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L'agriculture écologiquement intensive : nature et dés Pour citer cet article : Bonny S, 2011. L'agriculture écologiquement intensive : nature et dés. Cah Agric 20 : 451-62. doi : 10.1684/agr.2011.0526 Tirés à part : S. Bonny Résumé Depuis quelques anne ´es voire de ´cennies, un certain nombre de voix appellent a ` un changement de l’agriculture et de son mode `le de production du fait de leurs limites et du changement de contexte. Elles mettent en avant diverses propositions de nouvelles orientations pour l’agriculture. Parmi celles-ci figure notamment l’agriculture e ´cologi- quement intensive qui est examine ´e ici. L’objectif de ce texte est de contribuer a ` analyser les voies, possibilite ´s et de ´fis socio-e ´conomiques d’une agriculture e ´cologiquement intensive, utilisant de fac ¸on durable des processus naturels et des fonctionnalite ´s des e ´cosyste `mes tout en ayant un bon niveau de rendement. En premier lieu nous pre ´sentons la notion d’intensification e ´cologique par comparaison/opposition aux autres formes conventionnelles d’intensification en agriculture. Puis le positionnement de divers acteurs par rapport a ` la notion d’agriculture e ´cologiquement intensive est examine ´. Si en apparence cette orientation recueille un assez bon consensus, il existe en fait de nombreux freins a ` sa mise en pratique. En dernier lieu nous analysons certaines possibilite ´s, obstacles et conditions au de ´veloppement d’une agriculture e ´cologiquement intensive : une telle e ´volution ne ´cessite notamment un contexte en phase. Mots cle ´s : agriculture durable ; agroe ´cologie ; innovation ; intensification. The `mes : ressources naturelles et environnement ; syste `mes agraires. Abstract Ecologically intensive agriculture: Nature and challenges Over the last several years, indeed over several decades, a number of voices have called for a change in agriculture and its model of production because of their limitations and changes in the context. They have put forward several proposals for new directions. These include particularly ecologically intensive agriculture, which is examined here. The objective of this paper is to contribute to analyzing the possible pathways to and socioeconomic challenges facing ecologically intensive agriculture, founded upon the sustainable use of natural processes and ecosystem functions while achieving a good level of yield. Firstly, the notion of ecological intensification by comparison/opposition with conventional forms of agricultural intensification is presented. The positions of the various actors, in relationship to the concept of ecologically intensive agriculture, are then examined. If this movement towards ecological intensification is apparently garnering a rather good consensus, there are in fact many hurdles to the implementation of these practices. Finally, we analyze some opportunities, barriers and facing the development of ecologically intensive agriculture. Such an evolution notably requires a context in agreement with it. Key words: agroecology; innovation; intensification; sustainable agriculture. Subjects: farming systems; natural resources and environment. Sylvie Bonny INRA, UMR 210 Economie publique INRA-AgroParisTech F-78850 GRIGNON France <[email protected]> doi: 10.1684/agr.2011.0526 451 Cah Agric, vol. 20, n8 6, novembre-de ´ cembre 2011 Synthèse

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L'agriculture écologiquement intensive :nature et défis

Pour citer cet article : Bonny S, 2011. L'agriculture écologiquement intensive : nature et défis. CahAgric 20 : 451-62. doi : 10.1684/agr.2011.0526Tirés à part : S. Bonny

RésuméDepuis quelques annees voire decennies, un certain nombre de voix appellent a unchangement de l’agriculture et de son modele de production du fait de leurs limites et duchangement de contexte. Elles mettent en avant diverses propositions de nouvellesorientations pour l’agriculture. Parmi celles-ci figure notamment l’agriculture ecologi-quement intensive qui est examinee ici. L’objectif de ce texte est de contribuer a analyserles voies, possibilites et defis socio-economiques d’une agriculture ecologiquementintensive, utilisant de facon durable des processus naturels et des fonctionnalites desecosystemes tout en ayant un bon niveau de rendement. En premier lieu nous presentonsla notion d’intensification ecologique par comparaison/opposition aux autres formesconventionnelles d’intensification en agriculture. Puis le positionnement de divers acteurspar rapport a la notion d’agriculture ecologiquement intensive est examine. Si enapparence cette orientation recueille un assez bon consensus, il existe en fait de nombreuxfreins a sa mise en pratique. En dernier lieu nous analysons certaines possibilites, obstacleset conditions au developpement d’une agriculture ecologiquement intensive : une telleevolution necessite notamment un contexte en phase.

Mots cles : agriculture durable ; agroecologie ; innovation ; intensification.

Themes : ressources naturelles et environnement ; systemes agraires.

AbstractEcologically intensive agriculture: Nature and challenges

Over the last several years, indeed over several decades, a number of voices have called fora change in agriculture and its model of production because of their limitations andchanges in the context. They have put forward several proposals for new directions. Theseinclude particularly ecologically intensive agriculture, which is examined here. Theobjective of this paper is to contribute to analyzing the possible pathways to andsocioeconomic challenges facing ecologically intensive agriculture, founded upon thesustainable use of natural processes and ecosystem functions while achieving a good levelof yield. Firstly, the notion of ecological intensification by comparison/opposition withconventional forms of agricultural intensification is presented. The positions of the variousactors, in relationship to the concept of ecologically intensive agriculture, are thenexamined. If this movement towards ecological intensification is apparently garnering arather good consensus, there are in fact many hurdles to the implementation of thesepractices. Finally, we analyze some opportunities, barriers and facing the development ofecologically intensive agriculture. Such an evolution notably requires a context inagreement with it.

Key words: agroecology; innovation; intensification; sustainable agriculture.

Subjects: farming systems; natural resources and environment.

Sylvie BonnyINRA,UMR 210 Economie publiqueINRA-AgroParisTechF-78850 GRIGNONFrance<[email protected]>

doi:10.1684/ag

r.2011.0526

451Cah Agric, vol. 20, n8 6, novembre-decembre 2011

Synthèse

D e nombreux acteurs appellenta un changement de para-digme dans le type d’agricul-

ture actuel et la rechercheagronomique. Cela est lie a diversfacteurs souvent evoques : limites del’agriculture des dernieres decennies,evolution des demandes adressees a cesecteur, modification du contexte, etc.La necessite de nouvelles orientationsest particulierement mise en avant pourfaire face aux defis des prochainesdecennies en matiere d’alimentation,de preservation des ecosystemes et dela biodiversite, de contraintes energeti-ques, de changement climatique, etc.(Tilman et al., 2002 ; IAASTD, 2009 ;Pretty et al., 2010 ; Godfray et al.,2010a ; Godfray et al., 2010b ; DeSchutter, 2011 ; Reganold et al., 2011).Les voies proposees sont diverses, maisau niveau technique un certain nombrese rapporte a une agriculture plusecologique, une ecoagriculture, uneagriculture a haute intensite ecologiqueutilisant de facon durable des processusnaturels et des fonctionnalites desecosystemes, comme le preconisentnombre de rapports et articles mention-nes precedemment. On considereraplus particulierement ici l’option d’une« agriculture ecologiquement inten-sive » (AEI) proposee par certainsacteurs a partir de diverses rechercheset experimentations de terrain (Griffon,2006 ; Griffon, 2007 ; Griffon, 2010 ;Cirad, 2007 ; Chevassus et Griffon,2008). En France, cette orientation aete notamment mise en avant lorsdu « Grenelle de l’environnement »,ensemble de tables rondes organiseesen 2007 pour definir des mesurespolitiques sur les aspects environne-mentaux.Certes le terme d’« intensification eco-logique » n’est pas tout a fait nouveau :on le trouve deja dans une communi-cation a un colloque du Cirad de 1986ou Egger (1986), de 1’universite deHeidelberg, avancait ce moyen pour laconservation et l’amelioration des solstropicaux par des systemes agrosylvo-pastoraux au Rwanda. Mais une inter-rogation des principales bases dedonnees bibliographiques (Web ofScience, CABI, Food Science andTechnology Abstracts, etc.) montreque, sur la periode 1975-mai 2011,ce terme est mentionne rarement dansla litterature recensee (19 fois). Unepublication de Cassman (1999) sou-vent citee l’a utilise des la fin des

annees 1990, mais dans une acceptionplus restreinte. Dans son article, celasignifie de parvenir a une intensifica-tion des systemes cerealiers qui satis-fasse la croissance attendue de lademande alimentaire tout en respec-tant des normes acceptables de qualiteenvironnementale (Cassman 1999 ;IPNI, 2011) : « L’intensification ecolo-gique est un processus qui accroıtl’augmentation des rendements touten reduisant l’empreinte ecologiquede l’agriculture. » (Casman, 2008).L’accent est notamment mis sur lagestion fine dans le temps et l’espacede tous les facteurs de production. LaFAO dans son Glossaire de l’agricul-ture biologique (2009) definit de soncote une notion proche, l’intensifica-tion durable : « Maximisation de laproduction primaire par unite desurface sans compromettre l’aptitudedu systeme a maintenir sa proprecapacite de production. » Mais dans lesremarques sur ce terme, il est preciseque le concept d’« intensification eco-logique » serait preferable vu les pro-cessus impliques en agriculturebiologique. De son cote, le terme de« sustainable intensification », presentau moins depuis 1993 dans les refe-rences des bases de donnees biblio-graphiques, y est un peu plus frequentque celui d’« ecological intensifica-tion » (89 fois au lieu de 19 sur laperiode 1975-mai 2011). Cependant, ilreste assez rare compare aux innom-brables occurrences de l’expression« sustainable agriculture ».L’intensification ecologique (IE) n’estpas seulement une forme d’intensifi-cation qui preserve l’environnementselon l’approche de Cassman. Unespecificite du concept tient a l’utilisa-tion des processus ecosystemiques :« L’agriculture doit s’appuyer sur lesprocessus et les fonctionnalites ecolo-giques qui permettent de lutter contreles bioagresseurs, de reduire les nui-sances, de mieux valoriser les ressour-ces rares, comme l’eau, ou encored’ameliorer les services ecologiques(stockage du carbone, diversite biolo-gique, prevention des catastrophesdites naturelles) : c’est l’intensificationecologique. » (Cirad, 2008). Cetteacception, un peu differente de celled’intensification durable, est retenueici pour la suite de l’analyse.La notion d’AEI avancee depuis quel-ques annees est en quelque sorte lacristallisation de diverses experiences,

observations et reflexions de terrain,au Bresil en particulier, que certainsont traduit ensuite par ce concept qui« combine le pouvoir mobilisateur dela raison et celui du reve collectif »(Aggeri, 2011). En effet, outre uneconceptualisation scientifique permet-tant une montee en generalite, untravail de conception collective estnecessaire pour construire des cohe-rences entre des experiences particu-lieres et leur apporter de la legitimationsociale (Aggeri, 2011). L’AEI a ete ainsireprise commeobjectif par divers typesd’acteurs ou d’organismes (Cirad,2010a ; Cirad, 2010b). Mais si l’exi-stence d’un mot d’ordre s’avere tresutile pour catalyser les energies, elle nesaurait suffire per se a induire lestransformations souhaitees. L’objectifde ce texte est d’analyser davantagecertains corollaires, conditions requi-ses, facteurs favorables, obstacles etlimites a ce type d’evolution de l’agri-culture, en particulier au niveau agro-economique et socio-economique, cequi a ete peu fait jusqu’alors. Cela estpourtant necessaire pour envisager ledeveloppement de ces orientations. Enrevanche, l’article n’abordera pas lesaspects strictement agronomiques etecologiques de l’IE qui relevent surtoutdes agronomes et ecologues, et ontcommence a faire l’objet d’investiga-tions (par exemple, Dore et al., 2011 ;Malezieux, 2011 ;Mediene et al., 2011).Il n’analysera pas non plus si l’utilisa-tion dans la production agricoledes processus ecosystemiques peutpermettre d’atteindre une productionsuffisante de nourriture tout en pre-servant l’environnement et les capaci-tes de reproduction des ecosystemes(Brussaard et al., 2010). En effet, cetaspect fondamental necessite encoredes travaux de recherche a la suite deceux effectues dans la prospectiveAgrimonde (Paillard et al., 2010).Cet article se propose d’aborder diver-ses questions socio-economiquesposees par une transition vers desagricultures ecologiquement intensi-ves. En premier lieu, on cherchera amieux apprehender la notion d’AEI parcomparaison aux formes convention-nelles d’intensification. Puis on s’inter-rogera sur le positionnement des diversacteurs a ce sujet. Enfin, on examinerales obstacles et les freins a la mise enpratique de ces orientations. Les exem-ples seront surtout centres sur l’agri-culture occidentale et francaise pour

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eviter de couvrir un champ trop large ettrop heterogene. Quand on compareral’AEI a l’agriculture couramment prati-quee ces dernieres annees, on desi-gnera cette derniere par le termed’agriculture conventionnelle (c’est-a-dire etablie par l’usage et les conven-tions courantes). On utilisera aussi lanotion de modele de production. Eneffet, meme si lesmanieres de produireen agriculture sont tres diversifiees, onpeut chercher a reperer par-dela cettediversite des invariants ou de grandstraits caracteristiques : c’est la notiondemodele de production, representationsimplifiee, ideal typique des principa-les caracteristiques technico-economi-ques de la production a une periodedonnee. Celles-ci sont apprehendeestant au niveau technique qu’au niveaueconomique, social, institutionnel,voire ideologique. On peut ainsi parlerd’un modele de production, plusexactement du modele ou paradigmedominant a une periode donnee.

L'intensificationécologiquepar comparaison/oppositionaux autres formesd'intensification

Depuis quelques annees, voire decen-nies, « l’agriculture intensive » esttres souvent vilipendee et denonceecomme source d’effets negatifs, enparticulier au niveau environnementalet sanitaire, notamment dans lesmediaset les associations environnementalis-tes. Dans le langage courant ce termeest devenu fort negatif. Pourtant le motintensification a lui seul est incomplet :de quel type d’intensification s’agit-il ?

L'approche économiqueconventionnelle del'intensificationComme l’ecrivait Tirel (1987), « lanotion d’intensification n’a de sensque rapportee a un facteur de pro-duction. Un facteur est exploite defacon intensive lorsqu’on combine aune quantite donnee de ce facteur des

doses importantes d’autres facteurs.Cette notion est etroitement liee a cellede productivite. » Historiquement, enFrance et dans beaucoup de pays, laterre a longtemps constitue un facteurlimitant, les exploitations etant petites.Pour accroıtre la production et lesrevenus, on a cherche a augmenter saproductivite en lui associant desquantites importantes d’autres fac-teurs : notamment du travail, puis,avec la modernisation de l’agricultured’apres 1945, des intrants (engrais,pesticides) et du capital fixe (materiel,equipements, batiments). On aboutitainsi a la definition courante actuelle :une « agriculture intensive est uneagriculture qui utilise davantage defacteurs de production par unite desurface. Plus une agriculture estintensive, plus la production parhectare est elevee » (Commission determinologie, 1993). L’accent est sou-vent mis sur l’utilisation de deuxfacteurs pour accroıtre la productivitede la terre : le travail et/ou le capital.Selon le cas, on a alors des agriculturesintensives en travail (labor-intensive)ou des agricultures intensives encapital et en intrants (capital-inten-sive). Mais d’autres facteurs de pro-duction sont a considerer et peuventetre utilises aussi pour ameliorer laproduction a l’hectare.

Une approche systémiqueplus largeSi l’approche economique convention-nelle ne retient que la combinaison detrois facteurs pour produire – terre,travail et capital – en fait d’autres sontnecessaires :– les fonctionnalites naturelles desecosystemes (cf. infra) ;– l’energie qui n’est pas seulementcelle qui est incorporee directementdans le carburant ou l’electricite utilises,mais aussi, dans certaines comptabili-sations, l’energie indirecte necessaire ala synthese des intrants, notamment desengrais azotes, ainsi que l’energiesolaire utilisee dans la photosynthese ;– le savoir, les connaissances, ele-ments essentiels. Il peut s’agir desavoirs traditionnels ou de connais-sances scientifiques et techniques surles besoins des plantes et des animauxen nutriments, leur mode de conduite,la detection et le traitement desmaladies, etc. Les savoirs traditionnels

peuvent etre tacites ou codifies, lesconnaissances scientifiques et techni-quespeuvent etre librement accessibles(mais elles necessitent un apprentis-sage parfois difficile) ou incorporeesdans divers biens et services ;– l’information, facteur assez prochedu precedent mais concernant notam-ment l’environnement ou l’etat descultures et des elevages a un instantdonne (par exemple, probabilite dedeveloppement de certaines maladies,agrometeorologie, teneur du sol enreliquat azote, applications de la tele-detection, etc.). Il s’agit de connaissan-cespermettantun suivi des productionsau fil du temps et des interventions ettraitements plus finement ajustes. Celarepose sur l’observation (« l’œil del’eleveur ») et sur l’emploi de diverscapteurs plus ou moins complexes.Les facteurs de production sont enpartie complementaires ou au contrairesubstituables. Ainsi avec des connais-sances et de l’information sur lesbesoins des plantes ou des animaux aleurs divers stades, onpeut economiserdes intrants en adaptant de faconprecise les apports aux besoins descultures et des elevages (raisonnementfin de l’alimentation, des traitements etinterventions evitant les pertes). Lavalorisation des interactions au seindes agroecosystemes, peut egalementpermettre de reduire le recours auxintrants externes.

L'intensification écologiqueElle se propose d’utiliser les fonctionsdes ecosystemes, les processus ecolo-giques, mais aussi l’information et lesavoir, en remplacement, dans lamesure du possible, des intrants habi-tuels, notamment chimiques. En effet, adoses fortes, ces derniers induisent desretombeesdefavorables : impacts envi-ronnementaux, contribution a l’effet deserre, vulnerabilite au rencherissementattendu des energies fossiles, inquie-tudes des consommateurs, etc. L’unedes voies pour y faire face est « uneutilisation intensifiee des fonctionna-lites naturelles offertes par les ecosyste-mes » (Chevassus et Griffon, 2008).La notion d’intensification ecologiquefait reference simultanement a deuxaspects :1. La production s’efforce de tirerparti des ressources et processusnaturels sans les degrader ;

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2. Le niveau de production par hectareest assez eleve.La premiere caracteristique defi-nissant l’AEI est que celle-ci cherchea s’appuyer sur les processus etfonctionnalites ecologiques pourproduire. Ces termes meritent qu’ons’y arrete davantage. En effet, commel’ont souligne Balmford et al. (2008,2011), il est important de faire unedistinction entre processus et servicesecosystemiques.

A la suite de ces auteurs, on peutdistinguer (figure 1) :– les processus de base des ecosyste-mes (par exemple, productionprimaire,grands cycles biogeochimiques, cyclede l’eau, interactions ecologiques, etc.) ;– les processus benefiques provenantdes ecosystemes qui assurent produc-tion de biomasse, epuration de l’eau,regulation du climat, pollinisation, etsont a la base des produits finauxobtenus ;

– les nombreux biens et services mar-chands et non marchands retires desecosystemes (nourriture, materiaux,etc.). Ces biens et services proviennentdesprocessusprecedents,mais aussi dutravail, des investissements, des savoirset savoir-faire des hommes. LeMillenium Ecosystem Assessment(2005) a rappele une base essentiellesouvent omise : l’importance fonda-mentale des ecosystemes dans la four-niture des biens et services.Mais cela ne

III. BÉNÉFICES OBTENUSDES ÉCOSYSTÈMES avec du travailet des investissements :biens et services marchandset non marchands

• Alimentationo Cultures, élevageo Pêche, aquacultureo Denrées sauvages (cueillette)

• Eau douceo Boisson, eau à usage industriel

• Matières premièreso Boiso Biomatériauxo Fibres d'origine végétale ou animaleo Fibres venant d'espèces sauvageso Matériaux inspirés de produits naturels

• Énergieo Bois de chauffage, charbono Biocarburantso Bouse des bovinso Animaux de trait

• Santé physiqueo Médicaments synthétisant des moléculesnaturelleso Plantes médicinaleso Médicaments issus de planteso Protection envers des risques naturelso Prévention de pollution et contamination

• Bien-être psychologiqueo Tourisme, loisirso Bien-être spirituel & culturelo Plaisirs esthétiqueso Observation, contemplation de la natureo Animaux de compagnie, plantes d'agrément

• Connaissanceo Supports de rechercheo Savoirs, éducation

• etc.

I. PROCESSUSÉCOSYSTÉMIQUESDE BASE

• Production

• Décomposition

• Cycles biogéochimiques

• Cycle de l'eau

• Décomposition et érosiondes roches et minéraux

• Interactions écologiques

• Processus d'évolution

II. PROCESSUS BÉNÉFIQUESISSUS DES ÉCOSYSTÈMES

• Production de biomasse primaire

• Production de biomasse secondaire

• Pollinisation

• Contrôle biologique

• Autres interactions écologiques

• Formation des habitats des espèces

• Diversification des espèces

• Diversification génétique

• Recyclage des déchets

• Formation des sols

• Régulation de l'érosion

• Formation de barrières physiquesatténuant les inondations, vents, etc.

• Formation de paysages agréables

• Régulation de la qualité de l'air

• Régulation locale et régionale du climat

• Régulation des eaux dans le temps

• Purification de la qualité de l'eau

• Approvisionnement en eau (quantité)

• Régulation mondiale du climat

• etc.

Figure 1. Illustration des relations entre processus écosystémiques de base, processus écosystémiques bénéfiques, et avantages obtenus des écosystèmes (listenon exhaustive) (d'après Balmford et al., 2011, modifié).

Figure 1. Relationships between basic ecosystemic processes, beneficial ecosystemic processes and advantages from ecosystems (non-exclusive list) (adapted fromBalmford et al., 2011).Les processus �ecosyst�emiques de base (I) sont le support des processus �ecosyst�emiques b�en�efiques (II). Ceux-ci sont à la base de la fourniture de divers b�en�efices pour l'homme (III).

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doit pas a son tour faire oublier lanecessite de l’intervention humainesous forme de travail, de savoirs et desavoir-faire. Il ne faut pas omettre nonplus les « disservices », c’est-a-dire lesservices des ecosystemes qui ont un

impact negatif sur la production agri-cole, la qualite desproduits et la securitesanitaire des aliments, comme parexemple les degats causes par certainsmicro-organismes, insectes, animaux, etplantes « nuisibles », diverses maladies,

ou effets de concurrence (Swinton etal.,2007 ; Zhang et al., 2007).L’AEI a donc pour objectif de chercherentre autres a valoriser les processusecosystemiques en remplacement dedivers intrants chimiques. Cela suppose

Tableau 1. Comparaison de quelques voies et moyens de l'agriculture conventionnelle et de l'agricultureécologiquement intensive.Table 1. Comparison of some ways and methods of conventional agriculture and ecologically intensive agriculture.

Aspects Agriculture conventionnelle Agriculture écologiquement intensive

Orientation g�en�erale Artificialisation du milieu,emploi d'intrants achet�es

Recherche d'utilisation et d'imitationde processus naturels b�en�efiques

Itin�eraires techniques et modesde raisonnement des interventions

Suivi d'itin�eraires relativementuniformis�es

« Retour de l'agronomie », davantaged'observations de terrain ou obtenuespar diverses sources, recherched'adaptation au milieu

R�eseaux de conseil Importance des coop�erativeset n�egociants

Groupes d'agriculteurs cherchant à êtredavantage autonomes et à r�efl�echir en r�eseaux

Fertilit�e Surtout des engrais chimiques Utilisation de l�egumineuses, mycorhizes,lombrics, vie microbienne des sols, plantesde couverture, agroforesterie. Meilleurevalorisation des d�echets organiques et fumiers.Recherche de mobilisation des �el�ements profonds.Évitement des sols nus. Objectif d'accroîtrela biomasse recyclable

Contrôle des adventices Labour, herbicides Rotations, binage, all�elopathie, couvertsv�eg�etaux �epais, mulchs

Traction et labour Motorisation importante,par exemple labour

Semis sans labour ou labour r�eduit pourfavoriser la « vie des sols »

Contrôle des maladiesdes plantes

Surtout des traitements chimiques,ou emploi de vari�et�es r�esistantes

Rotations, lutte int�egr�ee et biologique, emploid'auxiliaires, d'associations de cultures,de vari�et�es r�esistantes, d'all�elopathie.Recherche d'une gestion plus durabledes pesticides quand on en emploie.Raisonnement des traitements

Contrôle des insectes Surtout par des pesticidesou vari�et�es r�esistantes

Vari�et�es r�esistantes, associationsde vari�et�es, ph�eromones, lutte biologique,confusion sexuelle, utilisation d'auxiliaires

Limitations en eau Irrigation là où c'est possible Plantes r�esistant mieux à la s�echeresse,mulchs, augmentation du taux d'humus,am�enagement des parcelles, r�eservoirspour recueillir l'eau, irrigation plusfinement ajust�ee

Production de services�ecologiques

Fourniture relativement limit�ee Conservation de l'eau et de sa qualit�e.Évitement des sols nus.Meilleure lutte contre l'effet de serreet contre l'�erosion de la biodiversit�e

Territoire, paysageet espace naturel

Localement assez uniformeset peu diversifi�es

Plus vari�es avec des cultures diversifi�eeset association autant que possibledes �elevages et cultures dans les mêmeszones. Plantation de haies. Agroforesterie

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de nombreuses connaissances sur lefonctionnement des agroecosystemeset des informations sur leur etat ainsique sur les mecanismes en œuvre. Lesvoies visees peuvent etre une ameliora-tion de l’efficience des intrants evitantleur gaspillage et leur emission dans lemilieu, une recherche de substitutionde certains intrants chimiques pard’autres (processus ecosystemiques,connaissance, information), et surtoutunereconceptionet reconfigurationdessystemes de production pour favoriserdiverses synergies. On retrouve lales propositions de Hill et MacRae(1995) pour une evolution vers uneagriculture plus durable. Pour rendrel’AEI plus concrete et plus tangible, letableau 1 donne quelques exemples dediverses techniques envisageables danscelle-ci par comparaison a l’agricultureconventionnelle des dernieres anneeset decennies.Cette utilisation des processus ecosys-temiques rapproche l’AEI de l’agro-ecologie, mais l’AEI s’en distingue parl’accent mis sur l’intensification. Parailleurs, le terme d’agroecologie estsouvent employemais avec des conno-tations diverses selon que l’on mettel’accent sur les pratiques agricoles, ladiscipline scientifique ou le mouve-ment social qui s’y referent (Wezelet al., 2009). Plus largement, desorientations assez proches de l’AEIont ete proposees par un certainnombre de chercheurs ou decideurs,mais souvent avec une autre denomi-nation plus courante et sans incluretoujours l’accroissement de producti-vite : ecoagriculture, agriculturedurable, intensification durable, etc.L’intensification ecologique est assezproche de cette derniere dans l’accep-tion de certains auteurs. Pretty (2008)utilise par exemple le terme « sustai-nable intensification » ainsi defini :« Intensification using natural, socialand human capital assets, combinedwith the use of best available techno-logies and inputs (best genotypes andbest ecological management) thatminimize or eliminate harm to theenvironment. (. . .) The key principlesfor sustainability are to : (i) integratebiological and ecological processessuch as nutrient cycling, nitrogenfixation, soil regeneration, allelopathy,competition, predation and parasitisminto food production processes, (ii)minimize the use of those non-rene-wable inputs that cause harm to the

environment or to the health of farmersand consumers, (iii) make productiveuse of the knowledge and skills offarmers (. . .) (iv) make productiveuse of people’s collective capacities towork together to solve common agri-cultural and natural resource pro-blems, such as for pest, watershed,irrigation, forest and credit manage-ment. »Depuis quelques annees, en effet, unnombre croissant de chercheurs insistesur la necessite d’un bon usage desprocessus ecosystemiques : « Influenc-ed by human management, ecosystemprocesses within agricultural systemscan provide services that support theprovisioning services, including polli-nation, pest control, genetic diversityfor future agricultural use, soil reten-tion, regulation of soil fertility andnutrient cycling. Sustainable intensifi-cation will depend on management ofecosystem processes rather than fossilfuel inputs. » (Power, 2010). Ainsi,contrairement a lapremiere apparence,la notion d’intensification ecologiqueest bien presente dans la litteratureagronomique et agroecologique inter-nationale, mais souvent sous un autrevocable, particulierement en anglais oule terme « ecological intensification »est peu frequent. Cependant, lors de larecherche de mise en pratique, desdifferences sensibles apparaissententre les diverses approches au niveausociotechnique et economique.La seconde dimension, une pro-ductivite assez forte a l’hectare,renvoie a une question de fond : celledu niveau de production a rechercherpour les prochaines decennies, comptetenu de la croissance attendue de lapopulation, des modifications de sastructure et des changements demode-lesde consommationet de stylesdevie.D’autant qu’a cette demande alimen-taire peuvent s’ajouter fibres, biomate-riaux, biocombustibles, etc. afinde tirerparti de l’energie solaire et des pro-cessus photosynthetiques. Ainsi, sur leniveau de production necessaire auniveau mondial, les points de vue sontassez varies selon les hypothesesfaites : pour les uns, au moins undoublement de la production agricoles’impose (Collomb, 1999 ; UnitedNations, 2009), pour d’autres uneprogression de 70 % s’avere necessaire(FAO, 2006 ; FAO, 2009 ; OCDE-FAO,2009), pour d’autres enfin, il faut unehausse de 50 %. Cependant, pour

certains, une croissance un peu pluslimitee permettrait de satisfaire lesbesoins pourvu qu’elle s’accompagned’une meilleure repartition des biensproduits, d’une reduction des gaspilla-ges et d’un modele alimentaire avecune consommation de viande pas tropelevee (Paillard et al., 2010 ; Hubertet al., 2010 ; Leridon et de Marsily,2011). Dans le cas de la France ou del’Europe, il existe aussi des ecarts sur lesniveaux de production et de producti-vite juges necessaires, ainsi que desvariations selon les regions.Ainsi, un niveau de production agricoleeleve est juge indispensable par beau-coup, et l’intensificationde la terreparaıtune necessite. En effet, les surfacesagricoles par habitant devenant de plusenplus restreintes, leurproductivite doitetre assez forte pour parvenir a unequantite suffisante de denrees agricoles(Royal Society, 2009). Par ailleurs, pouravoir un revenu acceptable, les agricul-teurs cultivant des surfaces limitees ontbesoin d’obtenir un niveau suffisant derendement, et des prix assez remune-rateurs. Sur une petite surface il ne suffitpas de reduire les intrants, il est gene-ralement indispensable d’accroıtre laproduction, ou demieux la valoriser partransformation et/ou vente directe.Enfin, avec des rendements soutenus,la necessite de mettre en culture denouvelles terres peut etre moindre, cequi peut contribuer a maintenir labiodiversite et certains ecosystemes.Une bonne productivite de la terreparaıt donc necessaire.

Positionnementdes acteursenversl'intensificationécologiquede l'agriculture

En apparence, un consensusassez positifenvers cette notion. . .De nombreux acteurs plaident pourune modification de l’agriculture afinqu’elle puisse mieux repondre auxenjeux actuels et futurs. Ces proposi-tions de changement beneficient

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souvent aujourd’hui d’un accueil plusfavorable qu’elles ne l’etaient naguere.Certes, les divers acteurs ont frequem-ment des analyses differentes desfacteurs de remise en cause du modelede production des dernieres annees.Mais ils ont engeneral assezbien recu etpercu la notion d’AEI et l’ont reprise ousinon consideree avec un certain inte-ret. Sans etre general, cet accueil plutotfavorable se retrouve dans l’Adminis-tration, la profession agricole, le deve-loppement, divers groupes cooperatifs,la recherche, et des groupes locauxd’agriculteurs, par exemple ceux reunisautour des techniques de conservationdes sols.L’accueil paraıt egalement bon hors dumilieu agricole et para-agricole. Ainsiun sondage realise par l’Institut francaisd’opinion publique (Ifop) a lademande du magazine Valeurs Vertessur un echantillon de 1 000 personnesrepresentatif de la population francaisede 18 ans et plus a montre que pres de40 %desFrancais declaraient connaıtrece terme, alors que pourtant peud’articles avaient encore ete diffusessur ce sujet. Et 73 % des personnesinterrogees indiquaient faire confiancea ce concept (presente il est vrai trespositivement dans le questionnaire)pour relever les defis de l’agriculture(Valeurs Vertes, 2009).Cependant, le fait que la notiond’AEI aitete reprise egalement par de grandsgroupes du secteur agricole, commepar exemple le groupe cooperatifTerrena (2010), a donne a certains lesentiment qu’il s’agissait d’une opera-tion de « verdissement » assez super-ficiel plus que d’un reel changementd’orientation, d’ou parfois une certainesuspicion. Ainsi Perez-Vitoria, 2010estime : « Par un coup de baguettemagique, une agriculture industriellerhabillee de vert et des politiques dedeveloppement (toujours qualifiees de‘‘durables’’) sont remises sur les rails.(. . .) On entretient volontairement laconfusion entre revolution doublementverte, agroecologie, ecoagriculture etagriculture a haut rendement environ-nemental. Peu importe du momentqu’on confere a l’agriculture des‘‘habits verts’’. » Et un article de Cam-pagnes Solidaires, revue de la Confe-deration paysanne, denonce le faitqu’en creant ce nouveau concept onignore l’agriculture paysanne et lesreponses qu’elle propose (Penhouet,2011).

. . .mais beaucoup de freins àune mise en pratiqueUn changement important des prati-ques requiert diverses conditions.L’une d’elles est sans doute qu’il y aitsuffisamment d’acteurs porteurs de cemouvement pour constituer unemassecritique et eviter un positionnement deniche. L’AEI a aussi besoin d’uneacceptation relativement bonne par lasociete car aujourd’hui de nombreuxacteurs hors agriculture veulent direleur mot sur celle-ci. Or pour tirer partiet valoriser les potentialites du vivant etdes agroecosystemes, une oppositionrisque d’apparaıtre entre deux voiesdifferentes d’AEI : l’une, ou celle-ci estune forme d’agriculture paysanne,reposant notamment surune recherched’autonomie des exploitations et uncertain reemploi de pratiques ancien-nes, et l’autre preconisant l’utilisationde nombreuses innovations scientifi-ques ou technologiques (Horlings etMarsden, 2011). Ainsi pour les semen-ces, la recherche de varietes adapteesayant certaines caracteristiques peutconduire a une opposition entre lestenants des varietes anciennes ouissues de populations et ceux conseil-lant des semences obtenues avec desapplications des biotechnologies, dugenie genetique et de la selectiongenomique.Les points de vue des agriculteurs eux-memes en la matiere sont assez peuconnus meme si quelques-uns s’expri-ment sur certains sites internet pro-ches de l’AEI. En effet, il n’y a pas eusur ce point d’enquete sur un echan-tillon representatif rendue publique.Certes dans des domaines comme lesemis sans labour ou l’agriculture deconservation, une partie des exploi-tants s’est deja engagee dans cette voieet la poursuit via divers reseaux (Reauet Dore, 2008). Mais cela n’est pas lecas pour toutes les composantes del’AEI. Pour les agriculteurs, se lancerdans un changement important despratiques peut paraıtre relativementdifficile dans le contexte actuel :– leurs revenus etant plutot bas danscertains secteurs et les techniquesagricoles beaucoup critiquees, il existeun risque de repli pessimiste. Ainsi,dans le barometre de conjonctureagricole Ifop-FNSEA (2011), en 2010pres de la moitie des agriculteurssignalait rencontrer des difficultesimportantes et plus de 10 % envisa-

geaient de cesser leur activite au coursdes 12 prochains mois ;– une part assez importante desagriculteurs est agee et ils sont mainte-nant en petit nombre : en 2009 enFrance 2,7 % de la population ayant unemploi travaillait dans l’agriculture-syl-viculture-peche. Les jeunes souhaitants’installer ont des difficultes a accederau foncier et a reunir le capital neces-saire. Le contexteparaıtmoins favorableque lors de la vague de modernisationde l’apres-guerre ou la foi dans leprogres et les possibilites d’ameliorationde la production et dumode de vie etaitforte, les objectifs concordants et ladynamique d’ensemble porteuse. Parailleurs, dans les pays developpesou les agriculteurs sont peu nombreux,n’existe-t-il pas une certaine inadequa-tion entre les multiples attentes enversl’agriculture et le faible nombred’exploitants, ce qui renvoie aussi a laquestion des prix agricoles ?– de multiples messages parfoiscontradictoires sont adresses aux agri-culteurs. D’un cote, de vives critiquessont formulees en matiere de pollutionpar des associations environnementa-listes et les medias ; d’un autre cote,des acteurs de l’agrofourniture ou del’aval mettent en avant la necessite detraiter suffisamment pour eviter que lesproductions aient un rendement insuf-fisant ou une teneur elevee et penali-sante en mycotoxines, ou soientdeclassees pour ne pas respectercertains standards de qualite. En outrela succession dans le temps d’exhorta-tions fort differentes peut rendre scep-tique : longtemps le mot d’ordre fut deproduire beaucoup et d’avoir de hautsrendements, puis il a ete de chercher astabiliser la production et a extensifier,puis a nouveau un objectif de niveauxeleves de production est de retourapres la crise des prix de 2007-2008 ;– le contexte incertain pourrait incitera la prudence. Or les techniquesproposees paraissent souvent plusexperimentales et moins « etablies ».Et l’incertitude tres forte sur les mar-ches, leurs tendances et les evolutionsde la Politique agricole commune peutrenforcer l’aversion au risque ;– en outre, il peut etre difficile demettre au point des incitations agro-economiques adequates.Ainsi certainesreglementations environnementalespeuvent s’averer peu adaptees auterrain, ne prenant pas suffisammenten compte la diversite des milieux et la

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variabilite interannuelle. Il faudrait enquelque sorte « ecologiser » ces mesu-res, les adapter aux diverses conditionslocales, agropedoclimatiques et socio-economiques. Autrement dit, ce quidevrait inciter a adopter certainespratiques de l’AEI n’y parvient pastoujours ;– l’interdependance des strategies desacteurs rend egalement malaises deschangements decides par une seulecategorie. Ainsi les cultures associeesde diverses varietes ou especes sontsouvent promues pour divers effetsagroenvironnementaux positifs, maisse heurtent a des difficultes lors de leurcommercialisation. De meme, le sec-teur aval peut exiger des fruits etlegumes parfaits d’apparence et refuserde ce fait des produits peu traites.Analysant les obstacles a une reductionde l’emploi des pesticides, Meynard(2010) note : « Ce sont (. . .) nonseulement les systemes de culture, maisaussi les systemes sociotechniques quisont organises autour de l’utilisationdes pesticides. Il serait vain de chercherun responsable a la difficulte des’engager vers des systemes en rupture :c’est l’ensemble du systeme sociotech-nique qui apparaıt bloque. Le systemes’est construit dans une autre configu-ration d’objectifs assignes a l’agricul-ture ; (. . .). Il ne suffit pas de changerles objectifs assignes a l’agriculturepour que le systeme s’adapte auto-matiquement. (. . .) A moyen terme,seule une evolution profonde du sys-teme sociotechnique mobilisant simul-tanement tous les acteurs (ou aumoinsla majorite d’entre eux), pourra per-mettre d’atteindre des objectifs ambi-tieux.(. . .) Ainsi, pour expliquer qu’ilsne promeuvent pas les associations devarietes ou d’especes, les cooperativesinvoquent les exigences de l’aval, lesinstituts techniques les difficultes logis-tiques des cooperatives et les exigencesdes industriels. Chaqueacteur organisesa strategie en fonction de celle desautres, et considere qu’il peut difficile-ment en changer tant que celle desautres n’evolue pas. » Unemodificationdes pratiques necessite donc uneevolution d’une grande partie desacteurs d’amont et d’aval. En outrepour un agriculteur, il peut etre difficiled’adopter desmethodes que ses voisinspercevront parfois comme de mauvai-ses pratiques agricoles (non-labour,presence de mauvaises herbes, etc.)(Goulet, 2010) ;

– enfin, dans la mesure ou il estpropose d’utiliser les processus natu-rels, un certain retour a l’agriculturetraditionnelle ou un reemploi de sestechniques sont parfois prones. Or, siaujourd’hui l’agriculture du XIX

e oudebut du XX

e siecle a tendance a etreconsideree comme un eden, elle futpour beaucoup l’oppose, d’ou unexode rural massif apres 1850. Eneffet, les systemes traditionnels sou-vent percus de nos jours comme desmodeles au niveau ecologique, voiresocio-economique, reposaient sur uneimmense quantite de travail gratuitnon reconnu (aides familiaux, enfants,domestiques, etc.), un poids oppres-sant du collectif, un niveau de viesouvent tres bas, et ils pouvaientcomporter des elements importantsde non-durabilite environnementale :surpaturage, surexploitation de cer-tains sols, deforestation, mauvais etatsanitaire du betail, etc. L’intensifica-tion ecologique du XXI

e siecle ne peutetre un retour a l’agriculture tradition-nelle d’il y a 100 ou 150 ans.

Possibilités, défiset obstaclesau développementd'une agricultureécologiquementintensive

L'intensification écologique,une orientation souventjugée indispensableL’intensification ecologique est fre-quemment consideree comme unenecessite eu egard aux defis a releverdans les prochaines decennies. C’est ceque resume par exemple le Cirad(2008) : « Alors que l’accroissement dela production agricole demeure unepreoccupation majeure, le modeled’une agriculture fondee sur l’utilisa-tion intensive et massive de pesticides,d’engrais chimiques, d’eau et d’energiefossile est aujourd’hui remis en cause. Ilest devenu une necessite autant qu’undefi de rompre avec le paradigmehabituel d’une agriculture qui artifi-cialise, uniformise et standardise tou-

jours plus et qui force le systemebiologique. » C’est egalement ce qu’asouvent souligne Griffon dans sesinterventions. Dans une recentecommunication intitulee « Peut-on pro-mouvoir une agriculture econome,intensive et a forte valeur environne-mentale ? », il ecrit : « Il n’y a pas, a cestade, d’autre voie alternative que detirer le meilleur parti possible desecosystemes ; ceux-ci ont trop long-temps ete ignores au profit d’uneconception de la biosphere commesimple substrat mineral que l’on pou-vait artificialiser, complementer ouforcer par des doses elevees d’intrants.L’AEI, en visant a concilier la mainte-nance de la biosphere avec les hautsrendements qui sont necessaires al’alimentation de la population consti-tue l’hypothese la plus vraisemblable. »(Griffon, 2010b).Cependant dans les dernieres decen-nies, face a des problemes assezproches mais moins aigus, des chan-gements notables dumodele productifagricole ont deja ete proposes tels« une revolution doublement verte »ou « une agriculture plus econome etplus autonome » (Poly, 1977 ; Griffon,1996 ; Conway, 1998). Mais ils ont etepeu mis en pratique ensuite en raisonnotamment du contexte et des evolu-tions de prix, et peut-etre aussi parceque venant d’en haut, ils ne furent passuffisamment repris par tous lesacteurs. De meme aujourd’hui l’evolu-tion vers l’IE requiert un environne-ment en coherence avec cet objectif.

La nécessité d'unenvironnement en phaseLa transition vers une agricultureecologiquement intensive necessiteen effet que le contexte economique,financier, institutionnel, reglemen-taire, social et culturel soit en phaseavec cette orientation. Intensifier eco-logiquement ne peut pas simplementsignifier aujourd’hui de laisser faire lanature. Cela implique d’une part lafaisabilite, viabilite et « vivabilite » deces pratiques pour les agriculteurs etune rentabilite economique suffisante,d’autre part la mobilisation d’autresfacteurs (travail, connaissances, infor-mation, etc.), enfin un environnementsocietal en accord, comme nous allonsl’illustrer.

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La mise en œuvre par les agriculteursdes techniques et pratiques de l’AEIsuppose une rentabilite suffisantede celles-ci. Or si le contexte de fondest favorable (rarefaction des ressour-ces, etc.), il peut etre changeant etvolatil a court terme avec des retour-nements temporaires de situation.Cela peut rendre a certaines periodesles nouvelles orientations difficiles auniveau economique (cf. par exempleune chute momentanee des prix dupetrole decourageant a court terme lesinvestissements economisant l’ener-gie). Le contexte d’incertitude peutfreiner certains changements, d’autantplus que la competition sur les mar-ches internationaux est vive. Les diversacteurs peuvent hesiter a prendre desrisques lies a des innovations peu oumal connues. Les urgences du courtterme passent souvent bien avant laprise en compte d’imperatifs peut-etreplus fondamentaux, mais plus loin-tains. Cela sera d’autant plus le cas siles diagnostics sur les orientations aprendre font l’objet de controverses,ou si l’on subodore que des boule-versements peuvent chamboulerdemain ce qui paraıt ineluctableaujourd’hui.Par ailleurs, si l’interet de reduire lesquantites d’intrants achetes estsouvent evoque, les plus lourdescharges des agriculteurs sont en gene-ral les charges fixes qu’ils cherchentprecisement a couvrir par un certainvolumedeproduction (obtenu souventgrace a l’emploi d’intrants). L’analysedes resultats des exploitations duReseau d’information comptable agri-cole (RICA) montre qu’en 2008, enmoyenne, les achats d’intrants repre-sentaient 38 % des charges, et lescharges fixes 62 % (avec comme grospostes amortissements, charges socia-les et de personnel, loyers et fermages).Si les agriculteurs sont souvent inter-esses par la recherche d’une plusgrande autonomie et d’une reductionde divers achats que suppose implici-tement l’AEI, cette derniere peut neces-siter d’autres apports importants. Eneffet, l’AEI fondee sur une intensifica-tion de l’usage des mecanismes natu-rels peut requerir formation, achatdeconseils, services, equipements etproduits permettant de connaıtre plusprecisement et plus finement certainsmecanismes biologiques ou ecosyste-miques, et ainsi de les utiliser. Elle peutaussi entraıner pour les agriculteurs un

certain accroissement du temps detravail, meme si celui-ci est de natureun peu differente, avec par exempledavantage d’observations.Les processus ecologiques sontcomplexes a connaıtre, prevoir etvaloriser. Leur utilisation durable, sur-tout si l’on vise unebonneproductivite,suppose de tres nombreux travaux derecherche, leur validation en fonctiondes milieux, et donc un investissementconsiderable en recherche-develop-pement (R&D). En outre, l’interactionde nombreux phenomenes rend l’eva-luation des options difficile et certainschoix techniques sont parfois malaises.En effet un changement a souvent a lafois des effets benefiques et d’autresnegatifs. Faire un bilan d’ensemblepour aider a faire des choix ne va pasde soi, vu lamultiplicite des indicateursenvironnementaux et de durabilite.Enfin beaucoup d’incertitudes pesentsur l’avenir malgre les investigationsscientifiques, par exemple en matieredes impacts du changement climatiquesur l’agriculture. Les moyens en R&Dseront-ils a la hauteur ? Ces dernieresannees les depenses en R&D agricolepublique ont eu tendance a baisserdans les pays a haut revenu. AinsiPardeyet Pingali (2010) rappellent que,dans ces pays, la part relative de larecherche publique a eu tendance adecroıtre entre 1973 et 2006 et que parailleurs plus de 60 % des depenses deR&D du secteur agricole et alimentairesont affectees a la transformationalimentaire et aux boissons, non ausecteur agricole lui-meme. En outre larecherche est souvent orientee vers desapproches pointues assez reduction-nistes et moins vers des demarchesplus holistiques du fonctionnementdes agroecosystemes (Vanloqueren etBaret, 2009). Si les recherches priveessont de leur cote assez importantes,compte tenu de la pression des mar-ches financiers, elles visent d’abordl’obtention de bons resultats economi-ques pour les firmes et leurs actionnai-res, ce qui peut ne pas correspondre ala valorisation des processus ecosyste-miques. Cependant, depuis quelquesannees les questions agricoleset alimentaires sont revenues surl’agenda des grandes organisationsinternationales, et la recherche agro-nomique publique elargit ses investi-gations entre autres vers l’agroecologie(Inra, 2010). Mais cela suffira-t-il face al’ampleur des travaux a mener et aux

injonctions de diminuer les depensespubliques ?L’objectif d’utiliser les processus eco-systemiques pose aussi des questionsagroeconomiques. D’une part les eco-systemes sont d’une richesse tresinegale du fait de variabilites naturel-les. L’artificialisation du milieu avaitpour but de compenser les limitesnaturelles. Se donner comme pro-gramme d’utiliser les processus ecolo-giques ne risque-t-il pas d’aviver lesdisparites entre regions ? Par exemple,la « vache a l’herbe » est promuecomme modele, mais ce systeme estmal adapte la ou les etes sont secs et/oules hivers longs, et ou les conditionsclimatiques rendent difficile de reussirles foins et les stocks de fourrage. C’estl’un des facteurs expliquant la diffusiondu modele maıs-soja. En effet, larecherche d’autonomie par valorisa-tion des ressources locales, souventmise en avant, peut s’averer fort difficilequand ces ressources sont limitees, etquand on ne dispose que d’une petitesurface. Il est donc necessaire d’agir ades echelles plus larges.Or le poids des specialisationsterritoriales actuelles freine, voirebloque, certains changements. Ainsi,l’association culture-elevage peut per-mettre des economies d’engrais, lavalorisation des legumineuses en ali-mentation animale et eviter les effetsnegatifs de leur disjonction, notammentl’exces de dejections animales en cer-taines zones et le manque d’apportsorganiques ailleurs. Mais son adoptionse heurte a la separation actuelle desproductions animales et vegetales sur leterritoire et au refus de beaucoup del’installation d’elevages la ou il n’y en apas. Si la culture de legumineuses estbenefique pour l’apport d’azote au solet l’alimentation animale, elle est parfoisdifficile a adopter dans les regions sanselevage. Plus generalement commel’ont souligne nombre d’auteurs(Zhang et al., 2007 ; Power, 2011),l’echelle des services et « disservices »ecosystemiques est souvent bien au-dela de la parcelle ou de l’exploitation,elle se situe a des niveaux plus larges :environnement local, petite region,vaste zone, voire planete quand il s’agitdes aspects climatiques globaux. De cefait, la multitude d’acteurs et d’enjeuximpliques peut rendre les evolutionssouhaitees malaisees a impulser.D’autre part, l’AEI necessiterait ausside repenser la place de l’agriculture

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dans le systeme agroalimentaire :aujourd’hui l’agriculture vend surtoutdes produits a bas prix en quantiteimportante, et une part de la produc-tion fait l’objet de contrats. Cela induitsouvent la recherche d’une gamme deproductions standardisees et regulie-res repondant aux exigences de l’aval,notamment des entreprises regionalesde collecte et transformation. Denouvelles cultures introduites dans larotation pour l’allonger et diversifierrisquent de trouver difficilement pren-eur, a fortiori si les quantites obtenuessont plutot faibles du fait de la recher-che de diversification. Comment lesecouler sachant que tout ne peut pasetre vendu directement a l’utilisateurfinal ?Enfin l’AEI correspond a un change-ment radical dans les relationshomme/nature qui ne va pas desoi. Il ne faut pas oublier que la naturepeut etre extremement rude, voireviolente (secheresses, orages, gel,pluies diluviennes, vents violents,tremblements de terre, etc.). Il est doncparfois necessaire de chercher a aller al’encontre de ses effets, meme si c’esten tenant compte de ses processus. . . Ilfaut aussi parfois limiter les effets des« disservices » (Lyytimaki et Sipila,2009). Plutot que de prendre la naturecomme modele, l’objectif de l’AEIdevrait etre de s’inspirer de ses pro-cessus. Et si l’agriculture convention-nelle cherchait souvent a modifier etartificialiser le milieu pour en accroıtrela productivite par forcage, l’AEI viseraplutot a integrer ses techniques etsystemes productifs a celui-ci.

Conclusion

Aujourd’hui en France, l’agricultureintensive est souvent vilipendee carpour beaucoup elle signifie emploid’intrants polluants. Mais ce terme doitetre examine de plus pres : en quoil’agriculture est-elle intensive, c’est-a-dire quels facteurs sont utilises pouraccroıtre la production a l’hectare ? Eneffet des facteurs differents desintrants conventionnels peuvent etremobilises de facon complementaireou en substitution : travail, equipe-ments, connaissances, information,processus ecosystemiques, etc. Parailleurs, meme si cela fait l’objet dedebats, il paraıt necessaire de viser un

niveau assez eleve de productivite al’hectare cultive dans les prochainesannees et decennies compte tenu del’evolution de la population et desconcurrences entre les usages de laterre.L’IE vise ainsi a mobiliser des fonc-tionnalites des ecosystemes, maisd’autres facteurs sont necessaires pourpouvoir obtenir une production suffi-sante. Si le concept d’AEI est jugesouvent seduisant, il faut etudier defacon approfondie si et comment cetteoption pourra assurer des quantitesadequates de nourriture, alimentationanimale, fibres, materiaux, biocom-bustibles et sources de plaisir, « food,feed, fiber, fuel, and fun ». Certes leniveau des diverses demandes asatisfaire est a questionner car, au-dela les imperatifs physiologiques debase, la quantite de biens et servicesjugee « necessaire » est tres variable.Cet aspect n’a pas ete traite ici car ilnecessiterait en lui-meme de nom-breuses investigations ; or ce texte asurtout cherche a mieux definir l’AEIet a analyser certains de ses freins etpossibilites de developpement auniveau socio-economique.Meme si les crises actuelles ou annon-cees peuvent inciter a des change-ments et des ruptures, la transitionvers une agriculture ecologiquementintensive ne va pas de soi, d’ou l’utilitede poursuivre des investigations enagroecologie, mais aussi des analysessocio-economiques des voies et pos-sibilites en la matiere. En effet lesdiverses composantes de la durabilitedoivent etre integrees. Il semble ainsinecessaire demieux valoriser le metierd’agriculteur dans le monde, d’autantplus que beaucoup de demandes etd’exigences sont adressees a l’agricul-ture et que de multiples critiques sontfaites aux pratiques mises en œuvre.L’evolution de ce secteur requiert enoutre celle de son environnementtechnique, economique, social et ins-titutionnel, aussi est-il utile d’analyserles points de vue et les contraintes desdivers acteurs concernes. Si l’intensi-fication ecologique parait une voieinteressante, voire prometteuse abeaucoup, les nombreuses interac-tions en jeu rendent complexe sa miseen pratique. En effet les contrainteseconomiques et financieres de courtterme pesent souvent lourd, et lespreoccupations immediates peuventconduire a des choix peu favorables

au milieu naturel. La premiere condi-tion pour un developpement de l’AEIest que les agriculteurs s’emparent dece concept au-dela des techniques deconservation des sols, mais aussi quel’environnement agricole d’amont etd’aval evolue pour qu’elle soit pos-sible, et plus generalement quel’ensemble de l’economie et de lasociete s’oriente vers une plus grandedurabilite. Plus largement une meil-leure gouvernance mondiale seraitnecessaire, pour eviter que, mise enœuvre en certains lieux, l’AEI voit seseffets presque annules par ce qui sepasse ailleurs. . .Ce qui est en jeu dans l’intensificationecologique est une modification desrelations homme/nature concernantl’ensemble de la societe. Ces dernieresannees, divers scientifiques et orga-nismes ont mis l’accent sur la depen-dance de l’humanite envers le milieunaturel, ses ressources et ses proces-sus, en vue notamment d’impulser unchangement de comportements et detechniques. En effet l’urbanisationcroissante, l’industrialisation de laproduction, la dematerialisation et lavirtualisation de l’economie pour-raient donner a penser bien a tortque l’humanite s’est largement affran-chie de son environnement naturel. Ilfaut toutefois eviter aussi une appro-che trop utilitariste ou instrumentali-see de la nature et des services desecosystemes (Maris, 2010). Le milieunaturel et l’environnement ne doiventpas etre consideres comme de simplespourvoyeurs de ressources et servicesqu’il faudrait manager avec efficience,efficacite et rentabilite. C’est unemeilleure insertion de l’homme et deses activites dans le monde vivant quiest necessaire, ce qui necessite unbouleversement cultural mais surtoutculturel. &

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