notes sur le programme

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Concert Jeunes Talents – Conservatoire de Paris (cnsmdp) le lundi 14 mars 2011 à 19 h au musée national de la Marine Programme Wolfgang Amadeus Mozart (1756 1791) Quatuor en si bémol majeur, K. 589 Robert Schumann (1810 – 1856) Quatuor n°1, en la mineur, op. 41 n°1 Notes sur le programme SCHUMANN Exécuté publiquement pour la 1 e fois le 8 janvier 1843 au Gewandhaus de Leipzig, le Quatuor op 41 n°1 en la mineur fait partie d’une série de trois quatuors composés entre juin et juillet 1842 et dédiés à celui que Schumann considérait comme un maître : Felix Mendelssohn. Ce dernier se montra d’ailleurs fort satisfait du présent, avouant à Schumann qu’il ne « parvenait pas bien à exprimer combien sa musique lui plaisait ». Le 1 e mouvement débute par une Introduzione, Andante espressivo, en la mineur, caractérisée par des entrées contrapuntiques aux quatre instruments. Elle fut rajoutée au lendemain de l’achèvement de ce premier quatuor, ce qui nous intéresse au vu des tonalités utilisées dans son ensemble. L’Allegro, en fa majeur, qui suit s’avère être une forme sonate avec réexposition quasiment symétrique. Le premier thème, souple et mélodique, montre des caractéristiques rythmiques chères à Schumann dont les accents déplacés sur des temps faibles. C'est un fugato en do majeur qui servira de second thème, plus animé du fait de ses valeurs courtes et de ses notes piquées. Le Scherzo (Presto en la mineur) a un côté à la fois inquiétant et tourbillonnant, sans doute dû à ces croches ininterrompues, ponctuées par un ostinato de deux doubles-croches au violoncelle. L’intermezzo – qui fait office de trio – contraste complètement, par son esprit détendu et apaisé qu’on pourrait croire naïf, sans ces nombreux chromatismes aux violons et à l’alto. Avec son mouvement lent, Adagio en fa majeur, ce quatuor n’est pas sans nous rappeler l’Adagio molto e cantabile de la Neuvième Symphonie de Beethoven. Une mélodie aux violons en valeurs longues sur un rythme harmonique étiré met parfaitement en valeur l’alto qui contraste avec un ostinato à la fois syncopé et arpégé. La 2 e partie de cette forme lied sera une brève section plus dramatique. Notons la phrase de violoncelle qui ouvre et clôt ce somptueux mouvement. Enfin, le Presto final nous saisit avec son caractère enjoué, son énergie jubilatoire et ses croches quasiment ininterrompues. Ici encore beaucoup d’entrées en imitations, quand elles ne sont pas fuguées, ainsi que d’accents sur les temps faibles qui contribuent à déstabiliser et enrichir le discours. Ce mouvement fut au départ pensé comme un rondo, mais Schumann lui préféra finalement la forme sonate. Tchaïkovski appréciait ce quatuor, dans lequel celui qu'il nomme « le grand musicien » égrène « les perles inappréciables de son merveilleux don mélodique et de son harmonisation somptueuse, toujours neuve et belle ». MOZART Composé à Vienne en mai 1790 après cinq mois de silence créateur, le Quatuor à cordes K.589 en si b majeur révèle un changement d'attitude dans la composition, Mozart renonçant peu à peu au style concertant et à la prédominance de l'instrument roi. Ici, seuls les deux premiers mouvements privilégient encore le premier violon, et dans une moindre mesure le violoncelle. L'Allegro initial est une forme sonate dont le premier thème est exposé au premier violon et au violoncelle dans une nuance piano, qui confère à ce début un caractère intimiste. Comme ce sera également le cas dans le deuxième mouvement, les rôles sont inversés dans l'exposition du second groupe thématique. Le développement fait entendre de nombreux chromatismes qui vont jusqu'à nous faire perdre certains repères tonaux, ce dont ne se priveront pas les romantiques à venir, mais qui est encore très inhabituel chez Mozart. Le deuxième mouvement, Larghetto, débute par un vaste arioso au violoncelle, repris une octave au dessus par le premier violon... Ce climat initial extrêmement calme, est légèrement animé par une ritournelle d'alto, poursuivie par le premier violon, et menant au deuxième thème, plus lumineux. A l'inverse du premier thème, c'est le violon qui expose le second, repris ensuite par le violoncelle, et enrichi par un contrechant de violon. La réexposition de cette forme sonate sans développement sera légèrement modifiée, et terminée par une coda. On considère habituellement le Menuet et son Trio comme le point culminant de ce quatuor, de par la spécificité d’un trio aux dimensions presque démesurées. De plus on retrouve dans l'écriture une grande parenté avec la forme sonate en général, et avec son développement en particulier. Notons chromatismes, menant à un silence dramatique qui lui confère un poids expressif inhabituel. Enfin le quatrième mouvement, Allegro assai en si b majeur, qu'on pourrait presque qualifier de mouvement aphoristique (il dure en général moins de quatre minutes), privilégie au contraire la concision et la concentration des motifs et du travail thématique. Au niveau formel nous avons ici une forme sonate monothématique dont l'exposition est construite en forme binaire à reprise. Le caractère enjoué de ce final et la construction de son thème principal, avec présentation des arguments, commentaire, coup de théâtre ne sont pas sans rappeler l’opéra, genre dans lequel Mozart excellait. © Anne Duchêne - Étudiante au Conservatoire de Paris

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Notes sur le programme concert du lundi 14 mars 2011

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Concert Jeunes Talents – Conservatoire de Paris (cnsmdp) le lundi 14 mars 2011 à 19 h au musée national de la Marine Programme Wolfgang Amadeus Mozart (1756 1791) Quatuor en si bémol majeur, K. 589 Robert Schumann (1810 – 1856) Quatuor n°1, en la mineur, op. 41 n°1

Notes sur le programme SCHUMANN Exécuté publiquement pour la 1e fois le 8 janvier 1843 au Gewandhaus de Leipzig, le Quatuor op 41 n°1 en la mineur fait partie d’une série de trois quatuors composés entre juin et juillet 1842 et dédiés à celui que Schumann considérait comme un maître : Felix Mendelssohn. Ce dernier se montra d’ailleurs fort satisfait du présent, avouant à Schumann qu’il ne « parvenait pas bien à exprimer combien sa musique lui plaisait ». Le 1e mouvement débute par une Introduzione, Andante espressivo, en la mineur, caractérisée par des entrées contrapuntiques aux quatre instruments. Elle fut rajoutée au lendemain de l’achèvement de ce premier quatuor, ce qui nous intéresse au vu des tonalités utilisées dans son ensemble. L’Allegro, en fa majeur, qui suit s’avère être une forme sonate avec réexposition quasiment symétrique. Le premier thème, souple et mélodique, montre des caractéristiques rythmiques chères à Schumann dont les accents déplacés sur des temps faibles. C'est un fugato en do majeur qui servira de second thème, plus animé du fait de ses valeurs courtes et de ses notes piquées. Le Scherzo (Presto en la mineur) a un côté à la fois inquiétant et tourbillonnant, sans doute dû à ces croches ininterrompues, ponctuées par un ostinato de deux doubles-croches au violoncelle. L’intermezzo – qui fait office de trio – contraste complètement, par son esprit détendu et apaisé qu’on pourrait croire naïf, sans ces nombreux chromatismes aux violons et à l’alto. Avec son mouvement lent, Adagio en fa majeur, ce quatuor n’est pas sans nous rappeler l’Adagio molto e cantabile de la Neuvième Symphonie de Beethoven. Une mélodie aux violons en valeurs longues sur un rythme harmonique étiré met parfaitement en valeur l’alto qui contraste avec un ostinato à la fois syncopé et arpégé. La 2e partie de cette forme lied sera une brève section plus dramatique. Notons la phrase de violoncelle qui ouvre et clôt ce somptueux mouvement. Enfin, le Presto final nous saisit avec son caractère enjoué, son énergie jubilatoire et ses croches quasiment ininterrompues. Ici encore beaucoup d’entrées en

imitations, quand elles ne sont pas fuguées, ainsi que d’accents sur les temps faibles qui contribuent à déstabiliser et enrichir le discours. Ce mouvement fut au départ pensé comme un rondo, mais Schumann lui préféra finalement la forme sonate. Tchaïkovski appréciait ce quatuor, dans lequel celui qu'il nomme « le grand musicien » égrène « les perles inappréciables de son merveilleux don mélodique et de son harmonisation somptueuse, toujours neuve et belle ». MOZART Composé à Vienne en mai 1790 après cinq mois de silence créateur, le Quatuor à cordes K.589 en si b majeur révèle un changement d'attitude dans la composition, Mozart renonçant peu à peu au style concertant et à la prédominance de l'instrument roi. Ici, seuls les deux premiers mouvements privilégient encore le premier violon, et dans une moindre mesure le violoncelle. L'Allegro initial est une forme sonate dont le premier thème est exposé au premier violon et au violoncelle dans une nuance piano, qui confère à ce début un caractère intimiste. Comme ce sera également le cas dans le deuxième mouvement, les rôles sont inversés dans l'exposition du second groupe thématique. Le développement fait entendre de nombreux chromatismes qui vont jusqu'à nous faire perdre certains repères tonaux, ce dont ne se priveront pas les romantiques à venir, mais qui est encore très inhabituel chez Mozart. Le deuxième mouvement, Larghetto, débute par un vaste arioso au violoncelle, repris une octave au dessus par le premier violon... Ce climat initial extrêmement calme, est légèrement animé par une ritournelle d'alto, poursuivie par le premier violon, et menant au deuxième thème, plus lumineux. A l'inverse du premier thème, c'est le violon qui expose le second, repris ensuite par le violoncelle, et enrichi par un contrechant de violon. La réexposition de cette forme sonate sans développement sera légèrement modifiée, et terminée par une coda. On considère habituellement le Menuet et son Trio comme le point culminant de ce quatuor, de par la spécificité d’un trio aux dimensions presque démesurées. De plus on retrouve dans l'écriture une grande parenté avec la forme sonate en général, et avec son développement en particulier. Notons chromatismes, menant à un silence dramatique qui lui confère un poids expressif inhabituel. Enfin le quatrième mouvement, Allegro assai en si b majeur, qu'on pourrait presque qualifier de mouvement aphoristique (il dure en général moins de quatre minutes), privilégie au contraire la concision et la concentration des motifs et du travail thématique. Au niveau formel nous avons ici une forme sonate monothématique dont l'exposition est construite en forme binaire à reprise. Le caractère enjoué de ce final et la construction de son thème principal, avec présentation des arguments, commentaire, coup de théâtre ne sont pas sans rappeler l’opéra, genre dans lequel Mozart excellait. © Anne Duchêne - Étudiante au Conservatoire de Paris