les finances des communes d outre mer

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Ville de Fort de France juin 2008 Conférence des Maires des Villes Capitales d’Outre mer, L L L E E E S S S F F F I I I N N N A A A N N N C C C E E E S S S D D D E E E S S S C C C O O O M M M M M M U U U N N N E E E S S S D D D O O O U U U T T T R R R E E E M M M E E E R R R & & & L L L E E E S S S C C C O O O N N N T T T R R R A A A I I I N N N T T T E E E S S S S S S P P P E E E C C C I I I F F F I I I Q Q Q U U U E E E S S S A A A U U U X X X V V V I I I L L L L L L E E E S S S C C C A A A P P P I I I T T T A A A L L L E E E S S S Fort-de-France, le 6 juin 2008

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Problématique des villes capitales d'outre mer

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Page 1: Les Finances Des Communes D Outre Mer

Ville de Fort de France juin 2008

Conférence des Maires des Villes Capitales d’Outre mer,

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Fort-de-France, le 6 juin 2008

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Ville de Fort de France juin 2008

SOMMAIRE

Exposé des motifs ........................................................................................................................................................................................... 3

Introduction ................................................................................................................................................................................................... 4

2.1 La fragilité financière des communes d’outre-mer ................................................................................................................................ 5

Les charges additionnelles .......................................................................................................................................................................................... 5

Structure des recettes des communes d’outre mer ................................................................................................................................................ 11

Comparaison avec les communes de l’hexagone .................................................................................................................................................... 12

2.2 La Cour des Comptes met en garde contre le risque d’une subordination des communes ............................................................... 14

2.3 La situation des collectivités régionales et départementales ................................................................................................................ 15

2.4. La crise financière des villes capitales ................................................................................................................................................. 19 La prise en compte des charges de centralité au plan national ...................................................................................................................................................... 19 Les caractéristiques des charges de centralité outremer ................................................................................................................................................................ 21

Bibliographie................................................................................................................................................................................................ 24

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Exposé des motifs

Le projet de loi d’orientation pour l’outre mer élude les difficultés financières rencontrées par de nombreuses villes d’outre-mer. Au motif de rigueur budgétaire, cette question est occultée.

Cependant, la crise des finances communales se diffuse dans l’économie et, par conséquent, réduit l’impact des réponses proposées pour le développement des départements d’outre-mer.

La présente contribution rappelle la persistance des contraintes financières des communes, celles des capitales en particulier.

Un renforcement des finances communales s’impose pour améliorer l’efficacité des mesures de consolidation du secteur privé, tout en favorisant une meilleure cohésion sociale.

Dans ce contexte de crise économique et de raréfaction financière, les villes capitales, plus particulièrement mises à l’index pour la détérioration de leur situation financière, connaissent des difficultés qui résultent tant du poids de l’histoire que des lourdes charges de centralité qu’elles supportent.

Aujourd’hui, il est urgent de rétablir la vérité et de poser le véritable débat qui est celui d’une structure de financement déficitaire pour les Villes Capitales d’Outre-mer, qui ne leur permet pas de remplir leur mission de service public, de répondre aux besoins de leur population, d’assumer un rôle moteur dans la vie économique et culturelle de leur région.

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Introduction

• Les collectivités d’outre mer connaissent des situations financières souvent dégradées. Les chiffres sont éloquents. Alors que dans l’hexagone, en moyenne, moins de 1% des collectivités soumises au contrôle des chambres régionales des comptes font l’objet d’un plan de redressement, ces chiffres sont respectivement1 de 41% en Guadeloupe, 18 % en Guyane et 6% en Martinique, et concernent essentiellement les communes. Plus loin, sera abordé le cas particulier des communes de l’Ile de la Réunion.

• La Loi de programme de 2003 prévoyait d’élaborer des mesures ayant pour objectif de renforcer les capacités financières des collectivités territoriales, en adaptant les modes de calcul de leurs dotations aux spécificités de l’outre mer :

« Dans une logique de reconnaissance de la diversité de situation de ces collectivités et de nécessité de mettre en œuvre des dispositions spécifiques qui tiennent compte de leurs caractères propres, le principe de règles particulières mieux adaptées à l’outre-mer est affirmé. Le Gouvernement définira les conditions d’application de ce principe et en fera rapport au Parlement dans les deux ans qui suivront la promulgation de la loi programme » (article. 47).

• La Loi de finances pour 2005 en réformant la DGF au plan national, a permis d’augmenter sensiblement les dotations de l’Etat pour les communes d’outre mer connaissant une forte croissance démographique ou ayant une grande superficie. Cependant, compte tenu d’un financement déficitaire de manière structurelle, une réforme ambitieuse des dotations de l’Etat pour les communes d’outre mer est nécessaire.

• Par ailleurs, a été avancée l’idée d'instaurer pour les collectivités locales d’outremer un mode de financement pérenne qui ne repose pas uniquement sur la solidarité nationale :

« Nos départements d'outre-mer, et leur population, dans la mesure de leurs facultés contributives, doivent être les premiers à montrer leur volonté d'assainir durablement la situation des finances locales. Cet effort passe, en particulier, par une amélioration du rendement du système fiscal actuel et par l'acceptation de nouvelles contributions. » (Rapport Lise-Tamaya, 1999).

• La présente contribution dresse un état des lieux des finances communales, aborde la question du risque de subordination des communes du fait de leur faible autonomie financière et analyse la situation critique des budgets des villes capitales.

1 Source : Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Martinique-Guyane, 2006.

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2.1 La fragilité financière des communes d’outre-me r

Les charges additionnelles Les frais de personnel

• Les dépenses des communes d’outre mer se caractérisent par des frais de personnel élevés, comparativement à l’hexagone. Officiellement, ils représentent 59% des charges de fonctionnement des communes de plus de 10 000 habitants2, contre 55% pour leurs équivalentes hexagonales.

• Mais les chiffres fournis par les préfectures sont largement sous estimés, puisqu’ils ne prennent pas en compte l’ensemble du personnel rémunéré par les communes (notamment les agents des caisses des écoles, des CCAS…).

• En ce qui concerne le personnel en sureffectif, en Guadeloupe, par exemple, il s’évalue en moyenne à 30%3 des emplois. . • Il y a lieu de souligner le cas particulier des capitales, où, de par les charges de centralité, les frais de personnel sont en moyenne

nettement plus élevés et représentent, à titre d’illustration, plus de 68% des charges de fonctionnement de la Ville de Basse-Terre.

• Pour mieux appréhender la pression à l’embauche qui s’exerce sur les communes d’outre mer, outre la faiblesse de l’emploi privé, il doit aussi être tenu compte de la plus faible contribution de la fonction publique d’Etat à l’offre d’emplois : « L’analyse des effectifs montre un sous-effectif dans les administrations d’Etat alors même que les problèmes à gérer sont beaucoup plus lourds qu’en métropole »(Fragonard, 1999).

• Ainsi, selon l’INSEE4, en Martinique l’Etat offre 3000 emplois en moins. • A l’inverse, les collectivités locales (principalement les communes) offrent 4000 emplois en plus5.

Il en résulte que, globalement, le nombre d’emplois publics rapportés à la population totale demeure proche de celui constaté dans l’hexagone (12% contre 12,5% en Martinique)6. A cet égard, il importe de rappeler que c’est l’importance du chômage qui donne à l’emploi dans la fonction publique un poids deux fois plus élevé que dans l’hexagone7.

2 Observatoire des finances locales, 2006 3 (Laffineur, 2003). 4 « Comptes économiques rapides pour l’outre mer, L’économie martiniquaise au passage de 2000 : une trajectoire vertueuse ? » INSEE, AFD, IEDOM, Juin 2005 5Certes des compétences supplémentaires ont été transférées par l’Etat aux Conseils régionaux et généraux des DOM, mais ceci n’explique pas un tel décalage

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• De sorte, la fragilité des finances des communes d’outre mer a souvent été expliquée par des charges de personnel exorbitantes

liées à une « mauvaise gestion » des maires -tolérée par l’Etat du fait de la pression du chômage- et au surcoût des « compléments de rémunération » versés au personnel titulaire.

Les compléments de rémunération

• « Les sur-rémunérations entraînent un niveau de dépenses de personnel très élevé, dépenses qui sont à l'origine de la situation financière préoccupante des collectivités territoriales d'outre-mer » (Laffineur, 2003).

• Est ainsi avancée l’idée de réduire progressivement les compléments de rémunération, jusqu’à ce qu’ils atteignent le différentiel du coût de la vie avec l’hexagone. Afin d’éviter les effets déflationnistes de cette mesure, les économies réalisées doivent être investies dans des actions économiques ou sociales (Mossé, 1999)8.

• Or, une réforme, même graduelle, du système des « sur-rémunérations » s’est toujours heurtée à des fortes résistances : • « Des gouvernements de tous bords ont exprimé des velléités de réformes. Aucune n’a pu être menée à bout. D’une part, sans

doute, parce qu’il n’est pas si évident qu’un tel système soit sans avantage pour des départements où le revenu par habitant demeure, 60 ans après la promulgation de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, en moyenne inférieur de plus du tiers à la moyenne métropolitaine9. D’autre part, parce qu’on voit mal pourquoi la remise en cause d’avantages acquis serait plus aisée à mettre en œuvre, ici, qu’ailleurs » (Philippe Seguin, Président de la Cour des comptes, Pointe à Pitre, 2006).

• A la lumière de ce qui précède, aborder les difficultés financières des communes sous le seul prisme des sur-rémunérations a conduit à un immobilisme durant des décennies.

• De plus, il n’était pas légitime pour les communes de revendiquer des ressources supplémentaires, tout en défendant le maintien des sur-rémunérations qui selon certains observateurs relèveraient « d’avantages injustifiés » qui seraient la cause de leurs difficultés financières et « qui devraient être supprimées dans un but de solidarité nationale et afin de lutter contre le chômage et l'exclusion » (Mossé, 1999).

• La menace d’une réforme des compléments de rémunération, telle une « épée de Damoclès », a souvent été suffisante pour taire toute revendication des communes en termes de recettes supplémentaires.

6 La Martinique en 2005, IEDOM, 2006

7La fonction publique concentre 44% de l’emploi salarié dans les dans les DOM contre 24% dans l’hexagone (IEDOM, 2006) 8 D’une façon générale, tous les économistes affirment qu’en cas de baisse du taux des compléments de rémunération, il est nécessaire de maintenir les mêmes flux financiers vers les DOM (Cf, Etude INSEE 1996). 9 Le PIB des DOM est inférieur de 45% à la moyenne nationale (INSEE, 2008).

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• Cette situation est d’autant plus paradoxale, que, nous le verrons plus loin, les compléments de rémunération n’expliquent pas seuls les difficultés des communes.

• Rompre avec l’immobilisme, tel semble le mot d’ordre du rapport présenté à la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, par Jean Pierre Brard en mars 2007.

• On note aussi une rupture de style, les compléments de rémunérations ne sont plus stigmatisés. Le champ des critiques porte désormais sur le coût de la vie outre mer. Dès lors, ce sont les marges excessives des commerçants qui deviennent la cible des critiques les plus vives :

• « Mettre sous les projecteurs les marges injustifiées dans le commerce doit permettre de baisser les prix outre-mer. Dès lors, et sur la base du maintien du pouvoir d'achat des fonctionnaires, il est possible d'imaginer une baisse des coefficients de majoration des traitements. Ce dispositif n'aurait que des avantages : outre le maintien du pouvoir d'achat du secteur public, il permettrait de faire progresser significativement le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes ».

• Autrement dit, le problème complexe de la réforme des compléments de rémunérations trouverait un règlement simple à travers un nouveau dispositif qui « n’aurait que des avantages » et dont la seule difficulté serait de mesurer les différentiels de prix avec l’hexagone.

• Pour cela, Jean Pierre Brard propose la mise en place dans chaque région d’outremer d’un observatoire des prix afin de faire évoluer le niveau du complément de rémunération en prenant en compte le différentiel de prix avec l’hexagone.

• De cette logique, on croit percevoir quelques signes avant-coureurs : baisse des tarifs des compagnie aériennes, baisse des prix des médicaments … pour diminuer les différentiels de prix avec l’hexagone, et, in fine, faire baisser d’autant les compléments de rémunération?

o On peut encore citer le Décret No 2007-662 du 2 mai 2007 instituant un Observatoire des Prix et des Revenus dans chaque DOM10.

• S’il parait légitime de rechercher, d’une part, à limiter des abus liés aux monopoles, et, d’autre part, à augmenter le pouvoir d’achat des revenus les plus modestes11, en réformant le système des compléments de rémunération, il est à craindre, comme l’écrivait en introduction de son rapport, Jean- Pierre Brard, marquant de la sorte une rupture de style avec les rapports précédents, que « la recherche d'économies budgétaires, combinée à la méconnaissance des spécificités ultramarines (…) ne conduise un jour l'État à prendre des décisions hasardeuses ».

• Pour autant, au delà de la question d’indexation des compléments de rémunération sur le différentiel de prix avec l’hexagone, le problème crucial auquel sont directement confrontées les collectivités d’outre mer, et les communes en particulier compte tenu des sureffectifs, est celui du financement de cette prime de vie chère.

10 Cet Observatoire comprend : des représentants de l’Etat, des chambres consulaires, des syndicats, les parlementaires, les PDT du CG et CR. 11 Dans le prolongement des mesures qui ont conduit à l’alignement des bas salaires sur ceux de l’hexagone,

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• Or, trop souvent, il a été considéré qu’une baisse des compléments de rémunération allait mécaniquement régler le problème des finances communales. Si mathématiquement, cette baisse doit alléger les charges communales, la réalité est plus complexe que ce seul point de vue comptable.

• Ainsi, à l’Ile de la Réunion où le taux des sur-rémunérations est de 53%, les communes ne connaissent pas les graves difficultés de celles de Guadeloupe où ce taux est fixé à 40%. Ce paradoxe s’explique en grande partie par le fait que les communes réunionnaises n’emploient que 20% de titulaires, alors qu’en Guadeloupe ce chiffre dépasse 92%12.

• En définitive, c’est la très grande précarité du personnel qui permet aux communes réunionnaises de supporter le poids des sur-rémunérations

• Paradoxalement, le niveau dissuasif des sur-rémunérations a probablement permis aux communes de la Réunion d’avoir un budget beaucoup plus équilibré que ceux des DFA, tout en assurant ce rôle de « buvard social » dont il est à démontrer qu’il a moins de vertu qu’une « bonne gestion » dans une région où le taux de chômage avoisinait 40% à la fin des années 90.

• Si une régulation s’opère entre le taux des compléments de rémunération, et la proportion de titulaires, la même régulation s’opère entre la proportion de cadres A et B, d’une part, et de cadres C, d’autre part, pour permettre aux communes de supporter le poids des sur-rémunérations.

• Ce sont donc les communes et le personnel (et au final le service rendu à la population) qui supportent seuls le prix de ces mesures imposées par l’Etat.

• La comparaison entre la Réunion et la Guadeloupe montre bien que le niveau des sur-rémunérations, sur lequel se concentrent les débats, n’est pas l’élément essentiel sur lequel agir pour résoudre les difficultés financières des communes.

� Abaisser le niveau des sur-rémunérations permettra à l’Etat, dans une logique comptable de réduire ses dépenses

de personnel, estimées à 1 milliard d’euros par an (Mossé, 1999). Dans le même temps, il importe de souligner que tout changement provoquera des déséquilibres et que la recherche de nouveaux équilibres entraînera de nouveaux coûts financiers mais aussi économiques et sociaux dans un contexte d’exclusion du marché du travail à grande échelle.

� A cet égard, les simulations d’une conséquence de la baisse ou de la suppression des compléments de rémunération se basent pour la plupart sur une étude réalisée par l’Insee13 à l’Ile de la Réunion. Celle-ci indique les conséquences néfastes de la suppression ou de la baisse des compléments de rémunération sur l’économie et l’emploi si ne sont pas proposées des solutions alternatives pour parvenir à de nouveaux équilibres, lesquels demeurent théoriques et conditionnés au maintien des mêmes flux financiers de l’Etat

12 La Guadeloupe a connu une vague de titularisation massive dans les collectivité territoriales à la fin des années 90, le taux de titulaires est passé de 55% en 1998 à 85% en 2001 pour dépasser 92% en 2007 (in Brard, 2007). 13 « Effet des sur-rémunérations des agents des administrations sur l'économie de la Réunion » INSEE, Denis COGNEAU et coll. , 1998

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vers les DOM. Il convient de préciser aussi, que cette étude se base uniquement sur des données relatives à l’île de la Réunion, qui est un Département atypique à plus d’un titre. Et où, par exemple, de nombreux bénéficiaires de la prime de vie chère sont des ménages « Expatriés » dont une part importante de l’épargne, générée par la prime de vie chère, repart déjà dans l’hexagone. Du point de vue de l’épargne, la suppression de la prime n’aura donc pas les mêmes conséquences dans les DFA qu’à l’Ile de la Réunion.

� Finalement, le Rapport d’Eliane Mossé14 qui s’est beaucoup appuyée sur cette étude de l’INSEE, à la fin du chapitre sur les compléments de rémunération propose encore une autre alternative : « La suppression ou la réduction de l'avantage relatif à l'impôt sur le revenu pourrait constituer une alternative qui éviterait de modifier le système des sur-rémunérations, tout en en limitant certaines conséquences négatives et en permettant de dégager une ressource budgétaire (de l’ordre de 1,1 Md de Francs en 1998) pouvant être affectée au développement».

� Pourquoi proposer de tels bouleversements avec des incidences économiques et sociales aléatoires dans des régions fragilisées, pour finalement n’aboutir, dans le meilleur des cas, qu’à un jeu à somme nulle pour l’Etat dont une des priorités principales est de réduire ses dépenses ?

o Signalons encore que dans le dispositif proposé par J. P Brard en 2007, et qui n’aurait « que des avantages », a, de manière inquiétante, disparu l’idée de maintenir les mêmes flux financiers de l’Etat vers les DOM pour soutenir leur développement. Quel serait dès lors l’impact d’une réduction des transferts de l’Etat vers les DOM, où seuls 25% des foyers disposent de revenus annuels imposables supérieurs à 7500 euros15 et dont le PIB est près de moitié inférieur à la moyenne nationale ?

• Jean-Pierre Brard propose quelques mesures d’accompagnement pour les collectivités locales : « Les conditions de mise en œuvre des majorations de traitement pour les agents titulaires ne relevant pas d'une décision des collectivités territoriales des DOM, la solidarité nationale doit prendre en charge une partie des surcoûts de dépenses de personnel supportées par elles. Pour éviter tout effet pervers, cette majoration des dotations serait conditionnée par la signature d'un pacte pluriannuel avec les représentants de l'État planifiant les perspectives de recrutement et la valorisation des carrières des agents en poste».(Brard, 2007)

• Des mesures de renforcement des finances communales, on ne perçoit aucun signe avant-coureur16. o Dans le projet de Loi de programme pour le développement de l’Outre Mer présenté en mars 2008, la question des

ressources des collectivités locales qui avait été, au moins dans l’affichage, une priorité de la Loi programme pour

14 Quel développement économique pour les DOM ?, 1999 15 IEDOM, 2006 16Par ailleurs, J.P Brard en mars 2007 notait déjà que : « La dernière circulaire de la direction générale des collectivités locales, relative à la répartition de la dotation globale de fonctionnement des communes, en date du 13 février 2007, ne prévoit aucune disposition tenant compte de la charge financière pour les communes d'outre-mer du financement des compléments de rémunération pour leurs agents ».

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l’Outre mer de 2003, est quasiment absente. Seul est prévu un Fonds d’investissements pour les équipements structurants des collectivités locales (article 13) dont le mode de financement est aléatoire, ainsi que soulignait l’avis émis par le Conseil Economique et Social sur ce projet de loi17.

• Or, il serait légitime que l’Etat majore ses dotations aux communes pour les accompagner dans l’effort financier qu’elles

supportent seules depuis des décennies. Ces majorations ne devraient pas être assujetties à une baisse des compléments de rémunération qui conduit systématiquement à l’immobilisme.

• Le coût d’une telle mesure serait largement compensé par les bénéfices en termes de retombées économiques et sociales. En

raison de leurs charges de personnels élevées, les communes ne peuvent consacrer qu'un budget limité en faveur de l'investissement. La faiblesse de l'investissement public local fragilise les économies d'outre-mer où l'investissement privé est déjà moins élevé que dans l’hexagone. De plus les délais de paiement au secteur privé sont particulièrement élevés18. En allégeant leurs charges, il s’agit de redonner des marges de manœuvres aux communes dont la situation financière freine l’activité économique.

Autres charges de fonctionnement additionnelles

• Au regard du faible taux d’encadrement des communes, les besoins en ingénierie, conseils, sont importants. Ces coûts sont augmentés par le recours à des cabinets d’expertise extérieurs.

• Sont également nécessaires des dépenses de formation spécialisées souvent dispensées à l’extérieur. Or, faute de ressources suffisantes, ces dépenses ne sont quasiment jamais réalisées. Le budget de la Ville de Fort-de-France19 alloué à la formation est de 120.000 euros, soit 34 euros par an par salarié. Il ne permet pas de relever le défi de la compétitivité qui repose en grande partie sur un environnement administratif performant.

• L’importance des actions sociales des communes et leur soutien appuyé au secteur associatif sont à souligner, vu l’importance de la crise sociale.

• S’ajoutent aussi des coûts non financiers plus difficilement quantifiables : o La faible motivation des cadres quand les grilles indiciaires ne sont pas respectées (à Fort-de-France, un effort

financier de 7 ME par an serait nécessaire pour ramener le régime indemnitaire à la moyenne). o L’importance de la précarité du personnel qui rend la situation des communes d'outre-mer d'autant plus instable :

l'incertitude qui pèse sur les personnels non titulaires provoque un climat social difficile et la perspective d’une régularisation massive menace les comptes des collectivités locales ; une titularisation de l'ensemble des agents non

17 La dotation de ce fonds serait fixée à chaque Loi de Finances, en fonction d’économies réalisées dans d’autres mesures. 18 Les entrepreneurs en Guadeloupe mettent en moyenne 2 ans à être payés. 19 Hors les cotisations au CNFPT qui dispensent surtout des formations pour préparer les concours administratifs.

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titulaires représenterait un coût de 153 millions d'euros à La Réunion et de 135 millions d'euros à la Martinique (Laffineur, 2003).

Les charges d’investissement additionnelles

• A l’égal des entreprises privées qui bénéficient de nouvelles mesures compensatrices de l’Union européenne, les communes d’outre mer sont confrontées à des dépenses supplémentaires liées à l’ultrapériphérie .

o Surcoûts pour l’approvisionnement en matériels divers (de nombreux travaux sont réalisés en régie), pour la construction des bâtiments administratifs et des équipements (prise en compte des normes parasismiques, anticycloniques, …)

• L'effort de rattrapage, encore loin d'être achevé, constitue également un facteur essentiel d'augmentation des dépenses d’investissement : les infrastructures scolaires, culturelles et sportives (compte tenu de la pyramide des âges ...), le logement social, les réseaux publics…

• De même, la pression migratoire, liée à la situation géographique des DOM, pèse lourdement sur les finances communales. Il faut noter toutefois que la pression migratoire en Martinique et à l’Ile de la Réunion est relativement plus faible que celle relevée en Guadeloupe et en Guyane surtout.

• Le coût du crédit s’avère élevé pour des communes souvent structurellement endettées : la Ville de Fort-de-France doit rembourser 27 000 000 d’euros par an, ce qui diminue par deux son budget d’investissement.

• La plupart des communes d’outre mer, investissent dans l’activité touristique (accueil, promotion, animation, équipement, fronts de mer, embellissement de l’environnement urbain…). Ceci se traduit par un niveau de dépenses très élevées qui contribuent à aggraver leur situation financière.

• Enfin, la défiscalisation contribue à augmenter significativement leurs charges (augmentation des prix du foncier pour le logement social, dégradation du marché secondaire accentuant le déclin des centre villes, effets indésirables sur l’aménagement de l’espace avec le mitage " du territoire entraînant des problèmes d’assainissement et de voirie).

Structure des recettes des communes d’outre mer • Les dotations de l’Etat aux collectivités locales sont les mêmes que dans l’hexagone, mais leur mode de calcul est dérogatoire.

• La fiscalité directe locale (taxe d'habitation, taxe foncière et taxe professionnelle) est appliquée sous réserve d'adaptations, en particulier, l'application d'un abattement généralisé de 40 % (pouvant être porté à 50 %) de l'assiette de la taxe d'habitation. De même, il existe des exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière pour les biens dont la valeur locative est inférieure à la valeur locative moyenne de la commune.

• Des taxes plus récentes, comme le versement transport ou la taxe de séjour, ont été introduites dans les départements d'outre-mer.

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• L’octroi de mer représente en moyenne de 40 à 52 % des recettes fiscales des communes. C’est surtout l’octroi de mer alimenté par la consommation locale qui corrige le faible rendement de la fiscalité directe20. En 2003, l’octroi de mer représente 150 millions d’euros en Martinique. A titre comparatif, la DGF destinée aux communes s’élèverait environ à 96 millions d’euros.

• Les communes d’outre mer perçoivent aussi une dotation indirecte de l'État au titre du FCTVA (Fonds de compensation de la TVA) qui correspond au remboursement de TVA pour les investissements qu'elles ont réalisés sur la base d'un taux normal de 19,6 %, alors que le taux réel de TVA est de 8,5 % en Guadeloupe et en Martinique et à La Réunion, et est nul en Guyane. Le FCTVA représentait 55 millions d'euros en 2003 pour les collectivités locales des quatre DOM21.

• Les recettes d’investissement des communes comprennent, outre les prêts, diverses dotations de l’Etat et subventions des collectivités régionales et départementales, ainsi que de façon plus marginale, des subventions européennes.

Comparaison avec les communes de l’hexagone • Selon l'article 72 de la constitution française, les collectivités locales s'administrent librement par des conseils élus et dans les

conditions prévues par la loi.

• Le principe de libre administration suppose, pour être effectif, que les collectivités territoriales aient la garantie de disposer des ressources nécessaires à la mise en oeuvre de leurs compétences. Cette garantie va de pair avec une exigence de solidarité entre les collectivités permettant de corriger les inégalités liées au territoire.

• La logique consiste alors à rééquilibrer la part du financement des collectivités territoriales issue de la fiscalité en corrigeant des inégalités de ressources entre les collectivités territoriales par la loi au moyen de dispositifs de péréquation.

• Or le mécanisme de péréquation est défaillant puisque bien souvent les recettes des communes d’outre mer n’intègrent pas les surcoûts de fonctionnement et d’investissement qui ont été cités plus avant.

• En effet, les communes de plus de 10 000 habitants, qui regroupent 85% de la population ultramarine, se caractérisent par un niveau de recettes totales inférieur à celui de l’hexagone (1537 euros contre 1624 par habitant)22. Ce sont surtout les recettes de fonctionnement qui sont plus faibles 23, en premier lieu la DGF.

20 Le faible rendement de la fiscalité directe : 40% des recettes fiscales des communes d’outre mer contre 85% pour les communnes de l’hexagone, 21 Laffineur 2003 22 (Ministère de l’intérieur,DGCL, 2008))

23 par habitant, 1203 euros contre 1309 euros dans l’hexagone, Ministère de l’intérieur,DGCL, 2008).

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• En définitive, si, globalement, les aménagements des règles de calcul des dotations de l'Etat favorisent les collectivités d'outre-mer24, en ce qui concerne les communes de plus de 10 000 habitants « il n'est pas établi que l'application du droit commun pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement leur soit moins favorable que le régime actuel »25.

DGF Communes + de 10 000 habitants (DOM:1: Métropol e: 2)

0

50

100

150

200

250

300

1 2 3

Série1

Série2

Montant de la DGF en euros par habitant (Ministère de l’intérieur 2008)

• Les carences en recettes de fonctionnement sont graves puisque la loi interdit aux collectivités locales d’avoir recours à l’emprunt pour financer les charges de gestion courante.

• Compte tenu de l’ensemble de leurs charges de fonctionnement additionnelles qui ne se limitent pas aux seuls « compléments de rémunération », ces communes sont donc confrontées à un déficit de financement structurel.

• A contrario, le Président de l’Association des Maires des Grandes Villes de France, souligne que les communes et les collectivités locales de l’hexagone en générale, « se trouvent dans une situation saine : en 2007, elles ont dégagé un excédent de fonctionnement représentant 17% de leurs recettes courantes leur permettant d’autofinancer plus de 50% de leurs dépenses d’investissement » 26

24 Notons que Les communes de moins de 10 000 habitants ont des recettes plus élevées que celles de l’hexagone, du fait de dotations de l’Etat plus importantes et aussi grâce à l’octroi de mer qui souvent favorise les plus petites communes à faible rendement fiscal. 25 Rapport Lise-Tamaya 26 Journal Le Monde, 29 mai 2008

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2.2 La Cour des Comptes met en garde contre le risq ue d’une subordination des communes

• Avec des dépenses d’investissement structurellement élevées, auxquelles se greffent les surcoûts en termes de frais de personnel (parfois la totalité des produits de fonctionnement couvre à peine le montant des charges de personnel), de nombreuses communes d’outre mer, se trouvent dans une situation critique, et n’ont plus les moyens de s’administrer librement.

• Elles sont obligées d’avoir recours systématiquement aux subventions pour réaliser leurs investissements, or cette situation n’est pas sans risque comme le faisait remarquer, en 2006, à Pointe à Pitre, le Président de la Cour des comptes.

• « Des prémices d’une telle « subordination » ont déjà, dans la situation actuelle, été relevés par nombre d’observateurs. Ainsi en est-il de la gestion de certaines subventions régionales attribuées aux communes dans le but de leur fournir la contrepartie « communale » nécessaire à l’octroi de tels ou tels crédits étatiques ou européens. Peu importe les individus et les appartenances politiques. Le risque d’une gestion partisane des aides régionales, départementales ou territoriales aux communes existe. Et ce risque, qui appelle des garanties juridiques, ne saurait être écarté qu’à la condition que les communes jouissent d’une véritable autonomie financière ». (Philippe Seguin)

• Si cette subordination constitue une source d’affaiblissement pour la démocratie locale, elle contient aussi des risques quant aux dérapages budgétaires des institutions de rang supérieur qui attribuent les subventions.

• De même, les communes ont tendance à réaliser des investissements pour lesquels elles sont assurées d’obtenir des subventions (par exemple, il est plus facile d’obtenir des financements pour réaliser un équipement touristique d’envergure que pour remettre aux normes une cantine scolaire). Les communes auront donc davantage tendance à réaliser des équipements qui s’intègrent dans la stratégie des bailleurs, alors que leurs besoins en équipements de proximité ne feront que croître.

• Ainsi au manque de moyens financiers, s’ajoute la dispersion des ressources.

• En définitive, les communes se trouvent bien souvent dans l’incapacité de planifier leurs actions, de mettre en œuvre une politique.

• Cette situation est d’autant plus grave quand il s’agit de capitales auxquelles il incombe la responsabilité de mettre en oeuvre une politique d’attractivité du territoire ambitieuse.

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2.3 La situation des collectivités régionales et dé partementales

0

200

400

600

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1000

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1600

Montant en euros par habitant

Communes deplus 10 000

habitants

Département Région

Recettes des collectivités territoriales des DOM et de métropole

DOM

Métropole

• A l’inverse des communes de plus de 10 000 habitants, les collectivités régionales et départementales d’outre mer affichent un niveau de recettes par tête d’habitant près de deux fois plus élevé que celui de leurs équivalentes hexagonales.

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• Certes avec la décentralisation, les collectivités régionales et départementales ont hérité de compétences supplémentaires, mais le niveau de leurs recettes s’explique aussi par une plus grande solidarité nationale en ce qui concerne les dotations de l’Etat (et de l’Europe), et par l’existence de recettes supplémentaires :

o « Le soutien de l'Etat aux Départements d'outre-mer est réel. En particulier, les dotations aux collectivités locales sont dans leur ensemble sensiblement plus abondantes qu'en métropole. Ces transferts sont légitimes. La solidarité nationale s'exprime à l'égard de nos régions qui sont moins développées et qui bénéficient d'un pouvoir d'achat sensiblement plus bas. »27. Cette solidarité n’est pas vérifiée pour les communes d’outre mer de plus de 10 000 habitants.

o Les Fonds structurels représentent une part significative du budget des conseils régionaux et des Départements (le Feder représentait près de 50% du budget d’investissement de la Région Guyane durant la période 1994-1999). Si, par exemple, on analyse le niveau des dépenses par habitant consacrées à la formation professionnelle, il est deux fois plus élevé dans les régions d’outre mer grâce à la contribution du FSE qui leur permet de faire face à une crise sociale aigue. En revanche, les Fonds structurels représentent une part plus marginale des budgets communaux. Sans l’apport des Fonds structurels, Régions et Départements, seraient probablement dans une situation financière critique.

o Des mesures spécifiques ont été mises en œuvre pour équilibrer les finances régionales : ainsi la loi de finances pour 1994, donnait aux régions la possibilité de porter le taux du droit additionnel à l'octroi de mer de 1 % à 2,5 %, le droit d'affecter une part de la taxe spéciale sur les carburants à leur redressement financier, et la faculté d'instituer une taxe d'embarquement sur les billets de transports aériens et maritimes. Ces ressources complémentaires, que toutes les régions n'utilisent pas en totalité, doivent leur permettre de se désendetter et d'apurer leur passif.

• Néanmoins, certaines collectivités régionales et départementales connaissent des difficultés, soit parce qu’elles doivent faire face à d’énormes défis en matière d’aménagement du territoire, soit parce que leurs dépenses sociales sont augmentées du fait de la crise économique. De même, leurs frais de personnels sont augmentés avec la prime de vie chère, et certaines collectivités notamment le Conseil général de Guyane, peuvent avoir un personnel pléthorique.

• Les communes d’outremer. ne sont donc pas seules à évoluer dans un contexte financier contraignant, mais leurs difficultés structurelles de financement, notamment celles des villes capitales qui sont criantes, ne donnent pas lieu à des réponses adaptées. Au contraire, il arrive souvent que leurs problèmes soient minorés.

• Pour illustrer la sous-estimation des problème rencontrés, notamment par les capitales, en 1999, le Rapport Fragonard considérait que l’insuffisance de trésorerie des communes allait être réglée grâce au recensement de 2000 : « Le problème chronique de l'insuffisance de la trésorerie doit pouvoir trouver une solution, totale ou partielle en l'an 2000. En effet, la DGF,

27 Rapport Lise Tamaya. Les auteurs de ce rapport ont par ailleurs relevé que les règles de calcul de la DGF ne paraissait pas avantager les communes de + de 10 000 habitants des DOM.

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dotation globale de fonctionnement, augmentera, en règle très générale, du fait de l'augmentation de la population constatée au recensement de 1999.

• Or, la plupart des capitales des DOM28, allaient être confrontées à une baisse de ressources importante suite au recensement de 2000. En effet, certaines villes ont connu une baisse spectaculaire de leur population (entre 1990 et 1999, Pointe à Pitre, perdaient 30% de sa population) du fait de la dégradation de leur environnement.

• On peut encore citer le Rapport Lise-Tamaya (1999) : « Globalement, la situation financière de nos communes de plus de 10 000 habitants ne présente donc pas de caractéristiques marquées. Pourtant, plusieurs d'entre elles, parfois de grande taille, connaissent des difficultés en raison d'un niveau de dépenses trop élevé et souffrent d'un important surendettement. ». A l’issue de ce constat, les rapporteurs ne proposent pas de mesures d’urgence pour assainir les finances de ces villes29.

• En règle générale, les solutions pour redresser les finances communales se limitent à l’amélioration des bases fiscales et à la révision du mode de calcul de la DGF dans un sens un peu plus favorable aux communes d’outre-mer, sachant que le mode de transformation de la DGF est très progressif et complexe.

• Par ailleurs, comme cela a été dit plus haut, régulièrement resurgit l’idée d’agir sur les compléments de rémunération, ce qui conduit à l’immobilisme, vu que cette solution peut souvent être perçue comme étant « pire que le mal ».

• Rappelons la proposition de Jean-Pierre Brard visant une majoration des dotations pour les collectivités locales pour prendre en compte une partie des surplus des dépenses de personnel. Cependant, on peut craindre que seules les préconisations du rapport Brard allant dans le sens d’une réduction des dépenses de l’Etat ne soient retenues (baisse des compléments de rémunération, ,..).

• En annexes, figure une liste de différentes propositions qui ont pu être formulées pour renforcer les finances des collectivités territoriales d’outre mer en général.

• Il y a enfin lieu de s’attarder sur le dispositif COCARDE. A travers ce dispositif, l’Etat et l’AFD accordent des subventions et des prêts à des taux très bas aux communes en échange d’une gestion plus « vertueuse ». Ce dispositif mis en œuvre essentiellement en Guadeloupe est destiné uniquement aux communes « sous tutelle ». En définitive, les communes doivent attendre d’être dans une situation catastrophique pour bénéficier d’un accompagnement de l’Etat. Car plane le spectre de la mauvaise gestion dans les communes des DFA et de Guadeloupe en particulier. Ce qui revient à considérer que toute solution en termes de recettes supplémentaires ne ferait qu’aggraver le problème du gaspillage des deniers publics.

28 En ce qui concerne Cayenne, le départ des populations, les plus aisées, est masqué par l’arrivée de populations très pauvres, essentiellement immigrées. 29 Les rapporteurs avaient cependant relevé les difficultés générales des communes de plus de 10 000 habitant liées au mode de calcul de la DGF.

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• Le fort de taux de titularisation en Guadeloupe a, paradoxalement, contribué à alimenter l’idée d’une gestion « naturellement » mauvaise dans cette île. D’autant que, nous l’avons vu plus avant, la crise des finances des communes de Guadeloupe s’est aussi diffusée aux collectivités de rang supérieur leur accordant des subventions.

• Il semble qu’en Guadeloupe, en particulier, et dans les DFA en général, le problème des carences des ressources communales,

aggravé par les forts taux de titularisation, se soit déplacé sur un tout autre plan où c’est la gestion des deniers publics par les élus qui est remise en cause. Dès lors, un soutien spécifique n’est apporté qu’aux communes dont la gestion peut être strictement encadrée par l’Etat.

• Au final, le principe de la libre administration des communes est une nouvelle fois menacé alors que l’Etat devrait, pour le

moins, reconnaître que la fragilité financière de nombreuses communes d’outre mer résulte d’un déficit de financement structurel lié, notamment, à des dotations insuffisantes au regard de l’ensemble de leurs charges additionnelles.

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2.4. La crise financière des villes capitales

• Comparativement aux autres communes, la crise financière des capitales d’outre mer est aggravée par le poids de l’histoire30 et par les charges de centralité, exacerbées par l’isolement.

• Contrairement aux villes-centre de l’hexagone, qui, malgré l’existence de poches de misère périphériques, connaissent un développement urbain qualitatif important, (renouvellement des infrastructures imposé par leur obsolescence…), les villes centre d’outre mer, des DFA en particulier, sont confrontées à un déclin global.

• Dès lors, elles subissent le départ des populations les plus aisées et des entreprises, réduisant de la sorte les dotations de l’Etat et les recettes fiscales de budgets déjà fragilisés.

La prise en compte des charges de centralité au plan national

Définition des charges de centralité

• Les Villes-centre offrent des services et des infrastructures qui profitent, au-delà des contribuables de la ville centre, à des bassins de vie plus larges. Les charges de centralité comprennent l’intégralité du déficit de fonctionnement généré par un équipement31 de la ville-centre si cet équipement à un caractère exceptionnel et le coût de débordement qui est le surcoût, pour tout équipement, résultant de son utilisation par un usager extérieur au territoire communal (voiries, parkings…). La pression fiscale plus lourde subie par les habitants des villes-centre résulte, en partie, des charges de centralité qui pèsent sur elles.

Dotation ville centre

30 Cf « Crise de la centralité outremer et régulation du phénomène urbain en Martinique», réseau villes capitales d’outre mer, 2006 31 ou un service

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• La Dotation Ville-centre crée en 1979 est une part de la DGF, censée compenser les surcoûts de la centralité. Les surcoûts de la centralité sont donc compensés à l’échelon national.

• En 1993, une étude32 montrait que le coût total de la centralité représentait 9% des dépenses totales réelles de fonctionnement des grandes villes. Or, il a été démontré l’insuffisance de leur compensation au niveau national avec un taux de couverture de ces dépenses de l’ordre de 20%.

• Au fur et à mesure des réformes successives de la DGF, la dotation ville-centre a été progressivement intégrée dans la dotation forfaitaire.

• Aux villes-centre qui, aujourd’hui, souhaitent obtenir une dotation spécifique de centralité plus conséquente, l’Etat rétorque que dorénavant « la réponse aux charges de centralité, c'est l'intercommunalité », grâce notamment à l’accentuation du transfert d’équipements et à la péréquation intercommunale.

La faible prise en compte des charges de centralité par l’intercommunalité

(D’après une étude réalisée par l’Association des Maires des Grandes Villes de France et le cabinet Conjuguer en juin 2006)

• Le processus intercommunal récent a très peu pris en compte l’idée de faire supporter les charges de centralité au niveau intercommunal, le concept de charges de centralité n’étant pas directement abordé dans la loi Chevènement.

• De fait, les équipements les plus massivement transférés ne sont pas ceux où les charges de centralité sont les plus importantes.

• Ainsi, les équipements sportifs et culturels, compétences non obligatoires, n’ont pas fait l’objet de transferts massifs.

• Conséquence directe : les villes-centre ont conservé l’essentiel des charges de centralité existantes. Par ailleurs, les villes-centre peuvent avoir intérêt à conserver des équipements emblématiques dont la portée symbolique et la visibilité sont importantes pour leur attractivité. Quant aux autres communes, elles ne souhaitent pas en supporter le coût.

• Enfin, une difficulté majeure réside dans les effets pervers de la dévolution à l'EPCI de services à la population comme l’environnement (propreté…) ou le périscolaire : l'alignement de ces prestations par le haut génère des tensions sur le budget communautaire qui handicapent sa capacité à intervenir dans les compétences sources de charges de centralité.

• Reste que, globalement, les contribuables des villes centre supportent encore l’essentiel des charges de centralité.

32 BREEF, « Les coûts de centralité »,

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Les caractéristiques des charges de centralité outremer

Des charges accentuées par l’isolement

• Les charges de centralité habituelles sont logiquement accentuées du fait de l’éloignement et de l’isolement des régions d’outre mer. Ainsi, les charges de centralité liées à l’utilisation d’équipements d’envergure peuvent avoir un poids considérable sur le budget communal. Avec un budget annuel de 5.8 millions d’Euros, le SERMAC33 de la Ville de Fort-de-France est un pilier de la vie culturelle martiniquaise et accueille 4000 stagiaires par an provenant de l’île entière. 3.8 millions d’Euros sont consacrés aux frais de personnel (120 employés).

• Dans les Départements d’outre mer, les charges de centralité sont aussi alourdies par l’utilisation des équipements de proximité, comme les écoles et les crèches. Cette charge de centralité n’existe quasiment pas dans l’hexagone : « Certains services sont peu susceptibles de générer des coûts de débordement, il s'agit pour l'essentiel (…), de la petite enfance (halte-garderie, centres aérés, crèches)…,Pour les écoles primaires la fréquentation vient, en moyenne, pour seulement 3% de l'extérieur de la ville... »34. A l’inverse, cette charge de centralité est très importante dans les DOM, et s’évalue, par exemple, à 24% du budget de fonctionnement de la Ville de Basse-Terre : 61% des enfants des crèches municipales et 35 % des élèves des écoles viennent des communes extérieures35.

• Les frais de personnel des capitales sont donc particulièrement élevés du fait des charges de fonctionnement induites par la centralité. Le coût de ces charges est lui-même multiplié par le coût des compléments de rémunération. C’est probablement la raison pour laquelle, les capitales des DFA rencontrent des difficultés financières plus importantes que Saint-Denis de la Réunion.

• En Guadeloupe, la commune de Pointe à Pitre est celle qui enregistre le plus grand nombre d’agents par habitant. Proche de 70%, le taux de sureffectif est plus de deux fois élevé que la moyenne régionale.

33 Service municipal d’action culturelle 34 CONJUGUER, 2006 35 « Les charges de centralité : la situation de la ville de Basse-Terre », 2006

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Sureffectif d'agents municipaux

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

Pointe-à-Pitre Moyenne Guadeloupe

Série1

(D’après Laffineur, 2003)

• Il y a lieu de rappeler que la Ville de Pointe à Pitre a perdu un tiers de sa population entre 1990 et 1999. Or, le nombre d’agents municipaux ne diminue pas pour autant. Le taux de sureffectif est aussi accentué par ce dépeuplement.

• En raison du dépeuplement, les dotations perçues par la Ville de Pointe à Pitre ainsi que le montant de ses recettes fiscales ont fortement baissé alors que les charges de centralité restent élevées. Basse-Terre et Fort-de-France ont connu les mêmes difficultés. Or ce dépeuplement (et (ou) la paupérisation) génère d’autres difficultés, en termes de sécurité par exemple, qui à leur tour induisent d’autres coûts.

• Signalons encore l’importance de la charge financière liée aux actions des villes-capitales dans le domaine de l’animation (festivals culturels...). De même, empreintes de l’histoire coloniale, elles ont hérité de l’essentiel du patrimoine matériel qu’il leur appartient de sauvegarder et de réhabiliter, au bénéfice de l’ensemble de la population mais aussi à des fins touristiques.

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• En définitive, la Dotation Ville-centre octroyée aux capitales d’outre mer, ne prend pas en considération les dépenses supplémentaires générées par la centralité dans ces régions isolées : cette dotation représente moins de 1% du budget de fonctionnement de la ville de Fort-de-France.

• Outre mer, l’intercommunalité ne peut non plus apporter une réponse satisfaisante aux charges de centralité. En raison du rattrapage nécessaire, en matière de transport urbain et d’environnement (notamment dans le domaine de la gestion des déchets) les marges de manœuvre des EPIC sont faibles.

• Il faut aussi souligner que l’octroi de mer ne prend pas souvent en compte les charges de centralité. Ainsi, en Martinique, il s’établit sur la base du potentiel fiscal ; pour l’année 2006, la petite commune de Grand Rivière reçoit, au titre de l’octroi de mer, 686 € / habitant alors que la capitale Fort de France ne reçoit que 375 € par habitant pour une moyenne répartie de 414 €. 36. A Cayenne, la répartition de l’octroi de mer s’effectue selon le nombre d’habitants.

• Les surcoûts de la centralité des capitales d’outre mer ne sont donc compensés ni à l’échelon national, ni à l’échelon local.

• Les Villes capitales d’outre mer, qui devraient être le moteur de croissance de leur région, se retrouvent aujourd’hui devant l’alternative suivante :

o Renforcer leur attractivité, grâce à une politique ambitieuse d’aménagement urbain, d’animation culturelle et de cohésion sociale, et par conséquent aggraver leur situation financière déjà critique.

o Ne rien faire face au dépeuplement, à la paupérisation, à l’insécurité et par conséquent constater les baisses des recettes fiscales et des dotations de l’Etat qui, à leur tour, vont amplifier leur déclin.

36« Sauver les capitales d’outre mer de la médiocrité urbaine », ville de FdF, janvier 2007

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Bibliographie « Déclaration commune des maires des villes capitales d’outre mer », Réseau ville capitales d’outre mer, Cayenne, janvier 2006 « Crise de la centralité outre mer et régulation des phénomènes urbains en Martinique », Réseau Ville capitales d’outre mer/Ville de FdF, juillet 2006 « Les enjeux spécifiques des zones urbaines des RUP Françaises », Ville de Fort-de-France, septembre 2005 « Charges de centralité : la situation de la ville de Basse-Terre », Ville de Basse-Terre, 2006 « Les coûts de centralité », BREEF, 1993 « Etude sur les charges de centralité des grandes villes et l’intercommunalité », Etude réalisée par CONJUGUER pour le compte de L’AMGVF, mai 2006 «Rapport relatif à l'amélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer », Assemblée nationale, Jean Pierre Brard, 2007 « Rapport sur la fonction publique d'État et la fonction publique locale Outre-Mer », Assemblée nationale, Marc LAFFINEUR, 2003 « Les Finances des communes d’outre-mer, 2003 », Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire/DGCL, 2006 « Séance solennelle de rentrée de la chambre régionale des comptes. de Guadeloupe-Guyane-Martinique », Allocution de M. Philippe SÉGUIN, premier Président de la cour des comptes, 15 mars 2006 « Observations sur la commune de Basse-Terre », septembre 2007, Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique

« Les Départements d’Outre-Mer aujourd’hui : la voie de la responsabilité », Claude LISE, Michel TAMAYA, juin 1999 « Les départements dOutre-Mer : Un pacte pour l’emploi » Bertrand FRAGONARD, Rapport à Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer « Quel développement économique pour les Départements d'Outre-Mer? » 'Eliane MOSSE Février 1999

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« Les Départements d'Outre-Mer, Régions Ultra-périphériques, et Traits-d'Union de l'Europe », Rapport du Sénateur Jean Paul Virapoullé, 2003 « Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion : La départementalisation à la recherche d’un second souffle », Mission parlementaire du Sénat, 2000 « Les finances des collectivités locales en 2004 : État des lieux », DGCL, 2006 « Les finances des collectivités locales en 2007 : État des lieux », DGCL, 2008 « Effet des sur-rémunérations des agents des administrations sur l'économie de la Réunion » INSEE, Denis COGNEAU et coll. , 1998 « Loi de programme pour l'Outre-Mer » , Ministère de l’Outre-Mer, juillet 2003 « Evaluation de la loi de Programme pour l’Outre Mer du 21 juillet 2003 », Avis de M. Alain Saubert, Conseil économique et social , juillet 2006 « Projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l'excellence outre-mer », Ministère de l’outre mer, 2008 « Avis sur le Projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l'excellence outre-mer » Conseil économique et social , 2008, Avis présenté par M. Alain Saubert « Sauver les Capitales des Régions d’Outre-Mer de la Médiocrité Urbaine », Ville de Fort-de-France, Janvier 2007 « Les concours financiers de l’Etat aux collectivités locales », Publication du Ministère de l’intérieur, 2002 « Répartition de la quote-part DSU_DSR de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre mer au titre de l’annéee 2006 », mars 2006 « L'ultrapériphéricité définit-elle un modèle de croissance ? » INSEE, 2007 *« Comptes économiques rapides pour l’outre mer, L’économie martiniquaise au passage de 2000 : une trajectoire vertueuse ? » INSEE, AFD, IEDOM, Juin 2005