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Juin 2016 - numéro 45 Lettre d'info éditée par l'A.N.G.S.F. - Directeur de publication : S. Laurent - Rédacteur en chef / Conception : C. Gilberton A.N.G.S.F. | 4/75, place de Gaulle - 57155 Marly | Tél. 03 87 69 01 80 | [email protected] | www.grandsentierdefrance.org cieux heurte les épicéas et tourne, agaçant, recherchant une ouver- ture propice à ses cavalcades. Parfois, je m'abrite sous la façade des chalets qui jalonnent mon cheminement. La plupart sont dotés d'un toit en auvent, utile pour échapper à quelques grains désagréa- bles mais, désertés en hiver, leurs volets sont encore clos sur leurs embrasses fermés . Ils attendent la saison estivale pour ouvrir les yeux après leur long sommeil nivéal, sans doute vers la mi-juin. Après les Combettes, la montée s'atténue avançant presque rectili- gne entre deux bandelettes de prés, contenant les lisières veloutées où traînent quelques congères. Une aire aménagée pour le pique- nique m'invite à me reposer quelques instants, juste avant les cha- lets de Joux-Plane éparpillés dans une prairie à 1483 mètres d'alti- tude puis la route étroite se hisse vers le col du Ranfolly enlaçant la Tête des Crêts à 1661 m. Je peine en raison de cette lombalgie plus aiguë, plus vivace qui m'assaille sans pitié. Tout l'enchante- ment du cadre qui m'entoure ne parvient plus à me distraire de mes tourments et imperceptiblement, la randonnée se transforme en un véritable calvaire. Je parviens toutefois au col de Joux-Plane, serti dans un vrai décor de carte postale. Le petit lac est encore encombré par les glaces. Un gros édredon de nuages coiffe la Pointe de Chamossière et devant moi, derrière une sorte de rideau argenté encerclant les lieux, je devine l'immense vide de la vallée du Giffre, une sorte de gouffre invisible, insondable, un univers fantasma- gorique dont j'aborde les riva- ges mystérieux, comme attiré par une force inéluc- table et salvatrice. Je suis à la porte d'un océan de vagues blanches dont les maelströms tourbillonnent et me happent. Je suis Orphée aux portes de l'enfer ou du paradis ! Suis-je au purgatoire avec son lot de souffrance, frêle humain face à la vision d'un monde dantes- que dont je ne peux mesurer la profondeur et la vastitude sous ces volutes de vapeur ? Un souffle glacial me saisit et je me précipite sans attendre dans cette descente dont ma seule certitude est de trouver là, en bas, un havre, un repos, une accalmie, une bienfaisance et quelques pré- sences rassurantes et réconfortantes. La route à découvert descend, rectiligne au début. Elle s'émaille d'un chapelet de chalets d'estive, modestes édifices souvent consti- tués, actuellement, de tôles et de bois, privés de vie et d'activité. La descente s'avère facile et la distance à parcourir se chiffre à 10 Les aventures de Serge sur le G.S.F. Jeudi 6 mai 1999 - 68 e jour A 08 h 30, très inquiet de mon état de santé, je quitte mon havre douillet pour Morzine, situé à 2 km 500. Des haillons de cirrus pluvieux se déchirent le long des pentes environnantes, sur les massifs rocheux les plus bas et les plus boisés. Ils projettent quel- ques volées de gouttelettes au fond des vallées mais à haute alti- tude, le ciel est dégagé, bleu et clair avec un léger moutonnement de cirro-cumulus. Sur les sommets les plus élevés, la neige semble avoir été rafraî- chie dans la nuit. La D228, tracée en zone périurbaine, longe la Dranse qui m'accom- pagne de son bruissement immuable, plus impérieux en ces temps de fontes printaniè- res. Je profite de mon passage en ville pour effectuer quelques provisions de route et je me décide à cheminer sur la D354 qui me paraît plus appropriée pour me rendre dans la jolie station touristi- que de Samoëns. La voie par Avoriaz n'est pas recommandée, compte tenu de mon douloureux handicap. Elle est plus longue et elle présente trop de difficultés puisque les chemins de montagne de ce secteur sont impraticables à cette altitude. A cette époque, le col de Joux Plane est fermé au trafic routier mais accessible à pied dans de bonnes conditions. Cet axe serait même des plus agréables si ce n'était le mal qui me harcèle et qui m'empêche d'apprécier pleinement les paysages magnifiques et sauvages qui m'entourent. Dans le grand virage en belvédère surplombant le site de la cas- cade de Nyon, je suis littéralement fasciné par cette nature expo- nentielle et exubérante émergeant à chaque pallier gravi, plus gran- diose et plus attirante. La vallée se resserre puis s'élargit. Le paysage se développe, recouvert de résineux s'amassant en bos- quets à la densité variée. L'air est vif. Les hauteurs se débarbouil- lent de leurs barbes ouatées, éthérées et humides. Un vent capri-

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Page 1: Les aventures de Serge sur le G.S.F. · Lettre d'info éditée par l'A.N.G.S.F. ... Je fais la connaissance d'un jeune homme sympathique ... d'affaire. Je bénéficie d'une

Juin 2016 - numéro 45

Lettre d'info éditée par l'A.N.G.S.F. - Directeur de publication : S. Laurent - Rédacteur en chef / Conception : C. Gilberton

A.N.G.S.F. | 4/75, place de Gaulle - 57155 Marly | Tél. 03 87 69 01 80 | [email protected] | www.grandsentierdefrance.org

cieux heurte les épicéas et tourne, agaçant, recherchant une ouver-ture propice à ses cavalcades. Parfois, je m'abrite sous la façade des chalets qui jalonnent mon cheminement. La plupart sont dotés d'un toit en auvent, utile pour échapper à quelques grains désagréa-bles mais, désertés en hiver, leurs volets sont encore clos sur leurs embrasses fermés . Ils attendent la saison estivale pour ouvrir les yeux après leur long sommeil nivéal, sans doute vers la mi-juin. Après les Combettes, la montée s'atténue avançant presque rectili-gne entre deux bandelettes de prés, contenant les lisières veloutées où traînent quelques congères. Une aire aménagée pour le pique-nique m'invite à me reposer quelques instants, juste avant les cha-lets de Joux-Plane éparpillés dans une prairie à 1483 mètres d'alti-tude puis la route étroite se hisse vers le col du Ranfolly enlaçant la Tête des Crêts à 1661 m. Je peine en raison de cette lombalgie plus aiguë, plus vivace qui m'assaille sans pitié. Tout l'enchante-ment du cadre qui m'entoure ne parvient plus à me distraire de mes tourments et imperceptiblement, la randonnée se transforme en un véritable calvaire. Je parviens toutefois au col de Joux-Plane, serti dans un vrai décor de carte postale. Le petit lac est encore encombré par les glaces. Un gros édredon de nuages coiffe la Pointe de Chamossière et devant moi, derrière une sorte de rideau argenté encerclant les lieux, je devine l'immense vide de la vallée du Giffre, une sorte de

gouffre invisible, insondable, un univers fantasma-gor ique dont j'aborde les riva-ges mystérieux, comme attiré par une force inéluc-table et salvatrice. Je suis à la porte d'un océan de vagues blanches

dont les maelströms tourbillonnent et me happent. Je suis Orphée aux portes de l'enfer ou du paradis ! Suis-je au purgatoire avec son lot de souffrance, frêle humain face à la vision d'un monde dantes-que dont je ne peux mesurer la profondeur et la vastitude sous ces volutes de vapeur ? Un souffle glacial me saisit et je me précipite sans attendre dans cette descente dont ma seule certitude est de trouver là, en bas, un havre, un repos, une accalmie, une bienfaisance et quelques pré-sences rassurantes et réconfortantes. La route à découvert descend, rectiligne au début. Elle s'émaille d'un chapelet de chalets d'estive, modestes édifices souvent consti-tués, actuellement, de tôles et de bois, privés de vie et d'activité. La descente s'avère facile et la distance à parcourir se chiffre à 10

Les aventures de Serge sur le G.S.F.

Jeudi 6 mai 1999 - 68e jour

A 08 h 30, très inquiet de mon état de santé, je quitte mon havre douillet pour Morzine, situé à 2 km 500. Des haillons de cirrus pluvieux se déchirent le long des pentes environnantes, sur les massifs rocheux les plus bas et les plus boisés. Ils projettent quel-ques volées de gouttelettes au fond des vallées mais à haute alti-tude, le ciel est dégagé, bleu et clair avec un léger moutonnement de cirro-cumulus. Sur les sommets les plus élevés, la neige semble avoir été rafraî-chie dans la nuit. La D228, tracée en zone périurbaine, longe la Dranse qui m'accom-pagne de son bruissement immuable, plus impérieux en ces temps de fontes printaniè-res. Je profite de mon passage en ville pour effectuer quelques provisions de route et je me décide à cheminer sur la D354 qui me paraît plus appropriée pour me rendre dans la jolie station touristi-que de Samoëns. La voie par Avoriaz n'est pas recommandée, compte tenu de mon douloureux handicap. Elle est plus longue et elle présente trop de difficultés puisque les chemins de montagne de ce secteur sont impraticables à cette altitude. A cette époque, le col de Joux Plane est fermé au trafic routier mais accessible à pied dans de bonnes conditions. Cet axe serait même des plus agréables si ce n'était le mal qui me harcèle et qui m'empêche d'apprécier pleinement les paysages magnifiques et sauvages qui m'entourent. Dans le grand virage en belvédère surplombant le site de la cas-cade de Nyon, je suis littéralement fasciné par cette nature expo-nentielle et exubérante émergeant à chaque pallier gravi, plus gran-diose et plus attirante. La vallée se resserre puis s'élargit. Le paysage se développe, recouvert de résineux s'amassant en bos-quets à la densité variée. L'air est vif. Les hauteurs se débarbouil-lent de leurs barbes ouatées, éthérées et humides. Un vent capri-

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kilomètres. Peu à peu, la couche nuageuse qui s'était intensifiée se désagrège, se morcelle. J'aperçois la belle vallée du Giffre, la pyra-mide de l'aiguille du Criou. Dans le lointain, l'énorme barrière du Mont Ruan, étincelant de sa muraille immaculée, semble soutenir les voûtes du ciel de toute la puissance de sa construction. C'est le château des titans. Dans mon enfance, j'ai effectué deux séjours à la colonie de vacan-ces S.N.C.F. du Vercland partagée entre le chalet du bas et celui des Saix. C'est avec nostalgie que je vais revoir cette jolie station touristique proposant ses services toute l'année. Elle s'étale à mes pieds comme une thébaïde et j'espère bénéficier ici des soins ap-propriés et une occasion de prendre du repos. Je dispose d'un laps de temps considérable puisque les cols alpins ne seront accessibles que vers la mi-juin. Les 26 kilomètres accomplis, même effectués dans de bonnes conditions, ont aggravé le mal qui me taraude. La douleur est in-supportable et je n'ai qu'une préoccupation, dénicher rapidement un refuge. Le gîte du Couadzous m'accueille et je me débarrasse de ma charge avec soulagement en prenant possession d'un conforta-ble dortoir. Je fais la connaissance d'un jeune homme sympathique tout heureux d'avoir obtenu un emploi saisonnier au bar de la place et qui réside provisoirement dans les lieux.

Vendredi 7 mai 1999 - 69e jour

Après une nuit passée sous calmant pharmaceutique, aucune amé-lioration de mon état de santé ne se fait sentir. Je suis à demi para-lysé et je reste allongé sur mon lit, hésitant à faire le moindre mou-vement. Vers midi, j'éprouve assez de courage pour effectuer une petite visite au centre-ville, immortaliser quelques prises de vue dans l'objectif et m'attabler à la terrasse du café où je retrouve mon compagnon de chambre, très satisfait d'avoir été embauché en qua-lité de serveur. L'après-midi ne me laisse aucun répit et mon calvaire se prolonge avec cette vigoureuse algie dont je m'interroge sur la cause. Cédant aux circonstances, je me résous à contacter ma belle-sœur, une chamoniarde de longue date. Accompagnée de son amie Nicole M., elle me récupère à la fin de la journée et m'offre son hospitalité. La bonne samaritaine mérite ma plus pro-fonde reconnaissance. Sans son intervention, mon aventure se serait achevée ici, sans espoir et sans recours. Je reviendrai à Sa-moëns dès que je serai rétabli pour reprendre mon périple à l'endroit même où l'infortune m'a stoppé.

Samedi 8 et dimanche et 9 mai 1999 - 70e et 71e jours

Ma seule consolation est de me retrouver providentiellement en famille, aux bons soins de Solange, ma belle-sœur, de son amie Nicole et de maître François …, incomparable montagnard, viscé-ralement attaché à sa vallée mythique. Ce week-end, ils me propo-sent de rendre visite à ma fille Valérie … et à son époux, Mauro, qui résident dans la vallée d'Aoste, de l'autre côté du tunnel du Mont-Blanc. Elle est surprise, étonnée de ma présence inattendue au milieu de cette fête conviviale. Nous avons passé la nuit à Cour-mayeur chez un ami antiquaire. Le dimanche est propice pour le consacrer à une balade bucolique à travers les prairies émaillées de fleurs, bercés par la voix des torrents d'olivine batifolant sous un soleil éclatant. Le joli village italien de La Salle vêtu de pierres et de lauzes se sèche sous les rayons brûlants. Une cascade toute proche gronde et écume en projetant mille perles d'argent pour ouvrir l'éventail de son arc-en-ciel. Il émane de ce décor calme toute la sérénité d'un paradis à l'abri des tourments de l'homme mais ceux-ci se ravivent et rendent cauchemardesque cette balade qui aurait du être des plus agréables.

Lundi 10 mai 1999 - 72e jour

Je vais enfin pouvoir consulter chez un rhumatologue. Dans cette ville olympique, je n'aurai sans doute pas de mal à mettre mon espérance entre les mains de quelques spécialistes aptes à me tirer d'affaire. Je bénéficie d'une injection dans la fesse par le spécialiste auquel j'ai rendu visite mais cette médecine, pour mon malheur, amplifie la douleur à un degré démentiel. L'aiguille a-t-elle touché le nerf sciatique ? Je suis terrassé, accablé, impotent, incapable de me déplacer verticalement ou horizontalement. Avec Solange et Nicole, mes infirmières fidèles, nous faisons l'acquisition de bé-quilles mais plus rien désormais n'est en mesure de soulager la terrible souffrance qui me foudroie avec une violence soudaine et impitoyable.

Mardi 11 mai au jeudi 20 mai 1999 - 73e au 82e jour

Durant cette période, aucune amélioration de mon état ne se pro-duit. Le mal empire, s'irradiant d'une façon implacable le long de la jambe gauche, de la fesse jusqu'au mollet. Quelques séances chez le kinésithérapeute s'avèrent stériles et m'occasionnent plus de maux que de soulagement. Le spécialiste m'avoue son impuis-sance. Il arrête les massages et les manipulations qui sont devenues de véritables séances de torture. Il m'accorde la gratuité de ses interventions. Mon cas paraît désespéré et mon moral est plus bas que mes chaussures.

Vendredi 21 mai au dimanche 30 mai 1999 - 83e au 92e jour

Mon supplice s'est encore intensifié. Une transpiration abondante en résulte qui humecte mon front. Un ami de Solange accepte de me transporter au centre hospitalier de Sallanches où je suis immé-diatement admis en médecine. Pourquoi dans ce service ? La ques-tion reste toujours sans réponse. Ce qui est tangible, c'est que je ne suis plus maître de mon destin. Seule l'affliction présente occupe tout mon esprit et mon corps. Pour me soulager, les infirmières décident de me placer sous perfusion permanente qui me distille un mélange de morphine et de cortisone. Je ne peux remuer ou me

déplacer sans l'aide de mes infirmières. Les heures et les jours vont s'écouler ainsi, grigno-tant un pan de ma vie devenue inutile. Nicole et Solange se relaient par me rendre visite, m'apportent des friandi-ses et leur présence consolante. Sans leur dévouement, je me sen-

tirai aussi abandonné que Robinson Crusoé sur son île. Je suis transformé en gisant de pierre, une momie contemplative de son existence. L'examen radiologique ne révèle aucune anomalie dans ma constitution : nulle fracture, nulle fêlure, nulle déchirure. Je suis dans l'expectative, interrogateur privé de réponse, à la merci d'un grand désarroi. Les médecins passent, sans plus, à mon chevet et lors de leurs rares visites, ils sont aussi muets que des poissons, avares d'information sur ce qui m'arrive. Le scanner, lui aussi, n'a rien indiqué. Personne, qu'ils soient humains ou machines, ne sem-blent capables de m'apporter un diagnostic, encore moins une thé-rapeutique susceptible d'apporter une guérison, d'analyser les cau-ses provoquant de tels effets désastreux. Le chef de service, laconi-que en la matière, se résout pourtant à me glisser à l'oreille que je suis bien amoché. C'est très rassurant ! Pour tout mon entourage, proche ou éloigné, mon aventure extra-vagante s'achève ici, sur ce lit d'hôpital. Ceux qui me suivent de-puis mon départ, à Metz, estiment par avance que ma randonnée est terminée, le projet d'un tour de France à pied enterré, sans pos-sibilité d'une issue favorable. Le masseur qui s'occupe de ma per-sonne une fois par semaine constate qu'un nerf s'est déplacé dans la zone des sacro-iliaques, révélé par une petite bosse. Il essaie, avec précaution, de le remettre en place. Je ressens un léger soulagement. Il doit revenir le lendemain

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L'Histoire aux pas du G.S.F.

Samoëns - Découverte et patrimoine

Au cœur des Préalpes du Nord, entouré de sept alpages montagneux, sur le torrent du Giffre, au pied de l'aiguille du Criou, aux portes du cirque du Fer-à-Cheval, le charmant village savoyard demeure l'une des inoubliables étapes sur le Grand Sentier de France. Centre touristi-que hivernal et estival renommé, cette vaste commune appartenait autrefois aux sieurs de Faucigny.

Au cours de la guerre opposant les Bourguignons et les Suisses, vers le 10 juin 1476, les troupes confédérées de Berne et de Lucerne pas-sent le col de Joux-Plane pour incendier le bourg de Samoëns et détruire le château de Tornaltaz situé sur la partie supérieure du jardin bo-tanique alpin de la Jaÿsinia. Samoëns est la patrie de la confrérie des célèbres tailleurs de pierre ou "frahans" dont l'origine remonte aux empereurs romains. Connus dans toute l'Europe, leurs ouvrages ont traversé les siècles sous forme d'hôtels de ville, de bâtiments publics, de forts de Vauban, de canaux napoléoniens.

La commune est considérée comme l'une des capitales mondiales de la spéléologie. En effet, en 2004, le gouffre Mirolda, situé dans les environs des chalets du Criou, est connu pour avoir été, de 2003 à 2012, la cavité la plus profonde du monde, avec ses 1733 mètres de déni-velée. Je me souviens qu'à l'âge de 8 ans, durant mes séjours à la colonie de vacances du Vercland, nous allions visiter une caverne nommée "la grotte de l'Ermoy" au pied de l'énorme piton du Criou où, derrière une paroi fermée, nous écoutions les grondements d'une cascade invisi-ble perforant la roche.

Situé sur la montagne du Folly, entre le refuge du Folly et le lac de Chambres, le gouffre Jean Bernard, exploré par le groupe spéléologique associatif "Vulcain" de Lyon, avec ses 1602 mètres de descente fait également partie des plus profondes cavités du monde. Le patrimoine septimontain est aussi riche qu'attrayant. Le Gros tilleul sur la place centrale donne un ombrage apprécié par temps de cani-cule ainsi que la vieille halle de la Grenette datant du 16e siècle. La fraîcheur provient de la fontaine aux quatre becs de bronze appelés "Bournaux", située à proximité de l'église Notre-Dame-de-l'Assomption, riche de son décor intérieur et de son remarquable balcon en bois sculpté.

Le jardin botanique alpin de la Jaÿsinia, inauguré en 1906, est un des jardins remarquable classé de France. Il a été offert à la municipalité par Marie-Louise Jay, née à Samoëns, première vendeuse du grand magasin Le Bon Marché à Paris qui, ayant épousé Ernest Cognacq, sera avec lui la cofondatrice du magasin de la Samaritaine. Sur la pente rocailleuse aménagée entre 1905 et 1906 par l'architecte Jules Allemand, la flore issue de cinq continents comprend 8000 plantes présentant 4500 espèces et variétés poussant dans les montagnes ou dans les pays froids. Le décor est idyllique, une sorte d'éden où se multiplient les cascades, les mares, les ruisseaux, des lapiaz, des rochers où s'ac-crochent des arbres divers et des futaies épaisses où sinuent les sentes escarpées et les allées au calme ombragé.

pour traiter avec plus d'attention la partie endolorie mais, affecté à l'autre hôpital de Chamonix, je ne le reverrai jamais. Ma situation stagne, perdure, ne s'améliore aucunement et entre les murs où je végète et me morfonds, je ne connais toujours pas les raisons qui me font traver-ser une si cruelle épreuve. Je me languis, je m'amenuise, je m'ankylose et l'urne contenant tous mes espoirs se vide un peu plus chaque jour. La désespérance est comme un abîme où l'on perd pied. Si j'échoue maintenant dans mon entreprise, je n'aurai jamais le courage de repartir par la suite. Un compagnon de misère est venu me tenir compagnie dans mon malheur. Il a été victime d'un arrêt cardiaque sur le plateau de Passy. C'est un véritable miraculé. Il s'en est tiré sans séquelle et son séjour à mes côtés a été de courte durée. Il est reparti bien vite sur ses deux jambes, vaillant et bien portant. Je suis de nouveau seul, submergé de rage et de déconvenue. Le mois de mai, le joli mois de mai ex-pire et rien en ce moment ne me permet de définir une date pour quitter cet hôpital. La pièce dans laquelle je suis confiné me devient de plus en plus fade, hostile, un tombeau où finir mon existence. Paraître ou disparaître ! A vouloir construire un rêve pour des personnes qui ne comprendrons jamais rien aux motivations qui me guident, relève de l'utopie. Un trop grand projet personnel ne peut que porter ombrage aux esprits dont la vue ne dépasse pas les limites de leur cour inféodée à un collectivisme malsain et pernicieux. La liberté n'est que l'illusion qu'un faux décor déroule. C'est l'appât, le leurre où la proie mord par gourmandise pour servir à la sustentation de l'ordre établi qui déteste le particularisme de la génialité. Oui, il m'arrive de philosopher de mon sarcophage, de cette boîte où, plus mort que vif, j'attends ma délivrance ! J'essaie d'écrire quelques poésies mais mal inspiré, je renonce même à l'art où j'excelle, trop confiné dans mon pitoyable sort et préoccupé par l'échec qui se profile à l'horizon de ma fenêtre.

Retrouvez toutes les aventures de Serge Laurent sur http://sergelaurent.grandsentierdefrance.org

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Le Grand Sentier de France, c'est cent cinq kilomètres sur le Champ de Bataille de Verdun

Si le monde entier connaît Verdun et la bataille emblématique qui porte son nom, c'est que des milliers de jeunes sont ensevelis dans cette terre sacrée qui n'appartient ni aux politiques, ni aux militaires, ni aux appropriations mercantiles ou spéculatives, ni à qui que ce soit d'ins-titutionnel qui voudraient se l'approprier pour quelque raison que ce soit, autre que le respect qui lui est dû.

Ici règne l'absolu du sacrifice ultime de plusieurs générations disparues pour avoir mené la der des der, le dernier combat qui devait délivrer le Monde de toutes les guerres.

Le 29 mai 2016, l'ossuaire et son immense cimetière ont reçu la visite de 3400 filles et garçons des deux nations qui se sont affrontées en ces lieux. Ils sont venus apporter la vie et leurs couleurs en ce lieu de mort. La scénographie du grand réalisateur Volker Schlöndorff, auteur du film "Le Tambour" était profondément émouvante, évocatrice, digne et d'un symbolisme approprié et louable.

Au moment où tous ces coquelicots, ces bleuets, ces pâquerettes se figent pour laisser passer la mort, l'implacable faucheuse. Eh bien oui, moi, le vieil adjudant-chef, fier de sa médaille militaire, j'ai roulé quelques larmes sur ma joue parce que je savais en mon coeur ce qui était dit et exprimé à cet instant ! Les Poilus, où qu'ils soient, ont entendu ces pas légers, ce frémissement, ces murmures et ces voix où les enfants de deux peuples réconci-liés viennent leur dire : oui, nous sommes là, comme un bouquet de fleurs apporté par le vent de la paix, nous sommes venus nous poser près de vous parce que nous avons, avec vous, des liens charnels empreints de reconnaissance. La grandeur de l'esprit humain doit puiser sa puissance à votre exemple, à vos souffrances, dans votre souvenir pour qu'il demeure immor-tel. Il ne saurait être ébréché par quelques polémiques mesquines et inappropriées. Il faut, pour bercer vos âmes, plus que des prières. C'est la promesse de vivre comme vous l'avez espéré pour vos familles : c'est-à-dire avec un avenir.

Aux disparus

Eparpillés dessous une terre infertile, Dissous sans une tombe et sans un monument,

Nos corps ont disparu dans le dénuement, Mais de tous nos combats, rien ne fut inutile.

Se souvient-on de nous dans ce monde futile ? L'horreur au quotidien, fut notre enterrement

Et la désolation, notre seul ornement. Nos os parlent pour nous quand l'oubli nous mutile.

Sous les bois, aux sillons imprégnés de nos âmes,

Que ce soit à Verdun comme au Chemin des Dames, Ecoutez le silence aux trilles des oiseaux.

Voyez ces trous d'obus où penchent les roseaux.

Ces blessures du sol où puisent leurs racines, De nos fosses, sans bruit, ils tressent les fascines.

Quand notre Champ d'honneur s'ouvre à tous les drapeaux

Nous regardons le ciel et sa paix nous fascine.

Serge LAURENT Petit-fils de Victor

Poilu au 152e régiment des Diables Rouges

Euh ! Euh ! Elle ! Vé Qu'est-ce que c'est que ce binz ? Nous suivre…

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