les belges dans l'afrique centrale tome iii

535

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  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

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  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

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    LES BELGES

    DANS

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    3/533

    LES

    BELGES

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

    VOYAGES,

    A\^ E

    X

    IJ

    R E S

    ET

    DCOUVERTES

    d'aprks lks doci:mi:nts

    et jol'rn^lx

    dis explorateurs

    LE

    CONGO

    ET

    SES

    AEFLUENTS

    Ch.

    deMARTRIN-DONOS

    TOME

    SIICONl)

    >i^if^

    4,-

    il=

    3

    ILLUSTRE DE

    1

    40

    ORAVUBES.

    DE

    -1 CARTES

    ET DE

    5

    PLANCHES

    EN COLXEL'RS

    BRUXELLES

    p.

    M

    A

    E

    S,

    1-:

    D I T E

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    A I

    R

    E

    1886

    TOUS

    DROITS

    RSERVS

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    4/533

    d-3

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  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    5/533

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    6/533

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  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    7/533

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    'H

    i\

    CHAPITRE

    PREMIER

    *-:

    Le

    7

    dcembre

    1882

    Lopoldville.

    Janssen sur le

    Stanley-Pool.

    De

    l'le

    Bamu au village

    d'Enyari.

    Msuata-Station

    et Soii:^oii

    M'Pemb.

    WViere is

    your

    cano

    ?

    Le

    lac

    Lopold

    II

    .

    Stanley

    et Hanssens Vivi.

    r

    ^' \

    CI nous

    revenons

    au

    7

    dcembre

    1882,

    date

    laquelle

    Stanley

    vfVvT

    lanait

    sur les

    eaux du Pool le steamer En

    Avant,

    dont le

    1^^^

    nom,

    en

    quelque

    sorte

    prophtique,

    indiquait l'impulsion

    '^i^

    qu'allait recevoir l'exploration

    de

    l'Afrique

    centrale.

    ^:^j|l>ta'e^^^

    La route

    de

    Banana

    Lopoldville

    n'tait

    dj

    plus

    l'tat de

    projet

    ou

    d'bauche: les

    premiers

    explorateurs belges.

    Braconnier,

    Harou.

    Janssen

    et

    Orban,

    y

    plantaient sur divers points des jalons

    pour les

    futures

    stations

    hospitalires.

    LES

    BELGES.

    III.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    8/533

    CHAPITRE

    PREMIER

    L'agent

    suprieur

    du

    Comit

    d'tudes prparait

    de son

    ct

    celte

    poque

    une

    srieuse

    expdition

    vers

    le

    haut

    Congo et

    appelait

    son

    aide

    le

    sous lieutenant

    Janssen

    qui donnait

    Issanghila des preuves

    clatantes

    de

    ses aptitudes

    et de

    son

    dvouement

    l'uvre

    pacifique

    de

    la

    conqute

    africaine.

    Le

    8

    mars,

    Janssen

    recevait

    l'ordre

    de

    rejoindre

    Stanley

    Lopoldville.

    Voil donc

    comme cela

    va,

    crit

    cette date

    le

    jeune

    officier

    ;

    je

    commenais

    tre plus

    ou

    moins install

    Issanghila :

    mon jardin

    tait

    un

    petit

    parc,

    ma

    maison

    me

    semblait

    un

    palais...

    Je

    dois quitter

    le

    tout...

    Enfin,

    je

    me

    console, car

    je

    serai l-bas sous

    l'il du

    grand

    chef.

    Le

    lendemain,

    Janssen

    remettait

    M.

    Swinburne le commandement

    de

    la

    station.

    Le

    voj'ageur bouclait

    ses

    valises, entassait

    par

    prcaution

    des

    botes

    de

    sardines

    et

    des biscuits dans

    ses coffres,

    et partait pour Lopoldville,

    au

    grand regret de

    ceux

    qu'il

    laissait

    Issanghila.

    Le

    19

    avril,

    six heures du

    matin,

    Stanley

    et

    Janssen,

    embarqus

    sur

    VEn Avant

    pavois

    aux

    multiples couleurs

    des

    nations

    du monde civilis,

    saluaient

    de

    la

    voix

    et

    du

    geste

    le

    capitaine

    Braconnier

    et les

    travailleurs

    noirs

    de

    la

    station

    de Lopolville

    rangs

    en

    ligne

    de

    bataille sur

    les

    quais

    naturels

    du

    futur

    Gibi altar

    de

    l'Afrique

    centrale.

    Bientt

    la

    cloche du

    steamer

    jette dans

    la

    brume

    vaporeuse

    ses appels

    ritrs,

    appels

    qu'enti'ecoupe

    le

    sifflet aigu de la

    machine;

    les nombreux

    amis

    accourus pour

    assister

    au

    dpart de

    Boula Matari

    poussent

    un vigou-

    reux

    hourra,

    les ttes

    se

    dcouvrent, les chapeaux et les mouchoirs

    s'agitent,

    les

    bras

    se

    tendent, un

    dernier

    salut est chang de part

    et d'autre

    et

    l'Eu

    Avant

    vogue

    vers

    le

    nord-est

    en

    remorquant

    la

    flottille

    exploratrice.

    A

    quelques

    encablures du

    steamer

    dont l'quipage est

    de

    vingt

    hommes,

    nage

    une

    allge

    monte

    par

    dix rameurs

    et

    rattache par

    un cble

    de

    rotang

    l'arrire du vapeur; plus

    loin,

    galement

    remorqus,

    deux

    grands

    canots

    indignes,

    monts par trente hommes et portant un approvision-

    nement

    de

    vivres

    pour

    dix

    jours,

    glissent

    bord

    a

    bord sur les

    eaux

    du

    Stanley-Pol.

    Vers

    sept

    heures

    VEn Avant,

    suivant toujours

    une

    faible

    distance

    la rive

    gauche

    du

    fleuve,

    s'apprte

    doubler la pointe

    qui

    sera

    connue

    plus

    tard

    sous

    le

    nom

    de

    Kallina.

    Le

    lger brouillard tal sur

    la rive

    s'efface

    peu

    peu

    devant le soleil

    qui

    se lve

    et

    qui,

    mesure qu'il

    monte

    sur

    l'horizon, dore

    de

    ses

    rayons

    les

    parties

    encore

    sombres et

    indcises

    du paysage.

    et

    l,

    sur

    les talus

    gazonns

    descendant

    en pente

    douce

    jusqu'au

    fleuve,

    des

    bouquets

    d'arbres

    au

    feuillage

    diapr laissaient

    entrevoir

    dans

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    9/533

    LES DELGES DANS

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

    leur

    ramure

    des

    miliers

    de perroquets

    gris

    qui

    font leur toilette du

    matin.

    Dans le

    fouillis des

    joncs, des rotangs,

    des

    roseaux

    masss

    sur

    la

    rive,

    les

    ibis labourent le sol

    marcageux

    de

    leur bec

    crochu,

    les

    buffles,

    encore

    mal

    veills

    jettent

    autours

    d'eux

    un regard

    lourd de sommeil;

    au-dessus

    de

    ces animaux

    voltige

    une

    foule

    de

    merles

    qui

    saluent l'aube

    de

    leurs notes

    joyeuses.

    Plus loin,

    des femmes indignes

    se livrent

    des travaux

    de culture

    et de

    charmants

    oiseaux

    (gareolx)

    les suivent

    et

    volent autour d'elles.

    Au

    clapotis

    des

    eaux

    troubles

    par les pirogues,

    ces

    femmes s'inquitent

    et

    courent

    en

    tremblant

    se

    blottir

    au

    plus pais

    des

    grandes

    herbes, d'o

    s'chappent

    par bonds

    rapides des

    antilopes

    effrayes.

    A

    chaque

    touffe d'euphorbe

    sont

    suspendus

    des

    nids

    qui

    se balancent

    au

    souffle

    d'une

    douce

    brise comme autant de petites lanternes

    vnitiennes.

    La

    scne

    offre partout

    le caractre

    tropical;

    une lumire

    argente

    relve

    et repousse

    vigoureusement les

    teintes glauques ou

    bronzes,

    sombres

    ou

    vives,

    de cette

    nature

    ravissante.

    Aprs

    avoir

    doubl

    la pointe de Kallina, les

    passagers

    de

    VEn Avant

    distinguent

    les

    huttes

    de

    Kinchassa,

    au-dessus

    desquelles

    les

    couleurs

    du

    drapeau

    franais

    se

    dcoupent

    crment

    parmi les

    gerbes

    des

    palmiers.

    Le

    sergent

    Malamin

    avait,

    on

    ne

    l'a pas

    oubli,

    occup

    ce village

    sur

    l'invitation du chef

    indigne

    Nchuvila.

    En

    apercevant le

    steamer, le sergent

    Malamin

    se

    hta d'excuter

    les

    saluts

    de

    pavillon

    rglementaires.

    Pour

    la

    premire fois,

    au

    centre de l'Afrique,

    le

    drapeau franais

    saluait

    l'tendard

    du

    Comit

    d'tudes.

    Stanlej'

    rpondait

    a

    cotte

    politesse

    en

    amenant

    par

    trois fois,

    du

    haut

    en

    bas

    de

    sa

    hampe, le

    pavillon

    bleu

    constell

    d'or dploy

    l'arrire

    de

    VEn

    Avatit,

    et

    le

    drapeau tout

    de fantaisie qui

    flottait comme une

    immense

    voile

    bigarre

    au

    sommet du grand

    mt.

    Ce

    pavillon

    fantaisiste,

    confectionn

    grands renforts de

    mouchoirs

    de

    couleurs,

    comprenait

    tous

    les drapeaux des nations diverses;

    son

    auteur,

    Stanley,

    disait non

    sans raison qu'il

    tait

    le vritable symbole

    d'une

    asso-

    ciation

    internationale.

    Outre

    sa

    valeur

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    10/533

    CHAPITRE PREMIER

    bord

    o l'eau ne prsentait

    pas

    une profondeur

    suffisante, le

    steamer

    se

    frayait

    pniblement

    une

    route

    travers

    quelques

    petits

    lots

    jusqu'

    l'le

    Bamu.

    Bamu

    est la plus considrable des

    les

    du Stanley-Pool.

    Cette

    le

    occupe

    au

    centre

    de l'expansion

    lacustre

    un

    espace

    prsentant

    environ

    cent

    kilomtres

    d'un

    littoral

    trs bas,

    susceptible d'tre

    aux

    trois

    quarts

    inond

    l'poque

    des

    crues du

    fleuve.

    La

    partie

    nord

    est la plus basse, elle

    est

    presque

    dserte;

    la partie sud

    est

    couverte d'une

    Ibrt

    o

    pntrent

    seuls les buffles, les

    lphants,

    les

    hippopotames

    (.t

    des

    myriades

    d'oiseaux.

    Sur

    ces

    bords, nanmoins, d'intrpides

    pcheurs

    indignes ont

    dress

    et

    l

    quelques abris

    de chaume pour se

    garantir

    des

    brlants

    rayons du

    soleil.

    L'le Bamu

    spare le

    courant

    en

    deux bras

    trs

    larges,

    parsems

    de bancs

    de

    sable

    et

    d'lots

    rocheux.

    Le

    bras mridional

    est

    seul navigable

    en toute saison.

    Ce

    fut

    donc dans

    ce

    canal,

    sparant

    la

    cote

    sud de

    l'le de la rive

    gauche

    du

    fleuve,

    que

    la

    flottille expditionnaire

    essaya

    de poursuivre

    sa

    route.

    Un

    obstacle

    formidable

    s'opposa

    la rapidit de la

    marche.

    Des hippo-

    potames,

    masss

    par

    troupeaux,

    formaient

    comme

    autant

    de dangereux

    rcifs

    ambulants,

    menaant

    sans

    cesse

    de

    culbuter

    l'une ou

    l'autre

    des

    embarcations.

    Ces terribles monstres s'avanaient doucement

    l'encontre des bateaux,

    on

    distinguait leurs

    croupes

    rugueuses

    nageant

    entre

    deux

    eaux;

    parfois

    l'un

    d'eux,

    stoppant

    prs dune

    pirogue,

    montrait

    son

    norme

    gueule

    arme de

    dents

    brillantes,

    vritable

    gouffre

    dans

    lequel

    l'homme

    le

    plus

    robuste

    et

    t

    englouti

    aussi rapidement qu'un

    moineau

    disparat dans

    la

    gueule

    d'un

    chien.

    Les

    feux de 'peloton parvinrent

    disperser

    ces

    troupeaux d'cueils

    vivants. Les

    animaux blesss par les

    balles

    plongeaient au

    fond des

    eaux;

    leurs

    cadavres,

    le lendemain, servirentde

    pture aux

    noirs

    gourmets de

    Kinchassa.

    L'un

    d'eux,

    tu par

    Janssen,

    fut l'emorqu

    par le

    steamer

    jusqu' l'endroit

    choisi

    sur

    la

    rive

    gauche

    pour

    tablir,

    dans la nuit

    du

    19

    au 20

    avril,

    un

    bivouac

    de

    repos.

    L,

    il

    lit tous

    les frais du

    repas

    abondant

    que

    s'offrirent les

    quipages

    de

    la

    flottille

    avant

    de se livrer, sur

    des

    lits

    d'herbe

    sche,

    aux

    douceurs

    du

    sommeil.

    Le bivouac

    tait

    install sur

    les

    bords

    d'une

    anse

    profonde,

    quelques

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    11/533

    LES BELGES DANS L'AFRIQUE

    CENTRALE

    centaines

    de

    mtres

    au

    sud du

    confluent

    de la

    Nsel, rivire qui

    dverse

    dans

    le

    Stanley-Pool,

    par

    une

    double

    embouchure,

    des

    eaux

    noircies

    par

    les

    racines des manguiers.

    Une

    jungle

    paisse

    recouvre partout le sol

    et

    s'tend sur

    une

    plaine

    immense limite

    au

    sud par

    une chane

    de

    montagnes

    qui

    s'lvent gra-

    duellement de l'est

    au

    sud-ouest

    jusqu'au

    mont Mabengu, dont l'altitude

    est d'environ sept cents mtres.

    Ds

    l'aube

    du 20

    avril,

    un

    violent

    orage veilla les dormeurs;

    la

    pluie

    tomba jusqu'

    huit

    heures

    du

    matin,

    empchant les explorateurs

    de

    reprendre

    leur

    marche.

    Maudite

    pluie,

    disait Stanley

    Janssen;

    elle

    nous

    occasionne un retard

    prjudiciable.

    Vous

    n'ignorez pas, lieutenant,

    que mon mule, ^L

    de

    Brazza.

    ILE FLOTTA.NTi;

    SUR LE

    STA,N'LE-POOL.

    tend vers

    le

    haut Congo le

    rseau

    de

    ses dcouvertes.

    Nous

    devons

    lutter

    de vitesse

    avec ce rival intrpide.

    Le

    ciel

    exauce vos vux

    ;

    voil prcisment

    une

    forte

    bourrasque

    soufflant

    du

    sud-ouest qui

    poussera nos

    embarcations

    et nous

    permettra

    de

    regagner le

    temps perdu.

    Une forte

    brise

    s'levait

    en

    effet

    et

    refoulait les

    gros

    nuages

    noirs

    vers

    les

    plateaux herbeux, pelouses

    resplendissantes

    qui

    couronnent

    les

    Dover

    cliffs.

    Cette brise

    vient

    propos; vous

    prendrez, lieutenant,

    le

    commande-

    ment de

    l'allge

    que nous

    pouvons livrer

    ses voiles

    et ses

    rameurs.

    J'embarque

    sur

    En Avant;

    essayez

    de

    dpasser

    le

    vapeur, si

    vous

    tes un

    pilote

    habile.

    Vingt minutes

    plus

    tard, VEn

    Avant

    remorquait

    seulement

    les

    deux

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    12/533

    CHAPITRE

    PREMIER

    pirogues de

    l'expdition

    et

    fendait

    les eaux

    du

    Pool,

    en

    amont

    du

    confluent

    de

    la

    Nsel.

    L'allj,'e,

    battant toutes

    voiles

    et

    pagayoc

    par ses

    dix

    rameurs,

    courait

    paralllement

    au

    steamer,

    en

    passant

    au

    plus prs

    de

    la

    rive.

    Le

    courant,

    moins

    fort

    qu'en aval,

    opposait

    l'allge

    une

    rsistance

    qui

    paral3^sait les

    efforts

    de

    ses

    vaillants

    rameurs et

    l'envergure

    de

    ses

    voiles.

    L'En

    Avant se

    jouait

    de

    l'obstacle

    et

    remontait

    le

    fleuve

    en

    tirant

    de droite

    et

    de

    gauche

    des

    bordes

    pour

    viter

    les

    quelques

    bancs

    de sable

    o

    d'normes

    alligators,

    arrachs

    au

    sommeil

    par

    le vapeur,

    ouvraient leurs

    gueules

    menaantes.

    Au

    bout

    d'une heure,

    le

    steamer

    avait

    gagn sur

    l'allge

    une

    distance

    de

    plusieurs

    milles.

    Janssen

    apercevait

    peine En

    Avant

    ctoyant

    les

    criques

    sinueuses

    de la

    rive.

    La

    brise

    n'avait

    pas

    molli, et

    un

    pilote

    expriment

    n'et pas perdu l'es-

    poir

    d'atteindre

    le

    steamer,

    ou

    tout au

    moins

    de

    perdre honorablement

    la

    victoire

    dans cette

    rgate

    ingale.

    Mais

    le

    jeune

    officier

    maniait

    le

    gouvernail

    en

    apprenti marin. Une

    fausse

    manuvre

    jeta

    l'allge

    presque

    la rive

    gauche

    du

    Congo,

    o

    des arbres

    gigantesques

    projetaient

    sur le

    fleuve

    d'normes

    et

    vivaces rameaux.

    Le

    mt

    de

    l'allge

    embarrass

    dans

    les

    branches se

    cassa

    par suite

    des

    efforts

    qui

    furent

    tents

    pour

    le

    dgager.

    On

    emplo3'a

    une demi-heure

    le

    rajuster

    avec

    des

    lianes.

    Puis

    Janssen

    se

    ravisant

    donna

    l'ordre

    du

    dpart, en

    ayant soin

    de

    gagner

    le

    milieu

    du

    fleuve.

    La

    barre du

    gouvernail

    porte

    gauche imprima

    la

    direction

    voulue

    l'embarcation.

    L'allge

    vola

    sur les eaux

    la brise

    gon-

    flait

    ses

    voiles,

    les

    rameurs

    excits

    redoublaient

    d'entrain

    ;

    le

    bruit

    rgulier

    des

    rames

    marquait

    harmonieusement

    la

    cadence d'une

    chanson

    des

    noirs

    matelots.

    A

    midi,

    l'allge

    accostait

    VEn

    Avant stopp

    dans

    un chenal,

    en

    face du

    village

    de

    Kimpoko.

    La

    chaleur

    tait

    intolrable;

    les

    quipages

    noirs

    se

    plaignaient

    mme

    des

    ardeurs

    inusites

    du

    soleil. On

    dcida

    de

    dbarquer,

    pour

    manger

    d'abord,

    et

    pour

    prendre

    ensuite,

    l'ombre

    des

    arbres

    tutlaires

    qui

    abri-

    taient

    les

    huttes

    de

    Kimpoko,

    un

    regain

    de forces

    et

    de

    fracheur.

    Le

    village

    de

    Kimpoko

    s'tend

    sur

    la

    rive

    gauche,

    entre

    deux

    petits

    cours

    d'eau

    tributaires

    du

    Congo.

    Sa

    situation

    est

    dlicieuse,

    il occupe

    comme

    le

    premier

    gradin

    d'un

    escalier

    form

    par

    des

    collines

    trs

    boises

    dont

    le

    dernier

    chelon

    se

    confond

    avec

    le

    sommet

    de

    la

    chane

    de

    montagnes

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

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    LES

    BELGES

    DANS

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

    qui

    court

    en

    forme

    de croissant,

    paralllement

    la

    rive

    mridionale

    du

    Stanley-Pool.

    Devant

    les

    huttes

    le

    fleuve,

    resserr

    entre

    la rive et

    les bords

    d'une

    le

    couverte de vgtation,

    constitue

    un

    canal

    o

    les

    eaux

    sont troubles

    seu-

    lement

    par de

    rares

    hippopotames

    et

    par des

    alligators

    en

    qute

    de

    gibier.

    Kimpoko

    dpend

    du

    district

    de

    Nfumu-Nguma,

    habite par la

    tribu

    des

    Banfunu,

    ngres qui

    excellent

    dans

    le

    mtier

    de

    bcherons

    et

    de

    char-

    bonniers.

    Des

    sentiers

    indignes

    serpentent

    en tous

    sens

    travers

    ce

    district

    lores-

    tier;

    ils

    sont

    frquents surtout

    par

    les

    W'abuma,

    porteurs

    d'ivoire,

    dont

    les

    nombreux villages sont

    perches

    comme

    autant

    de

    nids

    d'aigles

    sur

    les

    pentes abruptes,

    mais

    boises,

    de

    montagnes

    encaissant

    le lit

    du

    Congo

    l'entre

    en

    amont

    du

    Pool.

    L'accueil

    sympathique fait

    aux

    vo3-ageurs

    par

    les

    habitants

    du

    village

    de Kimpoko

    impressionna

    favorablement

    Stanley,

    qui

    conut

    le

    projet

    d'installer

    plus tard une station

    dans

    ces

    parages.

    Aprs une halte

    de deux

    heures,

    la

    flottille

    quitta

    Kimpoko

    et

    passa

    quatre

    heures

    et

    demie

    en

    vue

    de

    la

    pointe

    d'Inga,

    promontoire

    crayeux

    auprs

    duquel

    s'lvent deux

    ou trois

    colonnes

    de mme

    formation et

    qui

    ferme

    au

    nord l'tang

    de

    Stanley.

    En

    amont

    de

    ce

    promontoire,

    la

    largeur

    du

    Congo

    n'est plus

    que

    de

    mille mtres

    ;

    la

    profondeur est

    trs

    considrable

    ;

    le

    courant

    a

    une

    vitesse

    de

    trois nuds l'heure.

    Une

    bourrasque

    habituelle du

    sud-ouest

    rend

    trs

    dangereuse

    pour les

    embarcations bordage

    peu

    lev

    la navigation

    du

    fleuve.

    L'En

    Avant,

    remorquant

    toujours

    les

    deux

    pirogues

    indignes s'engagea

    rsolument

    dans

    le lit encaiss

    du Congo.

    Stanley

    avait

    pralablement

    recommand

    Janssen,

    pilote

    dsormais excellent

    de l'allge, dmnager

    Jes bras de ses

    rameurs

    et

    de

    ne

    courir prs

    du

    vapeur

    qu'en

    cas

    d'appel.

    Le

    hros de la

    dcouverte

    du

    fleuve

    africain

    se

    souvenait

    de

    son dernier

    combat,

    le

    trente-deuxime,

    soutenu

    et gagn par

    lui contre les indignes

    riverains

    de

    cette portion

    du

    Congo.

    Ainsi

    prvenu,

    Janssen

    toujours,

    aux

    coutes,

    avait

    peu

    de loisirs

    pour

    dtailler

    les

    merveilles

    que

    la

    flore

    et

    la

    faune

    africaine

    talent

    sur

    les

    rives.

    On nageait

    silencieusement

    une

    faible

    distance de

    la

    rive

    droite

    ;

    dou-

    blant

    de petites anses

    dcoupes

    au

    pied de

    falaises

    d'un grs de

    couleur

    grise

    et

    trs

    dur,

    reposant sur des couches

    d'un grs

    tendre

    et

    rougetre.

    Parfois

    ces

    falaises

    s'abaissaient

    et

    laissaient

    deviner des

    valles

    boises.

    LES BELGES. III.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    16/533

    lo

    CHAPITRE PREMIER

    o les

    dmes

    vert-noir

    du gaac

    estompaient

    les

    bouquets ravissants

    des

    acacias

    mimosas

    aux

    fleurs

    d'or, pousss

    entre

    les

    troncs

    gris

    d'argent, res-

    semblant

    des

    colonnes

    marmorennes, des majestueux

    cotonniers

    au

    feuillage vert

    tendre.

    Au

    bord

    de l'eau,

    sous

    les votes impntrables

    de

    ces

    gants

    de

    la

    flore,

    pullulaient des joncs,

    des rotangs,

    des lianes

    grimpantes

    et

    des milliers de

    plantes aquatiques

    formant comme

    un filet

    mailles inextricables empri-

    sonnant des

    fleurs

    de

    toutes couleurs

    et

    des

    baies de

    toutes

    sortes.

    De petites

    antilopes abondaient

    sur

    la

    rive droite;

    plusieurs de

    ces gra-

    cieux animaux,

    interrompus

    dans

    leurs

    bats

    par le

    clapotis

    des

    rames,

    tombaient

    en arrt

    et

    suivaient

    d'un regard tonn, hsitant,

    les mouve-

    ments

    saccads

    de

    l'allge

    enleve

    sur les eaux

    lgrement

    moutonneuses.

    Dans

    la crainte

    de pousser

    quelque

    indigne frntique

    jeter

    son

    cri

    de

    guerre,

    ce

    qui aurait

    rpandu l'alarme parmi

    les

    quipages

    de la

    flottille,

    Janssen

    s'abstint

    regret

    d'enrichir ses

    provisions

    de

    bouche de quelques

    pices

    de ce

    gibier dlicieux.

    D'ailleurs

    la famine

    n'tait pas

    imminente, et les

    cartouches

    des winches-

    ters

    constituaient des

    richesses

    trop

    prcieuses

    pour

    qu'elles

    fussent

    aussi

    lgrement

    prodigues.

    Les

    rives

    du

    Congo

    semblaient inhabites

    au

    sortir

    du

    Stanlcy-Pool.

    On

    ne

    rencontrait pas,

    sur

    un parcours

    de plusieurs milles,

    une

    seule

    agglo-

    mration

    de huttes

    indignes

    pouvant prtendre au nom de

    village:

    de,

    del,

    quelques

    abris

    btis par

    des pcheurs rvlaient nanmoins

    la

    pr-

    sence

    d'tres

    humains.

    Le

    fleuve

    court

    du

    nord

    au sud,

    en venant

    de

    l'Equateur:

    entre

    le troi-

    sime

    et

    le

    quatrime

    degr

    de

    latitude mridionale il

    baigne,

    droite,

    le

    territoire

    appartenant

    encore

    la nombreuse

    tribu

    des

    Batek, riverains

    nord

    du

    Pool;

    gauche,

    les terres du district des Banfunu.

    A

    la

    nuit

    tombante, les

    embarcations de la

    flottille s'arrtaient

    quelques

    mtres

    en

    aval

    du

    confluent de

    la rivire

    Wampoko, entrant

    dans

    le

    Congo

    par

    la

    rive

    gauche.

    Les

    eaux

    de

    cet

    affluent

    ont

    la

    couleur

    d'une

    dcoction

    de

    th;

    elles

    sont

    beaucoup plus

    fraches

    que

    celles

    du Congo.

    La

    plaine

    qu'elles

    arrosent

    semble la

    terre

    privilgie

    des

    palmiers hyphne,

    des

    laset

    des

    bananiers.

    Ces

    plantes

    tropicales

    s'y

    groupent

    en bosquets

    splen-

    dides

    fixant

    le

    regard des voyageurs

    par l'harmonieux

    ple-mle

    du

    feuil-

    lase,

    et

    veillant

    l'apptit par

    le

    velout

    allchant de

    leurs

    rgimes

    de

    fruits.

    Mais

    tout

    explorateur

    doit

    au

    centime

    africain

    prouver

    bien

    des

    fois

    le

    supplice

    de

    Tanta'e;

    il sait voir sans

    avoir,

    car

    son

    dsir

    de possder

    les

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    17/533

    LES

    BELGES

    DANS

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

    ir

    fruits

    qui

    s'offrent

    sa

    vue

    et

    parfois

    sa

    faim

    s'efface

    ncessairement

    devant

    l'apprhension

    de

    dchaner

    la

    fureur des

    hordes

    sauvages

    propri-

    taires

    du

    sol.

    Drober

    le fruit

    mri sur

    une

    plante

    qui

    s'est

    dveloppe,

    mme

    l'tat

    sauvage,

    dans

    le

    domaine

    d'un

    chef

    ngre,

    c'est bnvolement

    s'ex-

    poser

    des

    revendications

    excessives

    de la

    part du

    noir, sinon

    encourir

    les

    plus

    mauvais

    traitements,

    voire mme

    la mort,

    de la

    part

    de ftichistes

    pres

    l'assassinat.

    Un

    petit

    village

    ngre situ

    deux

    kilomtres

    au

    nord du confluent

    du

    PAYSAGE

    Df HAUT

    CONGO.

    'Wampoko

    offrait

    abondamment

    contre

    monnaie locale,

    et

    bon

    march,

    des

    poules,

    des ufs, des

    fruits,

    des lgumes

    et du

    poisson

    frais.

    Sa population,

    facile

    amadouer

    avec

    des

    cadeaux,

    fit

    aux

    marchandises des

    explorateurs

    un

    accueil

    sympathique;

    il

    n'et

    tenu

    qu'

    Stanley

    d'abandonner

    aux natifs

    en

    change

    de toutes leurs

    denres

    le chargement

    en

    toffes et en

    bibelots

    de ses

    embarcations,

    y

    compris

    les drapeaux

    et la

    voilure.

    Sur

    la

    rive

    droite,

    en

    face de

    ce

    petit

    march

    indigne,

    s'tagent

    fantas-

    tiquement

    d'normes

    blocs

    de

    rochers gristres;

    en amont, sur la rive

    gau-

    che, le lit

    du

    fleuve

    dessine

    une

    crique barre

    par

    de

    hautes falaises

    de

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    18/533

    12 CHAPITRE PREMIER

    grs

    projetant

    dnns le

    courant plus

    rapide qu'en

    aval

    une

    srie de rcifs.

    Plus

    loin la

    scne

    change,

    les

    rochers et les falaises des rives

    disparais-

    sent

    pour

    faire

    place

    des

    massifs

    de

    palmiers

    hyphnc; le

    cours

    se

    spare

    en deux

    bras pour

    former

    les deux Iles boises de Dualla et

    Pururu;

    cette

    dernire

    est

    trs

    longue, on

    emploie

    une

    demi-heure

    pour la doubler.

    Ds

    lors,

    des

    villages

    indignes

    s'entrevoient sur les

    flancs des

    collines

    peu

    pittoresques

    qui

    limitent

    l'ouest la

    valle

    du

    Congo.

    Ils

    portent les

    noms

    de

    Makann's,

    Ejani, Hali,

    et

    appartiennent encore

    la

    tribu

    des

    Banfunu.

    La

    rive

    droite est

    depuis

    le Stanley-Pool

    dpourvue

    de

    villages

    ;

    en

    amont

    de l'le Pururu,

    elle

    offre une

    succession de

    sites

    plus

    pittoresques

    que

    ceux

    de

    la

    rive

    oppose.

    La

    chane

    de

    collines

    qui court paralllement

    au

    rivage,

    dtache

    une

    srie

    de

    terrasses

    descendant

    par gradation

    jusqu'au bord

    de

    l'eau,

    et

    dont

    la

    plupart couvertes

    de

    vgtation

    semblent

    avoir t

    disposes

    arti-

    ficiellement

    et

    plantes

    de

    jeunes

    arbres

    splendides.

    Les

    lions,

    les

    lphants,

    les

    buffles, sont

    les

    farouches

    htes

    de

    ces

    bois.

    Dans

    l'aprs-midi du

    25,

    YE)i Avj?it, aprs avoir

    crois un grand

    nombre

    de

    criques

    tortueuses,

    parvenait

    entre deux

    villages

    construits

    face

    face,

    l'un

    Mbula

    sur la rive

    gauche, l'autre

    Enyari.

    premier centre

    populeux

    rencontr

    sur

    la

    rive droite

    depuis le

    Pool.

    Janssen

    avec

    l'allge voguait

    auprs

    du

    steamer.

    Continuez

    votre route,

    cria

    Stanley

    au

    sous-lieutenant.

    J'ai

    l'intention

    de

    rendre

    visite

    aux

    bandits

    de

    ces

    rives

    qui

    me

    reurent

    jadis

    coups

    de

    mousquet.

    Si

    vous

    entendez

    des

    dtonations,

    virez de bord,

    et

    accourez

    mon

    aide.

    L'ordre

    de

    Stanley

    donnait

    rflchir,

    mais il

    fut

    fidlement

    excut

    par

    Janssen.

    L'allge

    mollement berce

    par la brise,

    glissa

    ct

    des

    pirogues

    qui

    remontaient

    le

    courant force de

    rames,

    tandis que

    i''n/liu/,

    gouvern

    par

    Stanley,

    allait

    aborder

    au

    village

    d'Enyari.

    Soudain

    vingt

    coups

    de

    feu, signal de mauvais

    augure,

    font

    rsonner

    les

    chos

    du

    Congo et

    vibrer le cur de

    Janssen.

    Allge et

    pirogues voluent

    prestement

    :

    sur

    l'ordre

    de

    Janssen,

    les

    noirs

    se

    courbent

    sur les

    rames; les

    embarcations, aides par

    le courant,

    volent

    vers

    Enyari, stoppent et sont

    amarres

    aux

    abords

    du

    village;

    en

    moins

    de

    temps

    qu'il

    n'en faut pour

    l'crire,

    les

    quipages

    du

    canot, forms

    en

    peloton

    derrire

    l'oficier, lancent

    leurs

    sinistres cris de guerre

    et par-

    viennent

    au pas

    de charge sur

    la place de

    la

    localit.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    19/533

    LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

    13

    Stanley,

    cerne par

    des

    indignes anims plus

    par la curiosit

    que

    par

    des

    sentiments

    hostiles,

    y

    fume

    tranquillement son

    cig-are

    en

    causant amicale-

    ment avec son entourage.

    Jansscn

    et son

    peloton

    en

    cro3'aient

    peine

    leurs yeux.

    La

    stupfaction du

    lieutenant

    s'accrut encore

    la vue du

    drapeau fran-

    ais qui

    fut

    dploy

    la

    branche

    d'un

    arbre,

    unique

    ornement de

    la

    place

    d'Enyari.

    De

    Brazza est-il

    ici

    ?

    demanda

    Janssen.

    L'explorateur

    franais n'y

    est

    pas,

    et il

    n'y

    est mme pas

    venu. Au

    pre-

    mier abord les natifs

    m'ont

    pris

    pour

    de Brazza;

    ils

    ont

    ft

    mon

    arrive

    par

    une salve

    de

    mousqueterie.

    L'histoire

    du drapeau

    est fort simple,

    con-

    tinua Stanley; de

    Brazza

    est

    pass,

    il

    y

    a

    prs de

    deux

    mois,

    plusieurs

    milles du village, chez

    un

    chef

    batek nomm

    Ganchu.

    Il

    a fait

    ce

    chef

    don

    de

    nombreux

    drapeaux,

    en

    le

    chargeant

    de les

    distribuer aux

    mfoums

    des

    villages

    environnants,

    avec

    recommandation

    de

    les

    exhiber

    si

    un

    blanc

    venait

    se

    montrer.

    Nous

    viterons de

    relater

    dans

    notre

    ouvrage

    les

    rumeurs plus

    ou

    moins

    fondes relatives

    l'antagonisme des deux explorateurs,

    rumeurs col-

    portes

    dans les

    derniers

    mois de

    l'anne

    18S2

    par divers

    organes de

    la

    presse

    europenne.

    Comme Stanley,

    le

    vaillant

    officier

    de la

    marine

    franaise

    tait

    un

    de

    la

    civilisation cherchant

    pntrer

    dans les

    rgions

    encore

    inconnues

    du

    continent noir.

    C'est

    tort

    que

    quelques-uns de

    ces

    journaux ont

    pos

    la

    mission

    de

    M.

    de

    Brazza

    comme

    rivale de

    celle

    que

    dirigeait

    Stanley.

    Peut-tre

    ignoraient-ils

    que

    S.

    ^\.

    Lopold

    II,

    jaloux

    d'encourager

    toutes

    les entreprises

    humanitaires

    ayant pour

    but

    le centre ducontinentafricain.

    avait

    aid de

    ses

    propres

    deniers l'expdition

    de de Brazza,

    dont

    l'action

    s'tait

    tendue

    jusqu'au

    del

    du

    Stanley-Pool par l'Ogou

    et

    l'Ali

    ma.

    Sans

    mme essayer

    de pousser

    les indignes

    d'Enyari

    renier le

    drapeau

    qu'ils

    tenaient de la

    libralit

    de

    Ganchu, Stanle}-

    quitta,

    le

    lendemain

    26

    avril,

    cette localit, pour

    aller s'installer plus au

    nord, sur

    la

    rive

    gauche,

    au

    village

    de Msuata ( latitude

    3 28'),

    trente kilomtres

    en

    amont

    de

    l'entre

    du

    Stanley-Pool.

    Les

    quipages

    de la

    flottille,

    dbarqus

    sur

    le

    rivage,

    se

    mlrent

    aux

    habitants

    de

    Msuata venus

    pour

    les

    examiner.

    Entre-temps,

    Stanley et

    Janssen,

    accapars par

    les

    notables

    du

    village,

    taient

    amens

    devant

    le chef

    Gobila, ngre

    remarquable par

    sa

    corpu-

    lence

    et

    surtout

    par

    sa

    toilette

    indigne d'un haut et

    puissant personnage.

    Gobila

    avait

    grand

    besoin

    d'une

    pice

    d'toffe pour

    couvrir

    dcemment

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    20/533

    M

    CHAPITRE

    PREMIER

    SCS

    hideux

    tatouages.

    Ce fut

    aussi par

    un

    cadeau

    de ce

    genre

    que

    Stanley

    entama

    avec

    lui

    les

    ngociations

    que

    ncessitaient

    l'achat de

    terrains

    et

    l'obtention

    de

    droits

    de

    sjour pour les agents

    du

    Comit

    d'tudes.

    Gobila accepta

    avec

    empressement tous

    les

    prsents

    en

    espces qu'on

    voulut

    bien

    lui

    octroyer;

    mais

    il n'avait

    pas,

    disait-il,

    le

    pouvoir

    de

    contrac-

    ter avec

    les

    trangers

    des engagements

    relatifs

    la cession

    d'un

    seul arpent

    de terre.

    Le

    village

    de

    Msuata

    tait un fief

    vassal

    du

    roi

    des

    Banfunu

    :

    ce

    roi avait

    nom

    Gandelay.

    On

    dut

    aller

    quern-

    cette

    majest

    noire au

    fin

    fond de ses

    domaines.

    Le i

    mai

    seulement

    Gandelay

    se

    rendit prs des exp.

    orateurs

    blancs,

    prcd d'une

    file inter-

    minable

    de guerriers,

    de

    musi-

    ciens,

    de femmes et

    d'enfants. Le

    dfil de

    son

    excentrique escorte

    gaya

    fort

    le sous

    -

    lieutenant

    Janssen

    . Le

    jeune

    explorateur

    avait assist

    bien

    des

    fois

    des

    parades

    ngres,

    aucune

    ne lui

    avait

    paru

    d'un

    aussi haut

    comique.

    Toute

    la

    population

    valide

    de

    Msuata

    s'tait porte

    au-devant du

    souverain .

    Une

    houle

    humaine,

    exhalant des

    odeurs

    nausabondes

    d'huile

    de

    palme

    et

    de sueur,

    em-

    plissait

    les

    espaces

    libres entre

    les

    cabanes:

    c'tait

    un

    ple-mle de

    jambes

    et

    de

    bras

    s'agitant,

    re-

    muant

    l'air

    empest,

    avec

    accompagnement

    infernal de

    tambours, de

    trompes

    d'ivoire,

    de

    fifres, de

    musettes

    et

    de

    guitares

    d'un modle

    parti-

    culier,

    sur

    lesquelles des

    fragments

    de

    roseaux

    tenaient

    lieu de

    cordes.

    Lorsque

    Stanley

    put enfin

    se

    trouver

    en face

    de

    Gandelay,

    la foule

    des

    assistantsse

    prcipita vers

    la rive du

    fleuve.

    Trois

    canots

    batek venaient

    de

    dbarquer

    le

    clbre

    Ganchu, l'homme

    aux

    drapeaux

    franais,

    et

    une

    nombreuse suite.

    jamais

    Msuata

    n'avait

    vu

    grouiller

    entre

    ses

    huttes

    une

    affluence d'tran-

    gers

    aussi

    considrable.

    Deux

    longues

    heures

    s'coulrent

    avant

    qu'il ft

    possible

    aux

    blancs

    d'entamer une

    conversation

    avec

    les

    chefs

    indignes.

    HACHE

    DE

    GAXCHU.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    21/533

    LES

    BliLGES

    DANS

    L

    AFRIQUE

    CENTRALE

    Entrans par l'exemple

    de

    leurs

    sujets,

    Gandelay,

    Ganchu,

    Gobila

    lui-

    mme

    malgr

    son

    embonpoint

    excessif,

    se livraient

    une

    danse

    des

    plus

    chevelees.

    Vers quatre

    heures du soir

    le

    calme commena

    s'tabir.

    Stanley et

    Janssen

    s'assirent

    assez

    commodment

    sur des nattes

    de

    gazon,

    en

    face

    des potentats ngres, sous un bombax dont la

    frondaison

    formait

    un

    plafond

    de

    salle

    d'audience

    convenable

    avant

    le

    coucher

    du

    soleil.

    Pendant

    que

    Stanley captivait

    l'attention

    de

    ses auditeurs noirs,

    Janssen

    observait

    la physionomie

    et

    laccoutrement

    de chacun.

    Ganchu

    reprsentait,

    phj^siquement

    parlant,

    le

    moins

    laid

    des

    trois

    chefs

    runis. Ce

    personnage remplissait

    les

    fonctions de

    collecteur

    de taxes pour

    compte

    de Sa

    Majest

    Mpumu Ntaba,

    le

    plus

    grand

    makoko

    des

    rives du

    Congo moyen,

    souverain omnipotent

    du royaume desBatek.

    11

    tenait

    fi-

    rement

    dans sa

    main

    droite l'insigne

    de sa dignit,

    sorte

    de hache

    dont

    la

    lame

    en

    l'oi^me

    de

    croissant tait relie

    au

    manche

    cannel par

    une

    longue

    tige

    en

    fer

    forg.

    Son

    plus bel

    ornement

    consistait

    dans la disposition architecturale

    de

    sa

    chevelure

    empenne,

    tresse

    et

    maintenue

    horizontalement

    l'aide

    d'un

    filet de

    fibres

    de

    palmier.

    La

    plupart

    de

    ses

    sujets

    s'taient

    pars

    de

    plumes

    de

    plican.

    Mais

    Gandelay clipsait

    par son faste

    le

    luxueux accoutrement

    de

    Ganchu.

    Indpendamment

    des

    peaux

    de lopard jetes sur ses

    paules,

    le

    chef

    des

    Banfunu,

    grimaant

    sans

    cesse

    un sourire

    disgracieux qui

    s'efforait

    d'tre

    aimable, tageait

    sur

    sa

    poitrine

    une

    srie de

    colliers

    de

    dents de

    singe

    et

    de rongeurs, et

    par un mouvement

    assez

    coquet

    de

    l'avant-bras

    il

    invi-

    tait

    le

    regard

    s'arrter

    sur

    de magnifiques

    anneaux

    de

    cuivre

    auxquels

    taient

    appendues des

    divinits

    portatives, becs d'oiseaux,

    arrtes

    de

    pois-

    sons,

    cailloux,

    morceaux de bois coloris sculpts au

    couteau.

    Sa

    cour au grand

    complet

    l'avait accompagn. Prs

    de

    lui

    quelques

    femmes

    demi-nues fontroflRce

    de chasse-mouches, des musiciens

    semblent

    attendre

    son

    signal pour arracher les

    sons

    les

    plus

    tranges

    de

    non

    moins

    tranges

    instruments.

    Mand auprs d'un

    mundel,

    Gandelay a eu le soin de

    se munir

    des

    pr-

    sents

    qu'il

    lui

    destine;

    il

    offre

    a

    Stanley

    trois

    chvres,

    une

    corbeille

    d'ara-

    chides,

    une

    calebasse

    d'huile de

    palme,

    un pot de miel, une

    demi-douzaine

    de

    poulets

    et

    de

    nombreux rgimes de bananes.

    Ces

    gnreux

    arguments valurent

    Gandelay

    une

    rponse

    non

    moins

    gnreuse.

    L'loquence

    de Stanley,

    renforce

    par

    la

    munificence

    de

    l'agent suprieur

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    22/533

    i6

    CHAPITRE

    PREMIER

    du

    Comit

    d'tudes,

    triompha

    aisment des craintes puriles

    que

    manifes-

    tait le

    chef des Banfunu

    au sujet de

    l'tablissement des

    blancs

    sur

    ses

    domaines.

    Comme tous les makokos

    ftichistes, Gandelay attribuait aux

    mundels

    un

    rayonnement

    nfaste, le mauvais il.

    Nanmoins,

    en

    monarque

    peu autoritaire, Gandelay s'en remit

    la dci-

    sion de

    Gobila,

    pour

    accorder

    Boula

    Matari les terrains

    sollicits

    aux

    environs

    de

    Msuata.

    Gobila, tmoin

    des

    libralits

    de

    Stan'ey, se

    dclara enchant

    d'avoir

    dans son

    voisinage

    une

    sorte

    de poule

    aux

    ufs

    d'or,

    une maison

    o les

    fils

    du

    mpoutou

    entasseraient

    les merveilleux

    trsors de

    leur

    industrie.

    On

    rgla,

    sance tenante, le

    montant

    de

    l'annuit

    payer pour

    la

    cession

    d'un

    terrain sis

    quatre

    minutes

    du village,

    sur une

    minence peu

    leve,

    dont

    la base se

    baignait

    dans

    les

    eaux

    du

    fleuve.

    janssen

    fut

    aussitt prsent aux

    chefs

    indignes

    en

    qualit

    de futur

    com-

    mandant

    du

    poste

    tablir.

    Le

    lendemain,

    le

    sous-lieutcnant

    plantait

    sur

    la hauteur concde

    le

    dra-

    peau

    bleu

    du Comit

    d'tudes et

    y

    installait

    en

    mme

    temps une

    escouade

    de

    travailleurs.

    Ce

    mme

    jour,

    un

    missaire de

    de

    Brazza, aj^ant nom Giral,

    quartier-

    matre

    de

    la

    marine franaise,

    survivant

    glorieux des bataillons

    du

    Bourget.

    se

    prsentait

    Msuata

    pour remettre

    Gobila le

    pavillon

    tricolore. Cet

    agent

    de la

    mission

    franaise arrivait trop

    tard; il n'avait pourtant

    pas

    mnag

    en

    chemin ses forces

    et sa sant.

    Ce

    messager fidle avait aban-

    donn

    aux

    ronces

    du

    chemin le

    cuir

    de

    ses

    chaussures;

    il

    arrivait pieds

    nus

    destination.

    .Avec

    cent

    jeunes

    gens

    de

    la trempe de Giral, a

    crit depuis

    Stanley,

    on

    fonderait

    aisment

    un

    empire

    en

    Afrique.

    Giral,

    devanc

    par les agents du Comit d'tudes,

    accepta

    pour

    une nuit

    leur

    cordiale

    hospitalit

    ;

    il

    quitta,

    le

    27,

    le village

    de

    Msuata

    en

    compagnie

    de

    Ganchu

    qui s'tait charg de le

    conduire prs du

    grand

    makoko

    Mpuma

    Ntaba.

    A

    la

    date

    du

    5

    mai, le terrain

    de

    la

    station

    tait entirement dblay.

    Janssen

    y

    transporta sa tente

    et

    commena

    la

    construction

    d'une

    maison

    d'habitation.

    Le

    sol

    contenait en abondance du grs rouge propre

    fabriquer

    des

    briques;

    les

    environs de

    Msuata

    offraient

    en quantits

    prodigieuses

    le

    bois

    de

    charpente et le loango

    utilisable

    pour

    les toitures.

    L'effectif

    de

    Janssen,

    rduit

    le

    7

    mai,

    par

    le dpart

    de

    Stanley, a

    vingt Zanzibarites

    et

    dix

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    23/533

    r.-i'T^r

    ci'j;

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    24/533

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    25/533

    LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

    Kroomen,

    pouvait, selon

    les

    calculs de

    l'officier, difier en

    trois

    mois

    les

    btiments

    indispensables

    de

    la

    station

    de

    Msuata.

    Janssen

    avait

    compt sur les bonnes

    dispositions

    de la

    population

    indi-

    gne.

    Il ne

    ngligea rien

    pour

    obtenir

    l'appui efficace

    des habitants

    de

    Msuata.

    Pendant

    son

    sjour Issanghila,

    l'officier

    belge

    avait

    acquis les connais-

    L'NE

    LEON

    DE

    KIBUMA

    PAR

    GODILA.

    sanccs

    rudimentaires

    de

    l'idiome fiot;

    plusieurs

    semaines

    de

    pratique

    l'amenrent

    comprendre le langage

    kibiima

    usit

    par les

    peuplades

    banfunu

    du

    district

    de Msuata,

    et

    diffrant

    fort

    peu

    de

    la

    langue

    parle sur

    les

    bords du

    Congo

    inierieur.

    Une

    leon

    de kibuma par

    Gobila

    ou

    par

    tout

    autre

    personnage

    du

    village

    rompait

    la

    monotonie des heures

    inoccupes

    du

    chcl

    de la

    station.

    LES

    EELCE5.

    III.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    26/533

    i8

    CHAPITRE

    PREMIER

    Les

    professeurs

    improviss s'merveillaient

    des progrs

    rapides

    de

    leur

    lve

    qu'ils

    avaient

    baptis

    du

    sobriquet

    de

    Zoiizou

    M'Peinb

    (coq

    blanc),

    cause, parat-il,

    des

    vtements de tricot

    blanc

    ports par

    Janssen.

    En revanche, les Zanzibarites

    de

    la

    garnison

    de

    Msuata

    appelaient

    aigle

    leur

    commandant.

    Janssen

    tmoignait

    aux

    natifs

    la

    plus

    grande

    bont

    possible :

    traitant

    d'gal

    k

    gal avec

    les

    notables

    du village,

    il

    acceptait,

    en

    appelant

    Gobila

    son

    papa

    ,

    le

    titre

    de fils de

    ce

    chef ngre,

    et

    se

    laissait

    interpeller

    par

    les femmes

    mme vieilles

    sous

    le

    nom

    de moulum

    (

    mari), titre

    auquel, bien

    entendu,

    il

    n'avait

    aucun

    droit,

    mais

    qui

    lui

    valait

    d'tre

    nomm

    papa

    blanc

    par les enfants de la

    localit.

    Cette

    familiarit occasionnait

    parfois

    des

    dsagrments

    au chef de

    la station. Pas

    un habitant du village

    ne

    passait devant

    la demeure de

    Janssen

    sans

    y

    pntrer

    effrontment pour

    aller

    serrer

    la

    main

    de son

    ami

    et

    l'asommer de

    questions

    naves.

    Un

    matin,

    trois

    ou quatre de

    ces fcheu.x

    amis venaient

    distran-e

    l'agent

    du

    Comit

    d'tudes occup

    rdiger

    son

    courrier

    et

    voulaient

    tout

    prix

    s'approprier

    son

    encrier

    pour

    se

    barbouiller

    le

    visage.

    Les natifs

    de .Msuata ont la

    manie

    du

    maquillage

    :

    les uns tracent sur leur

    visage

    les

    dessins

    les plus

    informes

    l'aide

    d'une

    couleur blanche et

    de

    l'ocre

    rouge; les autres

    se

    font

    comme

    des pince-nez bicolores

    autour

    des

    yeux;

    presque

    tous

    renforcent

    le noir

    de

    leur

    teint

    par

    une

    couche de

    char-

    bon de

    bois dlaj' dans

    l'huile

    de

    palme.

    Bien entendu,

    Janssen

    n'encourageait

    pas

    leur

    passion

    du

    peinturlurage

    en

    leur

    abandonnant

    sa

    provision

    d'encre. Il

    dut

    donner

    la

    plupart

    de

    ses

    visiteurs

    d'interminables

    explications

    relativement

    l'usage qu'il

    fai-

    sait

    de cette

    matire noire;

    chaque fois qu'il

    crivait

    en

    prsence

    des

    natifs,

    il

    se

    pliait

    bnvolement

    aux lantaisies

    de

    certains,

    dsireux de

    tracer

    des

    barres

    sur

    le

    papier.

    Les plus

    habiles de

    ces

    apprentis

    crivains

    russissaient

    toujours

    gcher

    les

    feuilles

    blanches

    qu'ils

    couvraient de larges

    pts

    provoquant

    leurs

    plus

    bru3-antes

    exclamations.

    Le lendemain, de

    nouveaux visiteurs

    envahissaient

    par bande

    la

    chambre

    de

    l'officier

    et

    y

    mettait

    le

    mobilier

    au

    pillage.

    Les

    uns

    se

    disputaient

    pour carresser le

    tigre magnifique

    biod

    sur la

    couverture de

    vo3'agefon(i

    rouge,

    achete

    par

    Janssen

    dans

    un

    magasin

    de

    Bruxelles; d'autres

    s'ex-

    tasiaient

    non

    sans

    effroi devant

    le

    remontoir

    nickel

    qui scandait

    les

    minutes

    avec son tic-tac

    habituel.

    La

    mimique exjDressive

    de

    chaque

    ngre

    dcouvrant

    un objet

    nouveau

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    27/533

    LES BELGES

    DAXS

    L'AFRIQUE

    CENTP^ALE

    19

    pour lui divertissait

    quelque

    peu le chef blanc qui tait

    nanmoins

    oblig

    de

    mettre

    brusquement un

    terme

    a

    la

    curiosit

    de

    ses

    nafs amis.

    Il

    fallait

    alors

    avec ces

    envahisseurs miportuns

    recourir

    la

    svrit qu'exerce

    un

    pion

    sur

    une troupe de

    bambins conduits

    dans

    un bazar

    dix

    centimes,

    le

    jour

    de

    la

    Saint-Nicolas.

    Au demeurant,

    Janssen

    ne

    pouvait

    point

    trop

    se

    plaindre

    de

    ses

    com-

    plaisances

    envers

    les sujets de

    Gobila;

    il

    eut plus

    souvent

    maille

    partir

    avec

    des

    visiteurs

    ba3'arizi,

    tribu dont le

    territo-rc s'tend

    en

    amont

    de

    .Msuata, le

    long de la

    rive gauche du

    Congo, au

    del du

    continent du

    Koango,

    l'un

    des

    plus

    importants

    tributaires

    du

    grand

    cours

    d'eau

    de

    l'Afrique

    centrale.

    Ces

    Bayanzi,

    intrpides

    porteurs

    d'ivoii^e, traversaient

    frquemment

    le

    district de

    Msuata et se montraient assidus auprjs

    de

    Janssen

    au

    point

    d'veiller

    la jalousie de

    Gobila

    et de

    ses

    surbordonns.

    Dans la

    nuit

    du

    g

    au 10 mai, une

    nombreuse

    caravane bayanzi. quittant

    la

    station

    aprs une altercation

    assez vive

    avec

    des natifs

    de

    Msuata. dro-

    bait le

    seul canot

    possde

    par

    Janssen.

    A

    l'aube

    du

    lendemain,

    l'oticier,

    veill

    par

    des

    rumeurs

    insolites,

    cou-

    rait

    a

    la rive

    du fleuve

    o

    la

    populace guerrire

    de

    Msuata,

    embarque

    sur

    une vingtaine de pirogues immenses, hurlait

    tue-tte

    le sinistre

    cri

    de

    guerre

    local.

    Janssen

    chercha vainement

    son canot pour se rapprocher de

    l'embarca-

    tion monte par Gobila.

    Ce

    dernier

    vint

    gracieusement

    donner

    au

    mun-

    del

    les explications relatives

    la prise d'armes.

    Les

    Bayanzi ont

    dclar

    hier qu'ils

    nous enlveraient

    Souzou

    M'Pemb

    j,

    notre

    bon

    ftiche...

    Nous

    allons

    brler

    leurs

    villages,

    emmener

    en

    capti-

    vit

    leurs

    femmes,

    leurs

    enfants,

    leurs

    esclaves,

    piller

    leurs

    troupeaux

    et

    ravager

    leurs

    champs

    de

    manioc.

    Les Bayanzi

    sont

    mchants;

    venez

    avec

    nous, votre

    seule

    prsence assurera la victoire.

    Janssen

    n'en

    pouvait croire

    ses oreilles en

    apprenant le motif

    de

    cette

    guerre imminente

    qu'il

    dsapprouvait et

    a

    laquelle, bien

    entendu,

    il

    refu-

    sait de

    prendre

    part.

    D'ailleurs

    les Bayanzi ne m'enlveront

    pas,

    affirma-t-il

    Gobila

    ;

    ils

    ont

    bien

    peu prouv

    leur intention

    de

    rester

    mes

    amis,

    puisqu'ils

    m'ont

    vol,

    cette

    nuit, le seul canot

    que

    je possdais.

    Ils ont

    drob

    votre pirogue

    s'cria Gobila

    indign; raison

    de plus

    pour

    les chtier;

    nous

    allons

    leur

    faire la

    gueixe,

    et demain nous

    vous

    ramnerons

    votre embarcation.

    >

    Tout

    discours fut

    inutile

    pour

    empcher le mfoum de Msuata de se

    vcn-

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    28/533

    20

    CHAPITRE

    PREMIER

    ger des procds

    censment

    dloyaux des

    Bayanzi.

    Du

    reste

    l'obose Gobila

    et

    t

    impuissant

    rprimer

    les

    lans

    belliqueux manifests

    par son

    arme

    navale.

    Les

    quipages

    de sa

    flottille,

    qu'impatientait

    la

    longueur

    du

    dialogue

    entre les chefs blanc et

    noir,

    profraient

    des

    paroles

    malveillantes

    l'gard

    de

    Janssen

    qui

    tourna

    le

    dos

    son

    interlocuteur

    et

    regagna

    la station.

    Le

    II,

    Gobila

    revint, assez

    confus, dire

    au

    sous-lieutenant qu'il avait

    bien reconnu

    le

    canot

    en question parmi les embarcations

    de

    la

    flottille

    bayanzi

    et

    qu'il avait

    tent

    par

    tous

    les

    moyens

    de

    s'en

    emparer,

    sans

    pouvoir y

    russir.

    Dans

    l'aprs-midi,

    les Bayanzi revenaient eux-mmes

    pour restituer,

    moyennant six

    cents

    mitakos,

    la pirogue drobe,

    qu'ils

    affirmaient

    avoir

    trouve

    nageant

    la drive sur

    la

    rive

    droite.

    Janssen,

    refusant de rcompenser

    d'hypocrites

    voleurs,

    offrit

    nanmoins

    trente mitakos

    pour rentrer

    pacifiquement

    en possession

    de

    l'objet

    qui lui

    avait t

    vol.

    Son

    offre

    fut

    rejete; les Bayanzi filrent

    avec son canot.

    Ladite

    embarcation,

    creuse

    dans

    le

    tronc d'un

    gigantesque

    teck,

    pouvait

    aisment contenir vingt-cinq hommes; c'tait

    une

    des deux

    pirogues

    remorques

    par l'En avant

    lors

    du dpart de Lopold ville; elle

    avait

    t

    achete

    aux indignes

    par

    Stanley,

    au

    prix

    de trois

    cents

    mitakos.

    Stanley,

    remontant le fleuve,

    apparaissait

    prcisment le

    12

    mai

    devant

    Msuata-Station.

    A la vue inopine

    du

    steamer qui amenait

    l'agent

    suprieur

    du

    Comit

    d'tudes,

    Janssen

    s'tait prcipit vers le

    rivage, dans

    l'espoir

    d'obtenir

    plus

    tt

    son

    courrier

    et

    de

    revoir

    un

    visage

    blanc.

    L'Eu

    avant

    tait

    encore

    une

    distance de

    dix

    minutes

    du

    dbarcadre,

    que

    Stanley,

    appuy sur le bordage

    l'avant

    du navire,

    scrutait

    de

    son

    il

    de

    lynx

    les herbes et les

    criques

    tortueuses

    de la

    rive,

    et criait

    Janssen

    d'une voix

    inquite

    :

    ft

    Whcre is yoiir

    canoet?

    (o

    est votre canot?)

    Vol

    rpliqua

    laconiquement

    Janssen.

    VEn

    avant

    stoppa.

    Stanley

    sauta

    prestement

    terre

    et,

    sans

    serrer

    la

    main

    que

    lui

    tendait

    l'officier,

    il

    exigea

    le

    rcit

    immdiat

    des

    circonstances

    du

    vol.

    Les

    paroles de

    Janssen

    jetrent

    dans

    une violente

    colre

    le loyal

    admi-

    nistrateur des

    biens du

    Comit

    d'tudes.

    Stanley,

    une

    fois

    le

    rcit

    termin,

    brusqua

    tout

    son

    personnel,

    activa

    le

    dchargement

    du

    navire,

    donna

    fivreusement

    des

    ordres

    au chef

    de

    la

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    29/533

    LES

    BELGES DANS

    L'AFRIQUE

    CENTRALE

    21

    Station

    et fit

    chouft'er VEn avant,

    trois

    lieures

    du

    matin

    pour voler chez

    les

    coupables

    Bayanzi.

    Sur

    ces

    entrefaites,

    on

    annona

    l'approche

    de

    pirogues descendant le

    fleuve. C'tait

    justement

    la

    flottille des

    porteurs

    d'ivoire,

    grossie

    du

    canot

    en litige.

    Stanley fit

    distribuer

    les

    armes et

    des

    munitions

    tous

    les

    hommes

    dont

    il

    disposait; En

    avant,

    menaant

    de

    sombrer sous le

    poids du

    nombre

    considrable de

    ses

    passagers

    arms, se

    mit

    en travers

    de

    la route des

    Bayanzi.

    Ces

    derniers

    n'en

    persistrent

    pas

    moinsavancer.

    Arrivs prs

    du

    steamer,

    porte

    de la

    voix,

    ils

    dclarrent

    leur intention de restituer le

    canot,

    sans

    mme

    exiger

    le

    moindre

    mitako.

    Cette

    promesse

    aussitt

    ralise

    fit

    disparatre

    la

    som-

    bre

    fureur

    laquelle

    Stanley

    tait

    en

    proie.

    Le

    lendemain,

    12

    mai,

    le

    canot de

    la

    station

    de .Msuata,

    solidement

    amarr,

    se

    balanait

    de

    nou-

    veau

    dans

    la

    crique

    protge par

    la

    ban-

    nire

    bleue

    du Co-

    mit

    d'tudes.

    Ce

    mme jour,

    Stanley

    recrutait

    parmi les

    sujets

    de

    Gobila des

    guides

    volontaires,

    qui

    l'accompagnaientle

    iq

    dans

    son exploration vers le Nord.

    Assez

    mal

    reu

    par

    les

    indignes des

    rives du

    Congo, Stanle)^

    s'engagea

    sur

    YEn

    avant

    dans

    les

    eaux

    du

    Kwa

    ou

    Koango.

    11 remonta

    cet

    affluent

    jusqu'

    l'endroit

    o

    il

    se

    divise en

    deux larges

    rivires courant l'une

    vers

    le

    sud,

    sous

    le

    nom

    de

    Mbiheh,

    l'autre

    vers

    le

    nord-est,

    sous

    le

    nom

    de

    Mfini.

    L,

    Stanley,

    poursuivant

    ses

    dcouvertes,

    explora

    la

    rivire

    Mfini

    et

    atteignit

    l'expansion

    lacustre

    forme par

    ce

    cours d'eau,

    vritable

    lac

    connu

    depuis

    (26

    mai

    1SS2) sous le

    nom de lac Lopoid

    II.

    Le

    7

    juin, Stanley,

    gravement malade,

    rentrait .Msuata,

    o il

    infor-

    PANIER (collection

    DE .M.

    FLEMINg).

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    30/533

    CHAPITRE

    PREMIER

    mait

    Janssen

    de

    son projet de

    retourner

    en

    Europe

    pour

    y

    recouvrer

    la

    sant.

    Le 8

    juillet

    1882,

    l'agent suprieur

    arrivait Vivi.

    Voici

    en

    quels termes

    le

    capitaine Hanssens

    raconte,

    dans

    une

    lettre

    date

    de

    Vivi

    11 juillet, l'arrive

    de

    Stanley

    dans

    cette

    station

    :

    Vendredi

    dernier,

    nous

    avons

    vu apparatre,

    au sommet d'une des mon-

    tagnes

    qui

    bornent

    l'est

    l'horizon

    de

    Vivi,

    une

    caravane

    prcde du

    dra-

    peau

    de

    l'Association.

    De tous

    les

    blancs

    qui

    se trouvaient

    la station,

    j'tais le

    seul

    qui

    ft

    prt

    se

    porter

    la

    rencontre

    du

    chef

    de

    l'expdition

    :

    tous

    les

    autres

    taient

    en ce

    moment

    dans des

    costumes impossibles.

    Je

    me dirigeai

    donc

    vers la

    caravane,

    que

    je rejoignis

    a

    quelques

    cen-

    taines

    de

    mtres nos

    constructions.

    Je

    m'approchai

    du

    hamac dans

    lequel

    tait

    couch

    Stanley,

    et j'eus de la

    peine

    a

    retenir

    des exclamations

    de

    sur-

    prise en

    apercevant les

    ravages

    produits par

    l'horrible

    fivre

    d'Afrique

    dans

    cette

    organisation

    de

    fer.

    Lafigure avait

    une

    teinte

    cadavrique:

    les yeux

    profondment

    enfoncs-

    dans

    les

    orbites

    n'avaient

    pour

    ainsi

    dire

    plus

    de

    regards.

    Stanley

    prouva

    toutes

    les

    peines

    du monde

    sortir

    de

    dessous

    sa

    cou-

    verture

    de

    voyage

    la

    main qu'il

    voulait

    me tendre

    lorsque

    je me prsentais

    lui;

    sa

    voix

    n'tait qu'un

    soufle lorsqu'il

    rpondit

    mon

    speech d'intro-

    duction

    :

    Bonjour,

    mon

    cher

    capitaine,

    je suis

    heureux

    de

    vous

    voir

    en bonne

    sant.

    Je

    marchai

    ct de

    son hamac,

    jusqu'au

    moment de

    notre

    arrive

    sur

    le

    plateau

    de

    la

    station.

    En ce point, le

    malade sembla

    se

    ranimer;

    en revoyant

    cette ville

    nais-

    sante

    qui

    tait

    son uvre,

    sa cration, et

    qui

    avait

    marqu

    ses premiers

    pas

    dans la mission

    d'agent

    en chef du

    Comit

    d'tudes,

    ses j'eux

    prirent

    une

    expression

    de

    contentement

    et sa

    figure

    rayonna

    de joie.

    Il

    se

    sentait

    chez lui; il

    savait qu'il

    y

    trouverait

    tous

    les

    soins

    dvous

    qu'exigeait son tat.

    Entre-temps, les

    autres blancs

    taient

    venus lui

    prsenter

    leurs compli-

    ments

    de bienvenue.

    Porte

    prs du pavillon

    qui

    sert

    de

    logement

    aux

    autorits

    de

    l'expdi-

    tion,

    et

    qui renferme

    sa chambre

    et sa

    bibliothque,

    Stanley

    sortit de

    son

    hamac :

    Lindner (chef actuel

    de \'ivi)

    et moi,

    nous

    le

    prmes

    chacun

    sous un bras,

    et

    l'aidmes

    monter

    l'escalier

    qui conduit

    ses

    apparte-

    ments.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    31/533

    LES

    BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

    23

    Une lgre

    collation

    et

    quelques

    rconfortants

    le ranimrent

    bientt

    compltement.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    32/533

    24

    CHAPITRE

    PREMIER

    de beaucoup au service relativement sdentaire qu'il aurait

    eu

    remplir

    en

    acceptant

    le

    commandement

    d'une

    station.

    La

    vie

    agite de

    bivouacs, de

    marches, d'aventures,

    de

    luttes

    imprvues

    et

    de

    dcouvertes,

    tait plus conforme

    aux

    aspirations

    du

    vaillant

    pion-

    nier.

    Il dsirait

    le bruit, les motions, le

    mouvement,

    un

    gnreux

    reten-

    tissement

    de son

    nom

    en Europe

    :

    son vu le plus

    cher

    s'accomplissait.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    33/533

    CHAPITRE

    II

    Hanssens

    agent

    suprieur

    de

    l'Association.

    Voyage

    d'exploration

    de

    Vclaircur.

    Les

    Wabouma.

    Bolobo.

    Ibaka

    et

    son chapeau.

    Relation

    ethnographique

    sur

    les

    peu-

    plades

    B-U'anzi.

    Funrailles

    de

    Mpoki.

    ^^^^^s^^^u

    jour

    oii

    Hanssens

    fut investi

    du

    commandement

    effectif

    de

    l'expdition

    du

    Congo, il

    se

    cra

    une besogne

    sa

    taille:

    il

    tenta

    rsolument

    vers

    l'intrieur

    une

    entreprise

    dans

    laquelle

    Stanley

    lui-mme

    avait prcdemment

    chou.

    ^J^SvSii^Ss^

    Aprs

    avoir

    assur

    l'tablissement

    d'une route

    suivant

    la

    rive

    mridionale

    du

    Congo

    entre

    Manyanga

    et le Stanley-Pool,

    pacifi

    les

    territoires

    riverains

    situs entre

    ces deux points, conclu

    de,

    del,

    grce

    l'loquence

    de sa

    parole

    persuasive

    ou

    au

    triomphe

    de

    ses

    armes,

    LES BELGES.

    III.

    4

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    34/533

    26

    CHAPITRE DEUXIME

    des

    traits

    d'alliance et

    d'amiti

    avec les

    chefs

    des

    tribus qui habitent cette

    partie

    de la

    lijine

    d'oprations de

    la

    Socit

    internationale,

    Hanssens

    s'ap-

    prtait, en octobre

    1SS2,

    visiter les domaines

    des sauvages Bayanzi.

    Le 6

    octobre,

    le

    capitaine

    transmettait

    Janssen

    l'ordre de rechercher

    dans son district des

    ngres

    capables

    de servir

    de

    guides

    et

    d'interprtes

    une

    expdition

    dirige

    vers

    le Nord.

    Janssen

    connaissait les murs

    peu hospitalires des

    Ba3'anzi,

    et

    d'autre

    part

    il

    savait

    que

    Gobila

    tait

    oppos

    l'tablissement d'une

    succursale

    des

    blancs

    en

    amont

    de

    Msuata, succursale qu'il

    considrait

    comme

    nui-

    sible

    ses

    propres intrts.

    Incapable

    cependant de

    reculer

    devant

    l'excution

    d'un ordre

    reu,

    Janssen se

    mit en

    qute

    de

    recrues indignes.

    Il manda Gobila

    et

    les notables

    du village,

    et

    leur

    exposa dans

    une

    pala-

    bra

    mouvante

    les projets d'un

    nouveau Boula

    Matari,

    dont

    le nom

    et les

    aventures

    audacieuses

    danslebisetlemoyen

    Congo

    servaient dj de

    thme

    de merveilleuses

    lgendes

    parmi les ngres.

    La

    confrence

    eut

    lieu

    dans

    la

    soire du

    8 octobre.

    Gobila

    et

    sa suite, reus

    avec plus

    d'honneui's

    et d'affabilit

    encore

    que

    d'habitude,

    taient

    runis dans

    la

    chambre

    coucher du chef

    de la station.

    Un temps

    pouvantable

    avait

    empch

    de tenir

    la

    palabra

    l'extrieur.

    Le

    vent

    soufflait

    draciner

    les arbres

    et

    couvrait de

    sa

    voix

    puissante

    les roulements ininterrompus

    du tonnerre.

    On

    tait

    alors

    en pleine

    saison

    des

    grandes pluies.

    Janssen,

    assis

    sur une

    caisse

    bagages en

    face

    de

    Gobila

    accroupi

    la

    turque sur la

    magnifique

    couverture de voyage

    au

    tigre

    brod,

    emplo3-ait

    depuis

    une

    demi-heure

    toutes

    les

    ressources

    du

    langage

    persuasif

    pour

    dterminer l'assistance

    lui prter son

    appui dans

    la

    conjoncture

    prsente.

    Ses

    meilleurs

    arguments

    taient

    successivement

    combattus

    par

    les

    divers

    orateurs

    de

    la

    suite

    de

    Gobila

    :

    Nous

    ne

    connaissons pas Boula

    Matari II, disait

    l'un;

    comme

    vous,

    il

    est

    peut-tre

    bon;

    peut-tre

    aussi

    comme vous veut-il notre

    bonheur,

    mais

    son intention n'est-elle

    pas

    d'aller

    btir une

    ville

    chez

    les

    Ba\'auzi,

    nos

    traditionnels

    ennemis

    ? N'ira-t il

    pas

    vendre

    lui-mme

    aux

    tribus

    de

    notre

    voisinage

    les

    marchandises

    du mpoutou

    que

    nous obtenons

    directe-

    ment

    de

    vous

    aujourd'hui,

    et

    que nous leur

    revendons avec de gros

    bn-

    fices.^

    Toutes

    ces

    suppositions

    sont

    craindre;

    aussi

    nous

    dfendrons

    nos

    amis,

    nos

    frres,

    nos

    enfants,

    nos

    esclaves, de

    guider

    le

    nouveau

    mundel sur

    les

    terres

    des

    Bavanzi.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    35/533

    LES BELGES

    DANS L'AFRIQUE

    CENTRALE

    27

    Eh

    bien,

    rpliqua

    Janssen,

    j'admets

    vos

    tisitations

    accorder

    des

    guides

    Boula

    Matari II; mais je vous

    demande

    en

    mon nom

    personnel

    de me confier

    une

    escorte.

    Vous

    me

    connaissez; je suis

    pour

    vous

    tous

    le.

    bon Souzou M'Pemb,

    le fils de votre

    mlou

    Gobila;

    je vous

    promets de

    suivre vers le

    Nord

    mon frre blanc

    et

    d'user

    auprs

    de lui de toute

    mon

    influence

    pour

    qu'il ne prenne

    avec

    les Bayanzi aucun arrangement

    prju-

    diciable

    vos

    droits

    et

    vos

    intrts.

    Vous avez

    bien parl, exclama

    Gobila.

    Je

    tiendrai

    votre

    disposition

    mes

    interprtes les plus fidles.

    Ils

    vous

    conduiront auprs de mon

    confrre

    de

    Tchoumbiri,

    le

    roi Monkouala;

    et

    plus loin,

    l'endroit

    o

    le grand

    fleuve

    s'largit,

    dans les domaines

    d'Ibaka,

    fier

    makoko

    de

    Bolobo.

    La

    palabra

    se

    termina

    sur ces bonnes promesses.

    Janssen,

    fidle

    aux

    traditions,

    fit

    verser

    aux

    assistants

    des rasades de

    gin;

    on

    buta

    l'amiti,

    la fraternit de Gobila

    et

    de

    Janssen,

    on continua

    sans

    toaster

    faire de

    copieuses

    libations

    ;

    puis un membre de

    l'assistance

    improvisa sur

    le rythme

    monotone des reirains africains

    une

    ballade

    en

    l'honneur

    de Souzou

    M'Pemb.

    Au

    dehors

    l'orage

    continuait

    avec

    une

    violence inoue;

    le

    crpuscule

    qui

    commenait,

    rendait

    plus

    vives

    et

    plus

    terribles les incessantes

    lueurs

    des

    clairs.

    Janssen

    alluma une bougie,

    supporte par le traditionnel

    bougeoir de

    l'explorateur

    africain ;

    le

    goulot d'une bouteille vide.

    Pendant

    ce temps, le

    noir

    improvisateur

    emplissait

    des clats

    de

    sa

    voix

    l'troite

    chambre

    o les

    confrenciers

    ronflaient, cuvant

    leur gin, dans

    les

    pauses

    les plus

    diverses

    et

    les

    plus

    imprvues.

    Janssen

    maudissait

    dans

    son

    for

    intrieurl'idequ'ilavaiteuedeprocurer

    ces

    fieffs

    ivrognes

    le moyen

    de

    s'alcooliser dans son appartement

    priv.

    Il

    songea

    un

    moment

    appeler ses

    serviteurs

    pour

    emporter

    un un les

    htes

    encombrants

    de sa chambre

    coucher, mais

    il

    faisait

    un

    temps

    ne

    pas

    mettre

    un

    chien

    la porte.

    Janssen

    laissa

    donc le champ

    libre

    Gobila et

    ses

    conseillers

    engourdis

    par

    l'ivresse,

    prit

    son

    bougeoir

    et

    s'installa pour le reste de la

    nuit

    dans

    la

    pice

    voisine.

    Dormir

    n'tant

    pas

    possible avec le

    concert

    infernal

    excut

    par

    les

    ronfleurs,

    le

    jeune

    pionnier,

    que

    n'inquitaient

    pas

    les

    nuits

    blanches,

    disposa

    sur

    le

    semblant

    de table

    manger

    faisant

    au besoin

    fonc-

    tion

    de bureau,

    tout

    ce qu'il fallait pour

    crire.

    Depuis

    plusieurs

    jours,

    ses

    occupations

    absorbantes

    ne lui

    avaient

    pas

    laiss

    le

    loisir

    de

    causer

    avec

    les siens.

    Mais

    l'extrieur

    l'orage

    tait loin

    de se

    calmer;

    la pluie

    tombait

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    36/533

    CHAPITRE DEUXILME

    bru3'amment

    en

    larges

    gouttes sur

    la

    toiture de

    paille

    . le vent s'engouffra

    violemment

    a

    travers

    les

    volets mal

    joints

    des fentres

    et

    teignit la lumire

    du

    veilleur.

    Dcidment

    Janssen

    devait

    cette

    nuit-

    l passer par

    toutes

    les

    petites mi-

    sres rserves

    aux

    voyageurs

    dans l'Afrique centrale.

    Faisant

    nanmoins

    contre

    vilaine

    nuit

    bon

    cur, le sous-lieutenant

    laissa,

    en dpit

    du

    vacarme, courir

    son

    imagination

    travers

    les

    mirages

    de

    l'avenir.

  • 7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III

    37/533

    LES

    BELGES DANS

    L'AFRIQUE CENTRALE

    deux

    engins, indispensables

    la locomotion

    du

    bateau

    et

    qu'il tait

    impos-

    sible

    de

    fabriquer dans

    l'Afrique centrale,

    il

    fallait attendre

    plus

    de trois

    mois pour

    pouvoir les

    remplacer.

    Hanssens

    avait

    dispos

    d'une

    allge fond

    plat, mise en

    mouvement

    par

    huit rameurs. Cette

    embarcation, lourdement

    charge,

    contrarie

    par

    le vent

    et

    par le

    courant,

    avait difficilement accompli

    le

    trajet.

    En

    maints

    passages

    du

    fleuve

    o la violence

    du

    courant

    prsentait un

    obstacle

    insurmontable

    aux

    huit

    rameurs, les

    hommes

    de l'quipage

    avaient

    t

    obligs de se jeter

    l'eau,

    pour

    aller

    attacher un

    fort

    cble

    l'un

    des gros

    arbres de la rive,

    et

    haler ainsi

    l'embarcation. Ce

    mange

    frquemment

    renouvel occasionna

    une

    perte

    de temps

    considrable.

    Dans

    ce voj'age,

    le

    capitaine

    Hanssens

    tait

    accompagn de AL

    Boulanger,

    un

    Franais, agent

    de

    l'Association internationale.

    Ds

    son

    arrive

    Msuata,

    le

    capitaine Hanssens

    accomplit spontanment

    une

    partie des

    rves

    de

    Janssen

    :

    M.

    Boulanger fut dsign pour

    remplacer

    par

    intrim le

    suus-lieutenant dans

    le

    commandement

    de la

    station;

    Janssen

    accompagnerait le capitaine

    au pays d'amont.

    Le

    dpart

    des

    explorateurs fut retard jusqu'au

    23

    octobre.

    Le

    18,

    Hanssens utilisa son

    sjour

    Msuata

    en

    inspectant

    minutieuse-

    ment

    la

    station, dont

    l'installation

    lui

    parut

    merveilleuse.

    Il

    Rien

    ne

    vous manque

    ici.

    disait-il

    son

    jeune

    compatriote;

    cuisines,

    fourneaux,

    fours, magasins,

    arsenal, et

    voire

    mme,

    luxe

    inconnu

    jusqu'ici

    dans

    les

    stations

    africaines,

    des water-closets

    btis

    en

    torchis.

    Comment

    avez-vous

    fait

    pour

    arriver ces

    surprenants

    rsultats,

    en si

    peu

    de

    mois

    et