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Colloque international Éducation, Violences, Conflits et Perspectives de Paix en Afrique Yaoundé, 6 au 10 mars 2006 Les effets des conflits et violences sur la scolarisation en République Démocratique du Congo Robert V. YOUDI

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Colloque international Éducation, Violences, Conflits et Perspectives de Paix en Afrique

Yaoundé, 6 au 10 mars 2006

Les effets des conflits et violences sur la scolarisation en République Démocratique du Congo

Robert V. YOUDI

Les effets des conflits et violences sur la scolarisation

En

République Démocratique

du Congo (RDC)

Robert V. YOUDI Janvier 2006

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Table des Matières Page Table des matières 2

Liste des tableaux et graphique 3

Abréviations et acronymes 4

1. Introduction 5 2. Les effets immédiats de la guerre observés sur le terrain 7 3. Analyse des statistiques scolaires 8 4. Analyse du nombre des réussites aux examens d’Etat 13 5. Conclusion 13 Bibliographie 17 Notes 17 Annexe 1 Rapports d’évaluation (OCHA) Annexe 2 Proposition d’un projet de recherche

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Liste des tableaux

Page Tableau 3.1 : Nombre d’écoles d’enseignement primaire en 1987/1988 et 2001/2002 par province 9 Tableau 3.2 : Nombre d’écoles d’enseignement secondaire en 1987/1988 et en 2001/2002 par province 9 Tableau 3.3 : Effectifs des élèves du primaire en 1987/1988 et 2001/2002 10 Tableau 3.4 : Effectifs des élèves du secondaire en 1987/1988 et 2001/2002 11 Tableau 3.5 : Nombre d’élèves du primaire pour 1.000 habitants par province, en 1987/1988 et en 2001/2002 12 Tableau 3.6 : Nombre d’élèves du secondaire pour 1.000 habitants par province, en 1987/1988 et 2001/2002 12 Tableau 4.1 : Evolution du nombre des réussites aux examens d’Etat

par province, de 1990 à 2003 14

Graphique 4.1 : Evolution du nombre des réussites aux examens d’Etat par province, de 1990 à 2003 16

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Abréviations et acronymes AFDL Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo CDE Convention relative aux Droits des Enfants IPS Indice de parité entre les sexes IRC International Rescue Committee MEPSP Ministère de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel MES Ministère de l’Enseignement Supérieur MICS Multiple Indicator Cluster Survey OCHA Bureau de coordination pour les affaires humanitaires PIB Produit intérieur brut PIR Programme Intérimaire Renforcé RCD République Démocratique du Congo RESEN Rapport d’état du système éducatif national RMDH Rapport mondial sur le développement humain TBS Taux brut de scolarisation UNESCO United Nations Educational, Scientifc, and Cultural Organization UNICEF United Nations Children’s Education Fund VIH/SIDA Virus de l’immunodéficience humaine/syndrome de l’immunodéficience humaine acquise

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1. Introduction Avec plus de 50 millions d’habitants, la République Démocratique du Congo (RDC) est le troisième pays d’Afrique et le vingtième du monde par sa population ; avec ses 2,3 millions de km² elle est aussi le troisième pays d’Afrique et le douzième du monde par sa superficie ; quant à ses ressources naturelles, du sol et du sous-sol, elles sont souvent qualifiées de scandale géologique. Mais, en dépit de ces atouts, la RDC est parmi les pays les plus pauvres de la planète : pays où le PIB par habitant est passé de 170 dollars en 1989 à 117 en 1993 et finalement à 74 dollars en 2001 (DSRP, 2002) ; pays où près de 80% de ménages vivent avec moins d’un dollar par jour par personne (RMDH, 2003). Les causes de ce paradoxe sont nombreuses et variées. L’une d’elles est que l’histoire de la RDC a été jalonnée de crises depuis son accession à l’indépendance en 1960.

Le Rapport National sur le développement humain en République Démocratique du Congo souligne l’instabilité institutionnelle ainsi que la personnalisation du pouvoir qui ont entraîné une situation de conflit et de violence chroniques. Il y a d’abord eu les guerres de sécession du Katanga et du Sud-Kasaï qui ont marqué le pays de 1961 à 1963. Ensuite les insurrections de 1963 à 1965, suivies des rébellions armées en 1967, en 1977, en 1978 et des mouvements sociaux de grèves et de protestations, notamment les mouvements des étudiants en 1969, en 1971, en 1986 et en 1990 avec les massacres des étudiants de l’Université de Lubumbashi, et les pillages de 1991 et de 1993. Et enfin, la rébellion de 1996-1997 qui a mis fin à la deuxième République

Les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir, en 1997, de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) ont été vite anéantis par la guerre d’agression dont le pays a été victime en 1998. L’ampleur de cette dernière crise est, selon l’International Rescue Committee (IRC), l’un des conflits les plus meurtriers depuis la deuxième guerre mondiale. Le coût humain des récents conflits est en effet lourd à cause de l’intensité et la durée des affrontements et du nombre des armées régulières engagées dans le conflit pendant près de trois ans, du nombre de milices et de combattants irréguliers impliqués, de l’étendue des zones de combats et du grand nombre de populations déplacées.

Le nombre de morts pendant cette période est estimé à plus de 3.300.000

selon IRC. D’après OCHA (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), le nombre des déplacés internes (IDP) a évolué en fonction des trois phases du conflit : 400.000 pendant la première phase (août à décembre 1998) ; 700.000 pendant la deuxième phase (janvier à juillet 1999), et 3.400.000 pendant la troisième phase qui va de la signature des Accords de Lusaka en juillet 1999 jusqu’en mai 20031. Toute la population du pays, et plus particulièrement celle qui était dans les zones de combats, en a souffert. Comme c’est souvent le cas dans de telles situations, les femmes et les enfants ont payé un énorme tribut de ces conflits.

Les enfants et adolescents de moins de 18 ans qui comptent pour 55,2% de la population constituent en effet une importante proportion des plus de trois

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millions de décès estimés par IRC et des plus de 4 millions de déplacés internes estimés par OCHA. Ils ont souffert de privations leur imposées dans les zones de conflits. Beaucoup d’enfants sont morts à cause de la sous-alimentation et l’inaccessibilité aux soins médicaux. Beaucoup sont aussi décédés dans les forets où ils avaient trouvé refuge après l’attaque des villages. Les enfants survivants ont certainement souffert de traumatismes de divers ordres à cause des scènes épouvantables auxquelles ils ont assisté ou même pris part contre leur gré.

La guerre et les conflits ont également créé d’autres groupes d’enfants vulnérables tels que les enfants soldats, les enfants de la rue (connus sous le nom de shégués) et les orphelins. La RDC est l’un des pays avec le plus grand nombre d’enfants soldats, 15 à 30.000 selon plusieurs sources, les plus jeunes étant âgés d’à peine 8 ans. Ils ont constitué jusqu’à 50% d’enrôlements de certaines milices. Quant au nombre des enfants de la rue, rien qu’à Kinshasa, leur nombre est estimé à 15.000. Les orphelins constituent certainement le groupe le plus nombreux. Selon le Rapport d’analyse de l’Enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes (MICS2 / 2001) de l’Unicef, 3,1% d’enfants de moins de 15 ans sont orphelins de mère ou des deux parents tandis que 9% sont des enfants confiés dans d’autres ménages où ils sont très souvent sollicités pour les travaux domestiques et sont en général moins scolarisés (lorsqu’ils le sont) que les enfants vivant avec leurs deux parents.

Il est vrai qu’avant la période de guerre, le système éducatif souffrait déjà

du chaos économique, de l’instabilité politique et des deux épisodes majeurs de pillage par les soldats, en 1991 et 1993, qui ont entraîné des destructions considérables d’immeubles et d’équipements, dont de nombreuses écoles ne se sont pas remises.

Comme le dit Le renouveau du système éducatif de la RDC (RESEN) : « Les

bouleversements économiques et politiques ont eu un impact sur le système éducatif, mais il n’a pas été ni direct ni immédiat. Bien que la crise économique des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt ralentit la croissance des effectifs, l’effet négatif sur l’enseignement primaire et secondaire est plus apparent au moment où se déclenchent des conflits armés et la guerre, dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. » Les statistiques nationales montrent que dans l’ensemble du pays les taux de scolarisation bruts aux niveaux primaire et secondaire qui ont été relativement stables aux environs de 70% pendant une longue période ont commencé à baisser pour tomber à 64% en 2001/2002 . Toutefois le fait le plus marquant des études menées dans le pays demeure la forte disparité des taux de scolarisation entre les provinces de l’Est et les provinces de l’Ouest, la décélération des taux étant beaucoup plus rapide dans les provinces directement touchées par les conflits armés.

Le présent document décrit les effets de la crise sur la scolarisation en RDC. Outre cette introduction et la conclusion, le document comprend trois sections. Dans la deuxième section ci-après nous exploitons les rapports d’évaluation des besoins humanitaires établis pendant le premier trimestre de 2005 par OCHA dans les territoires2 qui étaient directement touchées par les conflits armés. De ces rapports, nous dégageons les principaux obstacles à la scolarisation causés par la guerre Dans la troisième section nous utilisons les deux annuaires de statistiques

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scolaires disponibles, l’un de 1987/1988 et l’autre de 2001/2002, pour tenter d’évaluer la régression des effectifs attribuable aux conflits armés. Le premier de ces annuaires a été publié avant le déclenchement des affrontements armés, tandis que le second fournit des informations recueillies après la guerre. Dans la quatrième section, la comparaison est basée sur l’évolution du nombre d’élèves de chaque province qui ont réussi aux examens d’Etat annuels de 1990 à 2003. Nous aurions voulu présenter aussi les résultats d’une étude que nous avons envisagée, mais qui n’a pu être menée faute de moyens. Le projet est repris dans l’Annexe 2 à la fin du document. 2. Les effets immédiats de la guerre observés sur le terrain Au cours du premier trimestre de l’année 2005, des missions du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) chargées de l’évaluation des besoins humanitaires se sont rendues dans des provinces qui étaient directement touchées par la violence pendant ces dernières années. Leurs rapports font état de la situation déplorable dans les secteurs humanitaires suivants: la santé ; la nutrition et la sécurité alimentaire, l’hygiène et l’assainissement, l’approvisionnement en eau, et l’éducation. C’est ce dernier secteur qui nous intéresse pour ce colloque. Afin de ne pas fatiguer le lecteur, c’est en annexe que sont placés des extraits de cinq de ces rapports. Ceux-ci décrivent bien les principales conséquences immédiates des conflits armés sur le système éducatif et tout particulièrement sur la scolarisation. Certaines sont brièvement récapitulées dans les trois paragraphes suivants.

Du côté de l’offre éducative, on constate que les conflits violents et les guerres affectent le support principal du système éducatif en détruisant l’infrastructure scolaire. Tous les rapports parlent de la détérioration des bâtiments scolaires qui ont été utilisés comme abris par les militaires. Dans certains cas les écoles ont été complètement détruites ou incendiées. Quant aux mobiliers et autres matériels didactiques ils ont servi de bois de chauffage. Les manuels scolaires et les cahiers ont été tout simplement détruits ou utilisés à des fins autres que celles auxquelles ils sont destinés.

En ce qui concerne la demande de l’éducation, un grand nombre des principaux bénéficiaires de la scolarisation, c’est-à-dire les élèves, sont tués. Les survivants sont obligés de fuir soit à l’intérieur du pays même pour devenir des déplacés internes (IDP) ou dans des pays voisins comme réfugiés. Ceux qui ont atteint un certain âge sont enrôlés de force dans des milices ou des armés comme enfants-soldats. Plusieurs des enfants qui parviennent à échapper à toutes ces catégories et qui parviennent à rentrer dans leurs villes ou villages vont rejoindre les rangs d’enfants « vulnérables et défavorisés » que sont les orphelins, les handicapés, les enfants de rue pour qui l’accès à l’éducation n’est peut-être plus possible. Selon les données de l’Unicef, près de deux millions d’enfants sont morts à cause de conflits armés de ces dix dernières années, six millions ont été gravement blessés, un million sont devenus orphelins ou ont été séparés de leur famille et douze millions ont perdu leur foyer3

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Comme on peut le lire dans les extraits des rapports donnés en annexe, la pauvreté des parents, après avoir tout perdu pendant les conflits, constitue aussi un obstacle à l’éducation des enfants. Ils n’ont plus assez de revenus pour payer les frais de scolarisation de leurs enfants. Lorsqu’ils sont incapables de payer pour tous les enfants, ils envoient seulement les garçons à l’école; ce qui accroît la disparité entre les sexes. Certains parents n’osent pas se séparer de leurs enfants de peur que les combats ne reprennent. Un bon nombre d’enseignants qualifiés sont partis chercher du travail dans des régions plus calmes. Tout le système éducatif est déstabilisé, désorganisé ou même détruit. 3. Analyse des données statistiques Dans cette section, nous avons essayé d’analyser les statistiques scolaires des niveaux primaire et secondaire dans les différentes provinces du pays en vue de comparer la situation avant et après la guerre. Les informations utilisées sont tirées des documents officiels que sont l’Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988 publié en 1990 par le Département de l’Enseignement primaire et secondaire et l’Annuaire statistique 2001/2002 de la République Démocratique du Congo réalisé par le Ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (MEPSP) avec l’appui technique et financier de l’Unicef. Le premier donne la situation d’avant le début des conflits armés tandis que le second fournit les données récentes d’après guerre.

Comme l’indiquent les deux tableaux 3.1 et 3.2, l’augmentation du nombre d’écoles pendant 14 années présente une similarité pour les deux niveaux, primaire et secondaire. Ce sont les mêmes entités administratives, Kinshasa la capitale et les provinces de Bandundu et de Kivu, qui ont eu le plus grand nombre d’écoles ouvertes au primaire aussi bien qu’au secondaire. C’est ce dernier niveau qui a connu la plus grande croissance dans tous les trois cas. Pour les deux niveaux, la province du Bas-Congo vient en quatrième position. Bien que le nombre d’écoles primaires créées soit double de celui d’écoles secondaires en nombres absolus, l’enseignement secondaire a connu une plus grande croissance proportionnelle. Il est intéressant de noter que parmi ces provinces se trouve celle du Kivu qui a été directement touchée par la guerre, mais qui a le plus grand nombre d’écoles primaires ouvertes (2670) pendant cette période de 14 ans—soit une moyenne de 191 nouveaux établissements par an. Selon les renseignements qui nous ont été fournis, la province de Kivu a bénéficié de l’aide de plusieurs organisations non gouvernementales internationales (ONGI) dans le secteur de l’éducation.

En ce qui concerne le nombre d’écoles secondaires, les deux provinces de Kasaï, oriental et occidental, sont dans le même groupe que les provinces qui ont été affectées par la guerre. Elles sont, avec le Katanga, les provinces où moins de vingt établissements d’enseignement primaire ont été ouvertes chaque année. La province du Kasaï oriental étant celle qui a eu le moins de nouvelles écoles secondaires, moins d’une école par an. Lorsqu’on pense à la croissance annuelle

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de la population, on peut se rendre compte du déficit de l’offre scolaire dans ces provinces. Tableau 3.1 : Nombre d’écoles d’enseignement primaire en 1987/1988 et 2001/2002 par province ========================================================= Province 1987/1988 2001/2002 Augmentation en 14 ans N % ---------------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 670 2.089 1.419 211,8 Bas-Congo 909 1.426 517 56,9 Bandundu 1.345 3.600 2255 167,7 Equateur 1.385 1.937 552 39,9 Pr. Orientale 1.312 1.753 441 33,6 Kasai Orient. 1.272 1.511 239 18,9 Kasai Occid. 1.095 1.275 180 16,4 Katanga 1.488 1.715 227 15,2 Kivu 1.343 4.013 2670 198,8 ----------------------------------------------------------------------------------------------------- RDC 10.819 19.319 8500 78,6 ========================================================= Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC Tableau 3.2 : Nombre d’écoles d’enseignement secondaire en 1987/1988 et 2001/2002 par province Augmentation en 14 ans 1987/1988 2001/2002 N % -------------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 338 1219 881 260,6 Bas-Congo 395 753 358 90,6 Bandundu 607 2275 1668 274,8 Equateur 596 706 110 18,5 Pr. Orientale 357 516 159 44,5 Kasai Orient. 405 418 13 3,2 Kasai Occid. 362 489 127 35,1 Katanga 399 518 119 29,8 Kivu 446 1363 917 205,6 -------------------------------------------------------------------------------------------------------- RDC 3905 8257 4352 111,4 ============================================================ Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC

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Si du côté de l’offre on vient de constater une augmentation du nombre d’écoles dans toutes les provinces, il n’en est pas ainsi en ce qui concerne les effectifs scolaires. Ceux-ci, comme le montre le tableau 3.3, ont connu une décroissance dans certaines provinces, précisément celles qui ont été victimes de conflits armés. Dans le primaire, trois des quatre provinces touchées par la guerre avaient moins d’élèves en 2001 qu’en 1987. C’est le cas du Katanga et de la Province Orientale où les effectifs ont diminué respectivement de plus de 135.000 et de près de 120.000 entre 1987 et 2001. Pendant la même période, les provinces épargnées des affrontements armés directs ont vu les effectifs du primaire augmenter jusqu’à une moyenne de plus de vingt mille chaque année. Encore une fois, le Kivu présente une situation paradoxale : bien qu’ayant été le théâtre de violents et multiples combats, cette province a connu la plus grande augmentation d’effectifs dans l’enseignement primaire, une croissance moyenne de 40.000 élèves par an. Par contre, les effectifs du Kasai Occidental qui était épargné de conflits armés n’ont augmenté qu’à une moyenne de 176 élèves par an.

La décroissance des effectifs de l’enseignement primaire dans les trois provinces (l’Equateur, la Province Orientale et le Katanga) est un indicateur très significatif des effets des conflits et violences sur la scolarisation. En 14 ans, ces territoires ont enregistré 302.651 élèves en moins. Un calcul rapide montre que pendant cette même période la population scolarisable a augmenté de plus d’un million d’enfants.

Le tableau 3.4 sur les effectifs du secondaire présente une situation analogue. Au bas de l’échelle se trouvent les provinces de l’Equateur et du Katanga avec un déficit de plus douze mille et de près de neuf mille élèves respectivement (soit une perte moyenne annuelle de près de 900 élèves et de plus de 600 élèves respectivement) . A l’autre bout on trouve les provinces de Bandundu et de Kivu dont les effectifs du secondaire ont plus que doublé après 14 ans. Kinshasa, le Bas-Congo et le Kasaï oriental sont dans une position intermédiaire. Tableau 3.3: Effectifs des élèves du primaire en 1987/1988 et 2001/2002 par province et ========================================================= 1987/1988 2001/2002 Changement en 14 ans N % ---------------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 461.101 663.376 202.275 +43,9 Bas-Congo 358.372 445.238 86.866 +24,2 Bandundu 481.742 796.301 314.559 +65,3 Equateur 455.227 407.490 - 47.737 -10,5 Pr. Orientale 617.708 497.977 -119.731 -19,4 Kasai Orient. 358.949 592.805 233.856 +65,1 Kasai Occid. 317.257 319.725 2.468 + 0,8 Katanga 667.462 532.279 -135.183 -20,2 Kivu 638.697 1.200.200 561.503 +87,9 ----------------------------------------------------------------------------------------------------

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RDC 4.356.515 5.455.391 1.098.776 +25,2 Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC Tableau 3.4 : Effectifs des élèves du secondaire en 1987/1988 et en 2001/2002 par province et leur évolution en nombre absolu et en pourcentage ====================================================== Province 1987/1988 2001/2002 N % --------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 212.638 357.803 145.165 68,3 Bas-Congo 108.966 154.923 45.95 42,2 Bandundu 153.332 349.535 196203 128,0 Equateur 101.654 89.167 -12.487 -12,3 Pr. Orientale 77.434 81.465 4.031 5,2 Kasai Orient 82.224. 113.066 30.842 37,5 Kasai Occid. 74.823 79.485 4.662 6,2 Katanga 135.632 126.783 -8.849 -6,5 Kivu 119.648 260.343 140.695 117,6 ---------------------------------------------------------------------------------------------- RDC 1.066.351 1.612.570 546.219 51,2 Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC

Une autre manière de constater la baisse du taux de scolarisation est de mettre en parallèle l’évolution des effectifs et celle de la population de chaque province et de calculer le nombre d’élèves par 1.000 habitants -- bien que ce type de proportionnalité soit plutôt utilisé pour le nombre de médecins ou d’ingénieurs dans un pays. Les résultats sont présentés dans les tableaux 3.5 pour le primaire et 3.6 pour le secondaire. Au niveau du primaire, seules les provinces de Bandundu et du Kivu donnent un chiffre positif allant de 120 à 134 et de 110 à 135 élèves pour 1000 habitants. Toutes les autres provinces, y compris la capitale, ont vu décroître cette proportion, c’est-à-dire qu’après 14 ans, la population de chacune de ces entités administratives a augmenté beaucoup plus rapidement que le nombre d’élèves. Encore une fois, à l’exception du Kivu, la décroissance des effectifs est plus importante dans les provinces qui ont été directement affectées par des guerres. Tableau 3.5 : Nombre d’élèves du primaire pour 1.000 habitants par province en 1987/1988 et en 2001/2002

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1987/1988 2001/2002 Elèves pour 1.000 Population Elèves Popul. Elèves habitants en millions milliers millions milliers 1987 2002 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 3,12 461 6,15 663 148 108 Bas-Congo 2,13 358 3,32 445 168 134 Bandundu 4,00 482 5,94 796 120 134 Equateur 3,66 455 5,43 407 124 75 Pr. Orientale 4,54 618 6,08 498 136 82 Kasai Orient. 2,59 359 4,51 593 139 132 Kasai Occid. 2,38 317 3,74 320 133 86 Katanga 4,23 667 7,37 532 158 72 Kivu 5,81 639 8,89 1.201 110 135 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- RDC 32,45 4357 51,44 5.455 134 106 ============================================================= Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC Tableau 3.6 : Nombre d’élèves du secondaire pour 1.000 habitants par province en 1987/1988 et 2001/2002 =========================================================== 1987/1988 2001/2002 Elèves pour 1.000 Population Elèves Popul. Elèves habitants en millions milliers millions milliers 1987 2002 -------------------------------------------------------------------------------------------------------- Kinshasa 3,12 213 6,15 358 68 58 Bas-Congo 2,13 109 3,32 155 51 47 Bandundu 4,00 153 5,94 350 38 59 Equateur 3,66 102 5,43 89 28 17 Pr. Orientale 4,54 77 6,08 81 17 13 Kasai Orient. 2,59 82 4,51 113 32 25 Kasai Occid. 2,38 75 3,74 79 32 21 Katanga 4,23 136 7,37 127 32 10 Kivu 5,81 120 8,89 260 21 29 ------------------------------------------------------------------------------------------------------- RDC 32,45 1.066 51,44 1613 33 31 =========================================================== Source : Annuaire statistique de l’éducation (enseignement primaire et secondaire) 1987/1988. et Annuaire statistique 2001/2002 de la RDC 3. Analyse du nombre de réussites aux examens d’Etat

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A l’instar du Baccalauréat français ou le Certificat d’études secondaires

belge, les Examens d’Etat constituent pour la RDC les épreuves passées par les élèves à la fin de leurs études secondaires pour l’obtention d’un Diplôme ou Certificat d’Etat. Institués en 1968, ces examens sont organisés annuellement par le Ministère de l’Education nationale. Vers la fin de chaque année scolaire, en juillet ou début août, les élèves de toutes les classes de 6ème année secondaire (terminales) d’un certain nombre d’écoles sont regroupés dans l’un des établissements scolaires qui sera appelé Centre d’examens d’Etat pendant toute la durée des épreuves. Le RESEN fait référence à ces épreuves en écrivant « … les examens dans le primaire comme dans le secondaire, ont été menés à bien chaque année, y compris dans les provinces de l’est et, fait remarquable qui témoigne d’une forte conscience nationale, même dans les camps de réfugiés congolais à l’étranger.»4 En examinant l’évolution des statistiques de ces examens pour la période de 1990 à 2003, nous avons tenté de déceler l’impact des événements qui ont secoué certaines régions du pays. Il n’est pas aisé de suivre sur le tableau 4.1 l’évolution du nombre des réussites aux examens. Par contre le graphique 4.1 tracé sur du papier millimétré semi logarithmique montre assez clairement la chute du nombre de candidats qui ont pu obtenir le diplôme d’Etat dans les provinces concernées par la guerre. 5. Conclusion Les rapports OCHA nous montrent très clairement les souffrances de ceux qui ont été victimes des guerres et les effets immédiats de celles-ci sur le système éducatif en général et la scolarisation des enfants en particulier. L’analyse des statistiques scolaires nous a permis de constater les conséquences sous-jacentes des conflits armés sur les indicateurs éducatifs. Ces effets négatifs peuvent durer longtemps s’il n’existe pas une volonté ferme des autorités responsables de redresser la situation le plus rapidement possible, avec la collaboration des organismes disposés à leur venir en aide. En lisant les rapports on peut constater que, de leur côté, les communautés et les familles déplacées font tous les efforts pour permettre à leurs enfants de reprendre la scolarité qui est devenue l’un des besoins humanitaires primordiaux juste après l’alimentation et la santé. Il serait intéressant d’examiner comment la province de Kivu a pu atteindre des niveaux positifs dans tous les indicateurs éducatifs. Bien que ce ne soit pas l’objectif principal de ce document, on ne peut pas s’empêcher de jeter un coup d’œil derrière et tirer une autre conclusion qui s’impose à partir des statistiques scolaires. Il se fait qu’en général, dans le cas de la RDC, à quelques exceptions près, les violences et les conflits armés se sont le plus manifestés dans les provinces qui avaient les taux de scolarité les plus faibles. Il est certain que plusieurs facteurs contribuent au déclenchement des violences et conflits ; il serait intéressant d’analyser en profondeur si le déficit éducatif pourrait figurer parmi ces facteurs. Quoi qu’il en soit, l’une des actions de reconstruction prioritaires dans ces régions ravagées par la guerre, et dans

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toutes les autres parties du pays d’ailleurs, devrait être de donner à l’éducation la place qui lui revient. Ce sera le meilleur investissement pour la paix et la réalisation d’un développement social, économique et culturel durable. L’éducation demeure l’un des meilleurs investissements, non seulement pour le développement économique du pays, mais aussi pour la sécurité et la stabilité, c’est-à-dire pour la paix, pourvu qu’elle soit considérée comme une réelle priorité par tous, les gouvernants et les gouvernés.

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Tableau 4.1 Evolution du nombre de réussites aux examens d’Etat par Province, de 1990 à 2003. Année→ 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Province Kinshasa 12213 20223 12859 14038 20833 25062 27264 27951 29168 33584 36547 19365 30280 44183 Bas-Congo 4270 5827 3297 2476 1800 4256 3071 6694 9799 4684 4878 1861 4339 7249 Bandundu 10484 16780 5197 5945 11643 15697 16237 20248 20941 24052 28087 16085 18480 28139 Equateur 3943 5992 3938 2850 3743 4403 3925 5274 4871 3909 2316 1734 3474 5644 Pr. Orient 2288 3399 2010 1356 2242 2600 2583 4176 2776 2842 2115 2716 7725 Kas. Or. 3605 5460 3745 2948 4397 5629 5443 5481 7038 6960 6866 4854 6488 10410 Kas Occ. 4766 6758 3602 3293 5266 6253 3686 5481 4910 5434 6921 3233 5890 7560 Katanga 6102 7845 6827 4417 11114 11239 8771 11020 9320 10995 11832 4887 10805 17695 Nord-Kivu 2355 2653 2121 1497 2575 3461 3277 4387 3795 3732 2844 3973 8835 Maniema 721 1086 736 710 970 1485 1083 2184 1951 548 1100 745 971 2197 Sud-Kivu 2612 4063 1029 1284 2207 2786 3495 4253 1964 2386 1561 2826 6332 RDC 53359 80086 45361 40814 66790 82871 78835 97149 82998 98701 107507 59284 90242 149382 Source : Inspection Générale du Ministère de l’enseignement primaire, Secondaire et professionnel.

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Bibliographie Banque Mondiale. 2005. Le renouveau du système éducatif de la République Démocratique du Congo : Priorités et alternatives. Région Afrique, Département du Développement humain, Série Documents de travail – N° 68. International Rescue Committee 2003, Mortality in the DRC : Results from a Nationwide Survey. Programme des Nations Unies pour le Développement. 2004. Conflits armés en République Démocratique du Congo : Le rôle des facteurs économiques et leçons pour la reconstruction. Kinshasa. République Démocratique du Congo, Département de l’enseignement primaire et secondaire. 1990. Annuaire statistique de l’éducation 1987/1988. Projet Education III Kinshasa. République Démocratique du Congo, Unicef, USAID. 2002 Enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes MICS2 / 2001. Rapport d’analyse. Kinshasa. République démocratique du Congo. 2005. Projet du code de protection de l’enfant. Ministère des Affaires sociales. Kinshasa. République Démocratique du Congo. 2005. Annuaire statistique 2001/2002, Ministère de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel. Kinshasa. Notes

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ANNEXE 1

Evaluation des effets de la guerre sur le système éducatif et la scolarisation

(Extraits des rapports du

Bureau de Coordination pour les Affaires Humanitaires (OCHA) 1. Province de l’Equateur Du 29 avril au 27 mai 2005, une équipe d’évaluation des besoins humanitaires a visité les localités suivantes : Mbandaka, Gbadolite, Yakoma, Abuzi, Businga, Basankusu, Boso Ndjafo (en territoire de Bolomba), Bokungu et Ikela. Une partie de l’équipe a visité 52 écoles primaires, secondaires, professionnelles et un institut Supérieur pédagogique à Buta. Cet échantillon qui semble être insignifiant au regard de l’étendue couverte, nous a été dicté par des difficultés d’accès à beaucoup d’endroits de ces axes ainsi que les moyens de transport très limités surtout en Equateur. Cette difficulté des voies de communication nous a obligé même de faire certains parcours à pieds. Comme c’est le cas dans tous les secteurs de la vie nationale, le secteur de l’éducation des territoires visités dans la province de l’Equateur et dans le Bas Uélé, est caractérisé par la destruction par la guerre, la vétusté ou l’inexistence des infrastructures scolaires, le faible taux de scolarisation globale, le taux élevé de déperdition scolaire en fin d’année, la carence des enseignants qualifiés surtout à l’école secondaire ainsi que la précarité de la situation sociale de ces derniers. L’éducation à l’Equateur a été touchée sérieusement par la guerre. Dans plusieurs localités, les enfants étudient carrément dehors ; les bâtiments ayant servi comme bouclier pour les militaires. A Ikela, des enfants apprennent à écrire sur le sol par manque de fournitures scolaires. L’âge moyen de scolarisation au niveau primaire se situe entre 6 et 18 ans dans certaines localités. Ainsi les filles plus âgées sont exclues automatiquement des écoles et sont exposées au mariage précoce et à la prostitution. La ruée vers les nombreuses carrières de minerais influence aussi la scolarisation. Plus de 50% des enfants dans les écoles primaires ne terminent pas l’année scolaire à cause de l’incapacité des parents à honorer les frais d’intervention ponctuels destinés à la rémunération des enseignants.

La guerre de près d’une décennie en RD Congo a été dévastatrice sur tous les secteurs et sur le secteur éducation en particulier car elle a détruit la quasi-totalité des infrastructures scolaires dans toutes les zones qui l’ont subie ainsi qu’à ceux qui ne l’ont pas vécue directement. Dans les anciennes lignes de front, les écoles ont servi d’abris pour les combattants et les mobiliers et autres matériels didactiques de bois de chauffage et à la fin du compte, les tôles ont été enlevées et vendues pour la survie des combattants. C’était le cas des territoires ci-après :

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Businga, Bokungu, Ikela, Yakoma en l’Equateur et Buta, Ango, Bondo dans le Bas Uélé.

2. District de l’Ituri Pour des raisons de sécurité, tout personnel ONU ne peut se rendre hors des villes (Mahagi, Aru et Bunia) qu’en étant escorté par la MONUC ce qui est une contrainte pour effectuer le travail. Pour chaque mission qui nécessitait du transport avec le hélicoptère Depuis décembre 2004, quand la ville a été entièrement brûlée suite au conflit qui avait repris, aucun acteur humanitaire n’avait visité la ville. Des endroits comme Fataki, Mongbwalu et Kpandroma, qui se trouvent tous dans la zone le plus sinistrée en Ituri sont seulement sporadiquement visités par les acteurs humanitaires. Biringhi, Ariwara et Ingbokolo ne sont pas considéré comme des endroits avec des besoins humanitaires, mais la visite de ces endroits était importante Destruction totale de plusieurs localités. Absence d’accès pour les acteurs humanitaires aux vulnérables aux plusieurs endroits à cause de l’insécurité et état délabré des routes.

1.1 Situation du district et composition de la population Composé de cinq territoires (Djugu, Aru, Mahagi, Irumu et Mambassa), le district d’Ituri, dont Bunia est chef lieu, se trouve dans le sud-est de la province orientale qui se trouve au nord-est de la RDC. L’Ituri, avec une superficie de 65 658 Km²1, a une frontière avec le Nord-Kivu, l’Uganda (en partie par le Lac Albert) le Soudan et les districts du Haut-Uélé et Tshopo Le dernier recensement de 1984 avait dénombré 1,75 millions d’habitants dont 359.750 ménages. Les estimations du nombre de la population et de la densité utilisées actuellement varient entre 2.904.813 (44/ Km2) 2, 4.159.718 (63.5/Km²)3 et 4,6 millions des personnes (69/Km2)4 L’Ituri abrite 18 groupes ethniques différents. Les communautés Hema/Gegere et de Lendu/Ngiti représentent ensemble environ 40 % des habitants; les autres groupes majeurs sont les Bira, les Alur, les Lugbara, les Nyali, les Ndo Okebo et les Lese. L’embargo des armes n’est pas effectif. Les frontières avec l’Uganda et le Sudan sont des ‘passoires’; elles sont à peine contrôlées

1 Rapport du groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, 2 octobre 2003, P.15. 2 Monographie de la Province Orientale (Draft 4), Ministère du Plan, Unité de Pilotage du Processus DSRP Kinshasa / Gombé, mars 2005 3 Chiffre utilisé par la MONUC et les agences onusiennes basés sur des observations 2000-2002. 4 Rapport du groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, 2 octobre 2003, P.15.

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Étant une province très fertile et riche en gisements de l’or, l’Ituri est un endroit qui est vulnérable sur le plan économique et politique. Sur le plan économique, le problème majeure, qui est de nature foncière, se situe entre les groupes ethniques prédominants: les Hema et les Lendu. Les Hema, éleveurs, ont été favorisés sur le pan de répartition des concessions de la terre, d’abord pendant la colonisation belge et après sous le régime de Mobutu. Les Lendu, agriculteurs, ressentissent depuis plusieurs générations une discrimination sur tous les plans, dont le plan économique en particulier. Le conflit en Ituri a forcé des dizaines de milliers de personnes à fuir leur endroit d’origine. Depuis 1999, les affrontements ont fait plus de 50.000 victimes et ont entraîné le déplacement forcé de 500.000 personnes5, 6.

Plus grave encore dans le territoire de Aru, les agriculteurs ont abandonnés les cultures vivrières qui n’ont pas de bon marché afin de se lancer à la culture de rente de tabac suite à la présence de cinq entreprises exploitant le tabac (BAT, MTC, CTT, SCAT et AFITAC). Cela a entraîné une forte importation des denrées alimentaires suite à la rareté des produits.

2. Education

2.1 Incidence de la guerre sur l’éducation L’équipe d’évaluation de l’Ituri a visité 25 écoles primaires et secondaires dans 17 localités situées dans quatre des cinq territoires du district de l’Ituri. Plusieurs écoles ont été détruites ou incendiées, d’autres ont subit des dégâts matériels importants ou se trouvent dans un état délabré. Ces écoles ont perdu tous les matériels pédagogiques et manuels scolaires, les populations se sont déplacées vers d’autres villages où les enfants déplacés ne pouvaient pas accéder à l’éducation. Le territoire de Djugu a été le plus affecté par la guerre. Dans la collectivité Walendu Pitsi 70 écoles primaires sur 84 et 22 écoles secondaires sur 27 ont été détruites. La collectivité Ndo Okebo a perdu 10 écoles primaires et 13 écoles primaires et 3 écoles secondaires ont été incendiées dans la collectivité Walendu Djatsi. La campagne « toutes les filles à l’école’ » menée par UNICEF visait à accroître la scolarisation des filles. Au début de l’année scolaire 2004 – 2005, les parents ont inscrit en masse les filles dans les écoles espérant que UNICEF allait prendre en charge les frais d’études. Ils ont vite déchanté en constatant le contraire et beaucoup de filles ont donc du abandonner l’école au cours de l’année.

5 Discours du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la RDC, H.E. William Swing, à l’occasion de la cérémonie de passation de commandement à la Brigade de l’Ituri, Bunia, 1 septembre 2003. 6 The UN estimated that 600,.000 people were displaced in Ituri between January 2002 and December 2003 (UN SC, 16 July 2004)

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Sur 154.060 élèves qui étudient dans ces trois territoires, 43 % fréquentent les écoles protestantes, 38% dans les écoles catholiques et 15% fréquentent les écoles non conventionnées. Le nombre total des déplacés est estimé à 500.000. La population des déplacés dans des camps ou dans des « groupements » spontanés est estimée à 164.242 personnes7. Ces derniers reçoivent de l’assistance en biens alimentaires et non alimentaires, eau et assainissement, santé et nutrition8de la part des ONGI comme AAA, CESVI, Oxfam UK, COOPI, MSF, Caritas/Memisa, Solidarités et Atlas Logistique. Selon le HCR9, le nombre des réfugiés soudanais dans le nord-est de la Province Orientale est de 25.000 dont 11.000 dans des camps. 1.610 Réfugiés se trouvent dans des camps à Biringhi et Ariwara dans le territoire d’Aru. Plusieurs d’autres n’ont pas pu être enregistré à cause de manque d’accès. Le nombre des réfugiés congolais en Uganda est estimé à 27.000 dont la plus grande partie vient de l’Ituri. 1.000 réfugiés congolais ont été enregistrés récemment en Soudan.

2.2 Les enfants Des centaines de milliers d’enfants10 en Ituri ont souffert des violations des droits de l’Homme massifs, incluant le recrutement par la force, l’abus sexuel et la violence physique et psychologique. Beaucoup d’entre eux ont étés séparés de leurs familles ; ils ont peu d’accès à la santé. Il y a un déclenchement tardif des mécanismes communautaires de protection et de suivi et un manque d’appui à la réinsertion scolaire et à la réinsertion socio-économique des enfants après leur réinsertion. Enfants soldats. A l’heure, le nombre des enfants faisant partie de groupes armés est inconnu. Un bon nombre d’entre eux ont dû combattre et tuer, alors que d'autres ont subi des violences sexuelles au cours de leur captivité11. En juin 2004, le nombre des enfants enroulés dans les groupes armés en Ituri estimé dans le cadre du désarmement était 6.200 lorsque les groupes armés rendaient la liste de leurs effectifs Les filles sont obligées de se comporter comme les épouses du commandant. Beaucoup tombent enceintes, leur ravisseur étant le père de leur enfant. Pour ces filles, il est particulièrement difficile de retrouver une vie normale.

7 Nombre estimé par les acteurs humanitaires en Ituri basé sur les distributions de biens alimentaires et non alimentaires et les soins médicaux. Lors d’une réunion à Bunia organisée par OCHA le 31 mai 2005. 8 OCHA Bunia organise sur une base régulière des réunions avec les acteurs humanitaires intervenant auprès des déplacés. 9 HCR Sub Office Aru Country Operation Plan 2006 10 UNICEF 11 Id.

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Enfants désarmés. Au 8 juin, 2298 garçons et 784 filles avaient été désarmés dans le cadre du DRC (Désarmement et réconciliation communautaire)12. Les enfants désarmés/démobilisés, dont on sait où les parents se trouvent (80%)13, quittent les centres de transit de la Commission nationale de désarmement (CONADER) après 48 heures avec un kit d’assistance, les autres passent deux à trois mois par un CTO (Centre de Transit d’Orientation) (COOPI / IRC) pendant qu’une recherche de la famille soit fait.14 Bien que plusieurs ONGI soient actives dans le domaine de l’assistance des enfants, dont plusieurs en partenariat avec UNICEF, beaucoup d’enfants non accompagnés (abandonnés, séparés, orphelins et enfants de la rue) restent sans support adéquat.

Si rien n’est fait dans un très court terme pour occuper les désarmés ou si aucune alternative ne leur est offerte, le risque d’une insécurité croissante est éminente suite à la formation de plusieurs groupuscules de bandits. Le fait que plus de 90% des armes récupérées soient inutilisable justifie cette crainte15. 4. La Province du Nord-Kivu 1. Contexte de la province Situé au Nord-est du pays, le Nord-Kivu est une des onze provinces de la RDC. Elle est frontalière avec l’Ouganda, le Rwanda à l’Est tandis que les provinces Orientale et du Maniema et du Sud-Kivu l’entourent au Nord, à l’Ouest et au Sud. Sa superficie est de 59.631 Km2, soit environ 2,5 % de l’étendue du territoire national. Elle est peuplée de 4.2 millions d’habitants, environ 83% de cette population vit en milieu rural de l’agriculture traditionnelle, de la chasse et de la pêche. La province est subdivisée en 6 territoires : Masisi, Walikale, Rutshuru et Nyiragongo (communément appelée « Petit-nord ») et Lubero, Beni (appelée le « Grand-nord ») et compte 13 peuples présentant des similitudes culturelles mais aussi des spécificités prédominantes. Entre autre, les Nande, les Hutu, Kano et Hunde se spécialisent dans l’agriculture et l’élevage tandis que les Tutsi se consacrent uniquement dans l’élevage tandis que la vocation principale des pygmées est la chasse. Cette composition indique une prédominance des peuples à vocation agricole cohabitant avec des éleveurs sur des terres de plus en plus rares. 2. Grandes problématiques

12 Id. 13 Département de la Protection des enfants, MONUC Bunia 14 Pour plus d’informations sur le activités pour les enfants désarmés : UNICEF, PNUD et leurs partenaires respectifs. 15 PNUD Bunia

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L’insécurité généralisée à travers du Nord Kivu est le problème principal qui empêche toute action humanitaire, de transition et de développement durable ainsi que des initiatives privées d’investissement, surtout dans les milieux ruraux. Cette insécurité est causée par : la prolifération et la présence incontrôlée des milices et autres bandes armées (Interhamwe (FDLR), Maï Maï etc.); l’insuffisance d’encadrement des forces militaires et policières ; l’absence d’un système judiciaire équitable, et le faible et/ou l’absence du fonctionnement des services étatiques (délabrement des infrastructures socio collectives: écoles, centres de santé, hôpitaux etc.) Education L’équipe des évaluateurs a visité 17 localités dans 5 territoires du Nord-Kivu et a obtenu des informations au sujet de 99 écoles primaires et 59 écoles secondaires. Pour ce qui concerne les données recueillies bien souvent et/ou les responsables scolaires n’étaient pas sur place ou les écoles étaient trop éloignées. La guerre a réduit drastiquement la capacité des ménages à payer les frais de scolarité du fait de l’arrêt des activités de production suite â l’insécurité. 10.1 Taux de scolarisation Le faible taux de scolarisation au niveau de l’enseignement primaire est principalement dû à un accès économique difficile. Manguredjipa (territoire de Lubero – 16%) et Walikale (territoire de Walikale – 28%) sont en dernière position avec les plus faibles taux de scolarisation du fait de l’enclavement et des multiples déplacements qu’ont connu leurs habitants donc baisse de revenus. Au niveau de l’enseignement secondaire, au bas de l’échelle de la scolarisation se trouvent Manguredjipa (territoire de Lubero – 6%), Kibati (territoire de Masisi - 7,50%), Mubi/Territoire de Walikale (15%). Ces localités sont enclavées et ont connu plusieurs déplacements sans avoir connu un essor de l’éducation secondaire même avant les conflits qui les ont ravagé 10.2 Taux d’abandon scolaire Ecole primaire Suite à la campagne UNICEF « Toutes les filles à l’école » du début de l’année scolaire 2004-2005, les parents ont répondu nombreux et les ont enrôlées en espérant une gratuité de frais scolaires ou des subventions sous forme des bourses. Sur base des données obtenues d’une vingtaine d’écoles dans les localités visitées par l’équipe des évaluateurs, en moyenne les filles ont abandonné l’école primaire en cours d’année au taux de 22% alors que les garçons l’ont quittée au rythme de 18%. Ecole secondaire

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La tendance dans plusieurs milieux de garder les filles à la maison pour les préparer au mariage (la dot peut valoir chère jusqu’à 15 chèvres dans le Masisi) et parfois précocement, mais ici il s’agit des filles qui dès le début de l’année avaient déjà pris le chemin de l’école. La raison économique semble prévaloir. Le taux d’abandon des garçons est aussi élevé car eux aussi sont obligés de quitter l’école pour les mêmes raisons. Ils s’adonnent à des activités minières et des petits métiers dès que les parents n’étaient plus capables de les soutenir. Souvent, ils se font recruter par les groupes armées dans l’espoir de recueillir un « meilleur salaire » et une meilleure perspective. 10.3 Frais de scolarité Ecole primaire Les frais de scolarité varient selon le réseau d’enseignement et selon le milieu, mais en général ils varient entre 7$ (Pinga – territoire de Walikale) et 16.5$ à l’école Catholique de (Bunia). L’école étatique tend à coûter moins cher que les écoles conventionnées. D’ailleurs, ces dernières sont de loin les plus nombreuses au Nord Kivu ; elles semblent avoir prit le relais de l’enseignement sans lequel le taux de scolarisation dans la province serait encore plus bas qu’il ne l’est actuellement. L’enseignement coûte plus cher dans les agglomérations les plus importantes tandis que dans les petites localités les frais de scolarité sont un peu moindres et les modalités de paiement sont plus souples permettant aux parents de payer les frais sur une base mensuelle et parfois même en nature. Ecole secondaire Le coût de la scolarité à l’école secondaire varie entre 20$ à l’institut Kamango catholique et 30$ par élève par an à l’institut Mambowa de Njiapanda. 10.4 Accès économique à l’éducation Etant donné ce qui précède, en pensant qu’en moyenne une famille a 6 enfants dont 3 vont à l’école primaire et 1 à l’école secondaire, les frais de scolarité annuels reviendraient à 53,5$ par an, ce qui équivaudrait le ¼ du revenu annuel moyen du paysan du Nord-Kivu estimé à 206,4$. A ceci, il y a les frais de participation aux examens sélectifs de la 6ième primaire de 4$ par élève (TENAFEP) et ceux des examens d’état de 41$ par élève finaliste du secondaire. S’il faut ajouter le coût des fournitures scolaires pouvant aller jusqu’au-delà du double des frais scolaires, le paysan ne vivrait que pour envoyer ses enfants à l’école. Malgré tous ces arrangements, les parents restent endettés vis-à-vis de l’école et cela parfois jusqu’à la fin de l’année scolaire privant ainsi les enseignants de leurs primes et rendant la carrière enseignante de moins en mois attrayante pour ceux

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qui peuvent trouver une alternative dans leur environnement immédiat comme l’extraction minière. Les parents étant en grande majorité des retournés, entrain de se rechercher et en proie à la hantise d’un autre conflit probable se remettent difficilement au travail dans leurs champs, ce qui ne rassure pas un revenu monétaire dans les tous prochains jours. 10.5 Infrastructures scolaires et équipement et matériels 10.5.1 Délabrement avancé des bâtiments scolaires Lle bâtiment scolaire est généralement construit en pisé avec la chaume ou la paille au toit qui prédominait et prédomine encore en ce jour. Sur 158 écoles visitées, 28 sont en ruine et 36 délabrées et 19 considérées comme « passables ». A Manguredjipa et Kamango, les élèves de deux écoles suivent leurs leçons sous les arbres. La mission a observée que certains bâtiments scolaires servent encore d’abri pour le militaire ( Kilembe près de Mweso). Souvent, les écoles ont été tout simplement brûlés tandis que le mobilier scolaire servait de bois de chauffe. Les ONGI comme NRC, Solidarités, Avsi, Cesvi et Unops ont déjà fait un grand effort dans la réhabilitation des infrastructures scolaires comme à Masisi (centre), à Kitchanga et à Kayna, mais les besoins restent énormes. 10.5.2 Matériel pédagogique non existant De tout temps les écoles ont rarement eu du matériel pédagogique et encore moins le matériel didactique et les recommandations des inspecteurs étaient que l’enseignant devait en fabriquer avec du matériel trouvé dans le milieu ambiant de l’enfant. Mais quand on pense aux autres préoccupations de survie auxquelles doit répondre celui-ci, cette recommandation a rarement était suivie. La coopération belge a distribué un manuel de français et de calcul pour le degré terminal du primaire ainsi que le guide de l’enseignant et cela a constitué un ballon d’oxygène pour nombreuses écoles où depuis des années les élèves tout comme les maîtres n’avaient aucun accès à l’écrit. L’équipe d’évaluateurs a recueilli le témoignage des responsables des écoles pour avoir reçu de l’Unicef les fournitures scolaires pour les élèves des premières années du primaire, ce qui a soulagé quelque peu les dépenses pour la scolarité.

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5. La Province du Sud-Kivu La Province du Sud Kivu est située à l’Est de la République Démocratique du Congo. Elle est limitée :

- au Nord par la Province du Nord Kivu, - à l’Est par les Républiques du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie, - au Sud par la Province du Katanga et - à l’Ouest par la Province du Maniema. -

Avec une superficie de 65.129 km², la Province compte 3.464.082 habitants16 pour une densité de 53 habitants / km². Le Sud Kivu est subdivisé en huit territoires qui sont : Fizi, Idjwi, Kabare, Mwenga, Shabunda, Uvira, Walungu et Kalehe. A ces Territoires s’ajoute la ville de Bukavu avec ses trois communes : Bagira, Ibanda et Kadutu. Contexte de la province • Situation de la province et composition de la population La population du Sud-Kivu se compose de tribus : Shi, Lega, Fuliiru, Havu, Tembo, Nyindu et Bembe. On note aussi la présence de Tutsi et Hutu rwandophones. Les statistiques démographiques par territoires se présentent comme suit : 414 521 habitants pour Bukavu ville, 294 865 pour Fizi, 154 631 pour Idjwi, 496168 pour Kabare, 342 960 pour Kalehe, 317 423 pour Mwenga, 588 591 pour Shabunda, 397 262 pour Uvira, et 456 660 pour Walungu. • Courte histoire / éléments qui ont mené à la situation actuelle / causes du

conflit actuel et dernière crise. La Province du Sud- Kivu connaît un environnement politique instable depuis l’arrivée des réfugiés Rwandais en 1994 et la prise du pouvoir au Rwanda par le FPR. Les événements du Burundi voisin ne manquent pas d’affecter l’environnement politique, social et même économique depuis l’assassinat du Président NDADAYE en 1993. Cette situation a été aggravée par, la guerre de l’AFDL en 1996 suivie de celle du RCD en 1998 et enfin les récents événements de juin 2004 à Bukavu : au cours desquels, le Sud-Kivu a été de nouveau perturbé par le Colonel MUTEBUSI et le Général Laurent NKUNDA. Toutes les guerres dites de libération partent du Sud-Kivu. Les « Maï-Maï » ont pris également les armes pour défendre l’intégrité territoriale. Malheureusement quelques-uns, sans discipline, sèment de la désolation partout où ils passent.

Les « Intérahamwe » ne sont pas inquiétés et règnent en maîtres dans certaines contrées. Les Interahamwe se sont éclatés en trois groupes distincts : les ALIR

16 Monographie de la Province du Sud Kivu : février 2005

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(Alliance de Libération pour le Rwanda), les FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) et les RASTA, un groupe qui s’est retranché des autres. C’est ainsi que la population du Sud-Kivu ne se retrouve plus dans ses dirigeants. 4.6 Education 1. Localités visitées L’équipe 3 a visité 48 écoles (34 écoles primaires et 14 écoles secondaires) de 17 localités situées dans 6 Territoires sur les 8 qui composent la Province du Sud-Kivu : Fizi, Kalehe, Mwenga, Shabunda, Uvira, Walungu. L’équipe a eu des problèmes au niveau de la collecte des données. Les statistiques scolaires ne sont pas disponibles sur le terrain. Les données démographiques ne sont pas toujours disponibles dans toutes les localités visitées. Celles fournies sont globales et concernent plutôt les Territoires au lieu des localités. Selon les estimations du Ministère du Plan, la population du Sud-Kivu est de 3.464.082 habitants17. 3. Incidence de la guerre sur l’éducation La mission a noté de fortes séquelles de la guerre sur le terrain:des marques visibles dans les écoles, l’abandon scolaire et la peur des parents à envoyer leurs filles à l’école dans certaines localités. Les mûrs des écoles sont endommagés dans 66% des cas : les écoles ont été le théâtre des affrontements et des exactions diverses. Le mobilier est presque inexistant obligeant les élèves à s’asseoir sur des cailloux et les enseignants à rester debout pendant leurs prestations (les belligérants ayant utilisé les tables bancs comme bois de chauffe). Beaucoup de bâtiments sont sans toitures, devenant ainsi inexploitables. A cause de la guerre, beaucoup d’écoles nécessitent des réhabilitations. Les salles de classe vides (sans mobilier) sont nombreuses dans toute la Province. I. Taux de scolarisation Le taux global de scolarisation est estimé à 58% et varie selon les territoires. Le taux le plus bas se retrouve à Shabunda (40%). Il est de 50% dans le territoire de Fizi? Et de 68% à Walungu. Cette disparité s’explique par le fait que Shabunda est situé en zone enclavée difficile d’accès et les bâtiments scolaires sont dans un état déplorable à cause des ravages de la guerre contrairement à Walungu, une agglomération sise près de Bukavu. 1.1 Au Primaire Faute de données disponibles et fiables, l’équipe n’a pas pu disposer du taux de scolarisation spécifique au primaire. La base d’analyse utilisée reste le taux global. Le taux de scolarisation au primaire est seulement de 33% à Chebumba alors qu’il est de 80% à Minova, toutes deux situées dans le territoire de Kalehe. Minova est un grand centre de négoce où l’agriculture est prospère et le niveau de vie

17 Source : Ministère du Plan : Monographie de la Province du Sud-Kivu, Mars 2005

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relativement plus élevé qu’à Chebumba qui est enclavé dans la montagne et où les revenus agricoles sont faibles (sols pauvres, route impraticable). La différence entre les taux de scolarisation des filles et celui des garçons mérite d’être soulignée. Au niveau provincial, les effectifs des filles représentent 39% des effectifs contre 62% de garçons. Les parents préfèrent envoyer les garçons à l’école sous prétexte que les filles « réussissent moins bien» et n’assurent pas la pérennité de la lignée. Le taux de filles le plus bas est enregistré à Kalehe. En effet, mis à part Minova et Kalehe-centre, le Territoire de Kalehe est difficilement accessible ; les routes sont peu praticables et les bandes armées sèment la terreur. C’est le cas de Kalonge, Bunyakiri et Hombo-Sud. La campagne de l’UNICEF « Toutes les filles à l’école » a incité les parents à envoyer les filles en masse à l’école. Cela a entraîné une hausse des effectifs scolaires à la rentrée 2004-2005. Les parents croyaient que les frais scolaires seraient pris en charge par l’UNICEF. Ils se sont découragés lorsqu’ils se sont aperçus que ce n’était pas le cas. Il s’en est suivi des abandons en masse allant jusqu’à 50% chez les filles comme nous l’a signalé le représentant de l’éducation à Baraka (Fizi).

1. Les enfants La situation des enfants associés aux forces et groupes armés constitue un problème très sensible au Sud-Kivu. Les enfants soldats sont partout visibles en milieux ruraux : sur les routes, aux postes de contrôle, dans l’escorte des commandants militaires…Leur recrutement continue dans certains endroits pour divers motifs : manipulation facile, garde rapprochée des officiers et surtout grossissement des effectifs. Ils représentent jusqu’à 25% des effectifs des troupes ex-Mai-Mai. Les démobilisés sont parfois récupérés de force par des commandants, leurs parents intimidés. Ces cas ont été signalés à Numbi, Mwenga centre, Kitutu, Shabunda centre…

6. La Province du Maniema De tous les maux dont souffrent aujourd’hui les habitants du Maniema, l’enclavement géographique est unanimement invoqué en tête des préoccupations. Isolée des autres provinces par l’état désastreux du réseau routier, la région est également cloisonnée. Chaque localité est isolée de ses voisines La seconde cause de souffrance de la population est l’insécurité générée par les hommes armés et les membres des services dits « de sécurité ». L’insécurité dans un endroit donné est proportionnelle aux effectifs locaux de ces individus. Généralement diffus, le danger se fait plus aigu dans les zones fortement militarisées. Celles-ci coïncident singulièrement avec les régions minières, où l’extraction artisanale des matières précieuses (or et diamant surtout) est synonyme d’argent facile pour quiconque a un pouvoir de contrainte. LES CINQ URGENCES DU MANIEMA

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3. Education : le naufrage L’état n’ayant pas donné suite à la demande de l’épiscopat de payer les enseignants pour l’année scolaire 2004-2005 afin de soulager les familles d’un poids financier trop lourd, beaucoup d’enseignants ont cessé le travail au mois de février dans bon nombre d’écoles du pays. Dans le sud du Maniema, où les salaires, d’ailleurs misérables, accusent un retard d’une année (depuis avril 2004), certains enseignants se sont alors tournés vers les milieux aurifères (où beaucoup de leurs élèves les avaient précédés…) et seule une partie en est revenue pour faire la classe. Dans le meilleur des cas le programme de l’année a pris du retard et ne sera pas achevé. A Punia ce n’est pas la pauvreté qui a vidé les écoles, mais l’argent facile des mines environnantes de cassitérite dont un élève peut extraire de 2 à 10 kg par jour. Des enseignants nombreux des territoires de Kasongo et Kabambare désertent la région à destination des centres urbains de la grande périphérie : Kindu, Lubumbashi, Bukavu, en profitant d’une sécurité retrouvée sur les routes, de l’ouverture du chemin de fer etc. D’autres enfin se sont présentés au concours d’inspecteur de l’enseignement, et quitteront ainsi les écoles. Cette fuite des derniers intellectuels est alarmante. Le niveau de formation des enseignants est gravement insuffisant. Sur les 148 enseignants du secondaire des écoles que nous avons visitées, seuls 25 sont qualifiés pour exercer, soit 17 %. Les élèves étudient souvent assis sur des briques et écrivent sur leurs genoux. Le matériel pédagogique et les livres sont inexistants, les professeurs donnent cours à partir de cahiers d’anciens élèves, appelés « anticus », parfois remplis de fautes ! L’illettrisme ne cesse d’augmenter, les enfants s’expriment de plus en plus dans un Swahili approximatif, qui n’est pas compensé par les langues maternelles dont l’usage se perd malheureusement chez les jeunes générations. La plupart des territoires du Maniema recèle des grandes richesses minières. La cassitérite, contenant de l’étain, est la plus abondante, devant le « coltan » (colombo tantalite, utilisé notamment en téléphonie mobile). On en trouve presque partout. De nombreux gisement d’or parsèment aussi la région. Le plus important se trouve à Namoya. En revanche, c’est l’intégralité de la population rurale du Maniema qui a été déplacée durant les conflits. Chaque village s’est entièrement vidé de ses habitants à plusieurs reprises au cours des dernières années, et les habitants ont généralement passé plusieurs mois en brousse, où les bandes armées criminelles les ont d’ailleurs poursuivis. Education 1. INTRODUCTION a) Incidence de la guerre sur l’éducation.

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L’équipe d’évaluation de Maniema a recensé 44 écoles dont 25 écoles primaires et 19 secondaires dans les 10 localités situées dans les 4 territoires ( Kabambare, Punia, Lubutu, et Kimbombo ) Les écoles furent très souvent la cible des bandes armées criminelles, protagonistes de la « guerre ». Les établissements pillés, incendiés, les livres scolaires et matériels pédagogiques emportés ou brûlés, les bancs pupitres utilisés comme bois de chauffage, certains enseignants et directeurs d’écoles torturés et certaines filles violées. 2. TAUX DE SCOLARISATION GLOBALE Il apparaît ainsi, dans le village de Mazomeno dans le Territoire de Kabambare, chef -lieu de groupement doté à la fois d’écoles primaires et secondaires, les résultats suivants : - Le taux de scolarisation des enfants de 6 à 11 ans est de 33 % seulement, soit 1 sur 3. - Le taux de scolarisation des jeunes de 12 à 17 ans est de 69 %, soit 2 sur 3. Cette tranche d’âge correspond théoriquement aux études secondaires, et ce second taux, isolé du premier, pourrait laisser croire à une assez bonne fréquentation de l’école secondaire, mais il n’en est rien ! Une grande partie des élèves de la tranche 12-17 ans étudient en réalité à l’école primaire. - Ce retard se retrouve dans les tranches d’âge supérieures, puisque 28 % des jeunes gens de 18 à 24 ans se trouvent encore sur les bancs de l’école, dont une partie en primaire ! - Quant au taux de scolarisation des enfants de 3 à 6 ans (école maternelle), il est de 0%... Le retard scolaire est plus ou moins accentué dans les autres parties de la province, mais d’une manière générale la distinction des classes d’âges 6-11 ans pour le primaire et 12-17 ans pour le secondaire n’est pas exploitable au Maniema. Dans certains villages éloignés des écoles, comme à Mbusumba, aucun enfant n’est scolarisé. A Mushahara, dans le Territoire de Punia, la situation est légèrement meilleure en termes d’effectifs, mais surtout dénote une scolarisation plus précoce. En effet : - Le taux de scolarisation des enfants de 6 à 11 ans est de 73 %, soit 3 sur 4. - Le taux de scolarisation des adolescents de 12 à 17 ans est de 41%, soit 2 sur 3. - Le taux de scolarisation des jeunes adultes de 18 à 24 ans est de 45 %, ce qui est énorme. Pour relativiser ce dernier taux, précisons que nous avons trouvé dans cette collectivité un déficit démographique chez les hommes entre 23 et 30 ans, et dès 20 ans chez les femmes, qui s’explique par le départ de nombreux jeunes vers des foyers miniers assez éloignés. c) Scolarisation des filles : La scolarisation des filles, pour le peu que nous ayons pu l’étudier, est éloquente :

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A Mazomeno, il semble que le taux de scolarisation des filles, de 6 à 17 ans inclus, soit de 13,5 %. A Mushahara les filles sont globalement mieux scolarisées, mais le taux de scolarisation chute à l’adolescence : - 70 % des filles de 6 à 11 ans sont scolarisées (garçons : 75 %) - 25 % des filles de 12 à 17 ans sont scolarisées. (garçons : 56 %) - 0 % des filles de 18 à 24 ans sont scolarisées. (garçons : 64 %) Ce que l’on constate plus aisément, sur l’ensemble des régions étudiées, c’est que seulement 20 à 25 % des élèves du secondaire sont des filles, alors qu’elles représentent 40 à 45 % des élèves du primaire. Parmi les éléments défavorisant l’accès des filles à l’école, citons les coutumes rétrogrades et le mariage précoce. L’accès à l’instruction est en effet très difficile pour des filles que l’on marie souvent dès 12 ou 13 ans, et que leurs parents n’estiment pas nécessaire d’instruire, impatients qu’ils sont de toucher la dot de mariage. d) Abandon en cours d’année : Le taux de déperdition scolaire en cours d’année est très fort, mais il semble assez différent selon les endroits. Il est cependant difficile d’être sûr des chiffres qui sont fournis par les directeurs d’écoles ou les enseignants, ceux-ci mettant parfois un point d’honneur à minimiser l’importance de cette déperdition. En effet la déperdition est principalement due à l’exclusion par le corps enseignant des enfants qui sont en retard de paiement des frais de scolarité, comprenant la prime de « motivation » des enseignants. Selon la franchise du directeur ou du préfet, on peut obtenir la vérité ou seulement s’en approcher... Il y a aussi un certain nombre d’élèves qui sont renvoyés régulièrement de l’école pour raisons financières, puis réintégrés, sans être jamais rayés des listes. Un enquêteur interrogeait un enseignant de Kabambare sur les effectifs de sa classe, et celui-ci annonça un taux de déperdition inférieur à 30 % en cours d’année. Lorsque il lui fut demandé, avec insistance, de donner le nombre d’élèves physiquement présents en classe le matin même, il finit par avouer qu’ils n’étaient « exceptionnellement » que trois ce jour-là… sur plus de trente inscrits. Dans la région de Kabambare, le taux moyen de déperdition annoncé est de 40 % en primaire et de 49 % en secondaire, le plus souvent faute de pouvoir s’acquitter des frais scolaires. A Mushahara, le taux de scolarisation relativement bon, tant des garçons que des filles, s’explique assez largement par la proximité des écoles de la mission évangélique (situées à 1 Km) qui jouissent d’un certain soutien de la mission. C’est aussi le cas aux environs de Tunda, à proximité de la mission méthodiste. Mais au-delà du soutien matériel c’est surtout la plus grande valeur accordée à l’enseignement par la population de ces régions qui entraîne une meilleure scolarisation. Là, les enseignants semblent plus souples vis-à-vis des retards de paiement que dans la région de Kabambare, et les parents font aussi

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plus facilement l’effort de payer leurs dette (en nature ou en argent). Cela étant dit, les taux de scolarisation restent très préoccupants. Dans la région de Lubutu, à Onango, le taux de scolarisation semble également supérieur à Kabambare. Les parents disent s’être cotisés en 2003 pour acheter 12 livres pour l’institut (bien que les enseignants aient nié disposer de livres et que l’équipe n’en ait pas trouvés à l’école). Les dividendes du diamant, en apportant une certaine richesse au milieu, semblent avoir aussi l’enseignement. Les jeunes de cette région partent dans les foyers miniers surtout à partir de l’âge de 20 ans. En revanche à Punia, les carrières sont très proches de la cité et les jeunes d’âge scolaire y vont creuser très facilement. Parfois on va creuser en famille. Une intense campagne de sensibilisation aux études menée par les écoles conventionnées catholiques commence à porter quelques fruits, puisque les inscriptions ont progressé ces dernières années, mais beaucoup d’enfants et d’adolescents continuent de déserter l’école. e) Rôle des écoles conventionnées : Les établissements conventionnés confessionnels jouent un rôle de premier plan dans l’enseignement. Ils réunissent la majorité de élèves du Maniema (probablement plus de 70%), et sont généralement mieux cotés que les écoles d’Etat. Les plus nombreuses sont les écoles conventionnées catholiques, suivies par les protestantes de diverses Eglises. On trouve, au sud-est, quelques écoles conventionnées musulmanes, dont le niveau scolaire est médiocre de sorte que les élèves musulmans vont généralement dans des écoles chrétiennes. Les écoles privées laïques existent, mais sont rares. 3. ACCES ECONOMIQUE. Les familles financent à 100% l’enseignement de leurs enfants, pour pallier à la démission de l’Etat. Le coût de la scolarité à l’école primaire est en moyenne de 5 US $ par élève et par an (dont 2$ de prime des enseignants). En sixième année primaire, s’y rajoutent 3$ d’inscription au test national de fin d’études primaire. Au secondaire les familles payent en moyenne 13 US $ par élève et par an, dont 3$ au moins de prime des enseignants. Mais les élèves finalistes ont en plus les frais de dissertation de 3 $ et payent 5$ pour l’examen pratique, soit 21 $ (équivalent à plus de deux mois de revenu moyen d’un ménage) . ETAT DES INFRASTRUCTURES ET EQUIPEMENT SCOLAIRES Il n’existe aucun laboratoire ni aucune bibliothèque dans les établissements recensés. Le mobilier scolaire est très insuffisant. Il a parfois été délibérément utilisé comme bois de chauffage par les bandes armées, alors que le bois mort se trouvait en abondance à proximité.

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Quant aux livres scolaires au matériel pédagogique, ils sont presque toujours inexistants dans les 44 écoles que nous avons visitées. Le programme officiel est introuvable dans les établissements. Par ailleurs, la présence moyenne de latrines dans les enceintes des écoles est de 2 portes pour les garçons et une pour les filles. A Mulita, dans le territoire de Punia, les 2 écoles sont détruites à 100 % dont l’une primaire et l’autre secondaire avec 8 salles de classe. Elles étaient construites en bois et sont endommagées par la tempête. Ces écoles fonctionnent dans les églises. Dans le territoire de Kabambare, 80% des bâtiments visités sont délabrés. Il en est de même pour le territoire de Kimbombo avec 75 % des bâtiments délabrés. La plupart de bâtiments sont construits en bois sans portes ni fenêtres. Il n’existe pas d’eau potable et en moyenne deux latrines pour les garçons et une pour les filles mais en très mauvais état. 5. QUALIFICATION DES ENSEIGNANTS. 5.1 Primaire : Deux tiers des enseignants sont qualifiés. Ces éducateurs sont de diplômés d’Etat des humanités pédagogiques. 4.2 Secondaire : A l’exception de Tunda où il s’est trouvé plusieurs professeurs qualifiés, aucun enseignant des écoles secondaires visitées ne sont qualifiés. Au total, 83 % des professeurs du secondaire sont non qualifiés. Ils ont seulement le niveau D6, c’est-à-dire le diplôme d’Etat, voire même le niveau D4, alors que seuls les licencié (L2) ou les gradués (G3), formés dans les universités ou instituts supérieurs pédagogiques, sont en principe habilités à enseigner en classe secondaire. Les meilleurs professeurs ont abandonné l’enseignement à cause du salaire misérable -et payé avec un retard extrême- que l’Etat leur octroie. Dans ces conditions il ne fait pas de doute que le niveau d’instruction dispensé aux enfants est extrêmement médiocre. Dans certaines localités traversées, l’école a été trouvée déserte aux heures de classe.

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Annexe 2

Proposition d’un projet de recherche sur le système éducatif de la RDC.

Résumé Pour un pays comme la République Démocratique du Congo qui sort d’une longue période de crise et de conflits, la reconstruction du système scolaire est un passage obligatoire vers l’éducation pour tous. Mais les instruments fiables nécessaires à cette reconstruction n’existent presque plus. Depuis près de vingt ans les données statistiques nationales n’ont été récoltées que deux fois. Seuls les résultats des examens d’Etat sont enregistrés chaque année pour l’ensemble du territoire. Les examens d’Etat sont, comme le baccalauréat français, des épreuves que doivent passer les élèves à la fin de leurs études secondaires. La réussite à ces épreuves donne droit au diplôme d’Etat et l’accès aux études supérieures. L’administration des examens à travers le pays constitue une occasion unique pour mener une étude nationale sur le système scolaire. Dans le passé, notre Cellule de chercheurs a pu tirer avantage de cette structure nationale qu’est l’organisation des examens d’Etat pour obtenir des informations fort utiles sur la situation du système éducatif dans son ensemble, sur les indicateurs des établissements scolaires de chaque province ainsi que sur les performances et les caractéristiques des élèves. La même équipe de chercheurs se propose de lancer une enquête similaire en se servant des possibilités offertes par cette structure en vue d’examiner les effets des années de crise et de guerres dans les différentes régions du pays. L’étude aura les trois principaux objectifs suivants: analyser l’évolution des résultats aux examens d’Etat de ces dernières années, faire passer des épreuves aux finalistes d’un échantillon national d’écoles secondaires en vue de tester la fiabilité des examens d’Etat, et administrer un questionnaire à tous les candidats au diplôme d’Etat. Le montant nécessaire pour l’organisation de l’enquête, l’analyse des données et la publication des résultats est estimé à 11.000 euros. I. Contexte et justification I.1 Introduction

Au moment où la communauté internationale multiplie des efforts en vue de réaliser l’éducation de qualité pour tous en 2015, la reconstruction du système éducatif est la préoccupation majeure de la République Démocratique Congo (RDC). En effet, pendant ces dernières années, l’affaiblissement graduel et continu de l’économie du pays et la confusion politique ont conduit à la détérioration totale des conditions de vie de la population congolaise. L’indicateur de développement humain

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(IDH) connaît une régression de 1,7% l’an en moyenne depuis 1990. La guerre est venue donc aggraver une situation déjà déplorable.

L’éducation est l’un des secteurs qui a le plus souffert des années de guerres et de conflits. Ainsi, comme l’a montré l’étude MICS2 de 2001, 31% d’enfants de 6 à 14 ans n’ont jamais été à l’école; au moment de l’enquête, 45% seulement d’enfants de ce groupe d’âge fréquentaient l’école, avec des disparités prononcées entre milieux urbain (76% d’enfants scolarisés) et rural (48%); et entre les sexes (59% de garçons contre 53% de filles étaient scolarisés). 17% seulement d’enfants étaient admis en 1ère année primaire à l’âge légal de 6 ans. L’une des raisons principales de ce taux est la pauvreté des parents. Un peu moins d’un quart (24%) de la population de plus de 14 ans est sans instruction; 39% n’ont qu’une formation de niveau primaire. Ceux qui ont le niveau secondaire ou plus représentent 36% de la population (25% de femmes et 47% d’hommes).

L’un des préalables pour la reconstruction du système scolaire est une bonne connaissance de son état actuel ; d’où la nécessité d’avoir des statistiques scolaires fiables. Or, dans le cas de la RDC, depuis près de vingt ans, la Direction de la planification et de statistiques scolaires du Ministère de l’Education n’a effectué aucun recensement national. Les statistiques disponibles telles que celles données ci-dessus ont été récoltées grâce à des efforts des organismes internationaux qui mènent des enquêtes partielles dans certaines régions du pays. La seule activité éducative du gouvernement qui s’est maintenue sur l’ensemble du territoire est l’organisation des examens d’Etat.

Le projet que nous proposons vise à utiliser cette structure administrative nationale qu’est l’organisation des examens d’Etat, pour mener une enquête susceptible de fournir une référence nationale et des informations nécessaires à la reconstruction du système scolaire. Il est à noter que les examens d’Etat ont été organisés par le Ministère de l’Enseignement primaire et secondaire chaque année depuis 1969 sur l’ensemble du territoire même pendant la période de guerres lorsque la RDC était divisée en quatre régions politico-administratives plus ou moins autonomes. I.2 Les Examens d’Etat

A l’instar du Baccalauréat français ou le Certificat d’études secondaires belge, les Examens d’Etat constituent pour la RDC les épreuves passées par les élèves à la fin de leurs études secondaires pour l’obtention d’un Diplôme ou Certificat d’Etat. Institués en 1968, ces examens sont organisés annuellement par le Ministère de l’Education nationale. Vers la fin de chaque année scolaire, en juillet ou début août, les élèves de toutes les classes de 6ème année secondaire (terminales) d’un certain nombre d’écoles sont regroupés dans l’un des établissements scolaires qui sera appelé Centre d’examens d’Etat pendant toute la durée des épreuves.

Les questions d’examens sont acheminées à chaque Centre dans des malles

scellées qui seront ouvertes en présence des élèves et des enseignants ainsi que des autorités administratives et scolaires dans toute la République à la même heure (en

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respectant les fuseaux horaires de la RDC qui en compte deux). Les examens durent quatre jours en général. Au début, de 1969 à 1975, les tests comprenaient, outre les Examens d’Etat qui sanctionnaient la fin des études secondaires, des Epreuves d’orientation qui déterminaient les disciplines que chaque finaliste était autorisé à suivre après le secondaire. A présent ils ne comprennent que les seuls Examens d’Etat composés d’épreuves de mathématiques, de français et de connaissances générales ainsi que des examens spécifiques pour les différentes options (pédagogiques, littéraires, scientifiques, techniques, professionnelles).

A la fin de l’opération, les malles sont renvoyées pour la correction des épreuves à un même endroit. Environ deux mois après, les résultats des examens sont publiés dans des Bulletins officiels qui sont vendus progressivement à travers le pays au fur et à mesure de leur parution. Y figurent le nom du Centre, les listes des établissements scolaires avec le nombre total de participants et de réussites, les noms des élèves diplômés ou certifiés avec, pour chacun d’eux, le genre et la note obtenue.

Avec la croissance du nombre de participants (217.656 candidats en 2003), l’organisation de ces examens devient de plus en plus compliquée. Ces dernières années, pendant la période de guerre, c’est grâce aux Casques bleus de la MONUC (Mission des Nations Unies au Congo) que les malles ont pu atteindre les établissements situés à l’Est du pays ou d’autres régions qui étaient en guerre. Comme souvent dans de telles entreprises, il existe de plus en plus de doute sur la fiabilité des résultats et des soupçons sur la possibilité de corruption et de fraude. Néanmoins c’est encore la seule référence nationale qui subsiste. L’une des résultantes espérées de l’enquête nationale proposée ici est d’arriver à obtenir dans l’avenir de l’aide pour la réorganisation du système des examens d’Etat. I.3 L’enquête de 1974

En 1974, la Cellule de l’Economie de l’Education, sous ma direction à la Faculté des sciences économique de l’Université de Kinshasa, a mené une enquête auprès de tous les élèves qui terminaient leurs études secondaires. Cette enquête nationale basée sur des questionnaires soumis à près de 13.000 candidats aux examens d’Etat a fourni d’importantes informations sur de nombreuses variables avec des indicateurs de performance des élèves. Elle a permis d’établir des comparaisons entre les provinces, entre les filles et les garçons, les milieux rural et urbain, les types d’écoles (internats vs externats, publiques vs privées, ...) et beaucoup d’autres variables.

L’intérêt suscité par les premiers résultats de l’enquête nous a encouragés à en faire une étude longitudinale. C’est ainsi que nous avons pu retrouver un certain nombre des finalistes de 1974 pour observer ce qu’ils étaient devenus une année puis six ans après la fin de leurs études. Grâce au financement de l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) et du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) les résultats de l’étude ont été publiés en 1980 sous le titre Profil national des finalistes de l’enseignement secondaire du Zaïre II. Enquête nationale

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Avec mon équipe, nous nous proposons de mener une enquête nationale similaire à celle de 1974. L’un des résultats attendus de l’enquête sera d’évaluer l’impact sur le système scolaire de ces années de crise, de conflits et de guerres. Plutôt que de travailler sur un échantillon, l’idée est d’administrer un questionnaire à la totalité des participants aux examens d’Etat. Il suffirait pour cela de joindre un formulaire à chacun des jeux de questions d’examen qui seront soumises aux finalistes du secondaire. (Par expérience, nous savons qu’il est très maladroit de soumettre le questionnaire à un échantillon de Centres, d’écoles ou d’élèves. Ceux qui ne seraient pas sélectionnés se croiraient exclus pour des raisons politiques, tribales ou autres).

Une telle enquête ne peut évidemment se réaliser qu’en étroite collaboration et avec le concours du Ministère de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel, l’accord d’autres autorités nationales, et surtout avec la coopération des organismes bailleurs de fonds. Une analyse minutieuse des réponses aux questionnaires, des résultats et du déroulement des Examens d’Etat nous fournira des informations inestimables. C’est pour bien préparer l’enquête nationale que nous demandons aujourd’hui un financement pour une enquête- pilote. II.1 Objectifs

L’enquête que nous souhaitons lancer aura pour objectif principal de nous fournir les informations nécessaires à la reconstruction du système scolaire dans son ensemble. Prenant les examens d’Etat comme point de départ et référence nationale, cette étude fournira des informations qui pourraient conduire à une réforme susceptible d’améliorer la qualité, la pertinence et la validité du système scolaire de la RDC selon les lignes tracées par le Cadre d’action de Dakar. L’enquête aura pour but de: - attirer l’attention, en termes concrets quantitatifs et qualitatifs, sur la détérioration du système scolaire; - sensibiliser les autorités responsables à la gravité des dégâts causés à

l’éducation par les conflits dans les régions directement touchées par les guerres;

- identifier, clarifier et hiérarchiser les problèmes majeurs et les principaux besoins pour rétablir un retour à la normale du système;

- aider à identifier et aborder les principaux obstacles à la réalisation des objectifs de l’EPT, notamment en ce qui concerne

-- l’impact du VIH/sida sur l’éducation, -- l’éducation pour les populations rurales, -- l’égalité des chances entre les filles et les garçons: - aider au renforcement des capacités nationales dans la mise en oeuvre de projets et l’analyse des résultats; III.2 Activités Pour atteindre ces objectifs cette phase de l’enquête comprendra trois activités principales dont les objectifs spécifiques sont donnés en annexe:

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- l’analyse des données fournies par les résultats des examens d’Etat pendant l es trente dernières années--ou du moins ce qui est encore disponible; - la soumission aux élèves d’un échantillon de vingt écoles des différents items

des questionnaires du projet national en vue de tester leur pertinence; - l’administration aux mêmes élèves des épreuves d’orientation de l’année 1974. III. Objectifs spécifiques Chacune des trois activités citées ci-dessus permettra d’atteindre des objectifs spécifiques dont certains sont décrits ici. Activité 1. Analyser les données fournies par les résultats des examens d’Etat de ces dernières années et tout particulièrement depuis le début des guerres qui ont sévi dans certaines parties du pays. Cette analyse fournira, entre autres, des informations sur les points suivants, pour chaque province: - l’évolution du nombre d’établissements scolaires par options (général, normal,

technique, professionnel,..), par secteur public, conventionnées, privées,...), par milieu (rural, urbain) etc.;

- l’évolution du nombre d’élèves qui sont arrivés à la fin du cycle scolaire. Le groupe de finalistes du secondaire n’est certes pas un échantillon représentatif, mais la proportion de jeunes gens qui complètent ce cycle est un indicateur de la situation du système éducatif de la province;

- l’évolution des indices de parité (IPG) entre les sexes et le différentiel de performance entre les sexes;

- l’ampleur du problème de disparités provinciales (notamment la situation dans les régions de l’Est et du Nord qui ont connu des guerres et autres conflits armés.

Activité 2. Tester les différents items des questionnaires du projet national qui seront administrés à l’ensemble des finalistes de l’enseignement secondaire. Ce questionnaire est destiné à recueillir des informations sur de nombreux indicateurs qui pourront être comparés à ceux obtenus en 1974, notamment - les renseignements usuels sur l’identité (sexe, âge moyen, fréquentation d’une section pré-primaire, nombre de redoublements, - le contexte familial (éducation, occupation et résidence des parents et/ou tuteurs, origine du financement des frais scolaires, ...); - facteurs culturels (connaissance des quatre langues nationales, connaissance

d’une langue tribale, langue parlée au foyer, urbanité, - aspirations (éducationnelles, professionnelles, de résidence, ...) des garçons et

des filles, des citadins et des ruraux,...

Les élèves qui sont parvenus à ce niveau d’études peuvent nous fournir des informations très utiles sur certaines situations de la vie de la population. Au cas où cela serait jugé politiquement correct, le questionnaire pourrait inclure des questions pour savoir si, au cours de leurs études, les répondants ont connu:

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- un ou plusieurs élèves atteints ou morts du VIH/SIDA; - des membres de leur famille et/ou leur entourage morts du SIDA ou autres IST ou MST; - un ou des élèves qui ont dû abandonner les études par manque de moyens

pour payer les frais scolaires; - une ou des filles qui ont dû abandonner les études pour l’une des raisons suivantes: grossesse, mariage, ...; - un ou des élèves qui ont dû abandonner les études pour être enrôlés dans l’armée ou la milice; - un ou des élèves qui ont été tués au cours d’une guerre ou de conflits tribaux,

armés ou non; - un élève qui a quitté l’école pour aller à l’étranger (en Afrique, hors de l’Afrique); - un élève assez doué mais qui a dû quitter l’école à cause d’un handicap

physique...; - si le répondant a dû, à un moment donné, interrompre ses études pour l’une des raisons suivantes (guerre, attaque de rebelles, fermeture de l’école pour diverses causes, ...; Activité 3. Faire passer aux élèves des écoles échantillonnées les épreuves d’orientation de l’année 1974 et obtenir l’ordre de leur réussite aux cours et aux examens pendant l’année scolaire. Les deux séries de scores enregistrées auront pour objet: - de comparer les scores obtenus par les élèves aux épreuves d’orientation à

ceux des élèves de 1974; - d’établir la corrélation entre les scores obtenus au cours de l’enquête à

ceux qui seront publiés après les examens d’Etat; - d’établir la corrélation entre les résultats obtenus aux examens d’Etat avec les

notes obtenues par les élèves pendant l’année scolaire. 1 Chiffres tirés du document, Conflits armés en République Démocratique du Congo. Le rôle des facteurs économiques et leçons pour la reconstruction, Programme des Nations Unies pour le Développement, Kinshasa, 2004. 2 Les provinces de l’Equateur, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema, du Katanga, la Province Orientale et le District de l’Ituri. 3 UNICEF, 1990a, p. 50. 4 RESEN, p.52.