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Mathieu et Roggié MESSAGERS-COMMISSIONNAIRES pour tous paya de la Céte d'Azur. Plusieurs départs par jour. Service spécial pour Nice, Monte-Carlo et Menton. Tout rembour- sement est exécuté dans les 24heures. Bureaux à Cannes : Bar Féraud. en face la gare, côté départ. Téléphone: 5.13. ANice: Bar de la Treille, 14, rue de Belgique. Téléphone : 30.68. g024 I lORCËMINES: »STAUX-¥ERKERIES Ï oe TOUTC PROVENANCE ' S ORFÈVRERIE CHRISÏOFLE&C? «' ÛOiHBAUU | jj WAUBERT FRÈRES, 120.Rue * "• "• TÈLÉPMONe 26 CANNES i *tilitr deSéparations et Constructions ÉÉ et D'ÉLECTRICITÉ M OW H CÉSAR BARZAGHI MttsWn-llMUtln TMlMlqu S, Boute de Gras», 29 mot*», Asonntu, Monto-duut» Êtto- Tmn, Lumldt». 3pfcl«Cté pownubhlMi dt ton nitfcni. ••• TSSptlow ; lï-W qm le Thé : SA PLEUR Pl«a» de Shê HS&I-XV » UarqQi 6*Teste déparia u D*POT A CANNES t, KM LfcRl* IlCfni ( Pftli POTÏB, ) JOESaEKKEi., 18, f. fAMu. (SSAKK, 80. i)«d*>»* Car»*. TAVEMg «OVftlS - "BIJOU A> Stations de la Cote fixur USINE AGAZ DE CANNES PLACE DE LA PEYRIÈBE - TÉLÉPHONE 1.22 - PRIX OU OOKB Coke tout venant Les 100 k. 4fr.5O S Coke tout venant Le3 108 k Sfr. Coke gros, cassé et criblé. — d° — 4fr.7O Coke petit, cassé et criblé. — d° — 4fr.8O PRIS AL'USINE Coke gros, cassé et criblé. — d° — Sfr. 26 Coke petit, cassé et criblé. — «f — 5fr.M UVRE ADOMICILE, dam U périmètre Je IQctni Les prix ci-dessus sont applicables àpartir du 8 Décembre 1913, et jusqu'à nouvel avis I fyXI BU tl PJUBIS, ?GIE ÉLECTRIQUE 1 ta»t*M •« Sayllal «8.000.000 »0, lac à* U Vlctalre, r«IH * »» » • » «<« Aiua a •an'ftuaw teuejft BONNE OCOASIOll Hangar à fendra M JOZIEK « • (TOzteid. 13, CannU On demande jeune hom- me présenté par sa fa- mille pour magasin et courses. S'adresser chez M. Renouf, rue d'Antibes, 274 9065 tous TRAVAUX D'IMPRIMERIE CATALOGUES, ETC.. CTC. Semaades le PRIX à L'IMPRIMERIE ROBAUDY 84, Rue Moche, 24 Il SQBQNÉe u I PRIX MODÉRÉS MANDELIEU à 8 kl!, de CANNES GOLF POLO = COURSES Ne quittez pas la Rfvi@ra sans avoir fait l'©x©ur&ion l'Observatoire dy ROC FLEURI = Têlépttone 1O FEOILLETON DU LITTORAL par Daniel LESTJEUR Honneur d'une Femme Après quelques réticences, il finit par lui ; exposer la situation. Baussaine avait acheté ses actions pour lui rendre service, le croyant dans un embarras momentané- Mais il n'avait acquis les valeurs qu'après avoir sérieuse- ment examiné les récents dividendes donnés par la verrerie. Or ces dividendes,bien qu'a- yant été versés scrupuleusement, étaient fic- tifs, puisque le directeur les avait payés, non sur les revenus réels de l'affaire, mais sur sa fortune personnelle. Maintenant Baus- saine tenait son honneur entre les main , car il pouvait.le faire poursuivre pour escroque- •rie, tout simplement. Darîa se sentit glisser dans un abîme, X/horrible impression prit une intensité telle qu'elle devint physique. Dans un vertige l'in- iortunée se cramponna à la table et bascula presque avec sa chaise, croyant rétablir un équilibre qu'elle perdait enimagination. L'é- garement de sa physionomie épouvanta Mi- cheL II se précipita pour la soutenir, puis croyant qu'elle s'évanouissait, il voulut ap- pder. Tais-toi !... Tais-toi !... supplia-t-elle d'une voix défaillante. Elle s'accrochait à son bras en haletant. Retire monchapeau, murmura-t-ellc. Il semblait à Daria que son petit canotier d'amazone, qu'elle n'avait même pas songé à ô/ter, pesait à son front d'un poids de fer. Michel, d'une main tremblante, enleva la longue épingle débarrassa de la légère coif- fure cette pauvre tête alourdie. En effleurant les tempes, il les sentit mouillées et glacées. Alors il se mit à genoux, cacha son visage dans la jupe de sa femme, et pleura. Non... pas cela... pas cela... lui dit-elle avec une douceur brisée. Mais, sur son visage à elle-même, une pluie de larmes ruissela tout à coup. Je pensais bien que tune me pardonne- rais pas, murmura Michel en se levant. Puis d'un air sombre : Aussi... Tiens... J'ai pensé à mourir. Il se leva brusquement, ouvrit le tiroir de la table, et sortit un revolver qu'il lui montra. Alors Daria eut cette notion très nette que la lâcheté decet homme ne supporterait au- cune des conséquences du mal qu'il avait fait. Non seulement il n'endurerait nuls reproches et d'ailleurs combien les reproches seraient inutiles !... — mais il ne tolérerait pas la for- ce de se contraindre, si elle ne s'appliquait pas à le consoler, lui, à le relever, lui, elle au- rait à subir toute l'absurde exaltation de ses remords agressifs, de son théâtral désespoir, et peut-être l'extravagance de ses actes. Car, dans la surrexitation de l'alcool, auquel il ne manquerait pas de recourir, de quoi ne serait- il pas capable ? Le refuge du suicide pourrait en effet tenter la démence de son orgueil ma- lade... Et cette flétrissure retomberait sur ses enfants. II dut se féliciter de l'effet produit, car il constata le prodigieux effort par lequel sa femme se trouva tout à coup droite, calme les traits empreints d'une vaillance presque souriante : Allons, lui dit-elle, cache bien vite cette arme... Y penses-tu ?... Ne serait-ce pas te déclarer coupable que de disparaître. Et tu ne l'es pas puisque tu n'as agi que par un dé- sintéressement insensé. La situation ne peut pas être aussi désespéré que tu le crois. Nous y trouverons un remède. Compte absolu- ment sur moi, sur le peu que je possède... Seulement, comme je le disais tout à l'heure je veux me rendre compte... Tu n'y vois pas d'objection n'est-ce pas ? Certes, non, lui dit-il, tandis qu'il se hâtait de serrer le revolver. Mais, pour le premier paiement, ma pau- vre amie le temps des investigations manque. J'ai soixante-quinze mille francs à payer avant demain midi. Faute de quoi je me verrai forcé de déposer mon bilan. Quelles sont les formalités ? demanda Daria. Ta signature tout simplement. Tu l'auras. Prépare les papiers. Et per- mets-moi de rentrer chez moi pour changer de costume. En quittant la bibliothèque Mme Nogaret dès le palier, rencontra la curiosité aux guets de sa femme dechambre. Que faites-vous Rosa ? J'attendais... Je ne savais pas quelle robe il fallait sortir pour Madame. Mon costume tailleur gris. Madame ne préférerait pas de la toile ? De la serge blanche ? Madame ne réfléchit pas qu'il fait très chaud ? Mais Madame d'un geste nerveux confir- ma son ordre. Instinctivement, elle avait de- mandé la plus simple de ses toilettes. Quand elle l'eut endossée, elle passa dans son petit salon. Enfin !.,. Nuls regards ne se posaient plus sur son visage pour y surprendre l'atroce affleurement de sa douleur.., Ce fut un soula- gement de laisser se détendre sa bouche con- vulsive et se voiler ses yeux que brûlaient des pleurs non répandus. Pendant quelques se- condes, uneinertie bienfaisante lui ôta la sensation de son malheur. Puis, ce fut une crise d'angoisse aiguë, qu'elle supporta les paupières sèches, les mâchoires contractées, les mains étroitement jointes, dans une im- mobilité cataleptique. Enfin elle alla s'asseoir devant un. petit bureau à cylindres Louis XV, un bijou d'é- bênisterie. Tirant vers elle un des minuscules tiroirs, elle en sortit un carnet relié de soie an- cienne, l'ouvrit et écrivit ces mots : a Le malheur, la pauvreté, l'effort, sont le lot de l'humanité presque tout entière. Un très petit nombre de privilégiés y échappent. Pendant vingt-quatre ans dema vie, j'ai ap- partenu à cette minorité infime des heureux du monde. Aujourd'hui, je ne fais que ren- trer dans la loi commune. Plus favorisée pen- dant longtemps que bien d'autres, je n'ai donc pas le droit de m'apitoyer sur mon sort Quand à mes fils, jene leur dois pas la riches- se mais l'honneur. J'en fais le serment devant Dieu : je ne penserai pas un instant à moi- même jusqu'à ce que cet honneur soit sauf. » Elle data, signa. Puis, ayant enfermé le petit cahier elle se mit debout. Et elle resta un instant, la main au dossier de la chaise,. comme pour écouter monter du fond d'elle- même des forces inconnues, tandis que sa tê- te se haussait lentement et que le sourire na- vrant de sa bouche seforçait à la sérénité. Dans l'avenue du Bois de Boulogne, la vie- toria de Mme Nogaret s'arrêta devant la mai- son demeurait M. Baussaine. Tandis que son valet de pied pénétrait sous la voûte pour demander au concierge si le constructeur ' était chez lui, Daria leva les yeux sur la gi- gantesque bâtisse neuve. Le soleil blanchis- sait la façade, qui s'étendait en hauteur et en largeur formidablement. Des multitudes de- balustrades, de bow-windows, de demi-colon- nes, se groupaient ou s'espaçaient régulière- ment suivant lasymétrie des étages. On ima- ginait tous ces appartements de somptuosité pareille, regardant tous l'existence à travers les identiques fenêtres à petits carreaux Louis XVI, et se souciant moins de U laisser entrer, large, libre et émouvante, que de se murer contre elle dans cette 'énorme cage, derrière l'impersonnalité épaisses de ses ar- chitec'tures. Au dehors dans la riante avenue, c'était la solitude relative de l'avant-midi, la perspec- tive de la longue chaussée dorée de lumière, entre le satin clair des verdures, les gazons lustrés par l'eau des arrosages, les beaux ar- bres aux formes harmonieuses. Le valet de pied revint, et, soulevant son chapeau : Monsieur Baussaine est chez lui. A Bvîvre.

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Page 1: MANDELIEU - Cannesarchivesjournaux.ville-cannes.fr/dossiers/littoral/1914/Jx5_Littoral... · A> Stations de la Cote fixur USINE A GAZ DE CANNES PLACE DE LA PEYRIÈBE - TÉLÉPHONE

Mathieu et RoggiéMESSAGERS-COMMISSIONNAIRES

pour tous paya de la Céted'Azur. Plusieurs départspar jour. Service spécialpour Nice, Monte-Carloet Menton. Tout rembour-sement est exécuté dansles 24 heures. Bureaux àCannes : Bar Féraud. enface la gare, côté départ.Téléphone: 5.13. ANice:Bar de la Treille, 14, ruede Belgique. Téléphone :30.68. g024

I lORCËMINES: »STAUX-¥ERKERIES Ïoe TOUTC PROVENANCE ' S

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USINE A GAZ DE CANNES PLACE DE LA PEYRIÈBE - TÉLÉPHONE 1.22 -

PRIX OU OOKB

Coke tout venant Les 100 k. 4fr.5O S Coke tout venant Le3 108 k Sfr.Coke gros, cassé et criblé. — d° — 4fr.7OCoke petit, cassé et criblé. — d° — 4fr.8O

PRIS A L'USINE

Coke gros, cassé et criblé. — d° — Sfr. 26Coke petit, cassé et criblé. — «f — 5fr.M

UVRE A DOMICILE, dam U périmètre Je IQctni

Les prix ci-dessus sont applicables à partir du 8 Décembre 1913, et jusqu'à nouvel avis

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Hangar à fendraM JOZIEK

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On demande jeune hom-me présenté par sa fa-mille pour magasin etcourses.

S'adresser chez M.Renouf, rue d'Antibes, 274

9065

tous TRAVAUX D'IMPRIMERIECATALOGUES, ETC.. CTC.

Semaades le PRIX à

L'IMPRIMERIE ROBAUDY84, Rue Moche, 24

Il

SQBQNÉeu

I

PRIX MODÉRÉS

MANDELIEU à 8 kl!, de CANNES

GOLF — POLO = COURSES

Ne quittez pas la Rfvi@rasans avoir fait l'©x©ur&ion

l'Observatoire dy ROC FLEURI

= Têlépttone 1O

FEOILLETON DU LITTORAL

par Daniel LESTJEUR

Honneur d'une FemmeAprès quelques réticences, il finit par lui ;

exposer la situation. Baussaine avait achetéses actions pour lui rendre service, le croyantdans un embarras momentané- Mais il n'avaitacquis les valeurs qu'après avoir sérieuse-ment examiné les récents dividendes donnéspar la verrerie. Or ces dividendes,bien qu'a-yant été versés scrupuleusement, étaient fic-tifs, puisque le directeur les avait payés,non sur les revenus réels de l'affaire, maissur sa fortune personnelle. Maintenant Baus-saine tenait son honneur entre les main , caril pouvait.le faire poursuivre pour escroque-•rie, tout simplement.

Darîa se sentit glisser dans un abîme,X/horrible impression prit une intensité tellequ'elle devint physique. Dans un vertige l'in-iortunée se cramponna à la table et basculapresque avec sa chaise, croyant rétablir unéquilibre qu'elle perdait en imagination. L'é-garement de sa physionomie épouvanta Mi-cheL II se précipita pour la soutenir, puiscroyant qu'elle s'évanouissait, il voulut ap-pder.

— Tais-toi !... Tais-toi !... supplia-t-elled'une voix défaillante.

Elle s'accrochait à son bras en haletant.— Retire mon chapeau, murmura-t-ellc.Il semblait à Daria que son petit canotier

d'amazone, qu'elle n'avait même pas songéà ô/ter, pesait à son front d'un poids de fer.

Michel, d'une main tremblante, enleva lalongue épingle débarrassa de la légère coif-fure cette pauvre tête alourdie. En effleurantles tempes, il les sentit mouillées et glacées.Alors il se mit à genoux, cacha son visagedans la jupe de sa femme, et pleura.

— Non... pas cela... pas cela... lui dit-elleavec une douceur brisée. Mais, sur son visageà elle-même, une pluie de larmes ruisselatout à coup.

— Je pensais bien que tu ne me pardonne-rais pas, murmura Michel en se levant. Puisd'un air sombre : Aussi... Tiens... J'ai penséà mourir.

Il se leva brusquement, ouvrit le tiroir dela table, et sortit un revolver qu'il lui montra.

Alors Daria eut cette notion très nette quela lâcheté de cet homme ne supporterait au-cune des conséquences du mal qu'il avait fait.Non seulement il n'endurerait nuls reproches— et d'ailleurs combien les reproches seraientinutiles !... — mais il ne tolérerait pas la for-ce de se contraindre, si elle ne s'appliquaitpas à le consoler, lui, à le relever, lui, elle au-rait à subir toute l'absurde exaltation de sesremords agressifs, de son théâtral désespoir,et peut-être l'extravagance de ses actes. Car,dans la surrexitation de l'alcool, auquel il nemanquerait pas de recourir, de quoi ne serait-il pas capable ? Le refuge du suicide pourraiten effet tenter la démence de son orgueil ma-lade... Et cette flétrissure retomberait surses enfants.

II dut se féliciter de l'effet produit, car ilconstata le prodigieux effort par lequel safemme se trouva tout à coup droite, calmeles traits empreints d'une vaillance presquesouriante :

— Allons, lui dit-elle, cache bien vite cettearme... Y penses-tu ?... Ne serait-ce pas tedéclarer coupable que de disparaître. Et tune l'es pas puisque tu n'as agi que par un dé-sintéressement insensé. La situation ne peutpas être aussi désespéré que tu le crois. Nousy trouverons un remède. Compte absolu-ment sur moi, sur le peu que je possède...Seulement, comme je le disais tout à l'heureje veux me rendre compte... Tu n'y vois pasd'objection n'est-ce pas ?

— Certes, non, lui dit-il, tandis qu'il sehâtait de serrer le revolver.

Mais, pour le premier paiement, ma pau-vre amie le temps des investigations manque.J'ai soixante-quinze mille francs à payeravant demain midi. Faute de quoi je meverrai forcé de déposer mon bilan.

— Quelles sont les formalités ? demandaDaria.

— Ta signature tout simplement.— Tu l'auras. Prépare les papiers. Et per-

mets-moi de rentrer chez moi pour changer decostume.

En quittant la bibliothèque Mme Nogaretdès le palier, rencontra la curiosité auxguets de sa femme de chambre.

— Que faites-vous là Rosa ?— J'attendais... Je ne savais pas quelle

robe il fallait sortir pour Madame.— Mon costume tailleur gris.— Madame ne préférerait pas de la toile ?

De la serge blanche ? Madame ne réfléchitpas qu'il fait très chaud ?

Mais Madame d'un geste nerveux confir-ma son ordre. Instinctivement, elle avait de-mandé la plus simple de ses toilettes. Quandelle l'eut endossée, elle passa dans son petitsalon. Enfin !.,. Nuls regards ne se posaientplus sur son visage pour y surprendre l'atroceaffleurement de sa douleur.., Ce fut un soula-gement de laisser se détendre sa bouche con-vulsive et se voiler ses yeux que brûlaient despleurs non répandus. Pendant quelques se-condes, une inertie bienfaisante lui ôta lasensation de son malheur. Puis, ce fut unecrise d'angoisse aiguë, qu'elle supporta lespaupières sèches, les mâchoires contractées,les mains étroitement jointes, dans une im-mobilité cataleptique.

Enfin elle alla s'asseoir devant un. petitbureau à cylindres Louis XV, un bijou d'é-bênisterie. Tirant vers elle un des minusculestiroirs, elle en sortit un carnet relié de soie an-cienne, l'ouvrit et écrivit ces mots :

a Le malheur, la pauvreté, l'effort, sont lelot de l'humanité presque tout entière. Untrès petit nombre de privilégiés y échappent.Pendant vingt-quatre ans de ma vie, j'ai ap-partenu à cette minorité infime des heureuxdu monde. Aujourd'hui, je ne fais que ren-trer dans la loi commune. Plus favorisée pen-dant longtemps que bien d'autres, je n'aidonc pas le droit de m'apitoyer sur mon sortQuand à mes fils, je ne leur dois pas la riches-se mais l'honneur. J'en fais le serment devantDieu : je ne penserai pas un instant à moi-même jusqu'à ce que cet honneur soit sauf. »

Elle data, signa. Puis, ayant enfermé lepetit cahier elle se mit debout. Et elle resta

un instant, la main au dossier de la chaise,.comme pour écouter monter du fond d'elle-même des forces inconnues, tandis que sa tê-te se haussait lentement et que le sourire na-vrant de sa bouche se forçait à la sérénité.

Dans l'avenue du Bois de Boulogne, la vie-toria de Mme Nogaret s'arrêta devant la mai-son où demeurait M. Baussaine. Tandis queson valet de pied pénétrait sous la voûte pourdemander au concierge si le constructeur 'était chez lui, Daria leva les yeux sur la gi-gantesque bâtisse neuve. Le soleil blanchis-sait la façade, qui s'étendait en hauteur et enlargeur formidablement. Des multitudes de-balustrades, de bow-windows, de demi-colon-nes, se groupaient ou s'espaçaient régulière-ment suivant la symétrie des étages. On ima-ginait tous ces appartements de somptuositépareille, regardant tous l'existence à traversles identiques fenêtres à petits carreauxLouis XVI, et se souciant moins de U laisserentrer, large, libre et émouvante, que de semurer contre elle dans cette 'énorme cage,derrière l'impersonnalité épaisses de ses ar-chitec'tures.

Au dehors dans la riante avenue, c'était lasolitude relative de l'avant-midi, la perspec-tive de la longue chaussée dorée de lumière,entre le satin clair des verdures, les gazonslustrés par l'eau des arrosages, les beaux ar-bres aux formes harmonieuses.

Le valet de pied revint, et, soulevant sonchapeau :

— Monsieur Baussaine est chez lui.

A Bvîvre.