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N° 1  -  Mars 2010 Regards Le  magazine  où  on  en  parle… L 12873 - 603 - F: 2,20 €

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n Coup de CœurLéo Ferré 36

n Le nouveau jeu on-line

« Shaiya » 44

n Bulles« L’arbre du voyageur »   26 

N° 1  -  Mars 2010

R e g a r d sL e   m a g a z i n e   o ù   o n   e n   p a r l e …

L 12

873

- 603

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0 €

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Mars 2010 - Regards 3

Edito ...................................................................................... 3Tendance

« Trop bien !!! »  .........................................................  8HigH-TecH

« Livres pleins la poche… »  ..........  10QuoTidien

« Bons plans pour  dépenser moins » .............................................. 14ScienceS

« Consommez Vert » .................................. 20Monde : afriQue « Les guerres des pauvres » .............. 24renconTre

« Laurent Genefort, un univers bien structuré »  ........... 25BulleS

« L’arbre du voyageur » ....................... 26

Sommaire N° 1    -    Mars  2010

Regards61, rue Orphila, 75020 Paris Tél. : 06 19 20 67 39 Abonnements:[email protected]

Co-fondateur : Patricia BlancPrésident-Directeur Général, Directeur de la publication: Lancelot L’Aimé (95 13) Directeur Adjoint: Merlin (95 08)Assistantes: Guenièvre (95 12), Nimue (95 22)

RÉDACTIONDirecteur Adjoint: Arthur LeBon (95 16) Conseiller de la direction : quiasimodis quidemod escia quas assum rem quis doluptatia sit que laboreici comnimu scidelit hitassi quoditaqui ipiet alibuste que consequos culpa et ressum si ad quas ea non et occae nonsecu lpa-rum inverum harum labor samus molupta niscipitata si dolorun dusandi aut quam et audae parunt reptur autem audit pel idebit, cust fugitis accae ressit ducillitae. Nem ea nonsenimosa vero totatur? Ique aruptat usapienet veriatur aliquo ma doluptate est, que nimuscia perum assunt aut alibus, seque et omnimin conseri dolene voluptas vent iur?

Odisciusdae verum aut prem sit excepel endelit essequi dem expel-lab ius volorem nonsend anissit laut essectius sumqui delecabo. Omnisimus aspidist quias volupti busandi blaborum exped ma dendae sundi oditat.

Atemosa ndaeprerum volupta doluptin nimusdam, qui consenet quae enemporitat quas soles volupta sed ut explit maios restion seritaquiat harcima ximporiorem et voloritasse liquunt quo derume-nienim ut repelitis dolorundebis rem ad mi, il inieturio bla idiam aut officias sunt faces estiostrum ut optaqua temposs imoluptatur, offic to ipsa voloreptat maxime et ex evenimodion commos es audit odio. Mi, odi simporibus nobit harume renit res aut vit, si quunt aliquas et eum nimillibus nimusam fugiaer ferciur alignis dolupta estiosam quas quunt earundis est quo ipicium sequatur, solestiae pro volorio temquam, veritem dolorrum explaccus earchil ide odit que ea dolupta spedit faceatem sed quis vendis a dendani restem sed maio evus soluptati rernamus abo. Itatem es evereprovid que si doluptati odignatur?

Lant eumquiant vendae nonsequas in niassi ant dento explic tor seque peribus magnatem fugiae aute autate cone debit acepra que non conecatem quibus.

36 Regards - Mars 2010

Repères

36 Regards - Mars 2010

RepèresRepères

Mars 2010 - Regards 37

Repères

La Conception de la Création de Léo Ferré

Léo Ferré est un homme de communica-tion. Toute sa vie, il n’a cessé de lancer «à la tête des gens des mots. « Sans culotte/ Sans bande à cul »,comme il le dit dans Le Chien, de faire des mots des outils de provocation et de révolte.

Les mots, il savait les manier, en faire des armes de revendication. Ils étaient, pour lui,

des instruments d’acceptation, mais aussi de refus. Maîtrisant parfaitement le langage, il

en usait avec délectation, avec une sensualité qui provoquait l’adhésion et l’admiration, qui, jointe à la

sensualité de sa voix et à l’ampleur de sa musique, véhi-culait une intense émotion, conférait à ce qu’il exprimait une

grande force de conviction, un élan irrésistible de persuasion.

Léo Ferré a consacré de nombreux textes à dire la puissance des mots. S’exprimant parfois en théoricien, il a produit de longs développements dans lesquels il fait part de sa conception de la littérature, il s’efforce de définir les différents usages qu’il convient de faire des mots. Ce type de réflexion jalonne sa carrière littéraire, constitue comme des repères qui permettent d’éclairer sa création. Après avoir, en 1956, dans Préface, livré sa vision de l’écriture, il revient à la charge, en 1962, dans Le Style, où il pré-sente l’écriture comme une tension permanente, comme une invective, comme une grenade qu’il faut lancer dans la foule, pour provoquer sa réaction, pour l’amener à sortir de son apathie et de sa résignation.

Robert Horville

Alors Léo ? Le StyleJ’étais dans le cabinet des métaphores, la loupe à l’œil, à regarder dans le méca-nisme compliqué du style. Le style c’était une invention de l’âme pour distraire l’esthète que j’étais. Je trouvais du style à tout et préfigurais même une télévi-sion odorante, une télévision à diriger l’économie olfactive. Nous y arrivons, patience !

Le style c’est cette partie du beau qui s’analyse, dans le repos, quand le spectacle flanche. C’est un arrêt dans la culture, pour mieux goûter. Le style c’est cette dame qui descendait l’autre matin les Champs-Elysées, plantée sur des aiguilles et dont le balancement se ressentait de cette position perchée et voulue telle. C’est ainsi que déambulent les hommes efféminés, me disais-je. Le style c’était la « femme », bateau à voile dérivant parmi la foule, tout envergué de chair gonflée et de prescience, l’œil en vigie à scruter le pirate. Le faux, la basse imitation gisait dans mon for intérieur quand j’échangeais les sexes.

Sommaire• La Conception de la Création de Léo Ferré ............................................36• Le style .................................................................................................................................. 37• La mémoire et la mer ............................................................................................... 40• La solitude .......................................................................................................................... 42• L’Art et les artistes ..................................................................................................... 42• L’Anarchie ........................................................................................................................... 43

Le style meurt d’une intention fraudu-leuse. Le style c’est une prison dans un champ libre. C’est le bâillon du superflu. La poésie est une fureur qui se contient juste le temps qu’il faut, pendant que se bande l’arc, là, au milieu de la flèche. Elle doit respirer, elle s’étire d’aise et puis s’en va, vers sa destination. J’avais la phrase dans les mains, comme une grenade avant l’éclatement. Eh bien, je lancerai des mots, dans la foule, au hasard, et les livres ne seront plus de mise. On lancera la poésie, avec les mains, avec des caractères gutturaux, – du romain de glotte – : des cris jetés comme des paquets parleurs à la face de la commodité et du confort plastifié.

J’étais au milieu de la rue. J’étais aussi là-haut, aux fenêtres, entre la vitre et l’univers clos de l’inconnu et du pos-sible, comme un store, et je mesurais de là, l’étendue, la forme, les cris de la ville : les murs à la verticale de la chaus-sée, autant de jambes prometteuses de

▲R e g a r d s Le magazine où on en parle…

culTure

« La Belgariade » ........................................... 32découverTe

« Les noms des couleurs » ................. 32enQuêTe

« Le courrier  dans tous ses états » .................................... 34coup-de-cœur

« Alors Léo ? » ......................................................... 36MulTiMedia

« Shaiya » ..................................................................... 44

Un son d’exception qui comblera les fans de musique les plus exigeants… Avec le nouveau NEC N500i et i-mode Haut Débit TM, vous pouvez télécharger l’équivalent d’un album entier et créer votre propre playlist* grâce à son lecteur de musique/MP3 !

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* liste de lecture

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Je suis né tout nu. Pas besoin de treillis et de lunettes

de soleil pour faire la guerre!» Ce cri d’un jeune drogué,au milieu du carnage dans les rues de Freetown,résume les épouvantables boucheries qui ensanglantentd’Ouest en est le continent africain. En, Sierra Leone,

des chefs assoiffés de pouvoir et de sang prennent des Casquesbleus en otages et manipulent des hordes de soudards pour lecontrôle des mines de diamants. Gemmes étincelantes qui nerapportent pas un sou aux populations mais les soumettentencore davantage - via le trafic d’armes - à la loi du plus fou.Dans la Corne de l’Afrique, l’Ethiopie et l’Erythrée ont de nouveaudéterré la hache de guerre depuis le 10 mai. Le différendinitial peut sembler dérisoire: des arpents de terre caillouteusequi bornent la frontière entre les deux pays. En réalité,les raisons de cetinterminable conflit (desdizaines de milliers de victimesen deux ans) sont économiques: deux portssur la mer Rouge perdus pour l’ancien empireabyssin depuis l’accession de l’Erythrée à l’indépendance, en1993. Du côté érythréen, l’héritage de l’ex-colonisateur italiena aggravé la situation puisque la région était à cette époqueplus étendue. Résultat: un festin supplémentaire offert à lacamarde. Car la mort menace déjà 8 millions d’Ethiopiens avecla grande famine provoquée par la sécheresse. Ces pays sontparmi les plus pauvres du monde: l’espérance de vie, dans laCorne de l’Afrique, ne dépasse pas 36 ans. En Sierra Leone,le produit national brut par habitant et par an est de 180dollars, en Ethiopie et en Erythrée de 100 dollars. En France,il est 250 fois plus élevé!

Qu’importe le sangpourvu qu’on ait le businessLes guerres de pauvres sont donc un suicide. Mais

les « dynamiteurs» n’en ont cure. Dans le cas éthiopien,il s’agit aussi de légitimer un régime autoritaire:Addis-Abeba a envoyé ses troupes contre Asmaradeux jours avant des élections législatives quele pouvoir voulait triomphales. L’ultimatumlancé par les Nations unies n a pas étéentendu. Au contraire, dans la capitaleéthiopienne, les manifestants ont célébré

l’appel aux armes, providentiel alibi del’union sacrée. Les

exhortations del’Organisation

de l’unité africainerestent tout aussi vaines.

Pour l’heure, les états-majors respectifs recensent à

coups de communiqués contradic-toires les 25 000 morts érythréens etles 7 200 morts éthiopiens. Vainqueurset vaincus en sortiront de toute façonaussi exsangues les uns que les autres:le coût de cette guerre - menée parl’aviation, l’artillerie, les troupes au sol -

précipite l’agonie des populations. Etla communauté internationale, bien

impuissante, menace desuspendre l’aide humanitaire

prévue pour faire faceaux ravagesde la famine.

Défiée à Addis-Abeba, ridiculisée

en Sierra Leone,elle révise désormais ses

engagements à la baisse. Ledéploiement des forces onusiennes en

pleine zone diamantifère n’a-t-il pas eu poureffet de déclencher la fureur des rebelles de Foday

Sankoh ? Et pour cause : après le cessez-le-feu dejuillet 1999, le « théoricien de la machette » s’était

retrouvé vice-président… chargé des ressources minières !Car, on s’en doute, les diamants de Sierra Leone sont

une juteuse affaire pour tout le monde. Les chefs degang les échangent contre de véritables arsenaux,

livrés par le Burkina Faso. Lequel s’approvisionnechez les marchands d’armes des ex-républiques

soviétiques, trop heureux d’acquérir de nouveauxdébouchés. Quant aux grands diamantaires

du commerce international, ils ne sont pastrès regardants sur l’origine de leurssolitaires. Qu’importe le sang pourvuqu’on ait le business!

Martine GOZLAN

Les guerres des pauvresSierra Leone, Ethiopie, Erythrée... La guerre tourne dans ces pays au suicidesanglant. Entre misère et folie furieuse.

rencontreMonde : Afrique

Mars 2010 - Regards 2524 Regards - Mars 2010

UUnn UniversUnivers bienbien strUctUréstrUctUré« Mon univers, contrairement à ceux de Herbert ou d’Asimov,

est volontairement composite et chamarré comme celui de Vance,avec en plus une touche hard-science qui en augmente leréalisme; c’est un univers ouvert, qui me permet de faire cohabiterdes histoires et des genres très différents. Le space-opera estidéal pour créer un univers marqué par la variété. C’est uneauberge espagnole où on trouve ce qu’on y apporte. De l’aventurepure, des récits Initiatiques, des enquêtes policières ouethnologiques.… On y trouve même des romans psychologiques!Peu à peu est née cette notion de Panstructure sur laquelle mesromans sont construits. En gros, l’expansion humaine à traversla galaxie est tributaire des Portes de Vangk, vastes artefactsextraterrestres sujets à toutes les conjectures. Un dessein sous-tend cette expansion, un projet à la fois étranger et supérieurau destin de l’humanité. Actuellement, je poursuis l’explorationde cet univers, tout en apportant certaines réponses trèsprogressivement : il faut faire durer le plaisir!»

UUnn MondeMonde enen expAnsionexpAnsion« En projet, il y a une adaptation des Peaux-épaisses en BD,

sous la plume de Fred Blanchard, qui supervise aussi le scénario.Le résultat devrait être assez différent du roman d’origine : l’idéeest que, comme pour les adaptations cinématographiques, l’espritplus que la lettre soit respecté. Un séquencier a été élaboré,ainsi qu’une dizaine de designs. J’ai été contacté pour une sérietélé de SF, mais jusqu’à nouvel ordre, le projet est arrêté. J’aimeraisbeaucoup participer à l’élaboration d’un jeu vidéo. Mon plusgrand regret est de n’avoir joué aucun rôle dans ce domaine àl’époque héroïque des années 80. Heureusement, beaucoupde choses restent à faire ! Je ne désespère pas d’apporter unjour ma brique à l’édifice… Je suis très sensible à ce que fontles autres auteurs. En SF comme en fantasy, on trouve desœuvres très personnelles, qui renouvellent le genre. Certainsverrous ont sauté, sur l’importance du récit ou l’attitude vis-à-vis de la science. Depuis cinq ans est en train de se constituerun corpus vraiment impressionnant. C’est un fait nouveau. Nousvivons une période intéressante.»

LLee récitrécit estest UneUne MoLécULeMoLécULe poLyMèrepoLyMère« Depuis plusieurs années, Caro réfléchissait à l’adaptation

d’un poème de Lewis Carroll. Il a demandé aux dessinateurs

Fred Blanchard et OlivierVatine de réaliser quelquesdessins préparatoires.Ceux-ci lui ont donné deuxde mes romans, Le Sangdes immortels et LesCroisés du vide. Après lesavoir lus, Caro m’a contactépour me demander de collaborer à son scénario en dépit du faitque je ne connaissais rien à ce métier. On peut dire que j’aiappris sur le tas… Les réécritures ont duré près d’un an. Au fildes versions, j’ai appris à ne rien tenir pour acquis. Le scénarion’est pas une œuvre en soi mais un outil pour le réalisateur etle producteur. Par conséquent, il faut se considérer comme untechnicien de l’écriture, rien de plus. Le récit est une moléculepolymère, dont les propriétés changent en fonction de la positiondes atomes dans l’espace... Plusieurs fois, nous avons tout mispar terre et tout reconstruit, atome par atome. « Ça n’a pas étésans grincements de dents ! Ce que j’ai appris de plus important,c’est de défendre une idée : quand vous êtes écrivain, personnene vient vous embêter au moment de la conception! Travaillercomme scénariste est moins cool, mais salutaire: ça vous apprendl’humilité». « Ma passion pour la SF remonte à l’enfance et estpassée (d’abord) par les écrivains de SF classiques Américains,la BD de l’école française, le cinéma… et la micro-informatique!Je suis passé de la lecture à l’écriture à 19 ans, sans heurt :cela me paraissait une évolution naturelle que de prendre lerelais, d’inventer des mondes après avoir rêvé sur ceux desautres. Mon premier roman a été publié à 20 ans. J’ai profitéalors d’une « brèche » chez l’éditeur Fleuve Noir, dont le directeurvenait de partir, emmenant avec lui beaucoup des meilleursauteurs… Vingt-cinq romans ont suivi, dans le domaine du space-opera, c’est-à-dire des aventures dans l’espace ou sur desplanètes exotiques. J’ai également entrepris une saga de fantasy(Chronique de Wethrin, N.D.L.R.), qui compte jusqu’à présentdeux romans et quelques nouvelles. »

Propos recueillis par Fabrice Colin

Quelques romans :• Les Peaux-épaisses (1992, Fleuve Noir Anticipation, réédition Mnémosen 1998)• Arago (1993, Fleuve Noir Anticipation, Grand prix de l’imaginaire 1995)• Les opéras de l’espace (1996, Fleuve Noir Anticipation)• Le château cannibale (1998, Chronique de Wethrin, LCE/Abysses)• Omale, le monde fermé (J’ai Lu Millénaires, à paraître prochainement)

Laurent Genefort, un univers bien structuréA 31 ans, Laurent Genefort est l’un des auteurs de science-fiction français les plustalentueux et les plus prolifiques de sa génération, aux côtés de Serge Lehman, Pierre Bordage ou Roland C. Wagner. Brillant touche-à-tout doté d’un véritable projetlittéraire, personnage unanimement respecté dans le milieu SF pour son talent et samodestie, il se révèle au fil des ouvrages un véritable constructeur de mondes et n’hésitepas, lorsque l’occasion se présente, à lorgner du côté des media visuels.

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bulles

26 Regards - Mars 2010

L’arbre du voyageur

1905Winsor McCay réalise les

premières planches de Little

Nemo, son chef-d’œuvre. Si

McCay n’a pas été pas l’inventeur

de la bande dessinée, il fut sans doute le premier génie

du médium, tout comme il investit le dessin animé avec

une créativité débridée. Les innovations graphiques,

spatiales et narratives de ses songes

dessinés sont aujourd’hui encore

stupéfiantes. « Cubes, cylindres,

perspectives architecturales, mais aussi

vasques, plantes, animaux et spirales: le

répertoire de Winsor McCay, fondé sur

un extraordinaire talent visuel

et sur un apprentissage intensif

des primitives de la géométrie à trois

dimensions, fit de lui un expérimentateur

avant la lettre de l’image de synthèse »1.

Voilà notre première racine, à partir de

laquelle vont s’épanouir la bande dessinée,

le dessin animé et bientôt l’image de synthèse...

1912Second terreau : H.G.Wells,

l’auteur de La guerre des mondes,

écrit une série d’articles consacrée

à ce qu’on n’appelle pas encore

les wargames. « Wells procède à une systématisation

des règles pratiquées dans les cercles de joueurs qu’il

fréquente et jette ainsi les bases d’une uniformisation

des mécanismes ». Le père fondateur de la science-

fiction, avec Jules Verne, s’avère être le premier

architecte des jeux de simulation!

1954J.R.R.Tolkien publie Le Seigneur

des Anneaux. Plus qu’une histoire,

c’est un monde entier, crédible

et hypnotique qui est proposé

au lecteur. Ce dernier arpente les Terres du Milieu, s’y

balade, et y retourne, fasciné par la cohérence des

lieux. Jusqu’à ce que naisse en lui l’envie de prolonger

le voyage, mais cette fois en se détachant des pas de

Gandalf et de Frodon. Ce roman en forme de monde

provoque un désir d’interactivité d’une force inédite :

c’est de l’engrais pour notre arbre du voyageur !

1973C’est l’année de la mort de

Tolkien : Gary Gygax et Dave

Arneson élaborent un

wargame d’heroïc-

fantasy, justement inspiré du Seigneur des

Anneaux. Ils se mettent à faire parler les

personnages et à imaginer leurs réactions

sur le champ de bataille. Le jeu de rôle naît

ainsi, héritier du monde de Tolkien et du

système de jeu anticipé par Wells.

Cette nouvelle branche va vite

s’épanouir et faire la fortune d’un

nouveau né: le jeu vidéo2. On sait à

quelle vitesse et avec quel succès

il s’est accaparé les inventions et

les univers du jeu de rôle. Que

serait la micro-informatique

devenue sans le point de vie

ou le point d’expérience ?

Mais la vraie rencontre qui a

lieu là, c’est celle de l’art et du

jeu3. Ce dernier, à cet instant,

devient un véhicule de fiction

et un moyen d’expression. Il ne s’agit plus de perdre ou

de gagner, mais de se laisser aller dans les bras de l’art

et du jeu, alliés le temps d’un ballet fertile auquel

s’invitent les fantômes de Wells et de McCay, enfin

réunis par la grâce du numérique.

R. J.

Jeu de rôle, bande dessinée, dessin animé, image de synthèse, jeu vidéo. Tousces média ont pour point commun la science-fiction et l’heroïc-fantasy. Ils ontaussi une généalogie commune, une histoire où H. G. Wells est game designer etWinsor McCay concepteur 3D !

1. Thierry Smolderen, de postface de sa bande dessinée consacrée à Winsor McCay.

2. Duccio Vitale, «Jeux de simulation, wargames», M.A. Editions, Paris 1984.

3. Il y a eu d’autres flirts entre l’art et le jeu, comme l’OULIPO - l’ouvroir delittérature potentielle, où Raymond Queneauinvente le livre dont vous êtes lehéros bien avant Steve Jacksonet Ian Livingstone. Voir l’habilecréation d’Antoine Denize, le CD-RomMachines à écrire, éditions GallimardMultimédia.

Winsor McCay, une biographieimaginaire somptueuse etsurprenante sur l’un des génies dela bande dessinée, parSmolderen & Brananti (éditionsDelcourt).

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�('-��- )�(��������(&�����000�)�(��������(&������3%������(%���.��%�������

Il fut un temps où les communications PRINT et On-Line étaient désunies…

C’était avant paola !

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LLeses ccheresqUesheresqUes

Ces hardis navigateurssillonnent la GrandeMer du Ponant, desfjords de Cherek auxjungles de Nyissie.Fougueux, tapageurset insouciants, ilsaiment à boire et chanterfort et s’adonnent avecun égal enthousiasmeaux plaisirs du festin, dela chasse et de lapiraterie. Leur sociétés’organise en une trentainede clans querelleurs etindisciplinés.

Le culte de l’Ours est une secteCheresque archiconservatrice, quifait campagne contre les Angarakstout en noyautant patiemment lescercles du pouvoir.

LLeses ddrAsniensrAsniens

Redoutés comme la peste surtous les marchés du monde

connu, ces négociantshabiles ont un

tempéramentjoueur qui

les poussepresquem a l g r éeux à

r e l e v e rtous les défis

de la concurrence. Curieux,

menteurs et volontiermalicieux, ils ontdéveloppé une affinité,un talent, et mÍme un

don inné de l’espion-nage; l’indiscrétionest passée dansleurs moeurs, etl’efficacité de leursservices derenseignements est

légendaire. Leurlangue des signes, dont

le secret est jalou-sementgardé, leur permet dec o m m u n i q u e rdiscrètement avec les

mains tout enmasquant leur

conversation par des propos anodins.

LLeses AALgAroisLgArois

Ces cavaliers no-mades parcourentinlassablement laprairie à la suitede leurs trou-peaux. Enl’espace d’uneheure, ilsé r i g e n t ,derrière unepalissade depieux, de vé-ritables villestemporairesde tentes etde chariots.Leur unique

construction endur est laForteresse, oùne vivent quedes troupes de garnison.Leur société cianiquerepose principale-ment surle troc, agrémenté d’unsystème de dons et decontre-dons. Fiers,susceptibles et farouche-ment indépendants, ils semontrent très attachés au respect del’étiquette. Certains, très rares - onn’en rencontre que deux ou trois pargénération - sont capables decommuniquer mentalement avec leschevaux.

culture

Le codex rivienLe codex rivien

Disponible uniquement en anglaispour l’instant - The Riven Codex,chez Voyager (HarperCollins) -ce gros volume de près de500 pages réunit toutes les notespréparatoires à l’élaboration dela Belgariade et de la Mallorée.

C’est une bible incontournablepour l’amateur de David Eddings,mais aussi un document précieux,émaillé de conseils et d’anecdotes,pour quiconque voudrait s’attelerà la tâche monumentale d’écrireun cycle de fantasy. Enfin, c’estbien évidemment un ouvrage deréférence pour le maître de jeuqui voudrait se lancer dans uneadaptation au jeu de rôle.

Mars 2010 - Regards 29

culture

C e double cycle en dix volumespublié aux éditions Pocketretrace les pérégrinations d’unpetit groupe d’aventuriers àtravers pas moins de deuxcontinents. Aucun pays,

aucune région de la carte n’est oublié ;chacun a droit à une petite visite. La

trame de fond - une longue quÍtepour sauver le monde du réveilimminent du dieu du mal -n’est pas, j’en conviens, d’uneoriginalité bouleversante ;l’auteur en est d’ailleurs

conscient et revendique ceclassicisme comme

inhérent au genre.«Si vous n’avezpas de quÍte, vous

n’avez pasd’histoire.» Ca sedéfend... Le charmedes romans tientsurtout à la saveurdes protagonistes,à la drôlerie desdialogues et à la

vivacité du rythme. Lacomplexité bien comprise des rapportshumains et le souvenir constant descontingences matérielles apportentégalement une note de réalismerafraîchissante à un genre qui en esttrop souvent dépourvu.Les qualités incontestables de ce best-seller s’estompent sensiblement à latraduction ; c’est pourquoi je préfèrerecommander la version originaleà ceux d’entre vous qui lisent unpeu l’anglais.

LLeses aaLorIensLorIensLLeses rriviensiviens

Les habitants de l’Ile des Vents mènentune existence rude et austère à l’abri desremparts de leur forteresse. Depuis des

siècles, ils ont pour mission sacréede protéger l’Orbe d’Aldur,

seule garante du statuquo entre le Ponant et

l’Orient. D’un abord graveet réservé, ils saventtoutefois se montrer pluschaleureux dans l’intimitédu foyer. Leur situation àl’écart des principalesroutes commercialesne les isole pascomplètement pourautant, et ils exportent

les produits de leurartisanat vers la plupart des royaumes duPonant - à l’exception de laNyissie, avec laquelle ils sonten froid depuis l’assassinatde leur dernier roi pardes hommes-serpents.

Colorés et truculents,souvent cyniques, toujours humains, les peuplesquitaraversentle best-sellerde David eddingsdessinent l’ossature d’un mondefouillé et pittoresque.La publicationdes travauxpréparatoiresde l’auteur,sous le titreThe rivanCodex, étaitl’occasion ou jamais d’en passer la revue de détail.

LLaa BBeLGarIaDeeLGarIaDe eTeT LaLa MMaLLoréeaLLorée

28 Regards - Mars 2010

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culture

LLeses UULgosLgosDans les entrailles de leur montagnesacrée, ces mystiques profondémentdévots, secrets et renfermés, font

sésonner leurs chants à lagloire du grand dieu UL. Leur

sept tribus s’organisent enune société théocratiquecentrée sur la personnedu Très Saint Gorim.Habiles au travail duverre et des métauxprécieux, ils se livrentparfois au troc avecleurs voisins mais lamajorité ne voientjamais la lumièredu jour et mènentune existencee n t i è r e m e n t

souterraine, vouée àl’étude et au perfectionnementspirituel.

LLeses ssendAriensendAriensPragmatiques, honnêtes ettravailleurs, ces provinciaux issusd’origines diverses jouissent d’unesituation géographique privilégiéeau carrefour des grandes routescommerciales du Ponant. Lapolitesse et les bonnes manièresoccupent une place centrale dansleur éducation. Ils se montrentamicaux et hospitaliers, sans jamais

se départir d’une certaineméfiance envers lesétrangers.

Ils vivent la noblessedavantage comme unecharge et uneresponsabilité quecomme une marquehonorifique; le premierde leurs souverains,fondateur de la lignée,fut d’ailleurs élu ausuffrage universel.

LLeses AArendAisrendAisLa tragédie des Arendais tientà leur tempérament passionné,lequel la réflexion n’a pas sa place.Impétueux, mélancoliques, pétrisd’idéal chevaleresque, ils manifestentun go t̊ désespérant pour les amoursmalheureuses. Leur bravourelégendaire n’a d’égal que leur sensde l’honneur exacerbé ; chez eux,le moindre impair devient rapidementune offense mortelle. Querelles depersonnes et vieilles rancunesfamiliales entretiennent ainsi ausein de la noblesse un climat deguerre civile permanente, que leroi et la reine ont bien du mal àendiguer. Quant aux serfs,maintenus dans la misère la pluseffroyable, ils n’ont guère le loisir

de s’intéresser à cesquestions.

LLeses ttoLnedrAinsoLnedrAinsE n t r e p r e n a n t s ,

ouverts etambitieux, ilsauraient puconquérir lemonde si les

guerres dynastiquesn’avaient pas miné

le pouvoir impérial.Mais la cupidité, qui reste

le trait dominant de leurpersonnalité, dresse

irrémédiablement les maisonsnobles les unes contre les autres.L’empereur entretient ce climat dedivision pour mieux asseoir sonautorité, et ses légions se contententgénéralement d’assurer la sécuritéle long des frontières et des grandesvoies commerciale.

Deux étranges contrées s’étendantaux marches de l’empire: le défuntroyaume de Maragor, hanté par lesspectres d’un effroyable génocideet la sylve des Dryades, dont lesespiègles représentantes sont liéesau trône impérial.

Certains fanatiques atteignent parfois un tel niveau de pureté qu’ilspeuvent s’enfoncer dans le roccomme dans de l’eau.

LLeses n'yn'yissiensissiensIndolents, insaisissables etdécadents, les hommes-serpentsoccupent une place à part au seindes peuples du Ponant. Leur voixsifflante, leurs manières fuyanteset reptiliennes, leur attirent peu desympathie ; les drogues et poisonsqu’ils concoctent dans leur citéensevelie sous la jungle, en

revanche, ont su toucherle coeur d’une clientèleaussi discrète quefortunée.

Leur société théocra-tiqueest centrée sur l’adorationde leur reine, servie parune cour d’eunuques jalouxet d’esclaves serviles. Ilss’adonnent essentiellementau commerce desesclaves, qu’ils achètentsur les différents champsde bataille du Ponant pourles revendre aux Angaraks.

LLeses AAngArAksngArAksEnnemis ancestraux desAloriens et des autrespeuples du Ponant, ilsse décomposent endiffé-rentes tribus,parmi lesquelles ilconvient de citer :

●● Les Nadraks,frustes, querelleurset bons vivants ;dotés d’un solide sensdes affaires, ce sont lesmoins hostiles envers lesétrangers.

●● Les Thulos,moroses ets tup ides ,voués autravail deforce et aucouteau sacrificieldes Grolims; ilssont souventbrocardés pour las e x u a l i t édébridée deleurs femmes,l e s q u e l l e scherchent à

échapper àl’autel en restant

perpétuellementenceintes.

●● Les Murgos, fourbes,brutaux et fanatiques ; on rencontre beaucoupde leurs espions dans lescités du Ponant, se faisantpasser pour de simplesmarchands.Leur bel orrouge atôt fait

d’asservir quiconquecommet l’erreur del’accepter.

●● Les Grolims, ouprètres de Torak,

peut-être les plusmystérieux d’entretous; qui sait ce qu ilsdissimulent derrièreleur masque demétal ? Adeptesde la magie noire,ils sacrifient leursfrères par millierssur les autels dudieu-dragon.

●● Les mystérieuxDagashu, secte d’as-sassins basés dansune montagne creuseperdue au coeur dessables ; on ne sait prati-quement rien à leur sujet,et la plupart des gensignorent jusqu à leurexistence.

●● Et enfin, les Malloriens,hautains, cruels etcivilisés, qui font pesersur le Ponant la menaced’un lointain continentaux contours malconnus.

LLeses sorcierssorciersCes immortels douésd’un pouvoir incom-mensurable étaient àl’origine de vulgairesparias et vagabonds,conduits par le plusgrand des hasards au

Val d’Aldur.Contrairement à sesfrères, Aldur, le dieu-

chouette, préféraitréfléchir dans la solitudeaux mystères de l’universet n’avait élu aucun peuple

pour le servir et l’adorer ;il accepta néanmoins deprendre ces réprouvéssous son aile et d’en faireses disciples. Désormais,les sorciers forment unepetite confrérie trèssoudée, formée auxarcanes du Vouloir et duVerbe – deux mots-clefsouvrant les portes de lahaute magie.

Guillaume Fournier

Le panTHéon De L’arC-en-CIeLLe panTHéon De L’arC-en-CIeL

Les dieux de la Belgariade sont basés sur les couleurs del’arc-en-ciel.

On trouve ainsi :

- Belar, le dieu-ours des Aloriens ;

- Chaldan, le dieu-taureau des Arendais ;

- nedra, le dieu-lion des Tolnedrains ;

- Issa, le dieu-serpent des Nyissiens ;

- Mara, le dieu-chauve-souris des Marags, aujourd’hui éteints ;

- aldur, le dieu-chouette, patron des sorciers ;

- Et enfin Torak, le dieu-dragon des Angaraks.

- uL, père des dieux et divinité tutélaire des Ulgos, vient compléter le tableaupar le blanc, à la fois somme et source de toutes les couleurs.

culture

30 Regards - Mars 2010 Mars 2010 - Regards 31

LLeses auTresauTres peupLespeupLes DuDu pponanTonanT

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de quelles façons on obtient neuf couleursfondamentales blanc, noir, rouge, jauned’or, pourpre, brun foncé, brun clair, bleuvert olive, pers. Il précise toutefois « qu’iln’est pas question de contrôler tout celapar l’expérience, car ce serait méconnaîtrela différence de la nature humaine et dela Divine ». On reste malheureusementdans l’imprécision sur la signification deces vocables.En revanche, déjà dans la Bible, troistermes désignent les tentures qui ornentla « Demeure » : le rouge écarlate obtenupar teinture avec le coquillage de lapourpre ; le vermillon, couleur de la teintureavec le kermès ; le pourpre violet, couleurde l’améthyste.Plus tard, le vocabulaire chromatique latinmontre une grande richesse. Il estconstitué, en grande partie de façonconcrète, par la création de dérivés issusde comparaisons, à partir de noms dematières et d’objets : couleur de buis,couleur de miel, couleur d’huile, gris d’âne,gris pigeon, gris souris, noir de poix, rougecerise. De nombreux termes sont issusde la technique de la teinturerie : couleurde lierre, vert poireau, ou de la peinture :vermillon, ocre, etc. Remarquons aussique Pline et Vitruve associent toujours lasensation de couleur à une appellationde matière colorante. Pline écrit (Livrexxxv-1 2(6)) : « Les couleurs vives… sontle minium, l’arménium, le cinabre, lachrisocolle, l’indigo, le pourpre. » Vitruverapporte (VII-9-2) : « Lorsque l’endroitpeint en vermillon en est atteint (desrayons lumineux), la couleur s’altère et,perdant sa vertu propre, tourne au noir. »Avec son expérience de la décompositionde la lumière blanche par le prisme,Newton précise la signification desprincipales appellations directes. Ilcommence par diviser le spectre en cinqcouleurs : violet, bleu, vert, jaune et rouge.Ce n’est que dans une seconde éditionqu’il ajoute l’orangé et l’indigo afin deretrouver le nombre sept, qui est celuides notes de la gamme, des planètesconnues à cette époque, des jours de lasemaine, etc. Aujourd’hui, le vocable

indigo est peu utilisé en dehors du domaineartistique. On lui préfère violet ou pourpreou encore une combinaison des deux,pourpre-violet.La normalisation française, proche encela des autres normalisationseuropéennes ou américaines, reconnaît18 appellations chromatiques directes :les sept de Newton, auxquelles on ajoute,d’une part, blanc, noir, gris et d’autre part,beige, bordeaux, brun, crème, ivoire, kaki,marron, rose, celles du deuxième groupes’étant imposées par l’usage. Il est vraiqu’il est plus facile de dire kaki que jauneplus ou moins verdâtre, faiblement saturéet foncé, ou encore marron, qu’orangémoyennement saturé et moyennementfoncé. Afin d’augmenter la précision, ona divisé le volume des couleurs en neufparties : trois niveaux de clarté - élevé,moyen et bas - et, pour chacun d’entreeux, trois niveaux de saturation - denouveau, élevé, moyen et bas. Onengendre ainsi neuf qualificatifs (voir lanote 1), de sorte qu’un jaune saturé pourraêtre lumineux, qu’un rose sera pâle ougris et qu’un violet pourra paraître profond.

LLeses désignAtionsdésignAtions indirectesindirectesElles sont particulièrement nombreuses,et il est impossible d’en dresser une listeexhaustive. Elles prennent leur sourcedans les domaines les plus variés.Certaines résultent de l’appropriation parle vocabulaire chromatique de termes dela vie courante, tels que émeraude etrubis parmi les minéraux, chamois et puceparmi les animaux, tilleul et ébène parmi

les arbres,lilas et cyclamen parmi les fleurs.D’autres, filles de la publicitéet de la mode, font preuved’une certaine fantaisie. Ainsi, lecatalogue d’un gros fabricant depeintures pour bâtimentspropose un aigre-doux pourun rouge brique et uneffervescence pour un blanc cassé.Un nuancier de la mode desannées 1960 (nous avonschoisi cette époque lointainepour ne contrarier personne)présente un rose slalom et unbeige échalote. Le rouge d’unecarrosserie d’automobilepeut être rougeCharlemagne ou rouge Bacchus.Bien entendu, on pourraitpoursuivre longuement cetteénumération, en puisantsimplement dans lesnombreux dictionnaires publiés aucours des 50 dernières années(voir la référence de troisd’entre eux à la fin de cetarticle). Terminons toutefoispar une question de goût. Parmiles dénominations suivantes,lesquelles préférez-vous(voir la note 2) : vert-jaunegris ou glauque d’Abiès ?Jaune-vert gris ou vert tilleul ?Orange moyen ou pierre-de-fiel ?

1. La normalisation française pourles termes de couleurs permet l’usage de neufqualificatifs pour préciser un nom de couleur.On les obtient en divisant la clarté (du blancau noir) et la saturation (ici pour la couleurrouge) par trois degrés chacune.

2. Le Répertoire de couleurs de laSociété française des chrysanthémistes,par René Oberthur, propose trois tonalités auxnoms chatoyants. Le glauque d’Abiès est latonalité des jeunes feuilles de plusieursespèces et variétés dAbiès,spécialement qualifiées glauca, vuesà la lumière diffuse, mais au grandjour, et à trois ou cinq mètres de distance.Le vert tilleul est la couleur des samares dutilleul, dans l’état où elles sont employées parl’herboristerie. Le pierre-de-fiel est fabriquéavec les pierres ou calculs que l’ontrouve dans les fiels du bœuf.

Mars 2010 - Regards 33

Jacques roire est président del’Association MIC (Mémoire des industriesde la couleur).Moses hArris, The Natural System ofColor (1766), dont il n’existe que deuxexemplaires originaux, et une réédition fac-similé de Faber Birren (1963) à tirage limité.eugène chevreUL, Des couleurs et deleurs applications aux arts industriels à l’aidede cercles chromatiques, Manufactureimpériale des Gobelins (1864).rené oberthUr, Répertoire de couleurs,Société française des chrysanthémistes.

TAUPE

SOURIS

CORAIL

ChAMOIS

LAVANDE

MéLèzE

SANGDE BOEUF

LILAS

GLAUQUED’ABIèS

VERTTILLEUL

PIERREDE FIEL

CAROTTE CANARI MIEL CIEL INDIGO CERISE VENTREDE BIChE

kAkI

découverte

Aujourd’hui, les avis sontencore partagés, maisl’ordre de grandeur a bienaugmenté. Selon lesmodalités expérimentaleset les modes de calcul,

les uns annoncent des nombres decouleurs identifiables compris entre15 000 et 20 000, ce qui est trop faiblepuisque le nuancier des Gobelinscontient 35 000 échantillons différents,et certains autres avancent desnombres supérieurs à 500 000, quisont sans doute trop élevés.

On peut raisonnablement fixer aux environsde 100 000 le nombre de couleursdiscernables par l’œil, sous réserve durespect de certaines conditions sur la

nature et le niveau d’éclairement, ainsique des conditions d’observation. Alors,Si tant est qu’une dénomination est, ausens propre, la désignation d’une personneou d’une chose par un nom qui exprimeses propriétés, vouloir dénommer la totalitédes couleurs impliquerait d’une part, decréer une centaine de milliers de vocables,d’autre part, d’être capable de les utiliserde façon précise. Cela est parfaitementirréaliste. On se contente donc de solutionsplus modestes, car la nécessité d’unvocabulaire chromatique est indiscutableque ce soit en sumérien ou dans uneautre langue, il a bien fallu qu’Adamimagine des mots pour dire à Eve qu’elleavait les plus beaux yeux bleus du monde,mais aussi, peut-être plus poétiquement,comme des « saphirs transparents ».

Cet exemple nous montre lesdeux types de dénominations decouleurs qui ont été employées del’Antiquité à aujourd’hui, bien avant quesoit connue la nature profonde de lacouleur les désignations directes (nomsconsacrés aux seules couleurs, mais quin’en précisent pas la nuance exacte, telsque le bleu, le rouge) et les désignationsindirectes (noms qui se réfèrent à deséléments de l’entourage, comme saphir,canari).

L’L’histoirehistoire desdes noMsnoMs directsdirectsLes désignations directes, plusnombreuses mais moins expressives queles désignations indirectes, sont, à l’origine,associées à la sensation d’éclat au senscommun du terme, c’est-à-dire à la notionde « couleur vive ». C’est ainsi qu’onretrouve dans toutes les langues troisracines blanc, noir, rouge (notons aupassage l’attribution du statut de couleurau blanc et au noir, qualité que, pour desraisons religieuses, ils perdront au coursdu temps) auxquelles vient s’ajouter, enhébreu notamment, un quatrième termesignifiant tantôt jaune, tantôt vert. Aussibizarre que cela puisse paraître, lesHébreux n’ont pas de mot spécial pourdésigner le bleu, qui est souvent englobédans le noir peut-être cette absence est-elle la conséquence de la rareté desmatériaux colorants bleus.Cette carence n’existe pas chez lesAssyriens, qui ont le mot « ZA » pour lebleu, avec, semble-t-il, l’acceptionparticulière de la couleur des lointainsmontagneux. En revanche, on retrouvela confusion entre le jaune et le vert, quisont désignés par le même mot « SIG »,alors qu’il existe deux qualificatifs pourle rouge « DIR », rouge moyennementvif, et « GUG », rouge vif - celui de lacornaline. Combinés, par exemple, avecle signe M, représentatif de l’argile, ilsdonnent IMDIR, l’argile rouge, IMMALLIGUG, ocre rouge. Cela donne à penserque ce peuple possédait la faculté decréer de multiples désignations indirectespar ce système de combinaisons.Dans le Timée, Platon enrichit levocabulaire chromatique direct en décrivant

32 Regards - Mars 2010

LES NOMS DES COULEURSde Jacques Roire

La description des couleurs par des mots est délicate: ceux-ciLa description des couleurs par des mots est délicate: ceux-ci

sont trop vagues ou trop précis, trop secs ou trop fantaisistes...sont trop vagues ou trop précis, trop secs ou trop fantaisistes...

Les estimations du nombre de couleurs que l’oeil humain peutLes estimations du nombre de couleurs que l’oeil humain peut

distinguer ont varié au cours des temps. Par exemple, vers 1750,distinguer ont varié au cours des temps. Par exemple, vers 1750,

Mayer considère qu’il y a cinq couleurs principales Mayer considère qu’il y a cinq couleurs principales

-- blanc, jaune, rouge, bleu et noirblanc, jaune, rouge, bleu et noir - et construit son système - et construit son système

avec trois pigments colorésavec trois pigments colorés : orpiment, cinabre, : orpiment, cinabre,

cendres bleues, auxquels il ajoute blancs et noirs divers, cendres bleues, auxquels il ajoute blancs et noirs divers,

il en déduit que l’œil peut distinguer 819 couleurs.il en déduit que l’œil peut distinguer 819 couleurs.

CLARTé

SATURATIONéLEVéE MOyENNE BASSE

éLEVéE LUMINEUx VIF PROFOND

MOyENNE CLAIR MOyEN FONCé

BASSE PâLE GRIS SOMBRE

MOUSSE

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34 Regards - Mars 2010

Enquête

Mars 2010 - Regards 35

Enquête

L’amoureuxAmoureux, David l’est sans doute 365 jours par an. Avec frissons dans l’estomac, cheveux patiemment pei-gnés devant la glace et tout le bataclan. Sauf que David a 10 ans. Et c’est bien compliqué à son âge de déclarer sa flamme dans une cour de récréation. Son truc miracle : laisser les timbres délivrer ses messages d’amour à sa place. Timbre à la gloire des amoureux de la Saint-Valentin pour affranchir la missive des congés de février, timbre en forme de cœur pour la lettre des grandes vacances : David ne manque jamais une occasion de laisser les vignettes dentelées porter ses mots d’amour. Heureusement pour lui, car si La Poste n’avait pas pensé aux amoureux transis, il y a fort à parier que sa belle n’aurait jamais deviné le fond de ses pensées à la simple lecture de lettres qui ne parlent guère que de foot, de crèmes glacées et de pentes neigeuses. Ainsi va la vie des petits et… des grands.Pour célébrer une date anniversaire, un peintre, un acteur, un lieu, ou pour adresser un clin d’œil à son correspondant, La Poste édite de jolis timbres à 3 francs. En vente, à l’unité ou en carnet, dans tous les bureaux de poste.

Le prudentJean est un inquiet, c’est dans sa nature. Il hante toujours les halls de gare une heure avant le départ, confirme deux fois plutôt qu’une le moindre rendez-vous, tâte avec agitation ses poches de peur d’avoir perdu ses clefs. Mais

son angoisse grimpe encore d’un cran lorsqu’il s’agit d’entreprendre le début d’un quart de démarche officielle. Car

pour Jean, l’administration, l’assureur ou la caisse de retraite appartiennent à un

monde mystérieux et complexe. D’où sa soif de précaution. Pour ne pas

prendre le risque de se voir reprocher d’avoir expédié son courrier officiel hors délai, il l’adresse en recommandé avec accusé de réception. Non pour assurer ses

missives – il connaît d’ailleurs les trois tarifs du recommandé sur le bout des doigts – mais pour se rassurer lui-même.La lettre recommandée est un produit unique. Seule à disposer d’une valeur juridique, elle s’impose dans divers actes du quotidien bail, assurance, procédures… Grâce à l’avis de réception proposé en option, l’editeur bénéficie d’une preuve de dépôt, de distribution et de réception.

L’efficaceChristiane, 42 ans, pratique un sport très féminin : l’ultra organisation. Du matin au soir, cette mère de deux enfants traque les pertes de temps, les files d’attente inutiles et les gestes superflus. Entre son travail, les courses au supermarché, un peu de gym, sa fille qu’il faut conduire ici ou là, pas de temps à perdre. Courir après des timbres quand elle a enfin fini de mettre sous enveloppe les règlements de ses factures ou retourner les tiroirs à la recherche d’une enveloppe quand elle a le carnet de timbres : cet exercice banal a le don de la mettre en fureur. Du coup, la voilà devenue une adepte forcenée du Prêt-à-Poster. D’ailleurs, elle en achète plusieurs lots de 10 à chaque fois. Son modèle préféré : l’enveloppe préaffranchie avec la classique Marianne. « Ce qui ne m’empêche pas d’acheter pour mes enfants des séries plus ludiques, explique-t-elle. La série Astérix a beaucoup plu à mon fils et ma fille a écrit à toutes ses copines avec la série Bonne Fête Disney. Pour eux, c’est une raison supplémentaire d’envoyer du courrier et c’est très bien ainsi.Les Prêt-à-Poster forment une grande famille. On y trouve les Indispensables pour le courrier tout-venant, les Spécialistes pour l’envoi d’un livre (Poste-Livre), les illustrés (Astérix, Prêt-à-Souhaiter…). »

L’esthèteHélène, les 80 ans allègres, est une femme raffinée. Jamais elle ne sortirait dans la rue « en cheveux », comme elle dit, c’est-à-dire sans chapeau. Tout un mode de vie, dans lequel le courrier tient une bonne place. Dans son secrétaire, elle tient

rangés papiers à lettres chics, stylo-plume et beaux timbres. Car dans les relations épistolaires qu’elle entretient depuis quarante ans avec ses deux cousines et un vieil ami, le moindre détail compte. « Je trouve tellement plus charmant d’affranchir mes enveloppes avec un beau timbre qu’avec un timbre ordinaire, explique-

t-elle. C’est un peu comme un cadeau, une marque d’attention que j’accorde par avance à mon interlocuteur. » Pas philatéliste pour un sou, Hélène passe

régulièrement par son bureau de poste pour se renseigner sur les nouvelles éditions. Du timbre panoramique sur le château de Versailles au timbre ovale de la Coupe du monde de rugby, elle picore dans l’immense collection des timbres français Pour trois francs

ou un peu plus, ce serait vraiment dommage de se priver de si jolies vignettes.La Poste simplifie la vie des amoureux du timbre. Aux collectionneurs débutants et avertis, elle propose un journal spécialisé « Philinfo », un système de réservation des nouvelles émissions et un réseau de 210 bureaux de poste spécialisés. Et elle tient à la disposition des pressés un système de commande par Internet A l’unité ou en carnet, un simple clic suffit.

La petite en VadrouiLLeC’était la première fois que Margot partait en colonie. Sans copine ni même un doudou, histoire de jouer à la grande. Autant dire que sa maman revivait les affres des premiers pas, des premiers jours de maternelle, des premières nuits de fièvre, des premiers touts. Alors on a glissé dans la valise de jolis Ingénio pour que la petite Margot fabrique elle-même sa carte postale déjà prête à partir en glissant sous la feuille plastique autocollante une photo ou même le menu de la cantine. On a ajouté quelques Prêt-à-Poster hauts en couleurs avec l’adresse des grands-mères déjà inscrite

au recto. On a complété le tout par des crayons et de longues explications: « Tu vois, il te suffit de nous écrire pour nous donner de tes nouvelles et de déposer la lettre dans n’importe quelle boîte jaune. Le facteur nous la portera directement. Margot a joué le jeu et a fabriqué sa carte postale grâce à Ingénio. C’est par un dessin rigolo qu’elle a donné de ses nouvelles. Tout un programme… »Dans la série des Prét-à-Poster malins, La Poste propose lngénio et Duo. lngénio pour laisser cours à son inventivité et créer sa propre carte postale. Et Duo pour s’assurer d’une réponse de son correspondant (composé d’une enveloppe prétimbrée illustrée et d’une carte assortie, Duo comporte aussi une carte-lettre également prétimbrée (et illustrée).

L’internauteComment vivait Pierre avant l’ordinateur ? Mystère et boule de gomme ! Ce quinquagénaire branché semble lui-même l’avoir oublié. Notes, courrier personnel, recherche d’informations… : pour lui, tout passe désormais par le clavier. « Je trouve l’informatique actuelle tellement

conviviale que je n ‘ai plus le réflexe d’écrire â la main. Avec le Prêt-â-Poster électronique, je peux écrire directement depuis mon ordinateur. » Sur le site

Internet de La Poste, il suffit en effet à Pierre de choisir un modèle de carte postale, de rédiger son texte, de saisir l’adresse du destinataire pour que le message électronique, transféré sur support papier, soit glissé par le facteur dans la boîte aux lettres du correspondant.10 francs la carte postale électronique transformable en support papier. Un tarif valable quelle que soit la destination. Le règlement se fait par carte bancaire selon un système de paiement sécurisé qui n’utilise pas le code secret et procède à la destruction immédiate des coordonnées bancaires. n

Le courr ier dans tous se s états

Les différents services courrier de La Poste répondent à tous les besoins : David pour dépasser sa timidité d’amoureux transi, Christiane pour gagner du temps, Jean pour se rassurer ; Hélène pour charmer ; Pierre pour rester branché et Margot pour donner des nouvelles à ses parents. Petite galerie de portraits.

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36 Regards - Mars 2010

Coup de Cœur

Mars 2010 - Regards 37

Coup de Cœur

La Conception de la Création de Léo Ferré

Léo Ferré est un homme de communi-cation. Toute sa vie, il n’a cessé de lan-cer à la tête des gens des mots. « Sans culotte/ Sans bande à cul »,comme il le dit dans Le Chien, de faire des mots des outils de provocation et de révolte.

Les mots, il savait les manier, en faire des armes de revendication. Ils étaient, pour lui,

des instruments d’acceptation, mais aussi de refus. Maîtrisant parfaitement le langage, il

en usait avec délectation, avec une sensualité qui provoquait l’adhésion et l’admiration, qui, jointe à la

sensualité de sa voix et à l’ampleur de sa musique, véhi-culait une intense émotion, conférait à ce qu’il exprimait une

grande force de conviction, un élan irrésistible de persuasion.

Léo Ferré a consacré de nombreux textes à dire la puissance des mots. S’exprimant parfois en théoricien, il a produit de longs développements dans lesquels il fait part de sa conception de la littérature, il s’efforce de définir les différents usages qu’il convient de faire des mots. Ce type de réflexion jalonne sa carrière littéraire, constitue comme des repères qui permettent d’éclairer sa création. Après avoir, en 1956, dans Préface, livré sa vision de l’écriture, il revient à la charge, en 1962, dans Le Style, où il pré-sente l’écriture comme une tension permanente, comme une invective, comme une grenade qu’il faut lancer dans la foule, pour provoquer sa réaction, pour l’amener à sortir de son apathie et de sa résignation.

Robert Horville

Alors Léo ? Le StyleJ’étais dans le cabinet des métaphores, la loupe à l’œil, à regarder dans le méca-nisme compliqué du style. Le style c’était une invention de l’âme pour distraire l’esthète que j’étais. Je trouvais du style à tout et préfigurais même une télévi-sion odorante, une télévision à diriger l’économie olfactive. Nous y arrivons, patience !

Le style c’est cette partie du beau qui s’analyse, dans le repos, quand le spectacle flanche. C’est un arrêt dans la culture, pour mieux goûter. Le style c’est cette dame qui descendait l’autre matin les Champs-Elysées, plantée sur des aiguilles et dont le balancement se ressentait de cette position perchée et voulue telle. C’est ainsi que déambulent les hommes efféminés, me disais-je. Le style c’était la « femme », bateau à voile dérivant parmi la foule, tout envergué de chair gonflée et de prescience, l’œil en vigie à scruter le pirate. Le faux, la basse imitation gisait dans mon for intérieur quand j’échangeais les sexes.

Sommaire• La Conception de la Création de Léo Ferré ............................................36• Le style .................................................................................................................................. 37• La mémoire et la mer ............................................................................................... 40• La solitude .......................................................................................................................... 42• L’Art et les artistes ..................................................................................................... 42• L’Anarchie ........................................................................................................................... 43

Le style meurt d’une intention fraudu-leuse. Le style c’est une prison dans un champ libre. C’est le bâillon du superflu. La poésie est une fureur qui se contient juste le temps qu’il faut, pendant que se bande l’arc, là, au milieu de la flèche. Elle doit respirer, elle s’étire d’aise et puis s’en va, vers sa destination. J’avais la phrase dans les mains, comme une grenade avant l’éclatement. Eh bien, je lancerai des mots, dans la foule, au hasard, et les livres ne seront plus de mise. On lancera la poésie, avec les mains, avec des caractères gutturaux, – du romain de glotte – : des cris jetés comme des paquets parleurs à la face de la commodité et du confort plastifié.

J’étais au milieu de la rue. J’étais aussi là-haut, aux fenêtres, entre la vitre et l’univers clos de l’inconnu et du pos-sible, comme un store, et je mesurais de là, l’étendue, la forme, les cris de la ville : les murs à la verticale de la chaus-sée, autant de jambes prometteuses de

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Tu ne dis jamais rien

Je vois le monde un peu comme on voit l’incroyable L’incroyable c’est ça c’est ce qu’on ne voit pas Des fleurs dans des crayons Debussy sur le sable À Saint-Aubin-Sur-Mer que je ne connais pas Les filles dans du fer au fond de l’habitude Et des mineurs creusant dans leur ventre tout chaud Des soutiens-gorge aux chats des patrons dans le Sud À marner pour les ouvriers de chez Renault Moi je vis donc ailleurs dans la dimension quatre Avec la Bande dessinée chez mc 2 Je suis Demain je suis le chêne et je suis l’âtre Viens chez moi mon amour viens chez moi y’a du feu Je vole pour la peau sur l’aire des misères Je suis un vieux Boeing de l’An quatre-vingt-neuf Je pars la fleur aux dents pour la dernière guerre Ma machine à écrire a un complet tout neuf Je vois la stéréo dans l’oeil d’une petite Des pianos sur des ventres de fille à Paris Un chimpanzé glacé qui chante.ma musique Avec moi doucement et toi tu n’as rien dit Tu ne dis jamais rien tu ne dis jamais rien Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien Comme toi l’oeil ailleurs à me faire la fête Dans ton ventre désert je vois des multitudes Je suis Demain C’est Toi mon demain de ma vie Je vois des fiancés perdus qui se dénudent Au velours de ta voix qui passe sur la nuit Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe À Paris quand je suis allongé dans son lit À voir passer sur moi des filles et des éponges Qui sanglotent du suc de l’âge de folie Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe Avec la Bande dessinée chez un ami Je suis Jamais je suis Toujours et je suis l’Ixe De la formule de l’amour et de l’ennui Je vois des tramways bleus sur des rails d’enfants tristes Des paravents chinois devant le vent du nord Des objets sans objet des fenêtres d’artistes D’où sortent le soleil le génie et la mort Attends je vois tout près une étoile orpheline Qui vient dans la maison pour te parler de moi Je la connais depuis longtemps c’est ma voisine Mais sa lumière est illusoire comme moi Et tu ne me dis rien tu ne dis jamais rien Mais tu luis dans mon coeur comme luit cette étoile Avec ses feux perdus dans des lointains chemins Tu ne dis jamais rien comme font les étoiles

Léo Ferré

Les albatros

Mes ailes et mon futal qui traînent dans la rue Si c’est ça l’albatros je vole comme lui Mes ailes et mon chagrin ensemble descendus Vous pouvez me rogner les ailes C’est gratuit

Y’ a pas qu’des albatros au-dessus des bateaux Y’a pas qu’des albatros au-dessus des salauds Il y’a tous ceux qui regardent traîner les ailes Des albatros

Je ne sais pas de blanc comme une hostie de passe Quand je la bois d’un trait devant les cons debout Qui me lapideraient au grand jour de la chasse La chasse à l’albatros qui vit à tes genoux

Y’a pas qu’des albatros au-dessus des cités Y’a pas qu’des albatros au-dessus des pavés Il y’a tous ceux qui voudraient bien couper les ailes Aux albatros

Et mes ailes maxi peignées par la tempête Dans la rue dans les «night» et les trucs stéréos M’envolent doucement au-dessus de la fête Si tu veux les peigner t’as qu’à grimper là-haut

Y’a pas qu’des albatros au-dessus de la terre Y’a pas qu’des albatros du côté de Nanterre Il y’a tous ceux qui voudraient bien que n’aient plus d’ailes Les albatros

Là-haut où l’albatros est du blanc d’innocence Cette blancheur têtue dont rêvent les jaloux Qui regardent passer ces oiseaux du silence Ils peuvent me rogner les ailes je m’en fous

Y’a pas qu’des albatros au-dessus des cités Y’a pas qu’des albatros au-dessus des pavés Il y’a tous ceux qui voudraient bien ne plus jamais Plus jamais voir voler Les albatros Que leurs ailes de géants n’empêchent plus désormais De marcher... de marcher... de marcher... de marcher...

Léo Ferré

« bonnes confitures », murs de nylon, murs de graines, murs des slips, des moutardes, des consommés à légumes déshydratés, mur des lignes d’avia-tion comme des bras d’oiseaux à la limite du mur voisin où il n’y a plus de mur mais un montant de ciment et une porte. La porte.

Je finirai bien par le trouver ce style de l’invective. J’ai le papier qu’il faut, et l’encre aussi. J’attends. Les idées sont dans l’homme, toutes. La difficulté c’est tout simplement de les contenir. J’ai en moi un commissariat de police des idées. Il ne chôme jamais : de jour et de nuit, on travaille. Actuellement mes idées sont en Bretagne, près d’une tombe, mes idées ont pris le deuil de mon chien Arkel. Quand elles rentreront je leur demanderai des comptes. Les idées qui se promènent dans la rue sont souvent miennes. Si vous les trouvez, téléphonez à Odéon 84-00. Elles me ressemblent : des idées de

Mais la parole a ses limites. Elle peut se révéler insuffisante, être impuissante à exprimer les sentiments, à transcrire la révolte.

Dans II n’y a pins rien, au début des années 1970, Léo Ferré note, de façon significative : « La parlotte ça n’est pas un détonateur suffisant. Le silence

armé, c’est bien, mais il faut bien fermer sa gueule… Toutes des concierges ! Ecoute-les… ».

À peu près à la même époque, dans Tu ne dis jamais rien, enregistré, chez Barclay, en 1971, Léo Ferré revient sur cette vertu du silence : « Les mots ne sont pas capables de dire

l’intensité de la passion amoureuse. Et l’être aimé, au lieu de se répandre en paroles, se tait, illumine de sa présence le poète, semblable à une étoile qui luit.

Avec ses feux perdus dans des lointains chemins. ».

Robert Horville

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Coup de Cœur

chansons, des idées de meurtre, qui sait ? Les chevaux, dans la rue, qui ramassent mes idées et qui me les rendent sont des sages. Avec des idées d’homme ils ne trouvent subitement plus aucun goût à l’avoine et ne comprennent plus. Quelque chose de très important est enrayé dans leur mécanique. Ils sont malades.

J’étais quelquefois tout près de convaincre les imbéciles que la révolte est plus facile à agripper souvent qu’il est au fond facile à l’automobiliste de brûler un feu rouge à condition de bien regar-der ce qui se passe à droite, à gauche, en face, derrière et qui n’en est pas à une contravention près. La révolte est sur le buffet, comme une monnaie d’or : il suffit de se hisser un peu sur les pieds. La révolte c’est tout de même une idée qui est à la portée de vos mains.Les mains giflent, les mains caressent ; les mains tuent, les mains travaillent. La révolte est manuelle, hommes radio-téléguidés ! Elle est votre lot. Le jour où vous comprendrez l’impor-tance de vos mains, ce jour-là vous serez riches et vous ne ferez plus la guerre en Australasie… Il y a toujours une Australasie qui vous empêche d’être heureux, hommes radio-téléguidés ! II y a toujours une guerre quelque part, comme une esthétique de la politique. Sans la guerre, plus de sublime : il faudra alors s’en remettre à d’autres divertissements, à l’Art, par exemple.

Notre langage à nous autres artistes est à la portée de toutes les oreilles, et de tous les yeux, parce qu’il est chant, lumière, galbe, sourire. C’est clone à nous de préparer votre révolte. Nous écrivons la psy-chologie de la révolte avec des techniques d’oiseaux. Nous mar-chons sur le ventre des tyrans avec des pattes d’oiseaux, nous donnons l’alarme avec des cris d’oiseaux. Malheur à ceux qui moquent l’Art, seul fer-ment devenu possible de vos résurrections. Je ne clamerais que

pour un seul que cela vaudrait la peine d’être clamé. J’écris pour moi, s’il le faut, je me fais mon univers de révolté. Enfant déjà, dans mon lit, j’étais un meurtrier, les nerfs en bave à la bouche et je désirais la mort instantanée de mestyrans d’alors. Depuis, je me suis écarté de la ligne commune et je marche en marge, et je médite dans une tour que je me suis payée avec mes paroles de révolte. J’ai toujours été seul. Aujourd’hui j’accepterai peut-être de me mêler à vous, si vous m’écoutez bien.

D’abord, les journaux. N’en lisez plus, ou bien alors faisons-en un ensemble et dont je serais le rédac-teur en chef. Le journal est un poison où s’exté-nuent les démocraties. Les journalistes sont des démiurges que démange un prurit de littéraire. En achetant un journal vous payez pour votre propre malheur. Le talent de quelques-uns de ces plumi-tifs n’est jamais à hauteur de votre cœur et flatte tout au plus certaines de vos passions apprises à l’école. Je ne parle pas aux imbéciles, en ce moment, mais aux hommes qui se reconnaîtront à me lire et qui me prennent par le bras comme on prend un ami, son frère. Le journal est votre maître à penser, mais un maître qui sait, un qui connaît la question. Le journal est une idée de financier, c’est aussi le bâton de la puissance. Brûlez le journal, vous brûlerez le bâton, et la puissance s’évanouit. N’oubliez pas qu’en ache-tant Machin-Soir, tous les soirs, vous achetez un patron portable, que vous installez chez vous et que vous écoutez. Avec celui de l’usine cela fait un peu trop dans la journée. Il vous dit d’aller à

Colombes pour le match France-Angleterre. N’y allez pas. Allez plutôt voir les fleurs dans un jardin, même dans un jardin photographié.

La mémoire et la merLes Editions de La Mémoire et la mer, diri-gée par Mathieu Ferré, viennent de sortir un remarquable ouvrage

intitulé La Musique souvent me prend… comme l’amour. Comportant 258 pages, il reproduit les textes de Musique Byzantine, série d’émissions que Léo Ferré avait animées en 1953-1954 sur

Paris-Inter, montrant ainsi sa grande culture musicale qu’il exprime en un style, à la fois, pré-cis et percutant, émaillé de formules justes et saisissantes. Plusieurs autre textes concernant la musique, déjà publiés ou inédits, en prose ou en vers, complètent ce livre qui prouve, s’il en était besoin, la profondeur de la réflexion de Léo Ferré sur la musique, qui constituait son mode d’expres-sion privilégié. Un CD offre, par ailleurs, l’indicatif

de cette émission, Byzance, ainsi que plusieurs enregistrements, dont Léo Ferré assure la direc-tion d’orchestre. Signalons que cette édition s’ins-crit dans un projet d’ensemble de Mathieu Ferré

qui, à raison d’un ouvrage par an, envisage de rééditer des textes épuisés ou inédits. L’enregis-trement d’Alma matrix, long texte érotique publié en 1993 dans La Mauvaise graine, vient de sortir aux Editions La Mémoire et la mer. C’est Richard Martin, qui dit ce texte, avec émotion et simpli-cité, sur un accompagnement musical au piano de Léo Ferré lui-même, puis sur une musique de Phil Spectrum soulignée par le chant de Marie

L’évasion n’est jamais qu’une construction de l’esprit.Léo Ferré

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Requiem

Pour ce rythme inférieur dont t’informe la Mort Pour ce chagrin du temps en six cent vingt-cinq lignes Pour le bateau tranquille et qui se meurt de Port Pour ce mouchoir à qui tes larmes font des signes Pour le cheval enfant qui n’ira pas bien loin Pour le mouton gracieux le couteau dans le rouge Pour l’oiseau descendu qui te tient par la main Pour l’homme désarmé devant l’arme qui bouge Pour tes jeunes années à mourir chaque jour Pour les vieilles années à compter chaque année Pour les feux de la nuit qui enflamment l’amour Pour l’orgue de ta voix dans ta voix en allée Pour la perforation qui fait l’ordinateur El pour l’ordinateur qui ordonne ton âme Pour le percussionniste attentif à ton coeur Pour son inattention au bout du cardiogramme Pour l’enfant que tu portes au fond d’un autobus Pour la nuit adultère où tu mets à la voile Pour cet amant passeur qui ne passera plus Pour la passion des araignées au fond des toiles Pour l’aigle que lu couds sur le dos de ton jean Pour le loup qui se croit sur les yeux de quelqu’un Pour le présent passé à l’imparfait du spleen Pour le lièvre qui passe à la formule Un Pour le chic d’une courbe où lu crois t’évader Pour le chiffre évadé de la calculatrice Pour le regard du chien qui veut te pardonner Pour la Légion d’honneur qui sort de ta matrice Pour le salaire obscène qu’on ne peut pas montrer Pour la haine montant du fond de l’habitude Pour ce siècle imprudent aux trois quarts éventé Pour ces milliards de cons qui font la solitude Pour tout ça le silence

Léo Ferré

Demon, avec Phil Spectrum au Clavier Machines, Pascal Ferrari à la guitare mando-line et Etienne Gesel à la contre-basse. Sortie mars-avril 2000. Léo Ferré a consacré de nombreux textes à l’anarchie. Certains, comme Les Anar-chistes ou Ni Dieu ni maître, sont devenus des chansons célébres. D’autres, comme Technique de l’exile ou L’Anarchie, longs textes en prose, reflexions approfondies, sont moins connues. Ecrit au début des années 1960, enregistré pour la première fois en 1965 chez Barclay, Ni Dieu ni maître reprend la célèbre formule anarchiste, affirme ce rifus de tout pouvoir, qu’il soit religeux, politique ou social. Il constitue également un réquisitoire contre la peine de mort, qui donnait alors lieu en France à une violente polémique, évoque ces couse de-jatte, ces guillotinés, que la société, par peur, éli-mine. mauvaise graine Ed. n° 1 Rédigé à la fin des années 1960 et seulement publié en 1980 dans Testament phonographe, L’Anarchie, dont voici un extrait, présente une réflexion originale sur une notion dont Léo Ferré dégage toute la complexité, en une prose précise et imagée. Extrait p. 287, paragraphe 3 jusqu’à la fin.

La solitude« Pour ces milliards de cons qui font la solitude » (Requiem). Léo Ferré était hanté par la solitude. Il considérait que c’était l’état naturel de l’être humain, que c’était son lot, qu’il était métaphysiquement seul. A la fin de certains concerts, il s’adressait ainsi au public, en lui disant que l’on naît seul, que l’on meurt seul et qu’entre le deux il n’y a que les quelques faits divers de la vie que l’on doit s’efforcer de rendre les plus heureux possibles. La solitudes est contradictoire. Elle peut déboucher sur le désespoir et son antidote est alors la fréquentation des autres : « Le grand drame des solitaires c’est qu’ils s’arrangent toujours pour ne pas être seuls », écrit Léo Ferré dans Basta. Elle peut être aussi la solitude à deux, réunir deux être dans l’amour, établir cette fusion que rend si bien, dans L’Amour fou, le jeu seul les pronoms : « Je

vous dirai que je t’aimais Tu me diras que vous m’aimez Vous me ferez ce que tu peux Je vous dirai ce que tu veux ». Elle peut enfin correspondre à un état de lucidité et de retrait indispensable à la création, et à la compréhension de l’art, car « L’oueuvre d’art est seule » (Tech-nique de l’exil).

Léo Ferré ne cesse, dans son œuvre, de parler de la solitude. Dans La Soli-tude, texte en prose écrit au début des années 1970, mis en musique , et enre-gistré chez Barclay en 1971, autour du leit-motiv « la solitude… », il évoque, en une série de notations saisissantes, le monde nouveau, reconstruit, débar-rassé des automatismes de la vie quo-tidienne, partois paradoxal, auquel la solitude peut donner accès. Texte p. 297 et 298. La mauvaise graine Edition n° 1 dans Technique de l’exil, écrit à la fin des années 1970 et publié, en 1980, dans Testament phonographe, Léo Ferré pro-pose une reflexion sur la soitude, forme supérieure de l’exil, qui permet au créa-teur de s’isoler, de s’abstraire des contin-gences de l’existence pour essayer de saisir l’ineffable, l’indicible. Texte p. 420, paragraphe 2 jusqu’à p. 423 fin du para-graphe 2.

L’art et les artistes« Ils sont le clair matin dans vos nuits des tempêtes » (Les Artistes). Créateur polyvalent, ayant pratiqué avec égal bon-heur l’écriture littéraire, la composition musicale, l’orchestration, la direction d’or-chestre, le piano et l’interprétation, Léo Ferré a beaucoup réfléchi et beaucoup écrit sul l’art et les artistes. Auteur de nombreux textes théoriques, Préface, La Mise en musique ou Technique de l’exil, il établit une différence intéressante entre la composition littéraire, plus soumise à l’inspiration, plus intuitive, et la composi-tion musicale plus technique, plus maîtri-sée. Mais quel que soit le mode d’expres-sion envisagé, il donne de l’artiste une

image homogène. Etre en marge, marqué par la malédiction, il a besoin du retrait, de la solitude pour concevoir son œuvre : « La lumière ne se fait que sur les tombes », écrit-il dans Préface. D’une grande culture, Léo Ferré propose un véritable Panthéon des artistes qui l’ont inspiré. En littérature, c’est Baude-laire, Rimbaud, Verlaine, Apollinaire. En musique, c’est Beethoven, Bartok ou Debussy. En peinture, c’est Botticelli ou Van Gogh.

Léo Ferré a consacré de nombreuses chansons aux artistes. Les poêtes lui ont inspiré La Poêsie ou La Poésie Fout l’camp Villon, les musiciens, Les Musiciens ou Muss es sein ? Es muss sein !, dédié à Beethoven, les

peintres, La Folie ou Ludwig Van Vincent Gogh. Les Artistes, composé à la fin des années 1970 et enregistré en 1977 chez C.B.S., fournit comme une synthèse de la conception du créateur, être à part, transcripteur de l’indicibile. Texte p. 446 (La mouvaise graine. Edition n° 1) Parmi les nom-breuses réflexions de Léo Ferré sur l’art, Préface, écrit vers 1956 et enregistré, en partie, chez Bar-clay en 1973, constitue une véritable art poêtique. Après sa rupture avec André Breton, Léo Ferré

prend ses ditances avec le sur-réalisme et exprime la concep-tion d’une poêsie vigoureuse et musicale qui, rompant avec les aléniations et les engage-ments, doit trouver sa vérité en descendant dans la rue. Texte p. 43 à p. 46 (Lamouvais graine Edition n° 1)

L’Anarchie.« L’anarchie est la formulation

politique du désespoir » (L’Anarchie). Quand on pense Léo Ferré, on pense souvent Anarchie. Et en effect, l’anarchie a profondément marqué l’existance et l’œuvre de ce grand écrivain de la révolte. Mais pour lui, c’était plutôt un art de vivre qu’une doctrine, plutôt une façon de se comporter qu’un engagement militant. S’il a beaucoup sou-tenu le mouvement anarchiste, s’il a, en particulier, donné de nombreux concerts en sa faveur, il avait l’habitude de dire que certes le drapeau noir était un beau drapeau, mais que c’était quand même un drapeau. Il conçoit l’anarchie comme une démarche individuelle de refus des contraintes et des pouvoirs : dans Il n’y a plus rien, il s’écrie « Le désordre », et donc l’anarchie, « c’est l’ordre moins le pouvoir », ce pouvoir qui corrompt, qui mutile, qui détruit aussi bien celui qui l’exerce que celui qui le subit. Aussi, s’il ne voulait pas de maître, il ne voulait être le maître de personne. L’anarchie relève ainsi d’une démarche complexe, d’une sensibilité qui le fait assimiler cette notion, en elle-même politique, avec la solitude obligée de l’artiste et la nécessité vitale de l’amour. n

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Dans la seconde partie des années 1970, Requiem,

enregistré chez CBS en 1976, confirme cette vertu du silence. Après avoir invoqué trente-deux

données de l’existence dans trente-deux alexandrins que lance trente-deux fois « pour », Léo Perré conclut en

demandant « Pour tout ça le silence », montrant ainsi l’inutilité et la redondance de tout commentaire.

Robert Horville

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Le monde de Téos est divisé entre deux déesses. Choisirez-vous de rejoindre l’Alliance de la Lumière, ou préférerez-vous vous ranger aux côtés de l’Union de la Fureur ? De votre choix dépendra peut-être l’issue d’une guerre séculaire, qui fait rage aujourd’hui en France grâce à l’arrivée de Shaiya, un nouveau jeu de rôle massivement multijoueur gratuit.

le nouveau jeu on-lineFiche Technique

Descriptif : Shaiya est un MMORPG gratuit en 3D dans lequel s’affrontent les forces de l’Alliance de la Lumière et de l’Union de la Furie. Sur la planète Téos, l’Alliance de la Lumière et l’Union de la Fureur se disputent le pouvoir, chacun sous l’influence d’une divinité différente. A vous de choisir votre camp et de mener les vôtres à la victoire. Après avoir choisi un camp et opté pour l’un des quatre niveaux de difficulté disponibles, le joueur pourra accomplir de nombreuses quêtes, écumer des donjons ou massacrer les membres de la faction adverse. Il sera également possible de lancer des défis à une guilde ou carrément de participer au combat ultime Royaume contre Royaume.

Editeur : Aeria GamesDéveloppeur : SONOV EntertainmentType : MMO / Jeu de RôleSortie France : 2009Support : onlineSite officiel : http://fr.shaiya.aeriagames.com/Textes : VFDisponible uniquement en téléchargementJouable gratuitement

LeS NoTeS

Graphismes 14/20Même si on n’atteint évidemment pas le rendu d’un gros jeu commercial, les graphismes de Shaiya restent tout à fait satisfaisants, si on le compare à ce qui se fait dans la catégorie. De chouettes effets, de beaux décors, parfois ternis par une vilaine texture, mais rien de repoussant. Les animations auraient quand même gagné à être plus souples. Quant au design, c’est une affaire de goûts…

Jouabilité 15/20Le gameplay de Shaiya repose sur des bases classiques bien rodées, on ne va pas prétendre le contraire. Malgré tout, les développeurs ont eu un tas de bonnes idées, au premier rang desquelles les différents niveaux de difficulté qui rendent le titre accessible à tous. Le système de bénédic-tion de la déesse est bien vu, et on apprécie la possibilité de monter soi-même ses caractéristiques. Reste quelques soucis mineurs (collisions…) et une interface pas toujours optimale, notamment en ce qui concerne la gestion des quêtes.

Durée De vie 14/20Comme la plupart des MMO, Shaiya jouit d’une bonne durée de vie pour peu qu’on accroche à son univers et à son gameplay, malgré l’inévitable répétitivité. Atteindre le niveau 60 en mode Difficile ne sera pas une mince affaire, d’autant qu’un certain manque de quêtes par endroits obli-gera à tuer des monstres à la chaîne. Et une fois le mode Ultime débloqué, un nouveau défi s’offrira à vous… Dont la durée de vie peut être très brève toutefois, pensez à vous accompagner d’un personnage doué de résurrection !

banDe son 15/20La musique, de très bonne facture, alterne entre thèmes atmosphériques dans les moments calmes et morceaux symphoniques plus enlevés pendant les combats. Elle aurait gagné à être plus variée, mais ne boudons pas notre plaisir, la qualité des compositions est déjà étonnante pour une production de ce type. Les voix des PNJ sont restées en coréen, ce qui ne manquera pas de faire sourire par moments.

scénario 14/20Même si dans le fond, elle est plutôt classique, cette opposition entre l’Ombre et la Lumière est un contexte agréable à découvrir, avec sa mythologie propice aux affrontements entre joueurs. D’autant que ceux-ci sont vraiment à fond dans leurs rôles vu le caractère définitif du choix de faction. Dommage que le background ne soit pas un peu plus développé à travers les quêtes, dont la plupart restent trop basiques.

note Générale 15/20Au fil des localisations européennes, le monde des MMORPG gratuits d’origine asiatique s’apparente de plus en plus à une vaste jungle. L’offre est devenue foisonnante, à tel point qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Mais avec Shaiya, il y a peu de risques d’être déçu : le titre propose un gameplay bien huilé axé sur les affrontements entre joueurs de la Lumière et ceux de la Fureur, enrobé dans une solide réalisation. Bref, une bonne pioche. Si vous êtes un amateur du genre en quête d’un nouvel univers virtuel, vous devriez lui donner sa chance.

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Les Races de Teos les humains

Les humains sont les derniers arrivés dans les terres de Teos. Mystiques, forts, et vifs, les Humains font montre de grande compétence dans presque tous les métiers que Teos offre. Cependant, leur véritable force réside dans leur corps puissant et leur essence spirituelle. Combattants et prêtres de naissance, les Humains forment le complément naturel des Elfes et de leur magie. Ils furent amenés sur Teos par les Déesses dans l´espoir qu´ils permettraient de restaurer l’équilibre et l´harmonie de ce monde. Malheureusement, ils furent happés par le chaos et les Elfes furent les premiers à leur porter secours.

les elfes

Méthodiques, volontaires, élégants, ne sont que quelques-uns des termes utilisés pour décrire les Elfes. Ces derniers, comme les Vails, sont les descendants des Dumianas. Les Lois de la nature sont très importantes pour les Elfes, et leur société est construite sur l´ordre et la discipline. Les Elfes sont sans cesse obligés de batailler pour repousser les attaques de monstres hors de leur territoire. Les Elfes magiciens sont les Élus de la Déesse de la Lumière

les vails

Intelligent et vifs, rusés et mystiques, les Vails sont les Élus de la Déesse des Ténèbres. Membres d´une des deux races issues des Dumianas, les Vails à l´apparence exotique et mystérieuse ne sont pas le peuple belliqueux que beaucoup imaginent. Ils ne se montrent féroces et perfides qu´en cas de nécessité , et cherchent plutôt à atteindre un équilibre avec leur environnement. N´étant pas aussi forts que certaines des autres races, les Vails préfèrent en combat les attaques furtives et les arts mystiques.

les norDeins

Vers la fin de la grande guerre, les Déesses créèrent les Nordeins afin qu’ils aident à protéger Teos. Les Nordeins ont tout l´air d´êtres brutaux et stupides, violents et agressifs. Mais cette race d´Anciens ne doit pas être jugée sur sa seule apparence. Au cours des guerres qui ont suivi leur venue sur Teos, les Nordeins ont développé un certain mépris de la magie et choisi de ne guère l´utiliser, voire pas du tout. C´est certainement une des raisons qui les ont amenés à s´allier avec les Vails mystiques plutôt qu’avec les Elfes magiciens.

téos, le monde Shaiya, est déchiré entre deux déesses. Les différentes races qui

le peuplent sont réparties ainsi : Elfes et Humains forment l’Alliance de la Lumière, Nordeins et Vails sont regroupés dans l’Union de la Fureur. Deux camps, engagés dans une guerre sans merci pour obtenir les faveurs de leur divinité. Votre premier acte dans Shaiya sera donc d’opter pour une fac-tion, suite à quoi le jeu vous demandera confir-mation deux fois (« Êtes-vous sûr ? Êtes-vous vraiment sûr ? »). Pourquoi autant de précau-tions ? Car ce choix est définitif ! Ici, pas ques-

tion de créer un personnage du camp opposé, comme on passerait allègrement de la Horde à l’Alliance dans World of Warcraft. Si vous tenez absolument à tester la faction adverse, la seule solution sera de créer un nouveau compte (ce qui n’est pas rédhibitoire en soi puisque le jeu est gratuit). Cette sélection irrévocable d’un alignement a pour effet d’ancrer un peu plus les joueurs dans leurs rôles de «gentils» ou de « méchants », de les impliquer davantage dans la guerre qui fait rage, Shaiya étant avant tout axé sur les affrontements PvP (nous y reviendrons).

Le monde de Shaiya entre l’Alliance de la Lumière et l’Union de la Fureur

c e choix ô combien crucial étant fait, vous pourrez passer à la création d’un personnage. Là, une autre originalité de Shaiya fait son apparition : la sélection d’un niveau de diffi-

culté, chose très rare dans un jeu de rôle massivement multijoueur. Pas moins de quatre options sont disponibles, influant sur les items accessibles, les gains d’expérience, de points de caractéristiques et de compétences, etc. En facile, l’expérience monte très rapidement, mais le jeu est plafonné au niveau 30. Les compétences spéciales ne sont pas disponibles, de même que les meilleures pièces d’équipe-ment. Idéal pour s’initier au genre, guère plus. En normal, les limita-tions sautent, les gains d’expérience restent assez rapides. En difficile (le mode par défaut), la progression est sensiblement plus lente. En revanche, ce problème est compensé par davantage de points à distri-buer à chaque niveau, autorisant la création d’avatars plus puissants, également capables de porter des objets légendaires. Enfin, le mode Ultime pousse cette logique jusqu’au bout : encore plus de points, des items divins, en contrepartie d’une progression digne d’une limace et surtout d’une mort permanente ! Notez que ce mode n’est accessible qu’après avoir atteint le niveau 50 en difficile. Ce système original a le mérite de satisfaire tous les publics, du joueur occasionnel au plus hardcore, même si la conséquence évidente est que deux personnages de même niveau peuvent être de puissance très variable, tout le monde

partageant le même serveur.Une fois que cet autre choix capital aura été mûrement réfléchi, vous pourrez enfin façonner votre avatar. L’éditeur n’est pas très généreux en termes de personnalisation physique, mais propose tout de même quelques visages différents et permet de changer sa taille. Shaiya com-pense ce manque par un large choix de classes, douze au total. En fait, il s’agit plutôt de 2 x 6, puisqu’on retrouve des classes identiques d’un camp à l’autre : le gardien Nordein est l’équivalent du défenseur Humain, le mage Elfe correspond à l’animiste chez les Vails, etc. Il faut admettre que Shaiya n’est pas très original dans ce domaine, avec les sempiternels archétypes de tank, de soigneur ou de DPS. Néan-moins, le titre permet de paramétrer finement son évolution, avec de nombreuses compétences disponibles mais aussi des caractéristiques à augmenter manuellement. Oui, c’est devenu plutôt rare dans les MMORPG, mais Shaiya autorise la répartition de points entre force, intelligence, dextérité et compagnie, ce qui est très appréciable. Par contre, les amateurs d’artisanat en seront pour leurs frais, car il n’est pas encore implémenté à l’heure actuelle (mais promis par les déve-loppeurs pour une prochaine mise à jour). Il existe cependant un système de sertissage de lapis pour améliorer les objets. Mais prenez garde, il y a une certaine probabilité d’échec, et cela peut se termi-ner par la destruction d’un précieux item !

Créer son personnage

comment mettre toutes les chances de son côté ? En obtenant les faveurs de votre déesse. C’est là une autre originalité du système de Shaiya : la faction dominante du moment se

voit en effet gratifiée de nombreux avantages, qui vont des chances de sertir un lapis, donc, à des bonus de points de vie ou de mana, des réductions des pénalités de mort ou un meilleur taux de régénération. On saisit alors toute l’importance d’aider son camp à obtenir la pré-cieuse bénédiction. Cela passe évidemment par des affrontements avec les joueurs du groupe rival sur une des trois cartes dédiées (en fonction de votre niveau, la première région PvP étant accessible dès le niveau 1). Là, la guerre fait rage pour le contrôle d’une relique. Les forces de la Lumière et de la Fureur arrivent de part et d’autre du champ de bataille et se retrouvent autour d’un joyeux bain de sang. Un peu bordéliques de prime abord, ces combats n’en res-tent pas moins jouissifs lorsque menés au sein d’une équipe organisée et disciplinée, où les stratégies peuvent alors se mettre en place, chaque classe exprimant pleinement son potentiel. Et de par la symétrie des deux camps, le PvP de Shaiya ne souffre d’aucun déséquilibre. Il constitue donc le principal intérêt du soft. Car par ailleurs, le PvE est relativement plat : les quêtes se suivent et se ressemblent, l’intérêt fondant au fur et à mesure, même si la découverte d’une nouvelle zone ou l’arrivée à un donjon permet de relancer un peu la machine.

Le jeu

n Obvious

u n autre bon point de Shaiya est la qualité globale de sa réalisation. Tout n’est certes pas parfait, on

pourrait par exemple lui reprocher des animations un peu raides, quelques pro-blèmes de collision, l’absence de dégâts de chute ou encore les textes aux mots sau-vagement tronqués en plein milieu. Des broutilles, pour la plupart. D’un autre côté, le jeu bénéficie d’un solide moteur graphique, capable d’afficher de bien jolies choses (eau, effets de sorts, reflets...). Les environnements traversés sont inégaux mais assez réussis dans l’ensemble. Bien sûr, la direction artistique, que nous qua-lifierons de «typiquement coréenne» (quoi de plus normal après tout...), ne plaira pas à tout le monde. Si on aime les elfettes à demi dénudées, en revanche, il faut avouer que Shaiya constitue une valeur sûre... La musique n’est pas en reste, avec des com-positions d’une qualité rare pour un titre du genre. Enfin, terminons ce tour d’hori-zon des qualités de Shaiya avec la traduc-tion française, très correcte et en tout cas bien au-dessus de la moyenne des autres MMO gratuits asiatiques. Et puisqu’on en est à évoquer le modèle économique Free 2 Play, signalons juste un petit regret : les pop-up qui apparaissent fréquemment, accompagnées d’un petit signal sonore, pour nous prévenir de telle ou telle pro-motion. Ce n’est pas fondamentalement agaçant, mais ça casse l’immersion, alors qu’un message dans le canal de tchat aurait été suffisant. Cette peccadille ne doit tou-tefois pas vous empêcher de découvrir Shaiya, car il s’agit d’un des rares titres qui parviennent à se distinguer de la masse.

La réalisation