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Maladie de Horton=
Artérite à cellules géantes
J.BODDAERTService de gériatrie du Pr VERNY
Pitié-Salpétriè[email protected]
« C’est l’histoire d’une vieille dame de 76 ans, alerte et trottinante jusqu’au jour où son entourage remarque des modifications sensibles de son comportement. Cette femme jusqu’alors gaie devient geignarde, se plaint de ses articulations, de la « raideur » de ses masses musculaires, de douleurs dans les os; parallèlement s’installe un train de fièvre qui, en raison de la proximité de ses petits-enfants, fait rechercher une tuberculose latente que clichés thoraciques et analyses de l’expectoration permettent d’éliminer. Mais à cette occasion, on mesure la vitesse de sédimentation qui, à la surprise de tous, est très accélérée à 80 mm dès la première heure. »
« Puis au bout de quatre mois, alors que l’état général s’altère et que l’amaigrissement atteint 6 kg, surgissent progressivement ce que l’on va appeler des migraines, en réalité bilatérales, et qui ne représentent que les paroxysmes d’une céphalée, en fait permanente. Bientôt la malade, dont la coquetterie était légendaire parmi ses petites amies, n’ose plus se coiffer, le contact du peigne déclenchant des algies crâniennes atroces; n’ose plus poser la tête sur son oreiller, ne dort plus, apparaît négligée, non coiffée, redoutant les soins de toilette, amaigrie et fébrile. Deux mois s’écoulent et un dimanche matin, sans aucun prodrome, alors qu’elle lit son office, elle devient d’une minute à l’autre, aveugle de l’œil droit. »
« Appelé à voir cette femme, dont l’histoire et l’accident oculaire brutal évoquaient la maladie de Horton, je pus constater la présence, dans la région temporale gauche d’un cordon de la dimension d’une plume d’oie, recouvert d’une zone d’œdème rosé, non animé de battement, effroyablement douloureux. La résection de ce segment artériel apporta la preuve d’une artérite à cellules géantes. La malade fut soulagée de ses céphalées, mais mourut six semaines plus tard dans un tableau d’hémorragie cérébrale. L’autopsie ne put être pratiquée. »
Pr Fred SIGUIER, Maladies vedettes 1957
PLAN
Définition, physiopathologiePlace au sein des vascularitesEpidémiologieDiagnostic clinique. PronosticConduite à tenirTraitementCas cliniques
Définition de l’ACG
Pan-artérite sub-aiguë inflammatoire à cellules géantes avec destruction de la LEIsegmentaire et pluri-focaleEssentiellement les artères petites à moyennes provenant de l’aorte thoracique
Physiopathologie
Affection auto-immune cellulaire T: reconnaissance d’un antigène soit de la paroi, influencé par l’âge, soit exogène (infectieux).En effet , 100 % des patients ont en commun une courte séquence de 4 AA affectant la présentation de l’Ag au lymphocyte CD4.Puis production de cytokines inflammatoires (IL-1ß, IL-6, IL-2) et d’IFN-γ. La production macrophagique de métalloprotéases et de NO entraînerait la fragmentation de la limitante élastique interne.
Lien avec l’âge : Altération de la paroi artérielle démasquant un Ag, ou favorisant la pénétration dans la paroi d’un exo-Ag ?
Place au sein des vascularites ?
Vascularites
Sarcoïdose*Virale, Bactérienne, Fungique, Rickettsiose
Amphétamines, Ephedrine, Heroïne, AllopurinolLMNH, LNH, Leucémies
AutresInfectieuseIatrogèneNéoplasique ou paranéoplasique
Lupus Erythémateux Systémique*Syndrome de Gougerot-Sjögren*
Polyarthrite Rhumatoïde
Connectivites
Périartérite Noueuse*Granulomatose de Wegener*
Churg et StraussAngéite d’hypersensibilité de Zeek
Maladie de KawasakiGranulomatose lymphomatoïde
Artérite à cellules géantes*Artérite de Takayashu
Maladie de Behçet*
Vascularites systémiques
Schématiquement, les vascularites chez le sujet âgéAEG, fièvre, évolution traînante avec:
Granulomatose de WegenerORL (70-100 %)
Rhinite sanglante, sinusite, otiteSympt. Récidivants, R à ATB
Poumons (70-100%)Rein (46-90 %)
GN rapidement progressiveANCA (anti protéinase 3)
Péri-artérite noueuseSN périphérique (36-72 %)Cutanée (25-60 %)
Purpura, livedo, nodules vasc.
Rein (36-83 %)Vasculaire: HTA + + +
Digestif (14-62 %)Hémorragies, perforations
Ag HbS, ANCA (MPO)
Tableau pouvant mimer une vascularite
AthéroscléroseEmbolies de Cholestérol
Syndrome Primaire des Anti-PhospholipidesPurpura Thrombotique Thrombocytopénique
Myxome, Endocardite marastiqueAngioendotheliomatose
Dissection artère cérébrale (Dysplasie fibromusculaire)Artérite post-radique
MoyamoyaAutres
Epidémiologie de l’ACG
Atteint préférentiellement le sujet âgé !Pic de fréquence entre 70 et 80 ansPrévalence variable:
Diagnostic clinique: 20 – 40 pour 100 000Autopsies: ~ 1 %
Incidence: 6 – 22 / 100 000 / anSex ratio: prédominance féminine 7:3FdR:
tabagisme RR de 5.48 à 13.8Maladie artérielle athéromateuse: RR 4.5
Diagnostic clinique
Installation progressive 2/3Céphalées 67 %
Temporales, lancinantes.Torticolis fébrile
Amaigrissement 53 %Fièvre 53 %Artérite temporale 45 %Abolition pouls temp. 41 %
PPR 50 %
Parést. cuir chev. 33 %Signes du peigne, de l’oreiller, du chapeau, les branches des lunettes..
Claudication mand. 33 %Manif oculaires 33 %BAV 22 %Amaurose 14 %
Critères diagnostiques de l’ACG (ACR)Sens 93.5 %, Spe 91.2 %
Infiltrat mononucléé (lympho), granulomateux, à cellules géantes
Anomalies de la BAT
> 50 mm/h (Westergren)Augmentation de la VS
Induration, sensibilité ou abolitionAnomalies de l’art. temporale
En type, localisation ou intensitéCéphalées récentes
Age de début > 50 ans
Définition3 critères parmi:
Hunder, 1990
Pseudopolyarthrite RhizoméliqueCritères diagnostiques
Age > 50 ansDouleurs de début brutal depuis > 1 moisDouleurs des ceintures: scap, cerv et pelv.Rythme inflammatoire
Nocturnes avec enraidissement matinal
AEG fréquenteMyalgies fréquentesPolyarthralgies périphériques possibleSynovite: penser PRRentabilité de la BAT systématique : 10 %
selon clinique
Diagnostic différentiel de la PPRFAN, LWR, CPK, EPP, IEPP
Polyarthrite rhumatoïdeForme classique sero +Forme à début rhizomélique (25 %)
AiguëSéronégative (Latex-Waaler Rose)Très inflammatoireNon érosive
RS3PERégressive en 2 ansSymétrique polyarthriteSéronégativeSynovitePE oédèmes distaux
Début aiguPersonne âgéePrédisposition génétique B7Non destructriceCT faible dose (10 mg/j)Douleurs scapulaires fréquentes mais atteinte rhizoméliqueincosntante et modérée
ChondrocalcinoseNéoplasies (Myélome, métastases)Endocardite Osler
Polymyosite
Atteintes plus raresAortite, axes artériels (MS)
Auscultation systématique des axes vasculairesImputabilité ?Claudication à l’effort, phénomène de Raynaud, sensations de froidAnévrysme (pronostic + + +)Halo hypoéchogène péri-aortique
Atteinte cardiologiqueInfarctus, angorInsuf aortique (dilat. anev. Ao)
Série autopsique:Aorte 77 – 87 %Branches primaires de l’aorte
44 – 79 %Coronaires 42 %
Greene
Atteinte neurologiqueAVC tous territoires: 3 – 7 %
Atteinte hépatiqueCholestase anictérique 70 %Cytolyse en phase active
Atteinte respiratoirePourrait atteindre 9 %Toux non productive + + Opacités radiologiques
Atteintes plus rares
Pronostic
Atteinte oculaireEntre 21 et 33 %Risque d’amaurose de 10 à 22 % , essentielt avant diagnostic
Amaurose généralement définitiveTout signe ophtalmologique transitoire est prédictif de cécité
= urgence ttt + + +Mais parfois après corticottt…OPH : NOIAA
Papille pâle, œdématiée, hémorragiqueMais papille normale (NORB)Papille rouge cerise (OACR)
MortalitéPossible effet significatif sur la survie (3 1ers mois)IdM, AVC prépondérantAtteinte aortique graveNécrose fibrinoïde
Fact. prédictifs de rechuteCell. Géantes RR x 3.7Sexe masc. RR 3.2
Valeurs diagnostiques des signes cliniques
Trismus sp 100 %Modifications caractères des céphalées Se 100 %Claudication ou douleur mand. Sp 96 %Induration ou inflammation temporale Sp 91 %Abolition pouls temporal Sp 89 %
Baret, Généreau 2002
Mais dans le grand âge, atypies !
Altération de l’état généralNéoplasie, tuberculose, hyperthyroïdie ?
Fièvre, syndrome pseudo-bactériémiqueLe trop fameux « syndrome de glissement »Tableau articulaire, PPR mais parfois MCP, IPP.Toux, dysphagie..Anémie.Et chez le patient dément: anorexie, agitation témoins d’une douleur, d’une cécité
Il faut savoir y penser…
Devant tout syndrome inflammatoire (CRP)Devant toute atteinte vasculaire inflammatoire
Mais fréquence de la poly-pathologie :
Sepsis, déshydratation et infarctus du myocardeAVC, décubitus et complications de décubitus
1
2
33
D’après JP BOUCHON
En pratique, devant une suspicion…
Poids (vs poids de référence)Recherche d’un souffle vasculaireRecherche de l’abolition d’un poulsRecherche de l’atteinte ischémique en particulier crânienneRecherche d’une masse battante abdominaleECG + + +Acuité visuelle, champ visuel, OPH
Examens complémentairesBiologie
NFS, plaquettes+/- bilan anémie
CRP, fibrine, VSBilan hépatiqueHémostase avant BATCl créatinineGlycémie + + +Ca2+, albumine, P, vit DRPHémocs, ECBU, RPBilan BK
+/- ANCA, FAN, C3 C4 CH50(Anti-phospholipides 50 %)
Biopsie artère temporaleDans les 7 jours après le début de la corticothérapieGuidée par la cliniqueRésection longue uni voire bilatéraleSous anesthésie localePositive dans 75 % (uni) à 100 % (bi)Pas de valeur d’une BAT négative (?)
TRAITEMENT DE L’ACG
Traitement de l’ACG
En présence de signes cliniques typiques
Début de la corticottt sans attendre + + +
Prednisone0.7 mg/kg/j pour formes simples1 mg/kg/j pour formes compliquées ou bolusInitialement en 2 prises, puis 1 prise lors de la décroissance
Attention !!!Insuffisance cardiaque
Poids, PADiabète
G post-prandiales + + +Démence
Agitation, etc…
Qui donne le traitement ?Qui surveille ?
Mesures associéesCACIT D3 1 à 8hFOSAMAX (5 mg) 1 à 18hDIFFUK 1/jExercice physique + + +Anti-ulcéreux ? Régime sans sel (modéré) sans sucres rapides
EducationQuoi surveiller, par quiAttention CT + + + (carte et ne jamais arrêter)
Traitement de l’ACG
Traitement anticoagulantEMPIRIQUE + + +Soit HBPM x 10 j (hors AMM)Soit AAP (aspirine 250 mg/j)
Réponse au traitement selon âgeRechutes 33 %, habituellement dans les 3 mois après la fin
Idem jeunes/oldCorticoRésistance identiqueCorticodépendance identiquedélai de réponse identiqueComplication ACG identique
Iatrogène (CT)Selon dose initiale, dose cumulée, terrain
Schéma de la corticothérapieTraitement d’attaque de 0.7 mg/kg/j
Par ex: 40 mg, plateau de 4 semaines (normalisation CRP et fibrine)
Décroissance de 10 % /15 – 21 jours
3236
2629
23
1921
17
1315
5 mg
10
Décroissance de 1 mg / 15- 21 jours
Durée totale ~ 18 mois (1 à 3 ans)
Autre schéma possible:atteindre 50 % soit 20 mg/j en 4 semaines, puis poursuivre à 1 mg/ 15 j jusqu’à 10 mg/j puis 1 mg/mois
Le sevrage d’une corticothérapie au long cours
A 5 mg/j de prednisone:Associer 20 mg/j d’Hydrocortisone en une prise le matin
prednisone de 1 mg / moisRégime normosodéEducation:
en cas d’infection, de soins dentaires, d’endoscopie augmenter à 60-100 mg/j en 3 prisesEn cas de chirurgie ou de stress important, HSHC 300 mg/j SE
Un mois après arrêt de la prednisone et 24 heures après la prise d’Hydrocortisone:
Test au Synacthène ordinaire
Test au Synacthène ordinaire:Cortisolémie le matin à 8h à jeunInjection IM de 0.25 mg se Synacthène immédiatCortisolémie à 60 minutes
Réponses:Basal > 100 ng/ml >200 ng/ml
Arrêt hydrocortisoneBasal < 100 ng/ml
Poursuivre contrôle M3 ou M6Basal > 100 ng/ml < 200 ng/ml
Reprendre en cas de stress, contrôle à M3
Surveillance mensuelle dans le grand âge
Poids, PA, FC et températureEG, appétitSignes de la maladieSyndrome de sevrage:
Fréquent, dans les jours qui suivent l’arrêt ou la baisseMalaise, nausées, asthénie, anorexie, arthralgies, myalgies, desquamation des ext., signes neuropsychiatriques, fièvreExplorations de l’axe corticotrope: normaleFaire une baisse plus progressive
HGT surtout post-prandiale + + +Classiquement VS, mais CRP + + +NFS pour l’anémie
Et l’épargne cortisonique ?
Réduire les corticoïdes jusqu’à 20 mg/j viteMETHOTREXATE ?
Pas anodin chez le grand vieillard polypathologiqueRisque infectieux + + +A discuter si ostéoporose déjà compliquée, ou intolérance aux corticoïdes.
ACG et Methotrexate
Etude multicentrique internationale randomisée en double aveuglePrednisone :1 mg/kg/j (< 60 mg/j)
Réduction de 5 mg tous les 4 joursPuis 5 mg par semaine pour durée totale de 6 moisSi souci: reprise dose antérieure + 10 mg.
Et randomisation:PlaceboMTX 0.15 à 0.25 mg/kg/semaine
Hoffman, Arthritis Rheum 2002
Echec du traitement2 rechutes distinctesOu une rechute R à une augmentation de 10 mg de prednisone
77.3 (pcb) vs 57.5 % (MTX): p= 0.26
Epargne cortisonique5.275 g (PCB) (1.020-8.605)5.375 g (MTX) (1.980-8.270)p=0.5
98 patients inclus: 47 CT + PCB vs 51 CT + MTX
Durée de traitement5.6 mois (PCB) (0.6-20.4)5.4 mois (MTX) (1-10)p=0.5
Iatrogène3 fractures (1 PCB/2 MTX)Infections (2 PCB/1 MTX)3 hépatites au MTX (arrêt)
Morbidité liée à l’ACGPrévalence perte visuelle à l’entrée: 18 %4 nouveaux cas (2/2)
Deux exemples cliniques…
Un homme de 75 ans….AEG Consulte pour artérite temporale: douleur de l’artère, discrètement inflammatoire.Patient fébrile, 38.2 °C. Pas de foyer.Quels examens ?
• NFS: anémie (110 g/l) microcytaire (79 µ3)• CRP 150 mg/l, orosomucoïde 2 N, haptoglobine 0,
ferritine 600 µg/l, CPK LDH normales• BHC: normal• Iono urée créatinine: normal
Diagnostic et attitude thérapeutique immédiate ?Introduction d’une corticothérapie sans attendre + + +
Que n’avez vous pas oublié ?Hémocultures, ECBU et RP !!À J2: toutes les hémocultures poussent à
streptocoque oralis…..Endocardite infectieuse….
Fréquence de la pathologie infectieuse par rapport aux maladies systémiques chez le vieillard !
Cas clinique gériatriquePatiente de 81 ans adressée aux Urgences pour malaise et AEGDans les antécédents
Méningiome non opéré, connu depuis 5 ans, responsable d ’une cécité monoculaire par compression du nerf optique droitPas de facteurs de risque cardiovasculaire
L ’histoire récente reconstituée aux Urgences trouvait une dyspnée d ’effort évoluant depuis 10 jours. L’ECG à l ’arrivée montrait un aspect de nécrose antéro-septale semi-récente, associée à une élévation de la troponine, confirmée par l ’échographie cardiaque.
La patiente était transférée à J9 dans le service de Gériatrie, récusée par le service de Cardiologie (« 81 ans, tu rigoles ? »), pour suite de la prise en charge.
A l ’arrivée dans le service, on notait à l ’examen clinique:
Apyrétique, absence de foyer infectieux.Paralysie du Nerf Oculomoteur Commun gauche. Acuité visuelle évaluée au lit de la
malade à 1/100ème, avec cécité ancienne de l ’œil controlatérale.
L’interrogatoire de la fille à l ’arrivée dans le service permettait de mettre en évidence une AEG depuis plusieurs semaines, associée 10 jours auparavant à une baisse d ’acuité visuelle brutale de l ’œil gauche. L’ophtalmologue habituel contacté en urgence confirmait une acuité visuelle auparavant stable à 5/10ème, le dernier examen remontant à 6 semaines auparavant.
CRP en urgence: 196 mg/l. Le diagnostic de maladie de Horton était évoqué sur l’anamnèse, l’atteinte vasculaire
inflammatoire coronaire et ophtalmique, et une corticothérapie débutée, après réalisation d ’examens bactériologiques.
BAT négative….. Mais normalisation de la CRP à J4 et régression de la POM.
Conclusion
Maladie « pas si rare que cela »Attention aux formes atypiquesAttention devant inflammation en particulier en cas d’atteinte vasculaireCorticothérapie