mise au point d’un questionnaire d’analyse des pensées et sentiments autour de l’alimentation

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312 Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005 psychologie psychologie MISE AU POINT D’UN QUESTIONNAIRE D’ANALYSE DES PENSÉES ET SENTIMENTS AUTOUR DE L’ALIMENTATION Daniel RIGAUD 1 , Hélène PENNACCHIO 1 , Omer Van den BERGH 2 , Marie-Laure LALANNE MISTRIH 1 , Karen DEMANGE 1 , Jean-Michel HUET 3 , Claude FISCHLER 3 , Matty CHIVA 3 † L’alimentation a quatre objectifs [1] : nutritionnel, affectif social, sensoriel. Le premier est indispensable à apporter l’énergie et les nutriments nécessai- res pour croître, se réparer donc s’entretenir, se reproduire, se relier à l’exté- rieur et maintenir stable sa température. Le deuxième permet de resserrer les liens entre individus d’un même groupe social, contribuer à alimenter les échanges entre individus. Le troisième objectif a pour fonction de participer à la gestion de nos émotions (humeur, affects) et de nos sensations (désir, plaisir). L’homme est programmé pour manger, mais la manière dont il le fait est en grande partie apprise [1]). Programmé, l’homme l’est par l’ensemble des signaux qui conduisent à la faim et au rassasiement, aux fonctions métabo- liques qui suivent l’ingestion. Le bébé mange à sa faim sans l’avoir appris. Mais très vite, l’enfant apprend à manger. Il le fait, comme l’adulte, au fil d’expériences et d’apprentissages personnels et familiaux, tout autant conscients qu’inconscients. L’homme développe des pensées (aspects cogni- tifs) et des émotions (aspects sensoriels et affectifs) vis à vis de l’alimentation. Ces deux aspects, le cognitif et le sensoriel, sont intriqués et parfois contra- dictoires [1-5]. Depuis 20 ans, notre environnement alimentaire a consi- dérablement changé : tout est beaucoup plus disponible à relativement peu de frais [6, 7] ; les conditions dans les- quelles nous le faisons (lieu, mais aussi préparation et temps pour le faire) se sont radicalement modifiées. La diversité et la disponibilité alimentaires permettent aux consommateurs de réaliser des choix complexes, donc susceptibles de modifier leurs pensées et relations avec l’alimentation. Dans le même temps, les médecins et nutritionnistes ont indiqué aux consommateurs comment manger « santé ». Le désir et la gestion des émotions entrent ainsi en conflit potentiel avec la pensée rationnelle [8, 9]. En effet, le message « santé » peut induire chez cer- tains la crainte de ne pas manger conformément à l’idée qu’ils se font de la diététique [6]. La diversité alimentaire, sa disponibilité ont changé les conditions dans lesquels les individus ont à faire un choix. Enfin, un certain nombre d’aliments ou plats sont présentés en restauration collective, alors qu’ils étaient auparavant achetés chez un commerçant proche et mangés à domicile. Ceci est susceptible d’entraî- 1. CHU Le Bocage, 21000 Dijon. 2. Département des Sciences Humaines, Université de Liège, Belgique. 3. Association Autrement, 9 rue de Metz 21000 Dijon. Correspondance : D. Rigaud, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected] Étude réalisée avec l’aide financière, en 2003, du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) de la Direction Générale de la Santé (DGS), ainsi que celle de l’Association AUTREMENT (9, rue de Metz – 21000 DIJON). Tél : 03 80 66 83 47 – Email : [email protected]

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312 Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005

psychologie

psychologie

MISE AU POINT D’UN QUESTIONNAIRE D’ANALYSE DES PENSÉES ET SENTIMENTS AUTOUR DE L’ALIMENTATION

Daniel RIGAUD1, Hélène PENNACCHIO1, Omer Van den BERGH2, Marie-Laure LALANNE MISTRIH1,Karen DEMANGE1, Jean-Michel HUET3, Claude FISCHLER3, Matty CHIVA3 †

L’alimentation a quatre objectifs [1] : nutritionnel, affectif social, sensoriel.Le premier est indispensable à apporter l’énergie et les nutriments nécessai-res pour croître, se réparer donc s’entretenir, se reproduire, se relier à l’exté-rieur et maintenir stable sa température. Le deuxième permet de resserrerles liens entre individus d’un même groupe social, contribuer à alimenter leséchanges entre individus. Le troisième objectif a pour fonction de participerà la gestion de nos émotions (humeur, affects) et de nos sensations (désir,plaisir).L’homme est programmé pour manger, mais la manière dont il le fait est engrande partie apprise [1]). Programmé, l’homme l’est par l’ensemble dessignaux qui conduisent à la faim et au rassasiement, aux fonctions métabo-liques qui suivent l’ingestion. Le bébé mange à sa faim sans l’avoir appris.Mais très vite, l’enfant apprend à manger. Il le fait, comme l’adulte, aufil d’expériences et d’apprentissages personnels et familiaux, tout autantconscients qu’inconscients. L’homme développe des pensées (aspects cogni-tifs) et des émotions (aspects sensoriels et affectifs) vis à vis de l’alimentation.Ces deux aspects, le cognitif et le sensoriel, sont intriqués et parfois contra-dictoires [1-5].

Depuis 20 ans, notre environnement alimentaire a consi-dérablement changé : tout est beaucoup plus disponible àrelativement peu de frais [6, 7] ; les conditions dans les-quelles nous le faisons (lieu, mais aussi préparation ettemps pour le faire) se sont radicalement modifiées. La

diversité et la disponibilité alimentaires permettent auxconsommateurs de réaliser des choix complexes, doncsusceptibles de modifier leurs pensées et relations avecl’alimentation. Dans le même temps, les médecins etnutritionnistes ont indiqué aux consommateurs commentmanger « santé ». Le désir et la gestion des émotionsentrent ainsi en conflit potentiel avec la pensée rationnelle[8, 9]. En effet, le message « santé » peut induire chez cer-tains la crainte de ne pas manger conformément à l’idéequ’ils se font de la diététique [6]. La diversité alimentaire,sa disponibilité ont changé les conditions dans lesquels lesindividus ont à faire un choix. Enfin, un certain nombred’aliments ou plats sont présentés en restauration collective,alors qu’ils étaient auparavant achetés chez un commerçantproche et mangés à domicile. Ceci est susceptible d’entraî-

1. CHU Le Bocage, 21000 Dijon.2. Département des Sciences Humaines, Université de Liège, Belgique.3. Association Autrement, 9 rue de Metz 21000 Dijon.

Correspondance : D. Rigaud, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected]

Étude réalisée avec l’aide financière, en 2003, du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) de la Direction Générale de la Santé (DGS), ainsi que celle de l’Association AUTREMENT (9, rue de Metz – 21000 DIJON). Tél : 03 80 66 83 47 – Email : [email protected]

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ner une modification en profondeur du comportement ali-mentaire, d’autant que des messages contradictoires,émanant de la publicité et de revue « spécialisées », sontrépercutés au consommateur. Il est possible que cecigénère une méfiance à l’égard de l’alimentation et queles aliments proposés ne semblent pas appropriés auconsommateur [6, 10]. Faire un choix devient compliqué,entre peurs et plaisir, entre affects, cognition et sensationsolfacto-gustatives [10-13].Il est intéressant de savoir si ces pensées modifient les rap-ports des consommateurs avec leur alimentation [11,12] : sensation d’être bien ou mal dans sa peau, d’êtretriste ou gai, tendu ou relaxé en réponse à l’acte alimen-taire ou à la restauration collective… Enfin, pris dans lescampagnes « minceurs », bien des gens risquent d’avoirdéveloppé une relation de méfiance à l’égard de leur ali-mentation : peur de grossir, développement de troublesdu comportement alimentaire.Il existe de nombreux questionnaires sur l’alimentation enlangue française. Ces questionnaires ont porté sur lesapports [14-17], sur les habitudes [18, 19], sur la satisfac-tion face à ce qui est servi [20]. Certains ont été validés[20-23].Il n’y a pas en revanche de questionnaire validé en Francevisant à analyser les pensées cognitives, c’est-à-dire ration-nelles (c’est bon marché, c’est compliqué, c’est diététi-que), sensorielles (c’est bon, nourrissant) et affectives (c’estfamilier, anti-stress, ça me rend sale, bizarre, gai, gros…),autour de l’alimentation, afin de les étudier ensuite enrelation avec le comportement alimentaire (« quand jecommence à manger, je ne peux plus m’arrêter », « man-ger fait grossir », « je ne peux aller au restaurant », « je nepense qu’aux calories »).Le but de ce travail était de construire un tel questionnaireen langue française, plus adapté à notre culture que lesquestionnaires d’origine anglo-saxonne. Ce questionnaireavait pour objectif de mieux apprécier les pensées et sen-timents autour de l’alimentation, notamment chez despersonnes ayant « des conduites alimentaires déviantes »,grâce à l’inclusion dans le questionnaire de questions vali-dées pour les dépister.

Matériel et méthodes

Un comité de travail a été réuni. Il comportait six nutri-tionnistes : deux médecins, deux chercheurs en scienceshumaines, un enseignant en psychologie, un psychothéra-peute ; il comprenait aussi une ancienne malade atteinted’un trouble du comportement alimentaire et un représen-tant du milieu associatif des consommateurs.Les « experts » se sont réunis pour définir des questionsautour de l’importance, pour le consommateur, d’aspectscognitifs (c’est « diététique », « c’est gras », « c’est calori-que », « c’est riche en fibres »…), sensoriels (« c’est bon », )ou affectifs (« ça m’angoisse », « ça me rend sale »,« triste », « ça m’angoisse »…) et des comportements fré-quents (« je ne peux pas m’arrêter », « je saute desrepas »…) vis-à-vis de l’alimentation [6-9] : neuf grandsthèmes ont été définis en fonction des objectifs ci-dessus :1) l’intérêt porté à l’aspect pratique, 2) au coût, 3) àl’aspect « santé », 4) à l’aspect « naturel » 5) et diététique,6) aux saveurs et au goûts, 7) à l’équilibre personnel, 8) àl’aspect politique ; 9) enfin un thème « angoisse autour del’alimentation ». De 8 à 10 questions ont été retenues

pour chaque thème. Les réponses ont été imposées(patron de réponse) pour permettre leur analyse statisti-que : « pas du tout important » « a une certaine impor-tance », « important » et « très important » (4 classes). Septtypes d’« émotions » ont été par ailleurs retenues : bienêtre, inquiétude, tension, étrangeté, tristesse, angoisse,rejet. De 2 à 3 questions ont été définies pour chaquethème. Les réponses étaient imposées, allant de « trèsnégatif » à « très positif » en passant par un état neutre(7 classes). Ex. : quand je pense aux aliments que jemange, je me sens… de « sombre » à « de bonnehumeur », avec comme réponses possibles : très, plutôt, unpeu sombre et un peu, plutôt et très « de bonne humeur ».Un autre volet concernait des comportements alimen-taires : il a été construit à partir du questionnaire dit du« Eating Disorder Inventory (EDI) » traduit en français etantérieurement validé [24], dont il reprenait les questions.Il en ajoutait deux, qui définissent boulimie et compulsionsalimentaires. L’EDI, bien connu, a été élaboré pour dépis-ter un TCA. Enfin, une fiche signalétique précisait : sexe,âge, taille, poids, condition de vie (familiale), niveau d’étu-des, emploi, lieu des repas, saut(s) de repas, prises « d’encas » et grignotages (5 niveaux), régimes hypocaloriques(5 niveaux), évolution du poids (stable, en baisse, enhausse), activité physique (4 niveaux).Au total, le questionnaire comportait initialement 132 ques-tions : 81 sur les pensées ; 14 sur les sentiments ; 18 ques-tions sur le comportement alimentaire ; 19 questionssignalétiques.Le questionnaire a ensuite été relu et corrigé par l’ensem-ble du comité, puis adressé à une vingtaine de personnesà qui il était demandé de juger la compréhension, l’absenced’ambiguïté et la lisibilité des questions. Un certain nom-bre de questions ont paru redondantes ou peu claires ousans intérêt. Ceci nous a conduit à éliminer 24 questions.Certaines redondances ont été gardées pour vérifier lareproductibilité des réponses et le niveau d’implication dusujet. Le but en était de pouvoir éliminer les questionnai-res peu fiables.Le questionnaire a ensuite été retravaillé par 43 étudiants,médecins pour la plupart, participant au Diplôme d’Etu-des Spéciales Complémentaires en Nutrition (session deDijon) : 23 questions ont ainsi été ré-écrites pour être plusclaires. Neuf ont été supprimées.Le questionnaire a ensuite été remis à 88 étudiants enmédecine de la faculté de Dijon (DCEM 2) pour apprécierle temps de réponse moyen, le nombre de questions ren-seignées et la cohérence d’ensemble. Sur les répondants,47 personnes ont accepté de le renseigner une 2e fois, àdeux semaines d’intervalle.Au terme de cette analyse, 11 questions ont été exclues,faute d’être renseignées ou comprises par plus de 80 %des étudiants ou parce qu’écart entre les réponses à unemême question était supérieure à 1 point. Le question-naire « définitif » initial comprenait donc 88 questions.C’est ce dernier questionnaire qui a été adressé à 114 étu-diants en médecine de la faculté de Dijon de DCEM 1 etDCEM2, pour confirmer de façon prospective la perti-nence du questionnaire. Il a été par ailleurs envoyé à112 personnes tirées au sort (par la poste) dans l’agglo-mération de Dijon, sans exclusion de quartier.

Analyse statique

Elle a été effectuée en trois temps :

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Premier tempsLa reproductibilité a été testée chez 28 étudiants et19 personnes de la population dijonnaise. Le pourcen-tage de réponses concordantes soit à la même question,soit aux questions de même signification a été déterminé.Le but était d’une part de compter le nombre de question-naires incohérents et d’autre part de supprimer les ques-tions mal comprises par plus de 20 % des personnesinterrogées. De plus, l’analyse statistique suivante a étéfaite sur Excel : les réponses (de 1 à 4 ou de – 3 à +3)aux mêmes questions des parties A (habitudes), B (senti-ments) et C (jugements) données la 1re et la 2e fois ont étécomparées chez les 47 volontaires ci-dessus. Si laréponse différait de 1 point à la question, par rapport àla réponse précédente, la réponse était jugée « nonconcordante ». Nous avons ainsi pu déterminer le pour-centage de réponses concordantes. Les auteurs ontcomparé aussi le degré de fiabilité des réponses en regar-dant les réponses aux question de même ordre chez les88 étudiants en Médecine et les 112 personnes de lapopulation générale. Le résultat d’un test F a été utilisé :il renvoie à la probabilité unilatérale que les variances desarguments matrice 1 (premier questionnaire ou premièrequestion) et matrice 2 (2e questionnaire ou 2e questionapparentée à la 1re) ne présentent pas de différence signi-ficative. S’il y a une différence, F est supérieur à 0,05 etla réponse est jugée « non concordante ».

Deuxième tempsLe regroupement de toutes les questions relevant du mêmethème a été effectué, afin de juger de leur valeur de concor-dance et de discordance. Le but était d’éliminer certainesquestions trop semblables (sauf celles mises en place pourjuger de la fiabilité des réponses d’une personne donnée auquestionnaire). Ainsi avons-nous regroupé « soient faciles àpréparer » avec « faciles à trouver », « faciles à cuisiner »,« rapides à préparer », « mangé près mon lieu travail ».

Troisième tempsL’étude statistique s’est attachée à établir, sur la version« finale » du questionnaire, des moyennes et écarts types,des corrélations et analyses de variance à un facteur. Lesvaleurs de signification, compte tenu du nombre de testseffectués, étaient pondérés par un test de Bonféroni etfixées à P < 0,05. Les analyses statistiques ont été effec-tuées sur Excel 2000. Les concordances ont été testéesavec le test F (différence si F > 0, 05) et les différences avecle test t de Student ou l’analyse de variance (P < 0,05).

Résultats

L’analyse porte sur les réponses aux questions qui ont étémaintenues inchangées dans la dernière version. En effet,aucune différence n’a été observée (P > 0,60) entrel’avant dernière version, remise à 88 étudiants en méde-cine de D1 et la dernière version remise aux 114 étu-diants en médecine de D1 et D2 (certains de D2 étant lesmêmes que les D1 de l’année d’avant) et aux 112 person-nes tirées au sort à Dijon.

Caractéristiques des deux populations

L’âge moyen des étudiants était de 21,6 ± 2,9 ans. L’échan-tillon comprenait 76 % de femmes. L’indice de masse cor-

porelle moyen était de 20,93 + 2,68 kg/(m)2 (60 kg ;1,69 m). Trente trois pour cent disaient n’avoir aucune acti-vité physique, 60 % avoir une activité modérée, 4,5 % uneactivité moyenne et 2,3 % une activité intense. Il y avait unebonne concordance de réponse aux questions sur l’activitéphysique (F 0,03 ; 97 % de concordance). Le pourcentaged’étudiants disant faire un régime pour maigrir était le sui-vant : tout le temps au régime : 2 %, souvent au régime :4 %, parfois : 32 %, oui, en ce moment : 6 % et jamais :56 %. Il y avait une excellente concordance entre les ques-tions « régime » (F = 0,02 ; 89 %).L’âge moyen de l’échantillon population était de 40,9± 5 ans, avec 79 % de femmes, un IMC de 22,80 ± 3,53 kg/(m)2 (63,27 kg ; 1,66 m). Il n’y avait pas de diffé-rence majeure d’activité physique, par rapport aux étu-diants (P = 0,14). L’activité physique était nulle pour38 %, modérée pour 60 %, moyenne ou intense pour2 %. Le suivi de régimes hypocaloriques était, dans lapopulation dijonnaise, assez proche de celui des étudiants(P = 0,23 ; NS) ; tout le temps au régime : 4 %, souventau régime : 9 %, parfois : 27 % ; oui, en ce moment : 7 %et jamais : 60 %. Il y avait une bonne concordance entreles questions « régime » (F = 0,03 ; concordance :94 %).Concernant le grignotage et les en cas (hors goûter), 18 %des étudiants répondaient qu’ils n’en faisaient jamais,48 % une fois/jour, 25 % 2 à 3 fois/j, 5 % 4 à 5 fois/jet 4 % plus de 5 fois par jour. Dans la population géné-rale, les résultats étaient proches (NS). Pour le petit déjeu-ner, 68 % des étudiants répondaient en prendre un tousles jours, 11 % pratiquement chaque jour, 2 % irréguliè-rement, 9 % qu’ils n’en prenaient jamais. Le petit déjeu-ner était pris « chez soi » dans 89 % des cas. C’était aussile cas du déjeuner dans 48 % et du dîner dans 77 % descas, tandis que 10 % des étudiants ne prenaient que rare-ment de déjeuner. Il y avait une excellente concordance(F = 0,21 ; 92 % de concordance) entre ces réponses etla question « je saute des repas ». Dans la population, lesrésultats étaient les voisins : Pour le petit déjeuner, 75 %des gens répondaient en prendre un tous les jours, 14 %pratiquement chaque jour, 4 % irrégulièrement, 7 %jamais. Le petit déjeuner était pris « chez soi » dans 93 %des cas. C’était aussi le cas du déjeuner dans 64 % et dudîner dans 79 % des cas. Il y avait une excellente concor-dance (F = 0,026 ; 97 %) entre ces réponses et la ques-tion « je saute des repas ».

Temps de réponse

Le temps de réponse moyen (47 étudiants) était de 7± 3 min. Dans un échantillon de population (23 person-nes), il était de 8,5 ± 3 min (NS).

Taux de réponses

La 1re version, remise à 88 étudiants, a été rendue toutesquestions renseignées par 75 d’entre eux (85 %). La2e version, remise à 114 étudiants, l’a été par 94,5 %d’entre eux. Dans cette version, les questions non rensei-gnées par les 12 étudiants restants (10 %) étaient 2 ques-tions portant sur les sensations et humeurs : quand jepense aux aliments ou à l’alimentation que l’on mepropose, je me sens « enlaidi(e) » ; je me sens « triste ».treize étudiants n’ont pas compris de une à 4 questions.Dans la population, le taux de réponses complètes étaitde 93 % (NS avec les étudiants).

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Cohérence des réponses

La cohérence des réponses données par le panel étu-diants a été analysée sur les 75 questionnaires remplis entotalité de la 1re version et les 102 questionnaires « 2e ver-sion ». Concernant les pensées à l’égard de l’alimentation,La concordance globale de réponses était satisfaisante :pour les pensées cognitives, moins de 0,3 point de diffé-rence pour une échelle de 4 points, allant de « très impor-tant » (coté 3) et « pas du tout important » (coté zéro) ;pour les pensées affectives, moins de 0,6 pour une échellede 7 points, allant de – 3 à +3 (avec zéro).

Reproductibilité des réponses

La reproductibilité, testée chez 38 étudiants et 19 person-nes dijonnaises, d’âges non différents de ceux des popu-lations globales, était satisfaisante : r de corrélation derespectivement 0,81 et 0,77 (P = 0,001). Concordancemoyenne : 92 ± 5 %.

Détail des réponses

Parmi les 6 questions renseignant l’importance du côtépratique de l’alimentation, une bonne concordance exis-tait (tableau I) : probabilité d’identité = 98,4 % (F = 0,01).

L’exception était la question « Il est important pour moique les aliments quotidiens soient ce que je mange d’habi-tude » (6e colonne).Parmi les 3 items concernant l’intérêt porté au coût del’alimentation (tableau II), une extrême concordance exis-tait entre les items 1 et 3 (tableau II) : probabilité d’iden-tité = 92,7 % (P < 0,01). En revanche, les étudiantstendaient à accorder plus de valeur à l’item « bon rapportqualité-prix ».Parmi les 4 items concernant l’intérêt porté au caractèrenaturel des aliments, une bonne concordance existaitentre items (tableau III) : probabilité d’identité = 89,5 %(F = 0,048). Cependant, l’étiquette « naturel » avait plusde valeur ajoutée pour les personnes interrogées que lesautres items (P < 0,05). Cet item renferme donc une pen-sée supplémentaire.Parmi les 7 items concernant l’intérêt porté au odeurs etsaveurs des aliments (tableau IV), c’est la hauteur de lanote qui frappait avant tout : de 2,08 à 2,75 selon l’item(max : 3). La concordance entre items était plus faible. Ilse dégageait deux groupes de questions : ce qui est bon :probabilité de concordance = 97,2 % (F = 0,008) ; la tex-ture et l’aspect, moins côtés : F = 0,054. Le lien entre ces2 groupes était faible : probabilité de concordance< 31 % (F = 0,43). Enfin, l’item « ils ressemblent aux bons

Tableau I.Côté pratique de l’alimentation.

Faciles à préparer

Faciles à trouver

Faciles à cuisiner

Rapides à préparer

Près lieude travail

Comme d’habitude

Moyenne 1,72 * 1,70 1,76 1,77 1,80 0,76ED 0,84 ** 0,92 0,86 0,91 0,94 0,76

* moyenne ; ** écart type. 5e col. : « soient disponibles près de mon lieu de travail ».ED : écart standard. Minimum : 0 ; maximum : 3.

Tableau II.Coût de l’alimentation.

Pas chers Bon rapport Qualité-prix Bon marché

Moyenne 1,47 2,18 1,48ED 0,78 0,69 0,80

« Il est important pour moi que les aliments que je mange tous les jours… » Minimum : 0 ; maximum : 3.

Tableau III.Caractère naturel de l’alimentation.

Pas additifs Naturels Pas ingrédient chimique Emballage écolo

Moyenne 1,25 1,90* 1,27 1,57ED 0,89 0,84 0,95 0,98

Minimum : 0 ; maximum : 3. * P < 0, 05.

Tableau IV.Intérêt porté aux odeurs et saveurs des aliments.

Me plaisent Sentent bon Bon goût Agréable à voir Texture agréable Font du bien Aliments enfance*

Moyenne 2,63 2,48 2,75 1,81 1,78 1,85 0,82ED 0,63 0,83 0,48 0,92 0,97 0,97 0,81

*« que mes aliments de tous les jours est le goût des aliments de mon enfance ». Il est moins important que les aliments soient « agréables à voir » que « bonsau goût » (P < 0, 01).

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aliments de mon enfance » n’était manifestement pas dansle même registre (taux de concordance : NS).Parmi les 3 items connotant des pensées autour d’unaspect politique (tableau V), aucune concordance n’étaittrouvée (P > 0,6). L’intérêt était plus marqué pour l’aspect« écologique de l’emballage ». Dans l’ensemble, les notesn’étaient pas fortes (moins de 1 pour un maximum de 3).Neuf items (tableau VI) avaient été imaginés pour rendrecompte du besoin des personnes interrogées d’avoir desrepères rassurants et lutter contre l’angoisse. De toute évi-dence, certains items étaient parfaitement concordants(concordance > 92 % (P < 0,001) : qu’ils soient familiers,qu’ils ressemblent aux aliments de mon enfance, qu’ilsm’aident à me relaxer, à affronter la vie, à supporter lesstress, qu’ils soient ce que je mange d’habitude. En revan-che, l’item « qu’ils me fassent du bien » ne s’inscrit pasdans la même pensée (concordance de 45 % avec laréponse donnée aux autres items). Pour les étudiants

interrogés, ceci recoupe un aspect sensoriel, comme onle verra plus loin. De plus, les étudiants interrogés accor-dent beaucoup plus d’importance (P < 0,01) à cet item(1,85, pour un maximum possible de 3) qu’à tous lesautres (moyenne globale : 0,78).Enfin, un certains d’items questionnaient les aspects« Force et équilibre », « Santé » et « Diététique ». Les résul-tats sont donnés dans les tableaux VII à IX. On voit queles aspects « nourrissants », « me font du bien », « natu-rels », « me maintiennent en bonne santé » et « soientriches en vitamines et minéraux » sont bien plus impor-tants que les autres items (P < 0,001).Il était beaucoup plus important que les aliments maintien-nent en bonne santé ou soient naturels qu’ils soient pau-vres en graisses ou sans additifs (P < 0,001).En revanche, dans cette population d’étudiants en méde-cine, l’aspect « hypocalorique » (3 items) parait moinsimportant que les autres (tableau IX).

Tableau V.Intérêt porté à des éléments de nature politique.

Emballage écologique Pays que j’accepte politiquement Indications claires du pays d’origine

Moyenne 1,57 0,32 0,94Ecart standard 0,98 0,81 0,92

« …que les aliments que je mange tous les jours aient un emballage qui respecte l’environnement écologique ». « …qu’il y ait une indication claire du paysd’où ils viennent (viande par exemple)… ».

Tableau VI.Pensées autour des repères et du stress.

Soient familiers Support stress Aliments de enfance Aide à me relaxer Affronter la vie Mange habitude

Moyenne 0,84 0,74 0,82 0,84 0,84 0,76ED 0,94 0,93 0,81 0,94 1,00 0,76

Tableau VII.Pensées autour de l’équilibre.

Alerte et éveillé Me font du bien Soient nourrissants

Moyenne 1,51 1,85 2,13ED 1,06 0,97 0,85

Tableau VIII.Pensées vis-à-vis de la dimension Santé et diététique.

Soient naturels* Riches fibres Pas additifs Pas ingrédient En bonne santé Bons pour peau…

Moyenne 1,90 1,19 1,01 1,31 2,48* 1,33ED 0,84 0,95 0,89 0,95 0,74 1,01

Pas d’ingréd. = ne contiennent pas d’ingrédients « chimiques ». * P < 0, 01. « bons pour ma peau, mes dents, mes cheveux, mes ongles…

Tableau IX.Pensées vis à vis de l’aspect amaigrissant.

Peu caloriques Pauvres graisses* Contrôle poids Vit. et minéraux Riches en protides

Moyenne 0,95 1,27 1,17 1,97 1,53ED 0,80 0,76 1,05 0,85 0,95

* Aspect « pondéral » ; Vit. et minéraux : soient riches en...

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Échelle des réponses

Sans entrer dans les détails, l’échelle des réponses auxquestions était satisfaisante, les volontaires utilisant toutel’échelle possible des réponses données pour toutes lesquestions, de « pas du tout important » à « très impor-tant ».

Les pensées affectives vis-à-vis de l’alimentation :

Huit questions avaient trait à cet aspect. Les réponsesnégatives à ces questions étaient « manger pour moi estdésagréable », « quand je pense aux repas, je me sensenlaidi », «… triste », «… sombre », «… bizarre »,«… tendu », «… mal dans ma peau », « ces aliments jeles refuse ». Pour chaque question, il y avait le pendantpositif. La somme de ces 8 questions donnait unemoyenne de 6,1 ± 7,8, pour une note maximale possiblede + 24 et minimale possible de – 24. Cette somme étaitnégative (évoquant une pensée globale négative) chez21 % des personnes interrogées.Enfin, la fréquence de troubles du comportement alimen-taire (TCA) paraissait assez grande dans ces petits échan-tillons : chez les étudiants, 11 % faisaient des compulsionsalimentaires, 5 % des crises de boulimie et 1,5 % étaientpeut-être atteintes d’anorexie mentale. Il s’agissait tou-jours de femmes. Dans l’échantillon de la populationdijonnaise, il y avait 9 % de compulsions, 5,2 % de bouli-mie et 0,8 % de profil d’anorexie mentale.

Discussion

Cette étude a permis de construire un questionnaire utilisa-ble en langue française pour estimer les pensées cognitives,hédoniques [25] et affectives autour de l’alimentation. Lareproductibilité de ce questionnaire a été validée par laprésente étude. Les questions posées ont été comprisespar une très grande majorité des gens interrogés, étu-diants comme population générale. La concordance desréponses aux questions de même sens ou valeur étaitsupérieure le plus souvent à 90 %. La compréhension auxquestions posées, au moins sur ces deux populations, étaittrès satisfaisante, si l’on en croit à la fois le taux deconcordance et le taux de non réponse à une ou plusd’une question. La réponse à ce questionnaire est rapide,de l’ordre de 6 à 9 minutes dans près de 90 % des cas,ce qui permettra de l’utiliser pour d’autres populations.La population ci-dessus étant en nombre restreint, il n’estpas question de faire une analyse statistique approfondie.Notons seulement que le sexe (76 % de femmes) etl’indice de masse corporelle moyen (21 kg/(m)2) était celuiattendu dans une population étudiante en première annéedes Etudes Médicales (PCEM1). Notons aussi que l’âge etl’IMC de l’échantillon de la population dijonnaise n’étaientpas différents. Un tiers des étudiants interrogés disentn’avoir aucune activité physique, tandis que 2 % avaientune activité physique intense, chiffres donnés par d’autreséquipes [26]. Le pourcentage de sujets disant faire unrégime pour maigrir n’était pas inattendu : 2 % disent êtreen permanence au régime, tandis qu’un tiers disent l’êtreparfois. Plus de la moitié ne suivent jamais de régime.Concernant le grignotage et les prises extra-prandiales(hors goûter), près de 20 % des gens interrogés répon-daient qu’ils n’en faisaient jamais, la moitié y cèdent une

fois/jour, un quart 2 à 3 fois/j et 4 % plus de 5 fois parjour. Ceci recoupe ce qui a été publié par ailleurs [26].L’équilibre nutritionnel n’est pas toujours respecté. Ainsi9 % des sujets disaient ne prendre jamais de petit déjeuneret 10 % rarement de déjeuner. Ceci est également conformeà ce qui a été publié [26].Quelques points méritent par ailleurs discussion. En pre-mier lieu, l’item « naturel » ne paraissait pas représenter,dans la population interrogée une pensée unique : il nerecouvre pas seulement l’idée d’absence d’additifs oud’ingrédients chimiques. Le questionnaire ne permet pasd’en dire plus. Il était significativement associé aux items« saveurs et goûts » (r = 0,34 ; P < 0,05) [27].L’aspect « santé », tel qu’indiqué par les questions ayanttrait à la diététique, ne semblait pas avoir une grandeimportance dans cette population. Ce qui surprend chezles étudiants en médecine. Ils semblent beaucoup plusattachés aux aspects sensoriels qu’aux aspects cognitifs :« c’est bon » leur parlait mieux que « c’est bon pour lasanté ». C’est un aspect important de l’alimentation [19].Il y avait une critique assez forte sur la qualité des ali-ments, notamment ceux servis hors foyer (restaurationcollective) : l’alimentation leur paraissait « peu nova-trice », « peu révolutionnaire », « banale » et « de mau-vaise qualité ». Néanmoins, cette assertion mérite d’êtrenuancée : les étudiants jugeaient peut-être aussi, par leursréponses, la difficulté à s’alimenter dans leurs conditionsde travail.L’aspect « pratique » et le caractère « bon marché » del’alimentation étaient des demandes très importantes, bienplus que des aspects politiques, de santé ou de régimepour maigrir, sans guère d’intérêt pour cette population.Enfin, la fréquence de troubles du comportement alimen-taire (TCA) paraissait assez grande : 11 % des personnesinterrogées faisaient souvent des crises de compulsions ali-mentaires, 5 % faisaient souvent des crises de boulimie etque 1,5 % étaient atteintes d’anorexie mentale. Il s’agis-sait toujours de femmes. Ceci sera bien sûr revu sur unéchantillon beaucoup plus important dans les mois àvenir. Le questionnaire a en effet été distribué à 864 étu-diants en médecine, 250 étudiants en sciences de l’ali-mentation et à 3 000 personnes vivant au sein del’agglomération de Dijon. Les réponses seront entrées etanalysées dans les prochains mois.Les limites de cette étude sont celles de toute étude parquestionnaire sur l’alimentation et le comportement ali-mentaire. Il n’est pas sûr que les réponses fournies reflè-tent l’alimentation et le comportement alimentaire réels[27, 28]. Entre les intentions et les actes, il y a souventdes différences marquées. Il est donc probable qu’à desquestions comme « je saute des repas », « le regard del’autre quand je mange m’angoisse », « manger medégoûte », « prenez-vous un déjeuner », les réponsesmoyennes tendent à minorer un phénomène que le sujetpeut penser déviant. Il en est de même pour les réponses« négatives » aux questions portant sur les affects : parexemple « quand je pense à mon alimentation, je mesens bizarre ». Il est possible à cet égard que les person-nes en surpoids ou obèses répondent plus souvent « je nemange rien et je grossis » sans que ceci reflète une réalitéénergétique, mais seulement une pensée face à un poidsqui leur échappe.Il sera indispensable aussi de faire une étude en compo-sante principale, afin de définir quels regroupementsd’items sont pertinents. Par exemple, faut-il regrouper

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psychologie

(faire la somme ou la moyenne) de réponses à des ques-tions comme : « dont le goût me plait » et « sentent bon »ou comme : « me rendent tendu » et « mal dans ma peau »ou comme « peu désirables » et « peu profitables ». Cetteanalyse sera à effectuer sur une beaucoup plus grandepopulation.Il nous reste aussi à valider que le dépistage d’un troubledu comportement alimentaire peut se faire grâce à cequestionnaire. Pour ceci, il nous faudra analyser les répon-ses d’un échantillon de malades atteints soit d’anorexiementale, soit de boulimie, soit de compulsions alimen-taires sévères.

Résumé

But : Mettre au point un questionnaire en langue fran-çaise sur les pensées et sentiments à l’égard (vis à vis) del’alimentation dans la population générale.Méthodes : Huit experts ont sélectionné neuf grands thè-mes concernant les pensées cognitives, hédoniques etaffectives vis à vis de l’alimentation et élaboré un question-naire avec 8 à 10 questions par thème. Après avoir étérevu 2 fois par les experts, le questionnaire a été critiquépar un panel de 20 personnes de milieux divers, puis par42 étudiants en Nutrition. Le questionnaire a ensuite étéremis à 88 étudiants en médecine (4e année). Ces diffé-rentes étapes ont permis de supprimer, de modifier etd’ajouter diverses questions. Le questionnaire a étéadressé à 114 étudiants en médecine de 1re année et à112 personnes de la population dijonnaise.Résultats : Le pourcentage de questionnaires retournéset de questionnaires totalement renseignés (sur les 202envoyés) était plus que satisfaisant (> 85 %). La concor-dance des réponses aux questions en double était très éle-vée (toujours > 90 %). Dans cette population (74 % defemmes), on a noté qu’une angoisse à l’égard de l’alimen-tation et des troubles du comportement alimentaire émer-geaient fréquemment : compulsions alimentaires : 11 %,boulimie : 4,2 %, pensées anorexiques : 5 %, angoisseface à l’autre quand je mange : 15 %.Conclusion : Ce questionnaire portant sur les pensées etsentiments autour de l’alimentation a prouvé son intérêtpar l’importance du retour (plus de 36 % de questionnaires),sa reproductibilité, sa compréhensibilité et les aspectscomportementaux qu’il apporte. Il sera adressé à 3 000 per-sonnes non sélectionnées de la population de l’aggloméra-

tion de Dijon, couplé à un questionnaire validé de dépistagedes troubles du comportement alimentaire qui permettrad’en connaître la sensibilité et la spécificité.

Mots-clés : Alimentation – pensées – sentiments – compor-tement alimentaire – troubles du comportement alimentaire.

Abstract

Purpose: It was to construct a questionnaire in Frenchon the thoughts and the feelings in the respect of thefood in the general population. We also wished todetect some eating disorders.Methods: Eight experts selected nine major subjectsconcerning the thoughts and the feelings around thefood and elaborated a questionnaire including 8 to10 questions by subject. Having twice been revised bythe experts, the questionnaire was criticized by a sam-ple group of 20 persons of different circles, then by42 medical students in Nutrition. The questionnairewas then handed in 88 medical students (4th year).These various stages allowed to suppress, to modifyand to add different questions. The questionnaire wasthen sent to 114 medical students and 112 subjectsfrom the general population.Results: The percentage of returned and totally infor-med questionnaires (from a sending of 202 question-naires) was very satisfying (>85%). The concordance ofthe answers to the redundant questions was very high(>90%). In this population (74% of women), we notedthat fear towards the food and eating disorder were fre-quent: binge eating: 11%, bulimia nervosa: 4,2%, ano-rexia nervosa: 5%, “the glance of the other one whenI eat frightens me”: yes, absolutely: 15%.Conclusion: This questionnaire concerning thoughtsand feelings around the food was validated by the inte-rest which was carried to it, its reproducibility, itsunderstanding by the interrogated persons and thebehavioral aspects which it brings. It will be send to3 000 unselected people of Dijon to judge its interestin the general population. It will be accompanied witha validated inventory to detect eating disorders inorder to test its sensitivity and its reproducibility.

Key-words: Food – thoughts – feelings – eating behavior– eating disorders.

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psychologie

Questionnaire d’analyse des pensées et sentiments autour de l’alimentation

A. Facteurs qui influencent vos habitudes alimentairesLe choix de nos aliments est influencé par de multiples facteurs. Ce qui nous importe ici, c’est de connaître lepoids de chacun d’entre eux pour vous. Merci donc de répondre à ce questionnaire très attentivement.Vous trouverez ci-dessous une liste d’éléments qui peuvent intervenir dans vos choix. Lisez-les attentivementet dites-nous quelle est leur importance pour vous en cochant la rubrique qui correspond le mieux à votreopinion :

A = Pas du tout important B = A une certaine importance C = Important D = Très important

Souvenez-vous : il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. C’est votre réponse qui compte. Merci.

« Il est important pour moi que les aliments quotidiens... »

A B C D

1. soient faciles à préparer

2. ne comportent pas d’additifs

3. soient peu caloriques

4. aient bon goût

5. contiennent des ingrédients naturels

6. ne soient pas chers

7. soient pauvres en graisses

8. me soient familiers

9. soient riches en fibres

10. soient nourrissants

11. soient faciles à trouver dans le commerce

12. soient d’un bon rapport qualité/prix

13. me plaisent

14. sentent bon

15. puissent être cuisinés facilement

16. m’aident à supporter le stress

17. m’aident à contrôler mon poids

18. aient une texture agréable

19. soient emballés en respectant l’environnement

20. viennent de pays que j’approuve d’un point de vue politique

21. soient comme les aliments que je mangeais étant enfant

22. contiennent des vitamines et des minéraux

23. ne contiennent pas d’ingrédient chimique

24. me maintiennent alerte et éveillé

25. soient agréables à voir

26. aident à me relaxer

27. soient riches en protéines

28. soient rapides à préparer

29. me maintiennent en bonne santé

30. soient bons pour ma peau, mes dents, mes cheveux, mes ongles...

31. font que je me sente bien

320 Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005

psychologie

32. comportent l’indication claire du pays d’origine

33. soient ce que je mange d’habitude

34. m’aident à affronter la vie

35. puissent être achetés près de mon lieu de travail ou d’habitation

36. soient bon marché

B. Sentiments à l’égard des aliments que l’on vous proposeQuels sont vos sentiments à l’égard des aliments que l’on vous propose au restau-U, au restaurant d’entreprise, à la cafétéria... ? Veuillez mettre une croix dans la case qui correspond le mieux à ce que vous éprouvez, selon les 7 possibilités.

Par exemple, si vous vous sentez plutôt bien, indiquez votre réponse de façon suivante :

Je me sens :

Mal Bien

Très Plutôt Un peu Ni l’un ni l’autre Un peu Plutôt Très

x

À vous : je me sens :

Mal Bien

Très Plutôt Un peu Ni l’un ni l’autre Un peu Plutôt Très

Mes pensées par rapport aux aliments que l’on me propose sont :

1. Désagréables Agréables

Très Plutôt Un peu Ni l’un ni l’autre Un peu Plutôt Très

Je me sens, quand je pense à ces aliments :

« Je me sens... » très plutôt Un peu Ni l’un ni l’autre

Un peu plutôt Très

2. Enlaidi(e) Embelli(e)

3. Triste Gai(e)

4. Sombre De bonne humeur

5. Bizarre Normal(e)

6. Tendu(e) Détendu(e)

7. Mal dans ma peau Bien dans ma peau

« Ces aliments... » (cochez la réponse)

8. Je les refuse Je les accepte

Totalement Plutôt Un peu Neutre Un peu Plutôt Très

« Ces aliments... » (cochez la réponse)

9. M’angoissent Me détendent

Totalement Plutôt Un peu Neutre Un peu Plutôt Très

Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005 321

psychologie

C. Jugements sur votre alimentationQue pensez-vous des aliments qui vous sont proposés au restau-U, au restaurant d’entreprise, à la cafeteria... ? Veuillez mettre une croix dans la case qui correspond le mieux à votre appréciation.

Mes pensées sur ces aliments

Je pense que ces aliments que l’on me propose sont :

Pensée négative Pensée positive

Très Plutôt Un peu Neutre Un peu Plutôt Très

1. Négatifs Positifs

2. Mauvais Bon

3. Peu appétissants Appétissants

4. Peu désirables Désirables

5. Inutiles Utiles

6. Nuisibles Bienfaisants

7. De mauvaise qualité De bonne qualité

8. Malsains Sains

9. Banals Haut de gamme

10. Peu profitables Profitables

11. Inappropriés Appropriés

12. Nocifs Sûrs

13. Sans raison d’être Justifiés

14. Peu novateurs Novateurs

15. Peu révolutionnaires Révolutionnaires

16. Grossissants Amincissants

17. Peu relevés Bien relevés

322 Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005

psychologie

D. Et votre comportement et vos pensées face à l’alimentation

1. Je ne mange rien et je grossis :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

2. Mon poids varie sans arrêt. C’est à rien n’y comprendre :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

3. Je saute régulièrement des repas :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

4. Le regard de l’autre sur moi m’angoisse énormément :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

5. Manger m’angoisse :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

6. Je me pèse :

Une à plusieurs fois par jour "

Plusieurs fois par semaine "

Une fois par semaine ou moins "

9. Je ne me mets jamais à table :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

10. Quand je fais des entorses à mon régime (plusieurs réponses possibles) :

Je me hais ou je culpabilise "

Je n’en dors plus "

Je mange d’autant plus "

Je ne fais jamais d’entorse à mon régime "

Je ne fais pas de régime "

11. Manger me dégoûte au fond :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

12 Il m’arrive de consommer, en dehors des repas, des quantités importantes d’aliments, avec un plaisir certain, sans pouvoir aucunement m’arrêter :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

13. Il m’arrive de consommer, en dehors des repas, des quantités importantes de n’importe quoi, sans vraiment de plaisir et malgré tout sans pouvoir m’arrêter :

Tout à fait vrai "

Un peu vrai "

Faux "

Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005 323

psychologie

E. Données signalétiquesMerci par les renseignements ci-dessous de nous aider à une exploitation plus fine des données. Bienentendu ce questionnaire restera anonyme. Nous vous demandons de ne donner qu’une seule réponsedans les questions à choix multiples.

Année de naissance : 19Sexe : " Masculin " FémininPoids : kg ; Taille : cm

Condition de vie :" Marié" Vivant maritalement" Célibataire" Vivant en famille" Vivant en foyer, cité universitaire

Nombre d’enfants à charge :" 1 " 2 " 3 " plus

Niveau d’études :" Primaire" Secondaire" Université" Niveau supérieur, mais hors université

Emploi :" À temps plein" À temps partiel" Étudiant" Sans Emploi

Vous prenez un petit déjeuner :" Tous les jours" Pratiquement chaque jour" De façon irrégulière" Rarement ou jamais

Vous prenez un déjeuner :" Tous les jours" Pratiquement chaque jour" De façon irrégulière" Rarement ou jamais

Vous prenez un dîner :" Tous les jours" Pratiquement chaque jour" De façon irrégulière" Rarement ou jamais

Où prenez-vous votre petit déjeuner d’habitude ?" À la maison" Au restaurant d’entreprise, au restau-U" Dans un café, une restauration rapide" En famille" Ailleurs

Merci beaucoup de nous avoir aidés.

Où prenez-vous votre petit déjeuner d’habitude ?" À la maison" Au restaurant d’entreprise, au restau-U" Dans un café, une restauration rapide" En famille " Ailleurs

Où prenez-vous d’habitude votre déjeuner ?" À la maison" Au restaurant d’entreprise, au restau-U" Dans un café, une restauration rapide

" En famille" Ailleurs

Où prenez-vous d’habitude votre dîner ?" À la maison" Au restaurant d’entreprise, au restau-U" Dans un café, une restauration rapide" En famille" Ailleurs

Combien de fois/jour mangez-vous des encas (cookies, barres chocolatées, cacahuètes, chips…)" Jamais " 1 fois/jour " 2-3 fois/jour" 4-5 fois/jour " plus de 5 fois/jour

Faites-vous des régimes pour maigrir ?" Oui, tout le temps" Oui, souvent" Oui, parfois" Oui, en ce moment" Non, jamais

Devez-vous suivre un régime particulier en relation avec une maladie chronique ?" Oui " Non

Quel est votre niveau d’activité physique ?" Faible (1 h de marche ou moins/jour)" Normal (1 h à 2 h)" Intense (marche et activité sportive régulière)" Très intense (activité sportive soutenue)

324 Cah. Nutr. Diét., 40, 6, 2005

psychologie

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