Esthétiquement, ces amplis portent bienla griffe du fameux constructeur helvé-tique. Tours étroites coiffées par une

paire de 845, grosses triodes capables dedébiter 50 watts ( push-pull en pure classe A)avec une distorsion très faible malgrél’absence de contre-réaction globale, cesblocs mono comportent en façade un « LoadMatch Meter » qui ressemble comme deuxgouttes d’eau aux vumètres typiques desenregistreurs Nagra. Cet instrument indiquela puissance débitée, la tension de polarisa-tion des tubes de sortie et la bonne adéqua-tion avec l’impédance des enceintes. Lefaible encombrement de ces appareils au solpermet de les placer très près des enceintes,ce qui est avantageux (on évite les longscâbles, et ainsi la dégradation du coefficient

d’amortissement). Pièce maîtresse deces amplis qui n’utilisent que desétages à tubes ( 2 x ECC83 - entrée +différentiel -, 1 x E 182 CC – driver-), letransformateur de sortie, un modèletoroïdal de très haute qualité (enroule-ment multibrin à spires non jointives

pour abaisser au maximum lescapacités parasites), est bobiné à lamain chez Nagra. Les tubes de sor-tie sont sous tension durant 24heures avant d’être testées, sélec-tionnées et appairés. Pour le petittube d’entrée, la mise sous tensionest portée à 48 heures. Plus de 70 % des échantillons sont rejetés àl’issu de ces tests ! Le circuit de cesblocs mono étant totalement symé-trique, on aura tout intérêt à utiliserles entrées symétriques, à conditionque le préamplificateur lui-même soitpourvu de vraies sorties de mêmenature. Autre détail important,l’alimentation secteur intègre un

filtre. Comme souvent dans un tel cas,il est préférable, pour un bon fonctionnementdu filtre, d’utiliser un cordon et une prise rac-cordés à la terre (encore faut-il qu’elle soit dequalité…). Avec les triodes 845 qui deman-dent plus de 1000 volts de haute tension, les

questions de sécurité ne pouvaient êtrenégligées. Un circuit à relais disjoncte auto-matiquement l’alimentation non seulement siles lampes tombent en panne, mais encoresi le capot de l’appareil est enlevé. Sur leplan thermique, l’implantation des 845 (quichauffent copieusement), isolées sur le hautde la tour et à distance des autres compo-sants, est une excellent chose. La fiabilitégénérale doit y gagner.

UNE RESTITUTION D’UNE INTEGRITE INCOMPARABLENous avons écouté ces amplificateurs nonpas avec le préamplificateur Nagra PLL (trèsprécis, très rigoureux, très « professionnel »mais manquant dans son objectivité, d’unrien de chaleur), mais avec l’excellent EarYoshino 912, en liaisons symétriques.Magnifique mariage ! Raccorder lesenceintes aux Nagra VPA est plutôt amu-sant : le Load Match Meter indique claire-ment s’il faut les relier aux prises 4, 8 ou 16 ohms. Un test qui aurait d’ailleurs son uti-lité avec d’autres amplis à tubes dotés deplusieurs impédances de sortie, l’impédancenominale des enceintes n’étant pas toujourscelle qu’il convient de retenir. Notre point decomparaison était le remarquable ensembleà transistors, préampli avec alimentationséparée et ampli Karan KR 450, de deux fois450 watts en classe A ! L’ampli coûte 18.500 euros et se situe donc dans la mêmecatégorie de prix que les blocs Nagra. Il s’agitde deux écoutes très différentes. Les 450

L E S C O U P S D E C ΠU R

D E J E A N - M A R I E P I E L

FICHE TECHNIQUEOrigine : SuissePrix indicatif : 15.970 Euros la pairePuissance nominale : 50 watts Pure classe ABande passante : 20 Hz à 40 000 Hz à 0/-3dBEntrées : symétriques et asymétriques.

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watts du Karan donnent une énergie et uneprofondeur d’assise dans le bas du spectreque les Nagra ne procurent pas au mêmedegré. Mais n’allez pas croire pour autantque le grave des Nagra est déficient. Il estmême tout à fait étonnant pour un amplifica-teur à tubes. Il « descend » bas, très basmême, mais est un peu plus rond,moins sec. L’équilibre spectral avecles Nagra paraît plus lumineux, sansrien de « clairet », sans tirer vers lehaut du spectre (peut-êtrel’ensemble Karan offre-t-i l unecourbe un rien descendante ?). Maissurtout ce qui frappe très vite avecles Nagra, c’est l’impression uniqued’exactitude, de raffinement et d’élégancequ’ils procurent. On pourrait s’extasier sur labeauté des timbres, sur leur richesse. Sur laplénitude délié du médium, sur l’intégrationde l’aigu…On est plutôt tenté d’admirer leurconstance justesse – une justesse qui n’estpas de surface mais qui semble s’étendrejusqu’au cœur, jusqu’au noyau des sons.Mais pour pourquoi tant de vérité, tant de lisi-bilité et de naturel musicaux ? Evoquer une transparence poussée ne suffitpas –des amplis à transistors sont aussitransparents. Il faut plutôt chercher du côtéde la dynamique, de la dynamique fine. Si lapuissance de ces amplis semble très supé-rieure à 50 watts (écrêtage probablementtrès progressif grâce à l’absence de contre-réaction globale) et s’ils conservent tout leurcalme face aux plus tonitruants fortissimiorchestraux (jamais projetés), leur qualité laplus fascinante, c’est l’aptitude à rendredans leur moindre inflexion les nuancesdynamique les plus fines. Les plus petitsécarts de niveau sonore deviennent pal-pables. Les extinctions de note sontaudibles jusqu’à l’extrême pointe où ellesrejoignent le silence. Du coup l’émotionmusicale est là, intacte, elle qui se tapie depréférence dans les petits signaux…Lesrythmes ressortent dans toute leur subtilité.La musique respire. Son expressivitésemble libérée très naturellement, sansefforts, sans rien d’ajouté, sans faux éclats,sans artifices. Et la polyphonie paraît bénéfi-cier elle-même dans son extrême lisibilité decette miraculeuse transparence et justessedans les nuances. Si l’on en doutait encore,ces amplificateurs d’exception serait parfaitpour nous convaincre que la musicalité etl’essentiel de l’émotion musicale résidentdans les nuances.