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  • 8/8/2019 Raunet M. et Naudin K., 2006. Lutte contre la dsertification : l'apport d'une agriculture en semis direct sur couvert

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    Comit Scientifique Franais de la DsertificationLa cration, en 1997, du Comit Scientifique Franais de laDsertification, CSFD, rpond une double proccupation desministres en charge de la Convention des Nations Unies sur la luttecontre la dsertification. Il sagit dune part de la volont de mobiliserla communaut scientifique franaise comptente en matire dedsertification, de dgradation des terres et de dveloppement desrgions arides, semi-arides et sub-humides afin de produire desconnaissances et servir de guide et de conseil aux dcideurs politiques

    et aux acteurs de la lutte. Dautre part, il sagit de renforcerle positionnement de cette communaut dans le contexteinternational. Pour rpondre ces attentes, le CSFD se veut une forcedanalyse et dvaluation, de prospective et de suivi, dinformation etde promotion. De plus, le CSFD participe galement, dans le cadredes dlgations franaises, aux diffrentes runions statutaires desorganes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contrela dsertification : Confrences des Parties, Comit de la scienceet de la technologie, Comit du suivi de la mise en uvre de laConvention. Il est galement acteur des runions au niveaueuropen et international.

    Le CSFD est compos d'une vingtaine de membres et d'un Prsident,nomms intuitu personae par le ministre dlgu la Recherche et issus des diffrents champs disciplinaires etdes principaux organismes et universits concerns. Le CSFD est gret hberg par Agropolis International qui rassemble, Montpellier etdans le Languedoc-Roussillon, une trs importante communautscientifique spcialise dans lagriculture, lalimentation etlenvironnement des pays tropicaux et mditerranens. Le Comit agitcomme un organe indpendant et ses avis n'ont pas de pouvoirdcisionnel. Il n'a aucune personnalit juridique.Le financement de son fonctionnement est assur par des subventionsdu ministre des Affaires trangres et du ministre de lcologie et duDveloppement durable, la participation de ses membres ses activits est gracieuse et fait partie de l'apport du ministredlgu la Recherche.

    Pour en savoir plus : www.csf-desertification.org

    Directeur de la publicationMarc Bied-Charreton

    Prsident du CSFDProfesseur mrite de

    lUniversit de VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ)Chercheur au Centre dconomie

    et dthique pour lenvironnement etle dveloppement (C3ED-UMR IRD/UVSQ)

    AuteursMichel Raunet

    Chercheur au Dpartement cultures annuelles du Centre de coopration internationale en recherche

    agronomique pour le dveloppement (Cirad-ca)[email protected]

    Krishna NaudinChercheur au Cirad-ca

    [email protected]

    Avec la participation deMarc Bied-Charreton, Professeur mrite de lUVSQ

    Olivier Husson, Chercheur au Cirad-caLucien Sguy, Chercheur au Cirad-ca

    dition et iconographieIsabelle Amsallem (Agropolis Productions)

    [email protected]

    Conception et ralisationOlivier Piau (Agropolis Productions)

    [email protected]

    Remerciements pour les illustrations

    Danile Cavanna (Photothque INDIGOde lInstitut de recherche pour le dveloppement)

    et Jean Asseline (IRD) ainsi que les auteursdes diffrentes photos prsentes dans le dossier.

    Impression :Les Petites Affiches (Montpellier, France)Dpt lgal : parution ISSN : 1772-6964

    Imprim 1 500 exemplaires

    CSFD/Agropolis International, septembre 2006

    Pour rfrence : Raunet M. et Naudin K., 2006. Lutte contre ladsertification : l'apport d'une agriculture en semis direct sur couverturevgtale permanente (SCV).Les dossiers thmatiques du CSFD. N4.Septembre 2006. CSFD/Agropolis, Montpellier, France. 40 p.

    Les dossiers thmatiquesdu CSFD numro 4

    agropolis productions u n e

    r

    a l i s a t i o n

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librement sur le site Internet du Comit.

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librement sur le site Internet du Comit.

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    Remote sensing, a support to the study and monitoring of the Earth environment 1

    L humanit doit dornavant faire face un pro-blme denvergure mondiale : la dsertification, la fois phnomne naturel et processus li aux activits humaines. Jamais la plante et les

    cosystmes naturels nont t autant dgrads par notre pr-sence. Longtemps considre comme un problme local, ladsertification fait dsormais partie des questions de dimen-sion plantaire pour lesquelles nous sommes tous concerns,scientifiques ou non, dcideurs politiques ou non, habitantsdu Sud comme du Nord. Il est dans ce contexte urgent demobiliser et de faire participer la socit civile, et dans unpremier temps de lui fournir les lments ncessaires unemeilleure comprhension du phnomne de dsertificationet de ses enjeux. Les connaissances scientifiques doiventalors tre la porte de tout un chacun et dans un langagecomprhensible par le plus grand nombre.Cest dans ce contexte que le Comit Scientifique Franaisde la Dsertification a dcid de lancer une nouvelle srieintitule Les dossiers thmatiques du CSFD qui veut four-nir une information scientifique valide sur la dsertification,toutes ses implications et ses enjeux. Cette srie sadresse aux dcideurs politiques et leurs conseillers du Nord comme

    du Sud, mais galement au grand public, aux journalistesscientifiques, du dveloppement et de lenvironnement. Ellea aussi lambition de fournir aux enseignants, aux formateursainsi quaux personnes en formation des complments surdiffrents domaines. Enfin, elle entend contribuer la diffu-sion des connaissances auprs des acteurs de la lutte contrela dsertification, la dgradation des terres et la lutte contrela pauvret : responsables dorganisations professionnelles,dorganisations non gouvernementales et dorganisations desolidarit internationale.Une douzaine de dossiers est consacre diffrents thmesaussi varis que la biodiversit, le changement climatique, lepastoralisme, la tldtection, etc., afin de faire le point desconnaissances sur ces diffrents sujets. Il sagit galementdexposer des dbats dides et de nouveaux concepts, y compris sur des questions controverses, dexposer desmthodologies couramment utilises et des rsultats obte-nus dans divers projets et enfin, de fournir des rfrencesoprationnelles et intellectuelles, des adresses et des sitesInternet utiles.Ces dossiers seront largement diffuss - notamment dansles pays les plus touchs par la dsertification - sous formatlectronique la demande et via notre site Internet, maisgalement sous forme imprime. Nous sommes lcoutede vos ractions et de vos propositions. La rdaction, la fabri-

    cation et la diffusion de ces dossiers sont entirement lacharge du Comit, grce lappui quil reoit desministres franais. Les avis exprims dans les dossiersreoivent laval du Comit.

    Avant-propos

    Marc Bied-CharretonPrsident du CSFD

    Professeur mrite de lUniversitde Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

    Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ

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    2 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Depuis des dizaines dannes et dans beaucoup de rgions,les agriculteurs ont eu faire face des problmes drosionqui affectaient gravement leurs sols : rosion hydrique chaque pluie, rosion olienne qui enlve le sol et cre desnuages de poussires dont les consquences se font sentirbien au-del des zones de dpart. Chacun a en mmoire leprocessus de dust bowl qui a assombri les grandes plainescralires des tats-Unis et du Canada dans les annes 30.Chacun connat les effets dvastateurs de lrosion sur leplateau de loess en Chine. Le travail excessif des sols, leaurare et mal rpartie, dont une grande quantit est perduepar ruissellement, ont impos la recherche de systmes deculture alternatifs destins notamment ralentir lrosion etle ruissellement, favoriser linltration de leau de pluie et amortir les alas climatiques.

    Cest ainsi que sont nes dans les annes soixante despratiques alliant deux principes : travail minimum du sol etsemis direct dans les rsidus de rcolte. Parti des tats-Unispuis perfectionn au Brsil, ce mouvement sest ensuitetendu une partie de lAmrique Latine, lAustralie. Il sestiniti en Asie puis en Europe (y compris la France) et ennen Afrique et Madagascar. Aujourdhui plus de 90 millionsdhectares dans le monde sont cultivs sans labour et ensemis direct sur un couvert vgtal. Dans les annes 1980,dans les cerrados brsiliens puis dans les zones de petiteagriculture familiale, le Cirad et ses partenaires brsiliens ontrussi adapter les principes du semis direct aux conditionsde lagriculture tropicale. Un espoir naissait pour les petits

    agriculteurs, pour qui le sol est un outil de production, quilconvient dentretenir durablement.

    Ces nouvelles pratiques sont plus quune collection detechniques, elles demandent un vritable changementdesprit, puisquon abandonne ce qui a toujours tconsidr comme lune des bases de lagriculture : le labour.La recherche sest poursuivie, notamment en Afrique duNord (Tunisie), en Afrique sub-saharienne (Cameroun), Madagascar, au Vietnam, au Laos ou au Cambodge. Depuisbientt 10 ans, lAFD (Agence Franaise de Dveloppement),le FFEM (Fonds Franais pour lEnvironnement Mondial) etle MAE (ministre des Affaires trangres, France) apportentleur appui ladaptation et la diffusion de cette agriculturedurable , dans le cadre de projets de dveloppement rural,dans des contextes agro-cologiques et socio-conomiquesvaris. Ce nouveau type dagriculture apporte une rponseparticulirement bien adapte aux zones fragiles soumises de svres risques de dsertication.

    Le mrite de ce dossier thmatique du CSFD est de nousexposer avec beaucoup de clart les enjeux du semis directsur couverture vgtale permanente, ses difcults et sesespoirs. Je suis persuad quil convaincra grand nombrede lecteurs, ces nouvelles pratiques culturales devant tre

    considres comme partie prenante des volutions agricolesncessaires la prservation des ressources naturelles, basesde lactivit rurale des pays en dveloppement.

    Prface

    Jean-Yves GrosclaudeDirecteur du Dpartement

    du dveloppement rural, environnementet ressources naturelles de lAFD

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    Sommaire

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    Ncessit de nouvelles pratiques agricoles dans lesrgions soumises au processus de dsertification

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    Sols et eaux en conditions de dsertification

    14

    Les SCV : une solution alternative aux systmesde culture conventionnels dans les pays touchspar la dsertification

    18

    Les avantages des SCV pour les agriculteurs

    22Effets cumuls et services rendus des SCVaux niveaux des paysages et des communauts

    30

    Un exemple au Nord-Cameroun : quatre ansdexprimentation en SCV sur les systmescotonniers avec les agriculteurs

    36

    Les SCV, une voie prometteusepour lutter contre la dsertification ?

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    Pour en savoir plus

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    Acronymes et abrviations

    utiliss dans le texte

    Sommaire

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    Ncessit de nouvellespratiques agricolesdans les rgionssoumises au processusde dsertification

    a dsertification a des consquences impor-tantes sur les eaux, les sols, labiodiversit,les systmes agraires et par consquent surles hommes qui vivent des services rendus par

    les agro-cosystmes. Le changement climatique du21me sicle aggrave et tend la dsertif ication, processusde dgradation environnementale dans les zonesarides, semi-arides et sub-humides sches. Les agri-cultures familiales des pays du Sud, si elles veulent semaintenir, doivent sy adapter, que ce soit aux niveaux technique, conomique ou organisationnel.

    Le sol, souvent unique capital de lagriculteur dansces rgions, est au cur du fonctionnement et de larsilience des agro-cosystmes : il doit tre prservet amlior. Leau, ressource rare et alatoire dans lespays soumis la dsertification, est en grande partieperdue par ruissellement et vaporation. Elle doittre conserve au profit du systme sol-plante afin deproduire plus de biomasse vgtale.

    Les agricultures (associes llevage) telles quelles sepratiquent actuellement dans les milieux semi-arides sub-humides, sont peu productives, peu diversi-fies et leurs productions sont trs irrgulires. Ellespermettent peine la survie des socits rurales qui

    L

    LexiqueAgro-cologie : Courant de pense et daction, en recherche etingnirie, visant ne pas sparer cologie et agriculture,appliquaux systmes et lires de production dans un objectif dedveloppement durable et de protection de lenvironnement.

    Agro-cosystme : cosystme dans lequel prennent placedes activits de production agricole.

    Biodiver sit : La diversit biologique, ou biodiversit, est lavarit et la variabilit de tous les organismes vivants. Celainclut la variabilit gntique lintrieur des espces et deleurs populations, la diversit des complexes despces asso-cies et de leurs interactions, et celle des processus cologiquesquils inuencent ou dont ils sont les acteurs (dnition UICN,1988).

    Biomasse : Masse totale des cellules vivantes dun endroitdonn, rapport la surface ou au volume.

    Dgrada tion : En rgle gnrale, ce terme signie destructionlente ou volution dfavorable (dans une optique et un contexte prciser : pour un sol, cela peut tre une perte de biodiversitet de rsilience faisant seffondrer sa structure), dun sol ou dune

    forme de relief, de divers processus et dun changement de con-ditions de milieu (climat, vgtation, rgime hydrique, homme,etc.) par rapport aux conditions de gense initiales.

    Fertilit : Aptitude dun sol produire sous son climat.

    Productivit : Aptitude potentielle dun organisme (vgtal ou ani-mal) fournir une certaine quantit dun produit dtermin (planteentire, fruits, graines, fourrage, bres, huile, bois, lait, viande,laine, etc.) rapporte une unit despace ou de temps.

    Recherche-action : Recherche applique participative associantles acteurs du dveloppement et les agriculteurs.

    Rsilience : Aptitude dun systme survivre des perturbationsdans sa structure et/ ou son fonctionnement, et retrouver, ladisparition de ces dernires, un tat comparable la situationinitiale (Ramade, 1993). En rsum, il sagit de laptitude amortirles perturbations.

    Systme agraire : Expression spatiale de lassociation desproducteurs et des techniques mises en oeuvre par une socitrurale en vue de satisfaire ses besoins.

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)4

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    La dsertification en quelques mots

    La Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dsertification(LCD), tablie en 1994, dfinit la dsertification comme la dgradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-

    humides sches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activits humaines .

    Le concept de dsertification, autant que celui de dgradation desterres et des cosystmes auquel il est trs fortement connot, estli une perception globale, qualitative et ngative, qui sous-tenddes processus insidieux (dorigine naturelle et humaine) complexeset trs difficiles enrayer, mlant causes, effets, consquences avecleurs multiples boucles de rtroaction. Ces processus impliquentdes aspects climatiques, cologiques, agricoles, conomiqueset sociaux, lis, pour ces derniers, un usage et un partage deressources rarfies (bois, sols fertiles, eaux, pturages, faune

    chasse) du fait de trop fortes pressions exerces sur celles-ci oude concentrations humaines excessives.

    Le concept de dsertification est galement associ implicitement celui de scheresse, donc de raret et dirrgularit de leauaux moments o il en faut, mais aussi, linverse, dexcsou de brutalit des prcipitations entranant des dommages(engorgement des cultures, effets mcaniques destructeurs,envasements douvrages, ). Cette dgradation des terres etdes cosystmes fait suite une rupture dquilibre cologiqueet concerne la diminution de laproductivit de lcosystme,cest--dire de lafertilit du sol, de celle du couvert vgtal,des pturages, de la biodiversit, etc. Sajoute la dimensionco-climatique, la dimension humaine : pression anthropiqueexcessive, difficult de vivre et de produire dans ces cosystmes,risques, pauvret, ncessit dadaptation, etc.

    La rponse et ladaptation des populations rurales cette rupturedquilibre et cette dgradation doivent tre une stratgie delutte adapte, intgrant une meilleure gestion des risques, et, sipossible, les voies et moyens dune rgnration et dune rsilienceamliore des agro-cosystmes. Le concept de rsilience est unenotion centrale considrer quand on parle de dsertification.On peut dire que la dsertification quivaut une perte dersilience vis--vis des agressions combines co-climatiques et

    humaines. Un retour en arrire (rgnration) par des moyenshumains (de nouvelles pratiques culturales par exemple) signifie, linverse, un gain (rcupration) de rsilience. La rsilience dunagro-cosystme constitue la base de sa durabilit.

    Zoom

    souffrent par consquent de malnutrition et de faminesendmiques. Dans ces conditions, la durabilit agro-socio-conomique parait inaccessible et la protectionde lenvironnement et des ressources naturelles ne peutpas devenir la proccupation majeure des agriculteurs

    soucieux de leur futur trs court terme.Stopper la spirale de dgradation qui accompagnela dsertification ne peut senvisager quen favori-sant la cration, ladaptation, le dveloppement etla diffusion grande chelle de nouveaux systmesagraires, plus durables, commencer par de nouveaux systmes intgrs de culture et dlevage. Cest par unedynamique de recherche-action, impliquant tous lesstades de son dveloppement les agriculteurs, que cesdiffrentes interventions pourront tre dveloppes etmises en uvre.

    Les principes dune nouvelle agriculture de natureagro-cologique et mettant en uvre des interactionssynergiques sol-eau-biomasse-biodiversit sontprsents dans ce dossier : les systmes en semis direct surcouverture vgtale permanente (SCV). Leurs principeset leurs caractristiques sont exposs ainsi que les effetsdirects et bnfices indirects que lon peut en attendre diffrentes chelles (parcelle, exploitation, terroir,territoire) aussi bien pour lagriculteur que pour lescommunauts.

    Paysage rod. Neghelle.Rift-Valley mridionale. thiopie.

    M. Raunet

    5Ncessit de nouvelles pratiques agricoles dans les rgions soumises au processus de dsertification

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    6 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Sols et eauxen conditionsde dsertification

    a dsertification nest pas lie directement un montant pluviomtrique annuel. Parexemple, avec 1 400 millimtres de prcipi-tations annuelles et avec des sols et une v-

    gtation dgrads, le processus de dsertification peuttout de mme exister. Par contre, la dsertification estdirectement lie au fait que leau de pluie, pour diversesraisons (sols encrots par exemple), ne pntre pas (ouplus) suffisamment dans le sol pour assurer une alimen-tation correcte des plantes cultives, des pturages et dela vgtation naturelle.

    Les principales raisons du dficit dinfiltration de leaudans le sol manent plutt de la qualit physique etorganique des sols dgrads, et de leur faible taux decouverture vgtale, les exposant ainsi aux agressions

    climatiques (prcipitations violentes par exemple). Ilsagit l dun cas typique o causes et effets salimen-tent et se confortent mutuellement sans que lon sacheclairement quand, comment et pourquoi le processussinitie. Un exemple en modle rduit, la fois concretet mtaphorique, est le mcanisme de contractionordonne de la vgtation en brousse tigre (complexevgtation/sol alternant fourrs arbustifs et plages nuesen forme de taches ou/et de bandes) sur les glacis desrgions semi-arides. Les bandes de vgtation corres-pondent des zones dinfiltration de leau et les bandesnues des zones de ruissellement intgral, donc dela dsertification. Le fonctionnement de cette structuretigre est relativement bien connu ainsi que la faondont elle se renforce une fois installe. Par contre, lafaon dont elle sinitie, les dclencheurs et au-del dequels seuils, sont quant eux mal identifis.

    Des sols fragiles, pauvres et peu productifs

    Dans les rgions semi-arides et sub-humides sches,dites dgrades, leau ne sinfiltre pas profondment car lastructure du sol est dfavorable (structure dite conti-nue ou massive) du fait dune extrme pauvret en matireorganique. Sa porosit est galement faible ou totalement

    colmate faible profondeur par des argiles de naturekaolinique, des oxydes de fer et des sables quartzeux quiagissent comme un bton indformable.

    Dans les rgions tropicales sches, les sols sableux sablo-limoneux, gnralement trs pauvres en matireorganique (0,3 1 pour cent sur les 20 premiers centim-tres), structure peu dveloppe et fragile, sont cultivstraditionnellement aprs grattage et pulvrisage de lasurface du sol (labour sur 8 10 centimtres de profon-deur). Les sols sont ensuite laisss nu ; ce qui contribue les rendre encore plus vulnrables au glaage et lrosion en nappe , entretenant ou renforant de cefait la dsertification.

    Les sols y sont trs frquemment lixivis jusqu 20 40 centimtres de profondeur, correspondant la zonemaxima dinfiltration de leau. Dans cette couche, plussableuse ou plus limoneuse que celle den dessous, et en-gorge lors des fortes pluies, leau scoule latralementde faon hypodermique , formant une petite nappedeau perche qui affleure trs vite pour se joindre aufort ruissellement de surface. Il y a alors engorgementtemporaire du systme racinaire qui souffre dasphyxie,autant quil souffre de scheresse sil ne pleut pas pen-dant une semaine ! Ces sols, de teinte beige, gristreou rose, sont appels sols ferrugineux tropicaux lessivs . Quand la couche lixivie repose par une dis-continuit brutale sur le substrat plus argileux mais trs

    compact et infranchissable pour leau et les racines, onparle alors de planosols (tels les fameux sols hards du Nord-Cameroun).

    L rosion en nappe et en lavaka (grand ravin) surles Hauts-Plateaux malgaches. M. Raunet

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    Lcosystme brousse tigre caractrise la vgtation despaysages peu accidents des longs glacis pentes infrieures deux pour cent des rgions sahliennes ou la limite norddes rgions soudano-sahliennes. Cet cosystme se prsentesous la forme de bandes (ou darcs) vgtaux, le plus souvent enfourrs arbustifs parallles aux courbes de niveau, plus ou moinscontinues, espaces rgulirement et de largeur variable. Cesbandes vgtalises sparent des bandes nues ou faiblementherbaces. Do son nom de vgtation contracte . Cescosystmes peuvent se prsenter sous la forme de systmesstructurs en ligne, en arc, ou en rosace. En dehors de lAfrique,ce type de vgtation sobserve aussi dans dautres milieux semi-arides, en Australie, au Mexique, Madagascar,

    Il sagit dun mode dadaptation et de contraction de lavgtation, face des rgimes pluviomtriques faibles (300-700 mm par an) mais violents et sporadiques, induisant desprocessus intenses de ruissellement en nappe. Ce type devgtation rsulterait dun quilibre entre le sol, le climat, lavgtation et lhomme. Les structures en bandes assurent unecorrection du facteur pluviomtrique permettant la vgtationde se dvelopper dans des conditions cologiquesa priori dfavorables (300 400 mm/ an). Les systmes contracts

    typiques des zones climatiquement dfavorables recrent par leurstructure des conditions cologiques similaires celles trouvesdans des zones plus favorables o il pleut 800 mm par an ! Ces

    niveaux de productivit plus levs remettent en question la visionquon en avait en les assimilant une dgradation du milieu(Ichaou, 2000). Une fois le processus initi, il se poursuit par desrtroactions positives (avec pigeage des dbris vgtaux,des sdiments et des semences) induisant un auto-renforcementdes bandes arbustives.

    Zoom

    Brousse tigre du plateau de Soa Bangou prsde Banizoumbou (60 km lest de Niamey, Niger).

    Le sol est une cuirasse latritique ancienne avec une faible paisseur desol meuble (de 0 60 cm dpaisseur) trs argileux, pauvre en matire

    organique dans les bandes nues et riche dans les bandes de vgtation. J. Asseline et J.L. Rajot

    Sols et eaux en conditions de dsertification 7

    La brousse tigre, une vgtation contracte

    typ ique des rgions sahliennes

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    Dgrada tion des sols intertropicaux :les pratiques agricoles doivent changer !Avec laugmentation dmographique et la saturation du foncier,limitant de plus en plus les dures des jachres en savane et lareconstruction forestire en zone humide, les terres tropicales etsub-tropicales ont commenc aller mal partir des annes 60 :rosion sous toutes ses formes, compaction et prise en masse,lixiviation, acidification, perte en matire organique, enherbementirrpressible aboutissant une dgradation gnrale de lafertilit des sols. Avec le changement climatique, la situation devraitempirer danne en anne si des solutions ne sont pas trouves.Malgr la prise de conscience de ce processus, les conditions pour

    stopper cette spirale rtroactive de dgradation des sols, dans desconditions socio-conomiques acceptables, nont pas t mises enapplication grande chelle.

    La durabilit de lagriculture exige comme pralable indispensablecelle des sols, support de la production. Protger le sol est donc ensoi un acte conomique majeur. Lutter pour conserver et amliorerles sols contribue la lutte contre la pauvret. Paradoxalement,lconomiste et le dcideur politique sont souvent peu laise etmal arms pour valuer un sol, avant, aprs ou en prvision dunecertaine dure dutilisation. Les conomistes du dveloppementintgrent le sol dans la problmatique gnrale de gestion desressources naturelles non renouvelables alors que le sol devraittre, en principe, durable, contrairement aux autres ressources(eaux, forts, poissons, pturages, ). Le sol peut tre apprcien fonction de sa qualit, autant sinon plus, quen quantit. Cettequalit est ce quon appelle la fertilit qui, elle, est dgradable ourgnrable par lhomme.

    Il faut se persuader que lagriculteur ne dilapide pas la fertilit deses sols par plaisir, mconnaissance ou inconscience, mais que,malheureusement, il ne peut pas faire autrement. La pression sur laterre devient trop forte et sa vision du futur est conditionne par sasurvie court terme. Les moyens et longs termes sont trop loigns,dautant plus que lagriculteur na souvent pas de quoi investir.

    Devant cette impasse les agriculteurs du Sud devront changer leurspratiques, parfois radicalement. La Recherche-Dveloppement doitles aider. Cest une priorit.

    Zoom

    rosion ravinante dans une plantation de sisal.Rift Valley, thiopie. M. Raunet

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)8

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    Nature et fonctionnement hydriquedun sol souda no-sahlien

    Un sol typique des rgions soudano-sahliennes dAfrique (500-900 mm de pluies annuelles) ou sol duplex dAustralie peut trereprsent par le schma gnrique suivant :

    Prsence de quatre horizons (ou niveaux, ou matriaux) successifs 0 25 cm : horizon sablo- limoneux, lessiv, clair o se concentrele gros des racines.

    25 80 cm : horizon compact, peu poreux, pris en masse,souvent sec, argilo-sableux, avec trs peu de racines. 80 500 cm : altrite limono-argilo-sableuse tachete dite plinthite meuble , humide, nappe phratique fluctuante. 500 2000 cm : altrite argilo-sablo-micace ( roche pourrie ),gris- verdtre, plastique, noye par la nappe phratique dite daltrite . Au-del de 2 mtres : roche- mre saine, ventuellement nappephratique profonde dans les fissures.

    Mouvements de leau Dans un tel sol, leau circule de faon descendante partir de

    la pluie et de faon ascendante partir de la nappe phratique.Ces deux flux sont relativement indpendants et peuvent ne pas serencontrer : En surface leau de pluie (P) se disperse en ruissellement (R),infiltration (I), coulement (ou nappe) hypodermique latral (RI) lorsdes gros pisodes pluvieux, transpiration (T) et vaporation (E). (R)et (RI) additionns peuvent reprsenter jusqu plus de 60 pour centde lpisode pluvieux. En profondeur, en gnral, sige une nappe phratique daltritesimbibant une bonne partie de la zone daltration argilo-sablo-micace, dite souvent roche pourrie , dont lpaisseur peutatteindre 10 30 mtres. Cette nappe phratique fluctue sur 2 10 mtres pendant lanne entre la saison des pluies et la saisonsche.

    Au-dessus de la nappe se trouve la frange de fluctuation (ensaison des pluies) ou la frange capillaire (en saison sche) fluxdirig vers le haut, imbibant des altrites argileuses tachetes ditesplinthite meuble (par opposition plinthite indure qui estune carapace ferrugineuse rsultant localement dune induration).Lhorizon situ entre 25 et 80 centimtres est un matriau propritspeu favorables pour leau et les racines. Il est argilo-sableux, massif,peu poreux, pris en masse, de sorte que leau d infiltration le pntretrs peu. Pour les mmes raisons, la frange capillaire remontante estbloque la base. Par consquent, partir de 80/ 100 centimtres

    de profondeur, le sol est humide (mme en saison sche). Cettehumidit est alors perdue pour les plantes dont les racines sarrtent 20/ 30 centimtres de profondeur, alors quelles souffrent de faonrcurrente de stress hydrique dans ces zones.

    Zoom

    Sols et eaux en conditions de dsertification 9

    Fonctionnement hydrique dun sol typique des zonessoudano-sahliennes en voie de dsertication.

    E : vaporation I: InltrationP : Pluie R : Ruissellement

    RI : Ruissellement hypodermiqueT : Transpiration

    TP

    ER

    RI

    I

    I I

    0 cm

    25cm

    80cm

    500cm

    1000cm

    horizonracinairepeu paiset lessiv

    nappe hypodermiquenappe hypodermiquepisodiquepisodique

    horizon secpeu poreux,pris en masse

    humidit non utilise

    frange capillaire ux ascendant

    zonetachete(plinthitemeuble)

    rochepourrie

    rochemre

    discontinuit

    nappe phratiquenappe phratique

    daltritesdaltrites

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    10 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Une rserve hydrique inexploite en profondeur

    Les sols des rgions africaines en voie de dsertificationont par ailleurs la particularit de possder une rservehydrique en profondeur (en dessous dun mtre engnral). Le maintien de cette humidit est constateen pleine saison sche. Elle est cependant totalementinexploite par les racines des cultures qui ne peuventlatteindre du fait de la prise en masse et du colmatagede la porosit de lhorizon situ entre 20/40 et 80/100centimtres de profondeur.

    Cette humidit profonde, quasi permanente et malheu-reusement inexploite, peut correspondre au sommetdune frange capillaire de la nappe phratique, plus ou moins ancienne et rgulirement alimente,loge dans les altrations profondes des sols. Le sommetde la nappe phratique, qui fluctue entre 5 et 15 mtresde profondeur, alimente souvent une large frange capil-laire du fait de la nature argileuse argilo-sableuse desaltrites (produits de laltration de la roche mre). Cettefrange capil laire, qui ne peut traverser la zone colmatedu sol situe entre 20/40 et 80/100 centimtres de pro-fondeur, humidif ie le sous-sol en permanence. Certainsmodes de gestion agricole des sols (comme les SCV) sontsusceptibles de capter et dexploiter cette humidit.

    Ces sols sable/argile prsentent une trs faible capacit dertention en eau dans la zone racinaire peu profonde. Parconsquent les plantes cultives et les pturages naturelssouffrent trs vite sil ne pleut pas rgulirement. De plus,

    au moins 50 pour cent de leau de pluie, qui ruisselle ouscoule latralement, est perdue. Cette eau, qui ruisselletrs vite lors des pisodes pluvieux intenses (dautant plus

    que la couverture du sol est faible), inonde alors les partiesbasses des paysages pouvant provoquer des dgts gravessur leur passage (engorgements, forces des eaux) aux cultures, aux infrastructures et aux habitants.

    Dgradation des sols et activits anthropiques

    La dgradation des sols est une autre calamit, induite,qui affecte les zones en voie de dsertification. Dansles rgions sches, les parties basses des paysages sontsouvent occupes par des vertisols (sols argilesgonflantes), sols les plus fertiles de ces rgions. Les con-squences des -coups et alas pluviomtriques et dela pitre qualit des sols en amont font que ces vertisolssont malheureusement souvent condamns par lesinondations en saison des pluies. Par contre, ils peuventparfois tre valoriss en priode de dcrue sur lhumiditrsiduelle des kar (vertisols sorgho de dcrue, encoreappel muskwari au Nord-Cameroun), mais leur gestionest dlicate.

    Les causes pdologiques dcrites prcdemment, aux-quelles sajoutent le dboisement, les feux de brousse,la rarfaction des jachres, la surexploitation despturages et le pitinement du btail, la faible cou-

    verture vgtale qui dnude la surface, conduisent aucolmatage et au glaage du sol. Ce dernier est alorsdirectement expos, en totalit ou en partie, de faon plusou moins permanente, aux agressions des pluies et du vent

    Sol sal, Ouest Madagascar. M. Raunet

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    Le dust bow l aux tats-Unis,un flau national d au travail excessif des sols

    Le cas le plus connu drosion olienne de grande ampleur due la dgradation des sols est celui des phnomnes dedust bowl (nuages de poussires) aux tats-Unis dans les grandes plaines

    centrales semi-arides (300-600 mm de pluie), survenus dans lesannes 20, 30 et 40, des suites de la pratique excessive dudry- farming en rotation biennale crales-jachre travaille (dite jachre dt). Ledust bowl sert de toile de fond John Steinbeckdans son roman de 1939 Les raisins de la colre o il dcrit lamisre et lexode des fermiers touchs par cette catastrophe.

    La motorisation et laugmentation de la puissance des tracteurs, partir des annes 20, avaient amplifi le travail rpt du solet accru les superficies concernes. La jachre de 18 mois taitdabord brle aprs la rcolte puis systmatiquement travaille(labour, pulvrisation), donc nue, afin de faire rentrer un maximumdeau pour la crale suivante, cultive une anne sur deux, touten limitant lvaporation par le mulch poussireux ou granuleuxainsi cr. La deuxime raison du brlis des rsidus et du travailrpt du sol tait llimination rgulire des mauvaises herbesconsommatrices deau et lassainissement du milieu vis--vis desinsectes et maladies. Enfin, une dernire raison invoque tait lalibration dazote minral au moment du semis de la crale. Lebien-fond dudry-farming a toujours t un objet de discussionssans fin. Les rsultats exprimentaux, techniques et conomiques,ont souvent t contradictoires, du fait de lextrme variabilitclimatique de ces rgions. Plus ou moins 50 millimtres dans lasaison peut en effet avoir un impact majeur.

    Cette pratique, en cours depuis le dbut du 20me

    sicle, a fini parprovoquer sur ces sols riches une rosion olienne exacerbe ayantsurpris par sa violence durant les annes 30, qui concidaient, enplus des annes de scheresse. Les nuages de poussires noires

    ont atteint la cte Est. De sorte que lesdust bowls ont constitu unflau national qui est devenu rcurrent jusqu la fin des annes40, avec de profondes retombes sociales. Paralllement, dans leszones plus humides de lest du pays sont survenus des processusdrosion hydrique de grande ampleur, provoqus, eux aussi,par le travail excessif des sols. LUSDA (ministre amricain de

    lAgriculture, et notamment H.H. Bennett, pdologue) cra alors lefameuxSoil Conservation Service qui, dans laCorn Belt et les tatsappalachiens de lEst, a mis en uvre un programme de grandeampleur de mesures antirosives, base de banquettes, bandesalternes et cultures en courbes de niveau. Ces ouvrages furent,plus tard, remplacs avantageusement par le travail sous mulch(mulch tillage ) et le semis direct. En mme temps, on sinterrogeasur la ncessit des labours, mais sans prendre des mesures danslimmdiat. Les travaux de dfense et restauration des sols, bienque trs coteux, taient en effet plus faciles matrialiser et plusvisibles du public, que les solutions agronomiques.

    Cest surtout dans les rgions dedry-farming que le labourcommena tre mis en cause partir des annes 30. Lesagriculteurs, la recherche (Universits du Nebraska, du Kansas,de lOklahoma, du Texas) et lUSDA mirent alors en branledans les annes 40 un vaste programme de stubble mulch farming (actuellementmulch tillage ), cest--dire de gestion desrsidus de rcolte de faon quils protgent les sols pendantles jachres. Un mme travail fut accompli en Alberta, dansles prairies canadiennes cralires. On inventa pour cela desoutils superficiels (10 cm) de tranchage (blades, sweeps, rod-weeders ) pour couper les racines des adventices en touchantle moins possible aux rsidus de rcolte, et qui protgeaientainsi trs efficacement le sol pendant la jachre dt. Ce fut

    un progrs considrable, mme une vritable rvolution dansles grandes plaines, qui prcda la jachre chimique dans lesannes 50, puis la venue du semis direct partir de la fin desannes 60.

    Zoom

    Sols et eaux en conditions de dsertification

    (ruissellement intense, rosion hydrique et/ou olienne)ainsi quaux agressions thermiques (dfavorables lac-tivit biologique du sol). Ces processus, leur tour, ren-forcent en une spirale vicieuse la dtrioration et la pertede biodiversit des sols et des milieux.

    Il semble y avoir un seuil de dgradation et de dnuda-tion des sols, par taches ou en mosaque, au-del duquelles mcanismes changent dchelle pour sacclrer et segnraliser. Un des exemples les plus connus est ledustbowl (nuages de poussires) qui a balay et assombri lavisibilit de lensemble des grandes plaines craliresdes tats-Unis et du Canada dans les annes 30, sousleffet de la pression conjugue dun travail excessif dessols en dry-farming (pratique de la jachre dt tra-vaille et nue) et dannes sches.

    Une autre consquence de la dsertification peut trela gense de sols sals, suite aux dfrichements des zo-nes boises. En effet, les arbres ont des enracinementsprofonds qui ont la proprit dexploiter le sommet dela frange capillaire de la nappe et de la maintenir assezprofondment. La suppression de ces arbres par dfores-tation et de leurs racines profondes, a pour effet de faireremonter en surface ce front dhumidit. Si le matriausous-jacent est minralis, il existe alors un risque desalinisation des sols les rendant impropres aux culturescralires par exemple. De telles situations sont parti-culirement frquentes en Australie ainsi que dans lesgrandes plaines et prairies dAmrique du Nord. Ellesexistent mais sont moins frquentes en Afrique.

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    Animaux qui rentrent au village. Vaine pture surrsidus de rcolte. On observe le tassement et la

    dnudation du sol d au pitinement du btail.Nord Cameroun.

    K. Naudin

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)12

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    LexiqueBoucle de rtroaction : Effet dun processus qui rtroagit

    sur sa cause, soit pour amplier cet effet (rtroaction positive), soitpour le rguler (rtroaction ngative).

    Dry-farming : Agriculture hautement mcanise en milieusemi-aride continental ou mditerranen (300 550 mm depluies annuelles). Il sagit dune culture de crales en gnral,une anne sur deux, spare par une jachre nue , travaillede nombreuses fois par des engins superciels pour radiquerles mauvaises herbes et emmagasiner de leau dune anneau prot de la culture suivante. Ledry-farming tait (est encoreen partie) pratiqu dans les grandes plaines des tats-Unis, lesprairies canadiennes et les milieux mditerranens australiens. Lesimpacts trs ngatifs de ces pratiques sont lrosion olienne et/ ouhydrique du fait que le sol reste nu 18 21 mois conscutifs.

    rosion en nappe : Forme drosion qui consiste en unenlvement uniforme et superciel des particules les plus nes dusol sous leffet dun ruissellement modr et diffus.

    Frange capillaire : Zone dascension de leau par capillaritau-dessus du niveau de la nappe phratique.

    Glaage : Destruction, sous laction des eaux de pluie (orages),de la structure en surface du sol ; celle-ci se prsente comme unepellicule continue, texture ne et luisante lorsquelle est satureen eau.

    Glacis : Plaine en pente faible (moins de quelques degrs), maislgrement concave, se redressant lamont pour se raccorder aupimont des reliefs dominants.

    Kaolinite : Type dargile non gonante (pas de grosse structuressure) qui caractrise les sols bien drains des rgionsintertropicales, pauvres, plutt acides et structure fragile.

    Lixiviation : Percolation lente de leau travers le sol,accompagne de la dissolution des matires solides qui y sontcontenues.

    Nappe perche : Petite nappe phratique pisodique, logedans la partie suprieure dun sol (par exemple un planosol ou unsol ferrugineux tropical). Elle se loge dans un matriau poreux etest sous-tendue par un horizon argileux. Elle est alimente par lespluies qui ne peuvent sinltrer en profondeur. On lappelle aussiruissellement ou coulement hypodermique.

    Nappe phratique daltrite : Eau libre contenue dans

    les pores ouverts les plus grossiers des pais matriaux daltrationsaturs en eau des rgions intertropicales, pouvant faire 5 30mtres dpaisseur au-dessus du substratum sain. Cette nappephratique uctue pendant lanne de faon importante (delordre de 5 15 mtres). Accessible par des puits, elle assureune grande partie des ressources en eau des villages.

    Planosol : Sol caractris par la prsence dune discontinuitbrutale moins de 50 cm de profondeur, ne rsultant pas durecouvrement mcanique dun matriau sur lautre. Lhorizon desurface (20 50 cm dpaisseur) est souvent dcolor (gris clair),plus massif et plus sableux que le matriau, plus argileux, dudessous.

    Plinthite : Dans les sols intertropicaux, il sagit du matriau argilo-kaolinique tachet (beige, gris, rouille, rouge) qui correspond la frange de uctuation de la nappe phratique daltrite. Lacoloration des taches est due limprgnation des argiles par lesoxydes de fer. Lorsquelle nest plus imprgne pisodiquementpar la nappe, la plinthite meuble peut sindurer en carapace ou encuirasse, formant ce quon appelait autrefois latrite .

    Ruissellement : coulement des eaux de pluie la surface dusol.

    Sol ferrugineux tropical : Sol trs rpandu dans les rgionssahliennes et soudaniennes dAfrique, de couleur gristre,beige ou rougetre, plus sableux en surface quen profondeur,gnralement de structure massive, compact, peu poreux endessous de 30 cm de profondeur. Il se raccorde, partir dunmtre de profondeur, une zone tachete argileuse pouvant trele sige de la uctuation de la nappe phratique daltrite.

    Structure du sol : Mode dassemblage des constituants solidesdu sol, minraux et/ ou organiques, qui peuvent sagrger ou non.Une bonne structure signie une bonne aration du sol, unebonne descente de leau et un bon dveloppement racinaire.

    Vertisol : Sol trs argileux de teinte gris-fonc olive, formdargiles gonantes de la famille des montmorillonites. Ils gonentet se ferment en saison des pluies ; ils se rtractent fortement(grandes fentes) en saison sche. Dans le paysage, on les observeen position basse (bas-fonds, plaines, pimonts) et sur certainstypes de roches, dites basiques (de teinte sombre).

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    14 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    LesSCV : une solutionalternative aux systmesde culture conventionnelsdans les pays touchspar la dsertification

    lors que leau est rare et alatoire dans leszones concernes par la dsertification, unegrande quantit est perdue ou bien nest pasutilisable : en surface elle ruisselle, en pro-

    fondeur elle est inaccessible aux racines des cultures. Onarrive alors au paradoxe suivant : la dsertification a desconsquences telles quil ny a pas assez deau certainsendroits (terroirs cultivs) et quelle y reste peu de tempsalors quailleurs, trop deau arrive brutalement et restelongtemps (gouttires et zones basses des glacis). Dansces deux situations, les cosystmes cultivs sont p-

    naliss et contraints, voire parfois condamns, par desrgimes hydriques et hydrologiques dfavorables.

    Ncessit de pratiques culturales alternatives

    Les vnements climatiques extrmes prvalent dansles rgions soumises la dsertification. Toute gestionagricole ayant pour effet de tamponner ces extrmesserait particulirement pertinente. Plutt que de subiret peine survivre dans ces conditions dfavorables, lespetites agricultures familiales ont-elles des alternativesquant leur gestion des sols et des cultures ? Pour cela,les pratiques culturales alternatives doivent viser lesobjectifs suivants :

    Suppression de lrosion et ralentissement des ruis-sellements au profit de linfiltration, par la crationdun tat de surface du sol favorable ;

    Mise profit de leau profonde par les systmesracinaires ;

    Amortissement des effets des alas climatiquespendant la saison de culture et dune anne lautre ;

    Augmentation de la rsilience des nouveaux systmes de culture vis--vis des carts climatiques ;

    Impacts sociaux et conomiques bnfiques pourles agriculteurs court-moyen terme ainsi que pourlentire communaut du terroir, afin de rendreattractives ces pratiques alternatives.

    De tels objectifs peuvent tre atteints sur les terroirscultivs grce aux principes suivants :

    Mise en place dune couverture permanente du solpar une biomasse protectrice (lutte contre lrosion,le ruissellement, lvaporation, les fortes tempra-tures, etc.) qui conserve lhumidit et amortit lesalas climatiques. Celle-ci, en se minralisant etshumifiant (en formant de lhumus), recycle leslments minraux et recharge le sol en carbone,amliorant ainsi sa structure.

    Absence de travail du sol (labour en particulier)laissant au sol le temps et la facult de se restructurervia les biomasses mais aussi ralentissant la minrali-

    sation de la matire organique humifie. Dcompaction du sol dans la zone colmate (pro-fondeur de 20/40 80/100 cm) grce par exemple des plantes de couverture systmes racinaires

    A

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    puissants, en particulier des gramines (Brachiariasp., Eleusine coracana , sorgho) et des lgumineuses(Crotalaria sp., Cajanus cajan), prparant le terrainpour les plantes cultives ( labour biologique ).

    Captage par les racines de lhumidit profonde,amliorant le bilan hydrique et contribuant lamortissement des irrgularits pluviomtriques.

    Amlioration de lalimentation animale en associantagriculture et levage grce la fonction fourragredes plantes de couverture.

    Ces caractristiques peuvent tre atteintes grce uneagriculture base sur les systmes de culture en semisdirect sur couverture vgtale permanente (SCV),

    avec des modalits adaptes aux diverses situationscologiques et agro-socio-conomiques.

    En dessous de 300 millimtres de pluie, lirrigation estabsolument ncessaire et les SCV peuvent, bien enten-du, y tre galement pratiqus dans ces condit ions.

    SCV et agriculture de conservation

    Les SCV font partie des approches dites agro-cologiques . Ilscorrespondent ce que lon appelle depuis 2000 lagriculture

    de conservation , dfinie ainsi dans son sens premier : non travaildu sol, couverture vgtale permanente et rotation des cultures.

    Zoom

    Les SCV : une solution alternative aux systmes de culture conventionnels dans les pays touchs par la dsertification

    2

    1. Riz pluvial sur couverture vive d Arachis pinto. Cerrados, Brsil.

    2. Coton sur couverture morte de sorgho.Cerrados, Brsil.

    L. Sguy

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    Des systmes de culture qui allient protectionde lenvironnement et production agricole

    Depuis 1985, le Centre de coopration internationaleen recherche agronomique pour le dveloppement(Cirad) met au point et diffuse en petite agriculture dansles zones intertropicales (y compris semi-arides sub-humides) de nouveaux systmes de culture bass surdeux principes majeurs lchelle de la parcelle : La suppression du travail du sol (do le nom de

    semis direct ) Une couverture vgtale permanente.

    Ces systmes proposent une agriculture attractive,rentable, protectrice de lenvironnement et durable. Ilssinspirent du mode de fonctionnement dun cosystmeforestier (qui vit sur lui-mme en recyclant sa biomassepourvoyeuse permanente dlments minraux, sansfuites, ni en surface ni en profondeur) tout en augmen-tant la production des plantes. Dans ces systmes, lesol nest jamais travaill et unecouverture morte ouvivante est maintenue en permanence. La biomasseutilise pour le paillage (mulch) provient des rsidusde cultures, de cultures intercalaires ou de culturesdrobes , lgumineuses ou gramines, utilises comme pompes biologiques et qui valorisent les ressour-ces hydriques disponibles.

    Ces plantes ont en effet des systmes racinaires puissantset profonds et peuvent recycler les lments nutritifs deshorizons profonds vers la surface, o ils sont alors utilisspar les cultures principales. Elles produisent galementune importante biomasse et peuvent se dvelopper enconditions difficiles ou marginales, pendant une partiede la saison sche, sur des sols compacts o elle peuttre ventuellement utilise comme fourrage.

    La couverture peut tre dessche (coupe, roule oupar pulvrisation dherbicide, en fonction des espceset des moyens disponibles), ou garde vivante maiscontrle par une application faible dose dherbici-des spcifiques. La biomasse nest pas enfouie dansle sol mais est conserve en surface. Les semis sontraliss directement dans la paille, aprs ouverturedun simple trou ou dun sillon. Toute une gamme desemoirs sont tests : semoirs motoriss pour les grandesexploitations, semoirs (dvelopps au sud du Brsil) traction animale, roues semeuses et cannes planteusesmanuelles.

    Les agriculteurs les plus modestes peuvent galementutiliser un simple bton ou une bche. Ce type dagri-

    culture peut dj rpondre la question que posent lesagricultures pauvres : que faire quand on na rien ? Maiselle convient, bien entendu, tous les niveaux dquipe-ment et dintensification.

    LexiqueCouverture morte : Dbris vgtaux morts de toute nature cou-vrant et protgeant le sol, ancrs (par les racines) ou non commeles rsidus de rcolte, chaumes dresss, plante de couverture tue(coupe, roule ou herbicide), vgtation rapporte, etc.

    Couverture vive : Plante de couverture du sol poussant en mmetemps que la culture principale pendant une partie au moins deson cycle et repartant ventuellement aprs la rcolte, usagefourrager ou non.

    Culture drobe : Culture de courte dure, intercale entredeux cultures principales.

    Pompe biologique : Voir recyclage des lments minraux.

    Recyclag e d es lments minraux : Remonte biologique

    (par les racines et la biomasse qui retombe en surface) et rutilisationpar minralisation de la matire organique frache tale durantla campagne agricole, des lments minraux du sol qui, sinon,seraient perdus, soit par ruissellement, soit par lessivage.

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Rouleau coupeur (rolo-faca)pour coucher et tuer lacouverture vgtale avant le semis. Parana, Brsil.

    M. Raunet

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    Petit rappel historique : du semis direct aux SCV

    Les ides de base et la mise en pratique du semis direct (90 millionsha dans le monde en 2005) ont merg en dehors des zonestropicales, dabord aux tats-Unis dAmrique partir des annes60, puis au Brsil subtropical (Sud), en Australie, en Argentine et auCanada partir des annes 70. Dans ces zones, dont beaucoupsont semi-arides tempres ou mditerranennes, des groupesdagriculteurs pionniers, conscients que leurs terres taient balayesirrmdiablement par lrosion, se sont mobiliss en entranant larecherche (publique et prive), pour inventer de nouvelles faonsde produire.

    Ce mouvement na pas cess de stendre dans ces pays (25millions ha aux tats-Unis, 24 millions ha au Brsil, 10 millionsha en Australie, 12 millions au Canada en 2005), grce laconstruction de nouveaux outils (semoirs spcifiques en particulier),

    et des progrs techniques raliss tous les ans. Mais jusquau dbutdes annes 1980, les zones tropicales, sols plus fragiles et auxclimats plus agressifs, navaient fait lobjet daucune recherchedans ces domaines. partir de 1983, dabord dans les grandesexploitations mcanises descerrados brsiliens (zones de savanehumide) puis, au sein des petites agricultures de pays partenaires duSud, le Cirad (avec lanimation de Lucien Sguy) a russi adapteret concrtiser les principes des SCV grande chelle. Il sagit dunvritable changement de paradigme en rgion tropicale, et dunchallenge difficile du fait des conditions pdo-climatiques et de larapide minralisation de la matire organique.

    ce jour, le Cirad est en grande partie lorigine dudveloppement extraordinaire des SCV dans lescerrados , avecen 2005, prs de 10 millions dhectares (contre 20 000 haen 1992). Ce qui prouve sans conteste que ces systmes sonttrs attrayants conomiquement. La dmonstration est doncactuellement faite, avec reproductibilit des rsultats en vraiegrandeur, quil est maintenant possible en rgions intertropicales,grce ces nouvelles technologies et la mise en uvre duneagronomie tropicale spcifique (qui est encore loin davoir explorle champ des possibles), de produire mieux, durablement et cots plus faibles, tout en supprimant lrosion et en amliorantla qualit des sols.La mise au point de ces technologies par unerecherche adaptative, sinspirant des grands principes agro-cologiques base de sols couverts non travaills et orients versla petite agriculture pauvre, ou celles demandant divers niveaux

    dintensification, a t entreprise par le Cirad et ses partenairessur toutes les cologies des zones chaudes de la plante (Brsil,Madagascar, Runion, Cte divoire, Mali, Cameroun, Gabon,Mexique, Vietnam, Laos, Tunisie, ).

    Bien entendu, les spcificits des SCV ne sont pas les mmespartout. Elles dpendent des milieux humains, conomiques,et physiques rencontrs. Cest le challenge de la rechercheadaptative que de construire avec les agriculteurs des systmesde culture adquats.

    Zoom

    Les SCV : une solution alternative aux systmes de culture conventionnels dans les pays touchs par la dsertification 17

    Rpartition des supercies importantes (ha)

    ddies au semis direct dans le monde (2005)Source : Congrs mondial de lagriculturedurable (Nairobi, 2005)

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    18 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Lesavantagesdes SCV pourles agriculteurs

    es impacts bnfiques des SCV au niveau delagriculteur (parcelle, exploitation agricole)sont nombreux et se mesurent court-moyenterme : impacts agronomiques, environne-

    mentaux et conomiques.De multiples performances agronomiques ...

    La couverture vgtale permanente a diffrentes fonc-tions sur le milieu agricole : Protection du sol contre lrosion hydrique du fait de

    la barrire cre contre lnergie des gouttes de pluiearrivant au sol.

    Augmentation de linfiltration grce labsence dutravail du sol. Rappelons que ce dernier est loriginedune semelle de labour arrtant eau et racines. De

    plus, le travail des racines et lactivit biologique dansle sol amliorent les proprits physiques du sol cultiv(porosit en particulier) et donc linfiltration de leau.

    Rduction de lvaporation grce au couvert vgtal etau paillis (mulch) qui diminuent les pertes des remon-tes capillaires.

    Rduction des variations de temprature du sol : lecouvert vgtal tamponne les excs thermiques.

    Utilisation de leau profonde du sol : les racines delensemble plante cultive et couvert vgtal , dufait de lamlioration des proprits physiques du sol,peuvent accder aux rserves hydriques plus profondes.

    Cration dun environnement favorable au d-veloppement de lactivit biologique : lapport debiomasse additionnelle en tant que substrat nutritionnel,lamlioration physique et hydrique du sol et lamortisse-ment thermique, sont favorables lactivit des bactries,des champignons et de la faune (vers de terre, fourmis,arthropodes, collemboles, larves dinsectes...).

    Contrle des adventices : le couvert vgtal, par sonombrage et souvent par ses proprits alllopathiques(excrtions biochimiques antagonistes), soppose lagermination des mauvaises herbes.

    Accroissement du taux de matire organique du sol(sige de sa fertilit) : lapport de biomasse (super-

    ficielle et racinaire) permet, par humification, uneaccumulation durable de carbone fix dans le sol,participant ainsi indirectement la lutte contre leffetde serre.

    Alimentation des plantes cultives : la minralisationlente pendant lanne de la biomasse frache par remontedlments profonds (recyclage ) alimente en continu laplante cultive, permettant ainsi une conomie dintrants.

    Alimentation animale : le couvert vgtal a, le plussouvent, une valeur fourragre utilisable par le btailen inter-culture.

    Les plantes de couverture sont slectionnes,entre autres, pour leurs systmes racinaires puissants clatant le sol et activateurs de lactivit biologique.En consquence, lefficacit de lutilisation de leau etdes nutriments est accrue. Les rcoltes augmentent etsont plus rgulires.

    Comme plantes de couverture, citons par exempledes gramines (genres Brachiaria, Chloris, Panicum,Sorghum, ...) et des lgumineuses (genresMacroptilium,

    Stylosanthes, Mucuna, Crotolaria, Cajanus, ...). Par contre,les plantes de couverture ont des ennemis potentiels quisont les feux, les troupeaux qui divaguent (vaine pture),et parfois les termites (en Afrique).

    L1

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    19Les avantages des SCV pour les agriculteurs

    Ces inconvnients peuvent tre surmonts si on changedchelle, de la ferme au terroir, avec une exploitationcollective raisonne des ressources, en contractualisa-tion entre les diffrents types dacteurs (agriculteurs etleveurs notamment) et au profit de tous. Par exemple,les plantes de couverture associes des haies agro-forestires pourraient amliorer la gestion des troupeaux et leur divagation serait ainsi davantage contrle.

    ... et des performances environnementales considrablesdont protent les agriculteurs sur leurs terroirs

    Cette agriculture agro-cologique propose des solutionspour les principaux dfis environnementaux que lemonde doit affronter court terme, en particulier dansles zones sub-arides sub-humides menaces de dser-tification, grce :

    au contrle de lrosion, la protection des sols et largnration de leur fertilit au moindre cot ; la rduction de lagriculture itinrante et donc de la

    dforestation ;

    la rduction de la consommation deau pour laproduction agricole et pour les productions pluvialesrendues possibles dans les zones marginales ;

    lefficacit accrue de lutilisation des engrais et pesti-cides, diminuant leur impact polluant et amliorant laqualit et la scurit alimentaire ;

    leffet tampon pour les f lux deau et la rduction desrisques dinondation ;

    la rcupration des sols marginaux laisss labandon du fait de leur trs faible fertilit naturelle.

    Ces bnfices environnementaux issus de la pratiquedes SCV ont t pour certains observs et valus,dautres sont attendus. En effet, en petite agricultureinter-tropicale, ces technologies sont rcentes et encoreen grande partie exprimentales. De plus, nous navonspas encore assez dexprience grande chelle (parexemple sur un terroir complet).

    2

    1. Racines de cotonnier sur sol compact 20 cm(Cerrados, Brsil, partenariat Cirad-ca/groupe Maeda)

    2. Racines de cotonnier sur sol non compact(Cerrados, Brsil, partenariat Cirad-ca/groupe Maeda).

    L. Sguy

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    Mais aussi des bnces conomiques importants !

    Les SCV sont particulirement attractifs pour les agri-culteurs sur le plan conomique du fait de gains trscourt terme -comme la rduction des temps de travaux et de leur pnibilit-, mais aussi plus long terme, com-me la stabilisation des rendements. La large capacitdadaptation de ces systmes aux diverses conditionsagro-cologiques, moyens de production, et diffrentsniveaux dintensification, rend aussi les SCV accessiblesaux diffrentes catgories dagriculteurs, y compris lesplus pauvres.

    De plus, les SCV sont un moyen crdible et vulgarisabledaboutir une agriculture durable, compatible aveclagriculture bio (nutilisant pas dintrants chimiques).Lanalyse de lintrt conomique des SCV doit prendreen compte un grand nombre de postes, au niveau delagriculteur, des communauts villageoises, du pays etde lenvironnement mondial.

    Au niveau de lagriculteur, il faut distinguer : Ce qui est mesurable directement : les cots, comme

    lachat de matriel spcifique, de semences et dher-bicides, et les gains comme la diminution des tempsde travaux, lconomie dintrants (engrais, pesticides,fuel) par rapport lagriculture conventionnelle ainsique laugmentation des rendements aprs deux outrois annes.

    Ce qui est mesurable indirectement : suppression delrosion, amortissement de conditions climatiquesdifficiles et fluctuantes, augmentation de la fertilitdes sols, meilleure association avec llevage.

    Pour linstant, il nexiste que peu de rsultats denqutespermettant dapprcier montairement les cots et lesavantages directs comme indirects. Toutefois, des don-nes quantitatives sont issues des exprimentations etdes mises en oeuvre de SCV dans diffrents pays du Sudcomme par exemple au Cameroun (voir page 30) et enTunisie.

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)20

    SCV, fer tilit et biod iversit da ns les sols

    La biodiversit du sol gr en SCV est lie sa fertilit. En effet, lunestimule lautre, en rtroaction positive. Ds que le sol cultiv nestplus travaill, quil est protg en permanence de lrosion et desexcs climatiques (agressivit des pluies, vaporation, tempraturesexcessives), et quil nest plus agress par les pesticides, il devientun agro-cosystme vivant, vritable bioracteur, trs riche enbactries, champignons, arthropodes, vers de terre, larves etinsectes pollinisateurs, etc., ingnieurs du sol qui interagissent enstructurant le sol, larant, humifiant la matire organique, recyclant,fixant lazote, minralisant le phosphore, au profit de la rsilience dusystme et, par consquent, au service dune production durable.

    Un sol fertile est, entre autres, un sol vivant, riche biologiquement.Pour un tel sol, les notions de fertilit, durabilit, rsilience, biodiversitsont alors indissociables. Au contraire, un sol dgrad est un sol envoie de mort biologique. Les conditions qui rduisent lactivit et ladiversit biologique dun sol sont multiples : perturbation mcanique(labour par exemple), faible aration, compaction (engins agricoles,surpturage, ), engorgement, rosion, dficit dapport de matireorganique frache (support des bio-organismes), passages de feux,contrastes thermiques accentus, excs de pesticides, manque

    dhumidit et pH excessifs (moins de 4 et plus de 9,5). Or les SCV,lorsquils sont bien grs, ont pour proprits et objectifs (en plus desobjectifs conomiques bien entendu) de sloigner le plus possiblede ces conditions dfavorables.

    cette diversit biologique intrinsque, concourent les systmesracinaires (plantes cultives, couvertures, adventices), qui diffrentdune saison lautre, et qui, par leurs actions mcaniques etchimiques (excrtions racinaires, dcomposition/ minralisation),servent de support nutritif et permettent la microflore et lamso-macrofaune de prolifrer. son tour, cette activit biologique,permet, avec la conservation de lhumidit et lactivit biologique, lacration dune ambiance physico-chimique favorable, lassimilabilitdes lments minraux et la cration dun important volume de solexploitable par les racines, plus meuble et ar. Grce cette

    microflore et cette faune, il sopre un recyclage minral permanentdes litires et des racines mortes avec un minimum de pertes ensurface et en profondeur. Au niveau du sol, SCV et biodiversit sontdonc en forte interaction, lun nallant pas sans lautre.

    Zoom

    Activit biologique du sol sous SCV. Turricules.Nord Cameroun.

    L. Sguy

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    Lexique

    Activit biologique : Effets, produits et transformations rsul-tant des activits des tres vivants (micro-organismes, vgtaux,animaux, etc.) dans un milieu donn pourvu en nutriments etnergie.

    Recyclage des lments minraux : Remonte biologique(par les racines et la biomasse en surface) et rutilisation deslments minraux du sol qui, sinon, seraient perdus, soit parruissellement, soit par lessivage.

    Les avantages des SCV pour les agriculteurs 21

    Comparaison des cots de productionen systme de culture conventionnelet SCV au Nord de la Tunisie

    Des comparaisons ont t menes entre des parcelles gres defaon conventionnelle et dautres en SCV dans deux fermes derfrence situes lune dans la zone Nord (prcipitations de 500 700 mm/ an) et lautre dans la zone Sud (300 500 mm/ an),toutes deux base de production de crales et de lgumineuses.Le cot des intrants est valu au prix de march, les cots de

    travail du sol sont valus sur la base des tarifs des travaux. Lescots de mcanisation (hors travail du sol) sont valus de manirequivalente au travail du sol, ou de manire directe (cot desquipements ramens lhectare en fonction de la dure de vie etdu taux dutilisation) ou sur la base du cot direct de lquipement.Les rsultats sont les suivants :

    Dans la ferme du nord, la culture de bl dur a des cots deproduction de 311 DT* / ha en SCV contre 353 en agricultureconventionnelle, soit un avantage de 12 pour cent ;

    Dans la ferme du sud, la culture de bl dur a des cots deproduction de 299 DT* / ha en SCV contre 309 en agricultureconventionnelle, soit un avantage de 3 pour cent ;

    Dans la ferme du sud, la culture de petit pois prsente un avantageen faveur des SCV de 3 pour cent.

    ces donnes directes, pas encore tout fait convaincantes pour lemoment, il convient surtout dajouter les considrations densembledes bnfices des SCV : baisse du cot damortissement du semoir,vente du fourrage ou de lensilage partir des plantes de couverture,pturage des plantes de couverture par le troupeau de la ferme(conomie dachat daliment du btail et/ ou de culture fourragre,amlioration des performances du troupeau), conservation de labiomasse et restitution au sol et donc augmentation de sa fertilit.

    Pour lagriculteur tunisien, les SCV permettent de diminuer les cotsde production (baisse de la consommation de gasoil estime 50

    80 litres par hectare, soit 20 30 DT* par hectare, et baisse ducot de lquipement et des pices dtaches), une rduction desrisques climatiques par effet tampon du SCV, la restauration dessols et de leur teneur en matire organique, lamlioration gnraledu systme de culture (en particulier par une meilleure intgrationde llevage), les possibilits accrues de cultiver les pentes et les solsdits incultes.

    Daprs Chouen et al., 2004

    *1 euro=1,6886 dinars tunisiens (DT) (cours au 2 aot 2006)

    Exemple

    1. Semis de bl sur des rsidus de crales, Tunisie.2. Semis de bl sur des pailles de crales

    ( gauche aprs passage du semoirde semis direct et lextrme gauche agriculture

    conventionnelle avec labour), Tunisie. J.F. Richard

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    22 Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)

    Effets cumulset services rendus des SCVaux niveaux des paysageset des communauts

    ans les pays du Sud, en petite agricul-ture, lexprience des SCV, compte tenude leur dveloppement rcent, na pasencore affect la taille critique dun bassinversant, chelle pour laquelle les impacts et

    externalits pourraient tre valus en vraie grandeur.Seuls des processus attendus lors de ces changementsdchelle sont dcrits dans ce chapitre. partir dela gnralisation de la pratique des SCV, on pourraprvoir des effets, cumulatifs et interactifs (externalitspositives), aux niveaux des terroirs, des bassins versantset des paysages. Certaines de ces fonctions et servicesrendus la collectivit possdent des valeurs montai-res et sociales qui devront tre values par les cono-mistes de lenvironnement.

    Des effets indirects agro-environnementaux importants

    Les effets bnfiques, conscutifs la meilleure gestion dessols, des eaux et des cultures, engendrs par une pratiquegnralise des SCV, seraient sensibles, entre autres, sur :

    !

    La fixation de lagriculture :Lagriculture itinrantedans les zones semi-arides ou sub-humides avec dfrichesur brlis du couvert forestier, est une source de dser-tification quand le temps de jachre est trop faible pourpermettre la reconstruction forestire et la fertilit dessols. Linstauration de systmes de culture SCV, quiont pour effet de combiner, en un mme lieu et sur unemme dure, production vgtale et reconstitution de lafertilit, supprimerait la ncessit de litinrance, et doncla dforestation engendre.

    ! La revgtalisation ligneuse :Les plantes de couvertureutilises dans les SCV sont galement de bons fourrages.La gnralisation des SCV permettrait par consquentde diminuer la pression sur les pturages naturels. Enplus de la fixation de lagriculture, la pratique des SCV permettrait ainsi dvoluer vers une stabilisation dellevage. Les feux de brousse, utiliss traditionnellementpour renouveler les pturages, seraient galement moinsncessaires, laissant ainsi le temps aux bois et forts de sereconstituer avec leur faune associe.

    ! Larrt de lrosion :Grce labsence du travail du sol et sa couverture permanente, on observe la diminution, voirela suppression de lrosion et du ruissellement, sources

    importantes de dsertification et de dgradation des sols.Leau de pluie est galement mieux absorbe par les solsgrs en SCV. Un des impacts attendus, trs important,concernerait alors les retenues et les barrages en aval qui

    seraient par consquent moins envass ou ensabls. En

    rgion mditerranenne (Maghreb), les travaux et amna-gements antirosifs lourds et coteux, de DRS (dfense etrestauration des sols) et de CES (conservation des eaux etdes sols), ne seraient probablement plus ncessaires si lesbassins versants taient grs globalement en SCV.

    ! La prvention des inondations : Pour les raisons pr-cdentes (ruissellement faible, lent, retard et disperssur les bassins versants), les parties aval des paysages, lesdpressions, cuvettes, bas- fonds et parties infrieuresdes glacis, ne seraient plus inondes. Les terroirs et leszones habites, en gnral bonne capacit productiveen cultures et en pturages (vertisols, sols hydromorphesde bas-fond, ) seraient mieux protgs et seraient moinssouvent condamns par les brutales arrives deau.

    ! La remonte des nappes phratiques : Laugmentationde linfiltration au niveau gnral des bassins versantsaurait des consquences trs positives sur la remontesensible (un plusieurs mtres) des nappes phratiquescontenues dans lpais manteau daltration qui sous-tend les sols des rgions intertropicales. Les bnfices seferaient alors sentir plusieurs niveaux :

    Les puits des villages seraient moins profonds etmoins susceptibles de sasscher.

    Lalimentation plus rgulire du rgime hydrologi-que des bas-fonds serait propice la riziculture, aumarachage de contre-saison et labreuvement desanimaux.

    D

    Autour du puits, Mauritanie. M. Raunet

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    La nappe phratique, devenue peu profonde, pourrait

    alimenter (en partie) des cultures sur nappe comme le riz et les racines-tubercules (igname,manioc, patate douce, ).

    Les bordures plus ou moins larges (20 200 mtres)en priphrie des bas-fonds et des dpressions pour-raient galement tamponner lirrgularit des pluiesau profit de cultures arbores, tels les vergers.

    Les coulements des cours deau seraient rgularisset tals sur toute lanne.

    ! La squestration du carbone : La biomasse des culturesen SCV (du fait des plantes de couverture et des rsidusde rcolte) et celle de la vgtation naturelle (du fait de larevgtalisation ligneuse espre) augmenteraient globale-ment au niveau des territoires. Dans les rgions de savanessemi-arides semi-humides, la pratique des SCV et lasuppression des feux de brousse, permettraient en principede stocker dans les sols des terroirs de 0,5 1,5 tonnes parhectare et par an de carbone sur 10 ans (hypothse basse).Sur lensemble du paysage, avec un mlange de SCV, depturages et de forts rgnres, on pourrait alors esprerune squestration du carbone apprciable. Un calculthorique et schmatique nous montre que le passagedune rgion dgrade (cultures traditionnelles, sols etvgtation dgrads) une rgion rgnre (SCV, fort

    et pturages en reconstitution, en proportions gales) aug-menterait sa teneur en carbone de lordre de 4,7 tonnes decarbone par hectare et par an sur 15 ans.

    Bas-fond aliment par les ruissellements et la nappephratique. Aurole de roniers avec une nappephratique peu profonde (Madagascar Ouest).

    M. Raunet

    SCV et agrobiodiversit

    Avec les organismes gntiquement modifis et avec laspcialisation et luniformisation de lagriculture conventionnelleintensive dans les pays dvelopps (et certains pays asiatiquesde la Rvolution verte comme lInde et le Pakistan), lesbases gntiques, rservoir de biodiversit des plantescultives, diminuent de faon alarmante. De nombreux gnespotentiellement utiles et inestimables (car adapts diversenvironnements) disparaissent. Cela est dramatique alors quele rchauffement climatique va induire une volution vers denombreux milieux difficiles auxquels il faudra sadapter. Nous

    avons besoin dun maximum de biodiversit pour y faire face.Au niveau varital, les SCV permettent de mieux exploiter lessynergies gnotype x environnement . Beaucoup de varitsconsidres comme sensibles certaines pestes en conditionsdagriculture intensive sont limines par la slection malgr desavantages quelles offrent par ailleurs (rusticit, faible exigenceen engrais, ). Ces varits savrent en ralit beaucoupmieux protges ou plus tolrantes dans certaines conditionsde micro-environnement cres par les SCV pour lesquelles ellessont mieux adaptes. Une grande quantit de varits sont donccertainement rhabiliter et exploiter gntiquement en SCV,ce qui, en soi, concoure une augmentation de la biodiversit.Il en est de mme pour la diversit des plantes de couverture(lgumineuses, gramines, crucifres, ), qui, le plus souvent,sont pluri-fonctionnelles (production de biomasse, fourrage, etc.).Les exploitations conduites en SCV faibles niveaux dintrants,qui parient davantage sur lagronomie et la diversification quesur la chimie et la monoculture, sont des systmes qui exploitentet crent de la diversit biologique, une des conditions de larsilience des agro-cosystmes.

    Au niveau racinaire et proche racinaire, la diversit des espcesdes cultures et des couvertures engendre, dun systme un autre,une grande varit de micro-organismes aidant la nutrition des

    plantes (bactries symbiotiques fixatrices dazote, mycorhizes,).Pour schmatiser, les SCV fonctionnent et samliorent en cerclevertueux : ils crent de la fertilit qui cre de la biodiversit quicre son tour davantage de fertilit.

    Zoom

    Troupeau sur Brachiaria.Cerrados, Brsil.

    L. Sguy

    Effets cumuls et services rendus des SCV aux niveaux des paysages et des communauts 23

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    Aires protges : contribution des SCV la p rotection de la biodiversit

    Les SCV peuvent potentiellement avoir un impact indirect sur labiodiversit de la faune sauvage, via leur intgration dans lesagricultures des zones priphriques des aires protges richesen grande faune. Ces zones sont poreuses la fois pour lafaune sauvage et pour lagriculture (la plupart du temps itinrantesur brlis). La cohabitation y est gnralement conflictuelle : lesgros animaux dtruisent les cultures, incitant les agriculteurs lestuer, et inversement, lagriculture dtruit lenvironnement et leshabitats de cette faune, sans parler du braconnage.

    Cette situation risque dempirer avec le rchauffement climatiqueet ses consquences ngatives sur la biodiversit. De tellessituations sont trs nombreuses en Afrique, o les aires protgesainsi que leurs zones priphriques sont souvent menaces par lesactivits anthropiques. Cest le cas par exemple des aires dintrtbiologique du WW F (Organisation mondiale de protection de lanature) qui, sans tre officiellement protges, hbergent encoreun quart de la grande faune emblmatique de lAfrique (lphants,rhinocros blancs, girafes). En Afrique australe, compte tenu dela pression dmographique et sur les terres, le W W F a comprisque la sdentarisation et la durabilit des agricultures de cesrgions taient indispensable pour prserver la faune.

    Ces rgions de Miombo (fort claire typique dAfrique australe),sont considres comme marginales cause de la pitre qualitde leurs sols, de leur faible pluviomtrie, et du faible intrt quyprtent les autorits, agences de dveloppement et bailleurs de

    fonds. Dans ces territoires, lenjeu est dintgrer agriculture surcouverture (souvent fourragre), levage avec matrise des feuxde brousse et gestion de la faune sauvage. Cet enjeu majeurconcerne en particulier toutes les rgions australes, refuges degrande faune (dAngola au Mozambique, de Tanzanie lAfriquedu Sud en passant par le Zimbabwe, le Malawi, la Zambie et leBotswana).

    Les SCV aident la fixation des terroirs agricoles car les jachresforestires ne sont plus ncessaires pour restaurer la fertilit dessols. Ils pourraient ainsi contribuer la rsolution des conflits entreconservation de la biodiversit et production agricole.

    Zoom

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)24

    Les bnces conomiques indirects des SCV

    ! Aux niveaux du terroir, de la rgion et du pays,lesgains sont des externalits positives (qui ne sont pasperus directement par lagriculteur) comme parexemple la meilleure protection des bassins versantset des ouvrages en aval (barrages, routes, ponts, habita-tions, ). Ces externalits sont difficilement valuablesdun point de vue conomique, les gains retirs tantnon marchands pour la plupart. Les cots pour les col-lectivits (ou partager avec les agriculteurs) sont descots de formation, de sensibilisation, dencadrementet de vulgarisation, voire dassistance technique ext-rieure si ncessaire, de recherche daccompagnementet des cots damlioration des services en zone rurale(crdit, marchs, systmes dapprovisionnement, ).

    ! Au niveau mondial,citons la participation la lutte

    contre leffet de serre par augmentation de la capacitdu sol squestrer le carbone, lamlioration de la bio-diversit (flore et faune, rserves de gnes, paysages) etlaugmentation de lactivit conomique.

    Les girafes au Niger.M.L. Sabri IRD

    Visite de techniciens de la Sodecoton sur une parcelleexprimentale de SCV mas/mucuna.

    Nord-Cameroun. K. Naudin

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    Des mthodes destimation des externalits existent

    Pour valuer les bnfices conomiques totaux des

    SCV, il convient den apprcier les externalits. Unemthodologie a t suggre en 2003 par lAFD (AgenceFranaise de Dveloppement) base sur des tudesantrieures, en particulier celles de Paggiolaet al. (2005)et Pimentel et al. (1995). Les diffrentes externalitspositives attendues lies une pratique gnralise desSCV et estimables une chelle macro-conomiquesont les suivantes :

    Diminution des impacts du ruissellement et de lrosion : dommages lis aux inondations et aux crues, perturba-tion des cosystmes aquatiques, perturbation de lanavigabilit, besoins de traitement additionnels deseaux li la prsence de sdiments, perte dintrt tou-ristique et rcratif.

    Diminution des impacts sur les retenues deau (petitslacs collinaires, petits et grands barrages).

    Les mthodes destimation de ces impacts sontalors celles des valuations contingentes, des cotsde transports, la mesure des cots de protectionsupplmentaires lis la sdimentation, la mesure descots directs des inondations (destructions, impacts surlhabitat, strilisation de terres,), la mesure de la pertede capacit des barrages et de son impact sur lirrigation

    et la production dhydro-lectricit. La mthode la plussimple consisterait faire le produit suivant : cotde dragage thorique dun mtre cube de sdiment x quantit de sdiments vits en SCV .

    Gains conomiques dus au stocka ge de carbone :lexemple de la Tunisie

    Un bref calcul donnerait les rsultats suivants : les SCV permettentde stocker 0,5 tonne de carbone par hectare et par an, soit 10tonnes de carbone par hectare sur une priode de 20 ans. Sion met en culture 60 pour cent des terres fertiles de la Tunisieen SCV (3 millions ha) et si lon estime le cot des dommagesinternationaux par tonne de carbone mise 20 USD, ladoptiondes SCV en Tunisie reprsenterait un bnfice international nonactualis de 600 millions de dollars amricains sur 20 ans(10 x 3 x 106 x 20 ans).

    En considrant une rduction de 40 pour cent des missionsdorigine agricole grce aux SCV, et en admettant que celles-cireprsentent 40 pour cent des missions de carbone de la Tunisie,et en sachant quen 1994 ce pays a mis 2,6 tonnes de CO2 parhabitant et par an (environ 10 millions dhabitants), le bnficeinternational total serait de 21 millions de dollars amricains

    en 2003. Sans actualiser, cela ferait 462 millions de dollarsamricains sur 20 ans !

    Daprs Richard, 2004.

    Exemple

    Effets cumuls et services rendus des SCV aux niveaux des paysages et des communauts 25

    Ruissellement aprs de fortes pluies.Bja, Tunisie.

    J.-F. Richard

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    Dautres externalits positives peuvent tre estimescomme :

    ! La diminution de la pollution par les intrants deseaux de surface et des nappes : rappelons que les SCV permettent terme une baisse de lutilisation de pro-duits pesticides grce un meilleur contrle des pestes

    et ravageurs par les plantes de couverture et en lutteintgre. Les mthodes utilises pour valuer cet impactconsisteraient faire le point sur les transferts dengraiset de pesticides du champ leau, sur limpact des SCV sur les quantits dintrants utiliss et sur lvaluationconomique de la pollution gnre. Il faudrait, en touterigueur, dune part mesurer toutes les quantits den-grais et de pesticides utiliss et, dautre part, mesurertoutes les pollutions ainsi gnres, sur place et ailleurs,puis chiffrer les dommages conomiques causs par ces

    pollutions. Pour compliquer le tout, il y a une multipli-cit des impacts dus lutilisation dintrants (dommagescologiques, socio-culturels et dagrments, conomi-ques directs) et il est difficile de tous les mesurer. Onpeut nanmoins suggrer de calculer le cot du traite-ment vit grce aux SCV par le produit suivant : cotunitaire x quantit vite pour chaque polluant en y

    ajoutant une estimation des impacts sur la sant.! La recharge des nappes et de la rgulation des dbitsdes cours deau grce aux SCV est difficilement valua-ble. En effet, comment donner une valeur leau ainsirendue disponible ? Peut tre, en prenant en compte lecot dopportunit de leau, cest--dire en valuantles quantits stockes en saison des pluies grce la pra-tique des SCV, rendues disponibles en saison sche pourlhomme et lagriculture.

    Deux mthodes dvaluation conomiquedun bien environnemental

    ! La mthode des cots de transports (ou de dplacement)est une mthode indirecte dvaluation conomique dun bienenvironnemental. Un agent conomique dsireux dutiliser unbien environnemental peut tre amen consommer des biensmarchands pour cela. Cest partir de cette consommationmesurable que lon attribue une valeur au bien environnemental.Par exemple, pour se promener dans une fort lointaine, lagentva consommer de lessence pour le transport. On va mesurer lescots dessence ainsi supports.

    ! La mthode d valuation contingente est une mthode directedvaluation conomique dun bien environnemental qui consiste effectuer des enqutes auprs des agents conomiques pourleur demander combien ils sont prts payer (ou quelle dpenseils sont prts faire) pour amliorer et profiter de la qualit dunservice rendu par un bien environnemental ou pour annuler leffet

    dune dtrioration de la qualit de ce bien.

    Zoom

    Lutte contre la dsertification : lapport dune agriculture en semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV)26

    Inondation dans uneparcelle aprs un orage. Mali.

    M. Raunet

  • 8/8/2019 Raunet M. et Naudin K., 2006. Lutte contre la dsertification : l'apport d'une agriculture en semis direct sur couvert

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