portrait clarisse agbegnenou

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www.lespritduJudo.com 33 CLAR i SSE AGBEGNENOU itinéraire Quand Lucie Décosse remporte son premier titre européen en Slovénie au printemps 2002, elle a dix ans, pratique l’athlé, le basket, la danse… mais n’a encore jamais mis un orteil sur un tatami. Agitée à l’école, elle « doit se cadrer » selon ses propres mots. Alors elle va pousser la porte du dojo d’Asnières, là, tout près de l’appartement familial de Gennevilliers… L’aventure de la tornade Clarisse peut débuter. Deux ans pour décrocher sa ceinture orange, puis, très vite, une montée en régime et l’esquisse d’une trajectoire qui s’infléchit vers le hors norme. Quatre ans plus tard, elle dispute en effet les championnats d’Europe cadettes, avant d’en décrocher le titre deux ans plus tard, en 2008. Championne de France juniors en 2009, elle frappe très fort sur la table en 2010 : un premier titre senior en janvier alors qu’elle n’a que 17 ans, en battant Virginie Henry, synonyme de première sélection pour le tournoi de Paris, puis un autre en novembre (il y eut deux championnats de France cette année-là en raison de la réforme du calendrier, NDLR) avec l’outrecuidance de battre Gévrise Emane, descendue en -63kg l’année précédente et pourtant déjà victorieuse des Grands Chelems de Paris et de Moscou ! De l’or en seniors, un titre national en juniors au passage en avril, avant de remporter, après un premier championnat du monde au Japon raté, le Grand Chelem de Tokyo en décembre… une nouvelle fois face à Emane. Circulez, voici Clarisse ! Et si c’est bien la Levalloisienne qui sera sacrée championne du monde en 2011 à Paris, la menace s’intensifie. « Je l’ai tout de suite appelée Terminator, sourit Ahcène Goudjil, qui l’a accueillie au JC Escales Argenteuil en 2009 alors que Sainte-Geneviève Sports la convoitait aussi. Elle était venue au club pour un circuit training avec Lucie Perrot, sa copine depuis la primaire. Je l’avais déjà vue au pôle d’Orléans (rejoint à l’âge de 14 ans où elle avait été couvée par Franck Decroix, NDLR) en allant superviser Lucie mais, ce jour-là, j’avoue que ses qualités de vélocité et d’explosivité m’avaient bluffé. » Quelques mois après, elle signait au JCEA. « Sans qu’on lui demande et surtout pour travailler. Ici, celui qui ne bosse pas s’est trompé de club, assume le directeur sportif. J’ai découvert une jeune fille au mental incroyable, la clé de son relâchement. Mon travail, c’est de la faire progresser. Comment ? En travaillant pour de vrai (Il insiste), pour qu’elle sache qu’elle est prête le jour J. Après deux championnats du monde ratés en 2010 et 2011 où l’entraînement national proposé à Clarisse n’était pas adapté, pas assez individualisé, elle a choisi que l’on travaille ensemble. La fédération a fait preuve d’ouverture et elle s’entraîne désormais uniquement le jeudi matin avec l’encadrement de l’équipement de France. » Avec Larbi Benboudaoud précisément. Une athlète qu’il faut nourrir presque sept jours sur sept sur le plan technique. « Je n’ai jamais vu ça, assure Ahcène Goudjil. Un champion a besoin de comprendre, de sentir, que le projet et l’entraînement lui parlent. Mais Clarisse, c’est un volcan, avec beaucoup de caractère, il faut du mouvement dans chaque chose, elle m’épuise ! » La fille de Pauline, comptable, et Victor, scientifique d’origine togolaise, gère mieux aujourd’hui ses descentes au poids, et pèse lourd au sein de cette équipe de France féminine. Son sourire, sa bonne humeur, ses pas de danses sont contagieux et ses amitiés sur le tapis dépassent le groupe en kim bleu-blanc- rouge depuis longtemps. Une « ambianceuse », désormais leader, qui a aussi ses coups de griffe. Impulsive, la native de Rennes a aussi dû assumer le coup de pression avec coups et insultes sur Anne-Fatoumata M’Bairo il y a un an, qui lui a valu une suspension d’un an avec sursis. La combattante a pris le dessus sur toutes les filles de sa génération : les Françaises Rachelle Plas, Margaux Pinot, Lola Benarroche, mais aussi au niveau international sur la Polonaise Halima Mohamed-Seghir, l’Italienne Martina Epifani… Reste la Japonaise Miku Tashiro, championne du monde juniors 2010, retenue pour Chelyabinsk et qu’il faudra surveiller en Russie, voire sa compatriote Haruna Ota. Il faut aussi avoir à l’œil la néo-Russe Kateryna Lyalina, plus jeune qu’elle d’un an et évidemment Yarden Gerbi, tout à la fois sa meilleure copine sur le circuit mondial et celle qui l’avait privée de titre mondial à Rio sur un étranglement inattendu. Oui, mais ça, c’était avant, car elle le promet avant de commencer l’interview au lendemain de son second titre européen : perdre une grande finale, on ne l’y reprendra pas. Foi de Clarisse.

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Serie de portraits pour L'Esprit du judo

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www.lespritduJudo.com 33

Clarisse agbegnenou

itinéraire Quand Lucie Décosse remporte son premier titre européen en Slovénie au printemps 2002, elle a dix ans, pratique l’athlé, le basket, la danse… mais n’a encore jamais mis un orteil sur un tatami. Agitée à l’école, elle « doit se cadrer » selon ses propres mots. Alors elle va pousser la porte du dojo d’Asnières, là, tout près de l’appartement familial de Gennevilliers… L’aventure de la tornade Clarisse peut débuter. Deux ans pour décrocher sa ceinture orange, puis, très vite, une montée en régime et l’esquisse d’une trajectoire qui s’infléchit vers le hors norme. Quatre ans plus tard, elle dispute en effet les championnats d’Europe cadettes, avant d’en décrocher le titre deux ans plus tard, en 2008. Championne de France juniors en 2009, elle frappe très fort sur la table en 2010 : un premier titre senior en janvier alors qu’elle n’a que 17 ans, en battant Virginie Henry, synonyme de première sélection pour le tournoi de Paris, puis un autre en novembre (il y eut deux championnats de France cette année-là en raison de la réforme du calendrier, NDLR) avec l’outrecuidance de battre Gévrise Emane, descendue en -63kg l’année précédente et pourtant déjà victorieuse des Grands Chelems de Paris et de Moscou ! De l’or en seniors, un titre national en juniors au passage en avril, avant de remporter, après un premier championnat du monde au Japon raté, le Grand Chelem de Tokyo en décembre… une nouvelle fois face à Emane. Circulez, voici Clarisse ! Et si c’est bien la Levalloisienne qui sera sacrée championne du monde en 2011 à Paris, la menace s’intensifie. « Je l’ai tout de suite appelée Terminator, sourit Ahcène Goudjil, qui l’a accueillie au JC Escales Argenteuil en 2009 alors que Sainte-Geneviève Sports la convoitait aussi. Elle était venue au club pour un circuit training avec Lucie Perrot, sa copine depuis la primaire. Je l’avais déjà vue au pôle d’Orléans (rejoint à l’âge de 14 ans où elle avait été couvée par Franck Decroix, NDLR) en allant superviser Lucie mais, ce jour-là, j’avoue que ses qualités de vélocité et d’explosivité m’avaient bluffé. » Quelques mois après, elle signait au JCEA. « Sans qu’on lui demande et surtout pour travailler. Ici, celui qui ne bosse pas s’est trompé de club, assume le directeur sportif. J’ai découvert une jeune fille au mental incroyable, la clé de son relâchement. Mon travail, c’est de la faire progresser. Comment ? En travaillant pour de vrai (Il insiste), pour qu’elle sache qu’elle est prête le jour J. Après deux championnats du monde ratés en 2010 et 2011 où l’entraînement national proposé à Clarisse n’était pas adapté, pas assez individualisé, elle a choisi que l’on travaille ensemble. La fédération a fait preuve d’ouverture et elle s’entraîne désormais uniquement le jeudi matin avec l’encadrement de l’équipement de France. » Avec Larbi Benboudaoud précisément. Une athlète qu’il faut nourrir presque sept jours sur sept sur le plan technique. « Je n’ai jamais vu ça, assure Ahcène Goudjil. Un champion a besoin de comprendre, de sentir, que le projet et l’entraînement lui parlent. Mais Clarisse, c’est un volcan, avec beaucoup de caractère, il faut du mouvement dans chaque chose, elle m’épuise ! » La fille de Pauline, comptable, et Victor, scientifique d’origine togolaise, gère mieux aujourd’hui ses descentes au poids, et pèse lourd au sein de cette équipe de France féminine. Son sourire, sa bonne humeur, ses pas de danses sont contagieux et ses amitiés sur le tapis dépassent le groupe en kim bleu-blanc-rouge depuis longtemps. Une « ambianceuse », désormais leader, qui a aussi ses coups de griffe. Impulsive, la native de Rennes a aussi dû assumer le coup de pression avec coups et insultes sur Anne-Fatoumata M’Bairo il y a un an, qui lui a valu une suspension d’un an avec sursis. La combattante a pris le dessus sur toutes les filles de sa génération : les Françaises Rachelle Plas, Margaux Pinot, Lola Benarroche, mais aussi au niveau international sur la Polonaise Halima Mohamed-Seghir, l’Italienne Martina Epifani… Reste la Japonaise Miku Tashiro, championne du monde juniors 2010, retenue pour Chelyabinsk et qu’il faudra surveiller en Russie, voire sa compatriote Haruna Ota. Il faut aussi avoir à l’œil la néo-Russe Kateryna Lyalina, plus jeune qu’elle d’un an et évidemment Yarden Gerbi, tout à la fois sa meilleure copine sur le circuit mondial et celle qui l’avait privée de titre mondial à Rio sur un étranglement inattendu. Oui, mais ça, c’était avant, car elle le promet avant de commencer l’interview au lendemain de son second titre européen : perdre une grande finale, on ne l’y reprendra pas. Foi de Clarisse.