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D. Guillaume LETTRES : PROGRAMME 4 Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962) Dates Cours 1) Mardi 21 février Corrigé DS.2 Intro. 1 AAE1 Mercredi 22 février Intro. 2 Samedi 25 février 2) Mardi 28 février Résumés Intro. 3 / Explication 0 THEME 1 : Une dramaturgie de l’apparence ? AAE2 Mercredi 1 er mars Explication 1 : BN. 15-18, « La chambreque Madame soit belle. » Explication 2 : BL. 20-22, « L’ÉVÊQUE, assis… rideau molletonné. » Colles Y : Les Bonnes 3) Mardi 7 mars Mercredi 8 mars THEME 2 : Un théâtre amoureux Explication 3 : BL. 55-56, « CARMEN, dure… le jeu de cartes. » 4) Mardi 14 mars Explication 4 : BL. 106-108, « LE CHEF DE LA POLICE, consterné… Elle-même ?… » THEME 3 : Politique et poésie Mercredi 15 mars Citations Explication 5 : BN. 76-79, « Le tilleul est prêt… plus magnifiquement conduit. » Explication 6 : BL. 148-149, « Vous entendez ?… Madame Irma ! » Colles X : Le Balcon 5) Mardi 21 mars THEME 4 : L’espace scénique Explication 7 : BN. 107-109, « Sortir… nous sommes perdues. » Séance de problématiques Mercredi 22 mars Séance de problématiques 6) Semaine du 27 mars CB2 DS3. Jean Genet 7) Semaine du 3 avril CB2 + corrections — Citations classées : Au minimum : 4 citations par thème (cf. exposés) + 1 analyse et 2 citations par explication de texte.

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D. Guillaume

LETTRES : PROGRAMME 4 Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Dates Cours

1) Mardi 21 février

Corrigé DS.2 Intro. 1 AAE1

Mercredi 22 février Intro. 2

Samedi 25 février

2) Mardi 28 février Résumés Intro. 3 / Explication 0 THEME 1 : Une dramaturgie de l’apparence ? AAE2

Mercredi 1er mars Explication 1 : BN. 15-18, « La chambre… que Madame soit belle. » Explication 2 : BL. 20-22, « L’ÉVÊQUE, assis… rideau molletonné. » Colles Y : Les Bonnes

3) Mardi 7 mars Mercredi 8 mars THEME 2 : Un théâtre amoureux

Explication 3 : BL. 55-56, « CARMEN, dure… le jeu de cartes. »

4) Mardi 14 mars Explication 4 : BL. 106-108, « LE CHEF DE LA POLICE, consterné… Elle-même ?… » THEME 3 : Politique et poésie

Mercredi 15 mars Citations Explication 5 : BN. 76-79, « Le tilleul est prêt… plus magnifiquement conduit. » Explication 6 : BL. 148-149, « Vous entendez ?… Madame Irma ! » Colles X : Le Balcon

5) Mardi 21 mars THEME 4 : L’espace scénique Explication 7 : BN. 107-109, « Sortir… nous sommes perdues. » Séance de problématiques

Mercredi 22 mars Séance de problématiques

6) Semaine du 27 mars CB2 DS3. Jean Genet

7) Semaine du 3 avril CB2 + corrections

— Citations classées :

Au minimum : 4 citations par thème (cf. exposés) + 1 analyse et 2 citations par explication de texte.

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LETTRES : BIBLIOGRAPHIE 4

Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Bibliographie

— 1) Technique et généralités :

. Nadine TOURSEL et Jacques VASSEVIÈRE : Littérature, textes théoriques et

critiques, « Fac. », Nathan, 2004.

. Dominique BERTRAND (et alii) : Le Théâtre, « Grand Amphi »Bréal, 1996

. Alain VIALA (dir.), Le Théâtre en France des origines à nos jours, PUF, « Premier

cycle », 1997

. Anne ÜBERSFELD : Lire le théâtre I, II, « Lettres sup » Belin.

. Michel CORVIN (dir.), Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse, 1995

. Antonin ARTAUD, Le Théâtre et son double (1938), Folio « Essais », 1985

— 2) Textes de Jean Genet . Journal du voleur, Gallimard, 1949

. Lettres à Roger Blin, Gallimard, 1966

— 3) Sur Jean Genet et son théâtre . Arnaud MALGORN, Jean Genet, portrait d’un marginal exemplaire, “La

Découverte” Gallimard, 2002

. Edmund WHITE, Jean Genet, Gallimard, 1993

. Jean-Paul SARTRE, Saint Genet comédien et martyr, Gallimard, 1952

. George BATAILLE, « Genet », in La Littérature et le mal, Gallimard, 1957 (Folio

« Essais », 1990, pp. 125-154.

. Jacques DERRIDA, Glas, Galilée, 1974

. Marie REDONNET, Jean Genet le poète travesti, Grasset, 2000

. Marie-Claude HUBERT, L’esthétique de Jean Genet, SEDES, 1996

. Michel CORVIN, « Introduction » au Théâtre complet, Gallimard, « Pléiade », 2002,

édition Michel Corvin et Albert Dichy, pp. XI-LXXVII

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INTRODUCTION

Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

I. Vie et légende de Jean Genet

— 1. L’orphelin (1910-1925) + 1) L’enfant trouvé

. De père inconnu ; sa mère, Camille Gabrielle Genet, l’abandonne âgé de 7 mois à

peine ; elle meurt en 1919, de la grippe espagnole.

. > devient pupille de l’Assistance publique (hospice des Enfants assistés, rue Denfer-

Rochereau)

. Importance de son nom (celui de sa mère), cf. JV. :

— « Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n’être pas le roi — peut-être

la fée de ces fleurs. […] Elles savent que je suis leur représentant vivant,

mobile, agile, vainqueur du vent. Elles sont mon emblème naturel, mais j’ai des

racines, par elles, dans ce col de France nourri des os en poudre des enfants,

des adolescents enfilés, massacrés, brûlés par Gilles de Rais. »

— « Le vêtement des forçat est rayé rose et blanc. […] il existe donc un étroit

rapport entre les fleurs et les bagnards. »

+ 2) Alligny

. Pupille confiée à Eugénie et Chales Régnier, petits artisans du village d’Alligny-en-

Morvan > 13 ans / mensualités.

. Éducation catholique, mais premier chapardage vers 1920, notamment / sa mère

adoptive, qui meurt en 1922 (année de sa Première Communion).

. Très bon élève, premier de sa commune au Certificat d’études 1923 > pas valet de

ferme, apprenti typographe en Seine-et-Marne 1924 ; fugue, rattrapé à Nice avant d’avoir pu

partir pour l’étranger.

+ 3) Le compositeur aveugle

4

. Placé par l’Assistance publique auprès de René de Buxeuil. Lui fait côtoyer milieu

des cabarets parisiens. Lui vole une somme importante (dépensée dans une fête foraine ?)

— 2. Le délinquant, le prisonnier, le déserteur (1925-1941)

+ 1) L’enfermement

. a> Sainte-Anne

— échec des placements > service de psychiatrie infantile : diagnostic de

débilité légère et d’instabilité.

. b> La Petite Roquette

— encore 2 évasions / familles où placé > prison d’enfant : construite 1836 sur

principe « panoptique » = cellules isolées, en éventail autour d’un point

central < tous prisonniers visibles ; immobilité, silence.

— jugé et acquitté > relaxé.

. c> Mettray (1926-1929)

— Nvelle fugue > colonie agricole ds région de Tours = univers déterminant

pour son imaginaire ; commence à y écrire poèmes.

— c1. L’univers carcéral = « Améliorer l’homme par la terre et la terre par

l’homme » = devise (nott. : contact avec nature < Rss.) ; nourriture chiche,

travaux harassants 13h/jour (champ, carrière, ateliers — JG fabrique

brosses > 1927 : db. d’une 2e période pénible aux champs), sanctions (pain

sec et eau, marche en rond tte journée), éducation délibérément réduite (1h

lecture par jour, Nouveau Testament).

* organisation très ritualisée, et de plus en plus répressive après débuts

philantropique au 19e : « famille » de 30 garçons (« colons ») dont un

« frère aîné », sous autorité d’un « chef de famille »

* fréquence des cas d’automutilation (< aller infirmerie, ou être muté

ailleurs) ; faim chronique (> mort en se bourrant l’estomac d’avoine) ;

nécessité d’avoir un « caïd » < protection contre viols collectifs (couples =

caïds ou marle / + jeune, passif : lope, giron, vautour, mouflet, frégate,

mino — JG = « très grande Dame », marié à des caïds successifs, ≠ O de

prostitution)

* > fermeture 1939 : campagne de presse et livre (Maisons de supplices)

— c2. Critiques et fantasmes de Genet (Langage de la muraille = dix dernières

années de JG.) = entreprise cynique <

5

* famille propriétaires s’enrichissent / mo gratuite + subside de l’État

* État au 19e forme colons et soldats

— Par ailleurs, en forge éloge paradoxal < esthétisation du mal et choix

théâtral d’une identité : cf. « L’enfant criminel » = texte radio 1949,

finalement refusé

* « Quant à moi, j’ai choisi : je serai du côté du crime. Et j’aiderai les

enfants non à regagner vos maisons, vos usines, vos écoles, vos lois et vos

sacrements, mais à les violer. »

* « nous acceptions très volontiers cette morale médiévale qui fait que le

vassal obéit au suzerain, donc une hiérarchie très nette, basée sur la force,

sur l’honneur […] et sur la parole donnée […] »

* « Paradoxalement, dans l’enfer […] j’ai été heureux. »

* JV. : « Afin de survivre à ma désolation, […] j’élaborai une rigoureuse

discipline […] : à chaque accusation portée contre moi, fût-elle injuste, du

fond du cœur je répondrai oui. […] en moi-même je sentais le besoin de

devenir ce qu’on m’avait accusé d’être. […] Je me reconnaissais le lâche, le

traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi. […] Le mépris qu’on me

portait se changea en haine : j’avais réussi. […] Deux ans plus tard, j’étais

plus fort […] »

— c3. La révélation de la littérature

* Découverte de Ronsard > poésie : à partir d’une évidence simultanée de

la rhétorique et de la grâce > choix d’un langage : « Il fallait que je

m’adresse, dans sa langue justement, au tortionnaire. […] Il fallait êtr

entendu de Ronsard. Ronsard n’aurait pas supporté l’argot… » (L’ennemi

déclaré, textes et entretiens, 1991)

* Cultive littérature populaire : romans et mélodrames — Paul Féval (Le

Bossu, 1858), Ponson du Terrail (Les exploits de Rocambole, 1859), Michel

Zevaco (Pardaillan, 1902-1904) > aménagement d’un imaginaire : JG

révèle profonde admiration / criminels que manifeste cette litt. + propose

souvent version homo / histoires de pages fidèles au service de vaillant

chevaliers (E. White).

* Analyse de Sartre = choix de la littérature comme du mal, par réaction

contre réalité de l’ordre qui le condamne : oppose au vrai et au bien, le faux

et le mal sous le masque du beau (contre valeur) ; « Le vrai à Dieu, le faux

6

à l’homme » ; « les mots écrits » = « la matière de ces faux-semblants » :

« Les magnifications […] lui donnent l’impression d’alléger le monde de sa

matière comme un pickpocket allège sa victime de son porte-monnaie. »

+ 2) L’errance

. a> L’armée, de Damas à Belgrade, en passant par Barcelone (1930-1936)

— a1. Découverte du monde arabe

. JG s’engage ds armée < quitter Mettray avant sa majorité ; affecté à

Damas (apprend l’arabe) > 1931 Tirailleurs marocains > 1934 Régiment

d’Infanterie Coloniale du Maroc (> déserte : poursuivi par autorités

militaires)

— a2. Bouges d’Espagne

. 1931, 1933 ; « traîne de bouge en bouge » (db. du Journal du voleur : cf.

Barrio chino, quartier de Barcelone)

— a3. L’Europe orientale

. Italie, Albanie, Yougoslavie, Autriche, Pologne, Allemagne, Belgique

< échapper aux autorités militaires françaises ; vit de mendicité, fréquente

milieux de travestis, prostitués, trafiquants divers : cf. Journal du

voleur (1949).

. b> Le voleur de Notre-Dame (1937-1943)

— b1. Retour aux origines

. Premier retour en 1933 < enquête sur son lieu de naissance (possède son

acte d’état civil depuis sa majorité) : découvre avec déception que seult.

adresse d’une maternité.

— b2. Les livres et la scène du voleur

. Finalement réformé de l’armée < « déséquilibre » et « amoralité »

. Vols divers d’abord, en province et à Paris (> arrestation puis libération) :

bouteilles d’apéritifs, chemises, coupons d’étoffe et de drap (1939).

. Se spécialise bientôt ds vol de livre : histoire et philo chez Gibert (1940),

édition de Proust à un bouquiniste près de ND. de Paris (1941) ; tient caisse

de bouquiniste < livres volés sur quai de la Seine (1942) — arrêté.

. Poursuivi jusqu’en 1943 pour des larcins divers.

— 3. Naissance et crise d’un écrivain (1942-1954) + 1) Romans et mondanités

7

. a> De la poésie aux romans

— Première pulsion littéraire = l’attire vers la poésie < cf. découverte de la litt.

à travers un langage orné (Ronsard) : cf. Marie-Claude Hubert = « se dire

pour approcher l’image qui se dérobe, tout en se dissimulant constamment

derrière la fiction » ;

* premier texte publié, sans nom d’auteur alors qu’à Fresnes 1942 = « Le

condamné à mort » = « à la mémoire de mon ami Maurice Pilorge » > txtes

regroupés in Poèmes, 1948 (comprend aussi « Marche funèbre », « La

galère »…)

— Passage au roman comme distanciation, travail du masque qui le conduira

vers théâtre ; ms se sent poète dans ses romans < langage + subjectivité

(roman apporte ouverture, variation, et travail de montage — marque

stylistique de son écriture) :

* mais : ancrage autobiographique fort, cf. Notre-Dame des Fleurs (1944-

1948) = dédié au même Pilorge, « dont la mort n’a pas fini d’empoisonner

ma vie »

* publication de Miracle de la rose, 1946 — anonyme Pompes funèbres et

Querelle de Brest, 1947

— Congé aux lettres ? Journal du voleur, 1949

* « À moins que ne survienne, d’une telle gravité, un événement, […] qu’il

me faille pour dompter ce nouveau malheur un nouveau langage, ce livre

est le dernier. […] Depuis cinq ans j’écris des livres : […] je l’ai fait avec

plaisir mais j’ai fini. Par l’écriture j’ai obtenu ce que je cherchais. »

. b> Un milieu littéraire

— 1943. Rencontre de jnes intellectuels sur les quais, qui le présentent à Jean

Cocteau, lequel admire « Le condamné à mort », puis bientôt ND des

Fleurs > lui permet édition clandestine + fait rencontrer Jouhandeau.

— 1944 : rencontre JP. Sartre et Simone de Beauvoir au café Flore, à Ps ;

Roger Blin et Alberto Giacometti.

. c> Vers la grâce — présidentielle

— Nouveau larcin 1943 : arrêté place de l’Opéra < vol édition rare des Fêtes

galantes de Verlaine : passible de la « relégation perpétuelle » < « vols avec

récidive » ; intervention de Cocteau > peine commuée en 3 mois de prison

(au cours desquels rédige Miracle de la rose, à la Santé).

8

+ 2) Naissance d’un dramaturge

. a> Haute Surveillance (1947-1949 ; 1985)

— a1. Caractérisation

* Écrite avant les BN. (1947, et entreprise des années avant [Titres :

Préséances, Pour la Belle ]) ; 1ère œuvre théâtrale, proche encore de

l’univers des bagnards + contient ≠ éléments dramatiques annonçant

schémas et images des BN. :

* Situation : 3 prisonniers enfermés ds même cellule = Maurice et Lefranc

se disputent attention de Yeux-Verts, le condamné à mort, que sa

condamnation sacralise (aurait tué une fillette de 10 ans).

* Intrigue double : M houspille L en l’accusant d’être semblant d’h >

l’autre finit par se venger et tue M // L écrit lettres d’amour pour YV,

illettré ; version supprimée : YV va voir sa f., revient en annonçant qu’elle

l’a quitté (huis clos / couple ailleurs : BN) ; L rêve qu’il est galérien relégué

en Guyanne, montre marque des chaînes sur poignets et chevilles (cf.

rêverie de Cl-Mme 21).

* tension entre naturalisme et esthétisme : situation / langage, et

recommandation de mise en scène : évoluer « selon une géométrie prévue

par le metteur en scène » ; vieillissement soudain à la moitié de la pièce.

— a2. Réception

* 1949, th des Mathurins > critique virulente par Jean-Jacques Gautier, du

Figaro = « l’immondice à l’état pur » > défense par Fr. Mauriac : certe

« provocation, presque […] un attentat », ms G = « Poète de maison

centrale. Orphée de la pègre, c’est un onaniste inspirée […] »

. b> Les Bonnes (1947-1968)

— b1. Une genèse complexe et contestée

* Contexte historique : France de l’immédiate après-guerre = crise

politique et tensions sociales.

. force des parties de gauche et nott du PCF (< résistance ; ≠

compromission de la droite), émergence du gaullisme (MRP ; ms DG se

retire en 46).

9

. difficulté institutionnelle : instauration de la IVe République (1946-58)

àp. référendum de juillet 45 ; ms tombe ds aléa que la nvelle constitution

voulait éviter (< IIIe, depuis 1875) = instabilité des ministères (<

multipartisme + scrutin proportionnel ; minsitres communistes révoqués

mai 47 > pb. d’alliance et basculement au centre droit)

. Sortie de l’après-guerre : reconstruction et modernisation + prospérité

des Français assurée aux dépens de la fortune de l’État [db. des Trente

Glorieuses].

* Chanson de Cocteau, « Anna la bonne », chantée par Marianne Oswald

(enregistrement 1934 — cf. NB. III-IV)

* Crime des sœurs Papin : 1933 = Christine et Léa Papin, 28 et 21 ans ;

bonnes depuis des années ds maison bourgeoise du Mans ; panne

d’électricité un soir > réprimande mère et fille quand retour > rage des 2

bonnes = arrachent yeux puis tuent, mutilent, baignent ds sang > nettoient

tout et se couchent ds même lit : « En voilà du propre ! » > silence et

solidarité pendant procès ; Christine séparée de sa cadette tenta de

s’arracher les yx ; pose lubrique quand camisole ; tombe à genoux qd

condamnation à mort ; cas étudié par Lacan (1933 : « Motif du crime

paranoïaque : le crime des sœurs Papin »).

* Question max. = rôle de Louis Jouvet : Cocteau lui fait lire pièce 1946,

appuyé par son décorateur homosexuel Christian Bérard > récit de Jouvet

(cf. BN. VII) : JG lui apporte pièce en 4 actes > « Voilà un auteur

dramatique » (Courrier des spectacles, 1947) > en 48h, JG la reprend en un

acte (« Les Bonnes étaient informes quand je les ai données à Jouvet. Je les

ai reprises sur son conseil et c’est Cocteau qui a trouvé la chute », La

Bataille, 1949) > récit (affabulation) ≠ ≠ de JG. 1954 et 69 : pourquoi ?

— b2. L’évolution d’un texte et d’une construction

* existerait une version à 12 personnages, 1943 ; trace de la pièce ds

premier contrat de Genet, 1945.

* ms. 1946 (pas première version) : 6 personnage (Monsieur, Laitier,

Commissaire de police) = globalement plus linéaire et explicite ; lieux =

chambre de Mdme, des bonnes, cuisine (voire pallier) ; db. par cérémonie >

M. et Mme arrivent (amants) ; femme de M. averti, lettres ont disparu > M.

soupçonne bnes ; passage du laitier, par la fenêtre, qui séduit et se moque

10

des bnes ; décident de tuer Mme ; dernier acte = M. et Mme, Claire

étranglée par Solange, lettres souillées d’excrément ; tirade de Solange à

Madame, avant de repartir avec commissaire.

* tvl. max de Genet avec Jouvet et Cocteau = vers épure, condensation,

ellipse.

* Première version éditée (1947, L’Arbalète > 1954 : 2e ici) = même

longueur globale, mais bien plus didactique ; id. pour indication scénique et

jeu (cf. 105 S pousse C accroupie ds un coin ≠ lui court après ds la

chambre…) ; finale de Solange = apothéose de tous les domestiques ; C et

S pas si différenciées : réplique 54-55 « Le jeu est dangereux… « Par ta

maladresse, tout est perdu « = attribuée à C (135)

* > 1954 : publication aussi de la « version définitive » = texte de 1946,

élaboré au cours des répétitions > joué par Jouvet en 1947 ; y ajoute en

1963 « Comment jouer les bonnes ? »

* 1968 = JG. revoit la version définitive pour parution chez Gall. ds OC.

IV : précise indications scéniques pour le jeu (cf. surtt. deux notes pp. 35 et

65 = vers épure schématique) + tire langage des bnes vers le parlé.

— b3. Le changement d’un regard : mise en scène et jugements

* JG. ulcéré par mise en scène de Jouvet : en première partie de L’Apollon

de Bellac, pièce légère de Giraudoux = la monte comme « tragédie des

confidentes » ds chambre de Madame, Bérard en rajoute sur côté « un peu

cocotte » (BN 12) ; bnes jolies, brune / blonde, Mme habillée par Lanvin >

JG déteste « cette tentative pour faire de sa pièces un divertissement pour

riches » (White) > souffre des répétitions, disparaît ; quand voit l’ensemble,

quitte théâtre, décidé à ne plus jamais revoir Jouvet.

. Explique en partie publication en 47 de l’autre version (non castrée) +

commentaire ds Lettre à Pauvert in édition de 1954 (BN XIII) :

« Commandé par un acteur célèbre en son temps, ma pièce fut donc écrite

par vanité ms ds l’ennui. » et Triunfo 1969 (BN. XI-XII = commande par

Jvet d’une pièce à deux pers. ds « lieu conventionnel »).

. 54 comme 69, après succès et célébrité née aussi < livre de Sartre

1952, crise d’identité et rejette ce passé, comme parisianisme littéraire.

* Pièce galt considérée comme première manifestation du « nouveau

théâtre » [ de l’absurde] de l’après-guerre (avant succès de Ionesco 49 puis

11

Beckett 53) : or accueil discret et pour le moins réservé de cette première

représentation : « du Ruy Blas au graillon », « un affreux goulash au

vitriol », « Les Précieuses ridicules devenues folles ».

* Travail de mise en scène va globalement du réalisme à l’onirisme

expressionniste et symbolique (pièce revisitée àp. de l’œuvre ultérieure) :

. JG. apprécia particulièrement mise en scène par José Garcia en 1970 et

1971 : décor à murs noirs, fosse servant de couche et panneaux d’acier

évoquant portes de prison > cérémonie ; fait voir à JG. relation / Artd. :

« Le rapport en Artaud et moi s’est trouvé exprimé ds le travail de

V. Garcia. Je considère qu’il s’agit d’une version admirable qui rajeunit

mon texte et lui donne de nouvelles dimensions. »

. Après mise en scène expressionniste par Balachova 1954 > purgatoire

jusqu’en 1961 (Jean-Marie Serrault : actrices noires) > 1965 Living Theatre

(New-York ; Julian Beck et Judith Malina) avec « 3 hommes de modèle

courant » (≠ homo ; fréquent depuis) > 1998 Théâtre du Centaure : pers.

centaures (< identité pbmatique, métamorphose) ds salon Louis XV.

+ 3) Une crise charnière

. a> Une grâce mortelle ?

— JG. risque la relégation à la perpétuité < nvelle condamnation pour

ancienne peine non purgée (1939-40) [en fait non ; seult. si commet nveau

délit] > juillet 48 : lettre de Sartre et Cocteau (publiée ds Combat)

demandant sa grâce au pdt. Vincent Auriol > accordée en 1949.

* avant : pétition de 40 écrivains et hs politiques (Jouvet, Picasso,

Claudel…) ≠ Camus, Aragon, Eluard…

— > crise d’identité :

* considéré comme « un cave » par le Milieu < rangé ds bne soc.

parisienne : ≠ fléau ms mascotte…

* fin du cycle romanesque (poésie + argot, mythe et socio, montage) +

annonce en 1950 renoncer au théâtre : « C’était de la pure vanité, voir mes

pièces jouées sur scène. Écrire des pièces est une vaste plaisanterie. »

. b> Canonisation sartrienne ou enterrement de première classe ?

12

— Publication en 1952 de Saint Genet comédien et martyr (cf. pièce de

Rotrou : Le véritable Saint Genest, 1648 — comédien païen qui devient

chrétien en jouant le rôle d’un martyr pour divertir l’empereur Dioclétien)

— Difficulté créatrice depuis 1949, ms semble aggravé par publication d’un

livre dont projet l’a d’abord enchanté :

* légende = a jeté ms. au feu avant de le sauver et d’autoriser la

publication.

* à Cocteau : « Son livre sur moi est d’une grande intelligence, mais il ne

fait que répéter ce que je dis. Il ne m’apporte rien de neuf. »

* > « Toi et Sartre, vous m’avez statufié. Je suis un autre. Il faut que cet

autre trouve qqch à dire. » + « castration psychologique » + « Je suis

l’illustration d’une de ses théories de la liberté. » + « une espèce de dégoût

— parce que je me suis vu nu et dénudé par qqn d’autres que moi » (≠ lui

se dénude ms se travestit)

. c> Autres essais

— Tenté par le cinéma : réalise un film avec Cocteau (Un chant d’amour,

1950) + tourne court métrage ; tente scénario du Bagne (> pièce inachevée

1955) ; 1951 écrit scénario de Rêves interdits (> Mlle, tourné 1966 par

Tony Richardson, avec Jeanne Moreau).

* Intérêt pour travail visuel et plastique (> cf. / peinture)

— Vers 1953 = conçoit (pê encouragé par Sartre, qui le mentionne ds SG)

œuvre totale, synthèse des genres devant déboucher sur un poème : La

Mort > parutions de « Fragments » en 1954.

* Méditation sur l’homosexualité — choix de la solitude qui chasse du

langage commun > issu : vivre par procuration, à travers jne amant + à

travers œuvre d’art.

* Mépris de l’anecdote et culte de l’abstraction : cf. ss doute lecture de

Mallarmé (Igitur, Un Coup de dé — cf ; jeu / typogaphie) ; méditation / Nz.

et Hdger > méditation sur le signe, le rituel et la mort.

— 4. Le regain (1955-1967)

+ 1) Autour du Balcon

. a> La révélation : Rembrandt, Giacometti, et l’inconnu du Salon Saint-Rambert

13

— En amont d’un intense regain créateur (1955-57), ds période de crise

engendrée par sa mutation parisienne et l’essai de Sartre, exp. de révélation

ds compartiment de 3e classe entre Salon et Saint-Rambert-d’Albon.

* contemple quinquagénaire plutôt sordide, plutôt croise furtivement son

regard avant de l’examiner : « tout homme est tout homme et moi comme

un autre » ; « cet homme recelait puis me laissait déceler ce qui le faisait

identique à moi » ; « je connaissais que j’étais identique à cet homme ».

* = exp. vers 1953, mais écriture / Rembrandt, artiste de chair, in « Ce qui

est resté d’un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers et foutu au

chiottes » ( Tel Quel, 1967).

— Autre exp. radical pour la conversion ascétique de JG = fréquentation

d’Alberto Giacometti < a lu « Fragments » de 54 + ss doute présentation

par Sartre + crâne chauve de Genet (> pose pour lui) : ex. d’intégrité

artistique > pratique de la réécriture forcenée.

* > L’Atelier d’Alberto Giacometti, 1958 — raconte encore exp. de 1953 +

propos de Giac. : « Comme vous êtes beau. […] Comme tout le monde,

hein ? Ni plus, ni moins. »

. b> Le Balcon (1955-1968)

— b1. Inspiration

* Poétique de Mallarmé : tension du poème vers un idéal qu’il doit

suggérer, signifier, et qui se perçoit avant tout comme néant (mort).

* Contexte 1 = Espagne franquiste : cf. pays traversée par Genet en 1931,

1933 ;

. Espagne = état central en crise dp. db. du siècle (< opposition et

soulèvement Catalogne, possessions au Maroc) : dp. 1923, dictature

militaire (Gal Primo de Rivera) avec accord du roi.

. 1931 = candidats républicains l’emportent presque partt aux élections

> roi Alphonse XIII se retire = naissance de la République espagnole (>

constitution décentralisatrice + mesures anticléricales)

. 1936 = victoire d’un Front populaire aux élection > réaction de la dte

et en particulier de la Phalange (modèle mussolinien ; fils de Primo de

Rivera) = guerre civile entre dte nationaliste (Phalange + carliste +

militaires dirigé par Gal Franco, Caudillo = « chef »1937 ; soutenu par

Mussolini et Hitler) et républicains, très divisés (socialistes, communistes

14

staliniens / léninistes, anarchistes, autonomistes basques et catalans… —

soutenus par « brigades internationales » communistes + URSS)

. Victoire des franquistes en 1939 ; dictature militaire qui doit redevenir

une monarchie (ms division entre légitimistes et carlistes), et où église

retrouve une place prépondérante (Franco s’appuie sur Opus Dei — retrait

des traits fascisants) ; isolement international > 1953 (implantations de 3

bases américaines : rempart contre communisme), 1955 admission à

l’ONU ; quand entreprend pièce en 1955, chantier du monument colossal

que Franco destine à la mémoire des morts nationalistes de la guerre

d’Espagne, ds vallée de Los Caidos.

* Contexte 2 = France de la IVe à la Ve République :

. Décolonisation difficile : réforme de l’empire (dts nveaux <

conférence de Brazzaville, De Gaulle 1944) par création de l’Union

française (Constitution de 46) + statut d’état associé accordé à l’Indochine

et aux protectorat d’Afrique du Nord.

— échec en Indochine / soulèvement du Viet-minh communiste

> défaite de Diên Biên Phu > accords de Genève (1954)

— refus par souverains d’Afrique du Nord > indépendance

Tunisie et Maroc (1956)

. Soulèvement en Algérie àp de 1954 : situation complexe < présence

d’une forte minorité française ; durcissement politique fin 1956 et 1957 >

mai 1958 généraux pactisent avec partisans de l’Algérie française.

. Appel au Gal de Gaulle (mai) > référendum approuve nouvelle

constitution (accroît pouvoir de l’exécutif, et du pdt. en particulier) en sept.

> nvelle assemblée dominée par l’UNR gaulliste > élection (par la

chambre) De gaulle pdt. de la Rép. décembre.

— sept. 1959 = De Gaulle reconnaît droit à l’autodétermination

du pple algérien > accords d’Evian mars 1962.

— b2. Composition

* Écriture rapide en 1955 > 1ère version publiée 1956 = 15 tableaux et 2

actes.

— procède par redondance systématique des situations : cf. deux

tableaux (7 et 13 / échange de Chantal), 4 / Carmen convainc les Figures de

15

jouer jeu de la Restauration… — visée d’un statisme architectonique

(structure esthétique plus que dramatique ?)

— 5e tableau muet, supprimé : 3 pers. issus d’un rêve raconté par Irma

= 3 jnes gens très beaux, Sang, Sperme et Larmes > tirade ds 6e tableau (cf.

BC. 168 ; mots, fils des Dieux) ; cf. résurgence ds castration de Roger —

sous-bassement onirique de la fable (cf. « Qqn qui rêve » Envoyé 152 /

rafale mitraillette)

* Insatisfaction [pb. max. = tableau central des révolutionnaires] >

réécriture = 9 tableaux sans coupure d’acte, et changement de contenu (en

gros 2 versions, comme pour Bnes) = éditions de 1960 et 1962 (définitive >

qqs. changement pour OC. 1968).

— scène des révoltés = duo amoureux ds édition 56 et 68 (la nôtre) ; en

60 et 62, tente scène de commando réaliste (cf. BC. 170) qui ne le convainc

pas.

— « Comment jouer… » apparaît en 1962 ; apparition de notes

infrapaginales en 1968

* — Inflexions dramaturgiques : minoration de la révolte des Figures

(Évêque, Juge, Général), majoration pour le retour final et suicide de

Roger, rôle de l’envoyé (actant majeur) gagne en netteté (minore chef de la

police : « il n’est qu’une sorte d’Arthur supérieur », selon M. Corbin).

— b3. Critiques et représentations

* Première = scandale, 1957 : Peter Zadek (a déjà fait BN.), ds club privé,

ms doit quand même se soumettre à la censure du Lord Chamberlain (/

langage blasphématoire + scène de la castration) ; Genet interrompt

répétition > conférence de presse en France (BC. 181) :

. « Le véritable thème de la pièce, c’est l’illusion. Tout est faux […] Or,

au lieu d’ennoblir la pièce, on l’a vulgarisée. » > Zadek fait « de la basse

pornographie » ; « Là où je voyais une tragédie, il a mis des scènes dignes

des Folies-Bergères. […] Le réalisme est moins proche de la vérité que la

vérité des faux-semblants. »

* En France, annoncée en1958 au théâtre du Gymnase ; vedette = Marie

Bell, direction Peter Brook > police fait comprendre que ne laissera pas

jouer la pièce ; montée 1960 (après retour au pvr de De Gaulle, autorisation

de Malraux).

16

— JG. la critiqua sans la voir : < plateau tournant (≠ coulissant), Bell

fait d’Irma une grande dame (refuse mots grossiers) : « une représentation

assez guindée, assez banale, assenée comme une leçon. Or, avant tout, ça

devait être une histoire racontée comme vraie dans un bordel. »

* Accueil triomphal aux EU : mise en scène par José Quitero, Off-

Broadway Circle in the Square ; texte raccourci = 672 représentations > db.

1962.

* JG. n’en dit rien ms va voir mise en scène par Victor Garcia, Sao Paolo,

1970 : pièce jouée ds tunnel d’acier autour duquel public placé sur

balcons ; figurants quasi nus grouillent et se piétinent au fond.

* Globalement tension entre Histoire et esthétique : cf. Giorgio Strehler

1976 (« grande allégorie de l’Histoire entre les deux guerres »), Georges

Lavaudant, 1985 (« la Reine d’un jour, c’est la langue »), Lluis Basqual

1991 = inverse scène et salle (> loge de face du premier balcon devient

balcon où Irma reine apparaît) ; Moriaki Watanabe 2001 rapproche du

théâtre traditionnel japonais (cf. Artaud > seules Carmen et Chantal

interprétées par des actrices).

* Genet lui-même s’éloigne assez vite de sa pièce :

— 1957, défend la pièce contre Sartre, critique < montre « la ronde

épuisante des reflets et non les circonstances, assez vagues, d’une

insurrection d’ailleurs bien rassurante puisqu’elle échoue. » > JG. : « Le

vrai théâtre est un théâtre de solutions, non de conflits. Conflits, ça veut

dire cabotinage. Truquage. Théâtralité. »

— Mais vers même époque écrit ds corresp. : « Moi, j’avais déjà oublié

Le Balcon — que je n’aime guère et qui m’aura servi à faire un bond pour

réaliser des pièces plus belles. […] Ce qui est important, pour moi, c’est de

savoir ce que je peux écrire, non ce que je réussirai à faire jouer. »

— 1959 : œuvre « idiote […] Pièce lourde et sans prolongements. Pièce

épaisse. »

. c> Les Nègres (1958) [1959]

— Contexte : décolonisation (cf. 1954 : accords de Genève / Indochine + db.

soulèvement Algérie).

— écrit àp. de 1955 : noirs jouent le rôle de blancs (masques) = cour, sur

galerie surélevée du tribunal : descendent juger noirs qui ont tué une femme

17

blanche au cour d’un rituel d’exorcisme > seront massacrés par les noirs ;

en fait = jeu ; catafalque vide ; vrai procès = ds les coulisses, d’un noir qui

a trahi les siens (> tué).

— Pièce commandé par metteur en scène à qui acteur noir avait demandé

pièce à jouer par troupe noire > finalement G. Blin, 1959 [< metteur en

scène de Beckett in Godot 1953 : évt. max.], avec troupe des « Griots » ;

texte retravaillé avec Blin ; grand succès et gde satisfaction de Genet ;

public notamment frappé par précision et préciosité du lge des noirs.

— Distance rapide de JG, tendu vers œuvre suivante : « Je ne veux plus faire

de ces pièces épaisses. Non, c’est fini. Il faut que l’action soit assez évasive

— mais pas floue ! — pour laisser le spectateur face à lui seul. »

* Épuration du drame (/ conventions dramatiques) > seult jeu des signes /

réflexion du spect..

+ 2) Les Paravents (1961) [1966]

. a> L’œuvre

— Écrite par JG. entre 1956 et 1961.

— Centrée autour d’une anecdote : maçon algérien s’étant fait voler ses

économies (Saïd) ne peut plus prétendre épouser qu’une fille si laide

(Leyla) que son mari l’oblige à se voiler.

* Vivent avec mère de Saïd (la mère) [titre premier de la pièce ; nvelles

recherches de JG / ses origines : ss succès, sinon que sa mère morte] ; =

famille des « Orties ».

* Saïd en prison < a volé veste de travail d’un camarade ; Leyla vole pour

l’y rejoindre.

*Tableaux / village, bordel, colons ridicules (un lieutenant fr. meurt > ses

hommes le saluent d’une salve de pets ; indépendantistes = tuent une

première communiante) : « entropie morale » (White).

* De plus en plus de pers. meurent > passent un paravent : « Et on en fait

tant d’histoire ! » > rire collectif.

* Saïd jugé (scène de procès) < a livré insurgés à l’ennemi colonisateur :

duplication de la culture coloniale ; > « rien ne doit jamais être protégé

comme un petit tas d’ordure » = pers. de Saïd, qui abattu ds sa fuite refuse

de se joindre à la grande fête des morts.

18

— White : pièce shakespearienne ≠ NB racinienne (Malgorne : « l’anti Soulier

de satin » < pers. de l’échec mais couple s’aime) ; monstre théâtral (96

pers. + figurants…).

. b> Le scandale

— Publication 1961 : difficile de la monter (en partie en Allemagne) < trop

liée à G. d’Algérie, seult. finie 1962 ;

— Représentation autorisée par Malraux 1966 : mise en scène de Blin [>

attente : interdit de scène < prise de position / Algérie, Manifeste des 121,

1960], à l’Odéon dirigé par JL. Barrault.

— > manifestation quotidienne de nostalgiques de l’Algérie française

(emmené nott. par Jean-Marie Le Pen et Alain Madelin : « Genet au

poteau ! Genet pédé ! ») devant le théâtre, et même interruption de la pièce

(commando d’élèves officiers agresse acteurs pendant scène des vents) ;

interpellation de Malraux par des députés / théâtre subventionné : « une

certaine idée de la France » ?

+ 3) Crise et critique

. a> Crise personnelle

— Mort d’Abdallah, amant le plus important pour lui depuis Jean Decarnin

* Ce dernier : jne militant trotskiste rencontré par Genet 1940 ; l’a sans

doute converti à la gauche ; pê pas amant ; tué par milicien 1944 > Pompes

funèbres 1948 (JG rêve qu’il épouse milicien meurtrier de JD.

* Mort d’Abdallah 1964, qui se suicide après deux chutes lui interdisant

son art > dégoût de JG, qui dit renoncer à écrire et déchire partie de ses ms..

. b> Crise existentielle et littéraire

— Congé progressif à l’écriture théâtrale, ds série de textes même qui en

radicalisent la théorie :

* Le Funambule, 1958 pour Abdallah = théorise apparition poétique et

théâtrale ; assomption en image fait de l’artiste un mort : « Que sa personne

se réduise de plus en plus pour laisser scintiller, toujours plus éclatante,

cette image dont je parle, qu’un mort habite. Qu’il n’existe enfin que ds son

apparition. » [très mallarméen] « bloc d’absence » vient remplacer au cœur

de l’être « blessure secrète » propre à chacun.

* Long travail avec Blin (et Maria Casarès) > notes réunies in Lettres à

Roger Blin, 1966.

19

* Même temps : « L’étrange mot d’ » (urbanisme) in Tel Quel, 1967 :

urbanisme contemporain escamote la mort > plutôt construire théâtre ds

cimetière : à part répétitions, représentation unique et splendide.

. « Il est possible que l’art théâtral disparaisse un jour. Il faut en

accepter l’idée. Si un jour, l’activité des hommes était jour après jour

révolutionnaire, le théâtre n’aurait plus sa place ds la vie. »

* Publie texte sur Rembrandt.

— 5. L’activisme politique (1968-1986)

+ 1) Un tournant

. a> De mai 1968 à l’étranger

— Enthousiasme / évts de mai (> article en hommage à Cohn-Bendit), ms vite

déçu par « enfants libérés mais pleins d’idées reçues ».

— > part à l’étranger défendre de vraies causes :

* 1968 > aux EU = manifester contre guerre du Viet-Nam ; 1970 = pénètre

clandestinement aux EU (visa refusé) pour soutenir Black Panthers = gpe

proche du PC et luttant pour instauration d’un pouvoir noir.

* 1970 : se rend au Moyen-Orient, visite camps palestiniens + rencontre

Yasser Arafat, à qui promet témoignage.

* 1978 : publie ds Monde « Violence et brutalité » = éloge de la Fraction

armée rouge ; qqs. jours après, pdt. du patronat alld. enlevé et assassiné >

polémique.

. b> France et distance

— D’abord réticent à s’engager en France < pas apparaître comme un

« intellectuel » : veut rester poète, même politiquement.

— Ms. : sensible à la condition des travailleurs immigrés en France > àp.

1971, manifeste ds Quartier de la Goutte-d’Or ; signe avec Deleuze

« Appel aux travailleurs arabes » + se rapproche du Groupe d’Info sur les

Prisons, animés par M. Foucault.

— Àp. de 1974, soutient candidat de gauche aux élections pdtlle, Fr. Mitterand

= contre Giscard ; se détache de lui àp. de son élection en 1981 (id. /

Panthers).

+ 2) Témoin mort ressuscité

. a> « Quatre heures à Chatila » (1982)

20

— Sait depuis 1979 qu’atteint d’un cancer de la gorge ; s’installe de plus en

plus au Maroc (dernier compagnon Mohamed El-Katrani > l’encourage à

avoir f et enfant ; relation forte / son fils).

— 1982 : un des premiers occidentaux à rentrer, avec Layla Chahid, ds camps

palestiniens de Sabra et Chatila au Liban après massacre par armée

israélienne (Sharon / miliciens chrétiens).

. b> Un captif amoureux (1986)

— 1983 : reprend texte qu’il essaye d’écrire depuis 1972 au moins en

hommage / palestiniens et noirs américains (sociétés viriles idéalisées, sur

modèle de sa jeunesse).

* Livre d’un genre indécidable (récit, mémoire, méditation érotique,

philosophique, politique) ; — non linéaire : mêle vertigineusement

époques, lieux, références.

* Intérêt nouveau pour femmes : figures maternelles (cf. mère d’un guerrier

palestinien le nourrit > promesse de renaissance) — motif du vieillard à la

recherche d’une terre et qui n’en veut aucune.

— Meurt 1986 de son cancer, en corrigeant les épreuves du texte.

21

INTRODUCTION

Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Vie et légende de Jean Genet

— I. L’orphelin (1910-1925) + 1) L’enfant trouvé . « Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n’être pas le roi — peut-être la fée de ces fleurs. […] Elles savent que je suis leur représentant vivant, mobile, agile, vainqueur du vent. Elles sont mon emblème naturel, mais j’ai des racines, par elles, dans ce col de France nourri des os en poudre des enfants, des adolescents enfilés, massacrés, brûlés par Gilles de Rais. » « Le vêtement des forçat est rayé rose et blanc. […] il existe donc un étroit rapport entre les fleurs et les bagnards. » (Journal du voleur) + 2) Alligny + 3) Le compositeur aveugle (René de Buxeuil) — II. Le délinquant, le prisonnier, le déserteur (1925-1941) + 1) L’enfermement . a> Sainte-Anne . b> La Petite Roquette . c> Mettray (1926-1929)

— c1. L’univers carcéral — c2. Critiques et fantasmes de Genet

* « Quant à moi, j’ai choisi : je serai du côté du crime. Et j’aiderai les enfants non à regagner vos maisons, vos usines, vos écoles, vos lois et vos sacrements, mais à les violer. » « nous acceptions très volontiers cette morale médiévale qui fait que le vassal obéit au suzerain, donc une hiérarchie très nette, basée sur la force, sur l’honneur […] et sur la parole donnée […] » « Paradoxalement, dans l’enfer […] j’ai été heureux. » (« L’enfant criminel » 1949) « Afin de survivre à ma désolation, […] j’élaborai une rigoureuse discipline […] : à chaque accusation portée contre moi, fût-elle injuste, du fond du cœur je répondrai oui. […] en moi-même je sentais le besoin de devenir ce qu’on m’avait accusé d’être. […] Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi. […] Le mépris qu’on me portait se changea en haine : j’avais réussi. […] Deux ans plus tard, j’étais plus fort […] » (Journal du voleur)

— c3. La révélation de la littérature * « Il fallait que je m’adresse, dans sa langue justement, au tortionnaire. […] Il fallait êtr entendu de Ronsard. Ronsard n’aurait pas supporté l’argot… » (L’ennemi déclaré, textes et entretiens, 1991) ; Paul Féval (Le Bossu, 1858), Ponson du Terrail (Les exploits de Rocambole, 1859), Michel Zevaco (Pardaillan, 1902-1904) * « Le vrai à Dieu, le faux à l’homme » ; « les mots écrits » = « la matière de ces faux-semblants » : « Les magnifications […] lui donnent l’impression d’alléger le monde de sa matière comme un pickpocket allège sa victime de son porte-monnaie. » (Sartre, Saint Genest…, 1952)

+ 2) L’errance . a> L’armée, de Damas à Belgrade, en passant par Barcelone (1930-1936)

— a1. Découverte du monde arabe — a2. Bouges d’Espagne ; Barrio chino, à Barcelone — a3. L’Europe orientale

. b> Le voleur de Notre-Dame (1937-1943) — b1. Retour aux origines — b2. Les livres et la scène du voleur

— III. Naissance et crise d’un écrivain (1942-1954) + 1) Romans et mondanités . a> De la poésie aux romans

— Marie-Claude Hubert : « se dire pour approcher l’image qui se dérobe, tout en se dissimulant constamment derrière la fiction »

— « À moins que ne survienne, d’une telle gravité, un événement, […] qu’il me faille pour dompter ce nouveau malheur un nouveau langage, ce livre est le dernier. […] Depuis cinq ans j’écris des livres : […] je l’ai fait avec plaisir mais j’ai fini. Par l’écriture j’ai obtenu ce que je cherchais. » (Journal du voleur, 1949)

. b> Un milieu littéraire . c> Vers la grâce — présidentielle + 2) Naissance d’un dramaturge . a> Haute Surveillance (1947-1949 ; 1985)

— a1. Caractérisation — a2. Réception ; 1949, Mathurins > Jean-Jacques Gautier, Figaro = « l’immondice à l’état pur » > Fr.

Mauriac : certes « provocation, presque […] un attentat », ms G = « Poète de maison centrale. Orphée de la pègre, c’est un onaniste inspirée […] »

. b> Les Bonnes (1947-1968) — b1. Une genèse complexe et contestée

22

* Cocteau + Christian Bérard > Louis Jouvet : « Voilà un auteur dramatique » (Courrier des spectacles, 1947) > JG : « Les Bonnes étaient informes quand je les ai données à Jouvet. Je les ai reprises sur son conseil et c’est Cocteau qui a trouvé la chute » (La Bataille, 1949)

— b2. L’évolution d’un texte et d’une construction — b3. Le changement d’un regard : mise en scène et jugements

* L’Apollon de Bellac, Giraudoux = « tragédie des confidentes » (Jouvet) > JG : « cette tentative pour faire de sa pièces un divertissement pour riches » (White) ; « Commandé par un acteur célèbre en son temps, ma pièce fut donc écrite par vanité ms ds l’ennui. » (« Lettre à Pauvert », 1954), Triunfo 1969 (BN. XI-XII = « lieu conventionnel ») * Réception : « du Ruy Blas au graillon », « un affreux goulash au vitriol », « Les Précieuses ridicules devenues folles ». * Victor Garcia en 1970 et 1971 : « Le rapport en Artaud et moi s’est trouvé exprimé ds le travail de V. Garcia. Je considère qu’il s’agit d’une version admirable qui rajeunit mon texte et lui donne de nouvelles dimensions. » ; Balachova 1954 > 1961 (Jean-Marie Serrault : actrices noires) > 1965 Living Theatre (New-York ; Julian Beck et Judith Malina) avec « 3 hommes de modèle courant » > 1998 Théâtre du Centaure.

+ 3) Une crise charnière . a> Une grâce mortelle ?

— 1950 : « C’était de la pure vanité, voir mes pièces jouées sur scène. Écrire des pièces est une vaste plaisanterie. »

. b> Canonisation sartrienne ou enterrement de première classe ? — 1952 : Saint Genet comédien et martyr, cf. Rotrou : Le véritable Saint Genest, 1648. * à Cocteau : « Son livre sur moi est d’une grande intelligence, mais il ne fait que répéter ce que je dis. Il ne

m’apporte rien de neuf. » « Toi et Sartre, vous m’avez statufié. Je suis un autre. Il faut que cet autre trouve qqch à dire. » + « castration psychologique » + « Je suis l’illustration d’une de ses théories de la liberté. » + « une espèce de dégoût — parce que je me suis vu nu et dénudé par qqn d’autres que moi »

. c> Autres essais — Vers 1953 : La Mort > « Fragments » 1954 ; Mallarmé (Igitur, Coup de dé) ; Nietzche, Heidegger.

— IV. Le regain (1955-1967) + 1) Autour du Balcon . a> La révélation : Rembrandt, Giacometti, et l’inconnu du Salon Saint-Rambert

— « tout homme est tout homme et moi comme un autre » ; « cet homme recelait puis me laissait déceler ce qui le faisait identique à moi » ; « je connaissais que j’étais identique à cet homme. » — « Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers et foutu au chiottes » ( Tel Quel, 1967)

— « Comme vous êtes beau. […] Comme tout le monde, hein ? Ni plus, ni moins. » (L’Atelier d’Alberto Giacometti, 1958)

. b> Le Balcon (1955-1968) — b1. Inspiration : Espagne franquiste : Primo de Rivera ; Alphonse XIII ; Phalange ; Franco, Caudillo ; Los Caidos / France de la IVe à la Ve République : Indochine : Viet-minh communiste (1951) > défaite de Diên Biên Phu + accords de Genève (1954) ; indépendance Tunisie et Maroc (1956). Soulèvement Algérie àp 1954 : durcissement politique fin 1956 et 1957 > De Gaulle 1958 : droit à l’autodétermination du pple algérien 59 > accords d’Evian 62 — b2. Composition — b3. Critiques et représentations

* 1957 : Peter Zadek > « Le véritable thème de la pièce, c’est l’illusion. Tout est faux […] Or, au lieu d’ennoblir la pièce, on l’a vulgarisée. » > Zadek fait « de la basse pornographie » ; « Là où je voyais une tragédie, il a mis des scènes dignes des Folies-Bergères. […] Le réalisme est moins proche de la vérité que la vérité des faux-semblants. » * 1958 Gymnase > 1960 : Marie Bell, Peter Brook : « une représentation assez guindée, assez banale, assenée comme une leçon. Or, avant tout, ça devait être une histoire racontée comme vraie dans un bordel. » * EU : José Quitero, Off-Broadway Circle in the Square ; texte raccourci = 672 représentations > db. 1962 ; Victor Garcia, Sao Paolo, 1970 ; Giorgio Strehler 1976 (« grande allégorie de l’Histoire entre les deux guerres »), Georges Lavaudant, 1985 (« la Reine d’un jour, c’est la langue »), Lluis Basqual 1991 (inverse scène et salle) ; Moriaki Watanabe 2001. * 1957, Sartre : « la ronde épuisante des reflets et non les circonstances, assez vagues, d’une insurrection d’ailleurs bien rassurante puisqu’elle échoue. » > JG. : « Le vrai théâtre est un théâtre de solutions, non de conflits. Conflits, ça veut dire cabotinage. Truquage. Théâtralité. » « Moi, j’avais déjà oublié Le Balcon — que je n’aime guère et qui m’aura servi à faire un bond pour réaliser des pièces plus belles. […] Ce qui est important, pour moi, c’est de savoir ce que je peux écrire, non ce que je réussirai à faire jouer. » 1959 : œuvre « idiote […] Pièce lourde et sans prolongements. Pièce épaisse. »

. c> Les Nègres + 2) Les Paravents . a> L’œuvre . b> Le scandale + 3) Crise et critique

— V. L’activisme politique (1968-1986)

23

+ 3) Crise et critique . a> Crise personnelle

— Abdallah 1964 ; Jean Decarnin 1940 > 1944 . b> Crise existentielle et littéraire

— Le Funambule, 1958 : « Que sa personne se réduise de plus en plus pour laisser scintiller, toujours plus éclatante, cette image dont je parle, qu’un mort habite. Qu’il n’existe enfin que ds son apparition. » « bloc d’absence » / « blessure secrète ».

— Lettres à Roger Blin, 1966. — « L’étrange mot d’ » (urbanisme) in Tel Quel, 1967 : « Il est possible que l’art théâtral disparaisse un

jour. Il faut en accepter l’idée. Si un jour, l’activité des hommes était jour après jour révolutionnaire, le théâtre n’aurait plus sa place ds la vie. »

— V. L’activisme politique (1968-1986) + 1) Un tournant . a> De mai 1968 à l’étranger

— Cohn-Bendit > « enfants libérés mais pleins d’idées reçues » ; Black Panthers ; Yasser Arafat . b> France et distance

— G. Deleuze ; M. Foucault. + 2) Témoin mort ressuscité . a> « Quatre heures à Chatila » (1982)

— Layla Chahid, Sabra et Chatila. . b> Un captif amoureux (1986)

24

LE THÉÂTRE EN FRANCE AU VINGTIÈME SIÈCLE :

HISTOIRE ET PROBLÉMATIQUES Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

I. Naturalisme et symbolisme : 1887-1924

— 1> Le naturalisme + a) Les théories dramaturgiques de Zola + b) André Antoine et l’invention de la mise en scène — 2> Le symbolisme + a) Lugné-Poe et la suggestion de l’indicible. + b) Alfred Jarry et Ubu-Roi (1896) + c) Jacques Copeau et le Vieux-Colombier (1913-1924)

II. Cartel et surréalisme : 1924-1940 — 1> Le Cartel des Quatre : l’héritage au service des textes. + a) Organisation et volonté + b) Réalisations — 2> Le théâtre d’avant-garde : fantaisie et cruauté + a) Des scènes confidentielles + b) Antonin Artaud et le « théâtre de la cruauté » — 3> Théâtre et politique + a) Théâtre populaire et révolutionnaire + b) Bertold Brecht : didactisme et distanciation

III. La guerre et le théâtre engagé — 1> Difficultés et ambiguïtés du théâtre sous l’occupation + a> Contraintes et réactions + b> Les œuvres : modalités de la contestation — 2> L’après-guerre et l’engagement + a> Réorganisation de la vie théâtrale + b> Les œuvres : tradition et réflexion

IV. Vers le théâtre de l’absurde — 1> Prédominance du politique + a) Présence du marxisme. + b) L’actualité immédiate — 2> Le théâtre de l’absurde + a) Se méfier du mot + b) Une éclosion multiple et différée + c) Développement et différences des œuvres

25

UNE DRAMATURGIE DE L’APPARENCE ?

Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— Introduction : + Attaque :

. Ds nouveau théâtre qui s’affirme en France ds les années 50, JG. s’affirme par son

goût du décorum : cf. Cantatrice 59 = « Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils

anglais. Soirée anglaise. » > Godot 63 = « Route, avec arbre. »

— Genet ds déséquilibre tirant vers extravagance : cf. « Comment » 63, 12-13

= « simplement la chambre à coucher d’une dame un peu cocotte et un peu

bourgeoise » / « Les robes, pourtant, seront extravagantes » (cf. première

didasc. 15 : geste et ton « d’un tragique exaspéré »)

+ Analyse :

. Dramaturgie < drame < drama = « action » : cf. théâtre (« représentation » : mimèsis)

envisagé par Arist = représentation d’actions, et non de caractères > réflexion occidentale sur

le théâtre centrée d’abord sur la « fable » (muthos = « histoire ») envisagée comme « système

des faits » :

— réflexion classique sur la cohérence et la vraisemblance < organisation de

l’action pour la scène (espace et temps) : > 3 unités (action, temps et lieu) /

intrigue, et sa division en temps logique > autant de séquences scéniques :

actes / chants du chœur

* > 3 temps (/ tragédie) : protase (exposition), épitase (action),

catastrophe (dénouement)

* > 5 actes selon Orace > chez les classiques, peu à peu : exposition (I),

nœud (II), crise (III), péripétie (IV), dénouement (V).

— Distinction possible (et discutable) entre « intrigue » (cf. intrication / fils de

l’action : structure de surface) et action à proprement parler (évolution des

relations entre personnages : circulation ds schéma actanciel < Propp,

Greimas, Übersfeld) [cf. différence selon Corvin, BL. 174-175 : rôle

dramaturgique / pouvoir actanciel de l’Envoyé, du Chef de la Police].

26

. Dramaturgie : évolution du sens < de l’écriture, de la pratique et des conceptions

théâtrales depuis le romantisme [> naturalisme, symbolisme et au-delà] (affirmation de la

valeur de la mise en scène / Arist., considérant tout l’aspect matériel de la représentation

comme extérieur à l’art poétique).

— sens trad. (mot apparaît, avec ses dérivés, vers 1775) = « art de la

composition des pièces de théâtre » : struct. plutôt que style (muthos /

lexis), ms en reste au niveau du texte théâtral : règle > système explicite ou

non.

— > de plus en plus, concerne passage du texte à la scène (18e > 19e,

affirmation de la mise en scène) : mise en relation de la fable et de la

représentation > cf. Brecht résumé par B. Dort = moyens de dégager la

fable du texte et de la figurer scéniquement.

. Apparence :

— Philosophiquement = s’oppose à l’essence (phénomène / noumènes, choses

en soi / telles qu’elles nous apparaissent) > opposition pbmatisée ds pensée

moderne et contemporaine < l’être des choses ne se donnent que ds leur

apparaître (phlogie, existentialisme, ontologie heideggerienne — voire

déconstruction derridienne).

* > désigne part sensible de notre expérience, en présupposant que celle-ci

recouvre d’autres dimensions (intellectuelles, affectives, métaphysique…),

ou remettant en cause tout autre dimension.

* cf. existe une métaphysique (énergétique, pulsionnelle) chez Artaud ;

intensité sensible à la mesure de ce qu’elle révèle, « cruauté » des forces

qui nous contraignent (« Tout ce qui agit est une cruauté. ») > « créer une

métaphysique de la parole, du geste, de l’expression » > « le vrai théâtre

[doit] nous donner le sens d’une création dont nous ne possédons qu’une

face, mais dont l’achèvement est sur d’autres plans. / Et il nous importe peu

que ces autres plans soient réellement conquis par l’esprit […] » (TC. 141-

141 ; 1932)

— Théâtralement = dit une possible essence du théâtre, apparence de qqch qui

n’existe pas (pensée baroque) / classicisme = pas d’apparaître sans être >

toute apparence montre (à travers effort de vraisemblance — ou la révélant

à travers/malgré des déformations) une part de vérité (réalité).

27

* > théâtre représente (schématise) notre expérience du monde : élaboration

du sens àp du sensible.

* théâtre peut cherche à dire se propre vérité en se montrant comme théâtre

> cf. théâtre ds théâtre, jeu des masques et des déguisements montrés

comme tels : ontologie baroque (montre être fuyant du monde) / lucidité

critique (cf. distanciation brechtienne).

+ Pbmatique :

Dans quel mesure le sens des pièces passe-t-il davantage par leur théâtralité

concrète que par la construction de leur intrigue ?

— I. Une apparence de dramaturgie ?

+ 1) Tableaux tragiques

. a> Scènes contre fables

. b> Destins irrépressibles

+ 2) Actes et mensonges

. a> Péripéties mensongères

. b> Drame et réalité (résistance du réel à la marge)

28

— II. Une esthétique théâtrale

+ 1) Dramaturgie des phénomènes

. a> Splendeur

. b> Formalisme (cérémonie)

+ 2) La théâtralité comme stylisation

. a> Gestuelle de l’excès

. b> Langage fleuri

— III. Un théâtre des signes ?

+ 1) Emboîtements théâtraux

. a> Espace d’espaces

. b> Rôles de personne

. c> Actes et jeu

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+ 2) Mort et signification

. a> Assomptions et anéantissements

. b> Comédies radicales (sacrifices à vide)

30

UNE DRAMATURGIE DE L’APPARENCE ? Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— I. Une apparence de dramaturgie ?

+ 1) Tableaux tragiques

. a> Scènes contre fables

. b> Destins irrépressibles

+ 2) Actes et jeux

. a> Apparences et péripéties

. b> Drame et réalité

— II. Une esthétique théâtrale + 1) Dramaturgie des phénomènes

. a> Splendeur

. b> Formalisme

+ 2) La théâtralité comme stylisation

. a> Gestuelle de l’excès

. b> Langage fleuri

— III. Un théâtre des signes ? + 1) Emboîtements théâtraux

. a> Espace d’espaces

. b> Rôles de personne

+ 2) Mort et signification

. a> Assomptions et anéantissements

. b> Genres de l’abstraction radicale

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UN THÉÂTRE AMOUREUX

Jean Genet (1910-1986), Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— Introduction :

+ Attaque :

. Dernier livre de Gn = Un captif amoureux (1986)

— Premier ouvrage pour partie fictionnel depuis Paravents (1961), après

période d’engagement politique et d’écriture d’articles.

— Retour à la litt. doit traverser réalité > pour la formuler sur mode amoureux

= subjectivisation de l’expérience, y compris politique (G = captif de son

amour) : par représentation idéalisée de révoltés marginaux.

— > amour = non seulement sujet, mais moteur de la création littéraire chez

Genet.

+ Analyse :

. Théâtre :

— fiction alliant support sensible et textuel > jeu du faux (simulacre), par

travail matériel et linguistique.

* > question du rapport au réel : foi (théâtre religieux et rites),

vraisemblance (théâtre réaliste, psychologique et social) [degré

d’acceptation de la convention]

* se noue (en occident ≠ théâtre javanais : marionnettes + récitant

montreur) dans corps (chair et voix) et personne de l’acteur

* < nott. force d’entraînement (par affection de la sensibilité) et distance

critique (par évidence de la facticité, séparation de l’espace scénique) :

irrationalité / rationalité

* question du rapport au spectateur : theatron = lieu où l’on regarde (cf.

theoria = action d’observer, de contempler > méditation, spéculation) >

distance et sensibilité + position particulière / société, nature et

transcendance (espace à part, et lié à ce qui le dépasse : suspens et prise /

soc., séparation et inclusion / nature, séparation et relation / sacralité [cf.

enjeux de la tragédie]).

32

. Amoureux :

— Triple valeur possible de l’amour (hyperonyme / hyponymes) : eros (désir),

philia (tendre respect), agape (charité) > question thématique :

représentation sexualité, amitié, sentiments filiaux et parentaux, amour

désintéressé du prochain.

* Adj. « amoureux » = fait signe vers sens premier, et notamment « état

amoureux », d’exaltation passionné ds découverte de l’autre, passant

notamment par idéalisation de celui-ci > pbmatique :

. caractère éphémère de l’idéalisation (cf. « cristallisation »

stendhalienne), si amour orienté vers satisfaction sexuelle / dose de

pulsions « inhibées quant au but » (Fd., « Psychologie des foules et analyse

du moi », 1921).

. son explication : cf. Fd = libido narcissique déborde sur O > O sert à

remplacer idéal du moi non atteint (« l’objet s’est mis à la place de l’idéal

du moi ») [= idéalisation de soi + identification aux parents ; Genet : père

surpuissant et cruel / mère soumise et abandonnée ?] = éclaire état

amoureux, hypnose et sujétion au chef.

— soit : par métonymie, « théâtre » désigne personnages et dramaturges

* > Q porte sur représentation de divers types d’amour à travers les

personnages (cf. idéalisation de Mme par les bnes, du Chef de la Police par

lui-même d’abord) : types et combinaisons diverses.

— soit : allégorisation (personnification) du théâtre lui-même, à penser comme

sujet > le sujet est un théâtre.

* cf. conception analytique de la subjectivité comme espace scénique

(première topique : cs/prcs/ics et censure [antichambre, frontière]) et

situation dramtique (seconde topique : ça [pulsionnel]/moi[intérêt pers.

totale]/surmoi[juge et critique]).

* théâtre comme spatialisation et dramatisation de la subj. = fréquent chez

dramaturge des années 50 (suite surR) : cf. Gn / Bnes = p. 12 > comme

représentation de soi.

+ Pbmatique = Ds quelle mesure le théâtre de Gn est-il une représentation de l’amour ?

(gén. subj. et obj.)

33

— I. Un théâtre érotique ?

+ 1) Un désir organisé

. a> Apparats

. b> Scenarii

. c> Petites manies

+ 2) Le visible et l’invisible

. a> Montées

. b> Absences

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UN THÉÂTRE AMOUREUX Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— II. L’amour du hautain Représentations fantasmatiques : pas seult. celles d’une satisfaction sexuelle. Visée amoureuse fait aborder domaine de l’irreprésentable, pousse le théâtre aux confins de lui-même. Mise à l’épreuve de toute possibilité de drame à travers problématisation de toute relation singulière à autrui. + 1) Les problèmes du couple . a> Proximités invivables

— Autre comme image insupportable de soi, cf. amour-haine entre les deux sœurs in BN. + Tendresse 34, 60 (« mon petit », « mon ange ») > haine 42, meurtre fantasmé 107 > réel 111-113 ; insupportable < autre = image dégradante de soi 57-58.

— Couple d’amants qui tiennent lieu de jeunes premier = impossible in BL ; + l’acteur et l’icône de la révolution échouent ; parcours en miroir : elle meurt après être

devenue image de la révolution, il échoue puis se soumet à l’image de la restauration, et meurt ; discours en miroir 97 > leurre ? 99 ; le couple héroïque montrée et nié.

. b> Séparations conjugales — Couples institutionnels pas davantage possible que le couple amoureux.

+ Satire du mariage : BL 60 client marié, 70 mariage = déguisement. + Couples actants majeurs séparés par dramaturgie de Genet ; M. et Mme in BN. ; Irma et Georges in BL : ne pas « nous blottir seulement l’un ds l’autre » 88

. c> L’homme et son image — Projection idéalisée de soi-même s’accomplit ds des images plus qu’en l’autre ;

personnages = amoureux captifs de leur image. + Emprisonnement de M. et prétexte pour que Mme se figure en martyre (BN. 68 : « joie » / « croix ») ; assomption de Solange quand elle devient « La Lemercier » 109. + Carmen regrette jeu des figures (56 « ce que cela laisse ds l’âme ») ; évêque scrute son miroir 26 ; Juge / Bourreau : « Miroir qui me glorifie ! » 37, « Mon être de juge est une émanation de ton être de voleuse » 38

+ 2) Les forces de l’ordre — Ds la relation à autrui, à l’intimité se substitue relations de forces calquée sur ce qu’impose la

société. . a> Poignez vilain

— Représentation peu charitable des classes dominées, qui peuvent structurellement apparaître comme les sujets des pièces (objets du désir = les maîtres) ; sont méprisés les perdants respectueux de l’ordre. + BL. tableau 6 (T6) des révolutionnaires = centre de la pièce ds la mesure où entame changement ds la succession des décors (cf. 99 glissement vers la gauche et non plus vers la droite ; pas de glissements ensuite. > ils sont sujets. Or :

. révoltés = ouvriers sans imagination 69 ; image de Chantal s’oppose au prosaïsme, à la force brute des « cent terrassières » contre lesquelles elle est échangée 96 ; mises en scène sado-masochistes passent par abaissement social (clochard 52, mendiant 114 > esclave rampe 143 sq.).

. haine de soi ds BN : Cl. rejouant Mme 100, 16-7 (exhalaison, crachat) . b> Le moi de son maître

— Fascination complémentaire de ce mépris : celle des riches et des puissant transgressant toute charité. + BN. :

. Obséquieuse soumission en présence de Mme (77 armoire = chapelle de la Ste Vierge) ; 49-50 : incapacité de la tuer > le faire en se tuant soi-même

. Force de M. rêvé en bagnard 43-4 > identification à cette force dont elles sont comme l’envers ; cf. Derrida in Glas : gants de caoutchouc = phallus creux.

35

+ BL. : . Projection de soi ds force de l’autre : Irma et Georges / Arthur 88-89 . Roger vient se perdre ds l’image de son vainqueur Georges (anagramme)

— III. L’amour de la mort Personnages amoureux = captifs d’images idéalisantes dont dispositif dramaturgique assure la gloire, liée à la mise à mort de ce qu’elles représentent. L’amour théâtral de l’imaginaire ne se conçoit pas sans amour de la mort ; cf. chez Freud : Eros (force d’accroissement et d’organisation) / Thanatos (tendance à l’apaisement de toute tension > retour à l’état inorganique : cf. le minéral à la fin du BL). + 1) Une vie condamnée . a> Nature

— Apparaît comme déplacée, ou mortifère. + BN. : . « fleurs à profusion » 15 (emblème Genet ?) = vie comme excès ; cf. Mme 65 « glaïeuls horribles [cf. glaive], d’un rose débilitant », 66 « fleurs funèbres », 85 fard = « cendre de roses » ; lait(ier) 15 > crachat 16 (fécondation > déjection). + BL. : . 21 broc > fleuve > sang ; décor globalement comme souterrain (sf. chambre Irma) > mausolée en est la « couronne » 67 [réplique / montagne 112] ; les bruits de la vie qui reprend gênent (coq 143-4) ; l’esclave s’efforce de pourrir 145, parle pour les pierres : ciment fait de larmes, sang et crachat 146.

. b> Famille — Négation ou perversion de toute généalogie

+ BN. : . Cl. et Sol. « seules au monde » 68 > Mme les traite comme ses filles 74 (> héritage) mais une « plaisanterie » 105 ; seult. relation sororale 48 > dérision « gosse » / « grosse » (laitier 18-19). . Mais : culte à la Ste Verge 23 > cf. armoire de Mme 77 (ventre) ; « fourneau » / « fourreau » 57 (rapprochement par Derrida). + BL. : . Irma : anagramme de Marie > 149-151 : castration précède descente au tombeau où manger. . Carmen = fille d’officier > amour de la patrie (cf. père) 64 ; elle a une fille, qu’Irma voue à la prostitution ou à la mort (58, 70) ; Irma est « stérile » (58, 88)

+ 2) L’éternité des images . a> Apparences abstraites

— La pièce organise la glorification d’images coupées de la vie. + Tendance à ce que le tableau l’emporte sur le drame (fixité visible ≠ devenir, action) + BL. : . Georges > devenir phallus 127 . Castration de Roger 149 : (cf. Freud) = impossible dépasser complexe de castration (interdiction par le père de jouir sexuellement de la mère [Œdipe] > acceptation de la loi, et sexualité génitale adulte orientée vers une autre personne du sexe opposée) ; glorification de l’image phallique et de la mère toute puissante (Irma et sa maison, le ventre de la terre) ; théâtre sans couple adulte et sans enfant : représentation critique (hypocrisie, répression) d’une norme amoureuse.

. b> Extases funèbres — Seul accomplissement de soi cherché à travers une image mortifiant le sujet : toute

jouissance apparaît comme mise à mort. + BN. : tuer Cl. = la délivrer (48-9) + BL. : 153 pièce s’accomplit (s’achève) ds l’obscurité, la mise à mort de soi comme fiction à laquelle adhérer (explicitation et généralisation de l’illusion théâtrale).

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UN THÉÂTRE AMOUREUX Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— I. Un théâtre érotique ? + 1) Un désir organisé

. a> Apparats

. b> Scenarii

. c> Petites manies

+ 2) Le visible et l’invisible

. a> Montées

. b> Absences

— II. L’amour du hautain

+ 1) Les problèmes du couple

. a> Proximités invivables

. b> Séparations conjugales

. c> L’homme et son image

+ 2) Les forces de l’ordre

. a> Poignez vilain

. b> Le moi de son maître

— III. L’amour de la mort + 1) La vie condamnée

. a> Nature

. b> Famille

+ 2) L’éternité des images

. a> Apparences abstraites

. b> Extases funèbres

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EXPLICATIONS

Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Explication 3 : BL. 55-56

— Introduction + Situation : début du T5 : traversée du miroir : chambre d’Irma = centre de contrôle et d’observation / 38 salons (dont 4 montrés T1-4) > attente d’une compréhension, globale. Or : incertitude et oppositions. + Plan : 1-20 : tristesse de Carmen ; 21-49 : l’expérience des salons + Pbmatique : valeur métathéâtrale et portée dramatique d’un passage peu dramatisé (cf. place de l’expression et de la narration) — 1-20. Tristesse de Carmen + 1-11. Exposition : rapport de force (cf. 2e pers. + impératifs) > 9 début de la méditation (passé + intime) + 12-20. Vers la révélation : élément de menace (12-13 adv. de négation : cf. Chantal) ; 14 sq. opposition de l’institutionnel au subjectif ; 19-20 : jeu / indéfinition des déictiques. — 21-49. L’incomparable expérience des salons + 21-26. Rappel à la raison : impératifs (> interrogation fermée 25 = même valeur, injonctive), isotopie naturelle comme marque d’artifice ; l’absence de « sérieux » (de croyance) caractérise les sphères du pouvoir. + 27-43. Paradoxe de la prostituée : opposition « nous » / « vous » (force de travail / « patronne ») ; article défini de notoriété pour désigner l’essence des rôles fantasmatiques 32 sq. (types : sainteté > soumission) ; 35 : pouvoir = distance ; 38 : 1ère occurrence de « nomenclature » (terme héroï-comique) ; 39 conditionnel comme apodose du système hypothétique commencé avec « si » 31 ; de nouveau indéfinition de la déixis (« cela » > PN adverbial « en ») + concret « défasse » en tension : « ironie » : autorité = fondée sur une « peur » 42 : amorce / fuite de Chantal et Roger p. 87 > glissement de registre : « blague » 43-44. + 44-49. Crispation de la force : confirmation du glissement > violence (« fout » 45) > expression hyperbolique de l’ordre (axiome 46 avec substantifs non actualisés) ; sacralité de l’argent (47 « clients » / « cérémonies » [cf. évêque T1 : réduction au signe > argent]) ; bourgeoisie de la « maison » ; cartes 49 : ordre = ds maîtrise de la représentation > tout jeu conserve ses règles. — Conclusion : double valeur du passage + Insatisfaction sentimentale de Carmen (liée à une perte de projection imaginaire : le faux agit ds l’âme) menace l’ordre établi : cf. Chantal (de l’amour à la trahison). + Pouvoir règne par maîtrise des affects : construction lucide d’un imaginaire ; paradoxed théâtral : investissement inévitable d’images connues pour fausses.

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Explication 4 : BL. 106-108 — Introduction + Après T6 des révoltés préparant l’assaut du Palais royal, T7 = donne des nouvelles du pouvoir. Retentit alors l’explosion du Palais. + Plan : 1-16 : forces en présence ; 17-30 : incarnation ; 31-50 : le choix. + Pbmatique : traitement d’une péripétie majeure pour l’intrigue politique de la pièce. — 1-16. Les forces en présence + 1-8. Absence de la Reine : 1-4 jeu des substituts pour la désigner (« Reine », « Majesté », « phénix ») > 3-7 P1-P2 = interlocuteurs / P3 = la dignité royale et tout ce qui s’y rapporte (« phénix » > « dévouement ») ; discours en suspens 7 comme marque de l’Envoyé : ne dit pas directement sa pensée > ne formulera jamais sa demande (ses mots = images et masques). + 8-16. Présence d’Irma : 8 changement d’interlocuteur > hommage (cf. sens médiéval : relation de vassalité) ; périphrase polysémique 12 (relative sans antécédent : « à qui… » = mélioratif / péjoratif) ; 13-14 parle par énigme métaphorique, comme Envoyé : naissance improbable (« lune » et « caïman »), mais aussi croisement du mystère et de la cruauté, voire de la ruse (cf. larmes de crocodile) ; 15 : aucune distinction de nature chez Irma > clausule sur « peuple » : crainte (cf. 59-60) ou attachement ? — 17-30. Une incarnation + 17-24. La valeur d’un corps : 17-18 axiome énigmatique de l’Envoyé > « drap » : cf. se draper ds sa dignité > la valeur morale n’est que décorum : 18-20 Irma apparaît en puissance comme signe d’une force (signification) supérieure (toujours style énigmatique — oraculaire — de l’Envoyé : interro. ouverte + futur) ; 21-22 : elle prend la fixité du signe pour une mort réelle (en montre la proximité) > 23-24 : Env. la détrompe, en montrant plénitude du signifiant qu’elle est (« bête » : cf. jument T3). + 25-30. Du corps au signe : suite du malentendu avec « morte » 27, 29 (peut-être jeu sur guillotine 26 : « perdre la tête ») < Irma en reste à la simple matérialité du signe, comme matière périssable, sans percevoir sa puissance sémiotique > 30 : Envoyé la détrompe en conférant sa signification au signe qu’elle peut être (incarner) : « Reine » / « Mme » = P3 / P2 (désignation / interlocution, signification / signe…), différence et rapprochement. — 31-50. Un choix + 31-42. Dispute et argumentation : 31-33 familiarité d’Irma rappelle sa nature (origine, fonction) — cf. notamment suite de l’isotopie animale (burlesque) : « trot » > 37 sq. « âneries », « rôtie » ; mais énergie et impératifs ; 34-36 : argumentation par passage P1-2 > P3 (relation > constat) + jeu sur locution et étymologie : « au bord de l’extase » > « précipiter » (bord / précipice ; ex-tase = être hors de soi, aliénation) ; « Non » 40 = première opposition frontale, heurt des autorités > passage immédiat à l’éloge. + 43-50. Avènement de l’image : 43-44 Irma convaincue par sa propre image (cf. évêque et miroir T1) : 44-46 différence de généalogie > infériorité physique et égalité psychique ; 47 reçoit adjuvant narcissique en la personne du Chef de la police > 49-50 : « on est Elle-même » = perte d’identité (de soi : anonymat du signe) dans adhésion à la pure apparence comme manifestation d’une essence : n’importe qui peut être la Reine. — Conclusion.

Le basculement dramatique décisif, en un passage de confrontation argumentative implicite, se fait par le glissement du discours à l’image.

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EXPLICATIONS

Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Explication 5 : BN. 76-79

— Introduction + Situation : Claire vient de revenir avec le tilleul empoisonné // Mme (regardant son placard : cf. 74-75) évoque la grave question de ses toilettes > s’adapter au deuil + faire un don aux bonnes. + Plan : 1-15 l’armoire sacrée, 16-33 don à Claire, 33-45 don à Solange + Pbmatique : interférences entre la cérémonie et le dialogue avec Mme > enjeux dramatiques — 1-15. L’armoire sacrée + 1-4. Petit jeu avec la mort : 1-2 assertion à valeur injonctive > ironie + tension dramatiques / péripétie majeure (petit geste / grandes conséquences) ; 2-4 de la mort infligée à la mort voluptueusement envisagée (testament + bonne conscience) : futur = mort. + 5-14. Petit jeu avec le feu : 5-6 périphrase ironique pour désigner la cérémonie ; registre religieux = expression hyperbolique de l’aliénation comme revers de la haine (cf. pp. 23, 57) ; 9-10 interruption de Solange < sentiment de danger, désaccord stratégique ; 11-14 Cl. lui oppose unanimité du « nous », continue sur sa lancée (lyrisme des parallélismes + anaphores > exclamation) > jeu final / pendaison ?) ; « vous » (≠ « nous » et ≠ « tu ») de la convention raisonnable (parole de l’aînée). — 16-33. Le don à Claire + 16-22. Sacrifice narcissique : 16 deuil et volupté (geste) dans le rapport de Mme à ses apparats (le plus immédiat, intime) > valeur dramatique de la robe (cf. 21, 32 > 106) ; 16-19 valorisation avant le sacrifice : « Fascination » dit rapport de Mme à elle-même et des bnes à Mme (cf. regard, spectacle) ; 19-21 insistance sur le don, mots avant acte (cf. lexique : « Tiens » lexicalisé > « donne », « cadeau », « donne ») avec montée de la P1 ; 21-22 se détourne de Cl. : intéressée seulement par ses affaires (placard plus que bonnes). + 23-29. Reconnaissance à double fond : bnes surjouent leurs positions respectives (Cl. cadette naïve / Sol. raisonnable), perceptible pour public < cérémonie et dialogues entre elles avant ; 24 suavité Mme // excès de fleurs et de gentillesse des bnes (65, 71) ; échos et presque citations de la cérémonie par Sol. (« bonne » 41, « admiriez » < « convoitez » 17) = jeu de la double entente (énoncé / énonciation ; soumission / domination). + 30-33. Maternalisme : adaptation aux domestiques = le bas sert de haut (« traîne » > « manches »), de l’ornemental à l’utile (« chaude », « solides »), de la forme (« retailler ») à la matière (« étoffes ») ; mépris ds la bonne conscience. — 33-45. Le don à Solange + 33-37. Double mise en scène, narcissique / ironique : hésitation polysémique (cf. « peux » = possibilité, ms aussi légitimité) > nvelle insistance et jeu / locution « Tiens » (= pourquoi pas ? / voilà / prends) > mise en valeur ds l’espace (ne parle plus à Sol.) ; opposition 35 / 37 entre désignation familière (métonymique : « renards ») par Mme et périphrase hyperbolique où Cl. renvoie à cérémonie (« manteau de parade » : jouer avec le feu) > 39-40 Sol. désamorce. + 41-45. Qui perd gagne : 41 Mme reconnaît sa richesse > 41-43 envie une fois de plus (cf. « chance » d’être sans famille 68) malheur des autres : sophisme dépossédant (déresponsabilisant) l’autre (« on vous donne » : COS) / sujet d’un pouvoir dit comme devoir (« je dois… ») > 43-45 se dévoile : « commanderai » / « soit conduit » (= dirigé) + magnificence : anticipe apothéose de Solange 105 sq.. — Conclusion. Jeu conscient et inconscient avec l’endroit et l’envers d’un discours théâtralisé > ironie dramatique tendue, que justifie une cruauté sociale.

40

Explication 7 : BN. 107-109

— Introduction + Situation : accomplissement symbolique de la cérémonie après le départ de Mme > Solange mime le meurtre de Mme sur Claire > tirade triomphale et multiplication des rôles : deuil de sa bonne par Mme, puis de sa sœur par Sol. qui l’a tuée > déclamation paradoxale sur le balcon, dos au public. + Plan : 1-25 le triomphe au balcon (continuum lyrique) ; 26-39 l’effondrement dans la chambre (morcellement dramatique). + Problématique : construction dramatique de la tirade, en interaction avec le traitement de l’espace. — 1-25. Le triomphe au balcon + 1-8. Ambivalente cérémonie : 1 dos tourné + sortie = théâtralisation d’une marginalité et opposition / société ; 1-3 indication comme didascalie (injonction) + aliénation P3 ; pénitents = confrérie laïque expiant fautes par pratiques de pénitence : sac sur tête, certains accompagnent condamnés à mort ; > 4-6 : cérémonie anachronique, avec glissement de l’enterrement de Cl. à l’exécution de Sol., de la métonymie à l’analogie entre transgression et répression (bagnard, criminel désirable > bourreau puis policier), intimité max. de « l’oreille » / ens. de la pièce ; 6-8 exaltation jusqu’à la folie du rire : amorce d’une écriture par répétition (hexasyllabique), exclamation, schizophrénie P3>P1 (de part et d’autre des frontières de l’imaginaire). + 8-15. Le rachat : 8-11 P3 et futur = confusion de la projection et de la présence (hypotypose, projetée ds l’espace extérieur par le truchement d’un pers. : double énonciation — mise en scène et récit lyrique du dramaturge, avec balcon comme abyme de la scène, où se métamorphose le « dehors ») ; rachat fantasmatique des dominés (cf. 162-167, 1ère version publiée) > 11-13 liste d’emblèmes : inversion carnavalesque en même temps que deuil (« couronnes », « glas » / « oriflammes »…), scansions possibles (gpes de 6 et 4 syllabes) + 15-25. La déclamation du cortège : construction d’une liste, sous le signe de la splendeur13-15 (« pompe », « beau ») > forme de progression par décroissance hiérarchique et de prestige + approche du présent (maître d’hôtel : dirige service de table ; laquais : avec livrée, comme valet de pied = suit à l’ext. / de chambre = service pers.) ; syntaxe archaïsante avec antéposition du V (« Viennent… ») ; répétition d’un hm. d’alexandrin (« Ils portent leurs couronnes. ») + de gpes possibles de 5 syllbes ; > 22-23 clausule paradoxale de la liste comme scène de jugement dernier ; scansion finale 23-25 (5-5-3-8) = apothéose paradoxale rapprochant naissance, amour (« berce ») et mort. — 26-39. L’effondrement dans la chambre + 26-29. La chute : 26 didascalie semble faire rentrer ds espace du réel > 27-28 commentaire a posteriori de cette nouvelle cérémonie — ms avec mots qui reprennent ceux de Mme à son arrivée / fleurs (p. 65, 66-7) > faiblesse comme lassitude 33, 60 : corps vidé de ses mots > larmes et affaissements. + 29-32. La résurrection des damnés : jeu de scène // tirade de Figaro = 29 manifestation physique du regain d’énergie, nvelle pulsation de l’imaginaire (enfermement ds agitation cyclothimique) fait retrouver le « niveau » p. 102) ; 30-32 concurrence des autorités (Mme / « police » = féminine : « Elle »), avec confirmation du glissement métonymique et analogique entre désir de transgression et de répression. + 33-35. Clivage et communion : didascalie brise continuité de la tirade (positionnement stratégique par le dramaturge : pb. de précision / « depuis un moment ») ; Cl. sans doute à gauche de la scène (cf. pp. 15, 64) depuis sa chute p. 105 ; Cl. se dit « seule » 106 (< Cl. retirée déjà ds « chambranle » et « visible seult. du public » ?) ; écoute et silence : communion des solitudes. + 36-39. Vers la mort : 36-38 confusion des identités (« ns » : + majesté ?) en même temps qu’avènement du nom : progression par condensation puis expansion, appositions de GN en hyperbate et épanorthose ; 38-39 convergence du fantasme (être criminelle) et de la réalité (risque de châtiment) > proximité du constat et du souhait de la perte : soumission à la défaite et désir de mort. — Conclusion Le retour à l’intérieur correspond à un mouvement vers une mort réelle. + La victoire sur l’ordre social se vit comme projection au dehors, basculement ds un hors temps fantasmatique. + L’intérieur est l’espace de la limite > de l’accomplissement : enfermement chez Mme, en soi et par image de l’autre > le seul accomplissement est destruction.

41

POLITIQUE ET POÉSIE Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— Introduction : + Attaque :

. Développement, pendant la guerre et après guerre, d’une pensée de la littérature

engagée [marxisme + existentialisme + sillage de la Résistance] = Sartre (littérature, comme

tout acte = exercice de la responsabilité + donne sens à l’existence), cf.

— Les Mains sales, 1948 : dilemme d’un bourgeois que son parti charge

d’assassiner un chef qu’elle juge trop réformiste > le fait car l’autre a flirté

avec sa fiancée, ms partie adopte la ligne de celui qu’il a fait assassiner (fin

+ moyen + tj. acte comme fondateur de la liberté).

. Albert Camus [prix Nobel 1957] a publié L’Étranger et Le Mythe de Sisyphe (1942),

lutte ds résistance et dirige journal Combat (1944) > gde activité théâtrale après guerre :

Caligula (1945). Close par :

— Les Justes, 1949 [triomphe] : jne homme n’ose tuer Grand-Duc avec bombe

< ses neveux passent avec lui ; en prison, refuse de livrer ses complices ms

aussi de se convertir > exécuté.

. Engagement = devient pbmatique àp. du moment où Art pour l’art devient position

dominante (forte, en tt cas) des écrivains [≠ situation de l’AR : tout art lié au mécénat (d’État

ou particulier) > doit des gages au mécène]

— Or : Genet a plutôt position esthétisante (cf. marque première de Cocteau),

refuse catégoriquement tout didactisme :

* « Étrange mot d’ » (1967) : « événement dramatique » = « hors du temps

historiquement compté » > « c’est au profit d’une libération vertigineuse » ;

comme peinture àp de la photo (> abstraction), théâtre àp. du cinéma et de

la TV, peut se trouver « épuré, de ce qui l’encombrait » (transfo de l’action

dramatique en moyen didactique) > « resplendir de sa ou de ses seules

vertus ».

42

* L’Ennemi déclaré (1991) : révolutionnaires, pour s’exprimer « se servent

de tous les moyens les plus académiques de la société qu’ils viennent de

renverser ou qu’ils se proposent de renverser » > « ils imitent les

académismes » : « les révolutions politiques […] ne correspondent jamais

aux révolutions artistiques »

— > pour Genet, qui se veut avant tout poète : politique et poésie s’excluent

l’un l’autre (Sartre id. — Qu’est-ce que la littérature ? 1948 : « Les poètes

sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage » [pas ds domaine de la

signification et de la recherche de vérité > comme musique et poésie] > pas

l’engager : « c’est l’homme qui s’engage à perdre » ds le domaine de la

communication, où la prose gagne).

* cf. « Avertissement » de 1960 au BL. 16 : « la poésie étant nostalgie et le

chant détruisant son prétexte »

* > quelle présence du / de la politique possible, qui ne soit pas

l’expression claire et distincte d’une prise de position, qui ne soit pas

didactique mais poétique ?

+ Analyse :

. Poésie : cf. création / fabrication

— > rapport à la poétique comme traditionnellement pensée à travers la re-

présentation (imitation) [> prédominance du modèle théâtrale ds réflexion

occidentale sur la littérature — l’art du langage] : peut s’opposer à poésie

comme création.

— théâtre de Genet :

* exacerbant jeu (poésie) des apparences : représentation comme

esthétisation au sens d’un devenir visible, sensible (qui tue l’O de la

représentation) ; ≠ imitation (vraisemblable), et pbmatisation de toute fable :

théâtre hors temps (cérémonie ≠ évt. et action).

* ainsi que la poésie du langage (lexis : tradt. secondaire + justt. mis au

second plan par Artd.) : cf. in « Étrange mot d’ » = « cette langue comme les

autres permet que se chevauchent les mots comme des bêtes en chaleur » >

« ce qui sort de notre bouche c’est une partouze de mots qui s’accouplent » >

« Si quelqu’un espère qu’au moyen d’une telle prolifération — ou luxuriance

— de monstres il pourra soigner un discours cohérent, il se trompe » : « révéler

43

une orgie verbale dont le sens se perd […] dans l’infini des mutations tendres

ou brutales » = créativité qui déborde toute signification arrêtée.

. Politique comme pensée du pouvoir ds son exercice et son rapport à la société.

— tradition aristotélicienne : représentation comme réarticulation qui vise à

dire le vrai [l’imposer / le dévoiler] (identification > distanciation chez

Brecht : ms reste visée didactique) = propagande, ou analyse critique.

— Gnet plutôt, au premier abord, ds tradition des symbolistes et d’Artaud :

recherche d’un spectacle qui cherche à suggérer un au-delà = plutôt

fantasmatique

* érotisation des rapports sociaux — politisation de l’intime : point

commun des deux dimensions ds importance de la force et de l’apparence.

+ Problématique :

Quelle alternative le théâtre de Genet invente-t-il à la représentation didactique

du pouvoir ?

Esthétisation / analyse critique / travail de l’imaginaire

44

— I. Une poétisation des luttes ?

+ 1) Au cœur lointain de la ville

. a> Éléments d’une ville alentours

. b> Insertion spatiale et sociale

+ 2) Des combats stylisés

. a> Malaise dans la révolution

. b> Armées invisibles (domestiques, coups de feu)

— II. Analyse et représentation du pouvoir

+ 1) Aliénation

. a> Jouissances de frégates

. b> Monarchies matriarcales

+ 2) Violence

. a> L’être transgressif

45

. b> L’ordre de la force (chef, police)

— III. L’invention d’une force

+ 1) Régner par l’image

. a> Représentation (idéalisation)

. b> Magie (action)

+ 2) Rêveries totalitaires

. a> L’univers carcéral

. b> Le piège de la visibilité

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POLITIQUE ET POÉSIE Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— Introduction :

. « Étrange mot d’ » (1967) : « événement dramatique » = « hors du temps historiquement compté » > « c’est au profit d’une libération vertigineuse » ; théâtre « épuré, de ce qui l’encombrait » > « resplendir de sa ou de ses seules vertus » ; « cette langue comme les autres permet que se chevauchent les mots comme des bêtes en chaleur » > « ce qui sort de notre bouche c’est une partouze de mots qui s’accouplent » > « Si quelqu’un espère qu’au moyen d’une telle prolifération — ou luxuriance — de monstres il pourra soigner un discours cohérent, il se trompe » : « révéler une orgie verbale dont le sens se perd […] dans l’infini des mutations tendres ou brutales »

. L’Ennemi déclaré (1991) : révolutionnaires, pour s’exprimer « se servent de tous les moyens les plus académiques de la société qu’ils viennent de renverser ou qu’ils se proposent de renverser » > « ils imitent les académismes » : « les révolutions politiques […] ne correspondent jamais aux révolutions artistiques »

— I. Une poétisation des luttes ?

+ 1) Au cœur lointain de la ville

. a> Éléments d’une ville alentours

. b> Insertion historique et spatiale

+ 2) Des combats stylisés

. a> Malaise dans la révolution

. b> Guerres invisibles

— II. Analyse et représentation du pouvoir

+ 1) Aliénation

. a> Jouissances de frégates

. b> Monarchies matriarcales

+ 2) Violence

. a> L’être transgressif

. b> L’ordre de la force

— III. L’invention d’une force

+ 1) Régner par l’image

. a> Représentation

. b> Magie

+ 2) Rêveries totalitaires

. a> L’univers carcéral

. b> Le piège de la visibilité

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L’ESPACE SCÉNIQUE Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— Introduction : + Attaque :

. Louis Jouvet (reprenant tradition 19e) distingue 4 types de lieux théâtraux, chacun

étant lié à une dramaturgie spécifique : ordre grec, médiéval, shakespearien, italien.

Correspondrait respectivement (successivement) :

— 1. théâtre antique : scène semi-circulaire (chœur autour, autel au centre) =

lieu de convergence, symbolique et politique, de toute la cité.

— 2. mystères médiévaux : représentation de l’univers, en un espace ouvert

sur la ville.

— 3. théâtre élisabéthain : espace triple = plate-forme (vie féodale : lieu des

combats et de la foule), galeries comportant le recess (lieu des tractations et

des conflits : cf. diplomatie machiavélienne) et la chamber (lieu de

l’intériorité)

— 4. théâtre classique : espace symbolique plus que mimétique (abstraction

extrême : permet théâtralisation des conflits politiques et psychologiques)

— émerge du théâtre « à l’italienne », avec vision perspective centrée sur

protagonistes, souffrant et agissant ds le monde.

— 4. théâtre bourgeois (18e > romantisme > naturalisme et boulevard)

construit peu à peu appropriation du monde : scène mimétique en

représente une partie.

— > ouverture de l’espace théâtral àp du symbolisme : espace de sens

potentiels, à structurations multiples possibles, de + en + (< diversité des

visions du monde et des activités ds monde moderne et contemporain).

+ Analyse :

. Espace = a priori de la sensibilité (Kt. : avec tps — mode d’appréhension de la réalité

ext., physique > subj., culturel et historique) ≠ approche simplement « objective » (trois

48

dimensions : vide / plein, continu / discontinu, structuré / non… [cf. rôle du décor et des

indications scéniques / espace]).

. Scénique = propre aux comédiens > défini par :

— simple présence face à un public qui le(s) regarde (cf. « théâtre » > tout

espace peut devenir scénique…)

— coprésence et interaction (gestuelle, verbale > plusieurs scènes peuvent

coexister en un même espace [lieu scénique : matériellement défini — et

non théâtralement].

— à différencier de l’espace dramatique = tout que le texte théâtral crée

comme espace (= y compris hors scène).

. Genet travail beaucoup cet aspect du théâtre, àp. du BL surtout (< BN = encore ds

décor de théâtre bourgeois, même transmué en cérémonie [mimétique > symbolique] : cf.

Nègres 1958, avec cour en hauteur, Paravents 1961, dont titre même renvoie à un élément du

décor — cf. séparation des vivants et des morts).

— En particulier : ds logique du théâtre symboliste et de la cruauté = insiste

sur espace et matérialité comme moyens spécifiquement théâtraux (cf.

exigence d’une approche spécifiquement picturale ou plastique ds les arts) :

non pas comme imitation du réel (signes transparents).

+ Pbmatique :

Quelles valeurs prend le lieu concret où se rencontrent acteurs et public selon l’agencement que permettent les textes de Genet ?

— I. La clôture

+ 1) L’exclusion

. a> Résistances

. b> Expulsion

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+ 2) L’enfermement

. a> Prisons

. b> Ingestion

— II. L’emboîtement

+ 1) Analyses de l’espace

. a> Saturations

. b> Compartiments

+ 2) Le réel et l’imaginaire

. a> Dehors

. b> Images

— III. Le langage

+ 1) L’espace du dialogue

. a> Confrontations

50

. b> Explications

+ 2) Les foyers de la parole

. a> Dispersion : vers la rumeur

. b> Centrage : vers le chant

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L’ESPACE SCÉNIQUE

Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

— I. La clôture

+ 1) L’exclusion

. a> Résistances

. b> Expulsions

+ 2) L’enfermement

. a> Prisons

. b> Ingestion

— II. L’emboîtement

+ 1) Analyses de l’espace

. a> Saturations

. b> Compartiments

+ 2) Le réel et l’imaginaire

. a> Dehors

. b> Images

— III. Le langage + 1) L’espace du dialogue

. a> Confrontations

. b> Explications

+ 2) Les foyers de la parole

. a> Dispersion : vers la rumeur

. b> Centrage : vers le chant

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SUJETS

Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Sujet 1. « Encore une chose : ne pas jouer cette pièce comme si elle était la satire de ceci ou de cela. Elle est — elle sera donc jouée comme — la glorification de l’Image et du Reflet. Sa signification — satirique ou non — apparaîtra seulement dans ce cas. » (Jean Genet, « Comment jouer Le Balcon », 1962) Sujet 2. « L’artiste n’a pas — ou le poète — pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. Qu’ils acceptent d’être maudits. Ils y perdront leur âme, s’ils en ont une, ça ne fait rien. Mais l’œuvre sera une explosion active, un acte à partir duquel le public réagit, comme il veut, comme il peut. » (Jean Genet, « Avertissement » précédant Le Balcon, 1960) Sujet 3. « Les valeurs révolutionnaires (la vie contre la mort, l’authenticité contre la facticité, la subversion contre la perversion, la libération de la femme porteuse d’un nouvel amour contre le pouvoir du Phallus, la violence créatrice contre la brutalité du pouvoir, etc.) lui ont donné la force libératrice de s’échapper vivant des funérailles. » (Marie Redonnet, Jean Genet le poète travesti, Grasset, 2000) Sujet 4. « À force de se confronter physiquement et spirituellement à l’image qu’ils sont censés donner d’eux-mêmes, [les personnages de Genet] finissent par récuser toute représentation et par faire s’écrouler nos repères symboliques. » (Jean-Pierre Sarrazac, article « Genet » du Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse, 1995) Sujet 5. « Au plaisir s’oppose le désir — le désir comme manque. Si le plaisir du spectateur est le plaisir de l’irréfutable d’une présence, de l’être-là, de cette écriture des corps à lire et à relire, s’il s’accomplit dans l’instant où s’abolit l’écart toujours creusé entre le jeu et la fiction, le corps et le personnage, il est aussi bloqué par l’interdit : l’interdit de toucher et même l’interdit de voir de près, de voir (savoir) au juste […]. » (Anne Übersfeld, Lire le théâtre II, L’école du spectateur, Belin, 1996) Sujet 6. « Le dispositif panoptique aménage des unités spatiales qui permettent de voir sans arrêt et de reconnaître aussitôt. En somme, on inverse le principe du cachot […]. La pleine lumière et le regard d’un surveillant captent mieux que l’ombre, qui finalement protégeait. La visibilité est un piège. » (Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, 1975) Sujet 7. « Là où l’alchimie, par ses symboles, est comme le Double spirituel d’une opération qui n’a d’efficacité que sur le plan de la matière réelle, le théâtre aussi doit être considéré comme le Double, non pas de cette réalité quotidienne et directe dont il s’est peu à peu réduit à n’être que l’inerte copie, aussi vaine qu’édulcorée, mais d’une autre réalité dangereuse et typique, où les Principes, comme les dauphins quand ils ont montré leur tête s’empressent de rentrer dans l’obscurité des eaux. » (Antonin Artaud, « Le théâtre alchimique », 1932, in Le Théâtre et son double, 1938)

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DS 3 Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Antonin Artaud, dans son article de 1932 sur « Le théâtre de la cruauté » (in Le

Théâtre et son double, 1938) considère que « (l)e langage nu du théâtre, langage non virtuel,

mais réel, doit permettre, par l’utilisation du magnétisme nerveux de l’homme, de transgresser

les limites ordinaires de l’art et de la parole, pour réaliser activement, c’est-à-dire

magiquement, en termes vrais, une sorte de création totale, où il ne reste plus à l’homme que

de reprendre sa place entre les rêves et les événements. »

Dans quelle mesure ces considérations vous semblent-elles pouvoir éclairer les deux

pièces de Jean Genet, Les Bonnes et Le Balcon ?

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DS 3 Jean Genet (1910-1986),

Les Bonnes (1947-1954), Le Balcon (1956-1962)

Antonin Artaud, dans son article de 1932 sur « Le théâtre de la cruauté » (in Le Théâtre et son double, 1938) considère que « (l)e langage nu du théâtre, langage non virtuel, mais réel, doit permettre, par l’utilisation du magnétisme nerveux de l’homme, de transgresser les limites ordinaires de l’art et de la parole, pour réaliser activement, c’est-à-dire magiquement, en termes vrais, une sorte de création totale, où il ne reste plus à l’homme que de reprendre sa place entre les rêves et les événements. » Dans quelle mesure ces considérations vous semblent-elles pouvoir éclairer les deux pièces de Jean Genet, Les Bonnes et Le Balcon ?

— Analyse :

Actants Termes du sujet Catégories

Sujet

homme

magnétisme nerveux

moral / psychique

[corporel] (universel / personnel)

Moyen

(adjuvant)

Action

langage du théâtre

nu

réel / virtuel transgresser / limites

art et parole

réaliser activement en termes vrais

magiquement

poétique théâtrale

(dramaturgie)

métaphysique éthique

esthétique, stylistique

éthique

métaphysique

Objet

création totale / reprendre sa place

l’homme entre les rêves et les événements

poétique / métaphysique

(religion) psychique / historique

(politique)

— Problématique :

Dans quelle mesure la poétique théâtrale de Genet vise-t-elle à la création démiurgique d’une œuvre autonome quoique totalisante, articulant le plus intime de

l’homme à son histoire collective ?

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— I. Chant magnétique ? Démiurgie des fantasmes Le « langage […] du théâtre » est assurément, chez Genet, mise à « nu […] de l’homme ». Mais cette « transgress(ion) » livre-t-elle une « recréation totale », au sens où elle prendrait en charge la totalité du réel ? N’en propose-t-elle pas plutôt une réinterprétation lyrique, poussée jusqu’au fantasme ? En particulier, dans Les Bonnes comme dans Le Balcon, des rapports de force sociaux et politiques, historiquement situées deviennent matière à des mises en scène fortement sexualisées. >> Des maîtres tout droit sortis des années trente apparaissent comme les foyers magiques du désir (1), au-dessus d’esclaves qui jouissent de leur soumission et n’en aiment que plus les souverains contre lesquels ils se révoltent (2). + 1) Magnétisme des maîtres . a> Désir des idoles . b> Puissance de métamorphoses + 2) Nervosité des esclaves . a> Jouir de ramper . b> Subversifs amoureux — II. Une création totalitaire ? Le monde en cage sur scène « (L)es rêves » l’emportent-ils donc sur « les événements » ? La matière même de ces derniers, sur la scène du drame, touche immédiatement la sensibilité par les moyens spécifiques et concret du théâtre. Ils donnent sa réalité concrète au fantasme. Paraphrasant Mallarmé, Genet pourrait affirmer que « le monde est fait pour aboutir à [un beau spectacle] » : la totalité qu’il vise, après Artaud, est théâtrale. Sa « magi(e) », pour opérer, doit intensifier un système d’apparences. >> Corps et choses y signifient plus fortement que la réalité qu’ils schématisent (1), au point que l’espace du drame enferme un monde plus encore qu’il ne le donne à voir ou à imaginer (2). + 1) Le langage des corps et des choses . a> Du réel à l’emblème . b> Le personnage comme corps . c> Dramaturgie des objets + 2) Espace total, espace carcéral . a> Boîte à rêves . b> Totalité panoptique . c> Emboîtement carcéral — III. Un édifice vertigineux de signes. Histoire et images L’incarcération du monde sur la scène ne « réalis(e) activement » cette « création totale » de l’homme que dans la mesure où les apparences en demeurent toutes parcourues de son « magnétisme nerveux ». Actes et « événements » affectent « les rêves » ». Dans un monde peut-être moins mythique que celui d’Artaud, personne ne semble ici « reprendre [une] place » qui lui serait assignée de toute éternité, par sa nature ou par son inconscient. >> Car dans le théâtre de Genet, tout d’abord, chacun lutte, à travers l’autre, pour une idéale image de soi dont l’atteinte se distingue peu de la mort (1). Et ce travail sans issu trouve une intensité particulière au moment où l’histoire des hommes, à travers la propagande et la communication de masse, devient largement celle de ses représentations (2). + 1) Vers l’éternelle fixité des images . a> Soi comme image . b> L’autre comme image de soi . c> Le fantasme narcissique et la mort + 2) L’homme moderne et le drame de la représentation . a> L’époque contemporaine comme représentation multiple de l’événement . b> L’existence comme combat des représentations