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Matrices Toutes Puissantes par Arnaud de Saint Julien esum´ e : Dans la RMS d’octobre 2005, Gabriel Dospinescu pose la question Q535 : d´ eterminer les matrices carr´ ees A telles que pour tout n N , il existe une matrice B ` a coefficients ration- nels telle que A = B n . Nous allons r´ epondre ` a cette question mais aussi proposer quelques prolongements. Dans tout l’expos´ e, K esigne un corps commutatif. Une matrice carr´ ee A est dite toute puissante sur K (en abr´ eg´ e TPK), si pour tout n N , il existe une matrice B ` a coefficients dans K telle que A = B n . On remarque d´ ej` a qu’une matrice toute puissante sur K est n´ ecessairement ` a coefficients dans K. L’objectif de cet article est de d´ eterminer les matrices toutes puis- santes dans le cas o` u K esigne C, R, Q ou un corps fini. Avant de d´ emarrer je tiens ` a remercier vivement Vincent Beck pour sa pr´ ecieuse relecture. MOTS-CL ´ ES : bijection unipotent nilpotent, image de l’exponentielle de matrices complexes et relles, rduction de Dunford, rduction simultane, racines carrs de matrices, extensions cyclotomiques, corps finis. Table des mati` eres 1 Le cas instructif de la taille 1 2 2 en´ eralit´ es 3 2.1 evissage du probl` eme par th´ eor` eme spectral caract´ eristique . 3 2.2 L’exponentielle : une bijection entre nilpotents et unipotents . . 6 2.3 Le cas non inversible se ram` ene au cas inversible ........ 8 3 Matrices toutes puissantes sur C 9 1

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Matrices Toutes Puissantes

par Arnaud de Saint Julien

Resume : Dans la RMS d’octobre 2005, Gabriel Dospinescupose la question Q535 : determiner les matrices carrees A tellesque pour tout n ∈ N∗, il existe une matrice B a coefficients ration-nels telle que A = Bn. Nous allons repondre a cette question maisaussi proposer quelques prolongements.Dans tout l’expose, K designe un corps commutatif. Une matricecarree A est dite toute puissante sur K (en abrege TPK), si pourtout n ∈ N∗, il existe une matrice B a coefficients dans K telle queA = Bn. On remarque deja qu’une matrice toute puissante sur K

est necessairement a coefficients dans K.L’objectif de cet article est de determiner les matrices toutes puis-santes dans le cas ou K designe C, R, Q ou un corps fini.

Avant de demarrer je tiens a remercier vivement Vincent Beck poursa precieuse relecture.

MOTS-CLES : bijection unipotent nilpotent, image de l’exponentielle de matrices complexes et relles,

rduction de Dunford, rduction simultane, racines carrs de matrices, extensions cyclotomiques, corps finis.

Table des matieres

1 Le cas instructif de la taille 1 2

2 Generalites 32.1 Devissage du probleme par theoreme spectral caracteristique . 32.2 L’exponentielle : une bijection entre nilpotents et unipotents . . 62.3 Le cas non inversible se ramene au cas inversible . . . . . . . . 8

3 Matrices toutes puissantes sur C 9

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4 Matrices toutes puissantes sur R 114.1 Premieres constatations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114.2 Image de l’exponentielle de matrices reelles . . . . . . . . . . . 114.3 Caracterisation des matrices TPR . . . . . . . . . . . . . . . . 144.4 Caracterisation des carres inversibles . . . . . . . . . . . . . . . 15

5 Matrices toutes puissantes sur un corps fini 16

6 Matrices toutes puissantes sur Q 166.1 Cas des matrices de la forme rIp + N . . . . . . . . . . . . . . 166.2 Une premiere etude du spectre d’une matrice TPQ . . . . . . . 186.3 Etude finale du spectre et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . 19

6.3.1 A. Une famille de polynomes irreductibles . . . . . . 196.3.2 B. Etude finale du spectre et conclusion . . . . . . . 20

6.4 Annexe : nombres tout puissants sur un corps de nombre . . . 21

7 Exercices corriges 227.1 Diagonalisation de l’exponentielle d’une matrice . . . . . . . . . 227.2 Racines carrees de matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247.3 Raffinement de la surjectivite de l’exponentielle . . . . . . . . . 297.4 Matrices toutes puissantes sur Z . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

1 Le cas instructif de la taille 1

Commencons par examiner ce qui se passe en taille 1, c’est-a-dire dans lecas des nombres.

Sur C la situation est extremement simple. 0 est bien sur TPC puisquepour tout n ∈ N∗, 0 = 0n. Si a ∈ C∗, a = reiθ = eln r+iθ. a est donc uneexponentielle, ce qui permet d’ecrire

a = (eln r+iθ

n )n.

Tous les nombres complexes sont donc TPC.

Remarque : En fait sur un corps algebriquement clos, tous les nombressont tout puissants puisque pour tout n l’equation xn = a admet une solution.

Sur R, c’est presque aussi simple. Un nombre TPR est en particulier un

carre. Reciproquement, si a non nul est un carre, a > 0 et a = eln a = (eln an )n.

Les nombres TPR sont donc les nombres reels qui sont des carres.

Sur Q, la situation est plus delicate. Si a ∈ Q et a > 0, on peut toujours

ecrire a = (eln an )n, le probleme c’est que e

ln an n’a aucune raison d’etre rationnel.

Le theoreme suivant nous apporte la solution.

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Theoreme 1 Les nombres tous puissants sur Q sont 0 et 1.

Preuve : 0 est bien sur tout puissant puisque pour tout n ∈ N∗, 0 = 0n.Un nombre tout puissant a est en particulier un carre, il est donc positif.Soit a > 0 un nombre tout puissant que l’on ecrit en le decomposant en

produit de facteurs premiers :

a =∏

p∈P

pvp(a)

ou P est l’ensemble des nombres premiers, et ou les vp(a) sont des entiersrelatifs presque tous nuls. Si on a a = bn, on voit en decomposant b sous lameme forme, que vp(a) = nvp(b) (par unicite de la decomposition en produitde facteurs premiers), donc vp(a) est divisible par n et ce pour tout n puisquea est tout puissant, donc vp(a) = 0 pour tout p, donc a = 1. Reciproquement 1est bien tout puissant sur Q puisque pour tout n ∈ N∗, 1 = 1n. �

Sur un corps fini Fq, c’est simple aussi. Si a ∈ Fq est tout puissant nonnul, il existe en particulier b non nul tel que a = bq−1 = 1 puisque le groupe desinversibles du corps Fq est cyclique d’ordre q − 1. Les nombres tout puissantssur un corps fini sont donc 0 et 1.

Donnons enfin une consequence facile mais neanmoins tres utile :

Proposition .1 Le determinant d’une matrice TPK est aussi TPK.

Preuve : Si A est TPK, pour tout n ∈ N∗ il existe une matrice B acoefficients dans K telle que A = Bn. Par multiplicativite du determinant,on a donc detA = (det B)n avec det A et det B a coeffcients dans K, d’ou leresultat. �

Cette etude des nombres tout puissants nous laisse envisager que dansle cas general l’exponentielle de matrice va jouer un role et que sur Q desproprietes arithmetiques seront mises en jeu.

2 Generalites

2.1 Devissage du probleme par theoreme spectral caracteristique

Dans tout cet l’expose, p est un entier naturel non nul et Ip est la matriceunite de Mp(K).Le theoreme de decomposition des noyaux et un argument de reduction simul-tanee vont nous permettre de devisser les matrices toutes puissantes en blocsplus simples tout puissants. Le petit lemme suivant est a cet egard fondamen-tal :

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Lemme 1 Soit E un K-espace vectoriel et u et v deux endomorphismes deE qui commutent. Pour tout polynome Q ∈ K [X], v laisse stable l’espacevectoriel KerQ(u). En particulier, v laisse stable les sous-espaces propres etles sous-espaces caracteristiques de u.

Preuve : Par commutation, Q(u) ◦ v = v ◦ Q(u). Soit x ∈ KerQ(u),Q(u)(v(x)) = v(Q(u)(x)) = v(0) = 0 ; ce qui prouve la stabilite. Si λ estune valeur propre de u de mutiplicite α, le lemme applique a respectivementQ(x) = X − λ et Q(x) = (X − λ)α montre que v laisse stable les sous-espacespropres et les sous espaces-caracteristiques de u. �

Remarque : Puisque u commute avec lui-meme, on obtient en particu-lier que u stabilise ses sous-espaces propres et ses sous-espaces carateristiques.

Proposition .2 (Theoreme spectral caracteristique et devissage)Soit A ∈ Mp(K) une matrice de polynome caracteristique χA scinde sur lecorps K. Si χA = (X − λ1)

α1 . . . (X − λk)αk alors,

1) A est semblable sur K a la matrice diagonale par blocs

diag(λ1Ip1+ N1, . . . , λkIpk

+ Nk)

avec pour i ∈ {1, . . . , k}, pi = dim Ker(A − λiIp)αi et Ni ∈ Mpi

(K) nilpotente.

2) A est TPK si et seulement si pour tout i ∈ {1, . . . , k}, λiIpi+ Ni est

TPK.

Preuve : 1) On note u l’endomorphisme associe a A dans la base ca-nonique de Kp. En appliquant le lemme de decomposition des noyaux a χu,on a

Kp = Ker(u − λ1Id)α1 ⊕ . . . ⊕ Ker(u − λkId)αk .

Les Ci = Ker(u − λiId)αi sont les sous-espaces caracteristiques de u, ils sontstables par u. On peut donc definir u|Ci

l’endomorphisme induit par u sur Ci.Pour tout x ∈ Ci, (u−λiId)αi(x) = 0 donc u|Ci

−λiId est nilpotent. Dansune base de Ci, la matrice de u|Ci

s’ecrit donc λiIpi+ Ni avec Ni nilpotente.

Si B est une base de Kp obtenue en recollant des bases des Ci, on a

[u]B = diag(λ1Ip1+ N1, . . . , λkIpk

+ Nk).

2) Si A est de plus TPK, pour tout n ∈ N∗ il existe B ∈ Mp(K) telle queA = Bn. On note v l’endomorphisme associe a B dans la base canoniquede Kp. Puisque A est un polynome en B, v et u commutent, v laisse stable lessous-espaces caracteristiques de u.

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La matrice de v dans B (la base adpatee a la decomposition en sous-espacescaracteristiques de u) s’ecrit donc

[v]B = diag(B1, . . . , Bk)

avec Bi ∈ Mpi(K).

On a donc diagonalise par bloc u et v dans une meme base. Voici la tra-duction matricielle. Si P designe la matrice de passage de la base canoniquede Kp a B, on a

A = P diag(λ1Ip1+ N1, . . . , λkIpk

+ Nk)P−1 et B = P diag(B1, . . . , Bk)P

−1.

Comme A = Bn, par produit des blocs, on tire que pour tout i ∈ {1, . . . , k}et pour tout n ∈ N∗,

λiIpi+ Ni = Bi

n.

Les matrices λiIpi+ Ni sont donc TPK.

Reciproquement, si les matrices λiIpi+Ni sont TPK, on a pour tout n ∈ N∗

A = P diag(B1n, . . . , Bk

n)P−1 = (P diag(B1, . . . , Bk)P−1)n,

ce qui prouve que A est TPK. �

Dans le cas ou le polynome caracteristique est scinde, la decomposition ensous-espaces caracteristiques permet donc de ”devisser” le probleme. Il suffitde determiner les matrices toutes puissantes de la forme λIp + N avec Nnilpotente.

La reduction du theoreme .2 va nous fournir en plus la decomposition deDunford que nous utiliserons pour demontrer le lemme 2.

Corollaire 1 (Decomposition de Dunford) Soit A ∈ Mp(K) tel que sonpolynome caracteristique χA est scinde sur K. Il existe un unique couple (D, N)de matrices de Mp(K) avec D diagonalisable sur K et N nilpotente tel queA = D + N et DN = ND. De plus, D et N sont des polynomes en A.

Preuve : 1) Reprenons les hypotheses du theoreme precedent. On noteD = P diag(λ1Ip1

, ..., λkIpk)P−1 et N = P diag(N1, ..., Nk)P

−1, on a alors

A = D + N,

avec D diagonalisable sur K et N nilpotente. De plus, D et N commutentpuisque les blocs Ni commutent avec les blocs d’homothetie λiIpi

.

2) Montrons que D et N sont des polynomes en A. Pour tout i, onnote pi la projection sur Ci parallelement a ⊕j 6=iCj et Di sa matrice dans la

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base B. Comme D =∑

i λiDi, il suffit de montrer que les matrices Di sontdes polynomes en A.On pose Mi = (X − λi)

αi et Pi =∏

j 6=i Mj . Puisque les Mi sont premiersdeux a deux, aucun facteur n’est commun a tous les Pi, ils sont donc premiersdans leur ensemble. D’apres Bezout, il existe donc des polynomes Ui tels que∑

i UiPi = 1. Le polynome Qi = UiPi verifie alors :

(∗){

Qi = 1 mod(X − λi)αi

∀j 6= i Qi = 0 mod(X − λj)αj .

Qi(u) s’annule donc sur ⊕j 6=iCj et coıncide avec l’identite sur Ci, c’est doncla projection sur Ci parallelement a ⊕j 6=iCj , ce qui donne matriciellementDi = Qi(A), et donc D est bien un polynome en A, donc N = A − D aussi.

Remarque : le theoreme des restes chinois assure directement l’exis-tence d’un polynome Qi verifiant (∗).

3) Unicite : Si A = D′ + N ′, alors D − D′ = N − N ′. Comme ces 4matrices sont des polynomes en A, D commute avec D′ et N commute avecN ′, donc D − D′ est diagonalisable (elles sont simultanement diagonalisablescar elles commutent) et N − N ′ est nilpotente comme somme de matricesnilpotentes qui commutent (cela sera detaille dans la preuve de la proposition.3).

Comme la seule matrice a la fois nilpotente et diagonalisable est la matricenulle, on en deduit que D − D′ = N − N ′ = 0, ce qui prouve l’unicite. �

2.2 L’exponentielle : une bijection entre nilpotents et unipo-

tents

Une matrice A appartenant a Mp(K) est dite unipotente s’il existe unematrice N ∈ Mp(K) nilpotente telle que A = Ip + N .On note respectivement Up(K) et Np(K) l’ensemble des matrices de Mp(K)unipotentes et nilpotentes.

Afin de pouvoir definir l’exponentielle et le logarithme de matrices, on vasupposer ici que le corps K est de caracteristique nulle (on peut sinon poursimplifier les choses supposer que K est un sous-corps de C).

On restreint la definition de l’exponentielle aux matrices nilpotentes.

Soit N ∈ Np(K), on pose exp(N) =

+∞∑

n=0

Nn

n!(somme de support finie).

Soit U ∈ Up(K), on pose log U =+∞∑

n=1

(−1)n−1 (I − Ip)n

n(somme de support

finie).

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Le lecteur aura remarque que si le corps etait de caracteristique p, on nesait pas a priori ce que signifie Np

p! , et donc on ne sait pas definir l’exponentielled’une matrice nilpotente.

Proposition .3 L’application exponentielle realise une bijection entre lesensembles Np(K) et Up(K). De plus, l’application reciproque est la fonctionlogarithme.

Preuve : 1) Si N ∈ Np(K),

expN = Ip +

p−1∑

n=1

Nn

n!︸ ︷︷ ︸

N ′

puisque l’indice de nilpotence est inferieur ou egal a p. La matrice exp(N) estdonc bien a coefficients dans K.N ′ est une somme finie de matrices nilpotentes qui commutent 2 a 2, c’est doncune matrice nilpotente. En effet si N1 et N2 sont dans Np(K) et commutent,

par le binome de Newton, on a (N1 + N2)2p =

2p∑

k=0

(2p

k

)

Nk1 N2p−k

2 = 0 car pour

k ≥ p, Nk1 = 0 et pour k < p, N2p−k

2 = 0.

2) La fonction logarithme est bien definie sur Up(K) car c’est une sommefinie. En effet, si A ∈ Up(K), (A − Ip)

k = 0 des que k ≥ p. Ainsi

log A =

p−1∑

n=1

(−1)n−1 (A − Ip)n

n

est nilpotente puisque c’est une somme finie de matrices nilpotentes qui com-mutent 2 a 2.

3) Reste a prouver la bijection. Pour tout x ∈ R, exp(x) =∑+∞

n=0xn

n! ,

pour tout reel y tel que |y− 1| < 1, on a ln(y) =+∞∑

n=1

(−1)n−1 (y − 1)n

n. Comme

exp(ln y) = y, on a l’identite suivante entre series formelles :

+∞∑

n=0

1

n!

(+∞∑

k=1

(−1)k−1 (Y − 1)k

k

)n

= Y .

Si on prend pour Y une matrice A ∈ Up(K), cela donne exp(log A) = A. Onraisonne de meme pour obtenir log(expN) = N si N ∈ Np(K). �

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Corollaire 2 Les matrices unipotentes de Mp(K) sont des exponentielles etsont toutes puissantes sur K.

Preuve : Si A ∈ Mp(K) est unipotente, d’apres la proposition precedente,il existe N ′ ∈ Mp(K) nilpotente telle que A = exp(N ′).Pour tout n ∈ N∗, A = [exp(N ′/n)]n (car N ′/n commute avec elle-meme),avec B = exp(N ′/n) qui est bien a coefficients dans K puisque N ′/n est unematrice nilpotente a coefficients dans K. �

Proposition .4 La seule matrice nilpotente toute puissante sur K est la ma-trice nulle.

Preuve : Si N ∈ Mp(K) est TPK, en particulier il existe une matrice Rtelle N = Rp. R est alors nilpotente et donc Rp = 0 ce qui donne N = 0, quiest bien sur toute puissante puisque pour tout n ∈ N∗, 0 = 0n. �

2.3 Le cas non inversible se ramene au cas inversible

Dans ce paragraphe, on montre que pour determiner les matrices TPK, ilsuffit de s’interesser aux matrices inversibles. La proposition suivante precisele propos.

Proposition .5 Une matrice A non inversible est TPK si et seulement si ilexiste une matrice M inversible et TPK telle que A soit semblable sur K a lamatrice par blocs diag(0, M).

Preuve : 1) Soit A non inversible TPK. On note u et v les endomor-phismes respectivement associes a A et B dans la base canonique de Kp. Lenoyau de u n’est pas reduit a 0. Ainsi χu = XrQ(X) ou Xr et Q sont premiersentre eux et r est non nul.Le lemme de decomposition des noyaux donne Kp = Kerur ⊕ Ker Q(u).Puisque u et v commutent, v laisse stable Ker ur et KerQ(u). En choisissantune base B de Kp adaptee a la somme directe ci-dessus, et en notant P lamatrice de passage de la base canonique a B, on a comme dans la preuve de .2

A = P diag(A1, A2)P−1 et B = P diag(B1, B2)P

−1,

avec en plus A1 nilpotente et A2 inversible.Pour tout n ∈ N∗ Ai = Bn

i donc les matrices Ai sont TPK.A1 est nilpotente et TPK, elle est donc nulle d’apres .4.On conclut en posant M = A2.

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2) Reciproquement, supposons que A = P diag(0, M)P−1 avec M inver-sible et TPK. Deja A est non inversible. Si pour tout n ∈ N∗ il existe B telleque M = Bn, on a

A = P diag(0, Bn)P−1 = (P diag(0, B)P−1)n,

ce qui prouve que A est bien TPK. �

3 Matrices toutes puissantes sur C

D’apres la proposition .5, il suffit de determiner toutes les matrices in-versibles toutes puissantes. Nous allons voir que, comme dans le cas de ladimension 1, la situation est assez simple : nous allons demontrer que toutematrice de GLp(C) est une exponentielle et est donc TPC.

Proposition .6 L’application exponentielle est une surjection de Mp(C) surGLp(C).

Preuve : - Montrons deja qu’une exponentielle est inversible. Toutematrice M ∈ Mp(C) est triangularisable donc semblable a une matrice tri-angulaire dont la diagonale est constituee des valeurs propres de M . La ma-trice expM est donc semblable a une matrice triangulaire dont la diagonaleest constituee des exponentielles des valeurs propres de M . En passant audeterminant, on a donc

det(exp M) = exp(Tr M),

ce qui prouve que exp(M) est inversible.

- Si A ∈ GLp(C), 0 n’est pas valeur propre et d’apres le theoreme .2 (χA

est scinde sur C),

A = P diag(λ1Iα1+ N1, . . . , λkIαk

+ Nk)P−1.

Comme λi 6= 0, il existe ri ∈ C tel que λi = eri (exp : C → C∗ est surjective).De plus il existe une matrice N ′

i telle que Iαi+ Ni

λi= expN ′

i puisqu’elle estunipotente. On a alors

λiIαi+ Ni = λi(Iαi

+Ni

λi) = eri exp(N ′

i) = exp(riIαi+ N ′

i)

car riIαiet N ′

i commutent. Ainsi,

A = exp(P diag(r1Iα1

+ N ′1, . . . , rkIαk

+ N ′k)P

−1). �

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Remarque : L’exponentielle n’est pas bijective puisque ce n’est pas vrai endimension 1.

La proposition precedente nous permet de determiner toutes les matricesTPC.

Theoreme 2 (Description des matrices TPC) Les matrices toutes puis-santes sur C sont les matrices A telles que dim KerA = α0 ou α0 est lamultiplicite de 0 dans le polynome caracteristique de A. En particulier, toutematrice inversible est toute puissante sur C.

Preuve : - La proposition precedente implique directement que toutematrice inversible est TPC. Dans ce cas dim Ker u = 0, qui est la multiplicitede la valeur propre 0 puisque 0 n’est pas valeur propre.

- Si A est une matrice non inversible et TPC, d’apres la proposition .5 etla proposition precedente, A est semblable a diag(0, M) avec M inversible. Onnote s la taille du bloc nul. Il est clair que la multiplicite de la valeur propre 0dans χA est s et que dim KerA = s. �

Exemples :

1. La matrice A =

0 i 70 0 30 0 5

n’est pas TPC puisque 0 est valeur propre

de multiplicite 2 mais que rangA = 2 et donc dim KerA = 1 6= 2.

2. La matrice

M =

0 0 0 01 0 0 −10 1 0 −30 0 1 −3

est la matrice compagnon associee au polynome

P (X) = X4 + 3X3 + 3X2 + X = X(X + 1)3.

On a donc χM = X(X+1)3. 0 est donc valeur propre de multiplicite 1. CommerangM = 3, dim KerM = 1 qui est la multiplicite de 0. M est donc TPC.

M est a coefficients reels, on peut donc naturellement se demander si elleest TPR. Comme χM est scinde sur R, la decomposition en sous-espaces ca-racteristiques donne que M est semblable a diag(0,−I3 +N) avec N ∈ M3(R)nilpotente. D’apres la propriete .2 de devissage, si M est TPR, alors −I3 + Nest aussi TPR. Mais det(−I3 + N) = (−1)3 = −1 < 0, donc −I3 + N n’estpas un carre et donc n’est pas TPR. La matrice M est donc TPC mais n’estpas TPR.

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4 Matrices toutes puissantes sur R

4.1 Premieres constatations

Puisque toute exponentielle de matrice reelle est TPR, il est naturel dedeterminer l’image exp (Mp(R)). On a vu a la section 3 que pour tout M ∈Mp(C),

det(exp M) = exp(Tr M).

Cette egalite est donc en particulier vraie si M ∈ Mp(R), ce qui donnedet(expM) > 0. Ainsi exp(Mp(R)) ⊂ GL+

p (R). Cette inclusion n’est pas uneegalite. En effet,

A =

(−3 00 −4

)

n’est pas un carre, donc pas une exponentielle, pourtant detM > 0. En effet,si R2 = A, alors R commute avec A diagonale a spectre simple, donc R estaussi diagonale et s’ecrit R = diag(r1, r2) avec r2

1 = −3, ce qui est impossible.Attention, il existe des matrices qui sont des exponentielles qui ont pour-

tant leurs valeurs propres negatives. Penser a

M =

(−1 00 −1

)

,

la matrice de rotation d’angle π. Elle est le carre de la matrice de rotation

d’angle π/2, M =

(0 −11 0

)2

.

Plus generalement, il est facile de voir que M est TPR. En effet, pour toutn ∈ N∗,

M =

(cos π/n − sin π/nsinπ/n cos π/n

)n

.

Ce resultat est naturel, si on itere n fois une rotation d’angle π/n, on obtientune rotation d’angle π. Par ailleurs, on peut montrer que pour tout reel θ,

exp

(0 −θθ 0

)

=

(cos θ − sin θsin θ cos θ

)

,

ce qui montre que M est aussi une exponentielle, M = exp

(0 −ππ 0

)

.

4.2 Image de l’exponentielle de matrices reelles

En dimension 1, un nombre reel est une exponentielle si, et seulement si,c’est un carre non nul. Nous allons voir que cela se generalise en dimensionsuperieure, c’est l’objet du theoreme suivant.

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Theoreme 3 (Image de l’exponentielle de matrice reelle)

exp(Mp(R)) ={R2, R ∈ GLp(R)

}.

Autrement dit, une matrice reelle inversible est une exponentielle si, etseulement si, c’est un carre. Ce resultat est assez remarquable : pour savoir siune matrice inversible reelle est une exponentielle, il suffit de tester si c’est uncarre, ce qui est generalement plus simple.

La preuve que nous allons donner est tiree d’un article de Michel Coste[www], enseignant a la prepa-agreg de Rennes. Nous aurons auparavant besoinde demontrer un lemme qui raffine la surjectivite de exp : Mp(C) → GLp(C).

Lemme 2 (Raffinement de la surjectivite de l’exponentielle com-plexe) Pour toute matrice M de GLp(C), il existe un polynome P ∈ C [X] telque M = exp(P (M)).

Preuve : - Soit M ∈ GLp(C). On ecrit sa decomposition de Dunford(χM est scinde sur C) : M = D+N avec D diagonalisable sur C, N nilpotente,et D et N qui commutent. On utilisera en plus que D et N sont des polynomesen M , c’est un ingredient essentiel.

Puisque D est inversible, M = D(Ip + D−1N). L’idee est de trouver deuxpolynomes U et V tels que D = exp(U(M)) et Ip + D−1N = exp(V (M)).Puisque U(M) et V (M) commutent, on aura alors M = exp(U(M) + V (M))ce qui demontrera le lemme avec P = U + V .

- On ecrit D = P diag(λ1, . . . , λp)P−1 ou les λi sont les valeurs propres

toutes non nulles puisque M est inversible.Pour tout λ ∈ Spec(M), il existe un nombre complexe µλ tel que expµλ = λ

puisque exp : C → C∗ est surjective. Il existe alors un polynome interpolateurde Lagrange L tel que pour tout µ ∈ Spec(M), L(λ) = µλ puisque les λ sontdisctincts deux a deux. Alors

D = P diag(λ1, . . . , λp)P−1

= P diag(expµ1, . . . , expµp)P−1

= exp(P diag(µ1, . . . , µp)P

−1)

= exp(P diag(L(λ1), . . . , L(λp))P

−1)

= exp((L(P diag(λ1, . . . , λp)P

−1)

= exp(L(D)).

Comme D est un polynome en M , L(D) est aussi un polynome en M , ce quidonne l’existence du polynome U .

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- Montrons que Ip + D−1N est unipotente. La matrice D−1 est un po-lynome en D. En effet, d’apres le theoreme de Cayley-Hamilton, χD(D) = 0,ce qui donne

(−1)pDp + ap−1Dp−1 + ... + a1D + a0Ip = 0

avec a0 = det D 6= 0. En composant par D−1 puis en divisant par a0, on adonc

D−1 = a0−1((−1)pDp−1 + ap−1D

p−2 + . . . + a1Ip

),

ce qui donne le resultat. La matrice N commute avec D donc avec D−1 puisquec’est un polynome en D.

On a alors (D−1N)p = (D−1)pNp = 0 ce qui prouve que D−1N est nilpo-tente et donc que Ip +D−1N est unipotente. D’apres la proposition .3, elle estl’exponentielle d’un logarithme, plus precisement,

Ip + D−1N = exp

(p∑

k=1

(−1)k−1

k(D−1N)k

)

.

Ce logarithme est une somme finie, c’est un polynome en D−1N , donc unpolynome en M car D−1 et N le sont aussi. Ip +D−1N est donc un polynomeen M , ce qui donne l’existence du polynome V et acheve la preuve du lemme.�

Preuve du Theoreme 3 :

- Si M = exp(T ), avec T reelle, M est inversible et M = (exp(T/2))2

donc est un carre.

- Passons a la reciproque. On suppose que M = R2 avec R ∈ GLp(R).On applique le lemme 2 a R, il existe un polynome complexe P tel que R =exp(P (R)). Puisque R est reelle, en passant au conjugue, on a aussi R =exp(P (R)). P (R) et P (R) commutent, donc R2 = exp(P (R) + P (R)), ce quimontre que M = R2 est l’exponentielle de la matrice reelle P (R) + P (R). �

Remarque : Contrairement a la dimension 1, exp n’est pas injectivesur Mp(R) pour p 6= 1. Par exemple pour p = 2, trouvons une matrice reellequi a pour valeurs propres 2iπ et −2iπ. Le polynome caracteristique vaut alorsX2 + 4π2, il n’y a qu’a prendre sa matrice compagnon

A =

(0 −4π2

1 0

)

.

A est diagonalisable sur C, semblable a diag(2iπ,−2iπ) donc son exponentielleest semblable a diag(exp(2iπ), exp(−2iπ)) = I2. On a donc

exp(A) = exp(0) = I2,

ce qui montre qu’il n’y a pas injectivite.

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4.3 Caracterisation des matrices TPR

Compte tenu de la proposition .5, nous avons donc directement le resultatsuivant :

Theoreme 4 (Caracterisation des matrices TPR)Les matrices TPR sont :

- les matrices de la forme B2 avec B reelle inversible,- les matrices semblables sur R a diag(0, M2) avec M reelle inversible.

Exemples : determination des matrices TPR de M2(R)

Soit A ∈ M2(R).

1. Supposons que χA est scinde sur R.

a. Si les valeurs propres sont distinctes, alors A est diagonalisable surR, et admet une racine carree si, et seulement si, ses deux valeurs propres

sont positives ou nulles (l’idee est la meme que pour A =

(−3 00 −4

)

, on peut

quand meme voir par exemple le sujet d’algebre MP des CCP de 2005).

b. Si la valeur propre est double, A est semblable a λI2 + N avec Nnilpotente.

- Si λ = 0, A est nilpotente. Elle est donc TPR si, et seulement si,A = 0.

- Si λ > 0, A/λ est unipotente donc TPR et donc un carre R2. Maisalors A = (

√λR)2, donc A est TPR.

- Si λ < 0, λ = −λ′ avec λ′ > 0. Alors A/λ′ est semblable soit a

−I2, soit a A′ =

(−1 10 −1

)

.

On a deja vu que −I2 est un carre (le carre de la rotation d’angle π/2).Supposons que A′ = R2 avec R reelle, alors en trigonalisant simultanement A′

et R, on voit que les valeurs propres de A′ sont les carres de celles de R,donc celles-ci valent i ou −i. Comme R est reelle, ses valeurs propres sontconjuguees donc R admet 2 valeurs propres distinctes, donc est diagonalisablesur C, donc A′ aussi, ce qui n’est pas. A′ n’est donc pas un carre.

2. Supposons que χA ne soit pas scinde sur R. Alors c’est un polynomeirreductible sur R, donc A est semblable sur R a une matrice du type

S =

(a −bb a

)

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avec b 6= 0. Si on pose z = a + ib = reiθ, S represente dans la base canoniquela matrice de la similitude directe de rapport r et d’angle θ :

S = rRθ avec Rθ =

(cos θ − sin θsin θ cos θ

)

.

S est donc le carre par exemple de la matrice√

rRθ/2.

4.4 Caracterisation des carres inversibles

Le theoreme 4 ne peut etre satisfaisant, que si l’on sait reconnaıtre lesmatrices reelles inversibles qui sont des carres. Le theoreme suivant enonce parRached Mneimne dans [Mn] p. 90 apporte une reponse relativement simple anotre probleme.

Theoreme 1 Une matrice reelle inversible est un carre si, et seulement si,pour chaque (eventuelle) valeur propre negative, les blocs de Jordan associesde meme taille sont en nombre pair.

En particulier, nous obtenons :

Theoreme 2 Une matrice reelle qui n’a pas de valeur propre negative est TPR.

Exemples : 1. La matrice

A =

0 0 0 −11 0 0 00 1 0 −20 0 1 0

est TPR puisque χA = X4 + 2X2 + 1 = (X2 + 1)2.

2. Determinons les matrices TPR de la forme A = −I4 + N avec N ∈M4(R) nilpotente. On considere les blocs de Jordan

Jk(λ) =

λ 1. . .

. . .

. . . 1λ

∈ Mk(R) avec J1(λ) = (λ).

Les resultats sur la reduction de Jordan disent que A est semblable a l’une desmatrices suivantes : A1 = diag(−1,−1,−1,−1), A2 = diag(−1,−1, J2(−1)),A3 = diag(−1, J3(−1)), A4 = diag(J2(−1)), J2(−1)) ou A5 = J4(−1).

Parmi ces matrices, les seules qui sont TPR sont A1 = diag(−1,−1,−1,−1)et A4 = diag(J2(−1)), J2(−1)).

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5 Matrices toutes puissantes sur un corps fini

Dans cette section K designe le corps Fq. Remarquons que le groupeGLp(Fq) est fini, notons N son cardinal. Soit M une matrice inversible toutepuissante sur Fq, il existe une matrice B de GLp(Fq) telle que M = BN . Maispar le theoreme de Lagrange, BN = Ip ce qui donne M = Ip. Grace a laproposition .5, on vient donc de prouver qu’une matrice toute puissante estsemblable a une matrice diagonale avec uniquement 0 et 1 sur la diagonale,c’est-a-dire la matrice d’un projecteur. Reciproquement, une telle matrice Mest bien toute puissante car pour tout n ∈ N∗, M = Mn. On a donc prouve :

Theoreme 5 Les matrices toutes puissantes sur un corps fini sont les ma-trices des projecteurs.

6 Matrices toutes puissantes sur Q

6.1 Cas des matrices de la forme rIp + N

Nous allons chercher quelles sont les matrices TPQ de la forme rIp + Navec r ∈ Q et N ∈ Np(Q). Supposons que la matrice A = rIp + N soit TPQ.Alors son determinant qui vaut rp est egal a 0 ou 1 car TPQ.

• Si rp = 0 alors r = 0 et A = N est nilpotente et TPQ donc A = 0d’apres la proposition .4.

• Si rp = 1 comme r ∈ Q, on a r = 1 ou −1 et dans ce cas p est pair.

- La condition r = 1 signifie que A est unipotente. Reciproquement,d’apres le corollaire 2 une matrice unipotente est bien TPQ.

- Reste a traiter le cas r = −1. Nous allons demontrer qu’une matricedu type −Ip + N n’est pas TPQ. Pour cela nous aurons besoin du lemmesuivant.

Lemme 3 Pour tout entier naturel k, le polynome X2k+ 1 est irreductible

sur Q.

Preuve : • Premiere demonstration : On pose P (X) = X2k+ 1.

L’idee est d’appliquer le critere d’Eisenstein ([Pe] p 76) au polynome P (X+1).

- Montrons par recurrence sur k que tous les coefficients de (X + 1)2k

mis a part le premier et le dernier sont pairs. C’est vrai pour k = 1 puisque(X + 1)2 = X2 + 2X + 1. Supposons que c’est vrai au rang k.

(X+1)2k+1

= ((X+1)2k

)2 =

2k∑

i=0

biXi

2

=2k∑

i=0

b2i X

2i+2∑

i,j∈{0,...,2k}i<j

bibjXi+j .

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Par hypothese de recurrence, pour i ∈ {1, ..., 2k−1}, bi est pair. Si l’on regardemodulo 2, on a donc

(X + 1)2k+1 ≡

2k∑

i=0

b2i X

2i ≡ X2k+1

+ 1

ce qui prouve l’heredite.

- Le polynome P (X+1) = (X+1)2k+1 a donc comme terme de plus haut

degre X2k, son coefficient constant vaut 2 et tous les autres coefficients sont

pairs. Il verifie donc le critere d’Eisenstein avec p = 2 et est donc irreductiblesur Q.

- Si P (X) est reductible sur Q, P (X) = U(X)V (X) avec U et V po-lynomes a coefficients dans Q de degres non nuls. Mais alors P (X + 1) =U(X + 1)V (X + 1) avec U(X + 1) et V (X + 1) de degres non nuls et a coeffi-cients dans Q, ce qui est impossible puisque P (X + 1) est irreductible sur Q.

P (X) = X2k+ 1 est donc bien irreductible sur Q. �

• Deuxieme demonstration : Montrons que X2k+1 est en fait φ2k+1

le polynome cyclotomique d’ordre 2k+1, comme les polynomes cyclotomiquessont irreductibles sur Q ([Pe] p 82), cela demontrera le lemme.

On rappelle que φ2k+1 =∏

(X − ζ) ou ζ parcourt l’ensemble des racinesprimitives 2k+1-iemes de l’unite. Le polynome φ2k+1 est donc unitaire, et sondegre vaut ϕ(2k+1) = 2k+1 − 2k = 2k ou ϕ est la fonction indicatrice d’Euler.Soit ζ une racine primitive 2k+1-iemes de l’unite. On a

(ζ2k

)2 = ζ2k+1

= 1,

donc ζ2k

est une racine primitive 2-ieme de l’unite, donc ζ2k

= −1, ce quientraıne que ζ est racine de X2k

+ 1. φ2k+1 divise donc X2k+ 1 mais comme

ils sont unitaires et de meme degre, ils sont egaux. �

Proposition .7 Il n’existe aucune matrice TPQ de la forme −Ip + N avecN ∈ Np(Q).

Preuve : Soit k un entier tel que 2k > p. Supposons que A = −Ip + Nest TPQ, il existe en particulier R ∈ Mp(Q) (une racine 2k-ieme) telle que

A = R2k. Puisque N est nilpotente, on a (A + Ip)

p = 0 et (R2k+ Ip)

p = 0

Le polynome minimal de R note πR divise donc (X2k+ 1)p. Mais X2k

+ 1

est irreductible sur Q donc πR est une puissance de X2k+ 1, mais comme

deg πR ≤ p, necessairement πR = 1 ce qui est impossible puisqu’un polynomeminimal est toujours de degre superieur ou egal a 1. �

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Remarque : La preuve de cette proposition est instructive car la memetactique nous permettra de prouver le theoreme plus general 8.

Compte tenu des resultats obtenus a la section 2.1, nous avons demontrele theoreme suivant :

Theoreme 6 Soit A une matrice TPQ telle que son polynome caracteristiqueest scinde sur Q.

a) Si A est inversible, A est unipotente.b) Sinon A est semblable sur Q a la matrice par bloc diag(Ir + N, 0) ou N

est une matrice rationnelle nilpotente et r le rang de la matrice.

6.2 Une premiere etude du spectre d’une matrice TPQ

L’objectif de cette partie est de montrer que les valeurs propres complexesd’une matrice TPQ sont necessairement rationnelles, ce qui prouvera que sonpolynome caracteristique est scinde sur Q.

Une importante avancee nous est permise grace au theoreme suivant donton trouvera une preuve de Daniel Perrin (je l’en remercie vivement) en annexedans la section 6.4.

Theoreme 7 (Perrin) Soit K une extension de Q de degre finie. Les seulsnombres TPK sont 0 et 1.

La preuve utilise de la theorie algebrique des nombres, elle utilise notam-ment deux resultats difficiles :

- les ideaux fractionnaires d’un anneau des entiers admettent une decompositionunique en produit d’ideaux premiers.

- le theoreme des unites de Dirichlet qui precise la structure du groupeabelien des unites d’un corps de nombres.

Cette preuve est toutefois tres instructive et culturelle, elle permet d’illus-trer le fait qu’un ideal generalise la notion de nombre et qu’on peut y definirdes operations...

Consequences : Le polynome caracteristique χA est scinde sur soncorps de decomposition note K. On peut donc diagonaliser A en blocs TPK

de la forme λIk + N . Si λ est une valeur propre de A, et que k est la taille dubloc associe λIk + N , on obtient en passant au determinant que λk est TPK,donc vaut 0 ou 1 grace au dernier theoreme ; ce qui donne que λ vaut 0 oubien est une racine de l’unite.

Si les valeurs propres sont simples, k = 1, et dans ce cas on conclut direc-tement que λ vaut 0 ou 1. Nous venons donc d’obtenir :

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Proposition .8 Les valeurs propres d’une matrice TPQ sont parmi 0,1 oules racines de l’unite.

Nous allons maintenant prouver que parmi les racines de l’unite, 1 est laseule valeur propre possible pour une matrice TPQ.

6.3 Etude finale du spectre et conclusion

6.3.1 A. Une famille de polynomes irreductibles

Nous allons prouver la proposition suivante (je remercie a ce sujet Clementde Seguin Pazis qui a permis de simplifier la preuve) :

Proposition .9 Soit ζ une racine primitive n-ieme de l’unite (n ≥ 2). Pourtout entier a ≥ 1, le polynome Xna − ζ est irreductible sur Q(ζ).

Preuve : On rappelle que si ζ est une racine primitive n-ieme de l’unite,Q(ζ) est un Q-espace vectoriel de dimension ϕ(n) ou ϕ est l’indicatrice d’Euler([Pe] p. 83).

1. Soit z une racine de Pa = Xna − ζ. En elevant a la puissance n, onvoit que z est une racine na+1-ieme de l’unite. Montrons qu’elle est en plusprimitive. On sait deja que l’ordre de z divise na+1.

Si r est un entier, on sait que l’ordre de zr est egal a l’ordre de z divisepar pgcd(r,ordre(z)). Si l’on note k l’ordre de z, l’egalite zna

= ζ entraıne queles ordres de ces deux elements sont egaux, et donc que

k

pgcd(na, k)= n,

soit k = n pgcd(na, k). D’apres Bezout, il existe des entiers u et v tels quek = una+1 + vnk (∗).

Supposons k < na+1, alors na+1/k = q ≥ 2, et en divisant (∗) par k, onobtient 1 = uq + vn, donc pgcd(q, n) = 1, ce qui est impossible car q | na+1 etdonc admet un diviseur premier qui divise n.

Les racines de Pa sont donc des racines primitives na+1-iemes de 1, le corpsde decomposition de Pa sur Q(ζ) est donc le corps cyclotomique Q(z) avec zracine primitive na+1-ieme de 1 dont la puissance na-ieme vaut ζ.

2. L’extension cyclotomique Q(z) est de degre ϕ(na+1) au dessus de Q,ie [Q(z) : Q] = ϕ(na+1) = naϕ(n). En effet, pour tout nombre premier p,

ϕ(pa+1) = pa+1 − pa = pa(p − 1) = paϕ(p),

ce qui donne le resultat puisque ϕ est multiplicative.

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3. La propriete de multiplicativite des degres des extensions ([Pe], Co-rollaire 1.5 p. 65), donne

[Q(z) : Q] = [Q(z) : Q(ζ)] × [Q(ζ) : Q].

Comme [Q(ζ) : Q] = ϕ(n), on obtient [Q(z) : Q(ζ)] = na. Le polynomeminimal de z sur Q(ζ) est donc de degre na. Or Pa est un polynome annulateurde z, unitaire et de degre na, c’est donc le polynome minimal de z sur Q(ζ),et a ce titre, il est irreductible sur Q(ζ). �

Remarque : Le cas n = 2 redonne le resultat deja demontre au lemme3.

6.3.2 B. Etude finale du spectre et conclusion

Lemme 4 Soit P un polynome a coefficients rationnels irreductible sur Q. Siles racines complexes de P sont des racines de l’unite, alors P est un polynomecyclotomique (a un inversible pres).

Preuve : Soit ζ une racine de P . C’est une racine n-ieme de l’unite,donc une racine primitive mais pas forcement n-ieme. Quitte a diviser par lecoefficient du terme de plus haut degre, on peut supposer P unitaire. Il est deplus irreductible, c’est donc le polynome minimal de ζ et coıncide donc avecun polynome cyclotomique ([Pe], corrolaire 4.11 p. 83). �

Maintenant, tout est pret pour la conclusion finale.

Theoreme 8 (Spectre d’une matrice toute puissante)Les valeurs propres d’une matrice TPQ sont 0 ou 1.

Preuve : Soit A une matrice TPQ. On suppose qu’elle admet pour valeurpropre une racine de l’unite ζ distincte de 1. On ecrit alors χA = P k ×Q avecP irreductible sur Q ayant ζ pour racine et P premier avec Q. En utilisantune base adaptee a cette decomposition via le lemme des noyaux, on obtientque A est semblable a une diagonale de 2 blocs qui sont eux meme TPQ (onprocede exactement comme dans la preuve de la proposition .2). Notons A′ lepremier bloc. Son polynome caracteristique est justement P k.

D’apres la proposition .8, ses racines sont des racines de l’unite, doncd’apres le lemme 4, P est un polynome cyclotomique, et toutes ses racinessont dans Q(ζ).

Ainsi χA′ est scinde sur Q(ζ), par devissage (proposition .2), il existe unematrice nilpotente N telle que le bloc ζIk + N soit tout puissant sur Q(ζ).

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Pour tout n ∈ N∗, il existe une matrice B a coefficients dans Q(ζ) telle queBn = ζIk + N , ce qui donne (Bn − ζIk)

k = 0 puisque N est nilpotente.Le polynome minimal de B, note πB, divise donc (Xn − ζ)k.

Notons t l’ordre de ζ, i.e. ζ est une racine primitive t-ieme de l’unite.Prenons n egal a ta de sorte que ta soit strictement superieur a k la taille de lamatrice B (et donc au degre de πB). La proposition .9 nous dit que Xta −ζ estirreductible sur Q(ζ), comme deg πB < deg(Xna −ζ), necessairement, πB = 1,ce qui est impossible. �

Ce theoreme nous montre qu’une matrice TPQ a son polynome caracteristiquescinde sur Q, on est donc toujours dans le cas du theoreme 6. On a donc ter-mine, et demontre que les matrices toutes puissantes sur Q sont :

- les matrices unipotentes (cas inversible).

- les matrices semblables sur Q a une matrice bloc du type diag(Ir+N, 0)ou N est une matrice rationnelle nilpotente et r le rang de la matrice.

Il est facile de voir que cette condition equivaut a dire qu’une matrice A deMp(Q) est TPQ si, et seulement si, A(A − Ip)

p = 0. On peut donc enoncer :

Theoreme 9 (Description des matrices TPQ) Une matrice A deMp(Q) est toute puissante sur Q si, et seulement si, A(A − Ip)

p = 0.

6.4 Annexe : nombres tout puissants sur un corps de nombre

Nous allons donc demontrer le theoreme 7 de Perrin.K designe une extension finie de Q. On note A l’anneau des entiers de K,

c’est-a-dire les elements de K racines d’un polynome a coefficients entiers eton note A∗ le groupe de ses elements inversibles (les unites). On sait que A

est un anneau de Dedekind ([S], Ch. III, §. 4, Th. 1). L’idee est de copier lapreuve utilisee pour Q (theoreme 1), en remplacant la decomposition uniqueen produit de nombres premiers par la decomposition en produit d’ideauxpremiers. On commence par montrer le lemme suivant.

Lemme 5 Soit a ∈ K, a 6= 0 un nombre tout puissant sur K. Alors a est dansA∗, de plus ses racines n-iemes sont aussi dans A∗.

Preuve : Pour tout n ∈ N∗, il existe b ∈ K tel que a = bn. On considereles ideaux fractionnaires non nuls (a) et (b). Par exemple,

(a) = {ax|x ∈ A} .

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Ils admettent des decompositions uniques en produits d’ideaux premiers ([S],Ch. III, §4, Th. 3) :

(a) =∏

P∈P

P vp(a) et (b) =∏

P∈P

P vp(b)

ou P est l’ensemble des ideaux premiers non nuls de A, et ou les vp(a) sontdes entiers relatifs presque tous nuls.

On a a = bn, donc (a) = (b)n, l’unicite de la decomposition montre qu’on apour tout P , vP (a) = nvP (b). Cela montre que vP (a) est divisible par n et cepour tout n, donc vP (a) = 0 pour tout P , donc (a) = (1) et donc que a ∈ A∗.On obtient en plus que (b) = 1 et donc b ∈ A∗. Les racines n-iemes de a sontdonc aussi des unites. Cela sera utile pour la suite. �

Remarque : Si N est une norme sur K ([S], Ch. II, §. 6), et que a esttout puissant, on a N(a) = N(b)n (la norme est multiplicative), et comme Nest a valeurs dans Q, cela implique que N(a) = 1 d’apres le theoreme 1.

Mais cela ne suffit pas a assurer que a est dans A∗, penser a c = 3+4i5 dans

Q(i). On a N(a + ib) = a2 + b2 donc N(c) = 1, pourtant c n’est pas entiersur Q(i) puisque les entiers de Q(i) sont les elements de Z [i] ([S], Ch. II, §. 5,Th.1).

Pour finir, il reste le cas des unites. Dans Q il n’y avait que 1 et −1, ici leschoses sont plus ardues :

Lemme 6 Le seul element de A∗ qui est tout puissant sur K est 1.

Preuve : Le theoreme des unites de Dirichlet ([S], Ch. IV, §. 4, Th.1)precise la structure de A∗. C’est un groupe multiplicatif abelien de type fini,precisement isomorphe a un groupe additif de la forme Zk × G ou G est ungroupe fini cyclique. Soit a dans ce groupe, on l’ecrit additivement :

a = (a1, ..., ak, g)

avec ai ∈ Z et g ∈ G = Z/rZ. Si a est tout puissant sur K, d’apres le lemmeprecedent, il est aussi tout puissant sur A∗, ce qui se traduit en termes additifspar a = nb. On voit que ceci n’est possible que si les ai et g sont tous nuls(pour g on prend n = r). On a donc a = 0 (au sens additif) donc a = 1 (ausens multiplicatif). �

7 Exercices corriges

7.1 Diagonalisation de l’exponentielle d’une matrice

Exercice 1

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1. Soit A ∈ Mn(C). Donner la decomposition de Dunford de expA.

2. Montrer que expA est diagonalisable si et seulement si A est diagonali-sable.

3. Montrer que expA = In si et seulement si A est diagonalisable etspec A ⊂ 2iπZ.

4. Juste pour rire sur la fin : donner la decomposition de Dunford de

M =

(−1 30 5

)

.

Commentaires : Cet exercice permet de manipuler la decomposition deDunford, il precise en plus le defaut d’injectivite de l’exponentielle.

Corrige : 1. Soit A = D+N la decomposition de Dunford de A. CommeD et N commutent, on a

expA = expD expN = exp(D) (In + N ′) = expD + exp(D)N ′

avec

N ′ = N +N2

2!+ · · · + Nn−1

(n − 1)!.

Remarquons deja puisque D et N sont des polynomes en A, que N ′ etant unpolynome en N est aussi un polynome en A et que exp(D) etant un polynomeen D est aussi un polynome en A.

La matrice exp D est diagonalisable car D l’est (si D = P diag(d1, . . . , dn)P−1

alors exp(D) = P exp(diag(d1, . . . , dn))P−1 = P diag(exp(d1), . . . , exp(dn))P−1).La matrice N ′ est nilpotente comme somme finie de matrices nilpotentes

qui commutent. De plus, N ′ commute avec exp D car ce sont des polynomesen A, donc exp(D)N ′ est nilpotente (en effet (exp(D)N ′)n = exp(D)nN ′n = 0puisque N ′n = 0).

Enfin, les matrices expD et exp(D)N ′ commutent aussi car polynomes enA, donc par unicite de la decomposition de Dunford, on conclut :

La decomposition de Dunford de expA est exp A = expD+exp(D)N ′

avec N ′ = expN − In.

2. Si la matrice A est diagonalisable, on a deja vu que expA l’est aussi.Supposons que expA est diagonalisable. Alors sa partie nilpotente exp(D)N ′

est nulle, donc N ′ = expN − In = 0, puisque expD est inversible.On peut alors conclure directement que N = 0 grace a la bijection nilpotent

unipotent (proposition .3) et donc que A est bien diagonalisable.

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Sinon, on peut le faire a la main... Si N est non nulle d’indice de nilpo-tence r (avec 2 ≤ r ≤ n), alors

N ′ = N +N2

2!+ · · · + N r−1

(r − 1)!= 0,

donc Xr le polynome minimal de N , divise X + X2

2! + · · · + Xr−1

(r−1)! , ce qui estimpossible pour des raisons de degres.

3. Le deuxieme sens est facile, A est semblable a diag(a1, . . . , an) avecles ai dans 2iπZ. La matrice expA est donc semblable a diag(ea1 , . . . , ean) =In, donc expA = In.Supposons que expA = In. Alors, d’apres la question precedente, A est diago-nalisable, donc semblable a diag(a1, . . . , an). Dans ce cas exp A est semblablea diag(ea1 , . . . , ean) = In. Ceci implique que pour tout i ∈ {1, . . . , n}, eai = 1donc ai ∈ 2iπZ.

4. C’est facile. On ecrit M =

(−1 00 5

)

︸ ︷︷ ︸

D

+

(0 30 0

)

︸ ︷︷ ︸

N

.

Les matrices D et N sont respectivement diagonalisable et nilpotente. Ladecomposition de Dunford est le couple (D, N) a condition que D et N com-mutent ce qui est... faux ! En fait M a ses deux valeurs propres distinctes eta ce titre elle est diagonalisable. Et puisque la matrice nulle est nilpotente etcommute avec M , la decomposition de Dunford est en fait M = M + 0.

7.2 Racines carrees de matrices

Exercice 2 Soit A une matrice de Mn(R). On dit qu’une matrice R de Mn(R)est une racine carree de A si A = R2. On note RacA l’ensemble des racinescarrees de A. Le but de cet exercice est de determiner RacA dans divers cas.On pourra denombrer Rac A s’il est fini, sinon remarquer qu’il est constituede classes de similitude.

1. Determiner RacA dans le cas ou A admet n valeurs propres reelles dis-

tinctes. Traiter l’exemple A =

11 −5 5−5 3 −35 −3 3

.

2. Determiner Rac In.

3. Determiner Rac 0.

4. Determiner Rac (−In).

5. Expliquer comment on peut determiner RacA dans le cas ou A est dia-gonalisable.

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6. Un cas non diagonalisable sur R : determiner RacA dans le cas ou

A =

(a −bb a

)

avec b 6= 0.

7. Etude topologique : on munit Mn(R) d’une norme.

(a) Montrer que RacA est une partie fermee d’interieur vide de Mn(R).

(b) Rac In est-elle une partie bornee ?

(c) Application : montrer que pour n ≥ 2, il n’existe aucune norme || ||surmultiplicative sur GLn(R), c’est-a-dire telle que pour tous A et B dansGLn(R), ||AB|| ≥ ||A||||B||.

Commentaires : nous avons vu qu’une matrice inversible est TPR si etseulement si elle admet une racine carree. On peut legitimement se demanders’il y a plusieurs racines carrees... On se propose de determiner toutes lesracines carrees de matrices diagonalisables. On verra qu’il peut y en avoiraucune, un nombre fini ou une infinite. Cet exercice est un bon entraınementaux diverses techniques de reduction, diagonalisation simultanee, utilisationde polynomes annulateurs...

L’exercice se termine par une petite etude topologique de Rac A. On yprouve une petite application qui nous dit qu’il n’existe pas de norme ”sur-multiplicative” sur GLn(R).

Corrige : 1. A est diagonalisable, A = PDP−1 avec D diagonale. SiR2 = A, R commute avec A, donc laisse stable les droites propres de A (carA est a spectre simple), R est donc aussi diagonalisable dans la base d’espacespropres de A, d’ou R = PSP−1 avec S diagonale.

On a alors S2 = D, ce qui donne s2i = di, ou (si) et (di) sont les coefficients

diagonaux de S et D.S’il existe un di < 0, alors il n’y a pas de racine carree. Sinon, si = ±

√di

pour tout i.Reciproquement les matrices P diag(±

√d1, . . . ,±

√dn)P−1 sont bien des

racines carrees de A.

Conclusion :

- si A admet une valeur propre strictement negative, A n’admet pas deracines carrees (reelles).

- si toutes les valeurs propres de A sont strictement positives, A admet2n racines carrees.

- si 0 est valeur propre de A et que ses autres valeurs propres sontpositives, alors A admet 2n−1 racines carrees.

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Dans l’exemple a traiter, on trouve χA(X) = −X(X − 1)(X − 16) et 4racines carrees possibles :

Rac A =

P

0 0 00 ε1 00 0 4ε2

P−1, ε1, ε2 ∈ {±1}

avec P =

0 −1 −21 −1 11 1 −1

.

Remarque : attention, une matrice qui commute avec une matrice dia-gonalisable n’est pas forcement diagonalisable. En effet, toute matrice com-mute avec In, pourtant il y a des matrices non diagonalisables.

2. Si R2 = In, R annule le polynome X2 − 1 scinde a racines simples.R est donc diagonalisable, semblable a diag(ε1, . . . , εn) avec les εi valant ±1.Reciproquement, si P ∈ GLn(R), alors R = P diag(ε1, . . . , εn)P−1 verifie bienR2 = In. Donc

Rac (In) = {P diag(ε1, . . . , εn)P−1, P ∈ GLn(R)}.

C’est la reunion de n+1 classes de similitude (cela correspond au nombre de 1presents sur la diagonale de diag(ε1, . . . , εn)).

3. Si R2 = 0, R est nilpotente, donc semblable a une diagonale de blocsde Jordan Jk ou

Jk =

0 1. . .

. . .

. . . 10

∈ Mk(R)

si k ∈ N∗, et J1 = (0). Necessairement la taille des blocs est inferieure ou egalea 2, sinon R2 6= 0. R est donc semblable a une matrice

Rk = diag(J2, . . . , J2︸ ︷︷ ︸

k fois

, 0, . . . , 0).

Pour des raisons de taille, il y a au maximum E(n/2) blocs J2 dans Rk, donc0 ≤ k ≤ E(n/2). Reciproquement, toute matrice semblable a Rk verifie bienR2

k = 0.On remarque que rg Rk = k, donc si k 6= k′, Rk et Rk′ ne sont pas

conjuguees. Rac 0 est donc constitue de E(n/2) + 1 classes de similitude.

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4. Commencons par une remarque : si n = 2, on interprete −In commela matrice de rotation d’angle π, on se dit alors que les matrices de rotationd’angle π/2 vont jouer un role.

• Si R2 = −In, alors (det R)2 = (−1)n, donc necessairement n est pair.

• R annule le polynome X2 + 1 scinde a racines simples sur C. Lamatrice R est donc diagonalisable, semblable sur C a diag(ε1i, ..., εni) avecles εi dans {±1}. Comme R est reelle, ses valeurs propres complexes sontconjuguees. Parmi les εi, il y en a donc autant qui prennent la valeur 1 quela valeur −1. Quitte a conjuguer par une matrice de permutation, on a doncR ∼ diag(i,−i, ..., i,−i).

• Maintenant

Rπ/2 =

(0 −11 0

)

∼ diag(i,−i).

puisque Rπ/2 a pour polynome caracteristique X2 + 1 = (X − i)(X + i). Parproduit de blocs, et par transitivite de la relation de similitude, on en deduitque R ∼ diag(Rπ/2, . . . , Rπ/2).Attention, pour le moment les 2 matrices sont semblables sur C. Mais deuxmatrices reelles semblables sur C, le sont aussi sur R (1).

• Reciproquement, si n est pair et P ∈ GLn(R), R = P diag(Rπ/2, . . . , Rπ/2)P−1

verifie bien R2 = −In.

Faisons le bilan :

- Si n est impair, Rac (−In) est vide.- Si n est pair, Rac (−In) = {P diag(Rπ/2, . . . , Rπ/2)P

−1, P ∈ GLn(R)}et l’on obtient une seule classe de similitude.

5. Soit R une racine carree de la matrice A diagonalisable. L’idee est dese ramener aux cas precedents par diagonalisation simultanee possible grace ala commutation.

Notons λ1, . . . , λk les valeurs propres de A et p1, . . . , pk leur multipliciterespective. Notons u et v les endomorphismes de Rn canoniquement associesa A et R. Puisque u et v commutent, v laisse stable les sous-espaces propresde u. Ainsi dans une base de vecteurs propres de u (elle existe puisque u

1Rappelons la demonstration : si A et B de Mn(R) sont semblables sur C, il existe unematrice inversible P a priori a coefficients complexes telle que AP = PB. Cette matrice P

s’ecrit P = P1+iP2 avec P1 et P2 dans Mn(R). Puisque A et B sont reelles, par identificationdes parties reelles et imaginaires, on a AP1 = P1B et AP2 = P2B.

L’application polynomiale φ : t 7→ det(P1 + tP2) de C dans C est non nulle car φ(i) 6= 0donc admet un nombre fini de racines. En particulier, elle ne s’annule pas sur R tout entier,d’ou l’existence d’un reel a tel que la matrice Q = P1 + aP2 soit dans GLn(R). On conclutalors facilement que A = QBQ−1.

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diagonalisable), la matrice de u est diagonale et celle de v est diagonale parblocs. Voici la traduction matricielle : si P designe la matrice de passage de labase canonique de Rn a la base de vecteurs propres, on a

A = P diag(λ1Ip1, . . . , λkIpk

)P−1 et R = P diag(R1, . . . , Rk)P−1

avec Ri ∈ Mpi(K).

Comme A = R2, par produit des blocs, on tire que pour tout i ∈ {1, . . . , k}λiIpi

= Ri2. Les matrices Ri sont donc des racines carrees des matrices λiIpi

.

- Si λi = 0, on est ramene a Rac 0

- Si λi > 0, on est ramene a Rac Ipicar Ipi

=

(Ri√λi

)2

.

- Si λi < 0, on est ramene a Rac (−Ipi) car −Ipi

=

(Ri√−λi

)2

.

6. Si on pose z = a + ib = reiθ, A represente dans la base canoniquela matrice de la similitude directe de rapport r et d’angle θ : A = rRθ avec

Rθ =

(cos θ − sin θsin θ cos θ

)

.

On trouve alors immediatement que les deux similitudes de rapport ±√r et

d’angle θ/2 fourniront deux racines carrees de A :

R1 =√

rRθ/2 et R2 = −√rRθ/2.

Reste a verifier que ce sont les seules.Il est facile de verifier que A admet pour valeurs propres z et z. Comme b 6= 0,cela fournit 2 valeurs propres distinctes. A est donc diagonalisable et a spectresimple sur C. D’apres la question 1, on obtient donc 4 racines carrees complexesde A semblables a :

diag(ε1

√re

iθ2 , ε2

√re

−iθ2 ) avec ε1, ε2 ∈ {±1}.

Reste a chercher lesquelles sont reelles parmi les 4. Si ε1 6= ε2, les valeurspropres de la racine carree ne sont plus conjuguees car de la forme s et −savec s 6= 0, ce qui est impossible pour une matrice reelle.A admet donc au maximum 2 racines carrees reelles, mais comme on a dejavu que R1 et R2 conviennent, ce sont les seules. En conclusion :

Rac (rRθ) = {±√rRθ/2}.

7.(a) Rac A est un ensemble algebrique, c’est-a-dire une intersection de zerosde fonctions polynomiales non nulles. A ce titre, il est ferme et d’interieur vide(c’est une petite partie au sens topologique de Baire).

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Ce resultat est tres utile, une preuve detaillee figure dans l’epreuve d’algebredu concours CCP section MP de 2005. Donnons neanmoins les grandes lignesde la preuve. Un ensemble algebrique est ferme comme intersections de fermes(qui sont des images reciproques du ferme {0} par une application continue).

Un ensemble de zeros d’une fonction polynomiale P non nulle est d’interieurvide. En effet s’il admet un point interieur, P s’annule sur une boule ouvertequi est egale (en choisissant la norme infinie) a un produit cartesien d’inter-valles ouverts, ce qui implique alors que le polynome est nul. On conclut ensuitepuisqu’une intersection de parties d’interieur vide est encore d’interieur vide.

7.(b) Montrons que pour n ≥ 2, Rac In n’est pas borne. On choisit lanorme infinie sur Mn(R), qui vaut le max des valeurs absolues des coefficients.Pour tout entier p non nul,

Rp =

(−1 p0 1

)

est une racine carree de I2, de norme egale a p.Si n > 2, la matrice diag(Rp, 1, . . . , 1) est encore une racine carree de In

de norme p, ce qui prouve que pour n ≥ 2, Rac In n’est pas borne.

7.(c) Soit n ≥ 2. Remarquons deja qu’il n’existe pas de norme surmul-tiplicative sur Mn(R), car il y a des diviseurs de zeros : si A et B sont nonnulles et telles que AB = 0, on a ||A|| ||B|| ≤ ||AB|| = 0, donc ||A|| ||B|| = 0donc A = 0 ou B = 0 qui est faux2.

Supposons qu’il existe || || surmultiplicative sur GLn(R) (ou il n’existe plusde diviseurs de zeros). Soit R une matrice de Rac In. Elle est inversible cardet R = ±1. On a alors

||In|| = ||R2|| ≥ ||R||2

et donc ||R|| ≤√

||In||, ce qui est absurde puisque Rac In n’est pas borne(on utilise le fait que, dans un espace vectoriel de dimension finie, toutes lesnormes sont equivalentes).

7.3 Raffinement de la surjectivite de l’exponentielle

Exercice 3 Cet exercice propose une jolie preuve topologique du lemme 2 :pour toute matrice A de Mn(C), il existe un polynome P de C[X] tel que

2Cette remarque aboutit en fait a une autre preuve : supposons donc qu’il existe unenorme surmultiplicative sur GLn(R). Soit A une matrice inversible fixee et B une matricenon nulle telle que AB = 0. Par densite de GLn(R) dans Mn(R), il existe une suite dematrices inversibles (Bk) qui converge vers B.

Pour tout entier naturel k, on a ||A|| ||Bk||−||ABk|| ≤ 0, d’ou par passage a la limite (licitepuisque l’application M 7→ ||A|| ||M || − ||AM || est continue), on a ||A|| ||B|| ≤ ||AB|| = 0d’ou ||A|| ||B|| = 0, et donc A = 0 ou B = 0, ce qui est faux.

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A = exp(P (A)).

1. En dimension 1 :(a) Montrer que H = exp(C) est un sous-groupe ouvert de C∗.(b) Montrer que H est aussi ferme dans C∗, conclure que exp : C → C∗

est surjective.

2. En dimension quelconque : Soit A ∈ Mn(C). On veut montrer qu’il existeP ∈ C[X] tel que A = exp (P (A)).

(a) L’application exp est-elle un morphisme de groupe additif Mn(C) surle groupe multiplicatif GLn(C) ?

(b) On note C[A]∗ = C[A] ∩ GLn(C). Justifier que exp : C[A] → C[A]∗

est bien definie et que C[A]∗ est un ouvert de C[A].(c) Montrer que exp est de classe C1 sur Mn(C).(d) Montrer que H = exp(C [A]) est un sous-groupe ouvert de C [A]∗,

puis conclure.

Commentaires : nous reprenons ici la jolie preuve de Pommelet [Po] dela surjectivite de exp de C sur C∗. Si on essaye de la generaliser a GLn(C),ce qui bloque c’est le defaut de commutativite, pour pallier a ce probleme,l’idee est de restreindre la source a un ensemble de matrices qui commutent,on choisit alors naturellement C[A].

Cet exercice utilise le theoreme de l’inversion locale, et une technique deconnexite dans les groupes topologiques3. Plus precisement, on verra que si Hsous-groupe d’un groupe topologique G admet un point interieur, alors H estouvert dans G mais il est alors aussi ferme dans G, donc si G est connexe...

Corrige : 1.(a) Pour tout a, b ∈ C, exp(a+b) = exp(a) exp(b). La fonctionexp : C → C∗ est donc un morphisme de groupes, par suite exp(C) est un sous-groupe de C∗.Montrons que 1 est interieur a H. La fonction exp est holomorphe de deriveeelle meme, elle est donc de classe C1 si on la regarde comme une fonction dedeux variables reelles, sa differentielle en 0 est la multiplication par exp(0) = 1,c’est donc l’identite sur R2. D’apres le theoreme d’inversion locale, exp estdonc localement inversible, il existe un voisinage ouvert V de 1 dont tous leselements sont des exponentielles, donc 1 ∈ V ⊂ H, ce qui montre que 1 estinterieur a H.

Si a ∈ H, aV est un voisinage de a, ouvert car image de V par l’homeomorphismeh 7→ ah (sa reciproque est h 7→ a−1h), et inclus dans H car H est stable parmultiplication. H est donc ouvert.

3Un groupe topologique est un groupe muni d’une topologie separee pour laquelle lamultiplication et l’inverse sont continues. Cette definition n’est pas utile pour l’exercice.

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1.(b) On partitionne G en ses classes modulo H (x ∼ y ⇔ xy−1 ∈ H).Chacune de ses classes bH est ouverte comme image de l’ouvert H par h 7→ bh.Le complementaire de H dans C∗ est donc la reunion des ouverts bH avecb /∈ H, c’est donc une partie ouverte de C∗, ce qui donne H ferme dans C∗.

Concluons : H est a la fois ferme et ouvert dans C∗, qui est connexe, et Hn’est pas vide, donc H = C∗.

2.(a) Des que n ≥ 2, comme deux matrices ne commutent pas forcement,on n’a plus exp(A+B) = exp(A) exp(B), l’application exp : Mn(C) → GLn(C)n’est donc plus un morphisme ! On ne peut donc pas generaliser ainsi la preuve.Il nous faut de la commutativite. On pense alors aux algebres de polynomes...

2.(b) Si M = P (A) ou P est un polynome,

exp(M) = limn→+∞

n∑

k=0

(P (A))n

n!.

Comme C[A] est une C-algebre de dimension finie4 (C[A] est un sous-espacevectoriel de Mn(C) de dimension finie sur C), c’est donc une partie fermeede Mn(C). Par suite exp(M) est un polynome en A, puisque limite d’unesuite de polynomes en A. On sait en plus que exp(M) est inversible, doncexp : C[A] → C[A]∗ est bien definie.

On a C[A]∗ = {M ∈ C[A], det M 6= 0}, donc c’est une partie ouverte deC[A] comme image reciproque de l’ouvert C∗ par l’application continue det(car polynomiale).

2.(c) Une methode consiste a utiliser le theoreme de derivation terme aterme d’une serie de fonctions. On pose pour k ∈ N,

fk : M 7→ Mk

k!.

Les fonctions fk sont de classe C1 sur Mn(C) (car les coefficients de la matriceMk/k! sont des polynomes en les coefficients de M), la serie

k≥0 fk convergesimplement sur Mn(C). Il suffit donc de prouver que montrer que la serie∑

k≥0 d fk converge uniformement sur les compacts de Mn(C).

Pour cela, on choisit sur Mn(C) une norme || || sous-multiplicative, c’est-a-dire telle que ||AB|| ≤ ||A|| ||B||.

Il nous faut calculer pour tout entier k ≥ 1, la differentielle de la fonc-tion fk, donc de l’application M 7→ Mk. Pour la differentielle en X, on isoleles termes lineaires en H obtenus en developpant (X +H)k. Les autres termes

4En fait la dimension de C[A] vaut le degre de πA, polynome minimal de A.

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(en nombre fini) ont au moins deux fois le ”facteur” H, ce sont donc desO(||H||2).

(X + H)k = (X + H) · · · (X + H)

= Xk + HXk−1 + XHXk−2 + · · · + Xk−1H + O(||H||2).

On en deduit pour k ≥ 1 que la differentielle de fk en X, notee dfk, estl’application lineaire de Mn(C) dans Mn(C) definie par

dfk(X).H =1

k!(HXk−1 + XHXk−2 + · · · + Xk−1H).

On note L l’espace vectoriel des applications lineaires de Mn(C) dans Mn(C),que l’on munit de la norme N subordonnee a || ||. Il s’agit de montrer que∑

k dfk converge uniformement sur les compacts de Mn(C). Pour tout H ap-partenant a Mn(C), on a

||dfk(X).H|| ≤ 1

k!k||X||k−1||H||,

donc

N (dfk(X)) ≤ ||X||k−1

(k − 1)!.

La serie∑

n≥0 dfk est donc uniformement convergente sur les boules

{X ∈ Mn(C), ||X|| ≤ R}

de Mn(C), la serie∑

k≥0 fk converge simplement vers exp, et l’on en deduit

que exp est de classe C1 sur ces boules, donc sur Mn(C).

Remarques : α) Vous pouvez regarder Rouviere [Ro] exercice 38, pourune preuve du theoreme de derivation terme a terme des series de fonctions.

β) On peut montrer que exp est de classe C∞, on pourra consulterLafontaine [Laf] p 36 pour une preuve differente a l’aide d’analyse complexe.

γ) Attention, on ne peut justifier que exp est de classe C1 par l’argumentexpA est un polynome en A. En effet, les coefficients du polynome dependentde A... Avec ce meme raisonnement, on comettrait l’erreur de dire que l’ap-plication qui a une matrice associe son polynome minimal est continue... Ceciest faux, la suite

An =

(0 1/n0 0

)

tend vers la matrice nulle. Pour tout n, le polynome minimal de An est X2, ilne peut donc tendre vers X le polynome minimal de la matrice nulle.

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2.(d) A partir de la, il n’y a plus qu’a imiter la preuve de la question 1.Comme tous les polynomes en A, commutent entre eux, exp : C[A] → C[A]∗

est un morphisme de groupes, et H = exp(C[A]) est un sous-groupe de C[A]∗.La fonction exp est de classe C1, sa differentielle en 0 est l’identite donc estinversible :

exp(H) = In + H + O(||H||2).On en deduit l’existence d’un voisinage ouvert V tel que In ∈ V ⊂ H. Pourtout M ∈ H, MV est un voisinage ouvert de M dans H, car B 7→ MB estun homeomorphisme sur GLn(C) (c’est une application lineaire donc continuecar en dimension finie), d’inverse B 7→ M−1B).Le groupe H est donc un sous-groupe ouvert de C[A]∗, il est donc aussi ferme(meme preuve qu’en 1.b).Si M et N sont dans C[A]∗, la fonction polynomiale non nulle de C dans C

z 7→ det ((1 − z)M + zN)

n’admet qu’un nombre fini de zeros et ne s’annule ni en 0, ni en 1, donc ilexiste un chemin continue γ joignant 0 a 1 qui evite ces zeros dans C. Alorsl’arc parametre

t 7→ (1 − γ(t))M + γ(t)N

joint M et N et est a valeurs dans C[A]∗, ce qui prouve que C[A]∗ est connexepar arcs.

Finalement la partie H est non vide, ouverte et fermee dans le connexeC[A]∗, donc H = C[A]∗, ce qui acheve la preuve.

Remarque : GLn(C) est un groupe topologique, sa topologie provientde l’espace vectoriel norme Mn(C), et les applications (A, B) 7→ AB et A 7→A−1 sont continues (comme A−1 =

tcomAdet A , l’application inverse est une fraction

rationnelle en les coefficients de A).

7.4 Matrices toutes puissantes sur Z

Exercice 4 Le but de cet exercice est de determiner les matrices toutes puis-santes sur Z, a savoir les matrices A de Mn(Z) telles que pour tout k ∈ N∗, ilexiste une matrice B de Mn(Z) telle que A = Bk.Si p est un nombre premier, on note x la classe d’un entier x modulo p, et πp

l’application de Mn(Z) dans Mn (Z/pZ) qui a une matrice M de coefficients(mij) associe sa reduction modulo p, c’est-a-dire la matrice πp(M) dont lescoefficients sont (mij).

1. Demontrer que si A ∈ Mn(Z) est toute puissante sur Z, alors pour toutnombre premier p, la matrice πp(M) est toute puissante sur Z/pZ.

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2. Demontrer que si une matrice M de Mn(Z) est telle que pour tout nombrepremier p, πp(M) = 0, alors M est la matrice nulle.

3. Demontrer que les matrices de Mn(Z) toutes puissantes sur Z sont lesmatrices de projecteurs (on pourra utiliser la determination des matrices toutespuissantes sur les corps finis).

Commentaires : ce joli petit exercice est un exemple reussi de passagedu local au global en arithmetique. On cherche tout d’abord des solutionsmodulo p (solutions ”locales”) puis on remonte aux solutions sur Z (solutions”globales”). On peut citer pour la culture le principe de Hasse : sous certaineshypotheses, une equation polynomiale P (x) = 0 a des solutions dans Q siet seulement si elle en a dans tous les completes de Q (au sens metrique duterme), et les seules completions de Q sont R et les corps p-adiques Qp pourtout p premier.

Corrige : 1. Soit p un nombre premier. Soit M = (mij) et N = (nij)deux matrices de Mn(Z). Puisque la surjection canonique

Z → Z/pZ

x 7→ x

est un morphisme d’anneau, on a

mij + nij = mij + nij etn∑

k=1

miknkj =n∑

k=1

mik nkj .

Ainsi πp(M + N) = πp(M) + πp(N) et πp(MN) = πp(M)πp(N) et doncl’application

πp : Mn(Z) → Mn(Z/pZ)

(mij) 7→ (mij)

est un morphisme d’anneaux.Soit A toute puissante sur Z. Pour tout k ∈ N∗, il existe une matrice B

de Mn(Z) telle que A = Bk. Alors en reduisant modulo p, il vient par lemorphisme πp, πp(A) = πp(B)k, ainsi πp(A) est toute puissante sur Z/pZ.

2. Soit M = (mij) dans Mn(Z) telle que pour tout nombre premier p,πp(M) = 0. Alors les coefficients mij sont des entiers divisible par tout nombrepremier p, ce qui n’est possible que si mij = 0, c’est-a-dire M = 0.

3. Soit A une matrice toute puissante sur Z. Alors d’apres la question 1,pour tout nombre premier p, la matrice πp(A) est toute puissante sur le corpsfini Z/pZ. Mais on a demontre au theoreme 5 que les matrices toutes puis-santes sur un corps fini sont les projecteurs. Ainsi πp(A) est un projecteur

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et πp(A)2 = πp(A). D’ou par morphisme πp(A2 − A) = 0 et ceci pour tout

nombre premier p. D’apres la derniere question, cela implique que A2−A = 0,et donc A est un projecteur.

Reciproquement si A ∈ Mn(Z) est un projecteur, par recurrence immediatepour tout k ∈ N∗, on a A = Ak donc A est toute puissante sur Z.

References :

[Laf] Lafontaine, **.

[Mn] Mneimne Rached, Reduction des endomorphismes, Calvage et Mounet (2006).

[Pe] Perrin Daniel, Cours d’algebre, Ellipses (1996).

[Ro] Francois Rouviere, Petit guide de calcul differentiel a l’usage de la licence

et de l’agregation, Collection : enseignement des mathematiques, Cassini (1999).

[S] Samuel Pierre, Theorie algebrique des nombres, Hermann (1967).

[www] Coste Michel, http ://agreg-maths.univ-rennes1.fr/documentation/docs/Expon

entielle.pdf.

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