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    CHARLES NICOULLAUD

    LINITIATION DANS LES SOCITS SECRTESLINITIATION MAONNIQUE

    AVIS IMPORTANT

    Le sujet tudi par ce livre fait quil contient des passages scandaleux et blasphmatoires. Il nest donc pas lire par toute personne qui na pas besoin de savoir. De plus la prudence oblige tout lecteur troubl par certainsages darrter de les lire. Enfin prions pour toutes ces mes qui ont mrit elles aussi Notre Rdempteur,quelles se librent du joug abominable de Satan.

    La Franc-Maonnerie symbolise leffort de toutes les intelligences rvoltes . Le Symbolisme , mars 1913, p. 161.

    A Monsieur le chanoine Jouin, cur de Saint-Augustin.Cher et vner monsieur le cur,Ces pages sont nes auprs de vous. Elles ont t crites grce au secours de votre admirable bibliothque, dans la-

    quelle votre obligeante et aimable bont ma laiss puiser pleines mains.Vous avez daign les lire au fur et mesure de leur closion et votre amicale et indulgente direction leur a permis de

    voir le jour. Vos savants et paternels conseils mont souvent guid et remis dans la voie juste.Permettez-moi donc de vous les ddier et de les placer sous votre haute protection. Elle leur portera bonheur.Puisse, cher et vnr monsieur le Cur, cet humble hommage vous dire, mieux que je ne sais le faire, toute ma re-

    connaissance et vous porter un tmoignage de ma trs vive et trs respectueuse affection.CHARLES NICOULLAUD, Neuilly, ce 3 mars 1913.

    PRFACE DE M. LABB JOUINChanoine honoraire du diocse de Paris, Cur de Saint-Augustin

    Mon cher ami,Vous me priez dajouter une page de prface votre ouvrage sur les Initiations maonniques. Ce mest un honneur

    immrit ; mais je sais que je naurais pas le dernier mot discuter avec vous sur ce point. Dailleurs, je ne redoute pasdtre au-dessous de ma tche, votre livre est trop consciencieusement document pour ne pas simposer, et le nom devotre diteur saura lui frayer tous les chemins.

    Javais suivi avec le plus vif intrt vos tudes initiatiques dans laRevue internationales des Socits secrtes . Vousavez eu raison daborder votre sujet parlOccultisme dans les Socits secrtes . Celles-l mmes qui, comme la Franc-Maonnerie, semblent les moins affilies loccultisme, en relvent et en vivent. Les rites, les symboles des divers gra-des drivent des anciens mystres occultistes : sans eux, la Maonnerie naurait. plus de corps de doctrine ni de coh-sion. Le F Blatin la dit excellemment dans son discours au banquet du Convent de 1907. Vous avez cit cette phrase :Il ne faut pas oublier que nos crmonies initiatiques ont un sens exclusivement symbolique. (Compte rendu duConvent de 1907, p. 365) Plus loin, le F Blatin ajoute :

    Ceux qui transmirent, au travers des sombres poques du moyen ge, la pense initiatique, nos anctres les al-chimistes, inscrivaient en gros caractres sur les murs de leurs Cabinets de rflexions, un mot alors sacr, et devenudepuis un vocable purement chimique. Cest le mot VITRIOL. Nul navait, dans ces temps-l, le droit de le prononcer.Les initis seuls en connaissaient lorigine et la signification que peuvent mditer encore avec fruit les initis daujourdhui. Ce mot avait t compos avec les premires lettres dune phrase initiatique : Visita Interiorem Terr,Rectificando Invenies Occultum Lapidem : Fouille lintrieur de la Terre, et en te purifiant, tu trouveras la pierre cache (Compte rendu du Couvent de 1907, p. 367).Prenez maintenantle Symbolisme hermtique du F Oswald Wirth, ou sa nouvelle revuele Symbolisme , organe du

    mouvement universel de rgnration initiatique de la Franc-Maonnerie, ces simples titres indiquent suffisamment lapart qui revient loccultisme dans les Socits secrtes. Aussi, dans larticle de tte du premier numro duSymbo- lisme , le F Wirth crit-il :

    Il sagit, en effet, dachever en France luvre du F Blatin, tout en travaillant, dans le monde entier, la rgn-ration initiatique de la Franc-Maonnerie. Notre institution est arrive lge o elle doit prendre conscience dellemme. La priode de son dveloppement instinctif est close : il lui faut maintenant discerner nettement son but, et sa-voir par quels moyens daction il est ralisable. Le pass doit nous livrer le secret de lavenir, en ce sens quil nousappartient de retrouver laParole perdue de la vritable connaissance initiatique (Le Symbolisme , octobre 1912, p. 1-2).Pierre cache, parole perdue : tous les maons ritualistes sont forcment occultistes.Au reste, lunit dorigine oriente loccultisme et la Maonnerie versun but commun : la double ruine de lglise et

    de la socit. Mais lun et lautre ont une tactique qui leur est propre. La Maonnerie, plus ou moins fidle au Grand Ar-chitecte de lUnivers, fut, ds 1717, adogmatique et rationaliste. Ses adeptes, lorsquil leur reste quelque discipline delesprit et un peu de sincrit, glissent bien vite du rejet du surnaturel au pur athisme. De l vient que la Maonneriesadresse aux intellectuels, aux indpendants, aux libertins, dsireux de secouer le joug des lois humaines et divines.Loccultisme, au contraire, avec la magie blanche des thosophes et la magie noire des spirites, sollicite les mes reli-gieuses, mystiques, dont la foi chancelante et faussement avive croit trouver son aliment dans la superstition. Ds lors,de cette double attaque spirituelle et matrialiste, croyante et athe, rsulte un effort sur lhumanit tout entire pouragrandir et constituer dans une vitalit plus militante et dans de croissantes et haineuses ngations la cit du mal. Voil

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    ce que vous avez compris et mis en lumire.Grce ces principes directeurs, vous avez fait remarquablement lanalyse de la synthse des initiations maonni-

    ques. De cette analyse, je nai rien dire, il faudrait tout citer ; de cette synthse, je relve avec quelle matrise vous avezdcouvertla signature , ou mieuxla griffe de Satan, le corrupteur cynique de lme et du corps, de lesprit et du cur delhomme. Sans apparenter gnalogiquement la Maonnerie moderne au culte paen des faux dieux, vous avez distingulorganisation des Loges et des Orients, de date assez rcente, de linitiation transmise, selon le F Blatin, par les alchi-mistes du moyen ge, Juifs pour la plupart, qui en puisrent les secrets dans le Talmud, la Kabbale, et jusque dans lesmystres isiaques et mithriaques. Et toujours, sous lextrieur religieux de ces crmonies et de ces symboles mystiques,derrire le dieu cach, se trouve Satan, avec ses trsors, sans cesse promis, rarement dispenss, malgr laccomplisse-ment oblig de linexorable condition :Si cadens adoraveris me , si tu te jettes terre, si tu te prostitues corps et me enmadorant !Vous savez toutefois, cher ami, que je nadmets pas, pour ma part, laction directe du dmon dans le gouvernementmaonnique ; mais je comprends que ltude des initiations incline lesprit vers cette solution mystique laquelle leshauts faits de la Maonnerie moderne apportent une apparente confirmation. Aprs avoir constat les points de contactet de ralliement de la Maonnerie internationale, lattaque contre lglise catholique, que les Maons anglo-saxons etamricains appellent le papisme ; la dfense de la trahison dans laffaire Dreyfus ; la glorification de lanarchie danslaffaire Ferrer ; le pacifisme antipatriotique, unique sujet des confrences de Berlin, de Ble, de Paris, de Londres, pourne nommer que les principaux centres daction internationaliste : le programme du lacisme, rsum dans la morale ind-pendante, la ngation de tout dogme, la suppression de tout symbole et emblme confessionnel ; aprs avoir exprimen-t que ces actes familiers la Maonnerie, actes quelle couvre mensongrement des mots de bien, de progrs, de lu-mire, de vie, constituent ce quon a toujours appel le mal, lignorance, les tnbres, la mort, et quil suffit pour senconvaincre de suivre luvre maonnique en France, la grande Rvolution ou lheure actuelle, pour voir que cest uneuvre en dcadence ; de lenvisager en Portugal pour tablir quelle a fait reculer la civilisation dun sicle : de lobserveren Turquie, pour laccuser de leffondrement de tout un peuple ; de la dmasquer dans leffort mondial de la lacisationscolaire, dont leffet immdiat est la criminalit juvnile et la menace de la rvolution sociale ; aprs stre convaincus dela sorte que cette arme cosmopolite, avec une slection de quelques troupes conscientes, si bien disciplines quellesentranent et entraneront fatalement les trop nombreux bataillons inconscients du but final et de la besogne destructivequon leur impose, nest autre que larme du mal, il semble bien quon a quelque droit de conclure quelle a pour chefSatan lui-mme, et que Lon XIII, qui assimile la maonnerie au rgne du dmon (EncycliqueHumanum genus ; Lettresapostoliques de Lon XIII 1, 243 ; Paris, dition des Questions actuelles, s. d.), Saint-Martin, Bhme, Swedenborg, etmme Stanislas de Guaita et Doinel, qui parlent de communications directes avec Satan ne font quappuyer cette conclu-sion de leur autorit ou de leur exprience. Joppose simplement cette solution lordre providentiel daprs lequel touten ce monde, relve dun pouvoir humain ; et de mme que le Christ, chef invisible de lglise catholique, est reprsentvisiblement ici-bas par le Pape, de mme, jestime que Satan, chef invisible de larme du mal, ne commande ses sol-dats que par des hommes, ses suppts, ses mes damnes, si vous voulez, toujours libres cependant de se soustraire ses ordres et ses inspirations. Quant ce pouvoir plus ou moins occulte de la Maonnerie et des Socits secrtes quipoursuivent le mme but, il existe par la simple raison quil ny a point de corps sans tte, point de socit sans gouver-nement, point darme sans gnral, point de peuple sans pouvoir public. Laxiome romain :Tolle unum, est turba ; adde unum, est populus , a ici sa pleine application ; sans pouvoir directeur, la Maonnerie serait une foule, plus ou moins affo-le par quelques ides subversives, mais qui se dsagrgerait delle-mme au lieu dtre la matresse du monde.

    Cette manire de voir, au reste, ne contredit en rien vos conclusions. Satan, chef invisible, dirige toujours en dernierressort, par ses infernales persuasions, le pouvoir maonnique quel quil soit, et lui fait accumuler les ruines ; ruines dansles mes dsempares, ruines dans les corps dbauchs, ruines dans les familles divorces, ruines dans les socitsdsquilibres, jusqu ce que dhcatombe en hcatombe, on puisserenverser lglise catholique. Car cest elle levrai centre dattaque de la contre-glise.

    Je vous lai dit souvent : le dernier mot des initiations dans lantiquit fut lacorruption . Larchange dchu, unique dieudes cultes paens, navait plus qu effacer dans lhomme limage de Dieu et le rabaisser au niveau des tres insenss.Le psalmiste en fait la triste constatation, quand il dit : Lhomme cr dans lhonneur, ne la pas compris, il sest raval jusquaux animaux sans raison, et il leur est devenu semblable (Ps.XLVIII, 13 et 21). Mais, depuis que Dieu a restaurlhumanit dans le Christ Jsus par Son Eglise, le champ de bataille a chang. Satan rpondra au mage Cyprien qui luidemande des incantations victorieuses des rsistances de la vierge chrtienne Justine : Mon art est impuissantcontre ceux qui professent vraiment la foi du Christ (Fte de saint Cyprien et de sainte Justine, 26 septembre) ; etCyprien quittera ce matre terrass et vaincu pour suivre son tour le Christ ressuscit et vainqueur et devenir son martyravec Justine. Avant tout, aujourdhui,cest lglise quil faut vaincre pour lui reprendre les mes baptises et, selonlaxiome de la Haute-Vente italienne : Faites des curs vicieux, et vous naurez plus de catholiques,la corruptionnest plus le but, mais linfaillible moyen de latteindre.

    Dieu sait si la Maonnerie a russi faire des curs vicieux ! Vos tudes initiatiques retracent des tableaux dans les-quelles les Socits secrtes modernes peuvent entrer en parallle avec les mystres dIsis. Cest bien toujours la mmegriffe et le mme procd, la dpravation jusqu la bestialit.

    Puissent ces lumineuses recensions de luvre satanique rendre la vraie lumire quelques victimes persuades delavoir reue dans les Loges ; puissent-elles prserver ceux qui comme les papillons de nuit, viennent se brler les ailesde lme aux feux magiques dblouissantes mais trompeuses vocations ; puissent-elles enfin ouvrir les yeux des catho-liques endormis pour quils ne voient pas tout comme dans un rve, mme la Maonnerie, dont nous parlons impardon-nablement trop haut, sans souci de leur sommeil lthargique.

    Tels sont mes vux, cher ami : que Dieu les exauce !E. Jouin, Cur de Saint-Augustin.

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    LINITIATION MAONNIQUE

    INTRODUCTIONPendant que ces tudes paraissaient dans la REVUE INTERNATIONALE DESSOCITS SECRTES, elles ont soulev diff-

    rentes critiques.Comme jai cit des passages du livre publi par Doinel, sous le pseudonyme de Jean Kotska,Lucifer dmasqu , les

    esprits forts se sont cris : Voici les histoires abracadabrantes du docteur Bataille, de Lo Taxil, et de Diana Vaughanqui reviennent sur leau. Il faudrait nous expliquer en quelques mots sur ce point.

    Lo Taxil et ses amis se sont vants davoir mystifi le clerg qui a cru la conversion du louche personnage. Cest

    trs possible et mme probable. Seulement, on ne nous dit pas quand celui-ci a menti.Est-ce en attaquant lglise par les livres orduriers qui, comme crivain, lont conduit sur les bancs de la police correc-tionnelle, o il a t condamn pour diffamation et outrage la morale publique ? Est-ce en demandant au chef vnrde lglise, quil avait insult, le pardon et loubli de ses injures ? Est-ce en inventant la prtendue Lucifrienne convertiDiana Vaughan ou en affirmant publiquement, avec un cynisme bien maonnique, quil avait tromp tout le monde ?

    Sa conversion a-t-elle t sincre un moment et comme le chien de lcriture est-il simplement retourn son vomis-sement ? Ce ne serait pas le premier, ni hlas ! le dernier ! Qest-ce que cela prouve ? Rien.

    Lo Taxil, dj linstrument de la secte lorsquil calomniait lglise, a, parat-il, sur linstigation de la Franc-Maonner,jou une infme comdie, dont il sest publiquement vant. En cela, il a encore servi la dite Franc-Maonnerie aprsavoir exploit la crdulit de trop confiants catholiques. Cest entendu.

    Ceux-ci ont cru sur parole ce triste personnage, (que nous navons pas lintention de disputer aux Loges o il est saplace), au lieu de passer au crible de la thologie mystique et de la science initiatique, les faits quil apportait. Ce fut unefaute.

    Mais parce quil y a eu erreur une fois, il ne sensuit pas quun catholique doive toujours et ncessairement setromper en tudiant le surnaturel diabolique.

    Et, parce quon na pas su, un moment donn, discerner le rel du faux, on ne doit pas, dans la suite des temps, toutrejeter sans examen. La question a t mal tudie, il faut la reprendre en la fouillant plus profondment.

    En toute chose, il est ncessaire de voir la fin. Or, si on considre quelles ont t les consquences des histoires ra-contes par Lo Taxil, on ne peut sempcher de constater que le rsultat obtenu a trs utilement servi la Franc-Maonnerie et le matre sotrique qui fait agir celle-ci.

    Depuis lors, en effet, chaque fois quon veut parler daction dmoniaque, certains catholiques et tous les Francs-Maons sont aussitt daccord pour sourire et scrier, en levant les paules : Voici les histoires abracadabrantes de LoTaxil qui recommencent.

    Les Francs-Maons, eux, sont dans leur rle ;ils agissent par tactique . Sils ont invent Lo Taxil, cest pour senservir. Ils comptent ainsi dtourner habilement les recherches, afin quon ne dcouvre pas ce quils ne veulent point lais-

    ser voir.Les catholiques sont-ils aussi adroits en se laissant influencer par lapeur de paratre ridicules ? Aprs avoir t tropnafs une poque, ils sont devenus beaucoup trop sceptiques depuis. Les deux attitudes, aussi dangereuses lune quelautre, ont fait et font encore le jeu des membres dirigeants des Socits secrtes.

    Il ny a aucune honte reconnatre son erreur, avouer une faute de tactique. Nous avons t tromps une fois, cenest pas une raison pour que nous le soyons toujours. Il suffit, pour viter de retomber dans le mme pige, dtre pru-dents et de ne pas scarter des rgles fondamentales de la critique scientifique.

    Je dis nous par solidarit, car personnellement je nai jamais cru lhistoire de Taxil et de Diana Vaughan ; jai mmerompu quelques lances ce sujet avec certains de mes amis et la premire apparition du livre de Doinel, dans les colon-nes de la Vrit , ma trouv longtemps trs sceptique. Mais si je mtais laiss surprendre, comme beaucoup de trsbons et loyaux catholiques, mon attitude actuelle nen serait ni trouble, ni modifie

    Je croyais alors, et je crois encore, lexistence du dmon. Je savais, et je sais encore,quil y a une synagogue deSatan . Jai appris ces choses, il y a bien des annes, au catchisme et par la lecture de lvangile ; demeur fils soumisde la Sainte glise, je continue croire aujourdhui ce que je croyais dans mon enfance. Seulement ma foi est plus clai-re quelle ne ltait alors. Je comprends mieux les preuves qui abondent dans lcriture, dans le Rituel, danslenseignement des saints et des docteurs. Plus jtudie, plus je suis confirm dans cette foi, dont je nai certes pas rou-gir. Je la proclame au contraire bien haut.

    Oui, Lucifer existe et il cherche perdre lhomme. Le travail que poursuit Satan dans ce but est de toutes lesminutes du jour et de la nuit.

    Saint Michel Archange, rcitent les catholiques, prtres et fidles, chaque matin aprs la messe..., soyez notre se-cours contre la malice et les embches du dmon..., repoussez en enfer, par la vertu divine, Satan et les autres espritsmauvais qui sont rpandus dans le monde en vue de perdre les mes.

    Aprs avoir fouill lhistoire, tudi dans la thologie mystique et la vie des saints les manifestations du surnaturel divin et du surnaturel diabolique ; aprs avoir creus le symbolisme et linitiation dans les Socits secrtes, fouill lessciences occultes et regard autour de moi, je suis arriv cette conviction que,depuis lantiquit jusqu nos jours,les Socits secrtes et la Franc-Maonnerie servent le Mauvais.

    Et cela, je le crie par-dessus les toits et le rpte qui veut lentendre, nayant cure ni des sarcasmes, ni des sourires,parce que je considre quil est, de mon devoir de le faire. Et en cela, jobis aux ordres des chefs suprmes qui, sansremonter plus haut, se sont, depuis bientt deux sicles, succd sur le sige de Pierre.

    Mais je nmets pas la prtention dtre cru sur parole, japporte destextes ; je produis despreuves , telles quelles

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    rsultent de mes travaux drudition, clairs par les enseignements de lEglise. Je ne suis pas un thologien ni unvoyant, mais bien un homme de lettres, et je demande que mes crits soient jugs ce point de vue.

    Mais cependant, si je nai pas lautorit dun savant exgte, je ne suis ni un enfant, ni une vieille bonne femme cr-dule. Il y a longtemps que jai commenc ltude des sciences occultes et de la mystique, et je naccepte jamais un fait,une affirmation, sans les passer au crible de ma raison et surtout de lenseignement de lglise, devant lequel je minclinetoujours.

    Une fois ma conviction tablie, ni les railleries de mes adversaires, ni les sourires de mes frres en religion, nemempchent de la faire connatre et de montrer le mal l o je lai dcouvert.

    Cest pourquoi jai crit ces tudes destines mettre en lumire la contre-Eglise l o je lai trouve, cest--direde nos joursdans la Franc-Maonnerie .

    A lappui de cette thse, qui nest du reste pas nouvelle, japporte, aprs bien dautres plus rudits que moi, des do-cuments. Quon les discute. Mais avec bonne foi cependant.

    Il ne faut pas essayer de me faire dire ce que je ne dis pas, ce que je ne pense pas.Lorsque, par exemple, jcris que le Dmon est le Matre sotrique des Loges ; et si je parle de lesprit Lucifrien qui

    inspire, guide et dirige la Franc-Maonnerie, il ne faut pas affecter de croire que ,jaffirme la prsence effective dun trecornu aux pieds de bouc dans les Ateliers, et autres balivernes de ce genre. Non. Et je mexplique assez clairement pourquon ne sy trompe pas, moins quon ait intrt le faire.

    Jentends parler duneprsence et dunedirection mystiques agissant sur les cerveaux, les penses des initis, surles curs de ceux qui ont revules sacrements de Lucifer dans linitiation sotrique, et qui sont, des degrs divers,les instruments du mal dans les Ateliers maonniques.

    Mais il est bien vident qu ct de cette action surnaturelle diabolique, il y a une direction trs humaine qui mne lesLoges des diffrentes obdiences et qui peut rsister ou obir aux impulsions des initis. Ce ne sont pas plus les grandsmystiques Lucifriens qui dirigent exotriquement lensemble de la Franc-Maonnerie que ce ne sont les mystiques ca-tholiques et les saints qui, aux diffrents degrs de la hirarchie administrent lglise de Jsus-Christ,

    Mais, les disciples de Satan se servent des armes surnaturelles diaboliques pour influer sur les Francs-Maons detous les grades, comme les mystiques et les saints ont recours la prire, au sacrifice, limmolation pour la dfense delglise et le salut des mes.

    Toutefois, la croyance cette action surnaturelle ne doit pas aveugler la raison et empcher de discuter les faits avantde les admettre.

    Cela est si vrai, que Doinel, par exemple, dont jai cit deux importants passages, parce que je crois quils portent tou-tes les marques de la vrit, selon les enseignements de la thologie mystique, ayant reproduit, dans un autre endroit, unrcit quil dit tenir dune personne trs sre, jai laiss cette page de ct, bien quelle apportt un argument pour mathse, parce que les faits, tels quils sont rapports, ne rsistent pas un examen srieux. Il y a documents et docu-ments, pour un crivain averti.

    Il sagit, dans ce rcit, de lapparition de Lucifer en personne, dans une arrire-loge. Satan prside et reoit les hom-mages des dmoniaques prsents. Au moment de lobdience, lami de Doinel, effray, invoque le nom de Jsus et celuide Marie. Il perd alors connaissance et ne sait plus ce qui sest pass. Quand il revient lui, tout a disparu, la crmonieest finie, il est seul avec son introductrice. Eh bien, cela nest pas conforme aux enseignements des saints, confirms parlcriture : Au nom de Jsus, tout genou flchit, dans le ciel, sur la terre et aux enfers. Si le fait racont tait exact, aunom de Jsus le dmon, prsent sous une apparence sensible, aurait disparu, se serait vanoui, et non pas celui qui,devant le danger, stait plac sous la protection de ce nom divin.

    Quand Doinel, au contraire, raconte des manifestations indiquant la prsence en lui dIsis, succube intellectuelle, il lefait en termes tels quon sent vritablement la description de faits vcus et de plus conforme aux enseignements desDocteurs et Pres de lEglise sur la mystique diabolique. Cest pourquoi je fais alors tat de son rcit, sans y attacher,dailleurs, plus dimportance quil nen mrite.

    Si on avait pass au mme crible les histoires de Lo Taxil, on aurait de suite dcouvert la supercherie.Ce nest pas quon ne puisse tre, malgr toutes les prcautions, tromp. Il ny a dans ce cas qu shumilier, prier et

    continuer la lutte.Cela est prfrable que de nier orgueilleusement ce quon ne peut pas toujours expliquer et de faire, pour sviter une

    humiliation possible, quelquefois pnible, le jeu des adversaires de lglise.Ne pas tout croire bnvolement, ne pas tout rejeter sans examen ; mais discuter, tudier, peser les faits, comparer

    les tmoignages et les documents, afin de baser son opinion sur un travail judicieux, telle est la rgle de la critique histo-rique.

    Cest aussi celle qui doit guider le chercheur de la vrit dans les faits occultes et mystiques. Je ne demande quunechose, cest quon lapplique au prsent volume.

    En tout cas, et quel que soit le jugement port par le lecteur, je puis affirmer que jai toujours eu la volont de guidermes travaux suivant ces principes. Je lai fait lorsque jai travaill les questions historiques, jtais trop vieux quand je mesuis livr ltude des fais mystiques et occultes pour changer ma mthode de travail.

    Je najouterai plus quun mot, mais cest le principal. Je soumets humblement ces tudes, comme mes autres ouvra-ges, au jugement de ma mre la Sainte glise catholique romaine, dclarant davance maintenir ce quelle approuve, reti-rer ce quelle blme, en lui demandant seulement de bnir le fils soumis qui, jusque dans les erreurs quil a pu involontai-rement commettre, na jamais eu en vue que son service et sa gloire.

    CHARLES NICOULLAUD, Neuilly, ce 3 mars 1913.

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    LIVRE PREMIER : INITIATION AUX MYSTRES DISISCHAPITRE PREMIER : RELIGIONS INITIATRICES

    ILes religions de lantiquit ont toutes t organises en Socits secrtes. Il a fallu la venue du Rdempteur pour sor-

    tir la lumire place sous le boisseau, et admettre la masse aux enseignements de la vrit.Chez les paens, la dmarcation est absolue. Dun ct, le sacerdoce et les initis ; de lautre le peuple. Celui-ci as-

    siste aux crmonies et aux sacrifices exotriques ; mais les premiers seuls participent aux mystres clbrs dans le

    secret des temples.A la foule, les prtres ne livrent quune doctrine vulgaire, reprsente par des symboles le plus souvent grossiers,alors quils rservent pour les initis les arcanes de la science. Et, dans le sacerdoce lui-mme, tous sont loin de conna-tre la signification sotrique des formules quils emploient et des gestes hiratiques quils font chaque jour.

    Cest la Socit secrte, dans toute la force du terme, o chaque section ignore ce qui se passe lchelon au-dessus. Et nulle part la puissance de ces formidables organisations ne se montre comme en Egypte, dans le culte dIsiset dOsiris.

    Tous les Initis de lgypte ne faisaient quun corps1 et leurs noms taient gravs (dans une langue dont ilsavaient seuls la clef) sur une colonne leve dans le temple dOsiris2. Le pouvoir de cette vaste association, dont lesmembres taient tris, avec un soin tout particulier et une prudence spciale, aprs de longues et pnibles preuves,fut tel quen Egypte le sacerdoce disciplina la royaut, nabdiqua jamais, mme aux pires poques, simposant auxrois, chassant les despotes, gouvernant toujours la nation3.Si nous en croyons les crivains qui, de nos jours, ont cherch un point dappui dans les religions antiques pour com-

    battre lglise catholique et la Rvlation, les enseignements de lsotrisme gyptien manaient dune supriorit intel-lectuelle, dune sagesse profonde et cache que nul corps enseignant na jamais gale dans aucun pays ni dans au-cun temps4.

    Il y a certainement une exagration voulue dans cette exaltation des coles de Thbes, de Memphis et des autrescentres religieux de la valle du Nil. Et il est prudent de ne pas admettre, sans contrle, comme on essaie de nous le fairecroire, que

    lEgypte fut dans le monde antique une vritable citadelle de la science sacre, une cole pour ses plus illustresprophtes, un refuge et un laboratoire des plus nobles traditions de lhumanit... Depuis lpoque aryenne, travers lapriode trouble qui suivit les temps vdiques jusqu la conqute persane et lpoque alexandrine, cest--dire pen-dant un laps de plus de cinq mille ans, lgypte fut la forteresse des pures et hautes doctrines, dont lensembleconstitue la science des principes quon pourrait appeler lorthodoxie sotrique de lantiquit... Lgypte devint laxautour duquel volua la pense religieuse de lhumanit en passant dAsie en Europe... Au milieu des flux et des re-flux de lhistoire, sous lidoltrie apparente de son polythisme extrieur, lgypte garda le vieux fonds de sa thognieocculte et son organisation sacerdotale5.Une philosophie qui conduit au polythisme et lidoltrie ne peut pas, quel que soit son enseignement sotrique,

    tre considre comme une pure et haute doctrine , et heureusement, lhumanit a de plus nobles traditions que cel-les qui proviennent des temples paens, et cela mme avant lre chrtienne. Il y aura lieu dexaminer cette question,mais il est ncessaire, au pralable, dtudier linitiation donne par les Mages gyptiens.

    Ce qui ne saurait tre contest, cest que la valle du Nil fut, pendant de longs sicles, le centre dune haute culturescientifique. Les monuments de tout genre, qui sont venus jusqu nous, en donnent des preuves aussi nombreusesquindiscutables.

    Cest ainsi que tous les grands systmes mythologiques, qui nous sont parvenus..., ont pris naissance dans la hauteEgypte, quatre mille six cent dix-neuf ans environ dater de nos jours, cest--dire lpoque o le soleil faisait, lquinoxe du printemps, son entre dans le signe du Taureau6. En effet, le Sphinx, qui est le rsum sotrique de tou-

    tes les thories astronomiques et astrologiques des temples gyptiens, est form des quatre constellations quinoxialeset solsticiales de cette poque, le Taureau, le Lion, le Scorpion et le Verseau, signes de terre, de feu, deau et dair.Seulement, si nous en croyons Franois Lenormant, la construction du Sphinx de Gizh est beaucoup plus ancienne

    encore. Dans une inscription de la quatrime dynastie, il est parl du Sphinx comme dun monument dont lorigine se per-dait dans la nuit des temps, qui avait t trouv fortuitement sous le rgne de ce prince, enfoui par le sable du dsert

    1 Sthos , histoire ou vie tire des monuments, anecdotes de lancienne Egypte, traduite dun manuscrit grec, Paris, an III, 2 v. in-8sans nom dauteur.Celui-ci est labb Terrasson . - T. I, p. 282.2 ALEXANDRE LENOIR,La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine ou lantiquit de la Franche-Maonnerie prouve par lexplication des mystres anciens et modernes , in-4 Paris, 1814, p. 92. - On sait quil y avait dans lancienne gypte trois sortesdcritures : lpistolographie ou vulgaire ; lhiratique ou sacre ; et lhiroglyphique. Cf. : CLMENT dALEXANDRIE ; JAMBLIDe Mysteriis . 3 douard Schur,Les Grands Initis , 1 v. in-18, Paris, Perrin et Cie, 1911, p. 114.4

    douard Schur,Les Grands Initis , p. 115.5 douard Schur,Les Grands Initis , p. 113, 114, 115.6 ALEXANDRE LENOIR.La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine, p. 41. Je crois quil et t plus exact de dire dans laconstellation du Taureau. Le Blier a toujours t le "signe quinoxial", mais par suite de la prcession, il a pass successivement,depuis lpoque indique par lauteur dans les constellations du Taureau, du Blier et des Poissons o il est encore de nos jours. Il estentr dans cette dernire constellation au dbut de lre chrtienne. Cest une des raisons pour lesquelles on retrouve le signe desPoissons sur beaucoup de tombes des premiers chrtiens.

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    sous lequel il tait oubli depuis de longues gnrations1.Et jajouterai que cette thorie astrologique du Sphinx, dont on ignore en ralit la vritable source, peut tout aussi

    bien venir des anciens Chaldens qui taient de grands astronomes.Quoi quil en soit, il est acquis, par des donnes absolument certaines, que la civilisation gyptienne fut lune des plus

    brillantes de lantiquit et celle sur laquelle les destructions du temps nous ont laiss les renseignements les plus com-plets et les plus curieux. Et, chose absolument remarquable, toute la clef de cette civilisation si avance se trouvait aupouvoir dune Socit secrte.

    Le collge des initiations runissait par son institution, luniversalit des sciences et des connaissances humainesquon ne pouvait professer ailleurs2.Fabre dOlivet, dans son enthousiasme pour la civilisation des bords du Nil, ne craint pas de se faire lapologiste du

    paganisme et de ses coles :Les religions antiques, crit-il3, et celle des Egyptiens surtout, taient pleines de mystres. Une foule dimages et

    de symboles en composaient le tissu : admirable tissu ! ouvrage sacr dune suite non interrompue dhommes divins,qui, lisant tour tour, et dans le livre de la Nature et dans celui de la Divinit, en traduisaient, en langage humain, lalangue ineffable. Ceux dont le regard stupide, se fixant sur ces images, sur ces symboles, sur ces allgories saintes,ne voyaient rien au del, croupissaient, il est vrai, dans lignorance ; mais leur ignorance tait volontaire. Ds le mo-ment quils en voulaient sortir, ils navaient qu parler. Tous les sanctuaires leur taient ouverts ; et sils avaient laconstance et la vertu ncessaire, rien ne les empchait de marcher de connaissance en connaissance, de rvlationen rvlation, jusquaux plus sublimes dcouvertes. Ils pouvaient, vivants et humains, et suivant la force de leur volon-t, descendre chez les morts, slever jusquaux Dieux, et tout pntrer dans la nature lmentaire. Car la religionembrassait toutes ces choses ; et rien de ce qui composait la religion ne restait inconnu au souverain pontife. Celui dela fameuse Thbes gyptienne, par exemple, narrivait ce point culminant de la doctrine sacre quaprs avoir par-couru tous les grades infrieurs, avoir alternativement puis la dose de science dvolue chaque grade et stremontr digne darriver au plus lev.

    Le roi dgypte seul tait initi de droit, et, par une suite invitable de son ducation, admis aux plus secrets mys-tres4. Les prtres avaient linstruction de leur ordre, augmentaient de science en slevant de grade et savaient tousque leurs suprieurs taient non seulement plus levs, mais plus clairs queux... Quant au peuple, il tait son grtout ce quil voulait tre. La science, offerte tous les Egyptiens, ntait commande personne... On ne prodiguaitpas les mystres, parce que les mystres taient quelque chose ; on ne profanait pas la connaissance de la Divinit,parce que cette connaissance existait ; et pour conserver la vrit plusieurs, on ne la donnait pas vainement tous.Sans rechercher, pour le moment, quelle tait cette prtendue vrit, parce que cela ressortira mieux de la suite de

    cette tude, constatons que cest bien l lorganisation et la pratique des Socits secrtes de tous les temps : conserverleurs enseignements sotriques pour les seuls membres qui les composent ; et ne les distribuer ceux-ci mmes queselon le rang occup par eux dans la hirarchie occulte.

    En effet, comme le dit Clment dAlexandrie, les prtres ne divulguaient leurs mystres quaux Initis dont la vertu ela sagesse exceptionnelles se rvlaient par lexamen et par lpreuve5.

    IlLinitiation ntait pas une science, car elle ne renfermait ni rgles, ni principes scientifiques, ni enseignement spcial

    Ce ntait pas une religion, puisquelle ne possdait ni dogme, ni discipline, ni rituel exclusivement religieux. Mais elltait une cole o lon enseignait les arts, les sciences, la morale, la lgislation, la philosophie et la philanthropie, le culteet les phnomnes de la nature, afin que lIniti connt la vrit sur toute chose6.

    Cest un ct de linitiation ; ce nest pas le seul, ni le plus important. A cette ducation, quon peut appeler exotriquevient sajouter une partie sotrique qui, dans les Socits secrtes anciennes et modernes, est un vritablepacte liantnon seulement les Adeptes entre eux tous les degrs de la hirarchie, mais encore lesasservissant , par une transfor-mation de tout ltre, dont nous allons essayer de montrer les phases, une puissance occulte, que beaucoup, mmeparmi ceux qui en subissent le joug ne semblent pas toujours connatre.

    On distinguait en Egypte la grande et la petite initiation. La premire tait donne aux seuls naturels du pays, et lonnaccordait aux trangers que la seconde7.

    Daprs Ernest Bosc, qui sappuie, dit-il, sur le tmoignage dApule, les petits mystres comprenaientlInitiation Isia- que et les grands, lInitiation des secrets dOsiris 8. Voici le passage de lcrivain latin, qui a donn lieu cette distinction :

    Je ntais initi quaux mystres de la desse, nullement ceux du grand Dieu, du Souverain pre des Dieux, delinvincible Osiris... Il y a cependant une immense diffrence entre lune et lautre initiation9.

    1 Histoire dOrient , t. II, p. 55, cit par douard Schur,Les Grands Initis p 116 note. Celui-ci ajoute : La 4 dynastie nous reporte 4000 avant Jsus-Christ.2 Alexandre Lenoir,La Franche-Machonnerie rendue a sa vritable origine , p. 121.3 La Langue hbraque restitue , t. II, p. 7.4 Cela nest pas exact dune faon gnrale, et dpend des poques.5 SAINT-YVES DALVEYDRE,Mission des Juifs , Paris, 1884, 4dit., p. 394. Cf. JAMBLIQUE,De Mysteriis.6 J.-M. RAGON,Cours philosophique et interprtatif des Initiations anciennes et modernes , Paris, 1841, in-8, p. 24.7 Sthos, t. 1, p. 168. Cf. ALEX. LENOIR,La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , pp. 79 et 122.8 ERNEST BOSC,Isis dvoile , in-18, Paris, 18 97, Perrin et Cie, 2d., p. 274.9 Lne dor , trad. J.-A. Maury, Paris, 1834, 2 v. In-12, ch.XI, t. II, p. 211.

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    Les petits mystres se clbraient tous les deux ans et les grands, tous les cinq ans seulement1. Nous sommes assezpeu instruits sur la nature de ces mystres et sur les dtails de lorganisation hirarchique de cette vaste Socit secrte, la fois sacerdotale et laque. Le Crata Repoa2 donne une initiation en sept grades, mais cest une conception moderne.En effet, Ragon qui est lauteur de la traduction3 crit :

    Le Crata Repoa est une conception de doctes initis allemands, qui ont distribu en sept grades toutes les notionsquils ont pu recueillir parmi les anciens auteurs qui ont trait des diverses initiations anciennes. Les Egyptiens,comme les maons modernes, leurs imitateurs, navaient que trois grades principaux, suivis de la manifestation delIniti, laquelle ntait pas un grade4.Cest aussi lopinion dAlexandre Lenoir :

    En Egypte, lIniti au second grade recevait les hautes sciences et passait ltude de la morale. Arriv ce de-gr, il ne sortait plus de lespce de collge dans lequel il tait, pour ainsi dire, agrg aux prtres qui faisaient lesfonctions de professeurs... Les Mages et les Prtres dIsis avaient des mystres plus sacrs, plus grands et plus pro-fonds quils ne partageaient quavec les Egyptiens, ce qui formait un troisime grade5.Mais tous, depuis le premier degr jusquau plus lev, trangers ou gyptiens, - et cest encore l un des points ca-

    ractristiques des Socits secrtes travers les ges -, tous taient obligs unsecret qui navait jamais t violquil nen eut cot la vie au coupable... en quelque endroit du monde quil pt tre ; et lon ne manquait jamais de chan-ger, du moins en partie, la pratique rvle. Cest ce qui fait quon sait si peu de choses des crmonies anciennes6.

    Alexandre Lenoir confirme cette opinion en citant lappui plusieurs dclarations dInitis7 :Apule sexcuse de ne point donner de dtail sur lattirail mystrieux de linitiation, en disant quil nest point perm

    de sexpliquer clairement sur toutes ces choses8... Pausanias parle dans le mme sens ; il nose dcrire les diffrentsmonuments et ustensiles qui sont dposs dans le temple dEleusis ; et, en donnant la description de plusieurs peintu-res qui en forment la dcoration, il prvient le lecteur quil ne parle que de ce quil peut parler... Je jette, dit Hrodotele voile auguste du mystre sur ce que jai vu et entendu aux initiations ; je mimpose moi-mme un profond silencesur ces mystres, dont je connais la plus grande partie.Nous retrouvons la mme obligation, qui sest transmise aux Socits secrtes modernes et a t une des causes de

    leur condamnation par lEglise, non seulement en Egypte, mais aussi en Grce, en Perse, partout en un mot o fleurit cegenre dassociations.

    La tte de Diagoras fut mise prix pour avoir dvoil le secret des mystres. Androcide et Alcihiade, accuss dumme crime, furent traduits au tribunal de linquisition dAthnes... LIniti, - aux mystres de Zoroastre - avant son intronisation au temple, faisait serment de garder le secret sur ce quil a prouv, vu et entendu... Quiconque aurait r-vl les secrets de linitiation aurait t regard comme un infme et comme un indigne de conserver la vie9.La rputation des coles de Thbes, de Memphis et des autres centres initiatiques dEgypte tait telle que les esprits

    les plus levs venaient y complter leur instruction.Tous les philosophes, tous les lgislateurs qui ont illustr lantiquit sont sortis de linitiation 10.

    Aux noms que nous avons dj cits on peut ajouter ceux de Platon, Pythagore, Lycurgue, Solon, pour nindiquer queles plus marquants. Socrate fait, je crois, exception.Orphe avait manqu la dernire preuve, mais il reut nanmoins, par une faveur spciale des Prtres, linitiation11.Apule mrite une mention spciale. Bien que nayant point reu les secrets des grands mystres, qui ne se commu-

    niquaient quaux Egyptiens, par une faveur particulire, aprs les crmonies et les purifications dusage un troisimegrade, il fut admis au service du culte seulement comme externe, ce qui nous fait connatre un nouveau genre dadmis-sion aux mystres dIsis.

    Je fus bientt dtermin, crit lauteur delAne dor , me rendre au sacr collge pour complter mon ducation.De ce moment, jcrivis au prtre qui mavait guid la premire fois, je repris monjene de dix jours, je le suivis scru-puleusement, et je fis toutes les dpenses convenables pour arriver mes fins... A mon arrive, je fus admis au rangdes pastophores12, et bientt aprs, je passai la dignit de desservant en chef de lHirophante13, office qui durait

    1Cf. LENOIR,La Franche-Maonnerie , p. 122.2 Crata Repoa ou initiations aux anciens mystres dgypte, traduit de lallemand et publi par le F. Antoine Bailleul, Paris, 1821.

    Lexemplaire que possde la bibliothque de laRevue internationale des Socits secrtes est reli avec lAperu gnral et historiquedes principales sectes maons par le F. Jacq. Ph. Levesque, Paris, 1821, in-8.3 Ctait un gros manuscrit allemand du F. Kppen avec les mots en franais dans les interlignes, achet par le F Ant. Bailleul quien confia en mai 1821 la rdaction au F Ragon qui arrivait dAmrique, et qui rduisit le travail allemand sa plus simpleexpression. RAGON,Rituel du grade de Matre , p. 44, note.4 BACON,Rituel du grade de Matre , p. 54. Les auteurs cits lappui du texte deCrata Repoa sont : Actianus, Annobius, Asianus,Apule, Cicron, Clment dAlexandrie, Diodore de Sicile, Eusbe, Hrodote, Jamblique, Lucas (Voyage en gypte ), Lucien, J.-F.Matenus, Montfaucon, Origne, Pausanias, Pierus, Plutarque. Porphyre, Rufin, Synesius, Tertullien, Ungerus. Ragon, p. 44, note.5 La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , pp. 274 et 258.6 Sthos, t. I, p. 168. 7 La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , p. 110.8 Peut-tre me demanderez-vous avec empressement ce qui fut dit, ce qui fut fait. Je le dirais si le dire tait permis ; vous le sauriez silentendre tait permis.LAne dor , trad. J.-A. Maury, t. Il, chap.XI, p. 207.9 ALEX. LENOIR,La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , p. 3.10 RAGON,Cours philosophique et interprtatif des initiations anciennes et modernes , p. 24. Cf. Ernest Bosc,Isis dvoile,p. 266.11 Sthos , t. I, p. 159.12 Premier grade daprs leCrata Repoa. 13 Apule dit : A la dignit quinquennale de Dcurion.LAne dor , trad. J.-A. Maury, t. II, ch.XI, p. 216.

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    secours, jen tirai un grand avantage pour tout ce qui soffrait mes regards1...Si ce rcit nest pas entirement fantaisiste, il semblerait indiquer que le savant auteur a retrouv, dans ses voyages,

    les traces matrielles des instruments servant aux preuves physiques imposes aux postulants linitiation des myst-res, en gypte. preuves dont nous allons raconter les curieuses phases daprs Sthos2, louvrage de labb Terrasson, lrudition duquel tous les crivains, qui lont mis contribution, ont rendu hommage ; commencer par Alexandre Lenoir, dont le tmoignage est des plus importants. Sthos est la source moderne o tous ont puis.

    IILorsquun tranger se prsentait linitiation, la premire condition laquelle il devait soumettre taitla circoncision .

    Cette pratique religieuse tait absolument indispensable chez les Egyptiens, puisque les prtres ne permettaientlaccs des temples quaux seuls circoncis : Pythagore, Thals, Eudoxe, Solon, Platon, Hrodote et autres trangersdurent donc subir cette opration, puisquils se firent initier aux mystres dont cet acte de puret tait la premire obli-gation3.Quand un postulant allait demander linitiation, les Mages, qui semblaient laccorder avec une extrme facilit, se

    contentaient de lui faire crire son nom et sa demande et lui donnaient aussitt un Initi pour lui indiquer ses preuves.Linitiation comprenaittrois parties : la purification du corps, la purification de lme et la manifestation, suivie du triom-phe de lIniti. Si, aprs les premires explications reues, le nophyte, auquel on navait pas cach quil allait sexposer de grands dangers, qui avaient fait reculer de plus intrpides que lui, sentait en son me une soif ardente de vrit, enson cur le courage ncessaire pour braver lesterribles preuves de linitiation, il gravissait jusqu la seizime assisede la grande pyramide de Memphis, o se trouvait une fentre taille dans le granit qui jour et nuit restait ouverte. Cetteouverture, seule entre du temple dinitiation, denviron trois pieds carrs, tait situe au nord4.

    Dautres auteurs ont plac la porte, donnant accs aux galeries, entre les pattes du grand Sphinx de Gizh. Le pro-blme archologique reste ouvert.

    Il nest pas dmontr, crit Alexandre Lenoir5, que les pyramides servaient dentre... Mais il est au moins prouvque les routes qui conduisaient aux souterrains mystrieux, par lesquels les aspirants devaient passer, avant de tou-cher au terme de la flicit suprme, taient tellement difficiles aborder, que ceux qui sy engageaient couraient, enapparence, le plus grand danger. LIniti, porteur uniquement dune lampe, marchait ainsi dans les tnbres, et traver-sait, sous terre, des galeries tellement basses, quil tait souvent oblig de joindre lemploi de ses mains celui de sespieds, pour avancer.Aprs avoir ramp ainsi, moiti sur les genoux, moiti couch plat ventre, un temps assez long, le postulant arrivait

    au bord dun puits trs large et enduit dun asphalte trs noir et uni comme une glace, dont il ne pouvait apercevoir lefond.

    Pendant que le profane cherchait une issue, liniti, qui lavait amen jusqu lentre des souterrains, venait le rejoin-dre et sans rien dire, aprs avoir plac sa lampe, dispose cet effet en forme de casque, sur sa tte, il descendait, en

    faisant signe au nophyte de limiter et de le suivre, les degrs dune chelle de fer, dissimule contre la paroi du puits.Au bout de soixante chelons, lchelle sarrtait brusquement et la lueur de deux lampes ne laissait voir, au-dessousde soi, quun trou bant senfonant dans la profondeur de la terre. Liniti sarrtait un moment, pour laisser son compa-gnon apprcier la situation, puis il lui proposait de renoncer son entreprise. Si le postulant refusait et dclarait vouloircontinuer, le guide lui montrait ct de soi une fentre qui tait lentre dun chemin assez commode, creus dans laroche vive, qui descendait en tournoyant la longueur de cent vingt-quatre pieds. Cette spirale conduisait au fond dupuits, cent cinquante pieds de profondeur, et se terminait par

    une porte grille deux battants dairain qui souvraient au moindre effort que lon faisait pour les pousser, etsans faire le moindre bruit. Mais en retombant deux-mmes pour se rejoindre, ils rendaient, par un artifice dont leprincipe tait dans les gonds, un son trs fort qui semblait se porter successivement et se perdre au loin dans le fonddun vaste difice...

    Vis--vis de cette porte, qui tait du ct nord, il y en avait une autre du ct du midi. Celle-ci tait ferme dunegrille de fer dormante, dont chaque barreau tait de la grosseur dun bras. A travers ces barreaux on apercevait unealle perte de vue, borde gauche et du ct de lorient, dune longue suite darcades. do sortaient de grandeslueurs de lampes et de torches. Mais de plus on entendait dans la profondeur de ces arcades, des voies (sic)dhommes et de femmes, qui formaient une musique trs harmonieuse...

    Les Mages, avertis par le son que rendait la porte deux battants, venaient incessamment reconnatre, traversdes ouvertures pratiques dans les murs, ceux qui arrivaient au fond du puits, afin de prparer toutes choses pour lesrecevoir, sils allaient plus loin.

    Parvenus cet endroit, lIniti et son compagnon se reposaient pendant une heure environ. Le Mage sentretenaitavec le postulant et lui posait des questions, dont les rponses taient soigneusement recueillies pour servir plustard.Puis le Thesmosphore disait :

    Mon fils voil du ct nord la porte par o nous sommes entrs, et par o nous pouvons remonter en haut ; ou bien1

    Alex. Lenoir,La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , pp. 18, 19 et 20.2 Sthos , histoire ou vie tire des monuments, anecdotes de lancienne gypte, traduite dun manuscrit grec. Paris, Jean-Franois Bas-tien. An III de la Rpublique franaise, une et indivisible, 2 v. in-8, sans nom dauteur.A moins dindication contraire les citations qui vont suivre sont empruntes cet ouvrage, t. 1, pp. 136 et suivantes.3 Ernest BostIsis dvoile p. 143.4 Henri Delaage,La Science du vrai , p. 215 Ouvrage cit , p, 224

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    voil, du ct de lorient, une autre porte qui vous conduira dans un chemin parallle aux enfoncements des arcadesqui sont encore fermes pour vous.

    Ce chemin tait de six pieds de large, trs uni, tir en ligne droite et vot en plein cintre sur une imposte qui r-gnait de part et dautre six pieds de terre... une inscription en lettres noires traces sur un marbre trs blanc... taitpose en forme de fronton sur les impostes de larcade, qui servait dentre ce chemin :

    Quiconque fera cette route seul et sans regarder derrire lui, sera purifi par le feu, par leau et par lair : et sil peut vaincre la frayeur de la mort, il sortira du sein de la terre, il reverra la lumire et il aura droit de prparer son me la rvlation des mystres de la grande desse Isis.Ici, lIniti qui avait accompagn le profane, le quittait. Mais

    il le suivait de loin, sans quil le st. Ctait la rgle tablie; parce que si le cur venait manquer laspirantavant quil ft arriv la premire preuve, son conducteur, qui se trouvait fort prs de lui, le ramenait, lui faisait re-monter le puits, et le reconduisait la fentre de la pyramide par laquelle il tait rentr. L, il lui conseillait de tairepour son honneur une entreprise laquelle il avait succomb, et lavertissait de ne se prsenter jamais linitiation, ni Memphis, ni aucun autre des douze temples de lEgypte o on la donnait.Le nophyte faisait seul un long trajet dans cette galerie sans rien apercevoir de nouveau. Puis, il arrivait enfin prs

    dune petite porte de fer situe dans le mur droite, au midi. Elle tait ferme. Deux pas plus loin, se tenaient trois hom-mes arms, coiffs dun casque charg dune tte dAnubis1 cest--dire dune tte de chien, ou de chacal.

    Lun de ces trois hommes disait laspirant : Nous ne sommes pas ici pour vous arrter dans votre route ; conti-nuez-la, si les dieux vous ont donn le courage. Mais si vous tes assez malheureux pour revenir sur vos pas, nousvous arrterons dans votre retour ; vous pouvez encore vous en retourner ; mais aprs ce moment, vous ne sortirez jamais de ces lieux, si vous nen sortez incessamment par le passage que vous vous ferez devant vous, sans tournerla tte et sans reculer.Et ce ntait pas l une vaine menace. Le postulant, qui manquait une preuve, demeurait tout jamais enferm dans

    les galeries du temple, o il remplissait un des offices secondaires, suivant le degr auquel il stait arrt. Il pouvait semarier avec une fille dofficier du mme rang, mais il lui tait interdit de sortir. La loi tait formelle. Il faisait savoir son sa famille en crivant et signant de sa main la dclaration suivante :

    Pour avoir tent une entreprise tmraire, les dieux justes et misricordieux me retiennent pour jamais dans uneprison favorable, craignez et aimez les Dieux.Cette formule ritulique le faisait regarder comme mort et dlivrait la famille de tout engagement son gard. Ctai

    pour lui, ce que nos anciens codes appelaient la mort civile.Un moment aprs, laspirant apercevait (sic) lextrmit de son chemin une lueur de flamme trs blanche et trs

    vive qui venait de sallumer... Le chemin qui finissait l, aboutissait une chambre vote qui avait plus de cent piedsde long et de large. A droite et gauche en y entrant, taient deux bchers, ou pour mieux dire, ctaient des boisplants debout fort prs les uns des autres, autour desquels taient entortilles en forme de pampures de vignes, des

    branches de baume arabique, dpine dEgypte, et de tamarinde ; trois sortes de bois trs souples, trs odorifrants ettrs inflammables. La fume schappait par de longs tuyaux placs exprs pour cet effet. Mais cette flamme, quislevait aisment jusqu la vote, et qui se recourbait par ondes, donnait lespace quelle occupait toute la ressem-blance dune fournaise ardente.De plus il y avait terre entre les deux bchers, une grille de fer rougie au feu, de huit pieds de large et de trente

    pieds de long. Cette grille tait forme de losanges qui ne laissaient gures entre elles (sic) que la place du pied.Lorsquil avait franchi ce premier obstacle le nophyte se trouvait au bord dun canal, driv du Nil, qui, coulant ave

    un fracas de torrent, barrait la route. Il devait le traverser la nage, tout en ayant soin de ne pas laisser teindre salampe, ou bien en se servant de deux rampes de fer, places droite et gauche pour indiquer le chemin suivre. Delautre ct, et baignant dans leau, tait un escalier qui conduisait, par une arcade, une plate-forme. Celle-ci avait sixpieds de longueur sur trois de largeur.

    Le sol tait un pont-levis, qui tenait par de fortes pentures des gonds scells dans la plus haute marche de lar-cade, de sorte que le pont-levis semblait tre baiss pour recevoir larrivant. Les murs quil avait ses cts taientdairain et servaient dappui aux moyeux de deux grandes roues de mme matire, lune droite et lautre gauche.Leurs moitis infrieures sabaissaient derrire les murs ; et les suprieures, quon pouvait voir, taient chargesdune grosse chane de fer. Le dessus ou le toit du pallier prsentait, llvation de quinze pieds, trois concavits t-nbreuses, telles que les prsenteraient Iintrieur de trois grandes statues creuses, vues par dessous. Il avait devantlui une porte, recouverte tout entire de livoire le plus blanc, garnie dans le milieu de deux lisires dor, qui mar-quaient que la porte, qui navait aucun armure en dehors, souvrait en dedans deux battants.Vainement le nophyte, aprs avoir pos sa lampe terre, essayait douvrir cette porte, elle rsistait tous ses ef-

    forts. En cherchant un mcanisme, il finissait par apercevoir deux gros anneaux dacier poli, attachs au linteau de laporte environ sept pieds de hauteur. Il les saisissait. Ctait la dernire preuve et la plus difficile soutenir. Cestcelle-l quavait dit-on, manqu Orphe.

    Le premier mouvement que le candidat donnait ces anneaux, faisait lever la dtente des deux roues qui, empor-tes par un poids norme pendu leurs chanes, produisaient plusieurs effets trs effrayants. Le pont-levis commen-ait slever par lextrmit la plus proche de la porte, de sorte que laspirant navait que deux partis prendre, oucelui de regagner les marches et de reculer, [ce qui allait] contre la loi prescrite, ou celui de sattacher aux anneaux.

    Mais le linteau mme de la porte slevait aussi avec laspirant suspendu. La lampe, qui glissait sur le pont-levis,

    1 Dieu de lancienne gypte, fils, daprs la lgende, dOsiris et de sa sur Nephthys. Il prsidait aux spultures et a lembaumement.Ce qui explique pourquoi laspirant rencontrait ici son symbole.

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    se renversant bientt, le laissait sans lumire au milieu du bruit pouvantable que faisaient les deux roues...Ce mouvement, qui durait prs dune minute, levait laspirant jusqu la hauteur dun quart de cercle. Mais de peur

    que le linteau, que les grandes roues abandonnaient alors, ne retombt trop vite, entran par son poids et par celuide laspirant [qui y demeurait suspendu], ce linteau se trouvait attach par des cordes, qui passaient pardessus plu-sieurs poulies, une troisime roue, compose de volants de tle qui ralentissaient cette chute, et qui empchaientque laspirant ne se blesst. Mais en mme temps, cette roue, qui tait place vis--vis de lui, dans un grand vide au-dessus de la porte divoire, lui faisait sentir par son mouvement une violente agitation dair1.

    Ds que laspirant tait descendu ainsi au point o la machine lavait pris, les deux battants de la porte divoiresouvraient par une dernire dtente, et laissaient voir un lieu clair dun trs grand jour ; ou sil tait nuit, par deslampes qui en galaient la clart.Le novice apercevait alors le buf Apis, travers les barreaux de son table qui tait situe au fond du sanctuaire

    du temple des trois divinits Memphis et le postulant constatait, avec une grande surprise, quil sortait de dessous lepidestal creux de la triple statue dOsiris, dIsis et dHorus.

    Le nophyte tait reu par les Mages. LHirophante, aprs lavoir embrass, le flicitait sur son courage et sur le bonsuccs de ses preuves. Puis, le Grand Prtre lui prsentait une coupe pleine de leau du Nil, et ajoutait :

    Que cette eau soit un breuvage de Lth ou doubli, lgard de toutes les maximes fausses que vous avezoues de la bouche des hommes profanes .Le novice se prosternait du ct de la triple statue, et le Grand Prtre prononait sur lui les paroles suivantes :

    Isis, grande Desse des Egyptiens ! donnez votre esprit au nouveau serviteur, qui a surmont tant de prils etde travaux pour se prsenter vous. Rendez-le victorieux, mme dans les preuves de son me, en la rendant docile vos voix, afin quil mrite dtre admis vos mystres.Tous les prtres rptaient les premires paroles : Isis, grande Desse des Egyptiens ! On relevait le novice et lHi-

    rophante lui donnait boire une liqueur compose, que les Grecs ont nomm cycon2, en lui disant :Que ceci soit un breuvage de mnmosyne ou de mmoire pour les leons que vous recevrez de la sagesse.

    Le voyage dans les souterrains, destin constater le courage sarrtait l. Mais les membres du collge des initia-tions ne sengageaient encore, par ces preuves terribles, qu admettre les aspirants un examen trs svre sur tou-tes les autres vertus.

    IIILe nophyte, aprs une journe de repos, dont nous verrons plus loin lemploi, commenait la purification de lme. I

    habitait alors un appartement dans la maison des Mages.En Egypte, le second grade tait entirement consacr des preuves morales... On y faisait rellement un cours

    de philosophie thorique et pratique3.Alors commenait, pour le novice, un jene de quatre-vingt-un jours, divis en plusieurs degrs daustrit. Il ne buvait

    que de leau. Pendant deux mois, il recevait discrtion le pain et des fruits crus ou schs au soleil. Les vingt et un jourssuivants taient sectionns en deux parties ; dans la premire, qui comprenait douze jours, le pain lui tait encore donnsuivant sa faim, mais il tait accompagn de huit onces de fruits seulement par vingt-quatre heures. Enfin, la priode laplus rigoureuse durait neuf jours, il touchait alors dix-huit onces de pain sec pour toute la journe.

    Pendant soixante-douze jours, le novice prenait son repas seul. Il dormait six heures sur un lit de sangles de papyrus.Et lors de la mridienne, de midi une heure, il devait rester assis.

    La purification de lme proprement dite comprenait deux parties :linvocation et linstruction. Linvocation consistait assister une heure le matin et une heure le soir aux sacrifices qui se faisaient la vue de tout le peuple mais laspiranttait plac en un lieu o il ne pouvait ni le voir ni en tre vu. Linstruction comprenait deux confrences obligatoires faites par des Mages. La premire, qui avait lieu le matin, durait une heure, elle portait sur la religion gyptienne. La se-conde, dune heure et demie, tait exclusivement rserve des questions de morale. En outre, le novice avait, deux foispar jour, des conversations familires avec les Mages sur le mme sujet. Enfin tous les Mages destins aux instructionssacres, taient obligs de le recevoir dans leurs cabinets, quelque heure quil se prsentt, dans les intervalles de cesexercices.

    Cela durait ainsi quarante-deux jours pendant lesquels les membres du collge des initiations, de leur ct, appor-taient une grande attention tudier son caractre et ses inclinations.

    Ce laps de temps coul, venait une srie de dix-huit jours o le novice avait pour obligation de garder un silence ab-solu. Il assistait toujours aux confrences, niais il ne devait prendre garde personne et personne ne paraissait faire at-tention lui.

    Le moindre manquement faisait perdre la libert pour la vie.En mme temps, intervalles plus ou moins, rapprochs, trois Mages venaient dans la chambre du nophyte

    pour lui reprocher les dispositions dlictueuses ou vicieuses quils avaient remarques ou dans ses discours oudans ses manires. Ils ne sen tenaient pas l. Comme le courage, quil fallait avoir pour sexposer aux preuves delinitiation, ne pouvait gure se rouver quen des hommes dj clbres, les Mages connaissaient assez, ou par euxeux-mmes, ou par le bruit public, leurs perfections ou leurs dfauts.L ne se bornait pas le rle de ces admoniteurs. Ce serait dommage de retrancher un mot aux lignes suivantes, dans

    1 On trouve dansLa Franche-Maonnerie dAlex. Lenoir une planche hors texte qui reprsente ces preuves. Et aussi danslHistoire pittoresque de la Franc-Maonnerie de CLAVEL, 2 d., Paris, 1843, p. 297.2 Breuvage mystique compos de farine dorge, de miel, de fromage, de vin et deau.3 Alex. Lenoir,La Franche-Maonnerie rendue sa vritable origine , p. 155.

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    lesquelles lauteur deSthos peint sur le vif les habitudes de mouchardage, chres aux Socits secrtes, quelles quel-les soient.

    Mais outre cela, comme on venait demander frquemment des conseils, ou mme des prdictions aux Mages, quipassaient pour trs profonds dans la connaissance de lavenir et des choses les plus caches, il ntait point de dili-gence quils ne fissent pour sinstruire, sans quon sen aperut (sic), de tous les secrets des princes et des particu-liers; quoi mme ladresse de leurs femmes et de leurs officiers du second ordre, qui allaient dans le monde, necontribuait pas peu. Depuis mme que laspirant tait enferm chez eux, ils recherchaient, avec un grand soin, toutesles circonstances de sa vie. Ainsi ils ltonnaient trangement en lui rappelant ses actions passes, qui pouvaient m-riter quelque censure, et en lui taisant des rprimandes proportionnes la grivet du cas, sans quil lui ft permisseulement douvrir la bouche... mais ils prenaient toutes les prcautions imaginables pour ne lui rien imputer qui ne ftvrai. Ce fcheux exercice tait plus ou moins long chaque fois... et ils insinuaient quils en savaient plus quils nenvoulaient dire.En un mot il y avait dans les archives des Socits secrtes de lgypte des fiches... sur papyrus.Ces dix-huit jours, passs dans le silence absolu, taient suivis de douze autres, consacrs aurecueillement et la

    mditation, au bout desquels le novice devait rpondre trois questions de morale.Plus de confrences. Il assistait dans la journe un discours, qui roulait sur lesprit du vritable initi. La prsence

    aux prires et aux sacrifices devenait libre et rgle par sa seule pit et son got. Il pouvait de nouveau prendre partaux conversations des Mages et les entretenir en particulier.

    A lissue de cette priode, lHirophante posait trois questions au nophyte, et lui donnait neuf jours pour prparer larponse quil devait y faire. Durant ces neuf derniers jours plus dinstructions, plus de lectures, ni de conversations com-munes. Le novice passe les nuits dans le sanctuaire derrire la statue des trois divinits. Il prend ses repas avec les Ma-ges et ceux-ci ne reoivent comme lui que neuf onces de pain par repas. Le silence est absolu pour tous.

    A la fin de ce jene rigoureux, llniti tait pendant douze jours soumis un rgime gradu, afin dviter le danger dutrop brusque retour une alimentation normale. Ses repas taient surveills par un Mage mdecin.

    Ces douze jours taient ceux de la manifestation, troisime et dernire partie de linitiation, qui tait moins un exer-cice que la rcompense de tous ceux qui avaient prcd. En effet, la curiosit humaine tait comble par la dcou-verte des mystres sacrs et mme des autres secrets du sacerdoce Egyptien : et en comparaison des plus grandsvoyageurs de la terre, les Initis visitant les souterrains de lEgypte, voyageaient pour ainsi dire dans un autremonde...

    Ds laurore du premier de ces douze jours, on menait lIniti devant la triple statue ; et layant fait mettre genoux,lHirophante le consacrait premirement Isis... secondement Osiris... troisimement Horus, Dieu du silence etdu secret auquel il sallait engager. Aussitt on faisait lire lIniti la formule dun serment formidable. Il jurait de nparler jamais aucun profane, de ce quil verrait en ces douze jours, et en tous temps, dans les temples souterrainsde lgypte ; se soumettant, sil violait ce secret, la vengeance de toutes les divinits du ciel, de la terre et des en-

    fers; se dclarant, en ce cas, coupable de mort, et souscrivant par avance lexcution de ce jugement, quil regardaitcomme prononc.LIniti recevait alors lessignes secrets et les mots sacrs , qui lui permettaient de se faire reconnatre de tous les

    autres membres de la Socit secrte et de trouver auprs deuxaide et protection en cas de besoin.Linitiation se terminait par une imposante crmonie publique, clture elle-mme par une procession magnifique

    travers les rues de la ville. On en trouvera la description, avec planche lappui, dans louvrage dAlexandre Lenoir edans celui de labb Terrasson. Ctait la partie exotrique de linitiation.

    CHAPITRE III : LA DOCTRINE DES MYSTERES

    IAprs avoir rsum, daprs les principaux auteurs qui ont trait cette question, les preuves de linitiation, il serait in-

    tressant de pouvoir faire connatre quels taient en ralit ces mystres auxquels le nouvel lu tait admis. Malheureu-sement, la science moderne est fort peu renseigne.

    Malgr tout ce quon a crit sur ce sujet, nous sommes bien obligs davouer que nous nen savons presque rien,en tout cas, fort peu de choses1.Comme le constate un autre auteur :

    La tradition sotrique ou la doctrine des mystres, est trs difficile dmler. Car elle se passe dans le fond destemples, dans les confrries secrtes et ses drames les plus saisissants se droulent tout entiers dans lme desgrands prophtes, qui nont confi aucun parchemin, ni aucun disciple, leurs crises suprmes, leurs extases divi-nes. Il faut la deviner2.Si nous en croyons linscription grave sur la plaque dor, que portait sur sa poitrine lHirophante chef des initiations

    celte doctrine se rsumait en trois mots :vrit, sagesse et science .Mais, daprs les initis modernes, la vrit ne se donne pas. On la trouve en soi-mme ou on ne la trouve pas. Et

    leur principe est :Nous ne pouvons faire de toi un adepte, il faut le devenir par toi-mme. Le Lotus pousse sous le fleuve longtempsavant de spanouir(ibid. p. 139).

    Et ils concluent de l, toujours daprs le mme savant auteur :

    1 Ernest Bosc,Isis dvoile , p. 263.2 Edouard Schur,Les Grands Initis , p. XIV.

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    La vritable initiation tait donc bien autre chose quun songe creux et bien plus quun simple enseignementscientifique ; ctaitla cration dune me par elle-mme , son closion sur un plan suprieur, son efflorescence dans lemonde divin (Ibid. pp. 124, 125).

    Nous verrons un peu plus loin ce quil faut penser de cette dernire phrase.Si lon cherche pntrer plus avant dans la pense de ceux qui prtendent faire remonter leurs rveries, trs moder-

    nes, aux temples de lEgypte ou aux coles du Thibet, on y dcouvre, non sans une certaine surprise,des ides moder-nistes et amricanistes.

    Les sages et les prophtes des temps les plus divers sont arrivs des conclusions identiques pour le fond, quoiquediffrentes dans la forme, sur les vrits premires et dernires - et cela toujours par la mme voix de linitiation intrieureet de la mditation (Ibid. p.XVIII).

    Cest un grand et sublime arcane que celui-ci :Nul ne peut parfaire son initiation que par la rvlation directe de lEsprit universel, qui est la voix qui parle lintrieur 1. On voit, sans que ce soit le lieu dinsister, ce que deviennent la Rvlation et lautorit de lenseignement, en pr-

    sence de ces thories, chres aux Socits secrtes spiritualistes.Stanislas de Guaita ajoute :

    Il est le Matre unique, lindispensable Gourou2 des suprmes initiations. Nous connaissons les diverses maniresdentrer en rapport avec lui ; de laller chercher, de le faire venir, de le laisser venir, de se donner lui ou de prendrepart sa souverainet3.Et cest l, en effet, ce que les Mages de lgypte enseignaient et pratiquaient dans les mystres secrets :la Magie.Ils y joignaient ltude et le culte de la nature. Leur grand systme consistait faire lapplication des causes physi-

    ques de la nature la morale pour en former un corps de doctrine lusage de la civilisation des peuples4. Et le carac-tre dominant de leur enseignement tait, dit-on, la synthse, runissant dans quelques lois fort simples la somme des

    connaissances acquises5

    .Mais il ne faut pas laisser dnaturer les choses et comme le remarque trs bien le savant traducteur dHerms :Pour les Egyptiens, lunit divine ne sest jamais distingue de lunit du monde. Le grand fleuve qui fconde

    lEgypte, lastre clatant qui vivifie toute la nature leur fournissaient le type dune force intrieure, unique et multiplela fois, manifeste diversement par des vicissitudes rgulires, et renaissant perptuellement delle-mme6.Ils nont jamais t plus haut. Et loin de slever jusquau Dieu personnel et crateur de la Bible et de Mose, ils sont

    retombs dans les dieux infernaux. Voil la triste ralit que tous les efforts sotriques des modernes thosophes nedoivent pas nous empcher de mettre au grand jour.

    Dans linitiation, les Mages des temples gyptiens enseignaient leurs disciples la plupart des doctrines quisous le nom doccultisme,de thosophie, de magie, de kabbale et de gnose sont parvenues jusqu nous. LaScience des nombres vient des cnacles de la valle du Nil. Mais nous ne savons pas quel a t lapport du temps et jusqu quel point la prdiction dHerms Trismgiste son disciple Asclpios sest ralise :

    Il est une chose quil faut que vous sachiez : un temps viendra o il semblera que les Egyptiens ont en vain ob-serv le culte des Dieux avec tant de pit, et que toutes leurs saintes invocations ont t striles et inexauces. Ladivinit quittera la terre et remontera au ciel, abandonnant lEgypte, son antique sjour, et la laissant veuve de religion,prive de la prsence des Dieux. Des trangers remplissant le pays et la terre, non seulement on ngligera les chosessaintes, mais, ce qui est plus dur encore, la religion, la pit, le culte des Dieux seront proscrits et punis par les lois.Alors cette terre sanctifie par tant de chapelles et de temples sera couverte de tombeaux et de morts. O Egypte !gypte ! il ne restera de tes religions que de vagues rcits que la postrit ne croira plus, des mots gravs sur lapierre et racontant ta pit. Le Scythe ou lIndien, ou quelque autre voisin habitera lEgypte. Le divin remontera au ciellhumanit abandonne mourra tout entire, et lEgypte sera dserte et veuve dhommes et de Dieux.

    ...LEgypte elle-mme tombera dans lapostasie, le pire des maux. Elle, autrefois la terre sainte aime des Dieuxpour sa dvotion leur culte, elle sera la perversion des saints, lcole de limpit, le modle de toutes les violen-ces7.En effet, si nous connaissons bien ltat de dcadence dont parle le livre Hermtique, nous ignorons scientifiquement

    toute la priode de puret dans la doctrine religieuse laquelle le discours dinitiation Asclpios fait allusion.Devons-nous alors en chercher la trace dans cette loi pivotale de lsotrisme le plus secret des temps antiques

    que Stanislas de Guaita, aprs avoir assur quelle ntait transmise quau seul Esope par voie traditionnelle et sous lagarantie dun serment solennel et terrible, formule en ces termes :

    Le Mle est positif dans la sphre sensible, ngatif dans la sphre intelligible. La femelle, par contre, est positivedans la sphre intelligible, ngative dans la sphre sensible. Inversement complmentaires, le mle et la femelle sontneutres dans la sphre mdiane du psychique. Cette similitude animique est mme leur seul point de fusion. Cestmoralement la charte dEn-Haut qui consacre lidentit de la race entre individus de sexe oppos8.Ou dans cette thorie du feu ther, principe organique ou feu pur et vierge qui circule dans le ciel ; celui dont les as-

    1 STANISLAS DE GUAITA,Le Serpent de la Gense , t. II, p. 214.2 Instructeur, en langage dIniti thosophe.3 Le Serpent de la Gense , t. II, p. 214.4 Alex. Lenoir,La Franche-Maconnerie , p. 6.5 Papus, Le Tarot , p. 10.6 Louis Mnard,Herms Trismgiste , traduction complte, Paris, Perrin et Cie, 1910, prface, p.XXIX.7 Herms Trismgiste , traduction complte par Louis Mnard, pp. 137 et 135.8 STANISLAS DE GUAITA,Le Serpent de la Gense , t. Il, p. 242.

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    tres et mme nos mes se composent... substance active et incre. Dieu en ralit, et dieu hermaphrodite, comme lesont gnralement les divinits du premier ordre. Par lequel, selon les Perses, le monde, devait tre dtruit, au bout dedouze mille ans, pour renatre de ces cendres, comme la vulgaris la fable du Phnix, ou mieux de ce feu incr lui-mme1.

    Il y a loin, on le voit, de ces concepts nbuleux, qui tous viennent de lgypte, ou, du moins, ont t enseigns dansses temples, la splendeur du Dieu rvl par la sainte criture.

    On est, je crois, plus prs de la vrit en cherchant la doctrine des Mages dans les vingt-deux lames du tarot. Cest ceque font beaucoup doccultistes. Seulement le nombre nest pas grand de ceux qui savent lire ce livre curieux.

    IILes gyptiens, comme les Chaldens, taient de grands astronomes. Ils connaissaient presque tous les mouvements

    du ciel et lastrologie navait pas de secrets pour leurs prtres. Les enseignements de cette science se donnaient orale-ment, il tait mme dfendu dcrire quoi que ce soit sur ce sujet. Mais, pour aider leur mmoire, les Mages initis avaientcompos les lames dit tarot o, en vingt-deux arcanes majeurs et cinquante-six arcanes mineurs, taient runies et syn-thtises, en langage sotrique, non seulement toutes les clefs de lastrologie, mais aussi la doctrine philosophique destemples.

    Selon Clment dAlexandrie, les Egyptiens avaient des prtres-astrologues qui dessinaient, daprs la sphre, lesimages des dieux ; parmi leurs livres sacrs, un des plus rvrs tait le livre dastrologie2 sur lequel ils prononaientleur serment ; on le portait ordinairement en procession dans les crmonies religieuses3.

    En allant vers le bout de la galerie, Sthos aperut des Mages qui dressaient des thmes de nativit, et qui travail-laient aux horoscopes. Ctait l le genre de leur devination. Ils laidaient par une recherche encore plus exacte quecelle des autres Mages de lEgypte, des secrets des Rois et des particuliers.

    Dans la procession dIsis, lors du triomphe de liniti, deux mages portaient sur leurs paules un brancard, sur le-quel tait pos le vase augural ou devinatoire ; il tait couvert dun astrolabe, dun quart de cercle et dun compas ; carbien que lastrologie ft plus en usage Thbes que dans les autres temples, les instruments astronomiques taientpartout le symbole de la divination4.Chaque lame des vingt-deux grands arcanes du tarot reprsente un signe du zodiaque ou une plante. Elle corres-

    pond, en outre, une lettre de lalphabet des langues smitiques. Mais de plus, ces images, qui nous sont parvenues peu prs compltement dfigures et dnatures, ont chacune quatre sens particuliers. Le premier sapplique au plan di-vin ; le second, au plan intellectuel, le troisime, au plan physique et le quatrime au plan astral.

    Par exemple la douzime lame, lettre Lamed (L.), nombre 30, signifie dans le plan divin, la loi rvle, dans le plan in-tellectuel, lenseignement du devoir, dans le plan physique, le sacrifice, et, dans le plan astral, elle reprsente les qualitsde la plante Uranus ou la queue du dragon chez les anciens5.

    Du reste, toute la thogonie gyptienne a pour base lastronomie . Daprs ses plus rudits commentateurs les

    mystres et les crmonies du culte taient une allgorie astronomique6

    . Cest pourquoi on a pu dire, avec raison, queles vingt-deux arcanes du tarot taient les colonnes mmes de la thologie 7 des temples.Alexandre Lenoir nest pas moins affirmatif et son ouvrage a pour but de mettre en lumire les rapports de la religion

    des anciens avec les phnomnes du ciel. Cest, en fait, leSabisme ou culte des astres.Le Sabisme fut la religion primitive... son culte fut celui de la nature et des astres... La religion des Perses et des

    Egyptiens, aussi bien que la Franche-Maonnerie, ne sont, dans le principe, que le sabisme ou culte de la nature...De la science astronomique est ne la science sacre... Par lunion de ces deux sciences on tendit les rapports duciel avec la terre jusqu ltat moral des peuples pour les diriger...

    Porphyre rapporte que Chrmon8 et dautres prtres gyptiens convenaient que tout ce que les anciens Egyptiensdisaient de leurs dieux devait sentendre des plantes, des signes du zodiaque, de leurs diffrents aspects avec lestoiles, du cours du soleil, des phases de la lune, des rvolutions du Nil, etc.9.Voici daprs M. Louis Mnard le texte de Porphyre :

    Chrmon et les autres nadmettent rien au-dessus des mondes visibles, et dans lexposition des principes ilsnattribuent aux Egyptiens dautres Dieux que ceux quon nommeerrants (les plantes), ceux qui remplissent le zo-diaque ou se lvent avec eux et les subdivisions des Decans et les Horoscopes, et ceux quon nomme les chefs puis-sants et dont les noms sont dans les almanachs avec leurs phases, leurs levers, leurs couchers et les signes deschoses futures. Il (Chrmon) voit en effet que les Egyptiens appellent le soleilcrateur , quils tournent toujours autourdIsis et dOsiris et de toutes les fables sacerdotales, et des phases apparitions et occultations des astres ; des crois-sances et dcroissances de la lune, de la marche du soleil dans lhmisphre diurne et dans lhmisphre nocturne, etenfin du fleuve (Nil). En un mot, ils ne parlent que des choses naturelles et nexpliquent rien des essences incorporel-

    1 Alex. Lenoir,La Franche-Maonnerie , pp. 69, 113 et 70.2 Le livre de Toth ou Tarot.3 Alex. Lenoir,La Franche-Maonnerie , p. 246.4 Sthos , t. I, p. 331 et 280.5 Christian,Histoire de la magie , p. 123. Fomalhaut,Manuel dastrologie sphrique et judiciaire,p. 321.6 Crata Repoa , prf. p.XIV.7 douard Schur,Les Grands Initis , p. 139.8 Chrmon dAlexandrie, philosophe Stocien et historien grec du commencement de lre chrtienne. Il crivit divers ouvrages surlgypte et notamment un trait desHiroglyphes , qui ne nous est pas parvenu.9 La Franche-Maonnerie , pp. 28, 29 et 52.

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    les et vivantes3.Lenseignement donn par Herms ne laisse aucun doute cet gard :

    Et le ciel apparut en sept cercles et les Dieux se manifestrent sous la forme des astres avec tous leurs caractres,et les astres furent compts avec les Dieux qui sont en eux... Si le soleil illumine le reste des toiles, ce nest pas tantpar sa grandeur et sa puissance que par sa divinit et sa saintet. Il faut voir en lui, Asclpios, un second Dieu quigouverne le reste du monde et en claire tous les habitants, anims ou inanims4.Tous les dieux de lantiquit , non seulement en gypte, mais dans lInde, la Chalde, la Grce, Rome, ne sont en

    effet que des personnifications astronomiques des plantes et des constellations . Osiris, Mithra, Vichnou, Jupiter,Bacchus, Apollon, Adonis, Orsmud, Remplah, Moloch, Kiun, Blus, Baal, sont, sous des noms diffrents,le soleil. Il se-rait facile didentifier ainsi les autres divinits. Est-ce dans ce sens quil faut comprendre le passage de louvrage de Bun-sen sur lgypte ?

    La gnose ou la connaissance des noms divins, dans leur sens extrieur et dans leur sens sotrique, tait en fait legrand mystre religieux ou linitiation chez les Egyptiens5.Je suis assez dispos le croire, car la thorie kabbalistique des noms divins est de beaucoup postrieure lan-

    cienne gypte, et il ne saurait tre question, propos de celle-ci, de louvrage de saint Denys lAropagite.Je sais bien que les Mages modernes, qui tentent de nous ramener au paganisme, essayent de dmontrer que der-

    rire ces divinits se cachait lide dun Dieu unique.Il est probable que les vrits rvles lIniti taient dabordle dogme de lunit de Dieu.

    On cite lappui ce passage dOrpheTout est dans Jov ltendue thre... tous les Dieux et toutes les desses immortelles ; tout ce qui doit natre, tout

    est renferm dans le sein de ce Dieu.Et lon conclut :

    Donc, il ne faut considrer les personnages du Panthon Egyptien que comme des tres, des divinits secondai-res, servant dintermdiaires entreDieu unique et ses adorateurs6.Nous avons dit plus haut ce quil fallait en penser. Du reste, dans un des bas-reliefs du principal temple de la ville de

    Thbes, reproduit dans louvrage de la commission dEgypte, ce Dieu unique quon voudrait identifier au Crateur de lBible, est reprsent comme donnant naissance au monde et lhomme par un acte brutal donanisme. On trouvera ladescription tout au long, que nous prfrons ne pas reproduire, dans le volume dAlexandre Lenoir, la page 181.

    Sans vouloir discuter combien le passage cit, daprs un fragment dOrphe, fleure le panthisme, ce qui, je crois,nest pas pour dplaire aux modernes thosophes, je reconnatrai volontiers que tous les dieux de lantiquit servaientdans les temples anciens un tre unique. Seulement la question est de dterminer quel est cet tre.

    Pour le savoir il ny a qu examiner les choses que l tre unique, seul Matre sotrique des initiations, exigeait deses serviteurs ; et ceux-ci, de leurs disciples.

    Dans les temples extrieurs les sacrifices et les crmonies se faisaient la vue de tout le peuple ; les seuls Initis

    taient admis aux mystres quon clbrait dans les souterrains. Cest l quon avait gorg tant de victimes humai-nes... Il y a peu de nations connues qui naient se reprocher cette honteuse barbarie1.Si, il y a le peuple juif, tant quil est demeur fidle au culte du vrai Dieu.Et, quand le sang humain cesse de couler dans les galeries secrtes des temples, les manuvres louches de lago-

    tie le remplacent. Les prtres des dieux ngorgent plus, ilsenvotent . Mais, dans leurs mains, grce lappui de l treunique quils servent, le rsultat est souvent le mme.

    Cependant Amosis, ancien aeul de Ssostris Thbes, avait eu le courage et le crdit dabolir dans toutes les vil-les cette sanglante coutume. On substitua pour lors aux victimes humaines des figures de cire, dont les superstitionsmagiques ont fait depuis un si grand usage2.

    Sous le nom dHcate, Isis prsidait aux enchantements, aux charmes, aux malfices. Cest pour cette raison queles mystres dHcate avaient rapport la magie3.

    Nos anctres... trouvrent lart de faire des Dieux, et, layant trouv, ils y mlrent une vertu convenable tire de lanature du monde. Comme ils ne pouvaient faire des mes, ils voqurent celles des dmons ou des anges et ils lesfixrent dans les saintes images ou les divins mystres, seul moyen de donner aux idoles la puissance de faire dubien ou du mal4.Enfin laptre saint Paul a crit :

    Mais ce que les paens offrent en sacrifice, ils limmolent des dmons, et non Dieu. Or, je ne veux pas quevous soyez en communion avec les dmons5.Et longtemps avant, le psalmiste avait chantDii gentium, dmonia (Ps. XCV, 5), les dieux des nations sont des

    dmons.Si nous en croyons Tertullien, parlant des mystres dEleusis. venus de lEgypte.

    3 Herms Trisrngiste , prf., p.XXII 4 Herms Trisrngiste , trad. Louis Mnard: Discours sacr,l. I, ch. III, p. 27 ; etDiscours dInitiation , l. II, ch. X, p. 145.5 Du rle de lEgypte dans lhistoire du Monde,traduction anglaise de M. Birsch, V, p. 151. Cf. E. Bosc,Isis dvoile, p. 264.6 Ernest Bosc,Isis dvoile,pp. 263, 264 et 78.1 Sthos , t. 1, pp. 20. 21.2 Sthos , t. 1, pp. 20, 21.3 Alex. Lenoir,La Franche-Maonnerie , p. 152.4 Herms Trismgiste , trad. Louis Mnard : Discours dInitiation, T. Il, chap.XIII, p. 156.5 Sed qu immolant gentes, dmoniis immolant, et non Deo. Nolo autem vos socios fieri dmoniorum . I Cor.,X, 20.

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    Tout ce que ces mystres ont de plus saint, ce qui est cach avec tant de soin, ce quon est admis ne connatreque fort tard, ce que les ministres du culte, appelsEpoptes , font tout si ardemment dsirer, cest le simulacre dumembre viril. Theodoret dit que lon vnrait aussi dans les orgies secrtes dEleusis, limage du sexe fminin1.Et la conduite que les mystres anciens imposaient, dans certains cas, aux femmes suffirait elle seule pour tablir la

    nature de l tre unique quon servait, directement ou indirectement, dans les temples de lantiquit.CHAPITRE IV : LES FEMMES DANS LES TEMPLES

    lLes femmes taient inities aux mystres et celles qui avaient reu linitiation avaient la tte rase comme les prtres2.Ceux-ci taient maris. Ils habitaient, avec leurs familles, les dpendances du temple o les jeunes filles jouaient un

    rle dans les crmonies intrieures et dans les preuves de linitiation. Elles subissaient toutes jeunes une oprationanalogue celle de la circoncision chez les hommes et que rendait ncessaire, tant donne la conformation des fem-mes, surtout dans la haute gypte et la Nubie, le costume dans lequel elles figuraient aux solennits religieuses.

    Quand le sacrificateur tait arriv jusqu la statue dIsis, les deux rangs des Prtres arrts et carts lun de lau-tre, laissaient passer loffrande qui les suivait. Ici la vrit du fait historique moblige de dire que cette offrande taiapporte par des filles des Prtres au nombre de dix-huit, deux deux, nues, et tenant chacune une corbeille otaient des fruits ou dautres prsents suivant la saison. Ces filles ne commenaient ce ministre qu treize ans, et el-les le finissaient leur mariage3.

    Champollion, dans son voyage, nous montre, planche 229, la reine Ise qui, coiffe du bonnet symbolique, neporte pour tout vtement quune robe ouverte par devant depuis la ceinture jusquau bas : un tablier tombe devantcette ouverture afin de cacher la nudit du corps ; mais, dans la figure en question, la reine, les deux mains tenduesen avant (en adoration), a rejet sur son bras droit ce tablier et mis nu ce que le tablier avait loffice de cacher4.

    Suivant Diodore de Sicile, les femmes relevaient leurs vtements, mettaient en vidence et semblaient offrir autaureau divin (Apis) ce que la pudeur ordonne de cacher... Les femmes faisaient de mme devant le bouc de Mendsou de Chemnis et poussaient mme beaucoup plus loin leur trange dvotion5.Il est inutile de commenter ces passades. Limpudicit dans la prire suffit pour indiquer celui auquel elle est adres-

    se.Saint Paul dfend aux femmes dentrer lglise sans avoir la tte couverte de leur voile6.Dans linitiation, les femmes et les filles des prtres jouaient un rle non moins trange et quivoque.A la fin des preuves, lorsque lIniti, aprs avoir travers tous les obstacles, avait t reu dans le temple par lHiro-

    phante, on lui accordait nous lavons dit, un jour de repos.Des serviteurs lui faisaient quitter ses vtements mouills, le massaient avec des essences parfumes, le rev-

    taient dune robe blanche de fin lin, et apportaient devant lui une table charge de mets exquis. Pendant ce repas unemusique invisible, enivrante, entranait peu peu son imagination dans un demi-rve, travers par des visions amou-

    reuses. Les plis dune tenture verte, maille de branches de myrte, couleur et plante consacres Vnus, scar-taient lentement au fond de la chambre, pour dcouvrir une galerie o se croisaient en chanes de beaut, dans unechatoyante lumire, des groupes de jeunes femmes dansantes et lies lune lautre par des guirlandes de roses.Ctaient les filles des Mages, leves dans le sanctuaire et consacres Isis jusquau jour o elles recevaient unpoux. Ces apparitions sductrices portaient un masque, attach leur