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ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE CLT-98/Conf. 21 O/Ref. 8 PARIS, décembre 1997 Original français CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR LES POLITIQUES CULTURELLES POUR LE DEVELOPPEMENT (Stockholm, Suède, 30 mars - 2 avril 1998) LES SERVICES PUBLICS FACE AUXDEFIS DES NOUVEAUXMEDL4 Par Lofti Maherzi (CLT-98KONF.21OKLD.4)

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ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

CLT-98/Conf. 21 O/Ref. 8 PARIS, décembre 1997 Original français

CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR LES POLITIQUES CULTURELLES POUR LE DEVELOPPEMENT

(Stockholm, Suède, 30 mars - 2 avril 1998)

LES SERVICES PUBLICS FACE AUXDEFIS DES NOUVEAUXMEDL4

Par

Lofti Maherzi

(CLT-98KONF.21OKLD.4)

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NOTE EXPLICATIVE

Pour approfondir sur le plan intellectuel la préparation de la Conférence de Stockholm, l’UNESCO a demandé à d’éminents spécialistes de rédiger de brèves communications faisant le point de la situation en ce qui concerne les thèmes secondaires inscrits à son ordre du jour préliminaire. Chacun de ces spécialistes a été prié de prendre pour point de départ les idées exposées dans le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, Notre diversité créatrice. Chaque auteur a également été invité à soumettre librement les nouvelles idées, les analyses et les recommandations qui lui paraissent de nature à améliorer ou renforcer la définition et la mise en oeuvre des politiques relatives au thème dont l’examen lui est confié. Ces contributions, commandées grâce au soutien financier du Ministère suédois de l’éducation, seront diffusées aux participants et le Secrétariat de l’UNESCO s’en inspirera pour rédiger le document de base de la Conférence. Chaque auteur est responsable du choix et de la présentation des faits mentionnés dans sa communication ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation.

N.B. : Ces cormnunications pourront également être consultées sur l’Internet au site suivant : http ://www.unesco-sweden.org/conference/papers.htm.

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RESUME

Les profondes mutations qui marquent la fin de ce siècle se caractérisent par une série de transformations telles que la convergence technologique, la mondialisation des médias ou encore la globalisation de leurs contenus. Elles entraînent une véritable révolution basée sur l’information et le savoir qui représenterait l’âge de la société de l’information et des nouvelles technologies. Le savoir et la connaissance deviennent des vecteurs déterminants de la nouvelle économie dite à « valeur ajoutée ». Les ressources immatérielles comme les logiciels, les applications et les programmes deviennent les nouvelles matières premières et les véritables richesses de la société du savoir.

Ces grandes transformations coïncident avec l’ouverture des marchés, l’effondrement du bloc socialiste, le mouvement de démocratisation dans diverses régions du monde et une libéralisation des législations dans le secteur de la communication. Ce mouvement sans précédent accélère l’effacement des frontières politiques, bouscule les monopoles et soulève dans le même temps un certain nombre d’interrogation sur la place et la mission des services publics dans des paysages audiovisuels bouleversés, sur les crises qu’ils traversent un peu partout dans le monde, sur la conception qu’ils doivent avoir pour répondre à leur mission et survie, sur leur rôle public dans l’exercice de la démocratie et dans la défense de la liberté de l’information. L’ensemble de ces questions rappelle que l’information et la communication davantage encore que les autres secteurs véhiculent des enjeux de pouvoir, de souveraineté, de culture et d’éthique et posent en termes nouveaux la question de la légitimité de la radiodiffusion publique.

La crise du service public

L’arrivée sur le marché d’opérateurs et de diffuseurs privés a eu pour conséquence, la fin de la suprématie des chaînes publiques. Ce recul a entraîné dès lors des signes de stagnation, voire d’affaiblissement, notamment au niveau de l’audience, des subventions publiques et du marché publicitaire, mettant en cause les équilibres traditionnels entre le secteur public et le secteur privé et les conditions de leur concurrence. Toutes ces tendances ont conduit le service public à devenir depuis quelques années, un espace de débat antagoniste opposant ceux qui préconisent sa réduction, voire son démantèlement et ceux qui souhaitent au contraire, son renforcement et son extension aux nouveaux réseaux de communication. Mais la crise du service public résulte en fait d’une conjonction de contraintes d’ordre technologique, économique et politique qui a favorisé la crise du service public et modifié profondément le sens et la portée des radiodiffuseurs publics.

Les contraintes technologiques

Les contraintes technologiques s’appuient sur des avancées technologiques majeures, qui ont favorisé l’émergence de nouveaux médias et de nouveaux services de communication. Ces avancées résultent de grandes mutations comme la numérisation des images, des sons et des données, la mise au point d’algorithmes de compression, la puissance croissante des composants électroniques, le développement de moyens de stockage de très grandes capacités et enfin l’apparition de la commutation haut débit, grâce notamment à I’ATM (Asynchronous

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Transfer Mode). La conjonction de ces progrès va éliminer dans le domaine audiovisuel le principal obstacle qui a caractérisé la télévision traditionnelle et son histoire : la rareté des fréquences hertziennes et, par voie de conséquence, le nombre limité de chaînes. La corrélation de ces innovations apportera à la télévision une amélioration qualitative sur le plan technique et surtout une augmentation du nombre d’acteurs susceptibles d’investir dans de nouveaux réseaux d’information et de proposer aux utilisateurs de nouveaux services. Ce processus va modifier profondément les paysages audiovisuels et dans le même temps les équilibres traditionnels qui existaient entre le secteur public et le secteur privé.

Les contraintes économiques

Le développement des nouveaux médias et des réseaux de communication repose également sur un ensemble de transformations économiques qui a ébranlé les monopoles des diffuseurs nationaux.

La première transformation est caractérisée par le phénomène général de la dématérialisation de l’économie qui touche l’ensemble des secteurs économiques. La valeur essentielle ne réside plus dans le support physique, mais dans la production croissante de biens immatériels et dans le développement du savoir qui devient une ressource stratégique, précieuse et coûteuse entraînant une lutte âpre pour avoir accès à son contenu et contrôler sa diffusion.

La seconde transformation repose sur la généralisation de l’économie de marché et de la concurrence dans des secteurs jusqu’alors essentiellement monopolistiques (les télécommunications) ou oligopohstiques (les télévisions hertziennes). Ce mouvement s’explique principalement par une volonté de mettre les services en concurrence et de stimuler la demande dans le secteur de la communication. Mais, si la libéralisation est importante et même indispensable au bon exercice de la liberté de la communication, son succès suppose, notamment dans les pays en développement, la présence d’un service public fort et des règles du jeu équitables qui permettent de tempérer les risques de nouveaux monopoles.

La troisième contrainte se caractérise par un processus de forte concentration des entreprises, qui s’accomplit par des acquisitions ou des alliances visant à étendre l’espace d’ interventions et d’ activités des grandes firmes internationales. L’objectif de ces fumes est de gérer du contenant (réseau de fabrication, câble, satellite..) mais également des programmes devenus l’enjeu décisif de la bataille du tout numérique.

Sur ce point, les gouvernements, les instances de régulations et les associations de téléspectateurs sont inquiets du monopole grandissant des chaînes à péage dans la diffusion de programmes et de manifestations sportives. La mainmise sur la distribution mondiale des films et de programmes sportifs, grâce à l’emploi conjugué des nouvelles technologies de communication, du satellite et du câble, relèguent les radiodiffusions publiques et les télévisions nationales au rang de parent pauvre cantonné dans le sphère traditionnelle des ondes hertziennes. Ce monopole pourrait avoir des effets discutables en terme d’éthique de l’information sportive en même temps qu’elle incite à négliger les sports de moindre audience.

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Les contraintes politiques

Les progrès technologiques des médias et leur internationalisation, les avancées démocratiques, la liberté d’entreprendre et de s’exprimer ont entraîné une recomposition des paysages médiatiques dans le monde et ébranlé les monopoles des radiodiffuseurs nationaux, remettant ainsi en cause des équilibres traditionnels qui existaient entre le secteur public et le secteur privé. Dans de nombreux pays, le secteur public a fait place à la domination des chaînes privées, laissant ainsi triompher la logique de la télévision commerciale. Dans d’autres, il reste un acteur principal dans les paysages audiovisuels. Mais d’une région à l’autre, les télévisions de service public sont différentes. Leurs moyens, leurs modes de financement et la place qu’occupe la publicité varient en fonction des traditions politiques ou des modes de propriété des médias.

Les services publics : renouveau et défis

Les grands changements dans le monde de la communication imposent aux services publics une démarche d’adaptation sans laquelle leurs avenirs risquent de devenir irréversiblement chaotique. Cette démarche est fondée sur un certain nombres de valeurs, culturelles, politiques, éthiques et innovatrices, qui redéfinit le service public dans une perspective pluraliste, diversifiée et ouverte aux nouveaux médias.

Un service public pluraliste et citoyen

La télévision de service public est une télévision au service de la démocratie, gérée « à distance » des pouvoirs politiques, économiques ou religieux. L’indépendance consacrée apporterait réellement de la diversité et du pluralisme, favorisant ainsi d’une part, un accès équilibré à l’antenne des forces politiques et syndicales du pays et d’autre part, l’expression des divers courants de croyance et de pensée, même minoritaires. Ce sont là les clefs de l’identité du service public et les moyens de combattre l’uniformisation des programmes qui résulte de la mondialisation des réseaux et des images.

Un service public généraliste et diversifié

Le service public devrait être à la fois, différent du privé tout en prenant en compte les besoins du public dans sa diversité. Il doit assurer d’une part la satisfaction de besoins fondamentalement culturels et éducatifs qui ne peuvent être couverts par la simple logique du marché, et d’autre part, les attentes multiples des téléspectateurs notamment dans le domaine de l’information, des distractions, des fictions et des jeux et sans pour cela être systématiquement liées par des considérations économiques dictées par les lois du marché. La différence entre service public et service privé ne tient pas à une ségrégation entre genre, mais à la façon de les produire et de les programmer.

Un service public adapté à la connaissance et à l’innovation

L’éducation, le savoir et la connaissance sont devenus, les vecteurs essentiels des nouvelles économies et les véritables richesses de la future société de l’information. Les nouveaux réseaux de communication offient des capacités colossales dans la diffusion de la

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formation et de l’éducation. L’accès à ces réseaux spécialisés devrait être considéré comme un service fondamental qui suppose le soutien public et la protection des pouvoirs publics.

Le service public red@ni : le service universel

Avec l’explosion des nouveaux réseaux de communication et de leur multiples applications, les références classiques du service public perdent de leur évidence. Le concept de service universel, emprunté à la terminologie américaine des télécommunications, fait son apparition et se substitue au service public. Les déclarations publiques et tous les rapports relatifs à la société de l’information mettent en évidence la notion de service universel comme solution aux exclusions qu’entraîneraient les coûts d’accès aux services d’information.

Mais avec l’essor des nouveaux médias, le contenu de ce concept ne peut rester figer au seul service téléphonique de base. Il doit pouvoir s’enrichir progressivement de manière à intégrer les autres services de communication comme la télévision interactive, les services en ligne ou le téléphone mobile comme des compléments indispensables du service téléphonique de base. D’ou l’idée soulevée par de nombreux décideurs d’un service universel qui serait multimédia.

La définition précise du service universel constitue l’un des grands enjeux des négociations à l’échelle internationale sur l’ouverture complète des secteurs de la communication à la concurrence. Dans cette perspective, se dessine de plus en plus des espaces consensuels plaidant pour une régulation qui assure d’une part la pérennité du pluralisme et de la liberté d’expression sur le plan du contenu et d’autre part l’accès aux réseaux et aux services spécialisés en matière éducative et culturelle à l’ensemble des citoyens.

UnJnancement spécifique au service public

Avec le développement de l’offre et l’internationalisation des enjeux, restreindre les sources de financement du service public à la redevance et aux subventions et celles de la télévision commerciale à la publicité est devenu un non sens. L’indépendance politique et économique d’une chaîne de service public devrait être assurée par la diversifïcation des moyens de financement. Mais, le financement public demeure le meilleur moyen de garantir à la fois une haute qualité et une diversité des programmes. Cependant, d’autres financements, prenant la forme de ressources collectives de la société, de crédits publics, ou de redistribution de profits tirés d’une activité commerciale, peuvent contribuer à équilibrer le budget des services publics .

La nécessité de disposer d’importantes ressources financières permet également d’investir le domaine des technologies nouvelles, des réseaux de communication et de leurs applications. D’autant que cette évolution peut faire apparaître de nouveaux besoins collectifs, dans le domaine de l’information, de la formation et de la connaissance .

Une réglementation souple et adaptée

Face aux nouvelles mutations appelées à s’accentuer au cours des prochaines armées, de nombreux Etats ont élaboré des régulations dont l’objectif était de rechercher les équilibres

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dans le fonctionnement du marché de la communication. Ce mouvement de réglementation, repose sur deux régimes distincts. Pour l’audiovisuel, le rôle des pouvoirs publics est d’abord de mettre en place un cadre réglementaire rénové, destiné à garantir le pluralisme des idées et des convictions et de veiller au maintien d’une concurrence saine et équitable dans le marché de la communication. Dans le domaine des nouveaux réseaux de communication comme Internet, les pouvoirs publics sont confrontés à des problèmes nouveaux, liés à la propriété intellectuelle, à la protection des utilisateurs et des mineurs et au respect de l’ordre public. Le débat ouvert et les solutions proposées convergent toutes vers des réponses d’ordre technique, éthique et déontologique.

Conclusion

Le développement d’un service public compétitif, généraliste et moderne implique une politique éditoriale innovante et indépendante des pouvoirs économiques, politiques ou religieux, une relation de confiance et d’écoute avec les auditeurs et les téléspectateurs, une stratégie de production réfléchie et adaptée au plus grand nombre, et une programmation pluraliste ouverte aux tendances les plus diverses de la société. Il suppose une forte volonté politique des pouvoirs publics pour mobiliser les moyens budgétaires correspondant aux missions spécifiques de service public. Il nécessite enfin, une action financière d’ampleur, provenant de sources les plus diversifiées, afin de participer au développement des nouvelles technologies de l’information et des nouvelles applications multimédia. Cet engagement primordial contribuerait à renforcer l’expression culturelle des citoyens en leur apportant d’une part, un plus grand choix de programmes et de services et, d’autre part, contrairement aux services cryptes, une gratuité d’accès aux programmes.

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Les services publics face aux défis des nouveaux média

Introduction

Les profondes mutations qui marquent la fin de ce siècle se caractérisent par une série de transformations telles que la convergence technologique, la mondialisation des médias ou encore la globalisation de leurs contenus. Elles entraînent une véritable révolution basée sur l’information et le savoir, symboles de la société de l’information et des nouvelles technologies. Le savoir et la connaissance deviennent des vecteurs déterminants de la nouvelle économie dite à « valeur ajoutée ». Les ressources immatérielles comme les logiciels, les applications, les programmes et les services, deviennent les nouvelles matières premières et les véritables richesses de la société du savoir.

Les progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui touchent à la fois les techniques de compression numérique, les capacités de stockage de l’information et les moyens de transmission large bande, sont à l’origine de ce grand changement. La baisse sensible des coûts de ces équipements permet également leur rapide diffusion tant auprès des opérateurs que des utilisateurs. Une telle évolution conduit au rapprochement des différentes techniques des industries de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. La convergence devient dès lors une réalité tangible et permet le développement massif de nouveaux services, dits multimédias, qui amènent dans les entreprises et dans les foyers des données ou des images différemment mises en forme selon des techniques sans cesse renouvelées. Par ailleurs, la possibilité d’utiliser l’informatique en réseau, marque une nouvelle étape avec l’explosion d’Internet et de ses applications. Ce réseau de diffusion globale est devenu une donnée essentielle dans l’internationalisation des médias.

Ce processus coïncide avec l’ouverture des marchés, l’effondrement du bloc socialiste, le mouvement de démocratisation dans diverses régions du monde et une libéralisation des législations dans le secteur de la communication. Ce phénomène sans précédent accélère l’effacement des frontières politiques, bouscule les monopoles et soulève également un certain nombres d’interrogations : sur la place et la mission des services publics dans des paysages audiovisuels bouleversés, sur les crises qu’ils traversent dans de nombreux pays et sur leur rôle dans l’exercice de la démocratie et dans la défense de la liberté de l’information. Dans ce contexte, des experts de nombreux pays s’interrogent sur l’avenir du service public et dressent dans la plupart des cas des bilans unanimes et parfois sans appel : les télévisions de service public sont confrontées à une triple crise d’identité, de financement, et de fonctionnement qui met en cause leur existence future.

La crise du service publique

La crise du service public résulte dune conjonction de contraintes d’ordre technologique, économique et politique qui a modifié profondément le sens et la portée des radiodiffuseurs publics.

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Les contraintes technologiques

L’accélération des progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que l’amorce de la convergence entre des secteurs jusqu’ici largement distincts de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel, reposent pour l’essentiel sur cinq changements fondamentaux : la numérisation des images, des sons et des données, la mise au point d’algorithmes de compression, la puissance croissante des composants électroniques, le développement de moyens de stockage à très grandes capacités et enfin l’apparition de la commutation haut débit, grâce notamment à 1’ATM (Asynchronous Transfer Mode). La conjonction de ces progrès a accéléré la création d’un nouveau réseau mondial à haut débit, permettant de combiner d’une manière complémentaire les nouvelles technologies de l’information et l’industrie des télécommunications. L’ensemble de ces supports, interconnectés, permettraient de garantir l’interopérabilité des services et de concourir à la réalisation physique des autoroutes de l’information. Il marque une nouvelle ère technologique favorisant la constitution de véritables toiles d’araignées couvrant toute la planète et sur lesquelles va s’appuyer la nouvelle société de l’information . Ces innovations vont s’inscrire dans une vague de fond technologique qui va totalement bouleverser les conditions de production et de distribution de l’information et du savoir. Elles vont permettre de traiter, de stocker et de transmettre des informations, quelle que soit leur forme (voix, image, texte), sans contrainte d’espace, de temps ou de volume. Ces progrès vont éliminer dans le domaine audiovisuel le principal obstacle qui a caractérisé la télévision traditionnelle et son histoire : la rareté des fréquences hertziennes et, par voie de conséquence, le nombre limité de chaînes. La corrélation de ces innovations apportera à la télévision une amélioration qualitative sur le plan technique et surtout une augmentation du nombre d’acteurs susceptibles d’investir dans de nouveaux réseaux d’information et de proposer aux utilisateurs de nouveaux services. Ce processus va modifier profondément les paysages audiovisuels ainsi que les équilibres traditionnels qui existaient entre le secteur public et le secteur privé.

Les nouveaux médias

Avec la convergence technologique, le progrès de la numérisation et l’ouverture des marchés et de la concurrence, les laboratoires des sociétés de l’informatique et de l’électronique grand public proposent sans répit de nouveaux produits et d’autres formes de transmission de l’information. Ces nouvelles possibilités, amorcées dans les pays industrialisés, s’étendent progressivement de part le monde.

Le réseau mondial Internet peut être considéré comme un nouveau média assimilé à un réseau d’information mondial. L’apparition en 1995 du World Wide Web, la « toile d’araignée mondiale des réseaux » a permis à Internet de s’ouvrir en moins de deux ans au grand public. Par ailleurs, par son extension mondiale et l’accroissement de ses débits, Internet s’ouvre également à d’autres secteurs tels que le monde industriel, le commerce électronique, les médias et l’information scientifique et universitaire.

L’Amérique du Nord a pris une avance considérable dans l’exploitation du réseau, puisqu’elle utilise presque les trois quarts d’accès au réseau. Mais le phénomène gagne progressivement les autres continents, notamment les régions en développement.

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La prévisible saturation du réseau Internet et l’arrivée en force de services multimédias rendent inéluctable le développement des autoroutes de l’information, définies comme des réseaux numériques à large bande, capable d’acheminer, à grande vitesse jusqu’à l’abonné, un ensemble de nouveaux services interactifs, tels que le télé-enseignement, la consultation de banques de données, le téléachat, la télémédecine, la télévision à la demande, la visiophonie, etc. Ces réseaux apparaissent comme une véritable révolution technologique, économique et culturelle, appelée à bannir les frontières géographiques, temporelles et culturelles. Ils sont comparés dans les milieux industriels aux grands chantiers des chemins de fer continentaux ou des infrastructures autoroutières.

L’explosion d’Internet et des futures autoroutes de l’information, suscite des interrogations sur l’avenir des médias traditionnels et généralistes. Sont-ils condamnés au déclin et à l’extinction ? Auront ils encore des audiences face à l’explosion de l’offre et la diversité des services ? Sauront-ils s’adapter à la révolution numérique et à l’explosion du multimédia et répondre aux nouvelles attentes du public ? Les grandes évolutions des paysages médiatiques montrent que les médias traditionnels ont su se réinventer, exploiter les avantages technologiques et s’adapter aux nouveaux comportements des publics dans un paysage de plus en plus dominé par la révolution numérique et le multimédia.

En effet, les nouveaux moyens techniques améliorent la possibilité pour les éditeurs et les radiodiffuseurs d’atteindre leur public. Dans le secteur de la presse écrite, les nouvelles technologies ont largement investi les journaux et les magazines. L’informatisation des rédactions a révolutionné les techniques du journalisme, créé de nouveaux métiers et en a transformé d’anciens. Elle offre une occasion aux éditeurs de participer à la révolution numérique en cours, en proposant notamment des journaux en ligne sur Internet.

Dans le domaine de la radiotélédiffusion, les différentes évolutions technologiques ont bouleversé l’écoute et l’ergonomie de la radio et de la télévision, en leur ouvrant plus de perspectives notamment dans le domaine de l’offre de diffusion. L’audience est segmentée avec une pluralité de formats de diffusion. Cette diversification des paysages audiovisuels va encore s’enrichir grâce au développement des nouveaux réseaux de communication.

L’ensemble de ces innovations entraine d’importantes modifications d’ordre sociologique dans l’usage de la presse, de la radio et de la télévision ainsi que dans leur mode d’audience. Les clivages traditionnels séparant la programmation, et la production disparaissent. Les professions et les rythmes de travail sont soumis à des changements constants. La numérisation des techniques de diffusion et de production conduit à un besoin permanent et urgent de qualification et de perfectionnement des professionnels des médias. Dans ce nouveau contexte de grandes transformations technologiques et sociales, on peut s’interroger sur les moyens dont disposent les services publics pour s’adapter à ces grands changements. En effet, la structure de programmation et d’organisation du service public ne semble pas prête, dans son orientation actuelle, pour cette évolution.

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Les nouveaux services

La société de l’information et ses nouvelles architectures de réseau permettent d’envisager une très large gamme d’applications et de services. D’une manière générale, on peut en distinguer essentiellement trois types : les services télématiques comme le courrier électronique ou les services d’accès à des banques de données, déjà largement répandus ; les nouveaux services multimédias interactifs permettant d’utiliser une télévision équipée d’un décodeur pour recevoir des programmes personnalisés à la demande et enfin les nouveaux services de communication.

Les nouveaux services multimédias et interactifs constitueraient le mode de communication majeur pour les décennies à venir. Ils devraient permettre une véritable rupture avec la télévision traditionnelle, dans la mesure où les nouveaux systèmes numériques seraient susceptibles de réagir aux informations transmises par les usagers. Dans cette hypothèse, le téléspectateur ne serait plus un consommateur passif des programmes, mais un acteur jouissant d’une consommation totalement libre et individualisée. Il ne s’agit plus pour lui d’accéder à un plus grand choix de programmes, mais de déterminer un programme précis: dans un bouquet d’affres spécialisées, comme par exemple le pay per view, ou le paiement à l’unité, le Near Video on Demand (NVOD) ou la vidéo presque à la demande et la Video On Demand (VOD), ou la véritable vidéo à la demande, la dernière génération de service.

Dans le domaine des services en ligne, le réseau Internet intervient comme nouvelle plate-forme de diffusion, non seulement de services à valeur ajoutée, mais aussi de programmes et d’oeuvres multimédia. C’est un marché nouveau et prospère qui s’impose dans l’ensemble des domaines d’activités.

Dans le secteur de l’information, Internet semble s’affirmer comme nouveau support aux cotés de la presse, de la radio ou de la télévision pour la transmission de l’actualité. Aujourd’hui, chaque grand média crée des sites sur le réseau et tente de rivaliser avec les autres médias traditionnels sur le terrain de l’actualité, du divertissement et des loisirs . Ainsi, la presse propose, sur le réseau, des articles et des photos, la télévision des enregistrements audio et vidéo et la radio diffuse des émissions dans le monde entier, en direct ou en différé. En outre, le courrier électronique se répand infiniment plus rapidement que le fax et les différents services de téléphonie via Internet, à des tarifs modiques, inquiètent les compagnies de téléphone traditionnelles qui tentent en vain de trouver une riposte sur le terrain juridique. L’ensemble de ces expériences n’ont pas pour objectif de déplacer l’audience de la presse, de la radio ou de la télévision vers un support électronique qui offrirait un même contenu, mais plutôt de développer de nouveaux services en ligne à partir de métiers traditionnels, en s’appuyant sur l’image de marque des médias classiques.

Dans le domaine de l’économie, Internet constitue un laboratoire de services qui seront accessibles demain sur les autoroutes de l’information. Les acteurs économiques pourront ainsi vendre tout produit ou service immatériel comme les banques virtuelles sans agences ou tout autre produit imprimable sur un support électronique (livre, presse, image, vidéo..).

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Les contraintes économiques

Le développement des nouveaux médias et des réseaux de communication repose également sur un ensemble de transformations économiques qui a ébranlé le monopole des diffuseurs nationaux.

La première transformation est caractérisée par le phénomène général de la dématérialisation de l’économie qui touche l’ensemble des secteurs économiques. Ce processus débouche sur de nouveaux modes d’échanges économiques et d’organisation de la société tout en libérant par ailleurs l’économie des contraintes traditionnelles de la distance et de la rareté des ressources. L’économie de l’information devient une économie de l’abondance et de la profusion. La valeur essentielle ne réside plus dans le support physique, mais dans la production croissante de biens immatériels et dans le développement du savoir qui devient une ressource stratégique, précieuse et coûteuse entraînant une lutte âpre pour l’accès à son contenu et le contrôle de sa diffusion. Face au développement de ces services et produits coûteux tant au niveau de leur fabrication qu’au niveau du consommateur, les services publics risquent de se trouver coupés de sources d’information importantes et de ne plus pouvoir, par conséquent programmer démissions attractives.

La seconde transformation repose sur la généralisation de l’économie de marché et de la concurrence dans des secteurs jusqu’alors essentiellement monopolistiques (les télécommunications) ou ohgopolistiques (les télévisions hertziennes). Elle s’exerce sous la pression internationale dans le sens d’un réaménagement des frontières du public et du privé et d’une réduction de la spécificité du régime de service publicl. Le mouvement s’explique principalement par une volonté de mettre les services en concurrence et de stimuler la demande dans le secteur de la communication. Dans les pays développés, l’impact de cette libéralisation est loin d’être négligeable. De nouveaux opérateurs tentent de s’imposer, les moyens de distribution prolifèrent (satellites et câble, vidéo, CD-Rom), les financements changent (abonnements, parrainage) et les coûts des prestations connaissent une baisse importante. Dans les pays en développement, le mouvement de déréglementation est devenu aussi le cadre de référence pour toute revalorisation ou modernisation des politiques de communication. Toutefois, dans la majorité de ces pays,le secteur de la communication est en général caractérisé par une certaine lenteur dûe au ralentissement des économies. Les principaux obstacles au développement de la communication sont en effet liés au coût des infrastructures, à leur financement, aux problèmes de réglementation et de politique tarifaire.

Quant aux pays les moins développés, leur situation a empiré dans la mesure où beaucoup se sont encore appauvris et sont restés en marge des avancées technologiques. Dans ces conditions, de nombreux analystes craignent que dans le cadre des restructurations des économies de ces pays, les entreprises de service public soient remplacées par le monopole des grandes fumes de communication.

I En 1997, le mouvement de déréglementation s’est répandu sur l’ensemble du globe avec l’accord conclu à Genève (15 février 1997) dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC). Cet accord marque la fin progressive des monopoles sur les services de télécommunication (téléphone, transmission de service, etc.).

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En réalité, la libéralisation est importante et même indispensable tant pour le bon exercice de la liberté de la communication que pour l’encouragement à la créativité et à la production indépendante. Cependant, elle ne peut être conçue comme un processus légitime de changement socio-économique que si toutes les couches de la population en tirent profit. L’ouverture des marchés devrait ainsi être accompagnée d’un cadre réglementaire qui garantisse, à l’ensemble des populations, notamment aux populations rurales, l’accès aux services essentiels d’information et de communication. Le succès de la libéralisation suppose, notamment dans les pays en développement, la présence d’un service public fort et des règles du jeu équitables qui permettent de tempérer les risques de nouveaux monopoles.

La troisième transformation se caractérise par un processus de forte concentration des entreprises, qui s’accomplit par des acquisitions, des alliances ou le lancement d’entreprises nouvelles visant à étendre l’espace de leurs interventions et de leurs activités. Dans les secteurs de l’audiovisuel, de la presse, de l’édition et des loisirs, on voit apparaître des conglomérats internationaux, qui rassemblent entre leurs mains l’ensemble des moyens de communication et de production des images, du son et du texte. Leur objectif est de gérer le contenant (réseau de fabrication, câble, satellite..) ainsi que les programmes devenus l’enjeu décisif de la bataille du numérique. L’explosion des bouquets numériques et l’annonce des autoroutes de l’information entraînent la constitution d’immenses banques de programmes qui vont alimenter les réseaux et générer l’essentiel des revenus du marché audiovisuel.

Ces entreprises sont porteuses dune dynamique commerciale obéissant à une pure logique de conquête multimédia et planétaire qui les contraint à affronter une concurrence féroce ou seules les plus puissantes survivent pour devenir de véritables structures de pouvoir, souvent plus importantes que le pouvoir politique. L’internationalisme et l’hégémonie de ces grands oligopoles mondiaux menacent la production culturelle des petits marchés et augmentent les risques d’uniformisation linguistique et d’appauvrissement des cultures.

Dans ce nouveau contexte de libéralisation, de concentration et de globalisation de la communication, le secteur public de I’audiovisuel est de plus en plus placé comme une base arrière par rapport à des groupes de communication locaux, mais à vocation régionale ou internationale comme Canal Plus en France, Fininvest en Italie, Kirch ou Bertelsmann en Allemagne. Ces groupes apparaissent désormais comme porteurs d’une partie de l’intérêt général, une fonction assurée traditionnellement par le secteur public. Ce transfert de responsabilité a contribué à fragiliser le poids du secteur public dans les paysages audiovisuels locaux.

Par ailleurs, le développement des programmes payants et des droits d’exclusivité pénalise les chaînes de service public. Menacées d’être expulsées du marché sportif porteur comme le football ainsi que des programmes cinématographiques, ces chaînes essaient de s’adapter aux moeurs nouvelles en tentant de défendre leurs droits sur d’autres disciplines comme le tennis, le cyclisme ou de se contenter de manifestations de moindre importance. Les gouvernements, les instances de régulations et les associations de téléspectateurs sont inquiets du monopole grandissant des chaînes à péage dans la diffusion de programmes et de manifestations sportives. La mainmise de ces monopoles sur la distribution mondiale de films et de programmes sportifs, grâce à l’emploi conjugué des nouvelles technologies de communication, du satellite et du câble, relèguent les radiodiffusions publiques et les télévisions nationales au rang de parent pauvre,

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cantonnés dans la sphère traditionnelle des ondes hertziennes. Pour s’assurer la participation des droits exclusifs, les chaînes de service public se voient obligées de consacrer une plus grande part de leurs ressources au sport, donc de réduire le financement des autres programmes.

Les contraintes politiques

Les progrès technologiques des médias et leur internationalisation, la liberté d’entreprise et d’expression ont entraîné une recomposition des paysages médiatiques dans le monde et ébranlé les monopoles des radiodiffuseurs nationaux, remettant ainsi en cause les équilibres traditionnels qui existaient entre le secteur public et le secteur privé. Dans de nombreux pays, le secteur public a fait place à la domination des chaînes privées, laissant ainsi triompher la logique de la télévision commerciale. Dans d’autres, il reste un acteur principal dans les paysages audiovisuels. Mais d’une région à l’autre, les télévisions de service public sont différentes. Leurs moyens, leurs modes de financement et la place qu’y occupe la publicité varient en fonction des traditions politiques ou des modes de propriété des médias.

La typologie généralement adoptée distingue trois types de système de service audiovisuel, susceptibles d’englober d’autres formes de radiotélévision : les systèmes mixtes, public, privé ; les systèmes à dominante privée et les systèmes audiovisuels étatiques. Les premiers se sont développés autour des anciens monopoles de service public. Ceci est le cas pour la majorité des pays d’Europe de l’ouest, le Canada, l’Australie et le Japon où les systèmes de radiotélévision de service public occupent une place importante dans les paysages médiatiques. Jusqu’à la naissance de la télévision commerciale, l’Europe n’a connu qu’une télévision publique en situation de monopole. Ce qui signifiait : totalité de l’audience, public vaste, absence de concurrence et relative autonomie par rapport à l’état. Cette conception a totalement disparu dans ces pays où la télévision présente depuis les années 80 un système mixte privé-public. Radiodiffusions publiques et privées coexistent désormais sur les fréquences hertziennes tandis que des programmes thématiques et cryptés sont transmis par câble et satellite, complétant ainsi l’offie disponible pour l’auditeur et le téléspectateur.

Le second système est édifié autour dune architecture essentiellement commerciale, à savoir la libre entreprise et la concurrence. Le rôle de l’Etat se borne à jouer le rôle « d’agent de circulation )) des ondes afin d’éviter qu’elles ne soient utilisées de façon désordonnée. Les Etats- Unis, la plupart des pays d’Amérique Latine et de certaines régions d’Asie ont adopté ce système. La radiotélévision publique est toutefois présente sous forme alternative et marginale aux Etats- Unis avec la National Public Radio et la Public Broadcasting System et sous forme communautaire en Amérique Latine.

Le troisième système représente les pays où prévaut le système de monopole public et un système de financement exclusivement public. Dans ces pays, la démocratie est balbutiante, voire inexistante. L’Etat est l’acteur principal et exerce directement ou indirectement un contrôle sur l’ensemble de la programmation. Ce modèle est actuellement confronté à une crise sous l’effet de plusieurs pressions : d’une part, celle des tenants de la démocratie qui critiquent le contrôle politique de la télévision par les gouvernements ou par le parti politique au pouvoir, et d’autre part, celle de la concurrence des télévisions internationales. Enfin dans l’ancien bloc communiste ainsi que dans les pays en transition, la radiodiffusion de service public reste un

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idéal encore fragile. Si les paysages audiovisuels évoluent dans un environnement pluraliste, l’absence d’une culture politique et professionnelle représente souvent un obstacle.

Le service public : un espace de débat

Ainsi, la structuration progressive des marchés, l’émergence d’acteurs et de services nouveaux, l’internationalisation croissante des enjeux, et la transformation des paysages politiques ont entraîné des transformations radicales dans l’organisation des services publics. L’arrivée sur le marché d’opérateurs et de diffuseurs privés a eu pour conséquence la fin de la suprématie des chaînes publiques. Désormais, le doute s’instaure quant à la capacité des services publics de l’audiovisuel de répondre aux exigences, en qualité et en flexibilité, des nouvelles demandes et de faire face parallèlement à la gestion de systèmes de communication devenus de plus en plus complexes. Ce recul a entraîné des signes de stagnation, voire de diminution de l’audience*, et une baisse des subventions publiques et du marché publicitaire, mettant en cause les équilibres traditionnels entre le secteur public et le secteur privé ainsi que les conditions de leur concurrence. Toutes ces tendances ont conduit le service public à devenir depuis quelques années, un espace de débat antagoniste, opposant ceux qui préconisent sa réduction, voire son démantèlement, et ceux qui souhaitent, au contraire, son renforcement et son extension aux nouveaux réseaux de communication.

Pour les premiers, cette crise est le symptôme d’un déclin irréversible dû à l’incapacité des services publics à s’adapter à l’explosion technologique et à la multiplication des programmes. Le service public reste généraliste alors que se multiplient les bouquets de chaînes spécialisées ; il demeure unidirectionnel, alors que se développent des services interactifs ; et enfin, il utilise un support unique alors que s’ afknent de plus en plus les services multimédias. Pour certains, cette impuissance de changement militerait pour leur privatisation ou leur réduction à une stricte fonction de service public. D’autres,plus critiques encore, estiment que de nombreux services publics fonctionnent grâce aux ressources publicitaires et aux programmes de divertissement. Une telle perte d’identité remet en cause leur raison d’être et en conséquence, l’engagement de l’Etat dans une entreprise où le souci de gain l’emporte sur celui de la culture.

Pour les partisans du service public, ces arguments rencontrent des objections de fond. En premier lieu, la télévision de service public est traitée dans ces théories en terme économiste d’audience et de part de marché, alors qu’en réalité, elle est un instrument de connaissance au sens le plus large du mot. Elle contribue non seulement à former la pensée et à offrir à chacun une vision du monde et de la société, mais elle constitue également l’unique activité réunissant tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge, réalisant ainsi un lien entre tous les milieux. Dans une société de plus en plus fragmentée, le service public est un lieu de rassemblement dans lequel se tissent des liens sociaux et culturels. En second lieu, si la télévision commerciale utilise son audience pour augmenter ses recettes publicitaires et gagner de l’argent, la télévision publique, en revanche, utilise ses ressources publicitaires pour financer des programmes

2 D’une manière générale l’audience des chaînes de services publics est en nette diminution à mesure que se multiplient les chaînes privées. A titre d’exemple, les chaînes publiques au sin de l’Union européenne occupent en moyenne 46 % des parts d’audience télévisée en 1994. Cette audience est passée de 82 % en moyenne en 1984 à 57 % en 1990.

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éducatifs et pour les promouvoir auprès d’un public. Ceux qui préconisent la réduction de la télévision publique au domaine purement éducatif et culturel veulent en réalité enfermer la culture dans un ghetto, la réservant ainsi à une minorité. Dans cette hypothèse, la culture, le divertissement, le sport et les droits d’exclusivité des événements sportifs et des programmes cinématographiques seraient réservées à une élite bénéficiant des moyens financiers pour y accéder, excluant de facto la grande majorité des téléspectateurs. En outre, si l’on procéde au démantèlement des entreprises de service public, cela pourrait aboutir à une mainmise des grands groupes internationaux sur l’ensemble du secteur de la communication.

De telles interrogations, devenues récurrentes soulèvent en réalité d’autres questions qui sont au coeur de la réflexion sur l’avenir du service public. La première porte sur la conception de la télévision et de ses missions. Est-elle une industrie fabriquant essentiellement des produits commerciaux, étroitement associée aux publicitaires, ou est elle une institution appelée à permettre à l’ensemble de la population d’accéder à la connaissance, à l’éducation et aux autres formes de divertissement ? En d’autres termes, la culture dans son sens le plus large constitue-t- elle une valeur qui doit être partagée par tous, comme l’éducation, ou devrait-elle rester un luxe réservé à ceux qui en ont les moyens ? Dans cette dernière hypothèse la société de l’information qui apporterait, outre les avantages économiques, une diversité culturelle caractérisée par de grandes possibilités d’expression artistiques, deviendrait dès lors totalement erronée.

La seconde question soulève le problème de l’usage de nouveaux médias et de l’accès à leur contenu. Les coûts des futurs services multimédia pourraient en effet constituer un frein important et provoquer une rupture entre ceux qui pourront financer l’accès aux contenus et ceux qui ne pourront ni accéder à l’information, ni la diffuser. Comment favoriser alors, un large accès aux personnes et aux diversités régionales et faire parallèlement partager les avantages de la société du savoir. Quel rôle peuvent jouer les services publics pour élargir la diffusion de nouveaux services aux groupes de population qui n’auraient pas les moyens d’y accéder ?

Enfin, la troisième question porte sur l’évolution du champ d’application du service public face à la convergence des nouvelles technologies de la communication. La radio et la télévision évoluent désormais dans un environnement multimédia où les anciennes subdivisions en secteurs distincts tels que la transmission hertzienne, le câble et le satellite deviennent périmées. Dans ce nouveau contexte technologique, il serait difficile de s’en tenir à la notion abstraite et traditionnelle du service public, trop restrictive pour s’appliquer à la diversité des nouveaux services de la société de l’information. Les champs d’application des services publics tendent à s’élargir. Hier, le téléphone était considéré comme un « service universel », réellement accessible à tous dans des conditions d’égalité de traitement. La radio et la télévision l’ont rejoint et peut être que demain Internet, le téléphone mobile ou la télévision numérique seront considérés comme indispensables à une vie sociale pleine et entière et comme un droit fondamental de tout citoyen dans une nation moderne et démocratique. Il apparaît ainsi qu’au delà du foisonnement des nouveaux médias, le service public réapparaît sous d’autres formes : le service universel et l’égal accès de tous aux nouveaux médias et à leurs nouveaux services.

L’ensemble de ces questions montrent que le service public n’est pas un concept dépassé. Il se présente avec une grande actualité, en particulier avec l’extension du champ d’action des grandes firmes internationales, les risques de concentration excessive et les abus de position

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dominante. Il rappelle également que l’information et la communication, davantage encore que les autres secteurs, véhiculent des enjeux de pouvoir, de souveraineté, de culture et d’éthique et posent en termes nouveaux la question de la légitimité de la radiodiffusion publique. C’est un débat d’une grande actualité qui pose le problème de la place du service public, de ses capacités d’adaptabilité et de son champ d’application dans le nouvel environnement économique marqué par la globalisation des marchés et de la concurrence.

Les services publics : renouveaux et défis

Les grands changements dans le monde de la communication sont sans commune mesure avec ce qui a été vécu par l’humanité jusqu’ici. Ils modifient les rapports de pouvoir à l’échelle internationale et échappent complètement à l’intelligibilité et au contrôle des Etats. Ils suscitent le désarroi de la plupart des hommes politiques et le doute de nombreux observateurs. Ils imposent aux services publics une démarche d’adaptation sans laquelle leur avenir risque de devenir irréversiblement chaotique.

Le service public recouvre plusieurs significations voisines selon l’extrême diversité de leurs statuts dans le monde. Mais en général, un certain nombre de tendances communes autour de valeurs politiques, sociales et innovatrices, se profilent. Le service public représente un ensemble d’activités et de structures placées sous la dépendance des collectivités publiques. Il indique tantôt l’organisme qui produit un service économique ou culturel, tantôt la mission d’intérêt général confiée à cette entreprise. Mais plus fondamentalement, le régime de service public est caractérisé par l’octroi à l’usager d’un ensemble de garanties et de protections. Ce régime s’appuie sur les trois grands principes de continuité, d’égalité et de mutabilité. L’égalité impose l’accès de tous au service public et interdit toute discrimination, tant du point de vue des droits que du point de vue des charges. La continuité représente l’obligation de répondre de façon continue aux besoins des clients, sans connaître d’autres interruptions que celles prévues par la réglementation. Enfin, avec l’adaptabilité, le service public est supposé être réactif et se montrer capable d’évoluer en fonction des changements d’exigences de l’intérêt général. Il peut par conséquent être modernisé, étendu, mais aussi restreint.

Le service public ainsi défini, implique un certain nombre de remarques. La première consiste à distinguer la notion de service public des deux autres notions voisines : le monopole public et le secteur public. A l’origine, la régulation des techniques de communication (télécoms, puis radio et télévision) s’est faite sur le mode du monopole public, c’est-à-dire d’un contrôle étatique centralisé dans les mains d’un gouvernement. Cette idée selon laquelle le service public impliquerait le monopole, c’est-à-dire l’exclusion de toute concurrence reposait sur un discours idéologique de l’infaillibilité de la gestion publique et sur l’affirmation de sa supériorité par rapport à la gestion privée. Cette analyse, autour de laquelle s’est longtemps structuré le débat sur le service public et qui ne s’est jamais d’ailleurs vérifiée dans les faits, est aujourd’hui totalement dépassée. Par ailleurs, le secteur public n’a rien avoir avec le service public qui est généralement défini comme un ensemble de missions, de droits, d’obligations et de critères de gestion qui ne se confondent pas avec la propriété du capital de l’entreprise. Ainsi, il existe des opérateurs de télévision de droit privé qui développent des programmes de type éducatif ou culturel, traditionnellement classés dans le service public. Dans ce cas d’espèce, la notion d’intérêt général est applicable à toutes les entreprises de communication, publiques ou privées.

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La seconde remarque concerne le role de l’Etat, redéfini, mais toujours indispensable dans les grands bouleversements en cours. La convergence entre les différents secteurs de la communication, jointe au processus de libéralisation des télécommunications, a contribué à infléchir la conception du rôle de l’Etat, assimilé de tout temps à une puissance étatique inconditionnée. L’intervention publique directe est désormais revue à la baisse. Mais par ailleurs, l’importance culturelle, politique et sociale des nouveaux médias, interdit à l’Etat de rester en marge des grandes transformations. Son intervention est conçue non plus sous la forme de manifestations d’autorité, mais selon les cas et les pays, l’Etat devient gestionnaire d’activités sociales ou culturelles concrètes, agent de circulation des ondes, architecte dans le fonctionnement du système national de radiodiffusion et animateur des principes fondamentaux de la démocratie. La présence des pouvoirs publics s’est de tout temps justifiée par un certain nombre de motivations : la première est de veiller au respect du droit, dans les domaines de la protection de la vie privée, de l’ordre public, de la propriété intellectuelle et de la concurrence. La seconde est d’assurer la préservation des grandes missions de service public : l’égalité d’accès entre les citoyens sur l’ensemble des territoires, la continuité des communications et l’adaptabilité du contenu du service universel. La dernière consiste à gérer et à répartir entre les opérateurs, les biens collectifs et rares comme la gestion du spectre hertzien, devant être partagés entre les applications militaires et civiles, et, au sein des applications civiles, entre les télécommunications et la radiodiffusion sonore et audiovisuelle.

Ces deux remarques conduisent à redéfinir l’environnement du service public à partir d’un point de vue beaucoup plus pratique. La révision du service public ne peut se contenter de simples références à des obligations d’intérêt général, puisque celles ci sont déjà imposées aux chaînes commerciales. Les obligations traditionnelles d’éduquer, de distraire et d’informer qui accompagnent le service public, ne suffisent plus aujourd’hui, ni à en définir les missions, ni à en cerner les spécificités. Elles ne rendent pas compte de la spécificité de l’offre sur les chaînes publiques par rapport à celle des entreprises commerciales. D’où la nécessité de relever les éléments fondamentaux de la distinction entre service public et service privé.

La notion de service public implique d’abord que les fins poursuivies par les chaînes de service public ne sont pas identiques à celles poursuivies par les chaînes commerciales et que leur logique d’action respective soit différente. En effet, si une chaîne privée cherche à dégager des profits et conserver les seuls programmes rentables, une chaîne de service public est instituée pour satisfaire des besoins collectifs, rassembler le public le plus large, traiter tous les genres. L’affnmation de cette différence est fondée sur un certain nombre de valeurs, culturelles, politiques, éthiques et innovatrices, qui assurent au service public une position spécifique.

La première consiste à manifester une volonté éditoriale d’innovation, accordant plus de place aux créateurs et à la prise de risque le plus souvent absente dans les chaînes commerciales.

La seconde est d’établir une relation de confiance avec les auditeurs et les téléspectateurs, qui garantisse la couverture de tous les genres sans partialité, ni démagogie ou vulgarité, toujours dans le respect des principes fondamentaux de l’éthique et des opinions de chacun.

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La troisième est d’assurer une industrie de programmation destinée à des fins éducatives, de formation et de connaissance. Car c’est à travers les médias traditionnels et nouveaux, que se prépare la formation des citoyens. Une responsabilité centrale qui incombe aux services publics.

Enfin, la quatrième est de favoriser une ouverture pluraliste aux sensibilités les plus diverses de la société, sur le plan artistique, linguistique, philosophique, politique ou religieux. Cette valeur contribue à l’information et à l’éducation des citoyens, à la valorisation du patrimoine comme les cultures régionales ou d’origine étrangère,à l’expression des différences, ainsi qu’à la création d’une cohésion sociale.

L’ensemble de ces valeurs contribue à redéfinir le service public dans une perspective pluraliste, diversifiée et ouverte aux nouveaux médias.

Un service public pluraliste et citoyen

La télévision de service public se doit d’être une télévision au service de la démocratie, gérée « à distance » des pouvoirs politiques, économiques ou religieux. Une telle indépendance apporterait réellement de la diversité et du pluralisme, favorisant d’une part, un accès équilibré à l’antenne des forces politiques et syndicales du pays et d’autre part, l’expression des divers courants de croyance et de pensée, même minoritaires. Ce sont là les clefs de l’identité du service public et les moyens de combattre l’uniformisation des programmes qui résulte de la mondialisation des réseaux et des images. Dans ce nouveau contexte d’internationalisation de l’information et de pléthore d’images, le service public doit offrir des repères essentiels en apportant plus de clarté et de sens dans les informations, plus d’analyse et de pédagogie dans les grandes mutations du siècle et plus de normes et d’éthique dans la production journalistique. En s’adressant à l’ensemble des citoyens, il doit apporter les éléments d’information, d’orientation et d’intelligence sur l’ensemble des aspects de la vie sociale comme l’emploi, l’éducation, la formation, la science, la culture, etc. L’information du service public doit montrer et faire comprendre ces événements tels qu’ils sont. Elle doit contribuer à la connaissance du monde, à la défense des droits de l’homme et des injustices sociales, au respect des minorités et des cultures locales. D’où l’importance d’un contrôle strict des sources d’information, et d’une éthique de l’antenne qui refuse la violence, la vulgarité, la désinformation et les complaisances spectaculaires ou racoleuses dans le traitement de ces événements. L’adoption de principes déontologiques indiscutables, sur le modèle du “Producer’s guidelines” de la B.B.C, donnerait aux service public une fonction de référence. Télévision de tous les citoyens, les services publics offriront alors plus de pluralisme et de diversité dans les programmes. Ils ne pourront plus ni être administrés dans un cadre monopolistique, ni être livrés aux seuls critères commerciaux. Leur justification et leur raison d’être se trouvent non dans la soumission ou dans l’imitation, mais dans l’affirmation d’une identité propre.

Un service public généraliste et divers@îé

La mission culturelle dans son sens le plus large est celle qui est fréquemment rappelée aux entreprises de radiotélévision publique généraliste. Elle se résume principalement à l’obligation de diffuser, grâce au potentiel considérable des médias pour atteindre les audiences, un certain nombre de programmes religieux, politiques, ou associatifs, généralement délaissés

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par les entreprises audiovisuelles privées. Mais pour réaliser un service public citoyen et diversifié, il ne suffit pas d’être à la disposition du plus grand nombre si, en réalité, on prend le risque de n’être accessible qu’au plus petit. Autrement dit, les services publics de l’audiovisuel ne peuvent être enfermés, dans leur mission et leur programmation, dans un ghetto culturel et éducatif, proposant uniquement des documentaires, du théâtre et des émissions éducatives. Une telle logique qui exclut la grande majorité des téléspectateurs, fragilise l’équation entre service public et service pour tous.

Le service public devrait alors être à la fois, différent du privé tout en prenant en compte les besoins du public dans sa diversité. Il doit assurer dune part la satisfaction des besoins culturels et éducatifs qui ne peuvent être couverts par la simple logique du marché, et d’autre part, les attentes multiples des téléspectateurs notamment dans le domaine de l’information, des distractions, des films et des jeux, sans pour cela être systématiquement lié par des considérations économiques dictées par les lois du marché. La différence entre service public et service privé ne tient pas à une ségrégation entre genre, mais à la façon de produire et de programmer. A titre d’exemple, les jeux à vocation mercantiles ou spectaculaires n’ont pas leur place sur le service public, en revanche les jeux qui ambitionnent la création, l’originalité , le divertissement et la pédagogie sont tout à fait légitimes.

Ainsi la légitimité retrouvée du service public généraliste doit être fondée sur une triple ambition : développer une programmation diversifiée et équilibrée, sans sacrifier les exigences de qualité, garantir une relation de confiance avec le public et enfin exprimer la diversité culturelle dune société. Ces conditions sont primordiales pour la mise en oeuvre d’un lien social, de la cohésion et des références communes au sein d’une nation.

Un service public adapté à la connaissance et à l’innovation

L’éducation, le savoir et la connaissance sont devenus, les vecteurs essentiels des nouvelles économies et les véritables richesses de la future société de l’information. Les nouveaux réseaux de communication offrent des capacités colossales dans la diffusion de la formation et de l’éducation. Internet par exemple constitue une des plus grandes sources d’information et de documentation accessible de n’importe quel endroit de la planète. Plusieurs milliers de publications scientifiques et techniques peuvent être consultées, généralement gratuitement ou moyennant un coût modique. 11 est un des systèmes de messagerie (E-mail) le plus étendu au monde, avec des services associés de fora de discussion (Usernet news) permettant la coopération au niveau universitaire . Dans les pays pauvres démunis de bibliothèques ou de centres de documentation, Internet permet aux universitaires et chercheurs des pays en développement de rompre leur isolement scientifique et culturel, en restant en contact étroit avec la communauté scientifique internationale. Il transformera totalement leurs conditions de travail en leur permettant d’accéder à toutes les richesses des centres de recherche et des universités les plus avancées des pays industrialisés. Ainsi, dans une économie fondée sur la connaissance et l’éducation, où la formation continue et l’amélioration constante des compétences deviennent fondamentales, l’accès aux réseaux spécialisés dans l’apprentissage et la formation devrait être considéré comme un service fondamental qui suppose le soutien public et la protection des pouvoirs publics.

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Le service public redé$ni : le service universel

Le développement des services et des réseaux de communication à l’échelle mondiale s’affirme progressivement dans tous les secteurs clés de la société, y compris dans ceux de l’éducation, de la santé ou de l’emploi. Il soulève de nouvelles problématiques relatives au financement de ces services, à leur conciliation avec certaines obligations de service public comme l’égalité et l’accès de tous aux programmes. Mais avec l’explosion des nouveaux réseaux de communication et de leur multiples applications, les références classiques du service public perdent de leur évidence. Le service universel, un nouveau modèle en gestation, emprunté à la terrninologie américaine des télécommunications, fait son apparition et se substitue au service public. La notion s’opère selon des processus et des formes différenciés d’un pays à l’autre. Ainsi, dans un certain nombre de pays européens, le concept de service universel garde le sens traditionnel du service public, qui rime souvent avec entreprise publique et égalité. Plus que la simple présence d’un téléphone dans chaque foyer, il implique qu’une infrastructure de communication généralisée puisse contribuer à l’unité nationale et à l’égalité des chances. Dans d’autres pays, le service universel se limite à assurer à tous un accès égal et de bonne qualité à des services indispensables quel que soit le statut de l’entreprise. Dans d’autres pays encore, le service universel représente un soutien idéologique aux monopoles sur la poste, le télégraphe et les télécommunications. Le monopole réglementé se justifierait par la préservation et la progression du service universel. Plus récemment, le concept de service universel a repris de l’importance dans les débats politiques sur la société de l’information et ses pressions au renouvellement des règles du jeu économique.

Le service universel est devenu un des principes des télécommunications les plus couramment évoqués à l’image de la démocratie et de l’égalité. Il est défini comme devant assurer un service qui soit à la fois universel (lequel suppose un accès pour tous à un prix abordable), égal (impliquant un accès indépendant de la situation géographique) et continu, c’est- à-dire caractérisé par une fourniture ininterrompue avec une qualité donnée. Cette préoccupation est réafkrnée dans toutes les déclarations publiques et tous les rapports relatifs à la société de l’information. Tous mettent en évidence la notion de service universel comme solution aux exclusions qu’entraîneraient les coûts d’accès aux services d’information. Plus récemment encore, la Commission européenne a adopté une résolution proposant des mesures pour garantir l’accès universel aux réseaux de communication3

Pour de nombreux observateurs, si dans les textes, est utilisé plutôt le concept de service universel que celui de service public, c’est pour mieux signifier la rupture du lien habituellement établi entre le service d’intérêt général et le caractère public et monopolistique de l’entreprise. Pour d’autres, ce choix désigne le plus petit commun dénominateur entre la conception anglo- saxonne et européenne du service public. Il conduit à concevoir le service public comme une compensation à l’intérieur d’une régulation opérée par le marché. Dans cette perspective, le risque est grand que l’accès devienne un privilège des marchés, en particulier lorsqu’il s’agit de nouveaux services à valeur ajoutée.

3 Bruxelles défend le service universel, Le Figaro, 14 mars 1996.

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En réalité le contenu du concept de service public ne peut rester figer au seul service téléphonique de base. Il doit pouvoir s’enrichir progressivement de manière à intégrer les autres services de communication comme la télévision interactive, les services en ligne ou le téléphone mobile comme des compléments indispensables du service téléphonique de base. D’ou l’idée soulevée par de nombreux décideurs d’un service universel multimédia.

La question toutefois se pose sur l’accès au contenu d’un tel service universel. De quel façon serait-il financer ? Comment concilier ce financement dans un environnement concurrentiel et libéralisé au plan international, avec les obligations de service public ? S’il est difficile, face à l’explosion de nouveaux médias et leur déploiement à grande échelle, de définir dune manière consensuelle, le contenu d’un tel service, de nombreux experts et hommes politiques s’interrogent sur les conditions juridiques et financières d’accès à leurs contenus. Sur ce point, un grand débat oppose ceux qui considèrent le libre accès aux réseaux comme un droit fondamental au même titre que les autres droits, ceux qui considèrent que cet accès doit être modulé selon la diversité des situations et la nature de l’information (information accessible, sociale ou réservée) ceux qui soutiennent que l’accès aux réseaux suppose l’assurance d’un service universel qui réponde à titre gracieux ou à un prix abordable aux besoins fondamentaux des citoyens en matière d’éducation, de science et de santé, et ceux qui assimilent tout accès aux réseaux à un service commercial.

Face à ces différentes hypothèses, la définition précise du service universel constitue l’un des grands enjeux des négociations à l’échelle internationale sur l’ouverture complète des secteurs de la communication à la concurrence. Il apparaît de plus en plus urgent que cette notion soit révisée pour mieux l’adapter à l’ensemble des nouveaux médias et des autres réseaux de communication. Dans cette perspective, l’idée de mettre en place sur le plan du contenu, une régulation qui vise à assurer la pérennité du pluralisme et de la liberté d’expression ainsi qu’une politique culturelle et linguistique attractive qui valorise les ressources nationales semble de plus en plus trouver des audiences consensuelles. Concernant les contenants et les nouveaux médias capables d’acheminer des informations de nature variée et diversifiée, l’action publique devrait, tout en favorisant les conditions économiques de développement d’une offre diversifiée et concurrentielle, garantir l’accès aux réseaux à tous, pour que les besoins les plus élémentaires, notamment en matière éducative et culturelle, soient couverts par delà les seules considérations économiques, et que les services répondant aux autres besoins soient financièrement accessibles au plus grand nombre.

Les conditions du renouveau

Les développements technologiques en cours, la structuration progressive du marché ainsi que l’émergence de nouveaux services, conduisent à réfléchir sur les financements des services publics et leurs capacité d’investir dans les nouvelles technologies de communication. Ils amènent également à s’interroger sur les modes de régulation les mieux adaptés au nouvel environnement de la communication, caractérisé par la multiplication des acteurs et des services, ainsi que par l’internationalisation croissante des programmes. La réponse apportée à ces interrogations détermineront les autres questions comme celles des réformes de structures et de gestion qui doivent être mises au service d’une programmation de qualité et diversifiée.

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Unjnancement diversifié

Dans le nouveau contexte de changement et d’expansion des nouveaux réseaux de communication, les radiodiffuseurs publics sont confrontés au problème crucial de financement. Ils sont écartelés entre leurs missions, les contraintes de leur statut et la nécessité de trouver des ressources, pour maintenir leur position et participer aux grandes transformations technologiques.

La multiplication des offres audiovisuelles et le développement des réseaux de communication se sont accompagnés d’une forte augmentation des investissements publicitaires dans le secteur de la communication. Un déferlement explosif qui a profité d’abord aux médias privés, qui ont non seulement absorbé la croissance du marché publicitaire, mais aussi une partie des recettes publicitaires des radiodiffuseurs publics. Depuis les services publics s’efforcent de s’adapter à ce nouveau contexte en faisant appel à un large éventail de financement assuré par la redevance, la subvention directe du gouvernement, les recettes publicitaires, ou la combinaison de l’ensemble de ces éléments. En Europe, la BBC est financée exclusivement par le redevance, tandis que la Radiotelevision Espanola RTVE ne possède que des ressources publicitaires. La France (FR 2, FR 3), l’Allemagne (ARD, ZDF) et l’Italie (RAI) connaissent des situations intermédiaires, avec un système de financement mixte axé sur la publicité et la redevance. La CBC canadienne et 1’ABC australienne perçoivent des crédits annuels votés par le parlement, complétés dans le cas du Canada par des recettes publicitaires. Aux Etats Unis, le soutien du Gouvernement à la radiodiffusion publique étant limitée, le financement de la Corporation for Public Broadcasting est assuré par la technique du parrainage.

Certes, aucune méthode de financement, ni combinaison ne semble idéale. Le problème reste complexe et demeure au centre des débats autour du service public. Pour de nombreux observateurs, le financement par la publicité met les programmes sous la coupe de l’argent, dans une logique de marché. Ce procédé entraîne inéluctablement la baisse continue de la qualité et la course à l’audience. La mission de service public passe alors après l’intérêt des annonceurs. Pour d’autres, la tentation de recourir au parrainage comme solution intermédiaire, accroît les risques de mainmise sur les programmes. Il pousse les radiodiffuseurs à planifier leurs émissions de manière à séduire les parrains. Enfin pour d’autres encore, le système de la redevance à la britannique, constitue un modèle idéal de garantie d’indépendance à l’égard des pressions politiques ou commerciales. Il permet aux services publics de fournir aux auditeurs et aux téléspectateurs un programme varié et diversifié dont le succès n’est pas lié à la dictature de l’audimat. Toute-fois, cette technique ne peut être introduite que dans les pays ou le public dispose d’un pouvoir d’achat suffisant.

Mais avec le développement de l’offre et l’internationalisation des enjeux, d’autres analystes estiment ce débat dépassé. Ils soutiennent comme un non-sens aujourd’hui de restreindre le service public à la redevance et aux subventions et la télévision commerciale à la publicité. L’indépendance politique et économique d’une chaîne de service public devrait être assurée par la diversification des sources de financement. Le financement public constitue certes le meilleur moyen de garantir à la fois une haute qualité et une diversité des programmes. Mais d’autres financements, prenant la forme de ressources collectives de la société, de crédits publics,

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ou de redistribution de profits tirés d’une activité commerciale, peuvent contribuer à équilibrer le budget des services publics .

L’existence d’importantes ressources financières permettrait non seulement de renforcer le rôle social de la télévision publique, mais aussi d’investir le domaine des technologies nouvelles, des réseaux de communication et de leurs applications. Un domaine nouveau où l’économie est caractérisée essentiellement par le paiement à l’accès de l’offre thématique et spécialisée. Ce processus est susceptible d’entraîner un lent mouvement de désaffection de la télévision traditionnelle et généraliste, si les télévisions publiques restent étrangères au changement. D’autant que cette évolution peut faire apparaître de nouveaux besoins collectifs, dans le domaine de l’information, de la formation et de la connaissance .

Par ailleurs, la crainte de voir la majorité des citoyens d’un pays marginalisés ou exclus des potentialités des nouveaux médias, ne peut être écartée qu’en confiant aux entreprises de services publiques une place et un rôle important au sein de la société de l’information. Dans cette perspective, de nouvelles voies peuvent être encouragées. Elles peuvent consister à doter les entreprises de services publics d’un capital leur permettant d’engager des actions de diversification, ou à leur attribuer un budget de recherche et développement leur permettant d’investir dans le domaine de a recherche des nouvelles technologies de la communication. Mais seul le principe d’un financement public majoritaire peut durablement garantir le développement des services publics dans un environnement concurrentiel international. Dans cette hypothèse, les rivalités et les hantises de la télévision privée étant écartées, la vie culturelle, politique et sociale d’une nation peut être constamment illustrée, voire enrichie. Les entreprises de service public pourraient dès lors redéfinir leur objectifs et réformer leur structure afin d’offrir des programmes de haute qualité complétant ou diversifiant leur rôle social et culturel.

Une réglementation souple et adaptée

La nécessité d’harmoniser les conditions de la concurrence et d’assurer un service universel ouvert et adapté, conduit à s’interroger sur le renouvellement du rôle régulateur dévolu à la puissance publique et à réfléchir sur les nouveaux rapports entre le marché et les entreprises de service public. Face aux nouvelles mutations appelées à s’accentuer au cours des prochaines années, de nombreux Etats ont élaboré des lois ou des décisions de nature réglementaire. Les législations nationales présentent des stratégies différentes en fonction des traditions politiques ou du mode de propriété des médias.

La régulation, quand elle existe, est assurée par des instances indépendantes chargées, selon les pays, de réglementer ou de surveiller les activités de programmation des opérateurs privés et publics de la télévision. Elles sont généralement placées hors des systèmes hiérarchiques administratifs et théoriquement libres de toute tutelle politique ou juridique. Certaines sont même dotées de pouvoirs de décision permettant d’organiser le paysage audiovisuel national et de contrôler la légalité des conditions de diffusion des programmes par les opérateurs publics et privés. Elles disposent de la faculté de sanctionner les manquements éventuels à la loi.

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En général, la régulation consiste à rechercher les équilibres dans le fonctionnement du marché de la communication. Elle repose sur deux régimes distincts. Pour l’audiovisuel, le rôle des pouvoirs publics est d’abord de mettre en place un cadre réglementaire rénové, destiné à garantir le maintien et le développement du service public dans un cadre concurrentiel clairement défini. L’une des missions prioritaires des autorités de régulation consiste à préserver le pluralisme des idées et des convictions et de veiller au maintien d’une concurrence saine et équitable dans le marché de la communication. Sur ce point, la limitation de toute concentration verticale ou horizontale doit empêcher l’apparition de monopole qui briserait la concurrence. D’autres pays ont adopté des règles dont l’objectif est tout à la fois économique et culturel et qui obligent les diffuseurs à respecter des quotas de diffusion et de production d’oeuvres nationales. Avec cette réglementation, ces Etats ont voulu réagir aux conséquences du processus d’internationalisation des médias sur les productions nationales et la circulation des biens et des services. L’ indépendance rédactionnelle et structurelle des entreprises publiques par rapport aux pouvoirs politiques, économiques et religieux est également marquée par leur statut.

Dans le domaine des nouveaux réseaux de communication comme Internet, les monopoles des grands acteurs dans la diffusion de l’information se disloquent, tout utilisateur pouvant diffuser ses contenus sur les réseaux. Dès lors, les pouvoirs publics sont confrontés à des problèmes nouveaux, liés à la propriété intellectuelle, à la protection des utilisateurs et des mineurs et au respect de l’ordre public. Comment maintenir la liberté d’expression, fondement premier de toute démocratie moderne, tout en empêchant que les réseaux ne soient le cheval de Troie de toutes les dérives et menaces. Les Etats s’efforcent de mettre en place des instances de concertation regroupant les fournisseurs de contenu, les prestataires techniques ainsi que des représentants de la société civile. Le débat ouvert et les solutions proposées convergent tous vers des réponses d’ordre technique, éthique et déontologique. La défense de la liberté d’expression et la protection des mineurs passeraient pour de nombreux pays par la mise en oeuvre de procédés techniques faisant appel aux logiciels de filtrage dits de contrôle parental ou de cryptage en voie de libéralisation.

Mais la dimension internationale d’Internet doublée du défi de la mondialisation des échanges ne permet plus une approche nationale de la réglementation. Les pouvoirs publics devront imaginer des solutions dans un cadre international approprié pour éviter que la décentralisation des serveurs n’aboutisse à vider les réglementations nationales de leur contenu. De nombreux Etats envisagent la mise en place d’un cadre juridique spécifique à Internet, qui reposerait sur l’adoption d’une convention internationale applicable par les autorités compétentes de chaque pays et présentant un minimum de principes communs pouvant former le socle d’un « code de bonne conduite ».

Conclusion

Le développement d’un service public compétitif, généraliste et moderne implique une politique éditoriale innovatrice et indépendante des pouvoirs économiques, politiques ou religieux, une relation de confiance et d’écoute avec les auditeurs et les téléspectateurs, une stratégie de production réfléchie et adaptée au plus grand nombre, et une programmation pluraliste ouverte aux tendances les plus diverses de la société. Il suppose une forte volonté politique des pouvoirs publics pour mobiliser les moyens budgétaires correspondant aux

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missions spécifiques de service public. 11 nécessite enfin, une action financière d’ampleur, provenant de sources les plus diversifiées, afin de participer au développement des nouvelles technologies de l’information et des nouvelles applications multimédia. Cet engagement primordial contribuerait à renforcer l’expression culturelle des citoyens en leur apportant d’une part, un plus grand choix de programmes et de services et, d’autre part, contrairement aux services cryptés, une gratuité d’accès aux programmes. C’est sans doute par des médias réunissant de telles valeurs conçues dans la tradition de la B.B.C, ouverte aux innovations et à la production de qualité, et éloignée des pouvoirs politiques et économiques, que le service public accomplira réellement sa mission d’information du grand public, essentielle pour le fonctionnement démocratique de la société contemporaine.

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Lofti Maherzi est Docteur d’Etat en science politique (Université de Paris, Panthéon- Sorbonne), diplômé de l’institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Paris) et licencié en Droit (Université d’Alger). Il a spécialisé ses recherches dansle domaine de la communication et ses nouvelles technologies, matière qu’il a enseignée à l’Université d’Alger, de Tunis et de Versailles St Quentin (France). Il est l’auteur de la seconde édition du Rapport Mondial sur la Communication, Paris, UNESCO, 1997.

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BIBLIOGRAPHIE CHOISIE

Ouvrages cités ou consultés

* ACHILLE, Y. avec la collaboration de BUENO, J.I. les TéZévisions publiques en quête d’avenir, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1994.

* Achilleas, A. La Télévision par satellite, aspects juridiques internationaux. Paris, Montchrestien, 1995.

* Gamham, N. Capitalism and Communication. Londres, Sage publications, 1990.

* HOWEL, W.J. World Broadcasting in the Age of the Satellite : comparative systems, policies and issues in mass telecommunication. Norwood, New Jersey, Ablex, 1986.

* JUNEAU, P, La radiotélévisionpublique : Pourquoi ?, UNESCO, Paris, 1995.

* JUNEAU, P. La radiotélévision de service public : les défis du XYIe siècle, UNESCO, Paris 1996.

* KEIRSTEAD, P.O. et KEINSTEACH, S.K. The World of Telecommunication, Cable, and New Technologies. Boston, Focal Press, 1990.

* LEWIS P. M. et BOOTH J. The Invisible Medium : Public, Commercial and Community Radio. Londres, MacMillan Education, 1989.

* LIBOIS, L. J. Les télécommunications, technologies, réseaux, services. Paris, Eyrollesl994.

* RABOY, M. La radiod@usion de service public dans un contexte de mondialisation.

* RABOY, M. L’état des services publics de radiodtflusion et de télévision dans le monde : vue d’ensemble et analyse, UNESCO, Paris, 1995.

* SANDOVAL, V. La télévision interactive. Paris, Hermès.

* SANDOVAL, V. Les autoroutes de l’information. Paris, Hermès, 1995.

* Genèse et actuahté du service public, Dossier de l’audiovisuel, La documentation française, no 60, INA,1995.

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PROPOSITIONS DE QUELQUES RECOMMANDATIONS

Considérant que l’éducation, le savoir et la connaissance sont devenus les vecteurs essentiels des nouvelles économies et les véritables richesses de la füture société de l’information.

Considérant que l’information et la communication davantage encore que les autres secteurs véhiculent des enjeux de pouvoir, de souveraineté, de culture et d’éthique et posent en termes nouveaux la question de la légitimité de la radiodiffusion publique.

Considérant que les médias doivent contribuer à la connaissance du monde, à la défense des droits de l’homme et au respect des minorités et des cultures locales.

Considérant que la structuration progressive des marchés, l’émergence d’acteurs et de services nouveaux, l’internationalisation croissante des enjeux et la transformation des paysages politiques ont entraîné une remise en cause des équilibres traditionnels qui existaient entre le secteur public et le secteur privé.

Considérant que le service public se présente aujourd’hui avec une grande actualité, en particulier avec l’extension du champ d’action des grandes firmes internationales, les risques de concentration excessive et des abus de position dominante.

Considérant que le service public constitue un espace de rassemblement des groupes sociaux et des classes d’âges ainsi qu’un lien social, culturel et identitaires.

Considérant que l’internationalisation des médias et l’hégémonie des grandes firmes mondiales menacent la production culturelle des petits marchés et augmentent les risques d’uniformisation linguistique et d’appauvrissement des cultures.

Considérant que le concept de service public est devenu trop restrictif pour s’appliquer à la diversité des nouveaux services de la société de l’information.

Considérant que le monopole grandissant des chaînes payantes dans la diffusion de programmes et de manifestations sportives pénalise les chaînes de service public.

Considérant que la numérisation des techniques de diffusion et de production conduit à un besoin constant et urgent de qualification et de perfectionnement des professionnels des médias.

Un service public pluraliste et citoyen

La conférence recommande que les entreprises de l’audiovisuel du service public soient au service de la démocratie et gérées à distance des pouvoirs politique, économiques et religieux. Elles doivent garantir, sur le plan de la confection et de la présentation de l’actualité, une information impartiale et totalement indépendante des institutions offkielles ou privées.

Elle considère que les services publics doivent apporter, dans un contexte de mondialisation des médias et de surinformation, plus de clarté et de sens dans les programmes

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d’information, plus d’analyse et de pédagogie dans les grandes mutations du siècle et plus de normes et d’éthique dans la production et la présentation des journaux.

Elle estime que les services publics doivent favoriser un accès équilibré à l’antenne des différentes représentations politiques et syndicales du pays ainsi que les divers courants de croyance et de pensée, même minoritaires.

Elle rappelle que les services publics doivent constituer un espace de débat public indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.

Elle encourage les professionnels à contrôler d’une manière stricte les sources d’information, et à défendre une éthique de l’antenne qui refuse la violence, la vulgarité, la désinformation et les complaisances spectaculaires ou racoleuses dans le traitement des événements.

Elle invite les Etats à garantir l’indépendance des entreprises audiovisuelles de service public et à empêcher toute ingérence politique, économique et religieuse en créant des structures appropriées indépendantes.

Un service public généraliste et diversifié.

La conférence rappelle que le service public doit assurer la satisfaction des besoins culturels et éducatifs qui ne peuvent être couverts par les chaînes commerciales.

Elle souligne également que dans sa mission et sa programmation, le service public ne peut rester enfermé dans un ghetto culturel et éducatif , qui exclurait la grande majorité des publics. Elle estime, que le service public doit également répondre aux attentes multiples des téléspectateurs notamment dans le domaine des distractions, des fictions, des jeux, du sport sans pour cela être lié par des considérations économiques dictées par les lois du marché.

Elle considère que la promotion des cultures locales, régionales et nationales ainsi que la connaissance des autres cultures et des groupes ethniques présents sur les territoires de chaque pays, enrichissent la diversité culturelle et favorise des valeurs de coexistence et de tolérance.

Elle recommande aux services publics d’assurer une politique de production avec des exigences fortes de qualité et une programmation diversifiée et équilibrée afin d’entretenir une relation de confiance avec les publics et d’exprimer la diversité d’une société tout en prenant en compte les minorités ethniques et linguistiques.

Elle souhaite que les services publics accordent aux programmes d’éducation, de culture et de connaissance, une large place d’écoute.

Un service public adapté aux nouveaux médias.

La conférence rappelle que les coûts des futurs services multimédia pourraient constituer un frein important et provoquer une rupture entre ceux qui auront les moyens de financer l’accès aux contenus et ceux qui ne pourront ni accéder à l’information, ni la diffuser.

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Elle considère que la crainte de voir la majorité des citoyens d’un pays exclu des potentialités des nouveaux médias, ne peut être écartée qu’en confiant aux entreprises de service public une place et un rôle important au sein de la société de l’information.

Elle recommande au service public à intégrer progressivement les autres services de communication comme la télévision interactive ou les services en ligne comme compléments indispensables du service téléphonique de base.

Elle souhaite que les chaînes de service public puissent acquérir les moyens de transmettre par satellite, câble ou réseau hertzien, de nouveaux programme numériques

Elle demande aux services publics d’élargir la diffusion de nouveaux services aux groupes de population qui n’auraient pas les moyens d’y accéder et de faire partager dans le même temps les avantages de la société du savoir.

Elle considère que dans une économie fondée sur la connaissance et l’éducation, où la formation continue et l’amélioration constante des compétences deviennent fondamentales, l’accès aux réseaux spécialisés dans l’apprentissage et la formation devrait être considéré comme un service fondamental qui suppose le soutien public et la protection des pouvoirs publics.

Elle estime que le service public constitue un élément fondamental dans la mise en place d’une société de l’information qui apporterait à tous, outre les avantages économiques, l’accès au savoir et à la connaissance.

Un financement spécifique au service public

La conférence considère que l’indépendance politique et économique du service public devrait être assurée par une diversifïcation des sources de financement, prenant la forme de ressources collectives de la société, de crédits publics ou de redistribution des profits tirés d’une activité commerciale.

Elle estime cependant que seul le principe d’un financement public majoritaire peut durablement garantir le développement des services publics dans un environnement concurrentiel international.

Elle rappelle la nécessité pour les services publics d’éviter une trop grande dépendance par rapport aux recettes commerciales et d’empêcher une forte présence à l’écran non réglementée de la publicité.

Elle recommande aux Etats d’apporter les moyens budgétaires nécessaires aux services publics, correspondant à leurs missions spécifiques et à leur développement technologique dans la perspective de la société de l’information.

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Une réglementation souple et adaptée

La conférence appelle les Etats à mettre en place un cadre réglementaire rénové, destiné à garantir le maintien et le développement du service public dans un cadre concurrentiel clairement défini.

Elle leur demande de garantir l’indépendance rédactionnelle et structurelle des médias par rapport aux pouvoirs politiques, économiques et religieux et qu’aucune disposition ne doit limiter l’autonomie et la pluralité éditoriales des entreprises audiovisuelles. .

Elle les encourage à consacrer le pluralisme des idées et des convictions et à veiller au maintien d’une concurrence saine et équitable dans le marché de la communication audiovisuelle.

Elle les invite à réglementer la limitation de toute concentration verticale ou horizontale afin d’empêcher l’apparition de monopoles qui briserait la concurrence.

Coopération entre les services publics

La conférence invite les Etats à renforcer et développer la coopération entre les chaînes publiques notamment en matière de coproduction et d’échange de programmes.

Elle recommande une coopération étroite en matière de sport et de spectacle, en vue d’assurer la meilleure couverture des grandes manifestations nationales et internationales.

Elle encourage les Etats à oeuvrer pour que les droits de retransmission des grands événements sportifs puissent être accordés aux chaînes de télévision de service public.

Elle appelle les Etats à définir des dispositions internationales régissant la retransmission des grandes manifestations sportives permettant ainsi aux services publics de bénéficier à l’accès de ces droits.

Elle invite les détenteurs de droits exclusifs de programmes sportifs, culturels ou scientifiques à revoir avec les services publics des pays les plus démunis, les conditions de cession en matière de droit.

Elle encourage l’adoption d’une charte commune du service public dont l’objectif consiste à garantir l’éthique et le pluralisme sur le plan artistique, linguistique, philosophique et politique.

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