êo::5'iëfidmpa~gne ~oa:asionn~~ellement ~..:= · 2018. 8. 29. · pagnersononemanshow. ira...

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Ce saxophoniste fou de Charlie Parker et de Lester Young qui a grandi au Cameroun anime depuis un an des après-midi musicaux au Bar Q'Paris, qui surplombe Belleville, dans le XX e arrondissement. Par Thierry Quénum. J ean-Jacques Élanguéest né à Clamart en 1967.Ses parents, camerounais, retournent au pays quand il a six ans. Il y découvre des enfants qui jouent d'oreille lestubes de la radio en chantant et tapant sur des boîtes de conserve. Fasciné, il s'immerge dans la musique de façon totalement spontanée, et fréquente les bars où l'on joue, tout en suivant ses parents aux concerts du Centre Culturel Français. pensionnaire, à sa demande, dans un collège de frères canadiens, il intègre l'harmonie, démarre le solfège et la clarinette qu'il travaille avec passion pendant deux ans avant de passer au sax alto. Lors de vacances où on l'a autorisé à emporter son instrument, il découvre le jazz et le blues avec des musiciens de Yaoundé. Un brin trauma- tisé au départ par l'écoute de Charlie Parker, DizzyGil- lespie et Lester Young, il travaille d'arrache-pied et intègre le milieu des professionnels à la fin du lycée. Gigs à l'hôtel Hilton, quelques festivals, où il rencon- tre l'altiste et flûtiste Talib Kibwé, et Pharoah Sanders auquel il fait découvrir, après un workshop, les quar- iers populaires de sa ville, leurs goûts, leurs odeurs... cc Même si techniquement je ne comprenais rien à ce que jouair Pharoah, sa sonorité me parlait: je sentais qu'il ù,,-.e.;,,~CèJ-t quelque chose d'important. >J Sa bonne ~:::ZÏS!X.:xli!dusolfège permet à Élangué de s'inté- ==::e~~- 2. n'importe quel orchestre de jazz - ique, avec Bird et Prez pour -êo::5'iëfiDmpagne oa:asionnellement ~~~~~~~~..:= l1UiÎf:2.I de Yaoundé - e lion LE D Retour en qu'il a fréquenté via un pour accom- pagner son one man show. ira e: l'arraché culturel français commence à s'intéresser à lui. partir de là j'ai pu accompagner une troupe qui allait jouer Don Juan au festival d'Avignon, j'ai obtenu une bourse et je me suis inscrit au conservatoire de Marseille. Mais en fait je n'y ai jamais reçu de cours de sax, ni plus tard d'ail- leurs. Venant d'Afrique et ayant pris le cursus en route, j'étais assez atypique. Par ailleurs, l'objet de ma bourse était d'abord de poursuivre mon travail avec le théâtre: J'allais en parallèle au conservatoire je côtoyais Oli- vier Témime, Clovis Nicolas.._>J Workshops avec Kenny Werner, et Lee Konitz surtout, qui lui apprend à être lui-même. Élangué sort de l'institution avec un pre- mier prix au bout de trois ans'et monte à Parisen 2000, où il rencontre Brice Wassy, Claudine François, John Betsch... Il fait tournée des clubs (7 Lézards, Caveau des Oubliettes ...) puis entre dans le quartette de Phi- lippe Combelle, où il a la charge de composer et d'ar- ranger les thèmes. En parallèle Élangué sort en 2005 "Missounga", son premier disque officiel, avec Mario Canonge,Linley Marthe, NicolasGenest... Oncommence à parler de lui, sans que les contrats se bousculent, mais il est décidé à trouver sa place sans se laisser enfermer dans Jecliché bien parisien du « musicien africain qui joue au Baiser Salé>J. La rencontre avecTom McClung, pianiste attitré d'Archie Shepp, est décisive et débouche sur un duo qui a mûri plusieurs années. L'occasion pour Élangué de mettre en œuvre une conscience du son développée sur le long terme, en travaillant avecpassionla musique deThelonious Monk, chezqui la notion d'espacelefascine. DeColeman Haw- kins, à Charlie Rouse en passant par Coltrane, il étu- die tous les ténors monkiens, remontant vers Dexter Gordon et Lester Young,s'intéressant aux rythmiques ... Oncomprend pourquoi Élanguéjoue sur unténor Conn, modèle "Chu Berry" de 1929,qu'il a patiemment appri- voisé en découvrant au passage le saxophoniste dont l'instrument porte le nom. BAR LABORATOIRE Héritage, donc, mais pas passéisme. Élangué est ainsi: patient et convivial, privilégiant la musique et l'humain à la brillance technique. Toutes qualités qu'on retrouve dans les après-midi du Bar O'Paris, un dimanche sur deux. Ambiance familiale et chaleureuse, invités connus ou moins mais toujours d'excellent niveau, et une musique à laquelle les autres clubs ont oublié de s'in- téresser. «J'ai eu la chancede rencontrer les deux patrons de ce lieu qui ont été intéressés par l'idée. J'ai installé mon piano droit chez eux et décidé d'y animer non pas des jams mais une sorte de "laboratoire" les musi- ciens font des propositions, se rencontrent, essaient de se renouveler ... >J Si on ajoute à ça deux jours d'ensei- gnement par semaine au conservatoire de Niort et un projet de grande formation codirigée par Brice Wassy autour de la musique africaine jouée selon les codes du big band de jazz, on comprendra que Jean-Jacques Élanguénechôme pas...et nefait pasnon plus laqueue devant la porte des clubs du centre-ville parisien. 1TQ CONCERTS Un dimanche sur deux à partir de mi-septembre (Bar O'Paris, 1 rue des Envierges, 75020 Paris). Net www.jeanjacqueselangue.com. A.OÛT 2012 • NUMÉRO 640 • JAZZ MAGAZINE JAZZMAN Il

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  • Ce saxophoniste fou de Charlie Parker et de Lester Young qui a grandi au Camerounanime depuis un an des après-midi musicaux au Bar Q'Paris, qui surplombe Belleville,dans le XXe arrondissement. Par Thierry Quénum.

    Jean-Jacques Élangué est né à Clamart en 1967.Sesparents, camerounais, retournent au pays quandil a six ans. Il y découvre des enfants qui jouentd'oreille les tubes de la radio en chantant et tapant surdes boîtes de conserve. Fasciné, il s'immerge dans lamusique de façon totalement spontanée, et fréquenteles bars où l'on joue, tout en suivant ses parents auxconcerts du Centre Culturel Français. pensionnaire, àsa demande, dans un collège de frères canadiens, ilintègre l'harmonie, démarre le solfège et la clarinettequ'il travaille avec passion pendant deux ans avant depasser au sax alto. Lors de vacances où on l'a autoriséà emporter son instrument, il découvre le jazz et leblues avec des musiciens de Yaoundé. Un brin trauma-tisé au départ par l'écoute de Charlie Parker, DizzyGil-lespie et Lester Young, il travaille d'arrache-pied etintègre le milieu des professionnels à la fin du lycée.Gigs à l'hôtel Hilton, quelques festivals, où il rencon-tre l'altiste et flûtiste Talib Kibwé, et Pharoah Sandersauquel il fait découvrir, après un workshop, les quar-iers populaires de sa ville, leurs goûts, leurs odeurs ...

    ccMême si techniquement je ne comprenais rien à ce quejouair Pharoah, sa sonorité me parlait: je sentais qu'ilù,,-.e.;,,~CèJ-t quelque chose d'important. >J Sa bonne~:::ZÏS!X.:xli!dusolfège permet à Élangué de s'inté-

    ==::e~~-2. n'importe quel orchestre de jazz -ique, avec Bird et Prez pour

    -êo::5'iëfiDmpagne oa:asionnellement~~~~~~~~..:=l1UiÎf:2.Ide Yaoundé- e lion

    LE DRetour en qu'il afréquenté via un pour accom-pagner son one man show. ira e : l'arraché culturelfrançais commence à s'intéresser à lui. cÀ partir de làj'ai pu accompagner une troupe qui allait jouer Don Juanau festival d'Avignon, j'ai obtenu une bourse et je mesuis inscrit au conservatoire de Marseille. Mais en faitje n'y ai jamais reçu de cours de sax, ni plus tard d'ail-leurs. Venant d'Afrique et ayant pris le cursus en route,j'étais assezatypique. Par ailleurs, l'objet dema bourseétait d'abord de poursuivre mon travail avec le théâtre:

    J'allais en parallèle au conservatoire où je côtoyais Oli-vier Témime, Clovis Nicolas .._>J Workshops avec KennyWerner, et Lee Konitz surtout, qui lui apprend à êtrelui-même. Élangué sort de l'institution avec un pre-mier prix au bout de trois ans'et monte à Paris en 2000,où il rencontre Brice Wassy, Claudine François, JohnBetsch... Il fait là tournée des clubs (7 Lézards, Caveaudes Oubliettes ...) puis entre dans le quartette de Phi-lippe Combelle, où il a la charge de composer et d'ar-ranger les thèmes. En parallèle Élangué sort en 2005"Missounga", son premier disque officiel, avec MarioCanonge,Linley Marthe, NicolasGenest... Oncommenceà parler de lui, sans que les contrats se bousculent,mais il est décidé à trouver sa place sans se laisserenfermer dans Je cliché bien parisien du «musicien

    africain qui joue au Baiser Salé>J. La rencontre avecTomMcClung, pianiste attitré d'Archie Shepp, est décisiveet débouche sur un duo qui a mûri plusieurs années.L'occasion pour Élangué de mettre en œuvre uneconscience du son développée sur le long terme, entravaillant avecpassion la musique de Thelonious Monk,chezqui la notion d'espace le fascine. DeColeman Haw-kins, à Charlie Rouse en passant par Coltrane, il étu-die tous les ténors monkiens, remontant vers DexterGordon et Lester Young, s'intéressant aux rythmiques ...On comprend pourquoi Élanguéjoue sur un ténor Conn,modèle "Chu Berry" de 1929,qu'il a patiemment appri-voisé en découvrant au passage le saxophoniste dontl'instrument porte le nom.

    BAR LABORATOIREHéritage, donc, mais pas passéisme. Élangué est ainsi:patient et convivial, privilégiant la musique et l'humainà la brillance technique. Toutes qualités qu'on retrouvedans les après-midi du Bar O'Paris, un dimanche surdeux. Ambiance familiale et chaleureuse, invités connusou moins mais toujours d'excellent niveau, et unemusique à laquelle les autres clubs ont oublié de s'in-téresser.«J'ai eu la chancede rencontrer lesdeuxpatronsde ce lieu qui ont été intéressés par l'idée. J'ai installémon piano droit chez eux et décidé d'y animer non pasdes jams mais une sorte de "laboratoire" où les musi-ciens font des propositions, se rencontrent, essaient dese renouveler ... >J Si on ajoute à ça deux jours d'ensei-gnement par semaine au conservatoire de Niort et unprojet de grande formation codirigée par Brice Wassyautour de la musique africaine jouée selon les codesdu big band de jazz, on comprendra que Jean-JacquesÉlangué ne chôme pas... et ne fait pas non plus la queuedevant la porte des clubs du centre-ville parisien. 1 TQCONCERTS Un dimanche sur deux à partir de mi-septembre(Bar O'Paris, 1 rue des Envierges, 75020 Paris).Net www.jeanjacqueselangue.com.

    A.OÛT 2012 • NUMÉRO 640 • JAZZ MAGAZINE JAZZMAN Il