encore massivement considérée comme le

média d’information par excellence, offrant une crédibilité aux sujets traités, tandis que les

réseaux sociaux et sites d’information sont parfois jugés comme étant moins fiables. Cela

s’explique par le fait qu’à la télévision, ce sont des journalistes que l’on voit s’exprimer,

tandis que sur Internet, les internautes ne connaissent pas forcément la personne qui a écris

et ne connaissent pas son expertise ou sa bonne foi.

Quant aux pratiques à éviter, on remarque tout d’abord des disparités dans la gestion. Ces

pratiques controversées sont concentrées chez quelques community manager. Lors d’une

seconde entrevue, le community manager avait du faire face à des retards dûs à une panne

informatique de la part de Collissimo. Cela s’est transformé en crise pour un site

e­commerce, qui n’a rien expédié pendant une semaine, et les retards se sont accumulés.

L’équipe de community managers de l’entreprise en question a choisi le silence, donc de ne

pas communiquer sur le problème, et de ne pas répondre aux messages négatifs publiés

sur la page, criant rapidement à l’arnaque. Le problème a ensuite été géré par un second

community manager, qui a lui décidé de répondre aux messages, mais a affirmé qu’il

rejettera toujours la faute sur un tiers, même si l’origine du dysfonctionnement était interne à

l’entreprise.

Le silence ne fera qu’énerver les internautes et envenimer la situation, tandis que le fait de

toujours rejeter la faute (même en cas d’erreur du côté de l’entreprise) semble peu éthique

et transparent.

Enfin, des changements de fonds dans l’organisation de l’équipe ou de l’entreprise peuvent

être apportés. Intermarché a par la suite décidé d’engager une agence qui gère

l’e­réputation du groupe, avec un reporting chaque semaine et une étude des signaux

négatifs. Le groupe a ainsi quelques modèles préconçus à adapter en fonction de différentes

crises. L’appel à un expert en communication de crise est également parfois nécessaire

pour orienter le discours et la stratégie, et faire confirmer les publications et le ton des

messages sur les réseaux sociaux. L’importance d’étudier les signaux devient donc

nécessaire pour de grands groupes, de même que l’étude des effets des messages et

tweets négatifs : quels partages, par quels comptes, avec quels messages, et ayant obtenu

quels commentaires.

26

Page 28: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Concrètement, je retiens que ces entrevues ont mis en évidence un manque notable de

formation chez certains community manager quant aux spécificités de la communication de

crise, et un manque de préparation pour répondre à de tels mouvements massifs et rapides.

E. Apports des auteurs étudiés

Les 3 principaux livres étudiés ont été Influence et réputation sur Internet : Communautés,

crises et stratégies , Communication de crise et médias sociaux , et Rétrospective des bad 26 27

buzz 2015 en partenariat avec Visibrain. 28

Ces trois ouvrages se rejoignaient sur plusieurs points. À travers la théorie pour les deux

premiers livres, et à travers les exemples de 2015 pour la rétrospective, ils encouragent tous

l’anticipation comme élément clé de la gestion de crise, de même que la veille au sein de

toute entreprise, même petite, naissante, ou n’ayant pas connu de crise. Le schéma veille ­

contrôle ­ influence est introduit comme élément de base de l’anticipation.

Avec Influence et réputation sur Internet : Communautés, crises et stratégies, les auteurs

étudient théoriquement et historiquement la réputation et la communauté, de même que la

différence entre identité (vision de l’entreprise formée en interne et affichée en externe) et

image (ce qu’elle paraît). Ils abordent ensuite l’importance d’une présence sur les réseaux

sociaux et de se forger une communauté, comme ce fut mis en exergue par les

professionnels précédemment; puis de l’importance pour une entreprise de savoir faire face

aux nouveaux problèmes rencontrés en terme d’image. Une attention toute particulière doit

être prise envers les employés de l'entreprise, car ils sont la première et la plus importante

interface de l'organisation avec son environnement.

Ils introduisent également le concept que “l’émotion court­circuite l’information”. Les

internautes ont donc plus tendance à partager un morceau d’information, car l’émotion

ressentie est trop forte et aveugle une possible information erronée. Cette information vient

compléter ce qui a été apporté par les professionnels quant à l’importance de répondre en

messages privés.

26 CHAZAUD, Nicolas, COUSIN, Hugo, FROSSARD, Fabrice, JEANNE­BEYLOT, François, MILLIAN, David, PASQUIER, Martin, VIOLET­SURCOUT, Antoine, Op. Cit 27 BLOCH, Emmanuel, Communication de crise et médias sociaux, Paris, Dunod, 2012, 209 p. 28 VANDERBIEST, Nicolas, Op. Cit

27

Page 29: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

De plus, toucher l’opinion sur Internet nécessite de viser les carrefours d’audience, créer et

diriger les flux d’information en utilisant les médias comme émetteur source, et les réseaux

sociaux comme chambre d’écho et d’amplification.

Enfin, les auteurs mettent en évidence les enjeux des relations asymétriques entre

l'entreprise et ses parties prenantes, ainsi que des luttes informationnelles sur Internet

(asymétrie de l’information, adversaires attaquant systématiquement, décalage des

communications à effets cosmétiques et actes réels, culture web inexistante ou déficitaire).

Communication de crise et médias sociaux analyse théoriquement les différentes étapes

d’une crise avec des tribunes d’experts. L’auteur Emmanuel Bloch affirme qu’il convient

d’adapter la communication de crise à la nouvelle dimension offerte par les réseaux sociaux,

reprenant l’idée précédemment citée. Il cherche à comprendre en quoi les médias sociaux

influent sur l’entreprise et sa stratégie, et plus particulièrement en période de crise. Sa thèse

se repose donc sur la question « Qu’est­ce qui est à l’origine de crises sur les réseaux

sociaux, et quelles sont les clés pour les appréhender ? ».

Nicolas Vanderbiest, lui, met en évidence les secteurs les plus touchés en 2015. Ce sont les

médias et le retail qui ont été les plus touchés, le plus souvent à cause de problèmes

marketing et de communication. Il analyse alors les 109 crises avec humour, explique

rapidement les crises qui ont eu lieu, les catégorise, et fournit des statistiques comparatifs

avec 2014, puis conclue en présentant ses recommandations pour 2016. Il prend d’ailleurs

plusieurs partis pris quant aux potentielles crises futures. Parmi elles, les employés sources

de crise, la transparence forcée, la considération de l’histoire et de l’éthique au sein de

l’entreprise, ou encore la prépondérance des détournements d’identité visuelle ou de

publicités. Sa thèse, comparaison entre 2014 et 2015, pose la question empirique « Quelles

leçons tirer de ces deux années pour être plus à même de gérer sa communication sur les

réseaux sociaux en 2016 ? ». Cette rétrospective résume bien les tendances en terme de

communication de crise, et les enjeux à prendre en considération dans l’élaboration de sa

stratégie de communication de crise sur les réseaux sociaux.

28

Page 30: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

III. Préconisation stratégique

Cette recommandation pourra ensuite être utilisée par des gestionnaires de communauté

(ou community managers) ou des responsables de communication digitale, afin de les aider

dans leur anticipation et gestion de crises médiatisées. Des solutions cohérentes et

argumentées seront apportées, au regard des recherches et rencontres précédentes.

A. Avant la crise, l’anticipation est reine

Tout d’abord, il est important qu’une marque communique en tout temps (même de “paix”,

donc !) afin de se faire connaître et de se créer une communauté fidèle et qui appréciera la

marque. Pour ce faire, les contenus partagés et créés doivent être adaptés à la cible et au

réseau social de diffusion. Un contenu jugé utile et pertinent, émis de manière régulière,

saura être jugé utile et créera de l’engagement au sein de ladite communauté.

Effectivement, la marque doit créer du lien avec ses consommateurs, mais elle doit

également en créer avec les professionnels. Influenceurs ou entreprises “alliées”, ils seront

le meilleur soutien durant la crise !

Ensuite, le service de communication se doit d’assurer la cohérence entre les différentes

parties prenantes de l’entreprise : employés, actionnaires, fournisseurs, distributeurs,

banquiers, clients, politiques, écologistes, groupes de lobbying, associations de

consommateurs, etc. Il faut garder à l’esprit que diverses parties prenantes influent sur

l’entreprise. Cette dernière peut alors se poser la question de sa réputation. A­t­elle la même

réputation auprès de toutes les parties prenantes, ou est­ce qu’au contraire chacune d’entre

elles se fait sa propre image de l’entreprise, et doit donc être traitée avec une stratégie de

communication de crise différente ?

C’est en étant à l’écoute de chacun qu’une entreprise peut déceler des signaux d’alerte, des

menaces, et ainsi anticiper une possible crise future. Pour rappel, Nestlé a créé une Digital

Acceleration Team pour surveiller et répondre aux risques d’e­réputation du groupe. Cette 29

équipe a été mise en place à la suite des scandales mal gérés de l’huile de palme dans les

29 Se référer à la page 15

29

Page 31: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Kit Kat ou de communications maladroites Nutella. Grâce à un cycle de 9 mois, 3 équipes

ont déjà été entraînées à réagir digitalement en cas de crise.

Une veille permanente des changements, tant de l’opinion et des médias que de la société

permettent d’être réactif et d’anticiper. Cette écoute attentive permet l’identification des

menaces.

Les professionnels distinguent 3 zones d’ e­réputation dans l’écosystème digital . La 30

première est la “zone de contrôle”, c’est­à­dire ce qui reste à la main de l’entreprise : son

site Internet et le référencement naturel associé. La seconde est la “zone de dialogue”,

composée des réseaux d'interaction où la marque a une page propre, en son nom. Cela

peut être Facebook, Twitter, ou encore Youtube. La troisième et dernière zone est celle de

“l’écoute”, où il s’agit de comprendre l’opinion à travers les billets de blogs, les articles de

presse, les commentaires, tweets, avis sur les forums et notes des internautes.

Cette écoute attentive permettra également de pouvoir cartographier les acteurs influants ou

“dangereux, les risques encourus par la marque, et les enjeux auxquels elle devra faire face

à l’avenir. C’est dans cette démarche que l’anticipation prend tout son sens. Les community

managers seront à même de préparer une stratégie de communication de crise : des

schémas, chiffres et photos, mais aussi des communiqués de presse types (en fond et en

forme), et former les cadres et spécialistes à une potentielle crise par le biais d’un média

training. Ce dernier aura pour but de les préparer à parler à une caméra ou un journaliste,

parfois insistant.

La marque sera également à même de créer une cellule de crise à activer en cas de besoin

: quelles personnes pluridisciplinaires et formées, avec quel calendrier (permanences ?

astreintes ?), quels décideurs, et communiquant de quelle manière (flux montant,

descendant ?). Toutes ces questions, répondues en amont, rendront la gestion de crise

préparée et donc plus efficace.

D’autres conseils s’appliquent à cette période, mais prennent toute leur importance en

temps de crise, notamment quant à la manière de communiquer et de s’adresser à son

public sur les réseaux sociaux.

30 MBA MCI, “E­réputation: comment gérer une crise sur les médias sociaux? L’exemple de SFR”, <http://www.mbamci.com/ereputation­gestion­de­crise>, consulté le 28 avril 2016

30

Page 32: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

B. Pendant la crise, concentrer ses efforts efficacement

En premier lieu, il convient d’évaluer la crise au plus juste pour prendre les mesures

adaptées. Le Potentiel d’Exposition Médiatique, comme présenté par Laurent Vibert lors 31

d’un cours à l’ISCOM Lyon sur la communication de crise, repose sur quatre critères

déterminants.

Le premier est relatif à l’exposition de l’événement : est­ce la première crise ou est­ce une

série médiatique (comme par exemple l’affaire Bettencourt), est­ce un organisme connu qui

attaque ?

Le second est l’impact de l’événement. Quels sont les enjeux, la gravité (y a­t­il des blessés,

des morts ?), y a­t­il un impact politique, combien et qui sont les acteurs ?

Le troisième critère est émotionnel. Est­ce que cela touche à la santé publique, au principe

de précaution, à l'environnement, à la religion, ou a touché des victimes innocentes ?

Enfin, le potentiel d’exposition médiatique sera influencé par l’actualité déjà présente et à

venir. Comme expliqué précédemment, si un événement plus important a lieu, l’événement

faible sera passé sous silence.

En fonction de si l’entreprise a été préparée à cette crise grâce à l’anticipation, et en fonction

du potentiel d’exposition médiatique, la capacité de la crise à être massivement relayée sur

les médias sera différente, et l’entreprise devra adapter sa gestion.

Ainsi, deux situations peuvent exister. La première est que l’entreprise a bien décelé 32

l’apparition de messages sensibles, et a ainsi pu anticiper la crise. Les supports de

communication de type communiqué de presse, réunion d’information et stratégie sont déjà

mises en place, il suffit de les activer et les adapter si besoin. Cette stratégie demande une

bonne maîtrise de la communication interne, car les prises de parole des salariés doivent

alors rester sous contrôle pour ne pas créer une seconde crise. Dell et IBM ont d’ailleurs

édité au sein de leur entreprise une “Charte des médias sociaux”.

La seconde est la gestion dite “on­going”, donc au cours des événements. Il faut commencer

par créer une cellule de crise composée de décideurs, d’experts en communication de crise,

et de communiquants. Cette cellule aura pour rôle de définir et mettre en place une stratégie

31 https://fr.linkedin.com/in/laurentvibert/fr 32 CHAZAUD, Nicolas, COUSIN, Hugo, FROSSARD, Fabrice, JEANNE­BEYLOT, François, MILLIAN, David, PASQUIER, Martin, VIOLET­SURCOUT, Antoine, Op. Cit., p.51, 52, 53, 54

31

Page 33: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

de communication dédiée. Il faut donc structurer la parole avec un discours cohérent (tant

dans les prises de parole orales que sur les médias sociaux), et idéalement montrer sa

bonne foi et son sens responsable en positionnant les dirigeants au coeur des

communication, dans un but de rassurer les consommateurs.

Il faut garder à l’esprit que l’essentiel en communication de crise n’est pas toujours ce qui

est arrivé, mais souvent ce que le public pense qu’il est arrivé. C’est une question de

perception de la crise en fonction des parties prenantes, des répercussions et de la

sensibilité de chacun. Pour rappel, c’est à l’entreprise de définir/choisir si elle est en crise ou

non.

Pour gérer au mieux une crise via les réseaux sociaux, les community manager et social

media manager doivent mettre en application certains conseils, avant la crise, et accentuer

ces pratiques pendant la crise.

Premièrement, il est important de hiérarchiser les publics, définir ses cibles et les vecteurs

de diffusion adaptés à chacune. En réfléchissant à cela tant en amont que durant la crise, la

marque sera plus à même d’être à l’écoute de l’opinion publique, et ainsi de conserver sa

crédibilité. Les informations diffusées seront reprises par les internautes, consommateurs, et

médias, et chaque information devra ainsi être scrupuleusement vérifiée pour ne pas

transmettre des éléments erronés, incohérents ou portant à confusion. Les médias

traditionnels viennent amplifier le phénomène de crise, et l’information peut parfois être

déformée ou tronquée. Des acteurs inhabituels peuvent également prendre part au dialogue,

tels que des juges d’instruction, des officiers de police, etc. Il s’agit donc de faire s’entendre

toutes les parties prenantes, de les écouter, de traiter avec elles, sous peine d’avoir son

propre dialogue noyé sous des paroles erronées.

L’équipe de communication digitale ou la cellule de crise doivent également choisir son

porte­parole, toujours dans l’optique de crédibiliser ce message. Avec un interlocuteur

unique, les internautes seront davantage guidés, comme ce fut le cas grâce à Tanguy de

Bouygues . 33

Techniquement, plusieurs éléments indispensables doivent être mis en place par l’équipe de

communication.

33 Se référer à la page 19

32

Page 34: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Tout le service communication doit être réactif, et réagir de façon proportionnée pour

enrayer l'écho médiatique. Dans une gestion de crise, les premières heures sont capitales.

Comme expliqué dans le cas d’Air France en page 16, le silence est perçu comme de

l’arrogance de la part des consommateurs et des internautes. Une fois la communication

établie, il faut diffuser des informations et des messages régulièrement, pour ne pas rompre

le flux.

Un autre élément à ne pas négliger est la gestion des commentaires négatifs ! Il ne faut pas

les supprimer, sous peine d’aggraver la situation en semblant vouloir étouffer l’affaire. Les

auteurs de ces commentaires se sentiront trahis, bernés, et se vengeront sur d’autres

réseaux, d’une manière plus forte. Il faut au contraire les gérer et répondant à la personne

d’une manière courtoise et respectueuse, en s’excusant, en comprenant son problème, et

en l’invitant à venir parler par message privé. Le community manager peut également signer

de son prénom pour créer une relation favorable avec la personne et avec la communauté

en générale.

Un autre élément, souvent oublié et valable en dehors d’une période de crise comme lors

d’événements graves et terroristes, est d’arrêter les publications sponsorisées. Ici, dans le

cadre d’une crise, ce serait fâcheux de diffuser sa publicité vantant le produit ou la marque,

alors que l’un des deux est peut­être critiqué lors de la crise. Par exemple, en télévision,

Nutella fait encore les frais de sa crise sur l’huile de palme, avec ici un internaute qui se

révolte d’une publicité de la marque lors de l’émission de M6 “The Island”, tournée sur une

île verdoyante du pacifique rappelant les déforestations engendrées par l’huile de palme.

Un internaute réprimandant la marque sur une publicité télévisée lors d’une émission M6

Ensuite quant aux contenus à partager, il est primordial de commencer par de mettre en

place un discours précis et compréhensible. En tant de crise, délivrer une information

précoce et transparente à ses internautes par le biais d’explications et de preuves

renforcera le discours et la confiance. Il faut tout de même faire attention aux formules

simplifiées, type “risque zéro”, “principe de précaution”, ou encore “responsable mais pas

33

Page 35: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

coupable” sont à éviter. Il en est de même pour tout jugement précoce sur les causes, les

conséquences et la gravité de l’événement.

Ensuite, dans les publications sur Facebook et Twitter notamment, il est important d’informer

et d’expliquer la situation. Cela peut également passer par des comptes sur les réseaux

dédis de type “Marque_Infos”, via un site Internet dédié, ou grâce à un onglet sur le site

Internet, comme ce fut le cas pour Nutella, qui a gardé un onglet “À l'intérieur du pot”.

Les réseaux sociaux servent ainsi à diffuser de l’information, mais également à exprimer son

empathie et s’excuser si besoin. L’effet émotionnel peut l’emporte sur la crise elle­même, et

la vérité peut ainsi être aveuglée par un morceau d’information à forte émotion. C’est ainsi

que des journalistes attirent les internautes, alors qu’en lisant l’article au complet, le titre

était accrocheur et pas entièrement exacte. Ce sont sur les réseaux sociaux que l’équipe de

communication peut convaincre les indécis, nombreux lors des crises, par exemple dans le

secteur alimentaire.

De plus, il faut garder à l’esprit que les internautes ne dorment jamais. Statistiquement , les 34

crises arrivent le week­end, l’été, la nuit, … bref, au moment où l’équipe de communication

n’est pas au travail pour gérer la crise. C’est alors un silence qui s’installe, perçu comme du

mépris de la part des consommateurs. L’entreprise doit alors être réactive dès les premiers

signaux d’alerte, et avoir anticipé différents cas de figure pour être efficace rapidement.

Plus globalement et pour résumer, il est important pour tout community manager de garder à

l’esprit le schéma créé par Reputatiolab . Selon eux, en termes de contenus, la première 35

étape est l’empathie par rapport au public ainsi que la compréhension de leurs réactions. La

seconde est la temporisation, en demandant au public d’attendre, indiquant ainsi que la

marque est en processus de décision. Troisièmement, la marque se doit d’apporter des

réponses concrètes et rapides à la crise, dans le but de calmer l’enjeu émotionnel du public.

Et enfin, la marque doit s’expliquer sur sa version des faits, sur les mesures prises et à

prendre envers ses clients.

34 Les Echos, “3 conseils pour prévenir les crises de réputation”, <http://business.lesechos.fr/directions­marketing/3­conseils­pour­prevenir­les­crises­de­reputation­110393.php#>, consulté le 29 avril 2016 35 Reputatiolab, “10 recommandations pour la gestion de crise 2.0”, <http://www.reputatiolab.com/2013/09/recommandations­pour­la­gestion­de­crise >, consulté le 29 avril 2016

34

Page 36: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Malgré ces conseils, certains travers peuvent émerger, et il faut les éviter à tout prix. Cela

inclue le silence, le mensonge, le non respect et le manque d’humilité, qui ne feront

qu’aggraver la crise. De plus, faire une déclaration rassurante si elle n’est pas adaptée

pourrait même créer une seconde crise ! Enfin, une mise en cause des médias non avérée

ou un démenti non adapté seront d’autres facteurs aggravateurs.

C. Après la crise, la phase de la cicatrisation

La marque doit attendre que la crise soit belle et bien finie avant de tenter de récupérer

l’affection de son public et redorer son image. Une précipitation de la marque ne fera que

créer une nouvelle crise, ou à minima créer une incompréhension et un désarroi chez ses

consommateurs.

Vient ensuite le temps de l’analyse de la gestion qui a été faire, des conséquences

engendrées et évitées, pour pouvoir en tirer des enseignements. Les leçons peuvent être

positives en cas de bonne gestion, mais peuvent aussi résider dans l’embauche d’une

agence de veille d’e­réputation, comme ce fut le cas avec le professionnel interrogé

travaillant chez le Groupement des Mousquetaires , ou encore dans une meilleure 36

formation en gestion de crise des community manager .

La marque se doit également de continuer à interagir avec sa communauté (créée ou

entretenue), pour l’améliorer et la fidéliser. L’équipe communication peut également faire le

choix de garder la transparence et d’aborder en cas de besoin le problème, ou d’en donner

le dénouement.

Il faut garder à l’esprit que l’échec peut être tendance. Dans la culture française, avouer et

assumer ses échecs entrepreneuriaux ou managériaux ne va pas de soi, mais il reste

important de dédramatiser l’échec pour rassurer ses consommateurs, en parlant

ouvertement du problème.

36 Entrevue disponible en annexe, page 45

35

Page 37: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Conclusion

La société mondiale s’est fortement digitalisée ces dernières années, et avec elle les

réseaux sociaux se sont démultipliés. Leur usage est quotidien pour la plupart des

internautes, et cette instantanéité crée une menace d’e­réputation pour l’entreprise.

En corrélation avec les lectures et les professionnels interrogés, la marque ou l’entreprise

doit adapter son mode de fonctionnement et sa communication en fonction de la crise et de

son importance. Ainsi, il est important qu’elle démontre son sérieux et son empathie, tout en

restant transparente sur les événements. L’entreprise doit également communiquer dans la

durée, en gardant la main sur les informations diffusées et leur exactitude, tout en assurant

la cohérence du discours et surtout sa continuité et sa régularité.

Cependant, il a également été mis en évidence que pour endiguer une crise, communiquer

sur les réseaux sociaux ne suffit pas. La télévision et la presse restent prédominants en

terme d’information, et les réseaux sociaux ne sont alors qu’une chambre d’amplification du

discours de la marque. De plus, ces solutions sont à adapter en fonction des marques, de

leur communication actuelle, de leur cible. Concrètement, une marque de luxe ne

communiquera pas comme Nutella par exemple.

Ce mémoire a aussi démontré le manque de connaissances à propos de la gestion de crise

de la part de certains community manager et social media manager, conduisant à un besoin

en formation. Cela doit être réalisé tant dans les petites entreprises que dans les grands

groupes, car toute la pérennité de l’entreprise peut être remise en jeu lors d’une crise.

Il faut ainsi garder à l’esprit que gérer une crise grâce aux réseaux sociaux, c’est nécessaire

si sa cible y est présente, mais anticiper une possible crise grâce à une stratégie de com et

des outils de communication digitale et de relations presse, c’est mieux ! L’entreprise est

ainsi prête à faire face aux éventualités, et sa réaction n’en sera que plus rapide.

Les professionnels s’accordent à dire qu’une marque qui n’est pas présente, ne

communique pas, ou d’une façon peu adaptée aux réseaux sociaux, va être critiquée par

ses consommateurs et remet en question la survie de son entreprise.

36

Page 38: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Annexes

Bibliographie ACHOUR, Mouloud, « Clique x Nicolas Vanderbiest », <https://youtu.be/OvsExoRcwfE>, 2

Octobre 2015

ALLOING, Camille, « E­réputation et communication de crise : quels liens ? », <

http://caddereputation.over­blog.com/article­e­reputation­et­communication­de­crise­quels­li

ens­112127171.html>, 5 Novembre 2012, consulté le 05.03.16

ARRIZURIETA, Céline, « La communication de crise à l’épreuve des médias sociaux », <

http://www.ogilvy­pr.fr/2013/la­communication­de­crise­a­lepreuve­des­medias­sociaux/>, 25

Février 2013, consulté le 13.03.16

BABKINE, Anthony, « 7 conseils pour anticiper et gérer une communication de crise sur les

médias sociaux », <

http://www.anthonybabkine.com/2015/09/7­conseils­pour­anticiper­et­gerer­une­communicat

ion­de­crise­sur­les­medias­sociaux/>, 7 Septembre 2015, consulté le 10.03.16

BLOCH, Emmanuel, Communication de crise et médias sociaux, Paris, Dunod, 2012, 224 p.

BOYER, Clémence, « Parler de ses échecs, c’est tendance ! », <

http://start.lesechos.fr/entreprendre/actu­startup/parler­de­ses­echecs­c­est­tendance­2219.

php#xtor=CS2­11>, 11 Septembre 2015, consulté le 10.01.16

BROSSAS, Vincent, « Bad buzz sur les réseaux sociaux : comment le gérer ? », <

http://www.leptidigital.fr/reseaux­sociaux/bad­buzz­gestion­6276/>, 26 Novembre 2015,

consulté le 07.03.16

CHANTREL, Flavien, « Décryptage : la communication de crise à l’heure du web », <

http://www.blogdumoderateur.com/communication­crise­web >, 4 février 2015, consulté le

09.03.16

37

Page 39: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

CHAZAUD, Nicolas, COUSIN, Hugo, FROSSARD, Fabrice, JEANNE­BEYLOT, François,

MILLIAN, David, PASQUIER, Martin, VIOLET­SURCOUT, Antoine, Influence et réputation

sur Internet: communautés, crises et stratégies, Paris, La Bourdonnaye – Collection AEGE,

2013, 120 p.

DAAR, Catherine, « Interview avec Nicolas Vanderbiest, blogueur chez My Community

Manager »,

<http://www.daarcommunication.com/podcast/2016/1/25/10mmoires­de­crises­des­badbuzz­

2015­avec­nicolas­vanderbiest#sthash.3rJLUn47.dpuf>, 25 janvier 2016, consulté le

10.03.16

DEISS, Jérôme, « Bad buzz : gérer une crise sur les réseaux, les règles d’or », <

http://veille­digitale.com/bad­buzz­gerer­une­crise­sur­les­reseaux­les­regles­dor/>, 1

Octobre 2013, consulté le 10.03.16

GORIUS, Aurore, « Réussir sa com de crise : 5 exemples à la loupe », <

http://www.journaldunet.com/management/direction­generale/communication­de­crise/>, 15

Juillet 2013, consulté le 10.01.16

HERVÉ, Emmanuelle, Communication de crise et réseaux sociaux, Conférence

Internationale sur l'Impact des Médias Sociaux sur les Entreprises et les Organisations,

Marrakech, 11 octobre 2012

HICHRI, Hédi, Communication de crise d’Air France, Magazine de la communication de

crise et sensible, Août 2009, consulté le 10.01.16, 9 p.

LIBAERT, Thierry, « Critique des ouvrages de communication de crise », <

http://www.tlibaert.info/wp­content/uploads/2012/10/5­juillet­14­ppt­crise.pdf>, 2014, 48 p.

National Intelligence Council, Global Trends 2030,

<https://globaltrends2030.files.wordpress.com/2012/11/global­trends­2030­november2012.p

df>, Décembre 2012, consulté le 30.03.16, 166 p.

RHEINGOLD, Howard, The Virtual Community: Homesteading on the Electronic Frontier,

1993, 447 p.

38

Page 40: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

TNS SOFRES, Baromètre 2016 de confiance des Français dans les médias,

<http://www.tns­sofres.com/etudes­et­points­de­vue/barometre­2016­de­confiance­des­franc

ais­dans­les­media>, 2 Février 2016, consulté le 11.03.16, 36 p.

TYMEN, Marina, La communication de crise ­ Le cas Air France, Conférence Media Aces,

ESG Paris, Novembre 2013

VANDERBIEST, Nicolas, En 2020, tous en « crise » ?, Magazine de la communication de

crise et sensible, n°23, Décembre 2015, p.51­57

VANDERBIEST, Nicolas, « Où en est l’utilisation des médias sociaux en gestion d’urgence

(#MSGU) », <

http://www.reputatiolab.com/2015/03/ou­en­est­lutilisation­des­reseaux­sociaux­en­situation­

durgence­msgu/>, 11 mars 2015, consulté le 20.02.16

VANDERBIEST, Nicolas, « Rétrospective des bad buzz 2014 », <

http://www.visibrain.com/fr/blog/infographie­2014­annee­badbuzz >, 21 janvier 2015,

consulté le 30.01.16, 45 p.

VANDERBIEST, Nicolas, « Rétrospective des bad buzz 2015 », <

http://www.visibrain.com/fr/blog/livre­blanc­bad­buzz­2015 >, 19 janvier 2016, consulté le

30.01.16, 53 p.

WATKINS, Peter, Media Crisis, Paris, L’échappée, 2015, 204 p.

39

Page 41: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Bilan de l'enquête terrain

J’ai réalisé 2 enquêtes qualitatives : la première à destination des professionnels pour

comprendre les problèmes qu’ils rencontrent et la manière dont ils gèrent une crise sur leurs

réseaux; puis une seconde à destination des particuliers, pour comprendre leur

consommation de l’information et leur mémorisation des crises sur les réseaux sociaux.

Ainsi, je souhaitais interroger 5 professionnels en face­à­face ou par téléphone, j’en ai

finalement interrogé 4, d’horizons différents : un responsable e­réputation d’une chaîne

nationale de supermarchés, un business development manager pour un site e­commerce,

une social media manager en agence de communication, et une social media manager

freelance. Les 4 crises et leurs gestions étaient très différentes, certaines beaucoup plus

efficaces que d’autres. Les résultats obtenus sont ainsi variés, et montrent à la fois les

bonnes pratiques et les erreurs à ne pas commettre.

Quant aux particuliers, je souhaitais interroger 4 groupes : deux de personnes dites

“connectées”, et deux de personnes dites “non connectées”, chaque groupe représentant 5

personnes, soit un total de 20 personnes. Dans mon entourage, trouver des personnes

réellement non connectées a été compliqué, ainsi je n’en ai trouvé que deux, considérées

comme peu connectées. De l’autre bord, j’ai interrogé 5 personnes connectées, séparées en

deux groupes.

40

Page 42: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Guides d'entretien

Guide d’entretien pour les professionnels

Introduction Merci de m’accorder de votre temps. Comme expliqué précédemment, je vais vous

interroger afin de connaître votre vécu et vos conseils sur des problématiques liant

communication de crise et réseaux sociaux.

Pouvez­vous me donner votre âge, votre profession, ainsi que l’année où vous avez

commencé à exercer s’il vous plaît ?

Thème 1 : Leur rapport aux réseaux sociaux Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ? Sur quels réseaux êtes­vous présents, à quelle

fréquence, et pourquoi ?

Professionnellement maintenant, d’une manière générale, quelle part est offerte aux réseaux

sociaux par rapport aux médias traditionnels ? Comment les cibles et objectifs de la marque

sont exprimés ou adaptés pour les réseaux sociaux ?

Piste de guidage :

­ Cibles/objectifs différents des médias traditionnels ? Différents d’un réseau social à un

autre ?

Thème 2 : Les marques ayant subi une crise avec répercussions digitales connues Lorsque j’évoque une crise ayant eu des répercussions sur les réseaux sociaux, à quelles

marques ou à quels événements pensez­vous ? Pourquoi ? À votre avis, était­ce une

gestion efficace de la crise ? Pourquoi ?

Thème 3 : Leur expérience À titre professionnel, avez­vous vécu une crise démarrée ou répercutée sur les réseaux

sociaux ? Si oui, comment l’avez­vous gérée ? Qu’est­ce que cela a engendré pour les

prises de parole futures ?

41

Page 43: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Thème 4 : La gestion effective + conseils Selon vous, quels sont les indispensables pour chaque étape d’une crise sur les réseaux

sociaux ?

Pistes de guidage :

Anticipation

Gestion

Après­crise

Comment avez­vous encadré la perte de contrôle engendrée par cette crise et la prise de

parole des internautes ?

­ Insister sur la manières dont il faut modérer ou non les commentaires et pourquoi !

42

Page 44: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Guide d’entretien pour les particuliers

Introduction Merci de m’accorder de votre temps. Comme expliqué précédemment, je vais vous

interroger afin de connaître votre consommation des médias et votre avis sur des

problématiques liant communication de crise et réseaux sociaux.

Pouvez­vous me donner votre âge et votre profession s’il vous plait ?

Thème 1 : Où vont­ils chercher l’information ? Habituellement, si vous avez besoin d’une information sur une crise en cous, où allez­vous

la chercher ?

Pistes de guidage :

TV (chaînes spécialisées, journal télévisé ou matinale)

Radio (d’information ou de divertissement)

Internet (moteurs de recherche, réseaux sociaux, presse en ligne)

Presse papier

Sur quels supports en particulier ?

Pistes de guidage :

TF1, France 2, M6, BFM TV, etc.

France Info, Europe 1, RFM, etc.

Google, Yahoo, Facebook, Twitter, liberation.fr, lemonde.fr, médiapart, etc.

Les Echos, 20 Minutes, Le Nouvel Observateur, etc.

À quelle fréquence regardez­vous le journal télévisé ?

Comment recoupez­vous les informations lues, vues et entendues ?

Comment vous tenez­vous informé en temps réel ?

Piste de guidage :

Suivre le compte Facebook ou Twitter du journal

Être abonné à des notifications mobile

Être abonné à des alertes email

43

Page 45: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Thème 2 : Leur rapport aux réseaux sociaux Quelle utilisation d’Internet faites­vous ?

Êtes­vous présent sur un ou plusieurs réseaux sociaux ? Si oui, lesquels, et pour quel usage

?

À quelle fréquence les consultez­vous ?

Thème 3 : La crise digitale et les marques Quelles marques ou produits ont subi une crise qui s’est répercutée sur les réseaux sociaux

?

Pistes de guidage :

Si ne peut pas citer, expliquer le cas Nutella et Findus.

Nutella, basé sur ces deux articles : http://www.huffingtonpost.fr/2012/12/04/nutella­compte­twitter­critiques­site­internet­h

uile­de­palme_n_2237164.html

http://www.leblogducommunicant2­0.com/2013/02/09/nutella­une­communication­qui

­ne­tourne­pas­autour­du­pot/

44

Page 46: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Résumé d'un entretien ANTOINE DESCAZALS ­ RESPONSABLE E­RÉPUTATION DU GROUPEMENT DES MOUSQUETAIRES

ASSEZ BONNE GESTION Contexte : La dessinatrice Pénélope Bagieu a rencontré en 2013 lors d’un TED la dirigeante

de l’ONG Bloom. C’est une association de sauvegarde des espèces marines, qui lutte

notamment contre la pêche en eaux profondes.

Une BD est parue, et une pétition circule sur les réseaux sociaux (900 000 signatures, 300

000 partages sur Facebook). Une BD, c’est facile à partager, simple à comprendre, c’est

drôle, décalé.

Crise subie : Le Groupement, et particulièrement la Scapêche, ont alors été stigmatisés.

Les publications appelant à signer la pétition ou reprenant des termes de celle­ci se sont

multipliés sur les réseaux sociaux d’Intermarché, entachant ainsi les deux enseignes.

Réaction : Le Groupement des Mousquetaires n’était pas préparé ! Pas de Facebook ni de

Twitter pour Scapêche, et le groupe est présent sur beaucoup de sujets avec beaucoup

d’informations, il est difficile de voir qu’est­ce qui va potentiellement évoluer en crise.

Quelques messages ont été postés sur les comptes Intermarché, mais avec parcimonie car

ce sont deux entités différentes, et surtout, trop tard !

L’ONG communiquait des inexactitudes. Le groupe a donc essayé de rétablir la vérité via

son groupe de lobby, mais difficile de faire entendre sa voix en deuxième position.

Ils mettaient des informations sur leur site web qu’ils relayaient ensuite timidement sur leurs

bébé réseaux, et n’ont donc pas réussi à faire valoir leur discours (vrai) contre l’ONG.

Il n’y a quasiment pas eu de répercussions sur les médias traditionnels (TV), et la crise,

restée sur les RS, a eu un impact moindre, qui s’est calmé relativement vite. Les RS

amplifient, mais si la TV n’en parle pas, ça reste ok. La TV reste prédominante sur

l’exposition.

Au final, ils ont contacté l’ONG et signé un accord.

45

Page 47: ISCOM 2016 - Mémoire Communication de crise et reseaux sociaux

Leçons tirées : dorénavant, agence gère l’e­réputation, et étudie jour après jour les

tendances d’e­réputation du Groupement des Mousquetaires. Anticipe un peu avec des

formules modèles qui seront adaptables sur les réseaux sociaux.

Analyse pertinente de la crise : http://www.mycommunitymanager.fr/bad­buzz­intermarcheitineraire­dun­hold­up­presque­pa

rfait

46