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LES PRINCIPAUX OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT DU PETIT ENTREPRENEURIAT EN FÉDÉRATION DE RUSSIE : L'AVIS DES ENTREPRENEURS Dimitri Kisline De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26 pages 95 à 108 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-2-page-95.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Kisline Dimitri, « Les principaux obstacles au développement du petit entrepreneuriat en Fédération de Russie : l'avis des entrepreneurs », Innovations, 2007/2 n° 26, p. 95-108. DOI : 10.3917/inno.026.0095 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h02. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h02. © De Boeck Supérieur

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LES PRINCIPAUX OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT DU PETITENTREPRENEURIAT EN FÉDÉRATION DE RUSSIE : L'AVIS DESENTREPRENEURS Dimitri Kisline De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26pages 95 à 108

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-2-page-95.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Kisline Dimitri, « Les principaux obstacles au développement du petit entrepreneuriat en Fédération de Russie : l'avis

des entrepreneurs »,

Innovations, 2007/2 n° 26, p. 95-108. DOI : 10.3917/inno.026.0095

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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LES PRINCIPAUX OBSTACLESAU DÉVELOPPEMENT

DU PETIT ENTREPRENEURIATEN FÉDÉRATION DE RUSSIE :L’AVIS DES ENTREPRENEURS

Dimitri KISLINECentre de Recherche en Economie et Management

UMR CNRS C6211

[email protected]

INTRODUCTION

La petite entreprise est devenue une partie indissociable de l’économie despays développés. Elle remplit un certain nombre de fonctions socio-écono-miques telles que : création d’emploi, soutien de l’innovation, améliorationde la concurrence et diminution de l’inégalité sociale entre autres. On peutdire que le small business en Russie est né grâce aux réformes. Sa naissancedate du 18 juillet 1991, jour de la parution de l’arrêté N406 du gouverne-ment de la Fédération de Russie. « Sur le soutien et le développement despetites entreprises dans la Fédération de Russie » qui a défini les critères desPE ainsi que les conditions générales de leur fonctionnement.

De nos jours les questions liées au développement du petit entrepreneu-riat russe sont au cœur de nombreuses études, même si l’analyse statistique dece secteur présente plusieurs difficultés (données officielles peu probantes,manque d’informations sur les entrepreneurs individuels sans personnalitémorale, etc.). En outre, les données statistiques sur les petites entreprisessont très contrastées et varient sensiblement d’une source à l’autre en raisonnotamment de l’utilisation de pratiques statistiques différentes. Quoi qu’il ensoit, on s’accorde généralement sur le fait que le secteur des petites entrepri-ses et des entreprises individuelles sans personnalité morale s’est accru con-sidérablement et assez rapidement au début des années 1990. Dans la deuxièmemoitié de la décennie 1990, le secteur a stagné, voire accusé un léger recul. Le

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nombre des petites entreprises a légèrement augmenté au début de la décenniesuivante pour atteindre en 2003 891 000 petites entreprises à personnalitémorale et 4,7 millions d’entrepreneurs individuels. (2) 1 Pourtant, selon cer-tains experts, le marché russe est capable de « digérer » un nombre plus impor-tant de PE, ce qui fait penser que ce secteur n’a pas encore épuisé son potentielde développement.

Le présent article est consacré à l’analyse des obstacles qui se dressentdevant les petits entrepreneurs, vus par ces derniers. Trois groupes d’obsta-cles majeurs seront évoqués. Les premiers sont ceux posés par l’État, lesdeuxièmes par l’infrastructure bancaire et les troisièmes par les ressourceshumaines. La plupart des données, qui sont à la base de l’analyse, provien-nent d’une série d’entretiens individuels semi directifs, réalisés en Russieentre 2003-2005 auprès de petits entrepreneurs. Tous les entrepreneurs del’échantillon sont issus des petites et moyennes villes de la Russie centrale.Leurs entreprises opèrent dans divers secteurs (industrie, commerce, secteurtertiaire). Toutefois, l’analyse ne prend pas en compte les fermiers indivi-duels, le monde rural, qui représente un milieu à part, et pour cette raison aété volontairement exclu du présent travail. L’objectif du document n’étantpas de donner une liste exhaustive des maux dont souffre le petit entrepre-neur russe, seuls les principaux obstacles (qui sont cités par les deux tiers del’échantillon) sont examinés plus loin.

Malgré les programmes d’aide aux petits entrepreneurs, élaborés par le gou-vernement russe depuis 1995, à l’heure actuelle tous les problèmes auxquelsest confrontée la petite entreprise n’ont pas été résolus. Nous pensons que lesprincipaux obstacles, qui entravent le développement de la petite entrepriseen Russie, peuvent être divisés en trois groupes : ceux qui résultent des rela-tions entre entrepreneurs et État, ceux qui touchent aux finances de l’entrepriseet ceux qui concernent le personnel. En fait, les problèmes des entrepreneursrusses sont similaires à ceux que connaissent les petites entreprises des autrespays. Pourtant ils peuvent revêtir une importance particulière en Russie.

PROBLÈMES LIÉS AUX RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET L’ENTREPRENEUR

Ce groupe renvoie aux « obstacles administratifs » qui sont posés aux entre-preneurs par les pouvoirs publics. Ce terme sous entend « des difficultés parti-culières du développement des affaires en Russie, qui résultent des mécanismesde régulation et de contrôle étatiques imparfaits ou bien du fait que certains

1. Les numéros entre parenthèses correspondent aux références bibliographiques regroupées à lafin de cet article.

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organismes / fonctionnaires lèsent en toute conscience les intérêts des petitsentrepreneurs ». (8) Pour les entrepreneurs, les obstacles administratifs sontliés à l’activité des organismes d’État qui ont à leur charge l’immatriculationde nouvelles entreprises, la délivrance de licences pour certaines activitésentrepreneuriales, la certification de produits et services et qui ont le droitde contrôler les entreprises.

Il est à noter que les obstacles administratifs ont toujours existé et ont ac-compagné l’évolution de l’entrepreneuriat dès son apparition à la fin des années1980 jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, un des entrepreneurs de notre échantillon serappelle bien le mal qu’il a eu pour enregistrer son entreprise de BTP auprès del’État à la fin des années 1980. La commission de la municipalité, composéede « communistes endurcis », qui examinait sa demande a refusé d’enregis-trer l’entreprise au simple prétexte que la ville « n’a plus besoin d’entreprisesde BTP ». La formulation du refus ne correspondait à aucun texte législatifet l’entrepreneur en question a porté plainte contre l’administration munici-pale de cette petite ville de province. En fin de compte et malgré les difficul-tés pour trouver un avocat, car personne n’osait encore s’attaquer au pouvoir,il a gagné ce procès. (19) Nous analyserons ci-dessous les principales raisonsqui expliquent l’émergence des obstacles administratifs.

Une législation compliquée et changeante

L’un des principaux reproches adressés à l’État par les entrepreneurs con-cerne l’extrême complexité de la législation qui régit l’entrepreneuriat, ainsique le caractère fluctuant des normes et des exigences imposées par l’Étataux entrepreneurs. Par exemple, au cours de la deuxième moitié des années1990, la taxation des petites entreprises était extrêmement complexe et sur-tout très changeante. De l’aveu d’un entrepreneur individuel de notre échan-tillon, qui a voulu créer une entreprise commerciale avec un statut de personnemorale en 1993 : « … les règles de comptabilité étaient tellement compli-quées et les impôts tellement élevés qu’il n’y avait pas de possibilité de tra-vailler de façon honnête ». (25) En 1996, environ 120 actes législatifsrégulaient l’impôt sur le revenu des petites entreprises et 100 autres concer-naient la taxe à valeur ajoutée. Conséquence de cette situation : même lesmicro entreprises était obligées d’employer un comptable à temps plein quiavait pour tâche de suivre l’évolution de la législation fiscale et d’y adapterla comptabilité de la société. De plus, jusqu’en 1991 l’entrepreneur était prisdans l’étau de la législation soviétique et des lois de la République de Russie,qui existaient en parallèle et étaient souvent différentes. Depuis, le Minis-tère des Impôts s’est efforcé d’améliorer le système de taxation des PE. Lenouveau système devient une réalité avec l’introduction d’un impôt unique

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simplifié sur le revenu et d’un impôt unique sur le revenu imputé, qui l’ontrendu plus transparent et plus efficace. Les entrepreneurs qui en bénéficientavouent échapper à la complexité habituelle d’obligations comptables etd’impôts multiples.

Or, selon certains entrepreneurs enregistrer une entreprise de produc-tions dotées de la personnalité morale et créée ex-nihilo demeure une procé-dure très complexe. Une femme-entrepreneur que nous avons interviewée,se plaint de la difficulté et du coût exorbitant pour l’obtention de licences.Afin d’obtenir une licence pour l’utilisation de l’eau, elle a dû d’abord allerchercher des rapports d’expertise dans deux organismes, ce service n’étantpas gratuit, et dû payer ensuite pour la licence proprement dite. Cette femmeconclut que beaucoup d’organismes vivent tout simplement aux dépens duproducteur, parce que ce dernier doit produire un grand nombre de docu-ments qu’il doit payer, avant de pouvoir commencer à travailler. (18) Lacomplexité législative complique l’organisation et la gestion des affaires. Parexemple, avant 2001 de nombreux petits entrepreneurs organisaient leurssociétés en deux entreprises (une entreprise individuelle et une SARL).Avant le 1er janvier 2001, les entrepreneurs individuels ne payaient pas deTVA et ne délivraient pas de facture pour leurs services et produits. Celaveut dire que les personnes morales qui leur achetaient ces services et pro-duits, et qui payaient la TVA, ne pouvaient pas faire figurer la TVA d’entréedans leurs bilans comptables. Donc, elles préféraient travailler uniquementavec les personnes morales afin de se faire rembourser la taxe à valeur ajoutéepar la suite. Les produits et services achetés aux entrepreneurs individuelsleur revenaient plus chers. En outre, souvent dans le schéma en questionl’entreprise individuelle utilisait le système de l’impôt unique sur le revenuimputé, tandis que la SARL était soumise à l’impôt unique simplifié sur lerevenu. Ceci parce qu’avant mai 2004, les entreprises qui payaient l’impôtsimplifié sur le revenu pouvaient effectuer et accepter seulement des paie-ments scripturaux et ne pouvaient pas travailler avec les personnes physi-ques. Donc, les commandes des personnes physiques passaient par l’entrepriseindividuelle et celles des personnes morales étaient traitées par la SARL.

De l’avis des entrepreneurs, cette complexité de la base législative ne sertà rien, puisque comme nous l’a affirmé l’un d’eux : « En Russie, nous avonsbeaucoup de lois qui marchent et qui ne marchent pas, chaque loi en cacheune dizaine d’autres. Mais si l’entrepreneur est juridiquement calé, il trou-vera toujours le moyen de la contourner. Le plus simple est de s’entendreavec le fonctionnaire. » (13)

A côté de la complexité de la législation, les petits entrepreneurs russesdéplorent souvent son instabilité. Les normes et les règlements changentconstamment et peuvent être modifiées du jour au lendemain, à tel point

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que les entrepreneurs avouent ne plus comprendre ce que l’État attendd’eux. À titre d’exemple, je citerai une situation réelle qui est arrivée dansune petite ville de province. Le juriste de la municipalité est remplacé par unnouveau. Ce dernier décide que tout ce qu’a fait son prédécesseur est de tra-vers. Il modifie entre autre le modèle du contrat de travail, donc les entrepri-ses de la ville doivent en tenir compte. L’entrepreneure qui a raconté cettehistoire, a souligné le fait que cette modification n’apportait rien. Pour ellele jeune fonctionnaire a surtout voulu montrer son pouvoir et sa maîtrise dela situation, mais n’a fait qu’empêcher les gens de travailler. (11)

Plus graves encore sont les nouvelles normes, introduites avec effet rétroac-tif. Les entrepreneurs se souviennent encore de la formation des fonds de laretraite, lorsque la loi en question a été votée au mois de février, mais estentrée en vigueur le 1er janvier de la même année. Beaucoup d’entrepreneursn’avaient pas les moyens financiers disponibles pour satisfaire à la nouvelleexigence et acquitter le montant dû pour deux mois en même temps. Ceuxqui manquaient involontairement à leurs obligations étaient soumis à delourdes amendes. Enfin, certaines normes utiles aux entrepreneurs ne sontpas encore élaborées. Par exemple, l’installation d’un solarium vertical adonné des soucis à l’une des entrepreneures que nous avons interviewées. Lecontrôleur, venu sur le site de l’entreprise, a estimé que la pièce, où était ins-tallé le solarium, manquait de surface, parce que les actes normatifs ne fontpas de distinction entre les modèles horizontaux et verticaux de cet engin.Même si cette femme travaille pour le moment, elle craint qu’un jour Moscoun’élabore des normes nouvelles qui tiendront compte des différents modèles,auquel cas son solarium risque de ne pas y être conforme. (10)

Manque d’informations

Outre la législation compliquée et changeante, beaucoup d’entrepreneursdéplorent le manque crucial d’informations sur leur droits et obligations sur-tout en matière de taxation. L’insuffisance d’informations sur les impôts, lafaçon dont ils sont calculés et la documentation à présenter aux fonctionnai-res du fisc représente un problème majeur pour plusieurs entrepreneurs denotre échantillon. Ainsi, une entrepreneure de Nižnij Novgorod, Elena L., quigère un magasin de cadeaux, a-t-elle raconté son embarras avec l’impôt uni-que sur le revenu imputé. Dans son cas il est calculé sur la base de la surfacede vente du magasin. Ce volume est multiplié par le coefficient de la ruedans laquelle se trouve l’entreprise. Or, elle n’arrive pas à savoir si la surfacesous la caisse et celle des couloirs sont considérés comme faisant partie de lasurface de vente. Cette femme conclut que même si les entrepreneurs sontaujourd’hui prêts à respecter les normes, ils ne les connaissent souvent pas.(10) Un autre exemple concerne un salon de coiffure voisin du magasin

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d’Elena. La propriétaire du salon a cherché pendant longtemps à savoir sil’impôt sur le revenu imputé au salon doit être calculé en fonction du nom-bre des travailleurs, agent de propreté inclus, ou du nombre de fauteuils seu-lement. Personne, y compris les agents du fisc, n’a pu répondre clairement àcette question. (10)

Certains entrepreneurs avouent qu’ils apprennent toutes les nouveautésdans les files d’attente à l’Inspection fiscale, puisque les fonctionnaires dufisc sont inabordables et ne répondent à aucune question. Il semble que cesderniers laissent sans réponse les demandes d’information et les demandes derendez-vous. En même temps, comme l’a précisé une autre entrepreneure deNižnij Novgorod, lorsqu’elle n’était pas au courant d’une nouvelle règle,faute d’information, et manquait involontairement à ses obligations, l’ins-pection lui infligeait toujours une amende. (15) Les informations qui man-quent ne concernent pas uniquement la taxation. Ainsi, le propriétaired’une entreprise de BTP s’est-il plaint de l’imprécision dans la définition descatégories de complexité des travaux de construction. La législation en pré-voit deux catégories. Or, personne, même les professeurs d’une Académied’architecture, auxquels il a posé la question, n’a pu lui apporter une réponseclaire et nette. (19)

Relations informelles et corruption

La corruption est l’une des causes majeures de l’existence de barrières admi-nistratives en Russie. Dans notre échantillon, il n’y a pas un seul entrepreneurqui n’ait eu l’occasion de donner des pots-de-vin ou, comme disent certainsde « remercier » les fonctionnaires. Souvent il s’agit d’un véritable racket éta-tique, puisque le fonctionnaire refuse de faire son travail tant qu’il n’a pasobtenu une quelconque rétribution de l’intéressé. Un entrepreneur qui habitele bourg de Paleh nous a raconté que lorsqu’il est allé voir un fonctionnaire dela municipalité avec le projet d’ouvrir un café, ce dernier lui a proposé decreuser un étang par précaution anti-incendie. Et quand l’entrepreneur a essayéde contester cette décision, le fonctionnaire lui a fait comprendre qu’il avaitbesoin d’un ordinateur… Alors l’entrepreneur a acheté l’ordinateur et lefonctionnaire a trouvé une réserve d’eau à côté du chantier. (12)

La délivrance des licences et de certificats d’État est un secteur particu-lièrement atteint par la corruption. Par exemple, entre 2003-2005 deuxdirecteurs du Centre de délivrance de licences auraient été emprisonnésdans la ville d’Ivanovo. Les deux utilisaient la même combine, à en savoir,étant directeurs du Centre, ils n’acceptaient pas les dossiers des entrepre-neurs qui n’avaient pas au préalable consulté un cabinet privé, dirigé par desmembres de leur famille. Le prix de cette consultation s’élevait à 1000 USD.

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Un petit fabricant de pièces détachées en caoutchouc, basé dans la ville deIaroslavl’, a raconté qu’au moment où il avait voulu certifier sa production,pour obtenir un certificat de qualité d’État, les fonctionnaires, chargés detester les produits, avant même de voir le résultat des tests ont tout de suiteexigé un pot-de-vin d’un fort montant. (16)

Les entrepreneurs qui ont des missions de transports dans le cadre de leuractivité sont confrontés à la corruption des agents de la Police routière. Lesentreprises de transport refusent d’aller dans certaines régions, comme parexemple, la région de Moscou, parce que pratiquement à chaque poste depolice il faut payer. Comme l’a expliqué un entrepreneur individuel de Vâz-niki, qui transporte lui-même ses marchandises, le conducteur d’un camion quiest arrêté par les policiers au lieu de monter ses papiers, leur donne un billet de50 roubles. À ceux qui refusent de payer, les policiers proposent de se garersur un parking payant et de les suivre au commissariat où ils finiront bien partrouver un défaut. (25) C’est pourquoi certains hommes d’affaires ont toutsimplement peur de l’État et préfèrent minimiser leurs contacts avec lesfonctionnaires. Tel est l’entrepreneur de Nižnij Novgorod, qui a préféré fer-mer son bureau avant l’heure et partir, uniquement parce qu’il avait étéaverti de l’arrivée de l’Inspection de la prévention des incendies pour con-trôler le complexe où se trouve son siège. (23)

Il n’est pas étonnant que dans ces conditions une bonne partie de la classeentrepreneuriale confonde l’État et ses fonctionnaires. Comme nous a affirméVâčeslav, propriétaire-dirigeant d’une petite entreprise à Nižnij Novgorod,pour lui « l’État, c’est des gens concrets qui ont des intérêts concrets, ou bienune structure qui fait passer ses lois… Bref, ce sont des intérêts concrets degens concrets ». (20) Certains entrepreneurs pensent que la corruption pos-sède également des côtés positifs. Leur raisonnement est à peu près le suivant :il est impossible de respecter toutes les normes imposées par l’État, puisquenon seulement elles sont constamment modifiées, mais leur respect peutcauser des pertes matérielles à l’entrepreneur (comme par exemple, la prohi-bition de l’Inspection anti-incendie de mettre des grilles sur les fenêtres,mais l’entreprise qui n’en met pas risque de se faire voler son équipement).Or, il a toujours une possibilité de s’arranger avec les fonctionnaires concer-nés. C’est pourquoi certains entrepreneurs préfèrent parler en termes de« remerciement » des fonctionnaires et non pas versement de pots-de-vin,voire pensent que l’ordre de chose existant est tout à fait naturel.

Voici comment a répondu un entrepreneur à la question de savoir s’il luiest déjà arrivé de remercier les fonctionnaires : « Oui, bien sûr. C’est normal.Si l’on veut s’adresser à un fonctionnaire demain, on doit lui offrir quelquechose aujourd’hui. […] Il faut remercier les gens. Un fonctionnaire peut traî-ner un dossier deux semaines, mais il peut aussi le faire passer demain. Je

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pense qu’il est normal que je remercie celui qui a fait quelque chose pour moi.Et ce n’est pas humiliant pour moi. » (21) On remarque bien que l’entrepre-neur russe n’a pas une conscience claire qu’un fonctionnaire est avant tout unserviteur d’État et qu’il lui doit, de par sa profession, certains services qu’ilessaie parfois de lui vendre.

L’État ne remplit pas ses fonctions

La non-exécution par l’État de l’ensemble de ses fonctions est une autre desraisons pour l’apparition de barrières administratives. Plusieurs entrepre-neurs que nous avons interviewés ont remarqué que l’État russe privilégiecertaines fonctions, généralement les plus rentables (collecte d’impôts, con-trôles etc.) au détriment des autres. Par exemple, Anatolij (13) se plaint dufait que ses rapports avec l’État sont à sens unique. En parlant de son café-bar, il raconte qu’il lui arrive d’avoir des clients qui viennent en état d’ébriété,cassent la vaisselle et insultent le personnel. Par expérience, Anatolij saitqu’il ne sert à rien d’appeler la police dans cette situation, car de toute façonelle ne fera rien, même si, par miracle, elle vient. Il est donc obligé de recou-rir à des structures mafieuses semi légales.

L’État ne protège pas les entrepreneurs de la toute-puissance des fonc-tionnaires. C’est là encore une autre de ses fonctions qu’il ne remplit pas ouremplit mal. C’est la conclusion à laquelle est arrivé un entrepreneur et parailleurs, un député du Conseil municipal de la ville de Šuâ. (22) Enfin, l’Étatne tient pas toujours ses promesses et essaie parfois d’abuser des entrepre-neurs trop confiants en leur faisant remplir des fonctions qui sont normale-ment les siennes. C’est ainsi qu’un entrepreneur dirigeant d’une entreprisede transport urbain, a raconté bien des déboires. (14) En Russie, certainescatégories de passagers, les retraités par exemple, bénéficient des transportsurbains gratuits en vertu d’une loi fédérale. La municipalité doit rembourseraux compagnies de transport privées, selon un indice établi, les pertes quileur sont causées par ces passagers. Or, dans le cas cité le maire a distribuéaux entrepreneurs des coupons « échangeables contre de l’argent », mais cetéchange n’a jamais eu lieu. L’entrepreneur en question a dû régler cetteaffaire par la voie de justice. Un autre exemple d’abus à l’égard des entrepre-neurs vient de la même ville. Le directeur de l’antenne municipale de« Elektroset’ », équivalent de l’EDF, exigeait de ceux qui construisaient unnouveau bâtiment d’installer à leur frais des équipements électriques coû-teux, qu’ils devaient par la suite offrir à la ville. Par cette démarche le direc-teur essayait tout simplement de rénover l’infrastructure électrique de laville. (27)

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Compte tenu de ce qui a été dit, on comprend mieux pourquoi les entre-preneurs russes adoptent, dans leur majorité, une attitude négative ou, pourle moins, méfiante vis-à-vis de l’État. Voici quelques citations d’entrepre-neurs à propos de ce dernier :

« Je n’attends absolument rien de l’État et ne me fais aucune illusion. […]La principale fonction de l’État russe est d’empêcher les gens de travailler. »(12)

« Lorsque l’État dit qu’il facilitera tel ou tel côté de la vie des PME, il fauts’attendre au contraire à un durcissement. » (16)

« Les fonctionnaires russes… tout développement les rend jaloux. Monattitude envers l’État est négative. Je devrais respecter le pouvoir, mais je nele respecte pas. » (16)

PROBLÈMES LIÉS AUX FINANCES

Pratiquement dans tous les pays les petites entreprises, dotées d’un capitalrelativement faible et souvent dépourvues de réputation commerciale éta-blie, se heurtent à des contraintes de liquidité pour compléter leurs fondsd’investissement et de roulement ou encore, dans le cas d’entreprises nais-santes, pour constituer leur capital de départ. Dans la plupart des pays dévelop-pés ces difficultés sont résolues par le biais de crédits à faible taux d’intérêtsaccordé aux petits entrepreneurs par des banques et des fonds, créés spécia-lement pour le développement du petits entrepreneuriat, aussi bien que pard’autres structures financières. Or, en Russie des années 1990 le système ban-caire était en crise et les banques russes négligeaient la délivrance de crédits auxpetites entreprises. Les quelques rares banques étrangères, comme la BanqueMondiale ou la Banque Européenne pour la reconstruction et le développe-ment, qui travaillaient avec les petits entrepreneurs, n’arrivaient pas à satis-faire la demande de crédits de la part de ces derniers. Ainsi, souvent lesentrepreneurs débutants demandaient-ils des prêts privés au lieu de créditscommerciaux, afin de constituer le capital de démarrage. Plusieurs personnesde notre échantillon ont été financièrement aidées par leurs amis et entre-preneurs au tout début de leur activité. Plus tard, ces entrepreneurs une foisleur position dans les affaires consolidée, à leur tour accordaient des prêtsaux autres. Cette entraide entrepreneuriale (des prêts entre entrepreneursqui se connaissent et se font confiance) jouait et joue toujours un rôle impor-tant en Russie.

En même temps depuis quelques années, les banques russes ont com-mencé à « bouger », et le crédit commercial pour une petite entreprise a cesséd’être quelque chose d’exotique. Or, ceux qui ont pu en profiter remarquent

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son taux d’intérêt élevé et la complexité des démarches pour l’obtenir. Lesintérêts annuels varient entre 19 et 34 %, ce qui reste encore très cher pourla plupart des entrepreneurs. Sauf peut-être les commerçants, qui ne sont pasdissuadés par ce taux, car le commerce est une activité à forte rentabilité enRussie. Un vendeur de vêtements ou de chaussures peut réaliser de 50 à 100 %de bénéfices sur le capital investi par mois. (19)

En même temps, le taux d’intérêt élevé est le résultat de la politique despouvoirs locaux et de la procédure compliquée d’octroi du crédit. Voici ceque raconte à ce sujet un entrepreneur de la ville de Šuâ : « La Banque Cen-trale de la Russie est sur la bonne voie, puisqu’elle diminue constamment letaux bancaire. Disons qu’aujourd’hui c’est 13 %, la banque, qui donne l’argent,accorde ce crédit à 16 %. […] Enfin, par exemple, un petit entrepreneurprend 100 000 RUR, il doit les assurer, et on exige de lui une assurance de lacompagnie « Gosstrah ». Assurer cette somme coûte 3 000 RUR. Alors onles ajoute à 16 000 d’intérêts et cela donne 19 000 RUR. L’entrepreneur paieencore 1,5 % au notaire et on arrive alors à 20,5 %. Et après arrive le plusintéressant. Il doit se faire enregistré au Département de la Justice de sa ville.Le cachet de ce département coûte pour une personne physique 300 RUR etpour une personne morale le même service monte à 8 000 RUR. Ce serviceest entièrement entre les mains du pouvoir local. Donc, en fin de compte onarrive à 20,5 + 8 = 28,5 % ! » (19) On voit bien, donc, comment l’effort ducentre fédéral est réduit à zéro par la politique des pouvoirs locaux.

PROBLÈMES LIÉS AUX RESSOURCES HUMAINES

Un manque du personnel qualifié et motivé

La plupart des entrepreneurs de notre échantillon ont rencontré à un momentou à un autre des problèmes avec leurs personnels. Le plus souvent il s’agit dumanque de spécialistes qualifiés, surtout dans les petites villes de province. Lasituation actuelle y est telle que les meilleurs s’en vont à Moscou ou dans lescentres régionaux. La main-d’œuvre qui reste non seulement ne possède pasde qualification demandée, mais est aussi peu motivée pour le travail. C’estsurtout caractéristique de la jeune génération. Plusieurs personnes inter-viewées constatent que les jeunes Russes de province sont peu disposés àfaire des efforts pour réussir leur carrière, et pour progresser en tant que per-sonnalité. Les entrepreneurs déplorent que les stimuli classiques, commel’amélioration des conditions de travail, la création d’un climat propice à laréalisation de soi, ou des primes salariales pour des objectifs réalisés, ne mar-chent pas. Il n’est pas rare que les jeunes adoptent le raisonnement suivant :

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il vaut mieux ne pas travailler du tout, plutôt que de travailler pour un salairefixe qu’ils jugent petit. Cette situation peut se comprendre puisqu’au coursdes années des réformes beaucoup de gens, y compris parmi les parents de cesjeunes, ont perdu leur travail et sont restés au chômage pendant une périodeprolongée. Ils se sont habitués à toucher une petite allocation et à gagnerponctuellement un peu d’argent au noir. Le principal réflexe est devenu nonpas de chercher un moyen de sortir de cette situation, mais de limiter lesdépenses. En plus, entre 1991-1997 ils ne désiraient même pas de retrouverun emploi, puisque les salaires de ceux qui travaillaient étaient souvent ver-sés avec un retard de plusieurs mois, sinon années. En outre, l’abondanced’offres d’emplois dans certains métiers (vendeur, caissière) fait que les gensn’ont pas peur de perdre leur travail. Ils sont persuadés qu’au moment où ilsse retrouveront dans la rue, il leur sera facile d’en trouver un autre.

La qualification insuffisante du personnel est un sujet de plainte courantdes petits entrepreneurs. Parfois, c’est la cause d’accidents professionnels. Àtitre d’anecdote, un chef d’entreprise nous a rapporté que lors de la construc-tion d’un garage son opérateur de grue a renversé l’engin devant lui. Aprèsquoi l’ouvrier a fait remarquer d’un ton parfaitement tranquille et sérieuxque ce n’était rien, parce qu’il avait vu des choses plus graves encore. (14)Plusieurs entrepreneurs se plaignent du manque crucial de managers quali-fiés, capables de gérer une filiale d’entreprise. Ils se disent prêts à investirdans l’extension géographique ou/et dans la diversification de leurs affaires,mais sont limités dans leur développement. Souvent les managers qui tra-vaillent pour eux présentent des ambitions démesurées par rapport à leurssavoir-faire.

Une discipline de travail mise à mal par l’alcoolisme et le vol

Le vol financier demeure assez fréquent dans les entreprises russes. Les entre-preneurs remarquent que le personnel à qui ils peuvent faire entièrementconfiance est très rare. Le plus souvent le problème du vol financier con-cerne ceux qui travaillent avec de l’argent liquide. Dans les commerces, cesont les caissières, dans les entreprises de transports urbains ce sont les ven-deurs de tickets dans les bus et dans d’autres entreprises – les comptables.Ainsi, certains entrepreneurs russes préfèrent-ils se séparer de l’ancien chefcomptable en cas de reprise d’entreprises. (18) Il existe d’autres formes devol. Par exemple, les directeurs des entreprises industrielles surveillent deprès leurs ouvriers, qui peuvent utiliser l’outillage et l’équipement de l’entre-prise pour réaliser pendant la journée de travail des commandes acceptées àtitre privé.

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L’alcoolisme est un deuxième fléau qui sévit parmi le personnel non qua-lifié. Une entrepreneure affirme qu’environ deux tiers de son personnel nonqualifié travaillent au noir. Tout simplement ce contingent spécifique alternedeux jours de travail et trois jours d’ivrognerie. Et ceux qui peuvent les rem-placer ne sont guère meilleurs. (18) Certains entrepreneurs, afin d’éviter lesaccidents de travail, dus à l’alcoolisme, sont contraints d’accorder à leursouvriers de « petites vacances » en période de fêtes importantes, telles que leNouvel An ou Pâques. Ils estiment qu’il vaut mieux laisser les ouvriers boireet dessoûler après, plutôt que les laisser venir au travail en état d’ébriété. (12)

Difficulté de trouver des associés honnêtes

Travailler avec un associé dans le cadre d’une petite entreprise est déjà unechose difficile. Beaucoup d’entrepreneurs sont très réticents à l’idée même departager le pouvoir de décision avec quelqu’un. En plus il serait difficiled’accorder une confiance illimitée à autrui pour des raisons liées à la psycho-logie humaine. Selon les entrepreneurs, la principale cause de l’échec d’uneaffaire à plusieurs est la suivante : avec le temps l’un des associés commenceà penser que l’autre travaille moins, mais gagne plus. Comme démontrel’expérience, même une entreprise familiale n’est pas à l’abri de ce genre deproblèmes. Pourtant, en Russie en absence de crédits bancaires, les entrepre-neurs sont souvent obligés d’associer leurs capitaux et compétences. En plus,étant donnée un faible niveau de la culture des affaires dans ce pays, à celas’ajoute la difficulté de trouver un associé honnête et digne de confiance.Selon certains, en Russie les capitaux extérieurs apportés par des gens peuconnus sont à craindre. Il existe un risque non négligeable de tomber sur uncriminel en quête de blanchiment d’argent. L’entrepreneur peut par la suiteêtre expulsé de son entreprise. (16)

D’autres estiment que même si cette situation reste un cas particulier, lerisque de tomber sur un associé malhonnête demeure élevé. Au mieux, cedernier pourra exploiter les capitaux d’autrui en sa faveur. Un entrepreneurde notre échantillon veut se séparer de ses compagnons, car il pense êtretrompé par eux. Il ne participe pas à la gestion quotidienne du projet, et sesassociés affichent depuis peu de temps des dépenses importantes et « peuobjectives » en aménagement des locaux, ce qui est un signe indirect defraude. (22) Une autre entrepreneure s’est séparée de son ancien associé, puis-que ce dernier cherchait à utiliser son capital, dont il avait besoin, et limitaitsa participation à la gestion de l’entreprise. Sa stratégie était de dire « oui »aux projets qu’elle avançait et de retarder par la suite leur réalisation sousdivers prétextes. (15)

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Enfin, dans le pire des cas, l’associé peut voler l’entrepreneur, comme c’estarrivé à un homme d’affaires de Nižnij Novgorod. Il faisait confiance à sonassocié, qui s’occupait de la comptabilité jusqu’au jour où ce dernier a falsifiésa signature et a disparu avec une grande partie des finances de l’entreprise.Le stress vécu par l’entrepreneur en question, qui est resté seul face aux obli-gations vis-à-vis des clients et du personnel, lui a valu une crise cardiaque.On peut comprendre pourquoi dès lors il a juré de ne plus s’associer avec quique ce soit, son but étant de garder une maîtrise totale de son affaire. (23)

CONCLUSION

Au cours des années passées l’attention des universitaires comme des analys-tes d’État était principalement fixée sur les problèmes d’immatriculation, decertification, de taxation et parfois du manque des crédits aux petites entre-prises. Les commissions d’État étaient préoccupées par le souci de perfection-nement de la législation dans ces domaines. Elles ont réussi à améliorercertains aspects, comme par exemple la taxation. D’autres se sont amélioréspar l’émergence de nouvelles pratiques sur le marché russe. Ainsi, même si lesystème du « guichet unique » n’a jamais vu le jour, aujourd’hui un grand nom-bre de sociétés spécialisées se chargent pour un prix raisonnable d’immatricu-ler les entreprises naissantes, ce qui facilite la vie des entrepreneurs débutants.Or, force est de constater que le gros des reproches est toujours adressé àl’État : législation compliquée et changeante, manque de communication surles nouvelles normes, corruption invincible etc. Les efforts de l’État dans cesdomaines ne sont donc pas suffisants. Cela dit, il faut tenir compte de laprincipale limite de l’étude, qui présente uniquement l’avis des entrepre-neurs. En outre, d’autres défis, qui existaient déjà par le passé, sont passésaujourd’hui au premier plan. Les problèmes liés aux personnels embauchés età la recherche d’associés honnêtes, qui débouche finalement sur le problèmede l’éthique des affaires, se posent de façon aiguë et constituent d’autres obs-tacles au développement du petit entrepreneuriat privé en Russie.

BIBLIOGRAPHIE

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Tacis Projetc SMERUSSS9501 1998, « Zakonodatel’noe regulirovanie razvitiâ malogo pre-dprinimatel’stva », Moscou.

INTERVIEWS

Interview avec Elena L., propriétaire-directrice du magasin de cadeaux « Salon », réaliséeen juillet 2005 à Nižnij Novgorod.

Interview avec Irina B., co-directrice de la chaîne de magasins d’alimentation « Russkijčaj », réalisée en juin 2005 à Šuâ.

Interview avec rij F., co-directeur de l’entreprise « Palehskij ikonostas », réalisée en juin2004 à Paleh.

Interview avec Anatolij P., directeur de l’entreprise d’alimentation « Kušat’ podano », réa-lisée en juin 2004 à Šuâ.

Interview avec rij T, co-directeur de l’entreprise de transport urbain, réalisée en juillet2004 à Šuâ.

Interview avec Olga M., ancienne co-directrice de l’entreprise de production de meubles,réalisée en août 2004 à Nižnij Novgorod.

Interview avec Nikolaj K., co-directeur d’une entreprise de fabrication de pièces détachées,réalisée à Āroslavl’ en août 2004.

Interview avec Vladimir., directeur de l’entreprise «Šuâ – konsul’tant », réalisée en juillet2004 à Šuâ.

Interview avec Marina Z., directrice d’une entreprise de production de conserve, réaliséeen août 2004 à Šuâ

Interview avec Vladimir K., directeur d’une entreprise de BTP, réalisée en juin 2005 à Šuâ.

Interview avec Vâčeslav B., directeur de l’entreprise « Bogger », réalisée en juin 2005 àNižnij Novgorod.

Interview avec Vadim P., directeur de l’entreprise « Taxi- Šuâ», réalisée en juillet 2005 à Šuâ.

Interview avec Pavel D., directeur de l’entreprise « Sotovaâ svâz’ – Bee Line », réalisée enjuin 2005 à Šuâ.

Interview avec Alexandre P., directeur d’une entreprise de vente d’équipement médical,réalisée en juin 2004 à Nižnij Novgorod.

Interview avec Larisa P., commerçant de fourrure, réalisée en juin 2003 à Šuâ.

Interview avec Viktor S., commerçant de viande, réalisé en juillet 2003 à Vâzniki.

Interview avec Andrej L., co-directeur de l’entreprise « Ul’tra », réalisée en juillet 2005 àNižnij Novgorod.

Interview avec Galina T., directrice de la chaîne de pharmacies « èhinaceâ », réalisée enjuillet 2005 à Šuâ.

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