les crimes de l Éducation française, par pierre-sébastien laurentie
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8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
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‘LES CRIMES
DE
UÉDUGÀTION
FRANÇAISE
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L’auteur et
l’éditeur déclarent se
réserver
leurs d r o i t s
d e traduction
e t
d e reproduction à
l’étranger.
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Cet
ouvrage
a
é t é déposé a u m i n i s t è r e de
[ i n t é r i e u r
( s e c t i o n
de l a
l i b r a i r i e )
en
décembre
1871.
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(LES CRIMES
DE
UÉDUGATION
FRANÇAISE
PAR
M.
LAURENTIE
PARIS
HENRI
PLON,
IMPRlMEUR-ÉDITEUR
1 o , RUE GARANCIËRI‘
1871
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Les mots é ducation, instruction, ensei gnement, o nt
chacun
un
sens
propre
e t
d i s t i n c t ;
n é a n m o i n s
tous
t r o i s s e rapportent à u n e même idée, qu e l e
l a t i n
é n o n c e par
u n
seul
mot, l e mot i n s t i t u t i o n , lequel
f a i t
entendre
u n e
s o r t e
d e formation, d e création d e
l’homme é l e v é , i n s t r u i t , e n s e i g n é .
C ’ e s t pourquoi,
s i
ces mots
semblent parfois en
c e t
é c r i t
ê t r e
p r i s
l’un
pour
l ’ a u t r e ,
j e
prie
l e
lecteur
d e
ne
s e point arrêter à des
nua nce s
qu i
paraîtraient
manquer
d e
l o g i q u e .
Quand j e parle d e l’éducation f r a n ç a i s e ,
j’embrasse
en
ma pensée tout ce qu i s e
rapporte
à c e t t e i n s t i
t u t i o n
morale d e l’homme , s a i n t
devoir
d e l a société
dome st ique, devoir
n o n m o i n s
sacré
d e
l a
société
c i v i l e o u politique , d o ubl e ministère hors d uque l l e s
meilleures lois ne peuvent r i e n pour l ’ o r d r e et l e
bonheur p u b l i c .
i
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Q
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LES
CRIMES
DE
UÉDUGATION FRANÇAISE
u I
J e c r o y a i s a v o i r
t o u t
d i t s u r l ’ é d u c a t i o n ;
j e ,
n ’ a i
rien d i t .
J ’ a i parlé
au
père,
j ’ a i
parlé
à
l a
mère,
j ’ a i parlé
à
l ’ i n s l i t u t e u r , j ’ a i parlé à l ’ É t a t ; à tous j ’ a i d i t l e s d e
v o i r s
d e
l’éducation;
à n u l j e n ’ a i d i t l e s
.crimes d e
l’éducation.
Aujourd’hui j e l e s d é n o n c e ; qui
m’écoutera‘?
L es crimes
d e l’éducation
française s e
ré sument
en
u n
crime
c a p i t a l ,
qu i
e s t
d’avoir
v o u l u
f a i r e
d e
l a
France u n e
nation
sceptique, r a i l l e u s e
, ignorante,
antichrétienne, athée en
un
mot, dest-à-dire i n g o u
vernable,
dest-à-dire v o u é e
au x
a l t e r n a t i v e s d e l ’ a n a r
chie e t d u despotisme.
Qu i
m’écoutera‘? d i s - j e .
L e
crime c a p i t a l d e
l’éducation e s t l e crime
d e
t o u t
l e
m o n d e .
L es
pères,
l e s
maîtres,
l e s
l é g i s l a t e u r s ,
l e s écrivains, l e s politiques, l e s
poëtes,
l e s mora
l i s t e s ,
y ont
p r i s part
à
l ’ e n v i . C e t t e immense
compli
l .
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l i - LES CRIMES
c i t é
es t
écrite
d a n s
l a
littérature,
d a n s
l a
philosophie,
e t
jusque
dans l e s l o i s de l a F r a n c e .
Aussi l ’ a c t e d’accusation contre l’éducation f r a n
ç a i s e s e dresse d e l u i-m ê m e dans l ’ h i s t o i r e
d e nos
révolutions; c ’ e s t
comme
un l i e u
commun d e r em u e r
ces souvenirs; je n e v a i s l e s toucher qu’autant q u ’ i l
l e f a u t pour en f a i r e
j a i l l i r
quelque
l umière sur
l a
cause
e t
l e
caractère
d es
maux
p r é s e n t s .
Tout e s t d ’ a i l l e u r s r é s u m é
en quelques l i v r e s , qu e
l’étourderie n’a pas en trevu s o u
bien
qu e l a haine
a
é t o u f f é s ,
témoins implacables n é a n m o i n s q u ’ i l f a u t
entendre, même
quan d
l a plainte y
aurait p r i s
par
f o i s
un accent
d e
passion.
J ’ a i
l à tous
ces l i v r e s
:
i l s
reflètent u n e l u eur
s i n i s
tre;
une conjuration d e cent c inq uante
a n s contre l e
christianisme y e s t é t a l é e , n o n point avec d es bana
l i t é s
d’induction
, ma is
avec_des
énonciations d e plans
préméd ités, e t
mi s
à
exécution
t a n t ô t
par
d es a r r ê t s
d e
proscription
sanglante, t a n t ô t par d es formules d e
l o i s philosophiques
pires
qu e l e meurtre.
I l
Jean-Jacques
Rousseau avait
écrit
l a
théorie
de
l’éducation antichrétienne;
tout u n s i è c l e d e
f r i v o
l i t é débauchée s’éprit d e cette théorie comme d ’ u n e
r é fo rme mi rac u l eu se d e
l’humanité.
La Révolution, d ès son
premier jour,
s’appliqua à
l a r é a l i s e r
par
l e s l o i s .
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DE UÉDUCATIQN FRANÇAISE.
5
Cela e s t
connu.
Nous avons l a c o l l e c t i o n
d es
décrets
portés par l e s Assemblées e t par l e s pouvoirs d e l a
Révolution,
à
dater d u rapport d e M. d e
Talleyrand
en
1’789; l a théorie d’éducation d e R o u s s e a u y e s t
vivante ; tous ont pour o b j e t
d’abolir
jusqu’à
l a
trace
e t au
souvenir
d es i n s t i t u t i o n s
catholiques qu e d o uze
s i è c l e s avaient
enracinées
dans l e s o l français p o u r l a
direction
e t
l ’ens ei g nement d es
générations
n a t i o
n a l e s .
l l
n’y a point à ar g u m en ter sur ce t r a v a i l concerté
d e
démolition;
l’œuvre accomplie
s ’ é t a l e
au gr a n d
s o l e i l ; tout ce qu ’avai en t construit l e s
s i è c l e s
a é t é
e x t i r p é , tout e s t
évanoui :
Etiam periere ruinæ.
Et
pourtant sur
c e t t e t a b l e rase improvisée en
quelques
moments
o n
a v a i t t o u t a u s s i t ô t
s e n t i
l e
he
soin
d e tenter
quelque
reconstruction.
Même l e s f o r
c en és d é mo l is seu rs nïma g ina ie nt
pas
qu e l e s g é n é
rations pussent ê t r e sans u n e conduite quelc onque;
i l s l e s enlevaient à l a
seule
pu is sance qu i a i t empire
sur
l a pensée e t
sur l’âme huma i n e, qui e s t l a Reli
g ion
; i l s crurent avoir l a force d e l e s s a i s i r ,
d e
l e s
maîtriser e t d e l e s assouplir, rien qu’au moyen d ’ une
déclaration en
vertu d e laquelle IÎÉTAT, c e t
ê t r e
i d é a l ,
s e r a i t maître
d e
l ’ i n s t r u ‘ c t i o n
publique,
partant
maître d e l’homme, partant
maître
d e s on
i n t e l l i
gence, c ’ e s t - à - d i r e
d e ce qu i l e f a i t homme.
C e f u t l à toute l a raison d es l é g i s l a t i o n s criminelles
d e
l’éducation.
Or, i l me f a u t r em ar qu e r qu e ce n ’ e s t pas d e prime
abord
qu e
l a
Révolution
française é n o n g a l e dessein
l
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s
LES
cmMEs
d e s’emparer
d es
générations au moyen
d’une
f o r
m u l e
unique
d’éducation
n a t i o n a l e .
L es premiers l é g i s l a t e u r s r e s t a i e n t sous
l’impres
sion subsistante d e l a l i b e r t é universelle promise à l a
t e r r e
par
l e s
p h i l o s o p h e s .
«
S i
chacun, d i s a i t Talleyrand
a
l’Assemblée
con
s t i t u a n t e , a
l e
d r o i t d e
recevoir
l e s
b i e n f a i t s
d e l ’ i n
struction,
chacun
a
réciproquement
l e
d r o i t
d e c on
courir
à
l a répandre,
car
c ’ e s t d u concours e t d e l a
r i v a l i t é d es
e f f o r t s
individuels
qu e
naîtra toujours
l e
plus
g ran d . b i e n . L a
confiance
d o i t seule
déterminer
l e choix pour l e s fonctions i n s t r u c t i v e s . To u s l e s t a
l e n t s sont appelés à
disputer
l e prix
d e l’estime
pu
blique.
Tout privilège
e s t ,
par sa nature,
o d ieux:
un privilège
en
matière
d’instruction
s e r a i t
plus
absurde
e t
plus
o d i eu x enc ore l . »
L e
projet
d e
l o i , conséquent à ces
déclarations,
pronongait
en
ces
termes
l a l i b e r t é Œen se i g n emen t:
« I l
sera
l i b r e
à tout p a r t i c u l i e r ,
en s e
soumettant
au x
l o i s générales s ur l’enseignement public, d e f o r
mer d es établissements
d ’ i n s t r u c t i o n .
I l s
seront
tenus
d’en
i n s t r u i r e
l e s
municipalités
e t
d e
publier
leurs
rè g l ements . » v
S e u l e m e n t l a l o i ne
f u t pas
votée; l’Assemblée
constituante
n’eut qu e l e
temps d’approuver l e rapport
e t
d e transmettre
à
d’autres
l e
dessein
dont
i l é t a i t
l e
préambule.
Mais l’Assemblée l é g i s l a t i v e c o u r a i t à son t o u r à
1
Rapport, 1 0 e t U. s e pt em br e 1 7 89 .
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DE
UÉDUCATION
FRANÇAISE. 7
d ’ a u t r e s t h é o r i e s ;
l a
l i b e r t é
u n i v e r s e l l e
s ’ o f f r a i t
d é j à
avec une si gnification d e révolte u n i versel l econtre les
l o i s naturelles d e
l’éducation.
C ’ e s t Con d orcet qui formula l a théorie nouvelle:
«
L ’ in d épen dance
absol ue d es opinions, d i s a i t - i l ,
dans tout ce qu i s ’ é l è v e au-dessus d e l ’ i n s t r u c t i o n
élémentaire,
f a i t
en qu el qu e s o r t e partie
d es d r o i t s
d e
l’espèce
humaine.
n
La l a n g ue française n ’ a v a i t
plus
sa c l a r t é d’autre
f o i s ; l e
v a g u e d es mots
annonçait l’avénement d’idées
inconnues; e t
depuis,
ce courant,
hélas d u r e
tou
jours.
Maisenfin l a formule d u P R I V I L È G E absolu en matière
d ’ é d u c a t i o n
n ’ é t a i t
pas trouvée;
e t même lorsque
parut
l a
Convention,
ce
monstre
d e
tyrannie,
i l
resta
quelque h é s i t a t i o n encore
sur
l ’ a c t i o n
à
exercer au
nom d e l a
puissance
publique, au s u j e t d ’ une l i b e r t é
dont l e s mœurs séculaires avaient f a i t
l e
d r o i t
e t
comme un s a i n t d o m a i n e du foyer
domestique.
Lakanal, ce chanoine régicide, fit introduire dans
l a
l o i
sur
l ’ i n s t r u c t i o n
publique
un
a r t i c l e
a i n s i
c on ç u :
« La l o i n e peut porter a t t e i n t e
au
d r o i t qu’ont l e s
c itoyens d’ouvrir d es cours e t écoles
particulières e t
libres,sur
toutes
l e s p a r t i e s d e l ’ i n s t r u c t i o n , e t
d e
l e s
diriger comme bo n leur semble. E l l e s seront seule
ment
soumises à
l a
surveillance d es
bureaux d ’ i n
spection
e t
d ’ une
c o m m i s s i o n
c e n t r a l e .
J )
Ainsi l ’ i d é e d e l a liberté.d’éducation, d e quelque
façon
q u ’ e l l e f û t entendue
par
l e s l é g i s l a t e u r s , subsis
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8 LES CRIMES
t a i t
encore,
e t l a
Révolution
semblait
hésiter
à
l ’ a b o
l i r ,
après
avoir abolitout
l e r e s t e .
C e ne f u t
qu e par
degrés
qu e s on g é nie i n s t i n c t i f s e
d é v o i l a . Elle
venait
d e s’exercer
à l a tyrannie par l e s
proscriptions, l e s confiscations e t l e s massacres; l e
sang r u i s s e l a i t d es échafauds; l a France a v a i t vu s e s
autels renversés, s e s prêtres é g or g é s, D i e u chassé
d es
temples,
e t
enfin
un
c u l t e
n o u vea u,
l e
c u l t e
d e
l a Raison, i n s t i t u é
sur l e s ruines
d e l a nation l a plus
chrétienne
qu e l e
monde eûtjamais connue.
Alors
commença d e
se
formuler l ’ h o r r i b l e
théorie,
comme
pour
a t t e s t e r qu e l à o ù cesse l’empire d e
D i e u, commence l’empire
d e
l ’homme, e t l’empire
d e l’homme c ’ e s t l a servitude.
«
Dans
c e
moment,
v i n t
d i r e
l a
v o i x
l a
p l u s
f a
rouche d e l a
Révolution,
l a voix d e Danton,
dans ce
moment (on venait d e proclamer l e g o uvernement
r é v o l u t i o n n a i r e
e t
l e
c u l t e de
l a
Raison), dans c e
mo
ment où
l a
superstition s u c c o m b e pour
f a i r e
place à
l a raison, vous
devez
d o n n e r u n e CENTRALITÉ
à l ’ i n
struction publique,
comme
vou s en
avez
d o n n é u n e
au
gouvernement.
n
Voilà,
d i s - j e , l ’ i d é e maîtresse d e l a
R évolution qui
apparaît, l a
CENTRALITÉ, à ,
savoir
l e despotisme i n
s t i n c t i f d e l ’ É t a t
sur
l ’ i n s t r u c t i o n
publique ,
o u plutôt
sur l’éducation, sur l a pensée, sur l a conscience,
s ur
l a
v i e moralede tout l e
peuple.
.
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10
LES
CRIMES
ne
s ’ a g i s s a i t
qu e
d es écoles primaires , l’enseiguement
v r a i n ’ é t a i t pas en
question.
C e n ’ e s t pas s ans d es sei n qu e j e f a i s c e t t e remarque;
t o u t
à
l’heure e l l e va s e d érou ler d’el|e-même
comme
u n e aggravation
d es c ri mes d e
l’éducation, q u ’ i l
n o u s
f a u t connaître.
L a théorie d e l a CENTRALITÉ
é t a i t ,
d i s - j e , formulée,
ma is
r e s t a i t
comme
suspendue.
f
Et
bien
plus, d ès
qu e Robespierre
e t Danton sont
précipités, leur théorie même semble quelque temps
evanouie.
C e
n ’ e s t
pas qu e l a l i b e r t é véritable apparaisse
alors;
l a l i b e r t é
v é r i t a b l e ,
en
matière
d’éducation,
ne
s’entend qu e comme c o r o l l a i r e d e l a l i b e r t é d e l a
f o i ,
d e
l a
conscience,
d e
l a
r e l i g i o n ,
e _ n
un
mot.
Et
en
ces
jours d e f u r i e , qu e
Robespierre
e t Danton vivent
o u _meurent,
l a religion
r e s t e
proscrite,
l e s
é g l i s e s
sont
s o u i l l é e s
o u fermées; l e
clergé
chrétien o u
bien
a
péri
sur l e s échafauds, o u
bien
a f u i l o i n d e l a
p a t r i e , - o u bien
cache
s on ministère en
des
a s i l e s où
l ’ h o s p i t a l i t é , d o n n é e ou reçue, e s t u n a r r ê t d e mort.
Toutes l e s fondations
d’écoles
e t
d’universités sont
abolies;
ce
qu e n o u s avons appelé, d e nos
jours,
d u
nom de
l i b e r t é
L f e n s e i g n e m e n t , ne p o u v a i t donc
p o i n d r e ,
même
comme
doctrine l é g a l i s é e , en d es jours où l ’ e n
s a i g nement chrétien é t a i t
l e
crime c a p i t a l par excel
l e n c e ’ , subsistant
dans toutes l e s l o i s .
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
20/97
DE
L’ÉDUCATION
FRANÇAISE. i l
1
I V .
Non , n e c he rc ho ns pas l a l i b e r t é dans l e s formules
qu e
des
législateurs
m o i n s farouches
qu e D an t o n
firent
introduire dans
l e s l o i s ,
par
un v a g u e ressou
venir d e
l’éducation
e t d es coutumes
d’ u n
monde
qu’ils
s’amusa ie nt
à
englout ir
d a n s
les
ru i nes
e t
d a n s
l e sang.
Mais enfin l e s l o i s ne prononçaient
pas
d e
prescrip
t i o n s conformes à ce dogme
farouche qu e Dan to n
a v a i t
comme
montré
à
d’autres sous l e nom barbare
d e C E N T R A L I T É . ‘
Lakanal
reparut
même
avec
s a doctrine inverse,
e t i l fit décréter derechef « qu e l a l o i ne pouvait
porter
a u c u n e a t t e i n t e au d r o i t
qu’ont
l e s citoyens
d’ouvrir d es écoles particulières
e t l i b r e s
sous
l a
sur
veillance
d es
autorités
constituées
‘ . » Se u lement
i l y
a v a i t
a l o r s d es
multitudes d e citoyens proscrits o u
c a p t i f s , e t
c ’ é t a i e n t ceux-là même
qu e
leurs études
e t
leurs
vertus
avaient
comme
pr é de s t in é s
à
ce
droit
d’ouvrir d es é c o l e s , par u n e vocation qu e l a l o i n e f a i t
pas, mais
qu i
s e manifeste
par
l e d é v o u e m e n t
e t
l e
sacrifice; d e
t e l l e s o r t e
qu e l e
d r o i t
proclamé n ’ é t a i t
qu’une mortelle i r o n i e .
I l en
f u t a i n s i du
droit
introduit
d an s
l a
constitu
t i o n d e l ’ a n I I I .
L ’ a r t .
300
p o r t a i t
:
«Les
p a r t i c u l i e r s
ont
l e
d r o i t
1 Dernier a r t i c l e d e l a l o i
du
27 brumaire an I I I .
-
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1 2
LES
CRIAIES
7
d e f a i r e d es établissements p a r t i c u l i e r s
d
é ducation
e t d’instruction; n e t e l l e ajouta, a r t . 355 : « I l n’y
a ni privilège, ni jurande, ni maîtrise, n i limi
t a t i o n
à
l’exercice d e l ’ i n d u s t r i e e t
d es
a r t s d e toute
espèce. »
_
La
R évolution proclamait l a l i b e r t é comme u n d r o i t
d e t a b l e r a s e .
Quoi
q u ’ i l
en
s o i t , l a
théorie
d e
l a
CENTRALITÉ
n’en
t r a i t pas dans l a
l o i , e l l e r e s t a i t comme u n e vision
d e
despotisme, d ont l a Révolution
même se
détournait
avec u n e
s o r t e
d e frémissement e t d e peur.
Et lorsque,
pe u
après, l a c omm i s s i o n d es Onze, qu i
7
a v a i t rédig é c e t t e constitution d e l an
I I I ,
proposa l a
l o i d’organisation d e
l ’ i n s t r u c t i o n
publique
, D a u n o u,
reprenant
l e
rapport
quelque
peu
oublié
d e
Talley
rand, a i n s i
qu e d’autres
projets
é g a lement délaissés
dans l a fermentation des-crimes, n’eut g ard e d e
l a i s
ser entrevoir
d an s
s e s
conceptions
d es
e s s a i s
d e
tyrannie à exercer sur l’éducation; peu s’en f a l l u t
même qu e l e docte
oratorien
ne l a i s s â t échapper
d es
souvenirs
qu i
semblaient ê t r e l e regret d ’ une l i b e r t é
disparue.
« En
1 7 8 9 , d i s a i t - i l ,
l’éducation é t a i t vicieuse
sans doute, mais
e l l e é t a i t
organisée. L es
é t a b l i s s e
ments supérieurs, t o u t ce qu i formait, pour a i n s i d i r e ,
l e sommet d e l’instruction, les
a c a d é m i e s ,
l e s sociétés,
l e s l y c é e s , l e s t h é â t r e s , avaient
honoré
l a nation fran
gaise
au x
y e u x
d e
tous
l e s
peuples
c i v i l i s é s .
«
Là, d es
h é r i t i e r s
toujours dignes
d e leurs préd é
cesseurs recevaient
depuis plus d’un s i è c l e ,
e t por
\
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DE IJÉDUCATION
FRANÇAISE.
15
Vra iment c ’ e s t
u n e surprise, après soixante-dix
ans,
d’ouïr
d e t e l l e s
paroles,
e t
involontairement
ma p l u m e
s ’ a r r ê t e . . .
Mais
l e s
réflexions viendront
t o u t à
l ’ h e u r e .
« Ainsi,
continuait
Chaptal, i l dérive d e
l a
néces
s i t é d’assurer l ’ i n s t r u c t i o n e t d e l a rendre g én érale e t
accessible à tous,
qu e
l e g o u v e r neme nt doit créer
partout des
écoles publiques.
Ma i s i l
appartient au x
d r o i t s
d ’ un
chacun
d’ouvrir
aussi
d es
écoles et d’y
admettre l e s enfants d e tous c e ux qui
n’auront
pas
pour l ’ i n s t i t u t e u r public l e d eg ré d e confiance néces
s a i r e .
De l a l i b e r t é
d e l’enseignement d o i t naître c e t t e
r i v a l i t é
précieuse
entre
l e s i n s t i t u t e u r s , qu i
tourne
toujours
au
profit d e l a
morale
e t d e l ’ i n s t r u c t i o n . »
« Le gouvernement, d i s a i t - i l enfin, maître
ab so l u
d e
l ’ i n s t r u c t i o n
,
pourrait
t ô t
o u
tard
l a
diriger
au
g ré
d e
s on ambi ti on;
ce
l e v i e r , l e pl us pu is sant d e
tous,
deviendrait peut-être d an s s e s main s l e premier
mob i le
d e l a servitude; toute émulation s e r a i t é t e i n t e , toute
pens ée l i b r e s e r a i t u n
crime;
e t peu à peu
l ’ i n s t r u c
tion,
qu i pa r s a nature doit éclairer, bientôt dégé
né r é e dans l a m a i n d e quelques
i n s t i t u t e u r s
timides,
façonnerait toute
u n e
génération
à
l ’ e s c l a v a g e . n
l
N’eùt:on pas d i t u n p r é amb u l e d e l é g i s l a t i o n p o u r
un peuple à qu i
ne s e r a i t
r e s t é d e s e s révolutions
qu e
l e c u l t e d e l a l i b e r t é e t l’émulation du savoir e t des
vertus? .
L a l o i d u 11 floréal an X, 1 ° ’
mai
1802 , présentée
par Fourcroy,
ne
sacrifia
po i nt ces d é cl arati on s
d e
d r o i t
politique; mai s l a surveillance
exercée
par l ’ É t a t sur
toutes l e s
écoles
commença d e
paraître
avec
u n e
J
-
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16
LES
CRIMES
signification
qui, sans a l l e r jusqu’à
l a
c n m T R A u T r ’ : d e
Danton,
pouvait
devenir
l e
point
d e
départ
d ’ u ne
théorie d’État plus
prérnéditée
e t plus l o n g temps
formidable.
Bref,
c e t t e doctrine farouche
d e
l ’ E t a t
maître
d e
l ’ e n f a n t e t d u
père,
n ’ a v a i t f a i t ,
dans ces
d o u z e
ans
d e
ravage
e t
d e
d é l i r e , qu e
se montrer
comme vœu
i n s t i n c t i f
d e
l a
Révolution
française;
e l l e
n ’ a v a i t
pu
f a i r e irruption
dans l e s l oi s ; toutes l e s
usurpations
,
.
avaient é t é p o s s i b l e s , excepté c e l l e
qui
f a i s a i t violence
à l a nature d e l’homme , e t à c e t t e s a i n t e s oc i ét équ i
brave
tous
l e s
a t t e n t a t s
e t
toutes l e s f o l i e s ,
e t qu’on
appelle l a f a m i l l e .
V .
I c i
j e m’arrête
quelques
moments .
On
va dire
: Comment
l a
Révolution a v a i t - e l l e
d o n c
espoir d e mettre l a
m a i n sur
l e s
générations,
si e l l e
n e
l ’ o s a i t
tenter
par
un
crime
d’usurpation imité d es
l o i s d e Sparte,
ce type
immortel d e
tyrannie
d an s l a
République‘?
Je
répon d s :
L a Révolution française n ’ a v a i t
pu
s e d é g a g e r en
un moment d es c o u t u m e s e t d es
i n s t i n c t s d e
l a nation;
el l e-mê me en r e s t a i t
comme i m p r é g n é e , Elle courait
à
d es n o u v e a u t é s
m o n s t r u e u s e s , mais
qu i
n’étaient
pas
toujours définies; i l
y
a v a i t
du
v a g u e d an s ses
aspirations d e subversion
universelle; pour e l l e l e plus
f a c i l e
e t
l e
pl us pressé é t a i t d e t o u t abattre, comme
-
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DE
UÉDUCATION
FRANÇAISE. 17
ï
dans un accès
d e frénésie o ù
l e sens moral n’a plus
s on rayon
du c i e l .
Alors l’empire
révolutionnaire consista
dans u n cer
t a i n a r t d e fascination exercé
par
l a nouveauté
d es
mots
, n o n
par l a précision d es i d é e s .
On
f a i s a i t
d e l a
destruction u n e f ê t e , u n e pompe, u n e poésie, e t o n
put
se croi re maître d es générations , s i o n l e s exal
t a i t
par l’enthou s iasme
d es
f o l i e s
comme
d es
a t r o c i t é s .
C e f u t
l à
tout l e prosélytisme d es l o i s e t d es
actes
d e l a
R évolution
en matière d’éducation publique;
l a définition
doctrinale
d es d r o i t s d e l a famille é t a i t
inaperçue : pure
théorie l a i s s é e
au x philosophes; l a
gr a n de œ u v r e
é t a i t
d’entraîner l e s vastes
foules,
sans
savoir
o ù
o n courait
avec
e l l e s . ‘
I l
y
a v a i t
eu
d ès
l e
début,
d an s
l e s
assemblées
d e
l a
Révolution, u n comité c f i n s t r u c t i o n publ ique charg é
d e
diriger
e t d’exciter
ce t r a v a i l
d’enthousiasme : u n e
exaltation d e sycopbantes f u t tout l e prosélytisme.
On se
sent humilié
à suivre c e t t e l o n g u e
s é r i e
d’actes délibérés
par d es hommes'
d ont plusieurs
avaient é t é
formé s au x
gran des cultures morales, e t
qu i
t o u t à
c o u p
s ’ é t a i e n t j e t é s en dehors
d es
pensées
e t d es é tud es qu i avaient s e r v i d e
préparation
au
d é ve l oppement d e
leur e s p r i t .
Barère
f u t un
d e
ces
l e t t r é s
qu i
s’appliquèrent
à
s a i s i r l’imagination pu bl iqu e par l’enthousiasme
d es
utopies.
I l
proposa
u n
plan
tout à
f a i t
n e u f
d’éducation,
qu i
c o n s i s t a i t
à révolutionner la langue,
e t
l e
8
pluviôse
an I l
i l
l u t
à
l a
Convention un rapport
solennel
sur
l a
2
-
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27/97
18
LES CRIMES
n é c e s s i t é d’improviser c e t t e révolution véritablement
. i n o u ï e .
Quelques
passages
d e
ce
t r a v a i l
mettent
à
découvert
l’étonnant
besoin d’utopie qu i tourmentait
l e s
âmes perdues
dans
l e v i d e .
« Citoyens, d i s a i t
l’étrange
inventeur d’éducation,
l e s tyrans c o a l i s é s ont d i t :
L’ignorance
f u t
toujours
notre a u x i l i a i r e l a
pl u s pu i ss an te;
maintenons l ’ i g n o
rance, e l l e f a i t les fanatiques, e l l e multipl ie les contre
révolutionnaires; f a i s o n s rétrograder l e s Français vers
l a barbarie, s er vo ns -n ou s d es peuples ma l i n s t r u i t s ,
o u d e ceux
qu i
parlent
un
i d i ô m e d i f f é r e n t d e
c e l u i
d e
Pinstruction publique.
« L e comité a entendu ce comp lot d e l’ignorance
e t du
despotisme.
«
Je
viens
appeler aujourd’hui
votre attention
sur
l a plus b e l l e l a n g ue degl’Europe, c e l l e
qui l a
première
a
consacré franchement l e s d r o i t s d e
l’homme
e t d u
citoyen, c e l l e
qui e s t
chargée d e
transmettre au monde
l e s plus s ubl imes pens ées
d e
l a l i b e r t é e t l e s plus
grandes
spéculations
d e l a p o l i t i q u e .
.
« L o n g t e m p s e l l e f u t esclave; e l l e flatta l e s r o i s ,
corrompit
l e s
cours
e t
a s s e r v i t
l e s
peuples;
lon gtemps
e l l e f u t
d é shon or ée
dans l e s écoles, e t
m e n s o n g è r e
dans l e s l i v r e s d e l’éducation publique, astucieuse
d an s
l e s
tribunaux, fanatique d an s
l e s templ es , bar
bare dans l e s d i p l ôme s,
amollie
par l e s
poëles,
cor
ruptrice sur l e s t h é â t r e s ; e l l e semblait attendre o u
plutôt désirer u n e
plus b e l l e destinée.
« Épur ée enfin, e t adoucie
par
quelques auteurs
dramatiques, ennoblie
e t b r i l l a n t e
d an s l e s discours
-
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28/97
DE L’ÉDUCATION
FRANÇAISE. 1 9
d e qu el qu es
orateurs,
e l l e
venait
d e
reprend re d e
l’énergie, d e l a raison, d e l a l i b e r t é sous l a p l u m e d e
quelques philosophes qu e l a persécution a v a i t
honorés
avant l a Révolution d e 1789 .
t : Mais e l l e
p a r a i s s a i t
encore n’appartenir qu’à cer
t a i n e s c l a s s e s
d e
l a
s o c i é t é ;
e l l e
a v a i t p r i s l a t e i n t e
d e s distinctions nobiliaires, e t l e
courtisan,
non c o n
t e n t
d ’ ê t r e
distingué
par
s e s v i c e s e t s e s
dépravations,
cherchait
encore
à
s e distinguer
dans
l e même pays
par un autre langage. On eût d i t q u ’ i l y a v a i t plu
sieurs nations d a n s une seule.
«
Cela
devait
ê t r e
dans u n g o u v e r neme nt monar
chique, où l ’ o n f a i s a i t s e s preuves pour entrer dans u n e
ma i s o n
d’éducation
,
dans
u n
pays
o ù
i l
f a l l a i t
un
cer
t a i n
r ama ge p o u r
ê t r e
d e ce qu e l ’ u n appelait l a bonne
compagnie, e t où
i l f a l l a i t s i f f l e r
l a
l a n g u e
d ’ u n e
ma
n i è r e
p a r t i c u l i è r e
pour ê t r e u n homme
comme
i l f a u t .
»
Te l é t a i t l e d é but d u rapport
d e Barère
sur l a
nécessité
d e
r év o l u t i o n n er
cette l a n g u e
sifilée,
d i s a i t - i l ,
par l a bo nn e c ompag ni e, e t
qu i
attendait u n e
pl u s
b e l l e
d e s t i n é e .
L e plan, après
ce
bruit d e
paroles,
s e r é d u i s a i t
à
a b o l i r
par l a l o i t o u s l e s
idiômes
p o p u l a i r e s .
a
Parmi
les
i d i ô m e s anc i en s ,
disait
l e
r a v a g e u r
en
sa pompeuse naïveté, parmi l e s i d i ôme s anciens,
Welches, gascons, celtiques,
visigoths,
phoc éen s o u
orientaux,
qui forment
quelques
nuances
dans l e s
c ommun i cat i on s
d es
divers
citoyens
e t
d es
pays
f o r
mant
l e t e r r i t o i r e d e l a R ép ublique, n o u s
avons
observé ( e t l e s rapports
d es
représentants s e ré u
2.
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
29/97
20
LES
CRIMES
nissent
sur
ce
point
avec
ce ux
d es
divers
agents
envoyés dans l e s départements)
qu e l’idiôme
appelé
bas
breton, l’idiôme basque, l e s langues al leman de
e t i t a l i e n n e , ont perpé-tué l e règne d u fanatisme e t d e
l a superstition, assuré l a
domination
d es
prêtres,
d es
nobles e t d es
praticiens,
empêché l a
Révolution d e
pénétrer dans neufdépartements importants, e t
peuvent
favoriser
l e s
en n em i s
d e
l a
France.
»
R évolutionner la langue,
c ’ é t a i t
d o n c abolir l e s
langues locales qu e
parlaient
l e s
peuples divers
:
un
a r t i c l e d e l o i devait s u f f i r e à ce s o u da in cha n ge me nt
du langage
d e tous l e s
f o y e r s .
«
Je
commence
par
l e
bas bre to n, d i s a i t Barère; i l
e s t
parlé
exc l u si vemen t d a ns l a presque t o t a l i t é d es
départements d u Morbihan, d u Finistère, d es
Côtes
du-Nord, d ’ I l l e - e t - V i l a i n e , e t
dans u n e g ran de partie
d e l a Loire-Inférieure. L à l’ignorance perpétue l e
j o u g i m p o s é par l e s prêtres
e t
l e s
n o b l e s . ;
l à l e s
citoyens naissent
e t
me ur e nt dans
l ’ e r r e u r .
I l s ignorent
s ’ i l e x i s t e encore
d es
l o i s nouvelles.
«
L es
habitants
d es
c ampa g n e s
n’entendent
qu e
l e
bas breton; c ’ e s t avec c e t
i n s trument barbare
d e leurs
pensées superstitieuses qu e l e s prêtres e t
l e s i n t r i
gants l e s
tiennent
sous leur empire, dirigent leurs
consciences
e t empêchent l e s citoyens d e connaître l e s
l o i s e t d’aimer l a R épublique. V o s travaux leur sont
inconnus , vos e f f o r t s pour leur affranchissement sont
ignores.
«
Ué d u c at i o n publique
ne peut
s ’ y
é t a b l i r ; l a
régénération y
e s t impossible. »
\
-
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30/97
DE UEDUCATION FRANÇAISE. ‘ i l
C ’ é ta i t
tout
d i r e
en
un mot
: t t
Je
commence
par
l e
bas bretonl »
comme s ’ i l
eût d i t
:
Je
commence
par
l a
l ang ue d e
l a
servitude par excellence;
c ’ é t a i t l a
première
q u ’ i l
f a l l a i t
abolir;
e t
avec
l e
bas breton
Barère a b o l i s s a i t
à
l a f o i s l e basque,
c e t t e
l a n g u e
originale
e t mystérieuse, e t avec l e basque
enfin tous
l e s i d i ôme s locaux, langues dérivées qui sont comme
l a
phys ionomie
pittoresque
d e
chaque
région,
e t
s ou
vent disent
l e
secret
d es
origines communes
d u
peuple
entier.
L’idée é t a i t f o l l e ;
mais i l
f a u t v b i r
l’accent
d’inspiré
qu i s e mêlait à l’utopie; car c ’ e s t i c i l a révélation pre
m ière d u
g é n i e révolutionnaire
au
point
d e vu e d e
l’éducation publique.
«
I l
f a u t , d i s a i t Barère, populariser
l a
l an g u e; i l
f a u t détruire
c e t t e a r i s t o c r a t i e
d e
langage qu i
semble
é t a b l i r u n e n a t i o n ‘
policée
au
milieu d’une nation
barbare.
«
Nou s avons
révolutionné l e g o uvernement, l e s
lois, les u s a g e s , les mœurs, les coutumes, l e com
merce,
e t l a
pensée
même;
r é v o l u t i o n n o n s
aussi
l a
l ang ue, qu i
en
e s t
l’instrumentjournalier.
»
Et
plus l o i n :
«
L e
fédéralisme e t l a
superstition parlent
_ t o u s
breton; l’émigration e t
l a
haine d e
l a R épub l ique
parlent a l l e m a n d ;
l a
contre-révolution
parle l ’ i t a l i e n
e t l e
fanatisme
parle
basque
: cassons
ces
instruments
de
dommage
e t
d ’ e r r e u r .
»
Telle
é t a i t l ’ e x a l t a t i o n d u philosophe poële , car i l
é t a i t poële, ce ni vel eur d’idiômes; maislil o u b l i a i t ,
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
31/97
22’ LES CRIMES
o u
bien i l couvrait
d ’ un certain v o i l e s on premier
patois,
l e
béarn a i s, l e p l u s
doux
e t l e
p l u s
aristocra
tique
d e tous, c e l u i qu’avait parlé
Henri IV,
e t qu e
n e d é daignait
pas
l e Parlement d e Pa u d an s l a fami
l i a r i t é
d e s e s
audiences.
I l
y a v a i t , d i s - j e , dans ce langage
u n accent d e
dithyrambe, avec lequel o n étourdissait l ’ i n 1 a g i n a t i o n
d es
foules,
e t
a i n s i
l a
Révolution,
tout
entière
à
l ’ e n
thousiasme d es
ravagesfse
l a i s s a i t aisément
d i s t r a i r e
d e
ce qu i
é t a i t d o g m a t i q ue ;
pour
quelques rontiniers
d’école, l’instructionpublique é t a i t u n e question d e
doctrine;
p o u r
l e s f o u g u e u x e t p o u r
l e s
poëles,
e l l e
é t a i t u n e
f a n t a i s i e d e
nouveauté
e t
d e
nivellement.
Ch é n i e r, un
autre
lettré, mais s u p é r i e u r à
B a r è r e
par
l a
distinction
d e
l ’ e s p r i t ,
f u t
d e
c e ux
qu i
firent
d e
c e t t e
question d’instruction publique u n e fascina
t i o n
d u peuple en l’appliquant n o n
à d es
nouveautés
d e système, ma is à d es inventions d e f ê t e s t h é â t r a l e s ,
o ù
l ’ a r t s ’ e x e r ç a i t à
n ’ ê t r e qu e d e
l a p u é r i l i t é .
C ’ e s t
u n e
ét u de
curieuse
à f a i r e
qu e
c e l l e d es
f ê t e s
d e l a R évolution au point d e vu e d e l’éducation pu
blique.
«C itoyen s représentants, v i n t dire Chénier à l a
Convention,
l e
7
vendémiaire an I I I ,
quan d
l ’ i n s t r u c
t i o n
publique peut espérer
de
r e n a î t r e , i l
e s t i n s t a n t
d’ impr imer au x
f ê t e s
nationales
un caractère solennel;
c ’ e s t l à
votre
vœu, représentants, e t
votre
comité
d’instruction
p u b l i q u e
est animé
du
même
d é s i r ;
mai s chargé
par
vous
d e
f a i r e célébrer, l e 10 vend é
miaire, u n e f ê t e r e l a t i v e au x v i c t o i r e s rapides d e no s
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
32/97
DEUEDUCATION
FRANÇAISE.
23
arm é e s
e t
à
l ’ e n t i è r e
évacuation
d u
t e r r i t o i r e
répu
blicain ,
i l
d o i t v o u s rendre un compte fid èl e d es en
traves q u ’ i l
rencontre
d an s sa marche.....
« Au
milieu
d e
t a n t
d e prodiges, i l
a
vu
d es
a r t s
paralysés, d es
t a l e n t s
rebutés
par un long
d é d a i n,
nuls monuments durables e t f o r t s comme l a l i b e r t é ,
mais
d es m a t é r i a u x
sans cohérence,des e squ i ss es s an s
dignité
,
d es
inscriptions
o ù
l a
raison
e t l a
l a n g ue
fran
çaise sont é ga lement
d é g ra d ées,
un despotisme capri
cieux e t
puéril
enchaînant
l a
pensée d es a r t i s t e s ;
d es plans
bizarres sans
o r i g i n a l i t é , d u rs
sans
énergie ,
fastueux sans
véritable
richesse, mon ot one s sans
unité; d es f ê t e s , en un
mot,
colossales
d an s
leur o b j e t ,
p e t i t e s d an s leur exécution, e t n ’ o f f r a n t d’imposant
qu e
l a
présence
d u
peuple
souverain. »
I c i Chénier accusait « l e s sectateurs du nouvel
Omar, qu i ont t o u t c omb i n é, d i s a i t - i l , pour anéantir
l ’ i n s t r u c t i o n publique en France
u,
e t
i l
concluait
s on
rapport en d e m a n d a n t l’ajournement d e l a f ê t e
au 30 vendémiaire,
afin qu e
l e
comité
eût l e
temps
d e
f a i r e
«
u n
t r a v a i l
p l u s
c o n s i d é r a b l e
e t
mûri
par
d es études
préliminaires
e t profondes. »
L a - Convention
vota
l e décret ‘ .
Quinze jours après Chénier rendait compte d u t r a
v a i l d e
l a
c omm i s s i o n
d’instruction
publique. «
Une
c o m m i s s i o n sage,
d i s a i t - i l ,
éclairée, laborieuse, am i e
d e
l a philosophie
e t par
conséquent d es hommes,
puisque
l a
philosophie
l e s
rend
meilleurs,
a
remplacé
1 Moniteur d u 8 V e n d é m i a i r e
an
I I I .
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
33/97
2 1 4 LES CRIMES
c e t t e
c o m m i s s i o n
imbécile,
qu i sous
l e
j o u g
sanglant
d e
Robespierre, organisait avec t a n t
d e
soin l ’ i g n o
rance e t l a b a r b a r i e . . . . .
«Tandis
que
l e comité d ’ i n s t r u c t i o n , a j o u t a i t - i l ,
marchant avec
vous_et
fort de votre volonté
, rappelle
autou r d e l a représentation nationale tous l e s
a r t s ,
toutes
l e s sciences,
toutes
l e s
f a c u l t é s i n t e l l e c t u e l l e s ,
tandis
q u ’ i l
s’occupe
sans
relâche
d e
d o n n er
au x
hommes
‘ e t
a u x instituteurs
leurs proport i o ns natu
r e l l e s (leurs PROPORTIONS l ) e t l a l i b e r t é qu i leur man
que, déjà
l e s f ê t e s publiques, plus sagement
d i r i g é e s ,
moins chargées d’oripeaux c i v i q u e s e t de
g u e n i l l e s
à
prétention, é c ha pp an t a u despotisme
d es imaginations
bizarrement
s t é r i l e s
e t d u caprice en d é l i r e ,
com
m e n c e n t
à
porter,
j e
ne
crains
pas
d e
l e
dire,
u n
caractère
conforme
au g é n i e d u
peuple, un caractère
à
l a
f o i s simple e t grand.
» 7
Et comment
enfin
a l l a i t se révéler ce caractère
simple e t
grand
d es
f ê t e s
publiques,
sons l ’ i n s p i r a t i o n
d e
c e t t e
c o m m i s s i o n
« amie
d e
l a philosophie,
par
c on s équent
d es
hommes, puisque l a philosophie l e s
rend meilleurs »
On a l l a i t l’apprendre par
un
troisième
rapport
d u
même
Ch énier,
au
nom
du
même c o m i t é d’instruction
publique, «
sur
l e s moyens d e remplacer l e s céré
m o n i e s religieuses‘.
» C ’ é t a i t i c i l a manifestation d u
g é n i e révolutionnaire, d é g a g é d e toute thé orie légale
s u r
l a
l i b e r t é
d e
l’éducation.
Ï S é ance d u i nivôse an
I I I .
t
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
34/97
ne
L’ÉDUCATION
raauçaisn‘.
2 5
«
La
l i b e r t é
c on qu i se par
l a
puissante
énergie
du
peuple,
d i s a i t Chénier, n e s ’ a f l e r m i t
qu e
par d es l o i s
sages
, ne
s ’ é t e r n i s e
qu e par l e s
m œ u r s . Tou s
l e s p r é - _
jugés tendent à l a d é t r u i r e , e t l e s p l u s redoutables
sont
ceux qui,
fond és s ur d es idées mystiques,
s’em
parent d e I’imagination
sans
d o nn er au cu ne prise
à
l ’ i n t e l l i g e n c e humaine. Ainsi, sur l e s d e u x c o n t i
nents,
les
nations
se
sont
é g o r g é e s
pour
d es
rel i g i o ns
r i v a l e s , mai s é ga lement ennem ies
d es
nations, e t l e
sa n g d es hommes a coulé pour d es opinions
qu e
l e s
hommes n e comprenaient p a s . C ’ e s t avec u n e raison
active e t pratique,
c ’ e s t avec d es
i n s t i t u t i o n s t u t é
l a i r e s d e l a l i b e r t é , q u ’ i l
f a u t
attaquer
d es
i n s t i t u t i o n s
tyranniques
e t
a n t i s o c i a l e s . L a philosophie
n e
com
mande
pas d e croire;
l e s
d o g m e s ,
l e s
mystères,
l e s
miracles l u i s on t é tran ge rs ; e l l e s u i t l a nature, e t
n’a
pas
l a f o l l e prétention
d e changer ses
l o i s i m m ua b l e s,
d’interrompre
s on
cours
é t e r n e l . Aussitôt qu e l’im
posture d o m i n e , e l l e étend s on
jou g
d e f e r sur l e s
consciences; mais l a v é r i t é n e d o i t pas avoir s e s
inquisiteurs
comme
l’imposture.
Quand
l e
fanati sme
persécuté, i l avance sa perte; quan d i l e s t
persécuté
par
un
fanatisme contraire,
i l
s e prépare
à
d es
triom
phes, e t dans l e s matières religieuses, dans l e s ma
t i è r e s politiques même, l’édifice d e l’erreurn’a jamais
été cimenté
qu e
par
l e
sang d es
martyrs.
_ « C ’ e s t d’après ces réflexions préliminaires, qu i
peut-être
auraient
d u
g u i der
c on s t amme nt
l e s
l é g i s
lateurs, e t d ont l’examen sérieux importe plus qu e
jamais
dans l e s circonstances a c t u e l l e s ,
qu e
votre
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
35/97
‘ Z 6 LES CRIMES
1
7
comité d
instruction
publique
vient
aujourd’hui par
mon
or gane
présenter à votre méditation quelques
idées
s ur l e s f ê t e s décadaires. »
Te l é t a i t
l e p r é amb u l e d u législateur
poëte;
i l
n’y
a v a i t
l a
qu e
d es
banalités,
écho d es d é c l ama ti o ns d u
s i è c l e à
peine
écou lé contre l e fanatisme,
sans l e
m o i n d r e indice d’ u n
plan
philosophique
sur
l a direc
t i o n
à
d o n n er
à
l a
pensée
nationale,
au
moyen
d e
l’éducation.
Ma i s
l’œuvre é t a i t
assez
féconde s i e l l e
s a i s i s s a i t
l e s imaginations
par
l a pompe d es f ê t e s
d e
l a
Répu
blique, e t
s i
e l l e e f f a ç a i t jusqu’au souvenir
d es
f ê t e s
d e l a superstition; aussi t o u t l e rapport porte l’em
preinte d ’ u n
e nt ho us i as me d e
visionnaire, mai s rien
qui
s o i t
un
indice
d e
l é g i s l a t i o n
p r ém é d i t é e
sur
l ’ o r
g a n i s a t i o n des études
humaines.
«
Tout
pouvoir fondé
sur l a violence
d o i t
p é r i r ,
d i s a i t
Chénier à
l a
fin
d e s on
rapport;
l a rai son s eu le
e s t éternelle; l’opinion publique peut suivre quelque
f o i s
u n e
direction dangereuse, a l o r s un g o u v e r neme nt
habile
lève
d es
philosophes,
e t non d es
armées.
Quand
l’opinion e s t foulée au x pieds, i l
y a
oppres-
sion,
e t quand i l y a oppression, l a force ins urg é
en
plein jour, l a f a i b l e s s e assassine pendant l a nuit, l e s
crimes
appellent l e s
crimes
, e t n e l e s
appellentjamais
en v a i n .
S i l a tyrannie f a i t l a Saint-Barthélemy e t l a
guerre
d es Camisar ds,
l a
ven geance
f a i t
l e s
Vêpres.
siciliennes
e t
les massacres
d’Irlande. i
« Certes
d es
législateurs ne doivent. jamais perdre
d e vu e qu e
l e sceptre e t l a t i a r e sont
unis
par
u n e
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
36/97
.
DE
UÉDUCATION
FRANÇAISE.
27
chaîne
qu i
pèse
sur
l e s
peu pl es . C ertes
l e s
r o i s
e t
l e s
prêtres ont toujours é t é d es
a l l i é s
naturels;
e t l a
Con
vention
nationale
a besoin
d e toute s on énergie p o u r
anéantir l e s s c é l é r a t s qui voudraient f a i r e d e l ’ a u t e l l e
piédestal d e
leur
statue, o u l a première
marche
d e
leur trône; ma is s i
l ’ u n
n e veut perdre l a chose pu
b l i u e i l f a u t
bien
s e arder
d’écouter
encore
ces
l a
d éclamateurs
é n e r g u m è n e s ,
qu i
d a n s .
leurs
d é b a u
ches d ’athé i sme renant l ’ i v r e s s e o u r d e
l’euthou
P P
siasme
voudraient é arer l a raison d u eu
l e
d an s
g P
P
l e chaos d e l eurs abstracti ons d é l i r a n t e s , e t trop
pe u
politiques pour savoir attendre, trop pe u penseurs
pour savoir douter, dénonceraient F é n e l o n e t
L as
Casas comme d es pers écu teurs fanatiques,
Jean
Jacques
R o u s s ea u
comme
u n
dévot,
Voltaire
comme
un homme
à préjugés,
Bayle e t Montai g ne,
ces
scep
tiques célèbres, comme d es m o d é r é s en philosophie.»
C’était là
toujours, on
l e voit, de la d é c l a m a t i o n ,
e t qu i v i s a i t à rattacher l a l i b e r t é révolutionnaire à
l’œuvre
d es
sceptiques d u
dix-huitième
s i è c l e
qui
en
avaient é t é l e s i n i t i a t e u r s , comme pour échapper à ce
rief de
fanatisme,
ui
avait
été
toute
l ’ i n s iration et
3 ‘ I
P
t o u t e
l a
raison d e
leurs i m
i é t é s l
-
Bref, Chénier, au nom d e l ’ i n s t r u c t i o n publique,
proposait à l a
Convention
un projet
d e décret
d o nt l e
remier a r t i c l e o r t a i t : « Une f ê t e c i v i
u e
sera c é l é
P P ‘ I
brée
chaque
d écadi dans toutes l e s communes d e l a
République.
n
Suivaient
d es
prescriptions
sur
ces
solennités décadaires, comme p a r l a i t l e décret, l e s
quelles devaient
remplacer e t abolir à jamais l e s
f ê t e s
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
37/97
28 LES
CRIMES
d e
l a
r e l i g i o n .
L es
sexagénaires
d es
d e u x
sexes
avaient
u n e
place d ’honneur d an s
l a solennité;
l a journée
s ’ o u v r a i t
par
u n e instruction morale adressée au
peuple, c e t t e instruction devait
ê t r e c o n fi é e
à d es
pères d e famille;
e l l e é t a i t s u i v i e
d e
l a lecture d es
décrets
envoyés
par
l a
C on ven ti o n d an s l e courant d e
l a d é c a d e ;
puis
venaient
d es
chants patriotiques, e t
enfin
d es
danses
e t
«
autres
exercices
adaptés
au x
mœurs républicaines » . Un a r t i c l e
p o r t a i t
qu e « l e
comité
d’instruction
publique
é t a i t
autorisé à
em
ployer l e s gens
d e
l e t t r e s
e t
l e s a r t i s t e s l e s plus d i s
tingu és par leurs
t a l e n t s e t par leur civisme,
afin
d’accélérer l a composition d ’ un
cours . d ’ i n s t r u c t i o n s
morales e t d ’ u n recueil
d e
chants patriotiques » pour
l a
mise
en
p r a t i q u e
d u
d é c r e t ; l e
c o u r s de danses
patriotiques é t a i t
o u b l i é .
Je n’imag ine
pas
qu e l a b ê t i s e
humaine
s e f û t en
a u c u n temps prise assez au sérieux pour formuler en
dispositions d e
l o i s d es
f a n t a i s i e s d e c e t t e
s o r t e
en
matière d’éducation; e t c ’ e s t u n
poële, ayant eu
son
heu re d e
renommée,
qui
propo sa it c e
moyen
roma
nesque d e chasser l e fanatisme e t l a superstition
L’enthousiasme,
dan s
l a Révolution, n e
f u t
tour
à
tour qu e d u d é l i r e e t d e l a p u é r i l i t é .
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
38/97
DE L’EDUCA’I‘ION
FRANÇAISE.
29
VI.
Disons qu e
l a
Convention
ju gea intempestif l e
plan
d u
poë le; son
d é c r e t f u t ajourné; mais l a décade n ’ e u t
pas
moins ses fêtes bo uf f o nne s; l a C o n v e n t i o n , .
deux
ans
p l u s tard, les f a i s a i t entrer
comme
partie inté
grante
d e l’éducation publique dans c e t t e l o i
qu’avait
présentée Daunou avec u n a r t s i n o u vea u d e modé
r a t i o n e t de s t y l e .
A
‘
Cette
l o i organisait l ’ i n s t r u c t i o n publique
d an s
son
vaste
en semb le
d’études, d’écoles e t , d ’ i n s t i t u t i o n s
savantes : l e s écoles
primaires,
l e s
écoles centrales
,
les écoles
spéciales
,
l ’ I n s t i t u t
national
d es
sciences
e t
d es arts, les encouragements, récompenses e t
hon
neurs publics, e t enfin l e s f ê t e s nationales; c ’ é t a i t
comme
un
vaste
réseau
o ù devait
ê t r e
embrassée l ’ i n
t e l l i g e n c e d u peuple e n t i e r .
Et c ’ e s t a l o r s qu e f u t repris l e plan d e Ché ni er sur
l a
nécessité d e rempl acer
l e
spectacle
populaire d es
so lenn it és
de
l a
rel i g i o n
par d es
fêtes
civiques,
-
civiques é t a i t un terme nouveau, e t
par
ma lhe ur i l e s t
r e s t é d an s l a lan g u e _ t comme ces
f ê t e s
entraient
dans
l e système
d ’ é d u c a t i o n p u b l i q u e ‘ , qu i d e v a i t
renouveler l e peuple, i l me f a u t d i r e l e t e x t e de l a
l o i qu i
en
p r e s c r i v a i t ’
l a célébration
comme u n s a i n t
devoir
: l a p o s t é r i t é aura peine
à croire
qu’une nation
sérieuse, après avoir é t é
façonnée
à tous l e s a r t s
d e
l ’ e s p r i t par l e s cultures l e s plus
savantes,
a i t pu
d é l a i s
-
8/16/2019 Les Crimes de l Éducation Française, par Pierre-Sébastien Laurentie
39/97
30 LES CRIMES
ser
l e s
choses
graves e t s a i n t e s d e
l’éducation pour
s’exercer, en
d es
solennités ridicules, à l ’ o u b l i d es
f ê t e s
chrétiennes
qui
avaient pendant quinze
s i è c l e s
bercé
s on
imagination e t charmé sa f o i .
Voici d o n c l e t i t r e V I
d e
l a l o i d’instruction publique :
rËTns NATIONALES.
A r t .
1 ° ’ .
D an s
chaque
canton
d e
l a
R épub l ique
i l
sera célébré chaque
a n n é e
sept f ê t e s
nationales
,
savoir :
Celle
d e l a
fondation
d e l a R é p ub l i q ue , l e 1 " ven
démiaire;
Celle d e
l a
Jeunesse,
l e
10
germinal;
C e l l e
d es Époux,
l e 1 0 floréal;
Celle d e l a Reconnaissance, l e
10
p r a i r i a l ;
C e l l e d e l’Agriculture,
l e
l _ ( ) mes s i d or;
Celle d es
Vieillards,
l e 10 fructidor.
A r t . 2 . L a célébration
d es f ê t e s
nationales d e canton
consiste :
En chants patriotiques;
En
discours
sur
l a
mora le
du
citoyen;
En
banquets
f r a t e r n e l s ;
En divers jeux propres à
chaque l o c a l i t é ;
Et dans l a
d i s t r i b u t i o n
d es
récompenses.
A r t . 3 . L’ or donnance
d es
f ê t e s nationales, en chaque
canton, est arrêtée e t annoncée
par
les autorités
municipales.
C ’ é t a i t l à , d i s - j e , l ’ a r t i fi c e principal d u g é n i e d e l a
R é v o l u t i o n
pour
l a s é d u c t i o n du peuple.
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32
LES CRIMES
de c o n q u ê t e pour leurs utopies, e t tous,
sans
excep
tion,
e urent
l’ambition
d e
faire
servir
leurs
d e s s e in s
à
l ’ é t a b l i s s e m e n t d’une éducation nationale, comme
s i l’ éducation qu i avait formé les g é n é r a t i o n s fran
çaises depuis Cha r le ma g ne a v a i t é t é
n o n
pas
natio
nale, ma is étrangère e t barbare
V l l .
‘
F
Un écrivain qu e j e nomme avec respect, mais dont
l a f r i v o l i t é contemporaine n’a pas ouï
l e
nom, Fabry,
a f a i t avant moi cette remarque.
Fabry
fut, d è s
1814-, l e p l u s
l a b o r i e u x col lecteur
d e d o c ume nt s sur l a R évolution française, p a r t i c u l i è
rement sur l ’ h i s t o i r e d e l ’ U n i v e r s i t é . L e t i t r e
d e
s e s
J l l é n t o i r e s ‘ f e r a i t croire à un
p a r t i
p r i s
d’accusation
e t d e colère; mais
l e l i v r e
e s t t o u t
bourré
d e pièces,
d’actes o f f i c i e l s ,
d’opinions,
d e
rapports, d e
l o i s
e t d e
décrets,
e t i l marche parallèlement
à
c e t t e autre
com
p i l a t i o n
d e pi è ces ad mi ni strati ves, v a s t e arsenal d e
l é g i s l a t i o n
o ù
s ’ é t a l e
à
p l a i s i r
l e
g é nie
inspirateur
d e
tous les po uvo irs d epu i s 1789, relativement à l ’ é d u
cation publique ‘ i .
1 Mémoires
p o ur
servir
à
l ’ h i s t o i r e d e
l’éducation
publique depuis
1789 jusqu’à
no s jours, o u l e g é n i e
d e
l a
R é vo l u ti o n c o ns i d é ré d a n s
l ’ é d u c a t i o n , où l ’ o n v o i t l e s e f f or t s d e l a l é g i s l a t i o n e t d e l a philosophie
d u dix-hu itième s i è c l e p o u r anéantir
l e
christianisme; par M. F ssur .
3
gros
v o l Î
in-8°.
1821.
2 Recueil d e
l o i s
e t
règlement: concernant
l ’ i n s t r u c t i o n publique
depuis
l ’ é d i t d e Henri
l V
en 1598 j u s q u ’ à
cejour.
-hez
Brunot-Labbe.
À
-
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DE
UÉDUCATION FRANÇAISE. 33
I l
n’y
a
d o n c
point
d e
contradiction
possible
sur
l e s
actes avérés qui ont
perverti l ’é d u cati o n f ran çai se;
tout au plus
Fabry, qu i
l e s r e c u e i l l e , a parfois
d es
i r o
nies
o ù
s e montre encore
plus
l’amour
d e
l a v é r i t é
qu e l e
goût d es
persifflages.
A i n s i , à l’occasion d e c e t t e désignation d’éducation
nationale qu’avaient a f f e c t é e tous
l e s
pouvoirs,
Fabry
passe
en
revue
l e s
plans
e t
l e s
e s s a i s
d es
inventeurs
,
e t ce tableau n ’ a v a i t pas besoi n d ’ u n gr a n d a r t d e
malice pour
ê t r e
i n s t r u c t i f .
«
M .
de Ta l le yrand, d i t - i l ,
o f f r a i t
à l ’A s s e m b l é e
constituante u n plan d’éducation nationale; Con d orcet
présenta
à l’Assemblée l é g i s l a t i v e u n pl an d ’é d u ca ti o n
n a t i o n a l e .
«
L e p e l l e t i e r
et
Roberspierre
( i l
écr it
a i n s i
ce
nom
d’enfer) présentèrent
à
l a Convention un plan
d ’ é d u
cation nationale
et
v r a i me n t
nationale,
car i l s vou
l a i e n t é l ever to us l e s enfants e t
toutes
l e s fi l l e s d e l a
nation au x d é pen s d e l a nation, e t dans d es m a i s o n s
appartenant
à
l a n a t i o n . Je n e sais s ’ i l
y eut
jamais
d’idée plus nationale; j e ne trouve rien qui e n a pp ro c he
autant
qu e
l ’ U n i v e r s i t é
impériale; ma is avant d’en
venir à ce vaste plan, L ak an al pr opo s a s on plan d ’ é d u
cation
nationale;
Dupuis proposa s e s vues s ur un plan
d ’ é d u c a t i o n
nationale;
Daunou propo sa,
e t l a
Conven
t i o n
décréta
son
plan d’éducation nationale; R o g e r
Martin proposa son plan
d’éducation nationale;
Lumi
nais
proposa
son
pl an d ’é d uc ati on
n a t i o n a l e .
I l
y
eut
encore bien d’autres plans d’éducation nationale pro
posés sous
l a
Convention e t
l e Directoire. Après l a
3
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on L’ÉDUCATION FRANÇAISE. a s
négations,
d e
renonciations, e t
l e
plan
l e
plus na
t i o n a l
e s t
c e l u i
où
l a
nation
s e
renie
l e
plus
e l l e
même l .
»
Telle
é t a i t d o n c l a
vu e
principale
d e
tous l e s inven
teurs d e l o i s sur l’éducation; i l s voulaient l’éducation
nationale; ces mots n ’ é n o n ç a i e n t
rien
d e défini; mais
l e
v a g u e é t a i t
u n e
s o r t e
d e
fascination;
l’imagination
voyait apparaître u n monde n o u v e a u ; l a
nouveauté
d e l a l an g u e
s e r v a i t
au x i l l u s i o n s d e l’enthousiasme ,
e t
parce qu e
tout semblait
devenir
national,
o n crut
qu e l a nation e n t r a i t
pour
l a première f o i s dans
l a v i e .
C ’ e s t a i n s i
qu e notamment
dans l e s choses d e l’édu
c a t i o n ,
l e s l é g i s l a t e u r s se sentirent dispensés
d e
formu
l e r
d es
doctrines;
i l s
avaient
détruit
e t
saccagé
l e s
uni
versités; i l s avaient chassé e t é g o r g é l e s savants, l e s
l e t t r é s , l e s
religieux,
qui
é c l a i r a i e n t e t gouvernaient
l e s générations; i l s s e c ru ren t aprè s cela assez ma î
t r e s d e l’éducation publique. La p u é r i l i t é m é taphy
sique d e l’enseignement dans l e s écoles, l a p u é r i l i t é
fastueuse
d es
f ê t e s
dans
l a
place publique, f u t
l e
gr a n d
artifice
d e
leur
d om inati on ;
e t
c ’ e s t
pourquoi
l a
formule farouche d e Danton
e t d e
Robespierre
g l i s s a
sur
l’imagination
d es
l é g i s l a t e u r s , e t aussi
pourquoi i l s ne
songèrent ni àapprofondir
ni à
d éfinir
l e s
réserves
d e l i b e r t é é n on c ées dans l e s projets d e
Lakanal e t
d e
Daunou
:
étourdir l e s
foules
f u t
tout
l ’ a r t d e l e s a s s e r v i r .
1 Tome l l l , pag. 283 e t s u i v .
s‘
3.
-
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36 LES CRIMES
’
VIII
Pourtant
i l
v i n t un moment où l ’ e s p r i t public, f a t i
gué de ces artifices, se laissa a l l e r , s o u s la main d e
conducteurs
m o i n s
épris
d e
rêverie, à
l a recherche
d e
formules
précises
d’organisation;
e t
c ’ e s t
a l o r s
qu e
commencèrent
à
reparaître, sinon l e s théories d an
toniennes d e
l ’ É t a t
maî tre d es pères comme d es
en
f a n t s ,
au
m o i n s d es plans d e discipline souveraine sur
l’éducation e t
s ur
l’enseignement d e
tout
l e peuple.
I c i
d o n c
j e s u i s
ramené
au x plans techniques
qu i
vinrent d ès l e s premiers jours du s i è c l e n o u vea u
mettre
fin
au x
fictions
d’éducation
publique
qu i
d an s
l e cours d e l a R évolution n’avaient é t é qu’une
succes
sion
d’emphatiques
r ê v e r i e s .
C e
n ’ e s t pas
l e l i e u d e reprendre l’ordre
d es
e s s a i s
d ’ i n s t i t u t i o n ,
t e l s
q u ’ i l s furent
é n o n c é s par Bou la y
e t
par
Chaptal en
l ’ a n IX,
e t puis formulés en l ’ a n X
(1802) par l a l o i de Fourcroy.
Arrivons
d r o i t
à
l a
création
d e
l’Université
impé
r i a l e parla l o i de 1806,
e t
par l e d é c r e t d e 1808.
Cette f o i s , l ’ e s p r i t d’organisation ,
déjà
révélé
dans
l e r en ou v el l e me nt d e toutes l e s parties d e l a l é g i s l a
t i o n ,
par
u n e
préméditation d’unité,
où s’absorbait l a
v i e
entière
d e l a France, c e t e s p r i t d’organisation
savante e t
universelle put s e
s e n t i r
à
l ’ a i s e en regard
du vaste d é s o r d r e où les fantaisies d es
niveleurs ,
e t
l e s
conceptions
d es
sceptiques,
e t l e s
rêveries
d es
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DE
UÉDUCATION
FRANÇAISE. 37
poëtes,
avaient
mi s
l’éducation
publique.
L e
g é nie
d e
Bonaparte n e supportait ni l’anarchie
d es
u n s, ni
l ’ u t o p i e d es autres; tou t l ’ord re
é t a i t
pour l u i l ’ u n i t é
d e
l a domination.
Et
d’autre
p a r t
l a France,
déshabi
tuée
d e s e s
vieux usages d e l i b e r t é
dans l e s
choses d e
l ’ é d u c at io n
comme
d a n s tout
l e
reste,
s’accommodait
volontiers d e ce qui l u i promettait un retour d e d i s
cipline
e t
un
renouvellement
d es
t r a d i t i o n s
d e
ré g ula
r i t é n o n
encore
tout
à
f a i t perdues.
J ’ a i vu ce temps;
j ’ é t a i s écolier
d e rhétorique d an s
un
collége o ù
quelques prêtres admirables, échappés
au x proscriptions, s ’ é t a i e n t g r o u p é s comme u n e f a
mille d e maîtres pour f a i r e
revivre
l e s vieux
exemples
d’éducation
à l a s u i t e d es e s s a i s
d’instruction
m éta
physique
c o n fi é s à
l’improvisation
étourdie
d es
écoles
c e n t r a l e s . L ’ â m e
d e
ces d o u x
maîtres
s’épanouit
d’es
pérance
à ce nom
d ’ u n i v e r s i t e ’ ,
qu i
semblait ann oncer
l a
renaissance
d es bonnes
études.
On
s a i t
qu e Napoléon, d e ven u empereur, a v a i t mi s
a u s s i t ô t u n e application
singulière à
rechercher l e s
souvenirs d e l a s o c i é t é ancienne comme u n e s é d u c
t i o n
p o u r
l a société nouvelle;
i l semblait
ne vouloir
garder
dela Révolution qu e l a puissance dérivée d e
s e s
dogmes
comme d e ses actes,
e t
cela même n ’ é t a i t
pas u n s u j e t d ’ e f f r o i , d ès qu’on imaginait qu e c e t t e
force
i nu si té e d evai t
s e r v i r
à
l a réparation d es ruines
d e l a France.
C ’ e s t
a i n s i
que
l e s ‘ a c t e s
de
1806
e t
de
1808
t r o u
vèrent u n s i f a c i l e accueil auprès des gardiens
fidèles
d es
bonnes
méthodes d’éducation.
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38 LES
CRIMES
Tout
d’ailleurs
tendait
en
France
à
un
mouvement
d e
renaissance
d ont
Chateaubriand ,
par
son Génie du
Chr i s t ia n i s me,
avai t é té l e
brillant initiateur.
Nu l n’échappa
à ce puissant t r a v a i l d’opinion;
i l
devait s e f a i r e s e n t i r dans
l e
renouvellement d es l o i s
s u r l ’ é d u c a t i o n .
Aussi l’exposé d es motifs d e l a l o i présentée au
Corps
l é g i s l a t i f
l e
6
ma i
1806
‘
s’appliqua à
apaiser
à c e t é g ar d l e s scrupules
subsistants d e
l a conscience
chrétienne
e t
d e l a raison publique ,
tout en
combat
t a n t l a contradiction d e ceu x qu’on appelait ennemis
personnels, parce
qu e leur
conscience h é s i t a i t encore.
« L es lycées, disaient l e s auteurs d u rapport, sont
principalement
en
butte à leur haine e t à leurs c a l o m
n i e s .
Quand
i l s
ne peuvent
pas
l e s
attaquer
sous
l e
rapport d e l ’ i n s t r u c t i o n , - i l s s e r e j e t t e n t sur l a
religion
e t l e s mœurs.
«
A
les en croire, ces deux
bases
f on d ame nt al e s d e
l’éducation d e l a jeunesse
sont
c omptées
pour
r i e n
d a n s
l e s
écoles nouvelles.
Tou s l e s
reproches qu’on
peut
f a i r e dans
ce g enre au x i n s t i t u t i o n s révolution
naires, qu i sacrifièrent plus o u m o i n s au d é l i r e d u
moment,
i l s
l e s a c c um u l e n t p o