pathologie cardiovasculaire de l’insuffisant rénal et du transplanté rénal

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Page 1: Pathologie cardiovasculaire de l’insuffisant rénal et du transplanté rénal

Pathologie cardiovasculaire de Iyinsuffisant renal

et du transplante renal Quelles implications, en I'absence d'etudes randomisees disponibles ?

Angelo Testa &C. H.O. - Nantes)

L es maladies cardiovasculaires repre- sentent la premiere cause de morta- lite et de morbidite des patients

insuffisants renaux chroniques [I]. Malgre les avancees dans la prise en charge the- rapeutique de I'insuffisance renale (IRC), I'augmentation du risque cardiovasculaire (RCV), par rapport a la population gene- rale apres ajustement par I'hge, le sexe, I'origine geographique et le diabete, est significative a tous les stades de cette pathologie et pour n'importe quel type de traitement substitutif [2]. Un grand nombre d'etudes epidemiolo- giques confirment cette donnb qui avait ete dejh soulignb depuis longtemps pour la seule population hemodialysee (fig. 1). En France, plusieurs etudes r6gio- nales et I'enquete recente de la CNAMTS sur I'ensemble de la population dialysee montrent que la pathologie cardiovascu- laire est la premiere cause de comorbidi- te, tant en hemodialyse qu'en dialyse peritoneale. Au cours des annbs, le suc- ces de la transplantation renale au cours des annbs a permis Une amelioration de la qualite et de I'esperance de vie des patients en IRC, mais les maladies car- diovasculaires restent la cause la plus frequente de deces des patients avec greffon renal fonctionnel. Les donnbs du registre de dialyse americain prkisent que, en comparaison avec la population generale, la mortalite cardiovasculaire des transplantes est deux fois superieure entre 55 et 64 ans et 10 fois superieure entre 35 et 44 ans [3]. Plus recemment, les analyses secon- daires des grands essais therapeutiques (comme HOPE, qui avait comme objectif principal I'etude des patients hyperten- dus eWou a haut risque vasculaire) prk i -

No 131 - 25 septembre 2004

de la rnortalite des insuffisants renaux

Fig. 1 - Comparaison entre la mortalite cardiovasculaire dans la population g6n6rale americaine (GP) et les patients diafyses pour les ann6es 1994-1 996. Les donn6es sont stratiii6es selon I'age, le sexe et la race [d9api.es Foley RN et al. Am J Kidney Dis 1998 ; 32 (suppl. 3) : S112-S1191.

sent que, en presence d'une rkduction modeste mais significative de la clairance de la creatinine (creatinine plasmatique > 1,4 mg/dL), le risque de mortalite cardio- vasculaire est accru quel que soit le SOUS-groupe de patients (diabetiques et non diabetiques, hypertendus et non

hypertendus) et malgre le traitement par ramipril. Cela en accord avec le fait que la presence d'une IRC, meme au stade de pre-dialyse, constitue un facteur de RCV supplementaire [2] (fig. 2). Ces constatations ont amene a rbxami- ner les facteurs de risque d'atteinte car- diovasculaire presents au cours de I'IRC et a evaluer les possibilites d'un traite- ment preventif. Au meme titre que la nephroprotection, la cardioprotection apparait aujourd'hui un element essentiel du traitement de I'uremie chronique a Ses differents stades [4].

Facteurs de risque cardiovasculaire et insuffisance r6nale

Si le risque cardiovasculaire est eleve en IRC, le poids des differents facteurs de risque recte encore mal connu. On pour- rait logiquement penser que I'exces de risque est lie a Une prevalence superieu- re, par rapport a la population generale, des facteurs de risque N traditionnels >>, identifies dans I'etude Framingham, chez le patient insuffisant renal. Or, si Ces fac- teurs de risque sont certainement tres ›

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representes chez I'insuffisant renal, ils ne peuvent pas seuls expliquer cet exces de risque [5]. Les effets additifs de Ces fac- teurs de risque communs, de ceux spec fiques de I'etat uremique, de I'atteinre coronaire et de I'hypertrophie ventricu- laire gauche, dans les deux composantes concentrique et excentrique, contribuent au developpement de la cardiomyopathie uremique (fig. 3). Les modifications du systeme vasculaire, induites par I'eleva- tion de la pression pulsee et I'augmenta- tion de la vitesse de I'onde de pouls, y participent et aggravent le tableau [6].

Fig. 3 - Hypertrophie ventriculaire gauche.

Les donnbs epidemiologiques confir- ment I'influence defavorable de I'Age avance et du sexe masculin chez les patients uremiques [2, 51. Les effets dele- teres du tabagisme au cours de I'IRC et en transplantation renale, tant sur la sur- vie des patients que sur celle du greffon, ont ete rkemment mis en evidence [3, 51. Chypertension arterielle caracterise le tableau clinique de la grande majorite des affections renales avec environ 80 % des patients qui arrivent hypertendus au stade de la dialyse. Les mecanismes physiopathologiques mettent en jeu, d'une part I'hyperreactivite du systeme renine angiotensine mais aussi la reten- tion sodb lib a la baisse de la filtration glomerulaire. Chypertension arterielle est le principal facteur de progression des maladies renales, comme demontre par les resultats des etudes interventionnelles des differents antihypertenseurs sur la fonction renale qui ont mis en evidence le r6le aggravant du bin6me HTA-proteinu- rie [2]. Chypertension arterielle est la complica- tion la plus frequente de la transplanta- tion renale ; les causes les plus repan- dues sont :

a) la nephropathie initiale et les comorbi- dites presentes au moment de la greffe ; b) les immunosuppresseurs et en particu- lier les corticoiCles et les inhibiteurs de la calcineurine ; C) le transplant lui-m6me (nephropathie d'allogreffe) ; d) Une stenose de I'artere renale du gref- fon [3]. Une proportion de plus en plus significa- tive de patients avec IRC est atteinte de diabete et la nephropathie diabetique est Une des causes d'IRC parmi les plus fre- quentes. Le diabete est un facteur de yisque cardiovasculaire connu qui s'ac- croit si le patient presente aussi Une dys- ionction renale, comme en temoignent le r6le et la place que la microalbuminurie semble avoir comme temoin du risque

diovasculaire global. Compte tenu de ces elements, la prise en charge des

lies a I'IRC et dependants du traitement de remplacement ont ete evoques. Parmi eux, I'anemie etait reconnue depuis long- temps comme responsable d'hypertro- phie ventriculaire gauche et correlee avec Une mortalite et Une morbidite accrues. Dans la population dialysee, la diminution du taux d'hemoglobine de 1 g/dL aug- mente de 42 % le risque de dilatation du ventricule gauche et de 28 % le risque d'insuffisance cardiaque. L'efficacite du traitement par erythropoietine a confirme que I'anemie recte un facteur de risque important a tous les stades de I'IRC, majorant les risques de I'atherome coro- naire et de I'ischemie myocardique [2, 51 (fig. 4). Quatre-vingt-dix pour cent des patients en IRC terminale ont un taux d'homocysteine > 14 mmoVL, alors que cette proportion est de 5 % dans la population generale.

patients diabetiques ayant Une IRC s'ap- puie sur un contr6le strict, tant tensionnel (inhibiteurs de I'enzyme de conversion et antagonistes de I'angiotensine II) que metabolique, qui a montre la capacite de ralentir ou de prevenir la nephropathie diabetique et de reduire les evenements cardiovasculaires 121. La prevalence de I'hyperlipidemie varie selon le stade de I'IRC, le niveau de proteinurie et la moda- lite de remplacement de la fonction rena- le. Ces anormalites, plus frequentes que dans la population generale, sont carac- terisees et associent Une reduction du cholesterol-HDL, Une augmentation du cholesterol-LDL et des triglycerides, Une diminution des apolipoproteines Al et All et Une augmentation de I'apolipoproteine B. A souligner aussi I'elevation significa- tive de la lipoproteine (a). Certaines nephropathies apparaissent comme etant plus a risque, en particulier celles s'ac- compagnant de syndrome nephrotique. Chez le transplante, I'utilisation de cer- tains traitements immunosuppresseurs tels que les corticoides, la ciclosporine et le sirolimus donne lieu a des alterations caracteristiques du bilan lipidique. Toutes Ces modifications sont fortement corre- Iees a la survenue d'accidents cardiovas- culaires chez les IRC non dialyses, les uremiques dialyses et les transplantes renaux [2,3].

Facteurs de risque spkifiques de IWat uremique

Les facteurs traditionnels etant insuffi- sants pour expliquer I'exces de morbidite

Fig. 4 - Le risque majeur : I'ath6rome coronaire.

II existe de nombreux arguments sugge- rant que I'hyperhomocyst~inemie est un facteur de risque cardiovasculaire dans la population generale, comme chez I'ure- mique, le dialyse et le predialyse, mais toutes les etudes epidemiologiques ne sont pas concordantes. Pour etablir un lien de causalite entre homocysteine et morbi-mortalite cardiovasculaires, nous ne disposons pas pour le moment d'une grande etude prospective et des essais d'intervention [2, 3, 51. Des le stade initial de I'IRC, il existe un etat inflammatoire chronique avec activation des mono- cytes, des lymphocytes et des polynu- cleaires, et production excessive de cyto- kines pro-inflammatoires et d'oxydants. Ces anomalies induisent des alterations des cellules endotheliales, etape initiale de l'atherogenese.

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Mise au point

I I~ableau - Buhr et moyens de la n6phroprotection et de Ir cardiopotecti~ [d'apks Jungers P et al. La ~ardio~rotection : Une composante essen du traitement de I'insuffisance renale chronique des le stade pddialyt Ndphrolagie 2003 ; 24 : 79-88]

Antihypertenseurs (IEC, ARAII)

I Antihypertenseurs

L lfi I legulations apports, diur6tiques .:i I - Anernie Fer, vitarnine B, EPO

Dyslipidemie Statines

I Sevrage tabagique

Diabete I ~quilibre glycernique

Conclusion

L'atteinte cardiovasculaire est devenue un sujet rnajeur de prbccupation pour les nephrologues cornpte tenu de I'irn- pact sur la morbidite et la rnortalite des patients aux ditkents stades de la rnala- die renale. Les mesures visant a la recon- naissance et au traiternent de cette corn- plication s'inscrivent dans Une strathie globale et inthree de traiternent de I'ure- rnie chronique en association avec celles visant plus directernent a la nephropro- tection (tableau). Ce challenge cornplexe dernande I'inter- vention prkoce du nephrologue pour qu'il puisse contribuer a la prise en char- ge rnultidisciplinaire (cardiologique, dia- I b6toiogique.. .) qui souvent s'irnpose pour I& patients insuffisants renaux, dia- lysh et transplanth [4].

I Hyperhornocysteinernie ( Acide folique, vitarnine B I Rt5ferences

Aspirine, antiagregeants

xercice phy ' I

Chez I'urernique, la traduction biologique de Ces anornalies est, d'une part, I'eleva- tion pratiquernent constante des taux plasrnatiques de fibrinogene, dont I'evo- lution est parallele a I'augrnentation de la proteine C-reactive, d'autre Part la reduc- tion des proteines seriques a valeur nutritionnelle telles I'alburnine et la preal- burnine. Le syndrorne rnalnutrition-inflarnrnation- atherosclerose caracterise un grand nornbre de patients avec IRC en asso- ciant Une rnalnutrition clinique et biolo- gique, la prbence d'un syndrorne inflarnrnatoire ainsi qu'une atteinte cardio- vasculaire etendue [2,5]. L'hyperphosphorernie, I'elevation du produit phosphocalcique et les autres anornalies biologiques de I'hyperparathy- roidie jouent un rdle central dans I'appari- tion de calcifications vasculaires et

cardiaques et sont responsables d'une augrnentation du risque de rnortalite car- diaque. Si le rnkanisrne passif de prki- pitation ectopique explique en partie le phenornene de mediacalcose, il est dhormais dernontre, qu'au cours de I'in- suffisance renale, il y a aussi un rnkanis- rne actif avec expression de proteines rnatricielles osseuses par les cellules musculaires lisses (ostbpontine, sialo- proteine, phosphatase alcaline, collagene type 1) 51. D'autres facteurs identifih cornrne spki- fiques de I'etat uremique sont : la pro- duction accrue de produits avances d'oxydation des proteines et de peroxy- dation lipidique, I'activation du systerne renine-angiotensine, la production aug- rnentth d'endotheline, et I'inhibition corn- petitive de la production du rnonoxyde d'azote [5].

1. US Renal Data System. USRDS 2000 Annual Data Report: Atlas of End-Stage Renal Disease in the United States. Bethesda, Md: National Institute of Heaith, National institutes of Diabetes and Digesti- ve and Kidney Diseases ; 2000.

2. Sarnak MJ. Cardiovascular cornplications in chronic kidney disease. Am J Kidney Dis 2003 ; 41 : SI 1-S7.

3. Kendrick E. Cardiovascular disease and the renal transplant recipient. Am J Kidney Dis 2001 ; 38 : S36-S43.

4. Jungers P, Oualirn Z, Nguyen-Koa T, Massy Z, London G. La cardiopmtection : Une cornposante essentielle du traitement de I'insuffisance renale chronique d6s le stade predialytique. Nephrologie 2003 ; 24 : 79- 88.

5. Zoccali C, Mallarnaci F, Tripepi G. Tradiio- nal and ernerging cardiovascular risk fac- tors in end-stage renal disease. Kidney Int Suppl 2003 ; 85 : S1 05-C1 10.

6. London G. Pathophysiology of cardiovas- cular darnage in the early renal population. Nephrol Dial Transplant 2001 ; 16 : 3-6.

En pratique : Prevention et depistage accrus.