les entretiens viti-vinicoles rhÔne-mÉditerranÉe

18
LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE 200 7

Upload: others

Post on 23-Jun-2022

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

LES ENTRETIENS VITI-VINICOLESRHÔNE-MÉDITERRANÉE

2007

Page 2: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Speedair Evolution� Plus de puissance : le Speedair Evolution, c’est la fiabilité, la robustesse et le confort

de travail de la ventilation Speedair avec encore plus de puissance.� Plus de performance : le Speedair Evolution, c’est plus de pénétration et plus

de couverture grâce à des canons de 110 mm de diamètre et une vitesse d’air accrue.� Plus de simplicité : dépliage, extension et orientation des canons extérieurs au moyen

d’un seul vérin par côté, le Speedair Evolution, c’est aussi toute la maniabilité et la facilitéd’utilisation de la voûte Sitex.

VUVU ENENLANGUEDOC

C’EST BEAUCOUP PLUS SÛR

-C

rédi

tpho

to:J

ean-

Paul

Boni

ncon

tro-

11/0

5

L’équipe de la Station Rhône-Méditérannéede l’Institut Français de la Vigne et du Vin

Domaine de Rodilhan - 30230 Rodilhan - Tél. 04 66 20 67 00 - Fax 04 66 20 67 09 - www.itvfrance.com

Siège : Institut Français de la Vigne et du Vin (ENTAV - ITV France) - Domaine de l’Espiguette - 30240 Le Grau du Roi

Virginie BouckenoogheTechnicienne - Analyses [email protected]

Laure CaylaŒnologue - Elaboration des vins rosé[email protected]

Philippe CottereauŒnologie - Technologie vinicoleItinéraire technique d’élaboration des [email protected]

Laurent DaganIngénieur - Analyse arô[email protected]

Jean-Michel DesseigneIngénieur œnologue - Equipements [email protected]

Rémi Guérin-SchneiderŒnologue - Analyses arômes et polyphé[email protected]

Jean-Marc JarlotŒnologue - suivi œ[email protected]

Sandrine PucheŒnologue - Elaboration des vins rosé[email protected]

Nicolas RichardIngénieur oenologue - Technologie [email protected]

Dominique SolanetŒnologue - Technologie [email protected]

Denis CabouletIngénieur œnologue - Physiologie de la [email protected]

Bernard MolotIngénieur œnologue - Protection [email protected]

Marion ClaverieIngénieur - Protection du [email protected]

Karine GiansettoTechnicienne viticulture/œ[email protected]

Magali GrinbaumIngénieur - Analyse de ré[email protected]

Philippe LarignonIngénieur - Maladies du [email protected]

Jean-Christophe PayanIngénieur Agronomie - Physiologie de la [email protected]

Elian SalançonTechnicien - Agronomie [email protected]

Christian Prade - Président de la Station ITV France Rhône-Méditerranée ; viticulteur - [email protected] Van Ruyskensvelde - Directeur - [email protected]

Secrétariat : Christine Cazalet - [email protected] et Nathalie Imbern - [email protected]

Page 3: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 3

O U V E R T U R EChristian PRADE

PRÉSIDENT DU C.E.V.V.R.M.

U ne étape très importante pour la filière viti-vinicole vient d’être franchie : lafusion d’ITV France avec l’ENTAV est effective depuis le début de l’année 2007.Après moult réflexions, discussions et reports dus aux réticences des pépiniéristes à cettefusion, la filière s’est finalement dotée d’un institut unique qui devrait permettre des avan-cées importantes.

Nul doute que les relations entre les chercheurs seront facilitées, permettant une meilleuresynchronisation des recherches et une coordination évidemment plus facile. Le siège de cenouvel institut est au Domaine de l'Espiguette, 30240 Le Grau-du-Roi.

L'Institut Français de la Vigne et du Vin “ENTAV-ITV France” comporte trois départements :

– Un département “Matériel végétal”, reprenant les missions actuelles de l’ENTAV desélection et multiplication de la vigne ;

– Un département “Vignes, vignobles et terroirs”, se préoccupant de la conduite de lavigne dans son ensemble

– Un département “Vin, sécurité alimentaire et entreprises” correspondant aux tra-vaux de l’ITV en œnologie, en lien avec les études visant la sécurité du consomma-teur et l’économie des entreprises.

Une question tout de même est posée : une interprofession avait été envisagée avec lapépinière afin, entre autres choses, de récolter une contribution volontaire obligatoire(cvo) sur les plantations nouvelles (en remplacement de l’ancienne taxe parafiscale permet-tant de financer l’ENTAV, supprimée il y a deux ans). La création de cette structure est tou-jours au stade du projet.

Elle est importante pour le financement des programmes de recherche du département“Matériel végétal”.

Nous savons tous que la recherche pour notre filière est indispensable, encore plus actuel-lement où le vignoble français dans sa grande majorité connaît une situation très difficileface à la concurrence mondiale. Bon nombre de questions n’ont toujours pas trouvé desréponses suffisantes : maladies du bois, dépérissement de la Syrah, limitation des produitsphytosanitaires ou des herbicides, suivi d’une culture plus respectueuse de l’environnementou biologique etc. Ces questions restent des préoccupations sérieuses, de même que laréduction des frais de culture, tout en maintenant voire augmentant le potentiel qualitatifde nos vins.

Les marchés évoluent et nous devons répondre à la demande du consommateur ; nousenvisageons des vins moins riches en alcool, plus parfumés, plus fruités…

C’est ce que la Station Régionale ENTAV-ITV Rhône-Méditerranée vous propose de décou-vrir durant ces entretiens.

Page 4: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

4 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

SO

MM

AIR

E

• Accueil des participants, Christian PRADE, Président du C.E.V.V.R.M. p. 1

• La vision du fruit chez le premier exportateur de vins français, Bruno KESSLER, Les Grands Chais de France p. 3

• Les arômes responsables du fruité des vins, nature et origine,Alain RAZUNGLES, Professeur IHEV Montpellier ;Rémi GUÉRIN-SCHNEIDER, Ingénieur ENTAV-ITV France p. 4

• Sélection clonale et potentiel aromatique,Laurent AUDEGUIN, Ingénieur ENTAV-ITV France p. 9

• Expression de la typicité du vin par la maîtrise de la physiologie et de la conduite de la vigne,Alain CARBONNEAU, Professeur IHEV Montpellier p. 12

• Points clés de la gestion des vinifications en rouge pour l'expression fruitée des vins,Daniel GRANÈS, Directeur Scientifique ICV p. 16

• Chauffage de la vendange et arômes fruités,Philippe COTTEREAU / Jean-Michel DESSEIGNE, Ingénieurs ENTAV-ITV France p. 20

• Les levures participent au fruité, Valérie LEMPEREUR, Ingénieur ENTAV-ITV France p. 23

• Apports d'oxygène au cours du conditionnement des vins tranquilles et impact sur le fruité,Jean-Claude VIDAL, Ingénieur INRA Pech-Rouge p. 26

• Elaborer des vins “séduction”,Christophe RIOU, Directeur Technique d'Inter-Rhône p. 29

• Fruité Catalan, un marketing qui a la pêche !,Christophe PALMOWSKI, Directeur Marketing et Communication Vignerons Catalans Perpignan p. 31

Page 5: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 5

La vision du fruit chez le premier exportateur de vins françaisBruno KESSLER - Les Grands Chais de France

La notion de “fruité” est certainement laplus compliquée à définir avec nosclients…

Le fruité varie d’un pays à l’autre…etaussi d’un acheteur à l’autre !

Pour le consommateur c’est une notioncompliquée à définir…

Toutefois, le fruité est souvent la défini-tion d’un vin cœur de gamme entre 2 et6 euros.

Dans cette catégorie, la notion de volu-me est primordiale.

Car certains opposent même cette notionà celle de boisé ou même de complexitédes vins dit de “réserve” boisé et/ou éle-vés !

Bref, c’est un vin facile à comprendre et àconsommer adapté aux amateurs nonéclairés !

Dans la définition du fruité il noussemble que la sucrosité soit un élémentfondamental de la perception de cettecatégorie.

La sucrosité d’un vin est un équilibrecomplexe entre :

– Le degré alcoolique

– Le niveau de sucre résiduel

– Le boisage

Et divers facteurs tels que l’acidité, lasapidité etc… qui équilibrent la percep-tion de ce style dit fruité…

Comment obtenir des vinsavec de la sucrosité ?Des vinifications spécifiques couplées ounon avec l’utilisation de bois.

Le bois frais ou toasté est un produitœnologique incontournable, mais toute-fois ses arômes ne doivent pas êtredominants.

Les arômes coco, vanille permettent derévéler, amplifier, stabiliser le fruité desvins rouges ou blancs terpéniques.

La bonne maîtrise des polyphénols : pardes collages et l’utilisation de l’oxygènesur les jus permettent la gestion des poly-phénols.

L’édulcoration : le moût concentré esttout aussi incontournable et doit équili-brer l’acidité totale. La règle de base est xgramme de sucre pour x gramme d’acidi-té totale exprimée en acide tartrique.

En Allemagne 5 millions de consomma-teurs boivent des vins sucrés “lieblich”.

Les consommateurs aiment les vins secs,édulcorés à 3/5 gr de sucre et fruités…

Le degré alcoolique…

L’autre fondamental d’un vin fruité est lafraîcheur qui permet une redemande fortdu produit.

Comment obtenir des vins“frais” ?La fraîcheur :

Elle est assimilée à la mise en marché devins jeunes !

La maîtrise du CO2 sur blancs et rosés.

Au tirage pour souligner la jeunesse duvin.

Par exemple :

En Allemagne la dose doit être proche de1000 mg.

En Angleterre la dose est variable selonles vins.

En France la concentration doit être à lalimite de la perception.

La maîtrise du pH :

Le pH d’un blanc thiolé se situe vers 3.2et d’un blanc terpénique vers 3.5, pourun rouge 3.6 à 3.8.

Une fois les vins vinifiés dans ces profils ilfaut assurer une bonne maîtrise de laconservation par :

• L’hygiène : arômes nets sans déviationtype brett ou autres terroirs…

• La conservation : des vins par la maîtrisede la température et de l’oxygène.

• La maîtrise de l’oxygène : bonnes pra-tiques de la mise en bouteille en dessousde 1 ppm.

Enfin avant la mise en bouteille il fautassurer :

• La sapidité : elle est pour nous, un boncritère pour définir un assemblage fruitéqui aura une bonne redemande. C’est leprincipe même de la cuisine asiatique lesucré salé… c’est le facteur clef de laredemande…

• L’ouverture aromatique : c’est la bonnegestion du potentiel redox.

• L’équilibre : est le résumé de la bonnemise en œuvre de tous les points précé-dents !!!

En conclusion Les vins fruités sont facilement abor-dables avec des goûts reproductibles etvariés au juste prix…

Page 6: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

6 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

Les arômes responsables du fruité des vins, nature et origineAlain RAZUNGLES - Professeur IHEV MontpellierRémi GUÉRIN-SCHNEIDER - Ingénieur ENTAV-ITV France Montpellier

IntroductionL’arôme des vins est classiquement définicomme la résultante de quatre compo-santes correspondant à autant d’étapesbiotechnologiques au cours de la vinifica-tion (Drawert et al., 1974 ; Cordonnier, etal.,1978).

L’arôme variétal (ou primaire) provientdu raisin lui-même. Il constitue un poten-tiel aromatique responsable en grandepartie de la typicité des vins. Cette com-posante de l’arôme comprend elle-mêmedeux familles de composés : les composésd’arôme libres, directement perceptiblespar la muqueuse nasale, et les composésd’arômes liés, non odorants. Ces dernierssont liés, dans leur grande majorité, à dessucres : ce sont des précurseurs glycosi-diques. Plus récemment, Tominaga et al.(1998) ont mis en évidence dans le cas dethiols volatils des précurseurs constituésd’une molécule volatile liée à la cystéine,et Ségurel, (2004) a identifié un précur-seur en sulfure de diméthyle, composéresponsable en partie de la typicité desvins de Syrah.

L’arôme préfermentaire se forme aucours des étapes que subit la vendangeentre sa récolte et le début de la fermen-tation (éraflage, foulage, macération pel-liculaire, pressurage,…), essentiellementà la suite de réactions enzymatiques.

L’arôme fermentaire se forme au coursde la vinification. Il est issu du métabolis-me secondaire des levures et/ou des bac-téries dans le cas d’une fermentationmalolactique.

L’arôme vieillissement enfin, se formepar des réactions purement chimiques aucours de l’élevage et du vieillissement desvins

Hormis la composante préfermentaire,les autres catégories de composés com-portent toutes des composés respon-sables de notes fruitées dans les vins.Dans la suite de notre exposé nous nousattacherons à présenter la nature et l’ori-gine des familles de composés à odeursfruitées les plus importantes dans les vins.

1. Composés variétaux responsables du fruité des vins Le raisin de la plupart des cépages deVitis vinifera est un fruit aux caractéris-tiques odorantes peu développées, maisqui contient déjà divers constituants quidonneront plus tard à l'arôme du vinfutur des notes caractéristiques relative-ment spécifiques du cépage. De nom-breux travaux ont permis d’avancer dansla connaissance de ce potentiel aroma-tique variétal. Celui-ci va dépendre ducépage, mais aussi de différents facteursexternes de nature climatique, géo-pédo-logique, phytosanitaires et techniques.

Les composés constitutifs de l'arômevariétal peuvent se rencontrer sous deuxformes : sous forme odorante, l'arômevariétal libre, ou sous forme non odoran-te, les précurseurs d’arôme variétal.

1.1 - Les composés variétaux libres

1.1.1 Les terpénols

Les terpènes libres les plus importantsdans le raisin sont des monoterpénols.On les rencontre en quantités relative-ment dans les variétés muscatées où ilsparticipent en grande partie à la typicitédes vins. Parmi eux, le linalol, le géraniol,l’hotriénol, le nérol et l’α-terpinéol sontles plus intéressants au niveau olfactif, vuleur concentration en général supérieureà leur seuil de détection.

Boidron et Torrès (1982) ont démontréque la typicité muscatée est apporté parle mélange des trois principaux terpénols,à savoir linalol, nérol et géraniol. L’opti-

mum en terme de typicité des Muscatsemble être obtenue lorsque la sommedes concentrations est comprise entre650 et 1400 µg/L. Les proportions rela-tives entre les trois composés peuventexpliquer une partie des nuances olfac-tives observées dans ces vins, le linalolayant une odeur florale très agréable,alors que nérol et géraniol ont desodeurs qui tirent plus vers des notes rési-neuses ou de feuille de géranium.

Ces composés sont synthétisés dans lesbaies de raisins, et se localisent préféren-tiellement dans les parties solides (pulpeset pellicules). Si la moitié du géraniol setrouvent dans le jus (Gûnata et al, 1985 ;Wilson et al, 1986), géraniol et nérol sontpréférentiellement localisés dans la pelli-cule. Tous les procédés susceptibles d’ac-croître les échanges entre parties solideet liquide sont donc, de ce point de vue,intéressants pour amplifier les notes aro-matiques correspondantes.

Au cours de la maturation, les teneurs enterpénols libres augmentent, mais onttendance à diminuer en sur-maturité,notamment celle du linalol dans le Mus-cat de Frontignan. Par ailleurs, lesattaques de Botrytis cinerea affectent defaçon importante les teneurs en terpé-nols libres.

L’environnement lumineux des grappesinflue également sur les teneurs en ter-pénols. Les grappes très ombragées pré-sentent les teneurs les plus faibles en ter-pénols mais les plus ensoleillées ne sontpas pour autant les plus riches. L'opti-mum est en fait atteint pour les grappessemi-ombragées, et notamment en ce qui

1 : α-terpinéol 2 : linalol 3 : nérol 4 : hotriénol 5 : géraniolseuil olfactifdans le vin 400 50 400 110 130(µg/l)

Figure 1 : Principaux monoterpénols de la baie de raisin.

Page 7: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 7

concerne le linalol qui semble le plusréactif aux conditions d’éclairement.

1.1.2 Les pyrazines

Les pyrazines constituent une famille decomposés d’arôme assez large, mais seulela 3-isobutyl-2-méthoxypyrazine (3-IBMP)a été détectée à des teneurs supérieuresà son seuil de détection olfactive. Ce der-nier est très bas, de l’ordre de 8 ng/l dansles vins blancs et 10 à 15 ng/l dans les vinsrouges.

La 3-IBMP présente une odeur puissanteet caractéristique de poivron vert. Ellen’est donc pas responsable d’odeurs frui-tées, mais au contraire peut avoir uneffet de masquage sur ces dernières,notamment des vins rouges. Elle peutégalement apporter une complexifica-tion de l’arôme comme c’est le cas danscertains vins de Sauvignon de Nouvelle-Zélande (Dudourdieu, 2006).

Parmi les cépages blancs, elle a été iden-tifiée chez le Sauvignon, le Sémillon et leChenin. Les teneurs pour le Sauvignonblanc peuvent aller de 1 à 45 ng/l. Lesvins les plus riches semblent être ceux derégions froides, comme la Nouvelle-Zélande, alors qu’en région chaude, ellessont plus modestes. C’est cependant dansles vins rouges de la famille des Cabernetqu’elle reste la plus présente et domma-geable pour l’arôme fruité.

Si les concentrations en 3IBMP des baieschutent au cours de leur maturation, lamolécule est en revanche stable au coursdu vieillissement des vins. Des expérimen-tations ont montré que des travaux envert (effeuillage, éclaircissage, tapis solai-re) ainsi que certaines techniques de vini-fication (macération préfermentaire àchaud dans le cas de la vinification enrouge) permettaient d’en diminuer forte-ment les teneurs et donc l’impact défavo-rable sur les vins.

1.2 Les précurseurs glycosidiques

A l’exception de certains cépages dit aro-matiques, les baies de la plupart desvariétés de Vitis vinifera présentent desodeurs non spécifiques, alors que les vinsqui en sont issus sont d’une grande diver-sité aromatique variétale. Les raisons decette modification profonde peuventêtre attribuées aux arômes nés de la fer-mentation, mais également et surtout, àla révélation de certaines moléculesissues de précurseurs non odorants déjàprésents dans les baies. Parmi eux, setrouvent les composés glycosylés. Cescomposés associent un composé volatilappelé aglycone à une partie osidique(sucre) par une liaison β-glucosidique.Dans le raisin, on trouve des monogluco-sides, dont la partie osidique se limite àune unité β-D-glucopyranosique, et desdiglycosides, plus nombreux, dans les-

quels une seconde unité sucre est liée à lapremière. Ce second ose peut être un β-L-arabinofuranoside, un β-L-rhamnopyra-noside ou un β-D-apiofuranoside(Williams et al, 1982 ; Voirin et al, 1990).Les aglycones peuvent être de natureschimiques diverses mais doivent compor-ter une fonction hydroxyle (alcool, phé-nol, acide) permettant la liaison glycosi-dique. On retrouve notamment les princi-pales classes de composés volatils sui-vantes : alcools en C6 et supérieurs, phé-nols volatils, monoterpénols et C13-nori-soprénoïdes. Ces deux dernières classessont en général les plus abondantes dansla baie de raisin et il est maintenant éta-bli que plusieurs composés de ces deuxfamilles présentent dans les vins desodeurs intéressantes à des teneurs lesrendant perceptibles.

Ces composés constituent une réserve decomposés volatils qui peuvent être libérésdans les vins par voie enzymatique ouchimique. Le premier mécanisme faitgénéralement intervenir une séquencede plusieurs enzymes, dans laquelle l’oseterminal est tout d’abord désolidarisé duglycoside, puis l’aglycone est libérée del’unité β-D-glucose. Le second mécanismeconcerne l’hydrolyse chimique, permisepar les conditions de pH acide des moûtset des vins. Favorisée par les tempéra-tures élevées (Marais, 1983 ; Winterhal-ter, 1993), elle reste cependant très lentedans les conditions habituelles de vinifi-cation et de vieillissement des vins, à l’ex-ception des glycosides de linalol pour les-quels elle atteint 50 % dès 6 mois deconservation (Voirin, 1990). Les fractionsaglycones libérées sont parfois odorantesmais le plus souvent peuvent le deveniraprès différentes réactions de transfor-mation. Dans les cépages neutres, la frac-tion glycosidique de l’arôme est propor-tionnellement plus importante que lafraction libre (Abbott et al., 1989;Razungles et al., 1993 ; Lopez-Tamameset al., 1997). Les glycosides sont localisésdans les différents organes des plantes,et, chez la vigne, les feuilles peuvent encontenir près de dix fois plus que lesbaies, comme observé par Wirth et al.(2001). Dans la baie elle-même, la réparti-tion peut différer d’une variété à l’autre,et la pellicule en contient la plus grandepartie, entre 60 % et 75 %, dans lescépages blancs (Wilson et al., 1984;Günata et al., 1985 ) et rouges (Gomez etal., 1995). Ces composés apparaissent aumoment de la véraison et s’accumulentau cours de la maturation et de la surma-turation des baies (Williams et al., 1984 ;Wilson et al., 1985 ; Marais, 1987 ; Park etal., 1991 ; Razungles et al., 93).

Plusieurs travaux accréditent l’hypothèsed’une biosynthèse in situ dans les baies,de façon autonome vis-à-vis des proces-

sus connus associés à la maturation desraisins. Gholami et al. (1995) ont en effetmontré que la présence des glycosidesdans la baie est davantage déterminéepar le génotype de la grappe que parcelui de la vigne. De plus, le processusd’accumulation des arômes glycosidiqueset libres est significatif aux stades dematuration avancés, après le ralentisse-ment de la production de sucres. Pour lavariété Syrah, ce processus pourrait inter-venir après l’interruption des échangesentre la grappe et le cep observée à tra-vers la perte de poids des baies (Coombeet McCarthy, 1997 ; McCarthy et Coombe,1999). Enfin, Bureau et al. (2000) ontmontré que l’environnement lumineuxdes grappes, plus que celui des feuilles,influence les teneurs en glycosides desbaies de Syrah et de Muscat, et quel’éclaircissage (retrait d’une partie desgrappes) n’a pas d’effet significatif.

Dans les vins, les précurseurs glycosi-diques sont susceptibles de contribuer àla typicité aromatique développée aucours du vieillissement. L’influence globa-le des composés d’arômes qu’ils génèrenta été observée : ainsi l’enrichissement englycosides de vins de Grenache noirconduit, après traitement de vieillisse-ment modèle, à des profils sensorielsproches des vins de Grenache vieillis plu-sieurs années (Ormières et al. 1997). Parailleurs, par des analyses chimiques etsensorielles de vins et d’hydrolysats defractions glycosidiques, Abbott et al.(1991) ont montré l’implication des glyco-sides dans des différences qualitativesentre vins de Syrah. Cependant aucunede ces études n’a établi une comparaisondes profils sensoriels des vins des deuxcépages sur la base de leurs glycosidesdans le raisin. Un travail récent mené surle grenache et la Syrah, au sein de l’UMR-SPO en collaboration avec Inter-Rhône atenté de combler cette lacune en déter-minant :

1 - le rôle des composés glycosylés entant que précurseurs d’arôme,

2 - leur importance dans la différencia-tion des vins des deux variétés étudiées,

3 - la nature des différences perçuesentre les vins des deux cépages.

L’étude a été faite par analyse sensorielle,avec un jury de 17 personnes sélectionnéet entraîné à la perception des odeurs, età l’aide d’une liste de descripteurs géné-rés par le jury lui-même. Cette liste, aprèsdifférentes étapes de réduction, conte-nait 19 termes, non corrélés entre eux.

Le rôle joué par ces précurseurs dans leprofil odorant des vins des deux variétésa été mis en évidence en augmentantleurs teneurs naturelles d’un facteur 3 eten pratiquant des vieillissements modèlespar hydrolyse acide à chaud, précédée ou

Page 8: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

8 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

pas d’un enzymage. Trois vins de Gre-nache et trois de Syrah, enrichis ou pasen précurseurs glycosylés extraits dumême vin, ont été soumis à une tech-nique de vieillissement accéléré.

Les résultats d’analyse sensorielle obte-nus par comparaison de ces essais mon-trent l’importance de l’ajout de composésglycosylés dans l’amplification desarômes d’évolution des vins des deuxcépages. Tous échantillons confondus, lesvins de Grenache se différencient signifi-cativement de ceux de Syrah pour les sixdescripteurs suivants : cassis, cuir, fraise,olive, sous bois, végétal. L’utilisation desmodalités de vieillissement jumelées(enzymage et chaleur), induit une pertesignificatives des arômes de jeunesse(essentiellement fruités) et une recrudes-cence des arômes d’évolution identifiésdans des vins vieillis naturellement. L’en-richissement en glycosides amplifie lesnotes fruités dans les vins de Grenacheet les notes de cuir et d’olive dans ceuxde Syrah. L’utilisation d’enzymes glycosi-dases tend à faire évoluer l’arôme desvins de Grenache vers un caractère defruit cuit, alors que chez la Syrah, leséchantillons enrichis en glycosides se dif-férencient selon la parcelle de prove-nance.

1.3 Les précurseurs de thiols

Les S-conjugués de la L-cystéine ou pré-curseurs cystéinés, précurseurs inodoresde composés à fonction thiol très odo-rants, ont été mis en évidence et identi-fiés directement dans le raisin, récem-ment (Darriet et al., 1993; Tominaga etal., 1995; Tominaga et al., 1998b). Seule-ment 3 de ces précurseurs ont été identi-fiés formellement dans la baie de raisin :la S-(1-hydroxyhex-3-yl)-L-cystéine(P3MH), le S-(4-méthyl-2-oxopent-4-yl)-L-cystéine (P4MMP) et le S-(4-méthyl-2-hydroxypent-4-yl)-L-cystéine (P4MMPOH ;(Tominaga et al., 1995; Tominaga et al.,1998b). Ce dernier intervient très rare-ment dans l’arôme du futur vin

Du fait des difficultés analytiques, peu dedonnées quantitatives sur les S-conjuguésà la cystéine ont été publiées. Leursteneurs sont faibles et ne dépassent pasune centaine de µg/L pour le P3MH, leplus abondant, dans le moût de Sauvi-gnon Blanc et de Petit et Gros Manseng,et quelques µg/L pour le P4MMP dans lemoût de Sauvignon Blanc, (Peyrot desGachons et al., 2000 ; Peyrot des Gachonset al., 2002a ; Peyrot des Gachons et al.,2005 ; Dagan, 2006). Quant à leurs évolu-tions au cours de la maturation de labaie, elle apparaissent variables selon leprécurseur et le millésime (Peyrot desGachons et al., 2000, Dagan, 2006).

Dans la baie de raisin, la P4MMP se répar-tit également dans la pellicule et la pulpe

alors que le P3MH est majoritairementprésent dans la pellicule (Murat et al.,2001b; Peyrot des Gachons et al., 2002a).Ainsi, la macération pelliculaire affecteessentiellement le P3MH, dont les quanti-tés récupérées dans le jus sont plusimportantes par rapport à une vinifica-tion classique (Murat et al., 2001b; Peyrotdes Gachons et al., 2002a).

Bien que peu abondants et peu nom-breux, ces précurseurs apportent cepen-dant une contribution très forte à l’arô-me du vin. Ils sont en effet à l’origine de4 thiols extrêmement odorants, absentsdu raisin, mais responsables dans le vinde notes olfactives reconnaissableslorsque leurs teneurs sont suffisantes : le3-sulfanylhexan-1-ol (3MH), l’acétate de3-sulfanylhexyle (ac3MH), la 4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one (4MMP), présen-tant des seuils de perception olfactivetrès bas, respectivement de 60 ng/L, 4,2 ng/L et 0,8 ng/L en solution hydroal-coolique (Tominaga et al., 2000). Ils pré-sentent respectivement des odeurs depamplemousse, de zeste d’agrumes et debuis, qui participent fortement aux fruitéde nombreux vins blancs et rosés.

Dans les vins dosés jusqu’à ce jour, le 3-sulfanylhexan-1-ol, toujours présentquelque soit le cépage, est de loin le plusabondant, avec des teneurs au moinségales à son seuil de perception et pou-vant atteindre quelques µg/L, alors que ledernier ne dépasse que très rarement sonseuil de perception. Quant aux 2 autresthiols, leurs teneurs dans les vins par rap-port à leur seuil de perception sont trèsvariables selon le cépage et selon leséchantillons d’un même cépage, et sont,soit supérieures, avec des maxima del’ordre de quelques centaines de ng/Lpour l’ac3MH et de la centaine de ng/Lpour la 4MMP, soit inférieures, (Darriet etal., 1993; Darriet et al., 1995; Güth,1997a; Tominaga et al., 2000; Tominagaet al., 1996; Güth, 1997a; Bouchilloux etal., 1998; Kotseridis et Baumes, 2000;Lopez et al., 2003; Murat et al., 2003;Schneider et al., 2003; Fretz et al., 2005).

C’est au cours de la fermentation que lalevure, par l’intervention d’enzymes detype S-β-lyase, libère les thiols odorantspar rupture de la liaison C-S de la partiecystéine des précurseurs cystéinés du rai-sin (Tominaga et al., 1998b). Les rende-ments de transformation des précurseurscystéinés en fin de fermentation pardiverses souches de levure Saccharomycescerevisiae sont faibles et variables,quelque soit le précurseur étudié enmilieu modèle ou naturel, bien que laplupart des précurseurs initiaux soientdégradés: de 0,06 % à 0,6 % pour laP4MMP (Murat et al., 2001a), et de 0,6 %à 10,2 % pour le P3MH ( Murat et al.,2001b). Quant à l’ac3MH, qui n’a dans le

raisin aucun S-conjugué à la cystéine,c’est également la levure qui le forme paracétylation du 3MH, comme elle acétyleles alcools supérieurs provenant de sonmétabolisme azoté. Ainsi, la formationde ces thiols par la levure est très dépen-dante de la souche de levure, du môut etdes conditions de la fermentation, cer-taines souches sauvages de Saccharo-myces bayanus var. Uvarum étant particu-lièrement actives (Murat et al., 2001a;Masneuf et al., 2002; Howell et al., 2004;Dubourdieu et al., 2006 ; Masneuf-Poma-rede et al., 2006).

Quant à l’évolution de ces thiols odorantsau cours de la conservation du vin, leursteneurs diminuent généralement, maiscette diminution apparaît très dépendan-te des phénomènes oxydatifs liés à cetteconservation. Ainsi, les facteurs qui pré-viennent l’altération du potentiel réduc-teur du vin (contact limité avec l’oxygè-ne, dioxyde de soufre, lies, glutathion,anthocyanes) limitent ces pertes en thiolsodorants (Murat et al., 2003).

1.4 Les précurseurs du diméthyle sulfure

Ces précurseurs de l’arôme variétal n’ontété mis en évidence dans le raisin quetrès récemment (Ségurel et al., 2004;Ségurel et al., 2005), alors que le dimé-thyl sulfure (DMS) est connu commeconstituant odorant du vin depuis long-temps, ainsi que sa formation au coursdes différentes étapes du procédé devinification et de conservation des vins.

Présentant un seuil de perception de 27 µg/L dans le vin rouge (Anocibar-Belo-qui et al., 1996), le DMS est un des consti-tuants important de l’arôme de truffe,une note olfactive souvent citée pour lebouquet de réduction des grands vinsrouges et des vins de vendange tardive(Du Plessis et Loubster, 1974 ; Spedding etRaut, 1982 ; Anocibar-Beloqui, 1998).Dans les vins rouges de Syrah, à faibleconcentration il semble amplifier lesnotes de fruits rouges, alors qu’à plusfortes concentration, il contribue auxnotes de garrigues, olives et truffe. Ilserait en revanche perçu plutôt négative-ment dans les vins blancs jeunes (Goniaket Noble, 1987).

Au cours de la fermentation, le DMS estlibéré sous l’action des levures à partird’acides aminés soufrés, notamment dedérivés tels la cystine, le glutathion, la S-adénosylméthionine (Schreier et al.,1974; De Mora et al., 1986; AnocibarBeloqui, 1998). Cependant, le DMS pro-duit par les fermentations est en grandepartie éliminé du milieu par entraîne-ment par le CO2, car il est très volatil(point d’ébullition 37°C/1 atm). Ainsi, sesteneurs dans les vins en fin de fermenta-tion sont généralement très inférieures àson seuil de perception, mais il peut être

Page 9: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 9

produit en quantités plus fortes, toujoursassocié à d’autres composés soufréslégers nauséabonds, dans les vins présen-tant le défaut d’odeur de réduit (Park etal., 1994).

Cependant, certains travaux ont montréque les teneurs en DMS augmentent avecle temps et la température au cours duvieillissement en bouteille, jusqu’àatteindre des teneurs de l’ordre du mg/L,(Marais, 1979; De Mora et al., 1986; DeMora et al., 1993; Anocibar Beloqui,1998; Ségurel et al., 2004; Dagan, 2006).Le DMS ainsi produit au vieillissement,serait favorablement perçu dans la genè-se du bouquet de réduction des grandsvins rouges et des vins de vendange tar-dive, contrairement à sa perception dansles vins blancs jeunes (voir ci-dessus). Cesdonnées sensorielles sont toutefois assezlimitées et devront être complétées pourl’ensemble des cépages de cuve et leursdifférents types de vin.

Par ailleurs, une méthode de dosage indi-rect des précurseurs du DMS dans le vin aété récemment développée, (Ségurel etal., 2005), qui constitue une estimationcorrecte du DMS susceptible d’être libérédans le vin au cours du vieillissement(Ségurel et al., 2005). Ces travaux ontmontré par ailleurs que le raisin possé-dait également un PDMS. Parmi les déri-vés méthyl-sulfonium à ce jour connuschez les plantes (Howard et Russell,1997), seule la SMM pourrait être le pré-curseur du DMS, Présente dans le raisin,la SMM serait transmise au vin, où ellelibèrerait du DMS par une réaction dedégradation chimique au cours de saconservation. La formation du DMS sui-vrait un processus chimique lent, dépen-dant de la durée et des conditions deconservation. Ainsi, les différences deconcentrations en DMS pour des vinsd’âges équivalents, s’expliquent essentiel-lement par les différences de PDMS initialà la mise en bouteille.

Les analyses de raisins effectuées à cejour ont révélé un potentiel en DMSextrêmement hétérogène, et parfois trèsélevé pour certains échantillons de raisinsde Petit et Gros Manseng en surmaturité,jusqu’à 4,5 mg/L (Dagan, 2006), beau-coup plus élevé que les teneurs rencon-trées dans le Grenache et la Syrah àmaturité technologique (Ségurel et al.,2004). Pour les échantillons de ces 4cépages, les seuls étudiés à ce jour, lePDMS est dépendant du cépage, du ter-roir et du millésime, et ses teneurs aug-mentent très fortement en surmaturitédans le cas des Manseng, les seuls étudiéspour ce paramètre. Cependant, dans cer-tains échantillons de ces 4 cépages, lePDMS des raisins peut être beaucoup plusélevé que dans les vins correspondants, lasimple dégradation chimique ne pouvant

expliquer ces pertes parfois considérablesde transmission de PDMS. Les causes deces pertes ne sont à ce jour pas connues,mais plusieurs hypothèses pourraient lesexpliquer. L’hypothèse de dégradation dela SMM par les levures est très plausible,car une nouvelle perméase, capable detransporter spécifiquement la SMM, etpermettant à Saccharomyces cerevisiaed’utiliser la SMM comme source desoufre a été identifiée récemment(Rouillon et al., 1999), mais le devenir dela SMM chez la levure n’a pas encore étéétudié. Quoiqu’il en soit, le DMS forméserait presque totalement éliminé parentraînement par le gaz carbonique aucours de la fermentation alcoolique oupar simple vaporisation tant que le vinn’est pas en milieu clos.

2. Composés fermentairesresponsables du fruitédes vinsLa composante fermentaire de l’arômedes vins est celle qui a été vraisemblable-ment la plus étudiée, du moins en ce quiconcerne les composés les plus abon-dants, et notamment les esters éthyliquesd’acides gras linéaires à courte chaîne etles acétates d’alcools supérieurs. Celavient de leur facilité d’analyse.

2.1 - Esters éthyliques d’acides graslinéaires et acétates :

Les esters éthyliques d’acides gras et lesacétates d’alcools supérieurs dériventtous des acyl-S-coenzyme A par alcoolise.La prépondérance quantitative d’acétyl-coenzyme A, et d’éthanol dans le moûten fermentation explique la prédominan-ce de ces deux classes.

Les principaux esters éthyliques rencon-trés dans les vins, ainsi que leur seuil dedétection, sont consignés dans le tableausuivant. Ils ont tous une odeur rappelantplutôt les fruits à chair blanche comme lapomme ou la poire.

En ce qui concerne les acétates, outrel’acétate d’éthyle fortement majoritaire,mais dont la contribution est jugée plu-tôt défavorable, les acétates majoritaire-ment rencontrés dans les vins sont l’acé-tate d’isoamyle (odeur de banane carac-téristique, seuil de détection olfactive de

30µg/L), l’acétate d’hexyle (odeur d’ana-nas) et l’acétate de 2-phenyléthyle (odeurde rose fanée).

L’importance de ces composés à l’arômefruité des vins a été rappelé très récem-ment par Masson et Sanchez (2005), lorsd’une expérience de reconstitutiond’odeur sur un vin rosé de Provence.L’ajout à un vin préalablement désaroma-tisé d’un certain nombre des composésfermentaires initiaux permet en effetd’approcher le profil aromatique du vininitial. Aux concentrations ajoutées danscette expérimentation, l’acétate d’isoa-myle apporte une note de rose et l’octa-noate d’éthyle des notes d’agrumes.L’hexanoate d’éthyle intensifie l’odeur defruits rouges, melon, caramel et réglisse.L’acétate d’hexyle apporte une note aro-matique qui ne faisait pas partie des des-cripteurs du jury expert et n’a pu doncêtre identifiée.

La biogénèse des esters éthyliques et desacétates pendant la fermentation alcoo-lique est sous la dépendance des métabo-lismes lipidiques et azotés. Les conditionsde fermentations sont très importantespour la production des esters éthyliques.Des conditions d’anaérobiose strictes,plus facilement atteintes lors de fermen-tations en phase liquide, des tempéra-tures de fermentation basses et une clari-fication des moûts importante mais per-mettant la présence suffisante debourbes résiduelles (ou d’ergostérols)sont les facteurs les plus favorables à laformation des esters éthyliques (Baumes,1998). Comme le rappelle l’auteur, lesesters éthyliques en C6, C8, C10 et C12étant des inhibiteurs de la multiplicationlevurienne, il faut rester vigilant, dans cesconditions de vinification, aux arrêts defermentation.

Pour les acétates, outre la souche delevure, et notamment sa plus ou moinsforte capacité d’acétylation, il sembleque la teneur en alcools supérieurs soientle facteur prédominant qui régule leursynthèse. Une clarification trop poussée,défavorable à la production d’alcoolssupérieurs (Bertrand, 1981), peut doncêtre dans ce cas limitante pour la forma-tion des acétates correspondants.

Seuil de détection (µg/l) Milieu Référence

butanoate d’éthyle 20 10% v/v a

hexanoate d’éthyle 5 10% v/v a

octanoate d’éthyle 2 10% v/v a

décanoate d’éthyle 510 vin désodorisé b

Tableau 1 : Principaux esters éthyliques d’acides gras linéaires à courte chaîne rencontrésdans les vins.

Page 10: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

10 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

La diminution des concentrations enesters éthyliques d’acides gras à nombrepair d’atomes de carbone au cours duvieillissement est bien connue (Marais etal., 1978; Marais et al., 1980 Shinohara etal., 1981 Garofolo et al.,1994). Elle résultedu retour à l’équilibre entre les esters etleur produit d’hydrolyse. Les vitesses desréactions d’hydrolyse dépendent de latempérature, des concentrations en réac-tants, du type de composé (poids molécu-laire des esters).

2.2. Esters éthyliques ramifiés

Il a été récemment démontré que lesesters ramifiés (2-méthylpropanoate, 2-et 3-méthylbutanoate d’éthyle) présentsdans le vin pouvaient avoir un rôleimportant dans l’arôme (Güth, 1997;Güth, 1997a, Ferreira et al., 1998; Kotséri-dis, 1998, Schneider, 2001).

Le tableau 2 suivant donne les seuils dedétection olfactive des différents estersramifiés, qui présentent tous des odeursde fruits rouges.

Ces composés se forment au cours de lafermentation alcoolique par estérifica-tion des acides correspondants, maiscontrairement aux esters éthyliquesd’acides gras à nombre pair d’atomes decarbones dont la concentration diminueau cours du vieillissement, ces dernierssemblent relativement stables au coursdu vieillissement (Kotséridis, 1998) voireaugmentent (Schneider, 2001).

Cette augmentation s’explique par lefait, qu’en fin de fermentation l’équilibrede la réaction d’estérification n’est pasatteint. Elle se poursuit donc, par voiechimique, de manière lente au cours duvieillissement.

3 - Composés furaniques

Deux composés furaniques semblentimportants dans l’arôme fruité des vinsrouges et rosés : le furanéol et son homo-logue, l’homofuranéol.

Le furanéol (odeur de caramel et de frai-se) a d’abord été identifié dans les vinsde Vitis labrusca (Rapp, 1980) et semble

caractériser les vins d’hybrides (Rapp,1980; Guesdes de Pinho et al., 1995). Saprésence dans les vins de Vitis vinifera n’aété démontrée que récemment (Güth,1997; Güth, 1997a; Cutzach et al., 1998;Cutzach et al., 1998a), certainement àcause de son analyse mal aisée. L’homo-furanéol (odeur de caramel, de brûlé) estégalement un composé volatil importantpour les vins de Merlot et Cabernet Sau-vignon (Kotséridis, 1998). Un précurseurglycosidique du furanéol a été identifiédans la fraise. Dans le raisin aucune preu-ve structurale n’a encore été fournie bienque des arguments étayant son existencesoient avancés (Guesdes de Pinho et al.,1995; Kotséridis, 1998).

Le furanéol est un marqueur de l’arômedes vins de Merlot (Kotséridis,1998) danslequel ses concentrations sont reliées àl’intensité de la note de confiture de frai-se de ces vins. Dans le cas des vins rosés,les expériences d’omission d’arômemenées par Ferreira et al. (2002) mon-trent clairement que le mélange furanéolet homofuranéol, à l’instar de la β-damascénone (C13-norisoprénoïde issude précurseurs glycosylés, cf § 1.2) est unexhausteur des odeurs fruités des vins.

ConclusionLes composés contribuant à l’arôme frui-té des vins sont nombreux. Les principauxque nous avons présenté dans cet exposéont des origines et des structures trèsvariées si bien que leur maîtrise reste dif-ficile. Cependant les avancées récentesdans la connaissances de mécanismes deformation de ces composés, complétéespar des expérimentations de terrainsdonnent des pistes permettant un certainpilotage des itinéraires techniques viti-vinicoles, du choix du cépage, aux condi-tions de conservation des vins.

Il ne faut cependant pas oublier quel’arôme fruité d’un vin est un tout, etqu’une seule famille de composéexplique rarement l’intégralité desnuances olfactives perçues. Les essais dereconstitution d’odeur menés récemmentconfirment cette observation et mettenten lumière de nombreux effets de syner-gie entre composés très différents. Larecherche de l’augmentation d’un typede composés ne doit donc pas se faireaux détriment d’autres composés, aurisque de dénaturer l’arôme et la typicitédu vin.

Seuil de détection (µg/l) Milieu Référence

2-méthylpropanoate d’éthyle 15 a

2-méthylbutanoate d’éthyle 1 solution a

3-méthylbutanoate d’éthyle 3 hydro-alcoolique a

Tableau 2 : Principaux esters éthyliques d’acides gras ramifiés rencontrés dans les vins.

Figure 2 : Furanéol et homofuranéol.

Page 11: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 11

IntroductionAfin d’appréhender et d’apprécier laprise en compte du “fruité” dans lasélection clonale, nous avons choisid’étendre cette notion à l’appréciationplus globale du potentiel aromatique.

Il existe des cépages aromatiques quidéveloppent des arômes variétaux etdont la production de molécules aroma-tiques (pyrazines, terpènes, parexemple) est directement liée au raisinet donc au matériel végétal sélectionné.Ces arômes sont quantifiables par ana-lyses physico-chimiques et la dégusta-tion permet d’apprécier également leurexpression. C’est le cas des Muscats etdu Sauvignon, voire du Viognier.

Pour les cépages peu aromatiques ou nedéveloppant pas d’arômes variétauxspécifiques, l’appréciation à la dégusta-tion et le jugement “fruité” sont liés,certes aux potentiels de production ettechnologique du matériel végétal,mais proviennent surtout des pratiquesculturales et œnologiques. C’est le casdu Chardonnay, du Grenache ou duMourvèdre.

Notons que l’aspect aromatique peutêtre également lié à des mutations,c’est le cas particulier du Chardonnaymuscaté qui est une mutation du Char-donnay et du Gewurztraminer qui est laforme rose et aromatique du SavagninB.

Débattre de la sélection clonale et dupotentiel aromatique, c’est essayer derépondre à plusieurs questions :

Existe-t-il des différences entre lesclones ? Comment les quantifier ? Com-ment intégrer la notion de “fruité”dans la conduite des travaux de sélec-tion clonale ? Quels paramètres peu-vent influer sur une expression aroma-tique jugée positivement lors de ladégustation ?

En s’appuyant sur les travaux d’expéri-mentation menés par les partenairesd’ENTAV-ITV France dans les différentsvignobles, nous nous proposons demontrer que la dégustation et l’analysepermettent de comparer et classer lesclones de cépages à fort potentiel aro-matique. Nous étudierons égalementdes travaux de sélection récents menéssur des variétés majeures du vignobleméridional afin de montrer, comment,avec des caractéristiques culturales et

technologiques différentes, leur utilisa-tion peut apporter des éléments deréponse à la demande du marché envins “fruités”.

Les objectifs de la sélectionclonale ont évolué depuis 1970Valorisation du patrimoine

Depuis les années 70, la sélection clona-le est la voie privilégiée de sélection dela vigne. Cette voie représente près de95 % des plantations effectuées enFrance. Désormais, ce sont plus de 1100clones qui ont été agréés pour 237variétés de cuve inscrites au CatalogueNational. Cette technique consiste, pourchaque cépage, à étudier la diversitéintra-variétale et y sélectionner lesclones dont l’état sanitaire rapport auxviroses est satisfaisant et dont les carac-téristiques culturales et technologiquescorrespondent le mieux aux objectifs dela viticulture.

Enjeux majeurs

Les objectifs ont évolué en 40 ans ; lespremières sélections ayant répondu à ladouble obligation de renouveler desvignobles fortement atteints par lecourt-noué et de proposer des clonesavec un potentiel de production plutôtélevé. Les variables degré alcoolique etproduction ont fortement pesé sur l’ob-tention de cette première générationde clones, et les travaux conduits ontmontré, généralement, une bonne cor-rélation entre un faible potentiel deproduction, le degré probable assez éle-vé et la qualité du produit final. Denombreux clones sélectionnés à cettepériode sont aujourd’hui encore large-ment diffusés.

Notion de gamme de cloneset 2e génération

Désormais, c’est une large gamme declones dont nous disposons ; il convientde l’élargir et de la compléter, si pos-sible, afin de balayer tout le champ dela diversité intra-variétale. En prenanten compte d’autres critères, tel que lepotentiel aromatique, par exemple oules paramètres permettant sa meilleureexpression.

L’appréciation du potentielaromatiqueComment l’analyse des composantsaromatiques et la dégustation sont unmoyen de sélectionner ou de classer lesclones.

Les deux nouveaux clones de ViognierB, 1042 et 1051

Jusqu’en 2002, le seul clone agréé deViognier est le clone 642. Ce clone estcaractérisé par une fertilité moyenne àsupérieure, des grosses grappes com-pactes, et des vins manquant parfoisd’acidité. Dans le midi, des rendementsélevés ont parfois conduit à l’obtentionde vins jugés “un peu lourds”. Grâce àdes prospections conduites au débutdes années 90 et au suivi d’une collec-tion d’étude installée en sud Ardèche,ce sont deux nouveaux clones qui ontété agréés, 1042 et 1051 grâce à leursprofils culturaux et leurs caractéris-tiques organoleptiques.

1042 a une fertilité moyenne, desgrappes petites, lâches. Les vins issus dece clone, avec une acidité supérieure,ont été appréciés, pour leurs caractéris-tiques olfactives et leur longueur enbouche notamment.

1051 se caractérise par une fertilité infé-rieure, un poids de des grappes légère-ment supérieur à la moyenne. Les vinsissus du clone 1051 ont souvent été pré-férés pour leur équilibre et leur persis-tance.

Il serait hâtif d’en conclure que le clone642 n’a plus d’intérêt. Sur des sols peufertiles, avec un porte-greffe plus faible,l’utilisation du clone 642 est envisa-geable mais pour la production de vinsà forte expression aromatique, on luipréfèrera les clones 1042 et 1051.

Les clones récents de Sauvignon B

6 des 20 clones agréés de Sauvignonainsi que le Sauvignon gris (mutation dela forme blanche) ont été suivis par laChambre d’Agriculture de la Girondependant 5 années. L’objectif de cet essaiétait de comparer des sélectionsrécentes, 905 et 906, à des clones plusanciens et largement diffusés en Borde-lais, 108, 242, 316 et 317 (*). Les don-

Sélection clonale et potentiel aromatiqueLaurent AUDEGUIN - ENTAV-ITV France

(*) : 316 et 317 sont des clones porteursde l’enroulement type 2.

Page 12: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

12 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

nées viticoles font apparaître des diffé-rences significatives en terme de poidsde grappe. 108, 905 et 906 ont desgrappes plus petites. Les analyses devins ne font pas apparaître de diffé-rences significatives.

Sur les deux millésimes dégustés, 2003et 2004, des différences ont été relevéespour l’intensité et la qualité olfactiveainsi que la typicité.

905 et 906 ont des notes globales plusélevées. 906 et 108 sont significative-ment mieux notés pour la qualité glo-bale du nez et notamment l'intensitéolfactive ainsi que la typicité “Sauvi-gnon”.

En résumé, et dans les conditions pédo-climatiques de l’essai, les clones lesmoins productifs ont été les plus appré-ciés à la dégustation.

En ce qui concerne le clone 906, cesobservations sont corroborées par lestravaux de la Chambre d’Agriculture duGard qui a conduit un essai à Savi-gnargues pendant plusieurs années.Dans les deux essais, le clone 917 deSauvignon gris a été étudié, il s’est avé-ré plus précoce, plus riche en sucres etses vins sont apparus parfois un peulourds du fait, sans doute, de la précoci-té de ce clone.

Cas des Muscat à petits grains blancs etMuscat d’Alexandrie

La station vitivinicole de Tresserre et laChambre d'Agriculture du Roussillonont effectué des études comparativessur les clones agréés de Muscat à petitsgrains de 2002 à 2006 dans le cadre dela production de vins doux naturels. Cesétudes ont porté sur 6 des 13 clonesagréés dont les caractéristiques viti-coles, œnologiques et organoleptiquesont été étudiées.

Le dosage des terpènes (linalol, nérol,géraniol) a été effectué sur baies parchromatographie en phase gazeuse.Les clones 453 et 454 présentent unpotentiel supérieur aux autres ; cepen-dant lors de la dégustation du millésime2005, c’est le clone 154 qui a été préférépour ses arômes floraux plus dévelop-pés.

Le Muscat d’Alexandrie a fait l’objet detravaux semblables. Le clone 9014 a étécomparé aux 4 clones agréés, notam-ment le clone 308. Il a un très bonpotentiel aromatique et ses vins ont étéappréciés, il sera présenté pour un agré-ment éventuel en 2007.

Pour des cépages qui comptent parmiles plus aromatiques, il n’y pas toujourscorrélation entre l’analyse physico-chi-mique et la dégustation.

Des clones de Vermentino plus aroma-tiques

10 clones agréés ont été suivis par laChambre d’Agriculture du Var pendant8 années. Les données viticoles fontapparaître des différences assez limitéesen terme de fertilité et de poids degrappe. Par rapport à la moyenne de lapopulation, ces variations peuventcependant atteindre 10 %. Les analysessur vin révèlent des différences assezfaibles également. Le titre alcoomé-trique varie de 11,9 % vol. (clone 639) à12,6 % vol. (clone 876). Le clone 766présente le meilleur équilibre acide.

En termes de dégustation, les vins issusde ces clones ne se distinguent pas demanière significative lors de l’examenolfactif. En bouche, seul le clone 640 sedistingue significativement, il a été per-çu comme le moins vif.

D’un point de vue général, les clones766 et 856 ont été les plus appréciés,avec une intensité olfactive plus impor-tante, des notes de fruits exotiques etde fruits à chair blanche.

Ces résultats sont dans l’ensemble, cor-roborés par les travaux conduits par leCIVAM de la région Corse, sauf pour leclone 876, jugé meilleur que les autres àla dégustation dans les vignoble corse.

Dans les deux sites, de manière généra-le, les clones préférés sont ceux qui pré-sentent le potentiel de production leplus faible.

Les travaux de sélectionrécents, quelques exemplespour la viticulture méridionaleL’influence des composantes du rende-ment et leur relation avec l’apprécia-tion du potentiel aromatique et du“fruité” dans la sélection de cépagespeu aromatiques.

La sélection des Grenache N 1064 et1065, des clones complémentaires

Les travaux de la Chambre d’Agriculturedu Vaucluse sur une population declones prospectés dans la Rioja(Espagne) au début des années 80 apermis l’agrément de deux nouveauxclones au comportement très complé-mentaire. Le clone 1064 est régulier,peu productif avec une concentrationen anthocyanes supérieure à la moyen-ne. Le clone 1065 est très irrégulier, depar sa sensibilité à la coulure, et trèsfertile. Malgré tout, il s’est avéré plusriche en anthocyanes même lors de mil-lésimes sans coulure. La Chambred’Agriculture préconise d’utiliser cesdeux clones ensembles afin de s’affran-chir de l’effet coulure et d’obtenir des

vins de grenache suffisamment colorés.Cependant, l’usage du seul clone 1065,les années sans coulure, peut permettred’obtenir des vins fruités de gardemoyenne.

La sélection de la Roussanne B 1040, unclone plus productif et plus apprécié

Jusqu’à l’année dernière, 4 clones deRoussanne B étaient agréés, 467, 468,469 et 522. Ces clones sont assezproches et dans le type du cépage, c'est-à-dire petits producteurs, peu fertiles àpetites grappes.

Une population de 10 clones a été sui-vie par la Chambre d’Agriculture del’Ardèche et l’ENTAV pendant 8 ans. Laparcelle expérimentale est située surl’AOC Saint Joseph. Le clone 9040 s’y estmontré significativement plus productifque les autres clones (fertilité supérieu-re et poids des grappes supérieur). Lesvins ont été dégustés au cours de 3 mil-lésimes. Le clone 9040 a été préféré (*)pour ses caractéristiques olfactives(notes florales), son équilibre et sa per-sistance en bouche.

La sélection du Mourvèdre N 1069, unclone moins productif et plus apprécié

Les travaux de la Chambre d’Agriculturedu Var sur une population de clonesprospectés dans la région de Jumilla(Sud Est de l’Espagne) au milieu desannées 80, ont permis l’agrément duclone 1069. Jusqu’à présent, 13 clonessont agréés et le clone 369 est le plusqualitatif sur le plan cultural et organo-leptique. Le clone 1069 a été agréé surla base de son potentiel de productionplus limité que le clone 369, sa meilleu-re maturité, et ses vins jugés plus aro-matiques, plus persistants avec desnotes épicées et empyreumatiques.

Orientations pour les sélections de demainUn encépagement à élargir

Sur le créneau vins fruités, légers, facilesà boire, il y a peut être l’opportunitéd’évaluer des cépages historiques denotre vignoble tombés en désuétude,du fait de la prédominance des Gre-nache et Syrah. Par exemple : le Rivai-renc (Aspiran), le Piquepoul, le Morras-tel (récemment classé dans la région), leCastets (suivi actuellement par laChambre d’Agriculture de l’Aude etdont les premiers résultats sont encou-rageants). Le Cabernet franc et le Cin-saut pour des raisons diverses sont peudiffusés dans le midi ; ces deux cépages

(*) : les clones 469 et 522 n’ont pas été vini-fiés.

Page 13: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 13

peuvent permettre d’élaborer des vins“fruités”.

La piste des cépages étrangers mériteégalement d’être explorée et notam-ment les cépages des pays plus méridio-naux (Italie, Grèce, Portugal).

Sur le créneau purement aromatique,les conditions d’adaptabilité de cépagesaromatiques nouveaux pour la régiondevront être étudiées avec soin, notam-ment pour les cépages à cycle végétatifcourt.

Des outils plus pertinents permettantune sélection plus rapide

Le dosage des précurseurs cystéinylés àl’origine de la libération des thiols esttrès intéressant pour la sélection desSauvignon. C’est ce qu’ont montré l’IN-RA Bordeaux et la faculté d’œnologiede Bordeaux à partir d’expérimentationssur un conservatoire de 80 clones ducépage Sauvignon au domaine de Cou-hins. En effet, il semble que les teneurs

en précurseurs soient non seulementcorrélées à la taille des baies et le rap-port sucres/acides mais également aumatériel végétal. Car les résultats obte-nus sur une parcelle très homogène (pasd’effet terroir), durant deux millésimes,sont stables et mettent en évidence uneffet clone supérieur à l’effet millésimesur le potentiel aromatique des baies.

D’autres critères de sélection à considérer

Une des finalités de la sélection clonaleest, comme nous l’avons indiqué, l’ob-tention d’une gamme de clones repré-sentant la diversité la plus large pos-sible. Ceci afin de permettre au viticul-teur de choisir le matériel végétal enadéquation avec ses objectifs.

Les clones de 1re génération sélectionnésdans les collections et les conservatoiresont été triés sur des critères qui aujour-d’hui, ont évolué. Même si faible pro-duction et degré alcoolique sont sou-vent très bien corrélés avec les qualités

gustatives, comme nous venons de lemontrer, on ne peut désormais trier lescollections sur ces seuls critères. Ilconvient d’intégrer d’autres paramètrestels que le port, la maturité phénolique,l’état sanitaire, l’acidité pour les vinsblancs. D’autant que certains de cesparamètres peuvent influer positive-ment ou négativement sur la percep-tion du fruit. Cet aspect est à appréhen-der cépage par cépage à la lumière descaractéristiques des clones déjà diffusés.

ConclusionsLe matériel végétal est un des para-mètres majeurs qui engagent le viticul-teur vers un type de production. Pourautant, le choix du porte-greffe, le ter-roir, les pratiques culturales, le type devinification (date de récolte, durée decuvaison) sont autant de facteurs quemaîtrise le viticulteur et lui permettentde s’adapter au type recherché de pro-duit.

Page 14: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

14 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

Expression de la typicité du vin par la maîtrise de la physiologie et de la conduite de la vigneAlain CARBONNEAU, Professeur de Viticulture IHEV - Montpellier SupAgro

Résumé• Typicité : équilibre général (alcool, aci-dité, astringence, concentration …), poly-phénols, arômes

• Maturité : maximum de charge ensucres du raisin (g/baie) ; à distinguer dela concentration (g/g baie)

• Contrainte hydrique modérée : base dela maturation du raisin ; équilibre offredu réservoir du sol et de la demande cli-matique

• Gestion de l’offre en eau : entretien dusol (enherbement maîtrisé), irrigationqualitative ou quantitative

• Gestion de la demande en eau et dumicroclimat : importance de l’architectu-re ; exemple de la conduite de la Syrahen terroir sec ; intérêt de la Lyre ou de laLyre pliable (profondeur d’ enracine-ment)

• Lien Typicité/Maturation : développe-ment de la typicité de base du fruit (pul-pe) et des dérivés (pellicule) ; modèle lié àla charge en sucres

• Application du modèle de typicité auxsituations de maturation et aux cépagesSauvignon et Syrah.

Raisonnement de l’architecture et de la conduiteAdaptation de la conduite aux objectifsde production :

Conduite qualitative :

– Unité de Terroir de Base – UTB

– Unité de Terroir Viticole – UTV

– Terroir Viticole

– Architecture et caractéristiques microclimatiques, régulation par une contrain-te hydrique modérée

– Espaliers ( référence, H/E)

– Lyre ouverte, lyre tronquée, lyre pliable(optimum)

– Complément : Lys, Niof Casarsa, Gobe-let érigé, Arpava.

Raisonnement de l'irrigation

Objectif :

• irrigation quantitative : - RU

- IS (ou k ETP)

- K.IS

• irrigation qualitative : - RU

- IS (ou k ETP)

- SFEp

- base* (ou étalonnage)

- fin croissance racines

- goutte à goutte

* Pilotage de l’irrigation

Page 15: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 15

Chaîne méthodologique d'analyse de la qualité : Exemple du bilan vitivinicole des essais deconduite de la Syrah en terroir sec à l'unité expérimentale de Pech RougeAlain CARBONNEAU, Hernan OJEDA, Alain SAMSON, José PACOS, Audrey JOLIVOT, Marc HEYWANG

Résultats sur la chaîne méthodologique

• EFFET DOMINANT DU MILLESIME :

– 2001 : tempéré chaud, à nuits tempérées, très sec * ;

– 2002 : tempéré chaud, à nuits tempérées, modérément sec* ;

– 2003 chaud**, à nuits tempérées, très sec* ;

– 2004 : tempéré chaud, à nuits tempérées, modérément sec*.

• EFFET IMPORTANT DE L’ARCHITECTURE :

– Plan relevé (Espalier)

– Lyre (Lyre tronquée)

– Trapèze (Lyre volume)

• EFFET NEGLIGEABLE DE LA GEOMETRIE DE PLANTATION .

Page 16: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

16 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

Page 17: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007 17

Page 18: LES ENTRETIENS VITI-VINICOLES RHÔNE-MÉDITERRANÉE

18 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2007

Pour assurer la meilleure expressionfruitée possible des vins, dans la suitelogique de la maîtrise de la qualité desraisins, la gestion optimale de certainspoints clefs de la vinification est essen-tielle : extraire et stabiliser les élémentspositifs du raisin tout en évitant ledéveloppement des arômes négatifssusceptibles de masquer ce fruit.

La composition du moût est en évolu-tion constante tout au long de la vinifi-cation, ne serait – ce qu'à cause des fer-mentations qui se succèdent. De ce fait,les choix œnologiques ont un impact dufait non seulement de leur nature maisaussi du moment où ils sont mis enœuvre.

En outre, les interactions sont évidentes :on ne peut stabiliser que ce que l'on aextrait, les actes d'extraction peuventavoir des conséquences sur les composésnégatifs, les actions de stabilisation descomposés positifs peuvent aussi stabili-ser les composés que l'on cherche à évi-ter…

En conséquence, traiter ces questions demanière séparée est en partie artificiel.L'approche segmentée reste toutefois lepréalable indispensable à la synthèse.C'est donc en suivant cette logique queseront présentés les points clés de lagestion des vinifications en rouge pourl'expression fruitée des vins.

Le fruit ? se mettre d'accordsur le vocabulairePlusieurs molécules et plusieurs descrip-teurs aromatiques sont susceptiblesd'entrer dans la définition générique du“fruité”. Parmi ces derniers, au moinstrois sont décrits et utilisés dans laméthode d'analyse sensorielle descripti-ve quantifiée (ASDQ) construite et utili-sée par l'ICV : fruits rouges (mélange de2 fruits rouges surgelés et du coulis d'untroisième), confiture (mélange de troisconfitures) et pruneau (un pruneaud'Agen).

Des tests consommateurs ont parailleurs montré que les notes “vanille“sont considérées notamment par lesAnglais comme un descripteur “fruité”.

Les arômes de “banane”, souventintenses dans les vins primeurs rouges,peuvent aussi être rapprochés voire

intégrés à cette famille aromatique.

Dans l'acception assez universellementreconnue parmi les œnologues, le “frui-té” correspond à une dominante dudescripteur “fruits rouges“ accompagnéd'une note plus ou moins intense de“vanille“. C'est cette définition qui serale fil conducteur de ce document.

Ce qui n'empêche pas, en fonction desétudes consommateurs conduites et dela cible visée, de choisir un autre des-cripteur pour piloter son process : ils'agit simplement d'être clair dès ledépart.

ExtraireA partir du raisin

Les composés du raisin ou leurs précur-seurs donnant les notes “fruité” les plusintenses sont extractibles tôt, avec defaibles niveaux d'alcool. Il faut donc tra-vailler le raisin le plus tôt possible, ceque confirment les résultats obtenuslors de macérations préfermentaires àfroid ou avec des outils de thermo trai-tement de la vendange. Le problèmeposé à l'œnologue, c'est que les compo-sés du raisin ou leurs précurseursconduisant à des notes végétales onteux aussi cette caractéristique d'extrac-tibilité précoce. La maturité et l'équi-libre du raisin est la voie la plus directeet évidente pour éliminer ce problème.

Cette maturité n'est pas toujours attein-te. La question du “comment” dans unemacération classique est donc essentiel-le.

On peut citer trois types d'actions pos-sibles :

1. mécaniques d'abord. Le foulage desraisins est l'action initiale qui permet leséchanges entre la pulpe et la phaseliquide et, via la pulpe, entre la pelliculeet la phase liquide. Dans les 15 der-nières années, les érafloirs ont remplacéles fouloirs dans de nombreuses caves. Ilest souhaitable, vue la qualité des maté-riels disponibles, d'évoluer progressive-ment vers des érafloirs – fouloirs quienchaînent les 2 opérations, évitant ladilacération des parties végétales (etdonc la libération de composés indési-rables) tout en ouvrant la voie (sans tri-turation) à la libération des composésrecherchés.

Dans les cuvaisons classiques, toutes lestechniques d'extraction peuvent êtrecitées : délestage, remontage, pigeage,rotation (cuves spécifiques)… Un despoints clés commun à la plupart de cestechniques est la capacité à obtenir dujus tôt et en quantité suffisante pourfavoriser les échanges : la qualité du sys-tème de drains installé dans la cuverieest essentiel pour obtenir rapidement lefruit en limitant les risques de duretégustative. Un autre point clé est la sou-plesse du système mis en œuvre : de cepoint de vue le délestage est la tech-nique qui permet les adaptations lesplus nombreuses. On peut en effetapporter de l'oxygène à dose contrôléesur tout le volume de moût, refroidir ouréchauffer, adoucir ou accentuer lesextractions en renvoyant le jus par lefond ou par le haut. Un troisième pointclé est la possibilité d'enchaîner ungrand nombre d'extractions, les plusdouces possibles, alors que le chapeaude marc n'est pas formé ou est en coursde formation : les systèmes type déles-tage ou remontage sont évidemmentmoins efficaces que les cuves rotativesou les cuves à "remontage assisté". Ilfaut noter cependant que ces dernièrestriturent plus fortement le raisin. C'estd'ailleurs le dernier point clé : la tritura-tion va détacher des parties solides sus-ceptibles de se maintenir très long-temps en suspension et donc de libérerla plupart de leurs composants, positifscomme négatifs. Les actions ultérieuresou concomitantes comme les apportscontrôlés d'O2 ou les mises au proprebien conduites permettent de corrigerune grande partie des conséquencesnégatives de la trituration.

Le pressurage est lui aussi un acte d'ex-traction trop souvent négligé dans sonréglage. Dans les process de vinificationclassiques, avec les objectifs “fruité” telsque définis, on travaille plutôt sur descuvaisons courtes. Il reste donc unequantité notable de moût à extraire duchapeau en fin de macération. La ges-tion des paliers, la séparation despresses et corrélativement leur traite-ment différencié ne sont possiblesqu'avec des pressoirs pneumatiques. Pourfixer les idées et en synthèse, 1 000 mbarest la pression au-delà de laquelle onne réincorpore généralement plus les

Points clés de la gestion des vinifications en rougepour l'expression fruitée des vinsDaniel GRANÈS - Directeur Scientifique ICVCaroline BONNEFOND - Chargée de Mission à la Direction Scientifique de l'ICV