l'eglise abbatiale du ronceray...

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L'ÉGLISE ABBATIALE DU RONCERAY D'ANGERS ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE PAR Eugène LEFtVRE-PONTAL1S IJIRECTRUR OR LA SOCIÉTii FRANÇAISE »'ARCHÉOLOGIE PROFESSEUR A L ' ÉCOlE. DES CHARTES MEMBRE DE lA COMMISSION DES MONUMENTS HISTORIQUES CAEN HENRI I)ELESQUES, IMPRIMEUR-ÉDITEUR /4 34, RUE I)oi.osoc, 1912 \%, Document D II!? liii III DO D D DUO - 0000005337354 'I

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L'ÉGLISE ABBATIALE

DU

RONCERAY D'ANGERS

ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE

PAR

Eugène LEFtVRE-PONTAL1SIJIRECTRUR OR LA SOCIÉTii FRANÇAISE »'ARCHÉOLOGIE

PROFESSEUR A L 'ÉCOlE. DES CHARTES

MEMBRE DE lA COMMISSION DES MONUMENTS HISTORIQUES

CAENHENRI I)ELESQUES, IMPRIMEUR-ÉDITEUR

/434, RUE I)oi.osoc,

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Extrait du Compte-rendu du LXX V1i Congrès archdotogquede Fronce,

Tenu en 1010, à Angers et Saumur.

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I.

L'ÉGLISE ABBATIALE

DU

RONCFRAY D'ANGERSÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE

Malgré son état lamentable, l'église abbatiale du Ronce-ray, qui marque une diapo dans l'histoire de l'architectureromane. est un édifice d'une importance capitale, commecelles de Bcaulieu-les-Loclies et de Saint-Étienne de Nevers,parce que son constructeur avait et(- capable de voûtertoutes ses parties vers la fin du XI' siècle. En outre, sesparticularités permettent de la rattacher aux origines del'école poitevine, dont l'influence rayonna sur toutes lesprovinces voisines. Avant d'analyser sa structure et dediscuter les dates de ses remaniements, il est utile dedépouiller les textes qui nous' donnent quelques points derepère historiques (1.).

(1) HIJIIJOGRAPIEIE, - Histoire Cailla chrisiiana, t. XIV, col. 695. -Mareb egay (Poil]) : Coi'i s las-in ,,s môs,usterji 1mo ta, Maria! ra rilatis A sick-gaveissis, dans les A s'chiues d'Anjou, t. lii, 1854, p. 1. - Lainai'.elinnd (A.): Noire-Daine-Angevine par Joseph Grande? (t 1724), 1884,p. 123. - Port(Céiestin): Dictionnaire historique, géographique et biogra-phique de Mairie-et-Loire, 1874, t. 1, s. 69. - Dosa l'ioii,i Étude surNoire-Danse de la Charité ou du Rouceray, dans la Revue d'Anjou,

4 L I6 LISE AffilA TIALE

Dès ic VI" sièck, une basilique mérovingienne dédiée à laVierge s'élevait au-des8us d'une crypte dans le faubourgd'Outre-Maine. Saint Melaine, archevêque de Rennes ycélébra la messe en 529, assisté de saint Aubin, évêqued'Angers, de saint Victor, évêque du Mans, de saint Land,évêque de Coutances, et de saint Mars, évêque deNantes (1).Au XI' siècle, cet édifice tombait en ruines, lorsque FoulqueNerra, comte d'Anjou, et sa femme Hildegarde résolurentde fonder l'abbaye de Notre-Dame de la Charité sur le mêmeemplacement. Le nom deRomiceray ne fut donné ;lit

qu'en 1527, après la découverte (l'une statue de laVierge, entourée par une ronce, dans la crypte actuelle, quifut déblayée à cette époque.

Le 14 juillet 1028, l'église abbatiale des Bénédictines futsolennellement consacrée par ]Tubert de Vendôme, évêqued'Angers (2). qui avait célébré trois ans p lus tôt la tIédi-cace de sa cathédrale. Foulque Nerra avait affecté quatreprêtres au service du culte, et il avait donné l'ordre de cou-server l'autel de la crypte primitive, célèbre par le souvenirde la messe (le saint Melaine (3). Après la mort du célèbrecomte d'Anjou, décédé le 2juin 1040 et inhumé et

XXIII, 1879, p. I et 169.— I3retnudeau (L'abbé) Notrc-Danie da Hou-

ceray. 1895. - Archéologie: D'Espinay Le Rnnceratj, dans le Congrés

archéologique d'Angers, 1871, p . 64. - Chapiteaux de in crypte du Ronce-

reg, (11,0$ le Bulletin Afo,,uuir.aial, 1875, p. 577. - Urseau (Le cha-

noine) Église abbatiale dii Roaati'riy, dans le Congrix araliéoÎoejujue

d'Anqers-Souh,tur, 1910, t. I, p . 207.

(1) Acta Sanctoruni, janvier, t. 1. p. 332.

(2) I-lnlpben : Recueil d'Annales angevines cl ucndônsoises, 3). :3 et 107.

- Marchdgay : CarmIn rinn', etc., dans les A raluves d'Anjou, t. III. P-3-

(3) « I-la ne honte Mn rie basi lien ni osque cd fa adu in crailla, 1, fondeparle nobili ''s rcd uxi mus cd in tegruni : reservato ta mao al ta ri q,todusque cd p resen tetil die ' ,, appnrcl desubtu s in eripti s in quo bec tus Mo-

le " lus in q und ragesi me cogite sacra tu Chrisli ra rpn i .e • il Issn aspi clii,

eieelo D p i A Ibi u o Vicia ri, Lau no, Maso eulogiain en rital j s cou I rad id iL

et bac banc causa u ad, liii, e bous iste 'in 'nets Ce ritati s optin LIII s. Ma r-

ctsegiy : Caj'tulariuni, etc., dans les Archive, d'Anjou, t. III, P. 1.

nu RONdIjRAY D'ANGERS 5

les-Loches, sa femme Hildegarde et son fils Geoffroy Martelfient d'importantes donations aux religieuses (1).

Comme les habitants de la foutre devenaient de jour enjour plus nombreux, la construction d'une église parois-siale sous le vocable de la Trinité devint une véritablenécessité. Agnès, femme de Guillaume Tête-d'Etoupe, con-tribun généreusement à cette oeuvre et l'édifice, bâti ausud-est de l'église abbatiale, fut consacré le 21 avril1062 par quatre évêques (2). En 1894, on n reconnu l'exis-tence de ses murs primitifs et de deux fenûtres romanesau nord, dans la cour de la sacristie.

L'incendie du bourg Sainte-Marie, qui eut lieu au com-mencement de l'année 1088 (3), suffit à expliquer la recons-truction presque totale do l'église du Rouceray, dont lemaître-autel futconsaeré le 7 septembre 1110 par Calixte Il.Le pape, qui s'était rendu à Fontevrault dL à Saint-Maur-de-Glanfeuil. se fit assister par les évêques d'Angers, de Léonet de Nantes, qui célébrèrent la dédicace de l'église après lamesse. lies reliques de saint

pancrace et de saint Gatien,

qui se trouvaient dans l'ancien autel, plus rapproché de lanef, furent transférées dans le nouveau, qui s'élevait aufond de l'abside (4). Vers le milieu du Xl10 siècle, l'absidiole

(I) Cari ,,Ioriurn, etc., dans let Archives d'Anjou, p. 5 et 7.(2) }lalpheit Rei:uril d'Annales angevines, p. 63.(3) Ibid., p . O cL 89. - Mnrcheguy Chronique des églises d'Anjou,

p. 14.(4) « Ingrossiis ecelesiaus saneto Dci gettetricis Marie alt,, ra dont j -

nies, in, ah in t mil u in ,maru in elonga lu ni, ut mains esset spi, t mm internons et al lurere Sancti , spin tus u iiclioi,c et a1,ostoiica hcnedietio,,e in

honore cjuxdeni virginis cotlsecruvit capta que iii ,tlLari plena reliquiisreperta fuerat i bidein resigillata in qua sn,sdi Paneraeii inartiris et Ga-ciani'l'si roue,, sis episc4spi rel j quie indub ita titer tuera recundite. .. Peractadedicatione ipso coatavit missain. - - Tune ponliliees iussu ipsius, eccle-sii in ded j caveru,, t s. Mn rchvgay Came u farina., etc., dans les A rti,ittrsd'Anjou, t. III, p. 12. - Cf. autres lexies dans Grandet Notre-I)an,a-Angevine, p. 444.

O JÉGLISE ABBATIALE

du croisillon sud fut:englohee dans l'église de la Trinité, quifut reconstruite après l'incendie do 1132 (1).: sa nouvellefaçade viht inter contre le croisillon sud du Ronceray.

Il ne faut pas s'étonner de au rencontrer la mention (''au-cun travail exécuté à l'(poque gothique car l'église était sisolide qu'elle ne fut l'objet d'aucun rernaniement,.sauf lad-ditioird'une petite chapelle du Xl Vt siècle à chevet plat etàjignon tréflé dans le croisillon nord, visible sur un dessinde Gaignières. qui a reproduit également ]es deux tout-beaux des abbesses de Civray et de Cliambes (2), mortes auXlV siècle (3). L'effigie de la première était gra ydrau trait,sous une arcade trilobée et la statue de la seconde était sur-montée d'un dais ses pieds s'appuyaient sur tin lion. Le21 février 1470, le roi René d'Anjou ofFrit aux religieusesune clisse d'argent magnifique qui renfermait une croixd'or enrichie de pierreries, où le pape Paul Il avait faitincruster du bois de la Vraie Croix (4). De 1505 à 1518,Louise Le Roux, cainériére. fit exécuter onze tapisseries quirejitder?tent les figures de l'Eucharistie dans l'Ancien Tes-tamen t son institution elles miracles opérés par ce sacre-ment. Cette belle série, qui échappa au pillage des liugue-nots, décora jusquen 1888 les salons du château du Plessis-Macé (5).

Vers 1Q20, on refit la charpente pour englober sous. lemême toit la nef et les bas-côtés. ce qui entraîna l'exhaits-sement dit pignon de la façadé. A la même époque, les

(1) itatpheu Jtec,:eitd'An,,oks ohIqcvriIes, '. 69 cl 96.(2) On ne trouve aucune 'isenhit, ii de ces abbesses ria ii s la Go Iii0

chrisiiqua.(3) Bibi. naL, Cabinet des estampes, 'iopograpli e de la Fiance, Moine- -

et-Loire, f. 1.(4) G rande (Joseph) No! ni-Dante-A nycoitte, mi. publiéié pat' A, Lent or-

chand, P. .450.(5) Aujourd'hui, l'a ne. des tapisseries se trouve au cls, leu u uts, Lan-

geais, une au Ire aux Gobelins et les trois ut titres sort conservées in chi,tca LI (le la Coi tetrie, près d'Ange us.

E. Chanhiat, dol

Plan de l'église du Ronceray.

DU I1ONCERAY D'ANGERS 7

colonnes engagées vis-à-vis de la nef furent coupées: onétablit des tribunes dans les collatéraux et au revers de lafaçade. Le nouveau maître-autel et le jubé furent inaugurésle 28 octobre 1627 (1). L'abbesc Antoine (lu Puy (1650-1672) continua les travaux entrepris dans la nef par Yvonnede Maillé: elle fit commencer le. grand cloître au nord del'église, et Charlotte de Grammont, qui lui succéda, terminala reconstruction du monastère, encore intact aujourd'hui,après avoir fait orner le choeur de boiseries. Un dessin deGaignières, daté de 1899 1 ne diffère de l'état açtuel que parla silhouette des trois flèches de charpente qui dominaientles combles de l'église (2). Dans le premier tiers du XViii'siècle, l'abbesse Anne de Belzunce fit agrandir la porte ducroisillon sud, remanier la façade, remplacer le dallage del'église et décorer la chapelle de saint Benoit. De nouvellesorgues furent montées dans la tribune occidentale.

La Révolution dispersa les vingt-deux religieuses etl'église fut transformée en ambulance pendant la guerre deVendée. Le défaut d'entretien des couvertures entraîna lachute des voûtes du choeur, dit carré du transept et du croi-sillon sud. Quand l'abbaye fut affectée à École des Arts etMétiers en 1815 la nef de l'église devint la chapelle de l'éta-blissement, mais aùjourdliui c'est une salle réservée auxexamens, et le croisillon nord est converti en lingerie.

Le plan de l'édifice, qui n'a jamais été bien relevé, secompose dune nef flanquée de deux bas-côtés, d'un tran-sept très saillant dont ]es deux absidioles communiquaientpar une seule arcade avec le choeur en hémicycle bâti au-dessus d'une crypte (3). C'est une variété dit plan bénédictin

(1) Journal dis Louuet, dons la Hernie d'Anjou, 1856, I. J, •i..323.(2) BibI. ont. • Cabinet des est o topes, l'upogro phie dû In Pro tiec., Mai,,.,-

et-Loire, t. I.(3) Voici les principales dimensions de I 'égl j teIon gueur totale.

55 ,i - 5Ç); I argen r totale, 17-15z largeti r (le la ne I', 7-20: rit gucu r dit t ra n-

8 L'ÉGLTS E ABBATIALE

qui comporte plus souvent, deux chapelles de, profondeurinégale, dans chaque bras du transept, comme h Bernay. àJumièges, à,Cliezal-Benojt, kSaintAmant . de-Boixe, à Saint-Sever, suivant une dispositièn adoptée également par lesBénédictines de la Trinité de Caen et de Montivilliers. Onpeut comparer le plan dc l'église du lionceray, avpe ccliii deséglises de Sint-Loup-de-Naud, cl'Anzy-le-Duc, de Chandieu, de Saint- Rambert-sur-Loire, qui dépendaient deprieurés bénédictins; et avec celui de l'abbatiale d'Ainay., àLvon, niais je ne crois pas, que l'église consacrée en 1028fut caractérisée par nue nef unique, comme celle de Beau:.iicu-les,Loches,

La nef, qui doit être plus ancienne que le chevet, sedivise en oeuf travées très homogènes .Sa voûte en ber-ceau plein cintre, lézardée dans toute sa longueur, s'estdéformée par l'effet de la poussée, comme à Saint-Etienne(le Nevers. Ii en résulte que les doubleaux. 'jadis en pleincintre légèrement outrepassé. décrivent une courbe enanse de panier. Leurs claveaux, dépourvus de moulures,retombent de chaque côté sur une seule colonne engagéedans les piles carrées qui sont flanquées d'un pilastre vis-à-vis des collatéraux. Je ne connais aucun autre.cxemple desupports bâtis sur le même plan qui n'est pas cruciformeVers 1020, toutes les colonnes engagées de la nef furentcoupées ait niveau des tribunes établies à cette époque dansles bas-côtés, et l'abbesse Simonne de Maillé fit sculpterdes consoles pour les raccorder avec les piliers. On avaitsupposé que les colonnes des dernières travées ne descen-daient pas jusqu'au sol ; comme dans certaines églises eis-tercienites, parce qtt'elles s'appuient sur le mur où venaients'adosser les stalles, mais M. le chanoine Urseau, qui afouillé au pied dune pile, a retrouvé la base de la colonne.

sept. '10-75; hauteur de la uef, 13-10; hauteur tin has-côt, 8-75; hi"-leur du t ra ,isep t.45

Eglise du Ronceray.Travée de la nef.

1)1) RONCEBAY DANGERS 9

Toutes les grandes arcades en plein cintre sont trèsépaisses; elles ne sont pas doublées et s'appuient, sur ungroupe de moulures à l'imposte mais ce profil est très sus-pect. On n pu le découper dans un tailloir en biseau, commecelui des chapiteaux de la nef. Aucune fenêtre ne s'ouvreclans la nef, suivant le système adopté par l'école poite-vine. Une tribune d'orgues du XVII O siècle, bordée debalustres , dont la voûte «arêtes vient buter contre un arcsurbaissé, coupe la première travée. Au-dessus, tin are dedécharge adosse au mur de la façade joue le même rôlequ'un formeret. Cette disposition, également appliquéeaux extrémités du transept, se rencontre dans plusieurséglises romanes, afin d'éviter le décollement d'une voûte enberceau contre un mur de tète. 1, 5 41ise du Ronceray enprésente trois exemples très précoces. A lest, derrière lemaitreautel du XVI If' siècle, le vaisseau central est limitépar un mur moderne qui relie les piles occidentales dela croisée.

Les enduits qui recouvrent les murs de la nef en rendentl'étude archéologique très difficile, car il est impossiblede constater la cohésion des maçonneries. On peut se de-mander si le retrait visible au-dessus des grandes arcadesn'indique pas le niveau d'un plafond de bois primitif, mais,comme les colonnes n'ont pas été relancées dans les piles,il est plus probable que ce retrait correspond à l'épaisseurdes planches clouées sur les cintres. A défaut de moulured'imposte, cette disposition assez archaïque empêchait leglissement des couchis. Le sommier des doubleaux setrouve au-dessous de cette arase, afin que leurs retombéessoient épaulées pal' les dernières assises des murs gout-terots.

Il faudrait des sondages et des fouilles pour élucider l'his-toire dit monument, mais, comme la voûte de la nef peuttrès bien s'effondrer un jour ou l'autre, j'ai cru bonbon del'étudier sûr place et je tiens à remercier N. Brassant,

10 LÉGLISE AHhlÀTlALl2

directeur de l'École des Arts et Métiers. de m'avoir accordétoutes les facilités pour pénétrer dans les locaux occupéspar la lingerie et les séchoirs.

Les chapiteaux dé la nef, surmontés d'un tailloir en

E.Châuliat, do].

Chapiteau de la nef.

biseau sans ornements, sont presque tous garnis de deuxrangs de feuilles lisses et de volutes d'angle. Cependant, audroit de la première pile, on remarque d'un côté un lion quilutte contre un ours, sous des palmettes, et de l'autrecinq hommes (lui dansent. en se tenant parla -main; au-dessus de cette ronde, deux pourceaux étranglent une

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E. Chauliat, 'tel.

Egliso du Ronceray.

Chapiteaux de la nef.

E. Citauliat, de!.

Église du Ronceray.Chapiteaux de la nef.

OU RONCEHAY 1)'ANGEIIS II.

colombe. Plus loin, des aigles se détachent sur trois cor-boit les, dont l'une est, flanquée de deux fruits d'arum.

Les bas-côtés sont recouverts (l'une série de berceauxtransversaux en plein cintre très surhaussés, qui retombentsur des doubleaux de la môme forme, soutenus par despilastres. Ce système de voûtes mérite d'attirer l'attention,car si les Cisterciens ont beaucoup contribué à le répandre,comme on peut le constater à Fontenay, à Bonneval (Avey-ron), ait prieuré de Saint-Pathus et à Foun tain s-Ahhey.c'estdans les églises bénédictines qu'il fit son apparition pourcontrebuter le vaisseau central, comme au lionceray. Eneffet, on en voit le premier exemple dans la salie basse dunarthex de Saint-Philibert de Tournus. et le second dansles ruines de l'église bénédictine de Maillezais, en Vendée.où les amorces des berceaux transversaux qui recouvrai ontles tribunes sont faciles h distinguer. Viollet-le-Duc a eutort de prétendre que les bas-côtés de la nef de Saintrlleinide ileims, jadis recouverts d'un plafond de bois étaientvoûtés de la sorte au X1° siècle (t). Les collatéraux descroisillons de la môme église sont seuls surmontés depetits berceaux transversaux qui n'étaient pas des organesde butée, car le vaisseau central du transept était lambrisséavant la construction des voûtes d'ogives actuelles. Dans

l'église latine de Saint-Front de Périgueux, consacrée en91047, les bas-côtés de la nef étaient recouverts de voûtes dumôme genre.

Au X\nll e siècle, on eut la fâcheuse idée de murerla partiebasse des travées de la nef et de recouper les bas-côtés dansleur hauteur par des voûtes d'atï3tes, afin d'établir des tri-bunes qui s'ouvraient sur la nef par les grandes arcades.Enfin, à l'époque moderne, ces haies, bordées par desbalustres dans la seconde et la troisième travée, ont étéaveuglées par une cloison. En montant dans les tribunes

(J) I)icrion ou ire raisonné de lu rc/z iiec(uj'i: française, t. IX, p. 240.

12 i'ÉcLisE ABIIATIALEJ

du bas-côté sud, on remarque la liaison des jambages deslarges fenêtres (brasées, dont l'archivolte est en pleincintre, avec les pilastres qui correspondent à la retombéedes doubleaux. Les assises, séparées par de gros joints,portent des stries obliques formées par un large ciseau:cette taille est toute différente de celle des pierres du chevet.

Le bas-côté nord est devenu la galerie méridionale ducloitre qui est surmontée de tribunes murées, mais à l'on-gifle ses berceaux transversaux étaient visibles du pied despiles. Le mur extérieur de ce collatéral fut donc démoli parl'architecte chargé tic rebâtir le cloître et les autres bâti-ments de l'abbaye.

Au centre du transept, il faut signaler, à l'ouest, des res-sauts en forme (l'angle aigu amortis par un tailloir et relan-cés sous les pendentifs non dislincts d'une coupole en blo-cage qui devait ressembler à celles qui se trouvent sur lacroisée des églises de Saint-Martin d'Angers et de Fonte-vrault. Elle s'élevait beaucoup plus haut que les voûtes enberceau des croisillons, qui se trouvent à un niveau inférieurà la voûte de la nef. Il en résulte que l'architecte de cettecoupole fut obligé de monter un mut' de refend audessusdu premier doubleau des croisillons afin de masquer l'étagedu comble: on en voit encore la trace du côté sud. Lesquatre arcs en plein cintre à deux rouleaux qui limitent lacroisée retombaient sur deux colonnes engagées, mais leplan des piles occidentales n'est pas le même que celui despiles orientales.

Une hypothèse très séduisante peut se présenter à l'es-prit en examinant les- ruines de la croisée, mais il est tou-jours bon de ne pas se laisser influencer par une premièreimpression. N'y avait-il pas au centre du transept, comme à13eaulien-les-Lodics, une lanterne rectangulaire qui s'éten-dait au-dessus de la première travée de chaque croisillon?Le grand arc en plein cintre, dont l'amrce est encore visibleà l'ouest au sommet du croisillon sud, n'aurait-il pas été

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DU RO?CEBAY ]) 'ANGEIiS 13

destiné porter la face méridionale de cette cage ajourée?Voici les raisons qui s'opposent à cette restitution les pilesoccidentales de la croisée sont bien homogènes elles cha-piteaux de leurs colonnes sont décorés de feuillages et depersonnages trop bien sculptés pour qu'on puisse les faireremonter à une date antérieure à 1119.

Comment donc concilier les témoins supposés d'une lan-terne de l'église de 1028 avec l'existence de piles beaucoupplus jeunes? Par une reprise en sous-oeuvre, dira-t-on.mais un travail de ce genre n'aurait eu d'intérêt que pourconserver un clocher central. Or, il n'y a jamais eu aucunetour ait dit transept et le dessin do Gaignières, datédo 1699, prouve que le beffroi s'élevait sur le croisillon sud.D'ailleurs, il no faut pas considérer comme une fenêtre miehaie murée visible à l'ouest au-dessus de la vottc en ber-ceau, c'est une porte qui faisait communiquer le comble etla cage de l'escalier. li reste encore un autre problème àrésoudre à p'ps de la coupole centrale, car ses penden-tifs prennent leur point d'appui sur lin ressaut pointu dflhi

paraît relancé dans les angles de la cage. C'est tin repentirde l'architecte, une preuve d'inexpérience, mais le profil enbiseau (lu tailloir du pilastre aigu m'oblige à le faire rernon -ter h la nième date que les chapiteaux du transept.

Le croisillon sud est en iuines. mais il faut signaler lesamorces de ses trois doubleaux en plein cintre surhausséqui épousaient la courbe de la voûte en berceau. Un arc dedécharge fait saillie sur le mur do fond. Tous ces aiesretombeni sur des colonnes engagées qui semblent avoir étéreincées dans le unir occidental à la fin du XI' siècle,mais elles furent toutes coupées air XVII" siècle, il est trèsimportant de faire observer qu'aucune fenêtre n'est percéeait de ces arcatures parce qu'elles étaient cachées sousles combles. tandis qu'à l3eaulieu-les-Loches des oculiencadrés par (les arcatures éclairaient ],a haute descroisillons avant ],a des voûtes.

li LÉGLISE ABBATIALE

A l'extrémité méridionale du transept, une anciennefenêtre en plein cintre s'ouvre au-dessus d'une porte per-cée ou agrandie au XVIIP siècle; une haie moins grande,mais de la nième forme, s'ouvre à l'ouest dans la dernière

E. Chaulfat, net.

Chapiteau du croisillon sud.

travée: son archivolte mon Lei usqu'ù la naissance de lavoilA l'est, la fenêtre en regard fut aveuglée par le mur defaçade de la L'rinité, bâti vers le milieu du XI le siècle. Il estdonc certain qu'au XI ,: siècle la façade de cette église setrouvait plus en arrière, mais les murs extérieurs de l'édi-fice, consacré en 1002, occupaient le même emplacement.

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DU ItI)[CItIiA'h' IlANGEI1S 15

car on il ]ciir existence pendant les travaux derestauration.

l'absidiole qui s'ouvre à l'est, englobée dans l'église de laTrinité, est fermée par un mir r modernee sa présence gênabeaucoup le inaitre de l'oeuvre qui reconstruisit la nef auNI l e siècle, car il [lit obligé de renoncer A établir au nordune chapelle en cul-de-four, éclairée par une fenêtre dansla première travée. Cotte absidiole, voûtée en berceau et encul-de-folie, a été tellement restaurée qu'elle n'offre plusaucun in tc rèt archéologique.

L'étude des murs supérieurs du croisillon sud soulève desproblèmes très délicats. On voit encore au-dessus de lavoûte trois arcatures à pilastres sur le mut' de fond, quatreà l'ouest et trois à l'est, dont deux sont aveuglées. Leurs,assises en tuffeau sont séparées par de gros joints et 1cmarchivôlte est dépourvue de moulures. Au premier abord,on serait tenté d'affirmer que ce croisillon fut voûté aprèscoup, comme, le transept dc Beaulieu-les-Loches. ornéd'arcatures extérieures du même genre, niais si Ion observeque les, arcatures du fond sont en bascule de 011140 environsur le formeret et sur l'extrémité de la voûte en berceau. ilest impossible d'admettre quoi) a diminué à l'intérieurl'épaisseur du mur qui les supporte lors de la constructiondes voûtes.

A l'extérieur, les arcatures retombent sur des colon-nettS. Or, l'un des chapiteaux, qu'on ne peut vraimentpas attribuer à l'église (le 1028, est encore orné d'un lion dumème style que les animaux qui se détachent sur certainschapiteaux de la nef. On peut donc affirmer que ces arca-tures en bascule,dont le niveau coïùcide avec celui des reinsde la voûte, étaient destinées à alléger la cage du beffroi,comme dans la tribune d'orgues de Saint-Ours de ioclies,qui fait partie du clocher occidental. Sans doute, la faiblessedes contreforts de l'angle sud-ouest du croisillon sud exclutla prévision d'un clocher de pierre, mais il n'en est pas

16 L'ÉGLISE ABBATIALE

moins certain qu'une lourde flèche en charpente à base car-rée s'élevait sur cette souche de maçonnerie, car on la dis-tingue parfaitement dans un dessin de Gaignières datéde 1699.

La photographie ci-jointe montre l'amorce d'un grand arcen plein cintre, large de 1" 50 et formé d'un blocage sur -couchis entre des claveaux de pierre, qui limitait la cage dubeffroi vers le nord. Or, le pilastre occidental de cet arc,qui porte h faux sur les reins (le la voûte postérieure, necorrespond à aucun support en saillie sur le parement infé-rieur ni à aucun doubleau du berceau. Faut-il admettre lasuppression d'un large dosseret qui descendait jusqu'au sol?Je ne le ci-ois pas, car j'en ai vainement cherché la trace. Lafonction de cet arc, qu'il fallut épauler plus tard par uncontrefort occidental, était de porter le beffroi des cloches.Oit une disposition du même genre dans le comble ducroisillon sud de l'église gothique de Taverny (Seine-et-Oise) -pour porter un clocher de bois au-dessus d'une voûted'ogives. Derrière le leur qui fermait le carré du transeptan sud, mie porte en plein cintre bouchée s'ouvrait sur lacage de Pescalicr à vis.

Le croisillon nord, transformé en lingerie, est encoreintact, mais je crois bien qu'il fut entièrement rebâtiavant la dédicace de 1119. On ne voit ni à l'extérieur, nisous la charpente, aucune trace «arcatures. comme clansl'autre bras dit Le petit appareil reste invi-sible, à moins qu'il ne soit revêtu d'un parement de moel-lons depuis le XVII' siècle, époque où cette partie del'église fut englobée dans les batiments de l'abbaye. Lesquatre doubleaux en plein cintre surhaussé, dont l'un esttangent au mur de fond, soutiennent une voite en berceausans moulure d'imposte. La profonde absidiole qui s'ouvre àl'orient communiquait avec le choeur par une arcade enplein cintre qui s'appuyait sur deux colonnes engagées. En,regard, c'est-à-dire au nord, une fenêtre entre deuxcolon-

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(o QQrtJ - E. Lefêvre-Pontaus, phot.

Eglise du Ronceray d'Angers.\ ('ijaoV'J Intérieur du croisillon sud.

DU RONCERAY D'ANGERS 17

nettes s'ouvrait dans le mur de la travée droite voûtée ciiberceau. L'hémicycle, flanqué de deux colonnettes, estrecouvert d'une voûte en cul-de-four. Cette chapelle étaitéclairée au fond par une fenêtre en plein cintre, agrandie àl'époque moderne.

Les chapiteaux du transept portent l'empreinte d'un art

XE. Chiulial, del.

Chapiteau de l'absidiole.

phis avancé que ceux de la nef. Dans le créisillon nord, despalmettes superposées sont flanquées de lourdes volutesau centre, sous les tailloirs, on voit sur trois corbeilles unpetit cartouche orné d'entrelacs. Dans l'absidiole, à droite,il faut signaler un personnage qui tient un livre et qui sem-ble inspiré par le Saint-Esprit, sous la forme d'une colombe;des oiseaux sont sculptés sur une autre corbeille. Une

18 I'IGIJSE ABBATIALE

colonne de la pile nord-euest de la croisée conserve un dia-piteau qui représente la fuite cii Égypte, mais il se trouve àmoitié engagé dans le mur de clôture de la nef. Sur la pilenord-est, à l'entrée du choeur, on distingue cinq grandspersonnages : trois tiennent des livres comme les quatreÉvangélistes sculptés sur le chapiteau qui porc le pre-ni ici' doubleau. du croisillon nord. Dans le bras sud (lutransept, les chapiteaux sont revêtus de deux rangs defeuilles recour'hées p1115 de palmettes bien découpées qui serelient à de grosses volutes d'angle. Le profil de la plu-part des tailloirs se compose d'un listel et d'un cavet reliéspar tin ongle.

Le choeur, dont il ne reste que la partie basse, faisait unesaillie très accentuée sur les absidioles. Il est certain pie lavoûte en berceau plein cintre de sa partie droite précédaitle cul-de-four de l'hémicycle. D'ailleurs, son plan corres-pond exactement à celui de lt crypte qui s'étend sous lechevet et sous les deux absidioles. Cette crypte,qui conurni-nique par nu escalier avec la nef de l'église de la Tri ni té, futdécouverte en 1527, puis retrouvée cii 1857. mais elle o étél'objet d'une restauration si radicale en 1861 et en 1882qu'on peut la considérer comme une copie de l'anciennechapelle souterraine. Le vaisseau central est divisé en troisgaleries par deux files de six colonnes. Les voûtes d'arêtesappareillées,toutes neuves, ont remplacé les anciennes voû-tes en blocage, et M. l'architecte Joly-Leterine n'a laisséaucun témoin (les anciennes arcatures en plein cintre quidécoraient les murs. JI s'est contenté de réemployer quel-qucs chapiteaux A volutes et un chapiteau orné (le huitpetits aigles, mais il a rebâti les absidioles en cul-de-foui'qui communiquent avec la partie centrale. On peut néan-moins affirmer que la crypte du Ronceray remonte à lamême date que le chevet de l'église parce que son plancoïncide avec celui du choeur et des ehapellès du transept.La châsse déposée sur l'autel renferme la Vierge romane,

E. Chauiiat, del.

Église du Ronceray.

Chapiteaux de la croisée.

E. Lefevre-Font glis, phot.

Église du Ronceray.Chapiteau de l'absidiole nord.

E. Chauliat, del.

Église du Ronceray.Chapiteaux du croisillon nord.

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E:Lêfêvre-Pontahs, phot.

Chapiteau du croisillon nord.

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DU- 1CÔNdEIIAYDANGERS 19

dito Notre-Darne de la Charité. C'est une statuette de cuivreque M. le chanoine Uiseau attribue ait ditXII' siècle. -

La façade occidentale fut très remaniée au XVIP siècle,niais -ses contreforts sont primitifs. En 1871, M. d'Espïnaysignalait encore des assises de tuffeau hexagones ou dispo-

I. Ch,tuiiat, dcl -

Plan.cle la crypte.

sées- en épi entre la porte et la fenêtre (1). Le mur exté-rieur du bas-côté sud qui longe le passage de la Censeriemérite d'attirer l'attention. Épaulé pS huit contreforts assezsaillants, aux joints épais, qui furent ajoutés lors de laconstruction des voùtes, il est bâti en petit appareil de tuf-feau sous l'appui des fenêtres. Ces haies en plein cintre,

(1) ( onorês «rchéoloquj rie d'Ancrs. 1871, p. 66.

20 L'ÉGLISE ABBATIALE

qui ne s'ébrasent pas au dehors sont dépourvues de colonnettes et de moulures, comme à l'intérieur : celle qui setrouve près de ].a d'escalier fut percée après coup.Une porte en plein cintre, encadrée par d'étroits claveauxnus, s'ouvrait dans l'axe de la sixième travée. On ne voitplus aucune trace de l'ancienne corniche.

A la rencontre du bas-côté et du croisillon sud s'élève ujiecage (l'escalier carrée dont les chaînages d'angle encadrentlin petit appareil en tuffeau. Vers le milieu de sa hauteurcette tourelle devient ronde. La voûte en berceau rampant,faite sur couchis, qui suit les spirales dé la vis, contourneun noyau rectangulaire de moyen appareil; deux petitesfenêtres en plein cintre souvient dans Id cage. Une longuecolonne d'angle qui porte un arc de déeliargç appliquécontit le mur occidental dit fut relancée dans latourelle. Cet. escalier n'était pas dcstih& à donner accès,comme- aujourd!hui..dans les trihuines.de.là nef, quiine sontpas antérieures -ait siècle. car il aboutissait, à:l'èri-gi'ne, dans le comble du bas-côté sud.. On le surhaussapour accéder sous la charpente (lu transept par une, portepercée au-dessus de la voûte en herceauet murée..Sa-toituremoderne masque deux arcatures en plein cintre sur laface occidèntale dit croisillon sud, mais on voit les colon-nettes et les chapiteaux à volutcs effrités des deux arcaturesvoisines qui sont semblables à celles du côté sud.

Le mur méridional, où le petit appareil allongé qui semontre à trois niveaux différents doit être considéré commeun remploi, est percé d'une porte du XVIP.siècle flanquée.de deux pilastres: sou entablement passe sbus une fenêtreCil plein cintre. L'architecte qui construisit la façade occi-dentale de la Triiiité,vers le milieu du \Il° sièele.y englobal'angle sud-est du transept du Ronceray avec ses contre-forts. Il cil que les deux colonnettes engagées dansle jambage gauche de lit occidentale sont relancéesdans le parement du croisillon sud du Ronceray. Lit

DU, BONCEIIAY D'ANGERS 21

la cinquième arcature méridionale est coupée au centrepar la retombée de l'archivolte de la fenêtre de la Trinité:celle qui la précède retombe sut un peUt chapiteau ornéd'un lion. -

L'abside du Ronceray se compose aujourd'hui du sou-

ap si I»lu II n HIllII., Içnt

E. Chaufiat, (lei.

Chapiteau d'une coldnne-contrefort.

bassement de l'hémicycle bâti en moyen appareil losangé,dérivé de l'opus reliculalain, qui s'est perpétué en Anjou etén Puitou au XIP siècle. Les joints au ciment rouge sontmodernes, mais il est probable que le mortier primitif étaitteinté par des fragments de briques pilées. La vue de l'ab-baye, dessinée par Gaignières en 1699, indique les quatre

22 LItGLISE ABBATIALE

contrefoi'ts-colonnes et les deux, fenêtres du chevet qui étaitcollé au sud sur l'église de la Trinité, les deux petites flè-ches en charpente qui couronnaient le grand comble et lebeffroi carré du croisillon sud.

.I.'absidiole du ci-oisillon . nord. cn liaison avec les àmorces

E . chauliat, ,ioi.

Modillojf de l'absidiole.

de l'abside, est seule intacte à l'extérieur. Épaulée paFquatre colonnes qui jouent le rôle de contrefous: commecelle qui se trouve à l'angle nord du cbœur, elle conservedes murs' en petit appareil hexagone, comme le chevetplat carolingien de l'église de Selommes (Loir-et-Citer) etla façade romane de l'église de Villesalein ( .Vienne). C'est

Dli RONCERAY: D'ANGEIIS 23

une ' erreur de croire que cet appareil est simulé (1)

comme sur l'archivolte du prétendu portail carolingien del'église du Lion d'Angers. L'architecte a soigneuseiientiéeivé des panneaux pour incrusier ce rôv&ement encadrépar un bandeau inférieur orné de damiers et par une mou-lure en biseau . qui ptissaisous l'appui db la fenêtre primi-tive. Les 'chapiteaux qui surmontent les dolonhes engagéessont très effrités, mais'on remarqué encore sur lotir cor-beille . (les feiiillages dôs jersonnages, deux bopes dreséscontre un arbre et attaqués par des nionstrs. Sous latablette de la corniche, oit profile tin boudin, un beaumodillon à copeaùx est orné d'un aigle sur sa face principale. . H

Il s'agit maintenant de dater les différentes parties (le lacurieuse église du Honceray san g avoir Fi prétention d'arri-ver à un résultat définitif. Que reste-t-il de l'église consa-crée le 14 juillet 1028? Sans doute le soubassement du murextérieur du bas-côté sud sous les fenêtres, la cage d'esca-lier carrée et certains matériaux des murs du crhisillon sud.L'emploi (lit j)etit appareil cubique ou allongé à cette épo-que n'est pas anormal, car son usage persista encorebeaucoup plus 'tard dans la vallée de ].a En com-parant cette église primitive avec les substructions dela cathédrale romane 'd'Xngers, consacrée le 16 aoIll1025 (2) et exhumée pr M Louis de F'arcv (3), CI) peutaffirmer qu'elle n'était pas hôtie sur le même plan, carnotre confrère a constaté l'existence d'un déambulatoire.

• (1) 1 - de. La.stevrie L 'n rch itt,:! urt rcliqicuse à I 'épflrj le canin ne, p 224.(2) U Nea u (Le eh il u oini) Cà ri il in, il o ir rie la cal Iié,Iro le (I 'A luge r.,

p- xxi cl 64.(3) Cf. Bulletin Moit,iuie,ital, t. LXVI, 19112, p. 494.

24 L'ÉGLISE ABBATIALE

L'abside et les deux absidioles primitives devaient 'êtrebeaucoup moins profondes.

lei s'intercale un point d'interrogation. Pourquoi leschroniques, qui font mention de l'incendie di Bourg-Sainte-Marie. en 1088. ne relatent-elles pas les dommages causéspar le feu aux églises de la Trinité et du Roiiceray, tan-gentes l'une.ù l'autre? C'est que 'e culte put continuer à yêtre célébré sous des toitures provisoires, mais pour pré-venir un nouveau désastre, il ôtait indispensable de voûterentièrement les deux édifices. Cette nécessité sembla pluspressante aux religieuses qu'aux paroissiens, parce qu'ellesavaient plus de ressources. La Trinité ne fut rebûtiequ'après l'incendie de 1132.

En réalité, l'incendie très: probable de 1088 et l'additiondes voûtes dans l'église du Ronceray entraînèrent lareconstruction presque totale de l'édifice, puisqu'en 1119les évêques d'Angers, de Léon et. (le Nantes procédèrentii une nouvelle dédicace en présence du pape. Calixte Il.Le second architecte utilisa surtout les fondatidns, mais ilrefit les parements intérieurs et les fenêtres des collaté-raux, remplaça les anciennes piles par des snpporcs dis-posés pour recevoir les doubleaux de la nef et des bas-côtés.puis il monta les berceaux transversaux inférieurs, qui secontrebutaient les uns par les outres, avant d'appareiller lavoûte de la nef. L'absence de tout arc en tiers-point et detoute moulure à la naissance de la voûte, sur les grandesarcades qui ne sont même pas doublées, sur les archivoltesdes fenêtres basses, la sculpture maladroite des chapiteaux,caractérisent bien le style, de la lin du Xi e siècle..

On peut même se demander, en voyant ce système devoûtes, particulier à l'école poitevine, qui consiste à ne paséclairer la nef directement afin d'épauler d'une manière effi-cace la voûte centrale par les voûtes latérales, si ce procédéne fut pas appliqué à l3eaulieu-les-Loches et ait Boncerayavant d'être importé dans le Poitou car je suis persuadé

DU RONCERAY » : ANGERS 25

que la nef de Saint-Savin, voûtée suivant le procédé poile-vin, n'est pas une oeuvre du XP siècle, comme on la pré-tendu. et je cherche vainement autour du foyer de l'école duPoitou des églises voûtées aussi archaïques.

Dès que la nef et les bas-côtés de la nouvelle église furentterminés, les religieuses purent s' y transporter pendant queles maçons élevaient le transept et reconstruisaient le che-vet, dont le style est bien plus avancé que celui de la nef etdes bas-côtés. l'en trouve la preuve dansce fait qu'en 1119le maître-autel se trouvait plus rapproché des portes (1),parce quIl était adossé, comme aujourd'hui, à . un mut' declôture à l'entrée (lu transept. On remonta ensuite les pilesde la croisée, qui fut recouverte d'une coupole, puis on appa-reilla des colonnes dans le nouveau transept pour porterles doubleaux de la voûte en berceau. Les absidioles furentrebâties afin de leur donner plus de profondeur et de lesfaire communiquer par une arcade avec le choeur. Enfin,le chevet primitif fut remplacé par une abside plus vaste,précédée d'une grande travée droite. La dédicace de 1119coïncida avec l'achèvement detous ces travaux, comme l'in-dique le style des chapiteaux, garnis de feuilles découpées etde personnages en haut relief, signalés dans le triinsept.Lascène de la fuite en Égypte est si vivante, que je. n'hésitepas à l'attribuer à un sculpteur du XIP siècle.

D'ailleurs, les variétés de l'appareil décoratif poitevin,quicomporte des pierres calcaires soigneusement taillées enlosange, en hexagone, en éventail, en disques, ou assem-blées en épi, comme dans les façades de Notre-Dame-la-Grande ii Poitiers, d'Aulnay-de-Saintonge et d'Echillais, oudans les absides de l3ioux et de Retaud, près de Saintes,étaient inconnues au Xl' siècle, où les exemples d'opus spi-catuni et d'opus retira iotum sont, beaucoup plus grossiers.Or, l'abside et l'absidiole nord du lionceray présentent des

(I) Cf. i- 5, note 4.

26

parements de .pdtites.assises qui ont hi-forme d'un loskingeou dun hexagone. J'ajo&te qée leu rs contreforts à colonnes,ressemblent à ceux dit de l'abbatiale de Fonte-vrau]t, consacré par Je pape CâlLxte Il en 1119; et àceux _des églises poitevines dit siècle. Enfin, lafinesse de la sèniptuire d'un modillon resté intact,'sousla corniche dé l'absidiole, est encore u ne preuve ck jeu-nesse relatie-

Faudrait-i] eependahv admettre que l'incendie de la Tri-nité : en 1132 1 s'étendit à Féglise dullonceray qui aurait élérebâtie-vers le milieu, du XIh sièclè? -Or. ls 4nno1es deSaint-Serge n'auraient pas itaùqud. tien faire mention, carla marche dit feu, qui gagia Saint-Aignan et ,Saint-Laud.,.Y est . très nettement indiquée (1). D'ailleurs, le style duilonecray s'accorde' avec une période assez prinhitive 'del'architecture romane, tandis que' le chevet de la Tdnij.é.antérieur à la nef-est voûté d'ogives.

En se reportant à quarante ans en àni&e. il est curieuxdé mentionner les deux opinions émises par les membres 'duCongrès de J,871 lors de 1eur visite dit (2). Lesnus soutenaient que I église étau, antdrieure ail Xpà siècle etque Foulque Nerra avait fait rehitir l'abside et voûter la nefaprès l'addition des colonnes engagées dans les piles. Lesautres partageaient l'opinion de-1\1. dEspinay qui se basaitsur le caractère homogène de ia'maçhrinerie jour attribuertout le monument àl'e:1oque du célèbre ceinte (l'ÀlijOil (3).Personne ne fit, observer qu'une église entièrement voûtéeavant' 1028 eût été une singulière anomalie et que la nefdela cathédrale romane' d'Angers. consacrée 'en '1025. fut

(1) lIa t Ii en Jjeçuejj d'A j, tintes nzljeiiii es; p. 96.-(2) Cojiqrès erreIéo!oqiqite dAmjers, p. 7(1.

de I I ev rie é uni I,, t, ,énu. hypo I hèse tin us Soi, 11011 vel ou -vrag,,, e,, con si du,'n , , t I t, ht ide du I toncerav cool flic cclii, el e. l'églisecolis-crée en 1025. Luj'ef,jte,-j,j r,, religieuse ie l'lpoqoe ro,,,n,ie, p. 224.

DU ItONCEIIAY l'ANGERS 27

recouverte d'un' plafond de bois (1), comme celle de lacathédrale romane de Chartres. bâtie entre 1025 et 1037 (2).Personne ne fut d'avis que la dédicace solennelle de 1119s'accordait beaucoup mieux avec les caractères (lu style del'édifice.

Après Saint-Martin d'Angers, c'est le Ronceray qu'ilfaut étudier pour comprendre les origines do l'architec-turc romane dans la région, car ce fut probablement lapremière église entièrement voûtée par des ouvriers ange-vins entre les dates de 1088 et de 1119. lI est donc infi-niment regrettable que la Commission des Monuments his-toriques ne se soit jamais intéressée à l'abbatiale du Ron-ceray après l'avoir classée, car ses archives n'en possèdentni le plan, ni les coupes. Le délabrement de la nef, dont lavoûte s'affaisse et menace ruine, fait peine à voir desmurs bouchent les arcades le croisillon nord est coupépar un plancher, son absidiole est dégradée àl'extérieurpar des fuites d'eau qui ont effrité les chapiteaux des contre-forts et les modillons de la corniche. Enfin, comme l'églisen'est plus consacrée au culte, des fouilles pourraient y êtreentreprises avec l'espoir de mettre au jour les fondationsprimitives et de découvrir des tombeaux du moyen fige.

(1) « MCLII I. Obiit Nnrn,ntsclus tic Doa, episcopus noste,, qu de havicccl cci e sostre tra lii ht' s pie veLu s ta t e ni itou, in ii, tint j bus ablati s, vol t,-tu tac i api detis 'iii ru eikctti cdi lien te cep j L ». M n rcltegi.y Gît ioniq,res tirséglises d'A njor,, p . 192.

(2) « Obi' t li enricus rex qui I, ttj us ceclesi te lacu na r en,, si ,uxi t s. cf.Néeroiuqc, dans R. Mortel Un nier' usent clin ri ru in du XP siècle, p. 171

Caen- - I iupr. li. Delesques, rue Dèmoloinhe, 34