le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

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Faculté de Droit et Science Politique Mémoire de recherche Marina COMBES Sous la direction de messieurs Alexandre CHARBONNEAU, Maître de conférences en droit privé, et Philippe MARTIN, Directeur de recherche au CNRS Master 2 Droit du Travail et de la Protection Sociale Dirigé par Monsieur le Professeur Gilles Auzero Année universitaire 2020-2021 Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

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Page 1: Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

Faculté de Droit et Science Politique

Mémoire de recherche

Marina COMBES

Sous la direction de messieursAlexandre CHARBONNEAU, Maître de conférences en droit privé, et

Philippe MARTIN, Directeur de recherche au CNRS

Master 2 Droit du Travail et de la Protection Sociale Dirigé par Monsieur le Professeur Gilles Auzero

Année universitaire 2020-2021

Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

Page 2: Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire
Page 3: Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n’engagent pas l’Universitéde Bordeaux.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Remerciements

Je souhaiterai adresser mes plus sincères remerciements à mes directeurs de mémoire, Monsieur

Alexandre Charbonneau, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Bordeaux et

Monsieur Philippe Martin, Directeur de recherche au CNRS, qui m'ont aidés tout au long de ma

recherche et du processus d'écriture de mon mémoire. Leur encadrement en codirection et leur

soutien m'ont permis d'avancer sereinement dans la rédaction de ce mémoire de recherche.

Je tenais également à remercier toutes les personnes que j'ai pu rencontrer qui m'ont accordé du

temps pour discuter du sujet de ce mémoire et qui ont participé de près ou de loin à la réflexion que

j'ai menée.

Un remerciement particulier, en cette période de crise sanitaire, à l'ensemble du corps enseignant de

l'Université de Bordeaux qui ont mis en place un suivi pédagogique et une continuité des

enseignements pour leurs étudiants.

Enfin, un dernier remerciement pour toutes les personnes que je ne peux citer mais qui m'ont aidé

dans l'avancement, les finitions et les moments de doute lors de la rédaction de mon mémoire de

recherche.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Sigles et abréviations

AAH Allocation aux adultes handicapés

AGEFIPH L'association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées

ANCREAI Association nationale des CREAI

Art. Article

Bull Publié au bulletin

C. civ. Code civil

C. élect. Code électoral

C. pén Code pénal

C. trav. Code du travail

CA Cour d'appel

Cass. Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

CAT Centre d'aide par le travail

CCAH Comité national coordination action handicap

CDAPH Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées

CDD Contrat à durée déterminée

CDI Contra à durée indéterminée

CDTD Centre de distribution de travail à domicile

CEDH Convention européenne des droits de l'homme

CFDT Confédération française démocratique du travail

CHSCT Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail

CNCPH Conseil national consultatif des personnes handicapées

COTOREP Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel

CREAI Centres régionaux d’études, d'actions et d'informations en faveur des

personnes en situation de vulnérabilité

CSE Comité social et économique

DGCS Direction générale de la cohésion sociale

DIRECCTE Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation,

du travail et de l'emploi

DREETS Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

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Page 6: Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme

EA Entreprise adaptée

EPA Établissement public à caractère administratif

ESAT Établissement et service d'aide par le travail

FIPHFP Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique

GRTH Garantie de ressources des travailleurs handicapés

Ibid. Ibidem - Au même endroit Infra

Infra Ci-dessous

IRP Instance représentative du personnel

L. Loi

L.I.S.A Laboratoire d'idées santé autonomie

Loc. cit. Loco citato - à l’endroit cité

MDPH Maisons départementales des personnes handicapées

MJPM Mandataire judiciaire à la protection des majeurs

OETH Obligation d'emploi des travailleurs handicapés

OIT Organisation internationale du travail

Op. cit. Opere citato – Dans l’ouvrage cité

p. Page

RQTH Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

RSA Revenu de solidarité active

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

Supra Ci-dessus

UNSA Union nationale des syndicats autonomes

V. Voir

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Sommaire

Introduction........................................................................................................................................8

Partie 1 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire : coexistence entre protection et insertion…………………………………………………………22

Chapitre 1 : Approche contractuelle du travail des majeurs protégés : conciliation des protections...........................................................................................................23

Section 1 : La conclusion du contrat de travail.........................................................................23Section 2 : La rupture du contrat de travail...............................................................................33

Chapitre 2 : Majeurs protégés et rapports collectifs de travail : salariés ordinaires dans l'entreprise................................................................................................41

Section 1 : La participation des majeurs protégés aux droits collectifs....................................41Section 2 : Le manque de représentation collective des majeurs protégés................................47

Partie 2 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire : articulation entre protection et insertion…………………………………………………………56

Chapitre 1 : L'accès encouragé des majeurs protégés dans l'emploi.........................................57

Section 1 : Les entraves à l'accès au travail en milieu ordinaire...............................................57Section 2 : Les mécanismes correcteurs facilitant l'accès au travail en milieu ordinaire..........64

Chapitre 2 : Le maintien des majeurs protégés dans l'emploi........................................................74

Section 1 : L'adaptation du milieu professionnel......................................................................74Section 2 : Une meilleure connaissance du handicap...............................................................80

Conclusion.........................................................................................................................................87

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Introduction

1. Une salariée travaille dans une entreprise privée du milieu ordinaire. Elle ne sait ni lire, ni

écrire. Son employeur est agressif et ne lui fournit pas ses bulletins de paie. Elle fait la demande

d'une protection judiciaire afin qu'un mandataire1 l'aide dans les épreuves quotidiennes, notamment

dans la lecture de ses courriers tant personnels que professionnels. Plus tard, la salariée sera

licenciée. Le mandataire judiciaire l'a accompagnée et l'a assistée lors de son licenciement. Il a

ensuite pris l'initiative de faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur

handicapé (RQTH) avant de lui chercher un nouvel emploi. Le mandataire voudrait la transférer

vers le milieu protégé2 afin qu'elle puisse s'épanouir professionnellement. Mais la salariée majeure

protégée désire continuer de travailler dans le milieu ordinaire. Cette situation n'est autre qu'une

invention réalisée par la juxtaposition de plusieurs anecdotes qui m'ont été confiées par une

mandataire judiciaire indépendante. Déjà passionnément investie dans l'aide à la personne, j’ai

découvert l’univers des majeurs protégés à ses côtés lors d’un stage d’observation. Lorsque le sujet

du travail des majeurs protégés m'a été proposé, c'était une évidence puisqu’il m’offrait la

possibilité de partager les connaissances théoriques acquises lors de mon cursus universitaire en

droit social avec la question de l’intégration des majeurs protégés en entreprise. Ce mémoire

s'inscrit dans une volonté de poursuivre la recherche sur l'insertion professionnelle des majeurs

protégés. Les liens qui unissent les majeurs protégés au milieu ordinaire de travail méritent une

attention particulière afin de préserver un équilibre entre leur protection et leur insertion.

2. Dans toute société, de l'enfance à la vieillesse, l'âge est un facteur qui détermine les phases de la

vie. Le majeur est l'individu qui, par opposition au mineur, a « atteint l'âge légal de la majorité

auquel il accède à la pleine capacité d'exercice et devient en droit indépendant et responsable »3. En

théorie, « la majorité est une période où la capacité juridique est entière avec, quelquefois, une

1 Sur le mandataire judiciaire et son rôle auprès du majeur protégé, v. Kass-Danno (S), « La réforme des régimes deprotection des majeurs : le regard d'un juge des tutelles », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p. 131-149 ; Fatah (B),« La réforme des tutelles renforce le droit des personnes vulnérables », Journal du droit des jeunes [en ligne] , 2007,n°268, p. 32-36 ; Eyraud (B), « D'une réforme à l'autre : le droit tutélaire à l'épreuve de son application », Vie sociale[en ligne], 2010, n°3, p. 71-91. Depuis 2007, le « délégué à la protection » parfois utilisé dans notre étude, a été remplacé par le mandatairejudiciaire à la protection des majeurs qui assure le rôle de tuteur ou de curateur. C’est un professionnel chargé de laprotection de la personne placée sous un régime de protection. Il peut exercé son activité au sein d’une associationmandataire, en indépendant ou dans les établissements médico-sociaux ou hospitaliers.

2 V. infra. 3 Définition du vocabulaire juridique, Cornu (G), 11° édition mise à jour, 2016, p. 636, v. majeur.

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vulnérabilité variable »1, ce sera le cas des majeurs protégés. En vertu de l'article 425 du code civil,

« toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération,

médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à

empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique »2. Le

législateur a fait le choix dans le code civil de traiter des mineurs et des majeurs protégés dans le

même livre3. La tendance est souvent à « l'infantilisation des adultes vulnérables »4, cela pourrait

expliquer que l'on ne les différencient pas. Cependant, la grande réforme du dispositif de protection

des majeurs par la loi du 5 mars 20075 a cloisonné les règles relatives aux mineurs, de celles

relatives aux majeurs protégés. Elle a aussi fait définitivement disparaître « l'étiquette de personne

incapable dont la connotation est humiliante »6. Notre réflexion ne portera que sur le majeur protégé

et non sur la personne protégée au sens large qui inclut les mineurs. Pour autant, nous envisageons

le concept plus large de vulnérabilité dans laquelle entrent les majeurs protégés.

3. La vulnérabilité7 a une connotation moins restrictive que la seule privation des droits en vue

d'une protection judiciaire. Elle vise des mesures incluant la prise en compte des droits sociaux et

consisterait à accorder davantage de droits aux personnes vulnérables. Le concept de personne

vulnérable est venu remplacer celui d'incapable, principalement par soucis d'adoucissement du

langage. Le législateur contemporain ne voulant pas heurter par des termes lourds de conséquence.

Auparavant on utilisait les termes suivants : débiles, aliénés, prodigues, fous, incapables8. Des

termes qui nuisent à la dignité de la personne, reconnus par l'évolution de la société. En effet, « le

vocable incapacité n’a pas toujours bonne réputation et a conduit à préférer souvent le substitut de

1 Beauruel (M), La théorie générale du pouvoir en droit des majeurs protégés, Thèse, Sciences juridiques, Universitéde Caen Normandie, 2018, [consulté le 20 décembre 2020], p. 23.

2 C. civ., art. 425. 3 Le code civil traite du droit des personnes protégées dans son Livre premier « De la minorité à la majorité et aux

majeurs protégés ».4 Expression de Beauruel (M) in Beauruel (M), La théorie générale du pouvoir en droit des majeurs protégés, loc. cit.5 L. n°2007-308, 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs. 6 Beauruel (M), op.cit., p. 23 – 24. 7 Sur la vulnérabilité, v. Noguéro (D), « Vulnérabilité et aptitude », Rapport, Association Henri Capitant, Paris, 2018 ;

Cour de cassation, « Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation », Rapport annuel, Ladocumentation française, Paris, 2009 ; CNCPH, « Assurer le respect des droits fondamentaux des personnesvulnérables » [en ligne], Rapport, 2018 ; Défenseur des droits, « protection juridique des majeurs vulnérables » [enligne], Rapport, 2016.

8 Sur le changement de vocabulaire, v. Raoul-Cormeil (G), « La protection des malades mentaux par le droit civil »,CRDF [en ligne], 2014, n°12, p. 59-72 ; Hauser (J), « Incapables et/ou protégés ? », Informations sociales [enligne], 2007, n°138, p. 6-19 ; Binet (A), Simon (Th), « La législation des aliénés », L'année psychologique [enligne], 1910, n°17, p. 351-362.

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la vulnérabilité. Il est fréquemment suggéré ou ordonné de glisser vers un adoucissement »1. Si le

droit civil ignore2 totalement le concept de personne vulnérable au regard de son raisonnement

reposant sur la capacité et notamment dans les articles consacrés aux majeurs protégés, ces derniers

sont pourtant concernés par la vulnérabilité. Pour autant, il convient de préciser que « toutes les

personnes vulnérables ne sont pas privées de tout ou partie de leur capacité. La catégorie des

personnes vulnérables est donc plus large que celle des incapables majeurs »3. La vulnérabilité des

majeurs protégés peut se traduire par une altération de leurs facultés mentales, mais « l’altération

des facultés corporelles est aussi envisagée dès lors qu’elle empêche l’expression de la volonté »4,

on parle de « vulnérabilité personnelle »5.

4. En droit international, la référence à la vulnérabilité « implique ainsi la question centrale de

l'effectivité et de la pérennité de son utilisation »6. La vulnérabilité doit être envisagée « comme un

outil juridique moderne »7. Cependant, les acteurs du droit international se heurtent aux mêmes

problèmes qu'en droit interne : une absence de définition. Un travail de comparaison de l'utilisation

de la vulnérabilité dans la législation internationale et en droit de l'Union Européenne8 aurait pu être

mené. Cette démarche n'a pas été la nôtre. L'ampleur de la tâche aurait été considérable, chaque pays

ayant son langage et son appréciation des concepts.

1 Noguéro (D), « Vulnérabilité et aptitude », Rapport, Association Henri Capitant, Paris, 2018, p. 8. 2 Il convient de souligner que le droit pénal appréhende la vulnérabilité. En effet, elle a fait son apparition dans le

code pénal de 1994, définie comme le « trop jeune ou trop grand âge, de la maladie, de l'infirmité, de la déficiencephysique ou psychique ou encore de l'état de grossesse ». Des infractions spécifiques ont été créées pour lespersonnes vulnérables : le délaissement avec un regain d'intérêt, l'abandon pécuniaire de la famille, les violenceshabituelles, l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse. Nous pouvons imaginer la situation de la signatured'un contrat de travail sans avoir conscience des clauses abusives qu'il contient.

3 Cour de cassation, « Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation », Rapport annuel, Ladocumentation française, Paris, 2009, p. 97.

4 Cour de cassation, Rapport annuel, loc.cit., C. civ., anc. Art. 490. 5 Cour de cassation, Rapport annuel, op. cit., p. 64. 6 Blondel (M), La personne vulnérable en droit international, Sandrine Sana-Chaillé De Neré et Anne-Marie

Tournepiche (dir.) Thèse, Droit, Université de Bordeaux, 2015, p. 18. 7 Blondel (M), loc. cit. 8 La vulnérabilité est aussi largement accueillie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme :

celle-ci recourt facilement au terme de vulnérabilité lorsqu’elle est amenée à interpréter certains articles de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour autant, elle n'apparaît dansaucun des articles. Or, la vulnérabilité recouvre une matérialité que le droit prend en compte à travers d’autresnotions telles que celles de faiblesse ou de dépendance.

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5. Le majeur protégé va bénéficier « pour sa personne et ses biens, en raison d'un état de faiblesse et

de vulnérabilité, d'un régime de protection organisé par la loi »1. Les régimes de protection2 de droit

civil, aussi appelés protection judiciaire ou juridique, ont été instaurés en vue de « pourvoir aux

intérêts d'un majeur qui, en raison de l'altération de ses facultés personnelles, a besoin d'être soit

représenté, soit conseillé et contrôlé, soit protégé dans les actes de la vie civile »3. Par conséquent,

trois régimes légaux sont prévus par la loi, du plus léger au plus strict. C'est sur les régimes de

protection judiciaire que nous nous attarderons, notamment la curatelle et la tutelle gérées par un

mandataire judiciaire4. Nous écartons les autres dispositifs de protection comme le mandat de

protection future, ou l'habilitation familiale. Ce choix a été fait d'une part parce que la curatelle et la

tutelle sont les dispositifs les plus connus5, d'autres part, car ce sont les régimes où l'intervention du

juge civil persiste. Sous le régime d'habilitation familiale, une fois la personne désignée, le juge

n'interviendra plus. De la même manière, le mandat de protection future entre dans une nouvelle

catégorie de mesure, moins restrictive6.

1 Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 824, v. protégé. 2 Sur ces régimes, v. Malaurie (P), Aynès (L), Droit des personnes. La protection des mineurs et des majeurs, LGDJ,

Paris, 2018 ; Bernard-Xémard (C), Cours de droit des personnes et de la famille, Amphi LMD, Paris, 2018-2019.Massip (J), Les majeurs protégés. Tome I. Régime juridique, et, Les majeurs protégés. Tome II. Formulesd'application, Répertoire du notariat Defrénois, Paris, 1994.

3 Bernard-Xémard (C), Cours de droit des personnes et de la famille, Amphi LMD, Paris, 2018-2019, p. 879 – 880. 4 Malgré la possibilité que la tutelle ou la curatelle soit gérée par un proche du majeur protégé, un parent par exemple,

nous avons choisi de nous limiter aux cas où le régime de protection est géré par un mandataire judiciaire,professionnel assermenté.

5 Tableau représentatif des dispositifs de protection les plus connus pour les majeurs protégés in France Tutelle,« Regard(s) des Français sur la vulnérabilité et la protection juridique de leur proche », Rapport, 2019,www.silvereco.fr

6 V. Cour des comptes, « La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvredéfaillante » [en ligne], Rapport, 2016, p. 30.

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6. En premier lieu, la sauvegarde de justice1, est le régime de protection le moins restrictif de

liberté. Mise en place pour de courtes durées et de manière provisoire, cette mesure de protection est

peu intéressante pour notre étude puisque le majeur conserve sa pleine capacité et n'étant que

temporaire, il n'est pas opportun de la mettre en équivalence avec les pratiques du milieu

professionnel. Ainsi, nous nous consacrerons principalement aux deux mesures suivantes : la

curatelle et la tutelle.

7. Concernant la curatelle2, c'est le régime de protection dit intermédiaire3 « sous lequel peut être

placé un majeur lorsque, sans être hors d'état d'agir lui-même, il a besoin d'être conseillé et contrôlé

dans les actes les plus graves de la vie civile, soit en raison d'une altération de ses facultés

personnelles »4. Par ailleurs, il existe plusieurs types de curatelle, à niveaux d'assistance variables :

de la curatelle simple à la curatelle renforcée. La curatelle dite renforcée ou aggravée est celle qui se

rapproche le plus de la tutelle au regard d'une vulnérabilité plus importante du majeur protégé. Elle

représente 59% des mesures de protection contre seulement 3% pour la curatelle simple sur la

répartition des mesures de protection judiciaire5. Elle permet d'élargir de manière conséquente les

prérogatives du curateur et donc de réduire les libertés du majeur protégé.

8. En dernier lieu, la tutelle6 est le régime le plus sévère mais le plus protecteur. Il permet de

« sauvegarder dans leur personne et leurs biens certains individus incapables de pourvoir eux-

mêmes à leurs intérêts et dont la charge incombe, sous la surveillance du juge des tutelles, au tuteur

ainsi qu'au conseil de famille »7. Au-delà de l'assistance et du conseil, le tuteur va représenter mais

aussi contrôler le majeur. En autre, le tuteur doit tout gérer pour le majeur protégé, qui ne peut ni

veiller sur sa propre personne ni sur ses biens. Le tuteur représentera le majeur protégé dans tous les

actes de la vie quotidienne8. La tutelle représente 36% des mesures de protection judiciaire mises en

1 Sur le régime de sauvegarde de justice, v. C. civ., art. 433 à 439. 2 Sur le régime de curatelle, v. C. civ., art. 440 à 476.3 La curatelle est à la fois plus protectrice que la sauvegarde de justice et bien moins lourde que la tutelle d’où

l’emploie du terme de protection intermédiaire. 4 Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 293, v. curatelle.5 ANCREAI, « Étude relative à la population des majeurs protégés. Profils, parcours et évolutions » [en ligne],

Rapport, 2017, p. 46. 6 Sur le régime de tutelle, v. C. civ., art. 440 à 476.7 Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 1046, v. tutelle.8 À titre d'exemple, un majeur souffrant de la maladie d’Alzheimer devra être placé sous la plus forte mesure de

protection, à savoir la tutelle, car les effets de la maladie peuvent être très dangereux pour la personne et entraînerades difficultés pour celle-ci dans sa vie quotidienne.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

place1.

9. Entre la curatelle renforcée et la tutelle, il n'y a qu'un degré à franchir : passer de l’assistance à la

représentation. En revanche pour le majeur protégé cela génère de nombreux changements.

Notamment puisque la représentation s’inscrit dans l'action donnée à une personne investie « à cet

effet d'un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel, d'accomplir au nom et pour le compte d'une

autre – incapable ou empêchée – un acte juridique2 dont les effets se produisent directement sur la

tête du représenté »3. Alors que l'assistance se manifeste par la « présence, auprès d'un incapable,

d'une personne chargée par la loi de le conseiller, de le contrôler, ou de l'habiliter pour les actes de la

vie civile »4. Dans les deux situations, on recherche la protection de la personne, de ses intérêts et de

ses biens, mais à des degrés différents. Le pouvoir accordé à la personne chargée de la protection

sera plus ou moins important.

10. Par conséquent, il y a une variabilité de compétence pour le mandataire judiciaire. Ses

compétences vont varier selon le régime de protection sous lequel se trouve le majeur protégé mais

aussi en fonction de « la classification des actes de gestion du patrimoine des personnes

protégées »5. Afin de clarifier l'étendue des pouvoirs des personnes chargées de la protection des

majeurs, un décret du 22 décembre 20086, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes

placées en curatelle ou en tutelle, est intervenu. Le décret a apporté une définition distincte des actes

d'administration à celle des actes de disposition, « ce qui ferait la différence entre l'acte

d'administration et l'acte de disposition serait le degré de l'atteinte portée au patrimoine. Ainsi ce ne

serait pas la nature de l'acte qui commanderait sa qualification mais bien ses effets sur l'ensemble du

patrimoine »7. Les actes d'administration se définissent comme « les actes d'exploitation ou de mise

en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal »8. Alors que les actes de

1 ANCREAI, loc. cit.2 Définition et régime, v. C. civ., art. 1100-1.

Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 19, v. acte juridique : opération juridique (negotium) consistant enune manifestation de la volonté ayant pour objet et pour effet de produire une conséquence juridique.

3 Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 905, v. représentation.4 Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 92, v. assistance.5 Maria (I), « Majeurs protégés – De la pertinence de la classification des actes de gestion du patrimoine des personnes

protégées. Approche critique du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 », Droit de la famille [en ligne] , 2009,n°10, étude 31.

6 Décret n°2008-1484, 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelleou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil.

7 Ibid. 8 Ibid.

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disposition se définissent comme « les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée,

pour le présent ou pour l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation

significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire »1. Par

ailleurs, le décret du 22 novembre 2008 présente un tableau en annexe 12 avec les actes regardés

comme acte de disposition ou d'administration, et en annexe 23, des listes similaires mais avec la

possibilité de requalifier les actes selon les circonstances d'espèces. C'est une des critiques adressée

à ce décret : « la liberté de requalification donnée aux tuteurs pour tous les actes listés dans

l'annexe 2. »4. Le problème est alors lié à la subjectivité et aux inégalités entre majeurs protégés

puisqu' « un même acte pourra, pour deux situations très proches, tantôt être qualifié

d'administration tantôt de disposition selon le bon vouloir du tuteur concerné »5.

11. La variabilité, non plus de compétence mais de l'approche des concepts, doit s'apprécier du

point de vue des branches du droit. En effet, le majeur protégé, catégorie de personnes à part entière

en droit civil, est quasiment inexistant dans la sphère du droit social6. Cette absence est due à

l'histoire des régimes d'incapacité et aux différenciations de branches. En effet, lorsque les régimes

civils d'incapacité sont créés en 1804, ils ne s'adressent quasi-exclusivement qu'à des personnes

bénéficiant d'un patrimoine, étant propriétaires puisque la protection est centrée sur les biens. La

mise sous tutelle permettait de placer un individu se trouvant « en état d’imbécillité, de démence ou

de fureur »7 afin d'éviter qu'il dilapide le patrimoine familial. Les aliénés8 étaient considérés comme

dangereux nécessitant une mesure d'enfermement et au besoin de les lier, d'où l'expression française

« être fou à lier ». Les personnes dont les facultés mentales sont altérées, dans leur ensemble,

n'avaient pas leur place sur le marché du travail. C'est une exclusion de fait : « les personnes

handicapées étaient dispensées de travailler9. Toute société a eu à traiter la question de ses membres

1 Ibid. 2 V. infra. Annexe n°1.3 V. infra. Annexe n°2. 4 Maria (I), loc. cit. 5 Ibid. 6 Notion entendue comme regroupant les règles qui régissent les relations individuelles et collectives de la relation de

travail, à savoir le droit du travail, le droit de la sécurité sociale et le droit de l'action sociale et des familles., v.Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), Droit du travail, Précis, Dalloz, 34e édition, 2020, p. 13 et 16.

7 Kass-Danno (S), « La réforme des régimes de protection des majeurs : le regard d'un juge des tutelles », Vie sociale[en ligne], 2010, n°3, p. 132.

8 Sur le terme d'aliéné, v. De la Gorce (P), De la condition juridique des aliénés et des prodigues en droit romain eten droit français, Mr. Labbé (dir.), Thèse, Droit, Université de droit de Paris, 1870 ; Binet (A), Simon (Th), « Lalégislation des aliénés », L'année psychologique [en ligne], 1910, n°17, p. 351-362.

9 La force de travail étant inégalitaire, l'assistance permet de compenser l'inaptitude, le handicap pour palier le devoirde travailler. V. Alfandari (E), Tourette (F), Action et aide sociales, Précis, 5e édition, Dalloz, 2011.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

les plus vulnérables, ceux dont la force productive fait défaut »1. Ce n'est qu'à partir de la loi du 3

janvier 19682 que l'on réfléchit à une protection individualisée pour chaque majeur en prenant en

considération les particularités de chacun. Le pas sera sauté avec la grande réforme du 5 mars 2007 3

qui, plus qu'une individualisation des protections, recherche une autonomie et une

responsabilisation du majeur protégé. Cette volonté d'autonomie s'est endurcie avec la réforme de la

justice du 23 mars 20194. Pour autant, la recherche d'autonomie paraît en parfaite contradiction avec

la mise sous protection de la personne. Notamment parce que c'est un droit de capacité, qui a pour

but de protéger le majeur contre lui-même et contre l'abus des tiers, historiquement d'abord pour ses

biens puis pour sa personne en réduisant ses libertés du fait de son incapacité. Or pour atteindre

l'autonomie, il faut être libre et capable.

12. Le concept de capacité5 issu du droit civil a ainsi enfermé les régimes de protection dans

cette branche du droit sans lui permettre de s'étendre aux autres branches. L'ancien article 1123 du

code civil disposait que « toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la

loi »6. À cet égard, « la capacité est la règle, l'incapacité l'exception »7. Selon Capitant, la capacité

comporte une division bipartite puisqu’elle renferme deux volets : la capacité de jouissance et la

capacité d’exercice, « devenir le sujet de droits, c'est acquérir des droits, en être titulaire, en avoir la

jouissance ; faire valoir les droits, c'est les mettre en mouvement pour retirer les avantages qu'ils

sont susceptibles de procurer, ou pour les démembrer ou les céder, les transmettre à des tiers, en un

1 Joly (L), L'emploi des personnes handicapées entre discrimination et égalité, Gérard Lyon-Caen (dir.), Thèse, Droitprivé, École Doctorale Droit et Science Politique Nanterre, 2013, p. 14.

2 L. n°68-5, 3 janvier 1968, portant réforme du droit des incapables majeurs. Cette loi refond entièrement le titreonzième du Livre premier du Code civil intitulé « De la majorité et des majeurs qui sont protégés par la loi » ; v.Eyraud (B), Henckes (N), « Entre psychiatrie, travail social et droit civil : les régulations de la protection de lapersonne au tournant des années 1968 », Le mouvement social [en ligne], 2013, n°242, p. 61-79.

3 L. n°2007-308, 5 mars 2007, op.cit., v. parmi les commentaires de l'ensemble de la réforme : Bauer (M), Mear (C),« La réforme de la protection juridique, quel profit pour les majeurs protégés », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p.151-161 ; Delprat (L), « Réforme des tutelles : premier état des lieux », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p. 49-60 ;Fatah (B), « La réforme des tutelles renforce le droit des personnes vulnérables », Journal du droit des jeunes [enligne], 2007, n°268, p. 32-36 ; Eyraud (B), « D'une réforme à l'autre : le droit tutélaire à l'épreuve de sonapplication », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p. 71-91.

4 L. n°2019-222, 23 mars 2019, dite loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. V. Corpart (I),« Quand vulnérabilité rime avec liberté et sécurité : volet majeurs protégés de la loi du 23 mars 2019 », Le journaldes accidents et des catastrophes (UR N°3992) [En ligne], CERDACCJAC, publié le 29 avril 2019.

5 Sur la capacité juridique, v. Beauruel (M), La théorie générale du pouvoir en droit des majeurs protégés, AnnickBatteur (dir.), Thèse, Sciences juridiques, Université de Caen Normandie, 2018 ; Malaurie (P), Aynès (L), Droit despersonnes. La protection des mineurs et des majeurs, LGDJ, Paris, 2018.

6 C. civ., anc. Art. 1123. 7 Blondel (M), op. cit., p. 93.

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mot, les exercer »1. Du côté de l'antonyme de la capacité, l'incapacité civile2 ne peut être assimilée à

l'incapacité de travail. Cette dernière désignant l'état d'une personne qui se trouve dans

l’impossibilité provisoire ou permanente de travailler ou d'effectuer certaines tâches liées à son

travail.

13. Le concept de capacité civile n'apparaît pas en droit social. En revanche, l'incapacité est

problématisée par les termes de travailleur handicapé3. Le code du travail considère qu'est

travailleur handicapé, « toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont

effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle,

mentale ou psychique »4. Depuis la loi du 30 juin 19755, la personne handicapée « possède un statut

juridique particulier et un corpus de règles dérogatoires a été édicté »6 pour ces personnes. Le

handicap « s'est imposée tardivement dans le langage du droit remplaçant progressivement la

référence à l'infirmité »7. Il « est entendu comme une cause de vulnérabilité que le droit à pris en

considération »8. Ce concept a engendré « une catégorisation de la personne en vue de la protéger »9.

Il est important d'observer qu' « en la forme, le code civil n'emploie jamais le mot handicap ni

l'adjectif handicapé contrairement au code de l'action sociale et des familles »10 ainsi qu'aux codes

de la sécurité sociale et du travail qui emploient l'expression de travailleur handicapé. Mais qu'en

est-il des autres majeurs qui ne se voient pas attribuer la qualification de travailleur handicapé ?

Sans la qualification de travailleur handicapé, celle de majeur protégé n'ouvre aucune protection ou

attention particulière en droit du travail. Le majeur protégé sera ainsi considéré comme tout autre

salarié, sans distinction, ou s'il en a la qualité, comme travailleur handicapé. Lorsque nous

1 Capitant (H), Introduction à l'étude du droit civil : notions générales, A. PEDONE, 5e édition, Paris, 1929, p. 169. 2 De la même manière, l'inaptitude en droit du travail est « la disqualification qui, survenant au cours de la vie active,

peut donner lieu à la rupture du contrat de travail, mais aussi au versement anticipé de prestations de vieillesse ».Alors même, que l'inaptitude pour le droit civil renvoie à son incapacité de fait à exercer une activité déterminée quipeut justifier, une mesure de protection. La vulnérabilité d'une personne pourra entraîner son inaptitude, mais ce nesera pas toujours le cas.

3 Sur les travailleurs handicapés, v. Blanc (A), Les handicapés au travail. Analyse sociologique d'un dispositifd'insertion professionnelle, Dunod, Pratiques sociales, 1995 ; Leray (G), L'emploi des travailleurs handicapés.Recruter, accueillir et intégrer un travailleur handicapé dans l'entreprise, Gereso, 3e édition, L'essentiel pour agir,2014 ; AGEFIPH, « Prise en compte du handicap dans l'entreprise » [en ligne], Rapport, 2018 ; AGEFIPH,FIPHFP, « Atlas national 2008. L'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées », Rapport [enligne], 2008.

4 C. trav., art. L. 5213-1. 5 L. n°75-534, 30 juin 1975, loi d'orientation en faveur des personnes handicapées. 6 Joly (L), loc. cit. 7 Joly (L), op. cit., p. 6. 8 Ibid. 9 Ibid. 10 Blondel (M), op. cit., p.21.

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utiliserons dans notre étude, les termes de travailleur handicapé, nous viserons les majeurs protégés

qui ont fait la demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) mais nous

garderons à l'esprit que certains d'entre eux ne feront jamais la demande par manque de

connaissance ou par fierté1. Les majeurs protégés sont donc considérés, en droit du travail, comme

tout autre salarié alors même qu'ils font l'objet d'une attention particulière en droit civil.

14. En mêlant le droit civil au droit social, il convient de souligner qu'il ne s'agit plus

d’empêcher les majeurs protégés de dilapider le patrimoine familial, comme ça a été prévu

initialement2. L'idée est également de permettre à certaines personnes de bénéficier de prestations

auxquelles elles ont droit et de surveiller par la même occasion l'usage qu'elles en font. Également,

si la protection civile peut être privative de liberté, partiellement ou totalement, elle tend aussi à

défendre les libertés individuelles. La protection est-elle synonyme de réduction de liberté ? C'est

une question qu'il faut se poser car pour protéger une personne vulnérable, de manière effective, le

droit civil a souvent utilisé la réduction des droits. Le placement sous un régime de protection géré

par un mandataire judiciaire revient à confier certaines libertés entre les mains du mandataire, qui

interviendra souvent en place et nom du majeur protégé. Peut-il en être de même pour la vie

professionnelle des majeurs protégés ?

15. Notre étude se concentre sur le travail3 des majeurs protégés. Nous avons fait le choix de

réduire la vie professionnelle des majeurs protégés à celle exercée dans les entreprises privées du

milieu ordinaire. Le milieu ordinaire de travail est le marché du travail classique. À cet égard, nous

voulons montrer comment le salariat s'organise en présence d'une personne vulnérable, sans pour

autant étudier les emplois publics auxquels le code du travail ne s'applique pas entièrement4. Nous

avons en effet choisi de nous focaliser sur les entreprises, milieu où deux logiques de protection

sont rassemblées : la protection du droit du travail régissant la relation entre l'employeur et son

salarié, et la protection telle qu'elle est issue du droit civil. Nous avons donc exclu de notre étude les

entreprises adaptées (EA) et les centres de distribution de travail à domicile (CDTD) qui se trouvent

1 Selon Le Dantec (J) in « Entre travail et handicap », Empan [en ligne], 2004, n°55, p. 73 ; le travail permetd' « exercer une activité, de se rapprocher de cette norme de l'insertion, mais au prix d'une reconnaissance detravailleur handicapé et donc de ce qui vaut encore comme officialisation d'une non-insertion, d'une vie à part ».

2 V. supra. 3 Sur le travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), Droit du travail, Précis, Dalloz, 34e édition, 2020, p. 3. 4 Sur le contrat de travail et le droit public, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), Droit du travail, Précis, Dalloz,

34e édition, 2020, p. 279.

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aussi dans le milieu ordinaire de travail. Ce dernier s'oppose au milieu protégé, réservé aux

personnes en situation de handicap. Notamment, la loi du 11 février 20051 tendant à réaffirmer

l'objectif d'intégration des personnes handicapées dans la société par l'emploi, a remplacé les centres

d'aides par le travail (CAT) par les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et les

ateliers protégés sont désormais exclus du milieu protégé remplacés par les EA en milieu ordinaire.

Aussi, dans la volonté d'étudier les rapports entre salariés majeurs protégés et leur employeur en

entreprise, la démarche est d'observer comment les règles prévues par le code du travail

appréhendent cette relation. Or, et c'est ce qui justifie que nous n'en traiterons pas dans cette étude,

le milieu protégé n'applique pas entièrement les règles du code du travail2. En effet, les travailleurs

en milieu protégé bénéficient du « statut d'usagers d'établissement médico-social et non de

salarié »3. De la même manière, ces travailleurs « ne signent pas un contrat de travail mais un

contrat de séjour spécifique appelé contrat de soutien et d'aide par le travail »4. Leur rémunération

« n'est pas juridiquement un salaire »5, composée d'une rémunération directe financée par l'ESAT et

d'une autre partie, qu'est la garantie de ressource des travailleurs handicapés (GRTH), financée par

l’État. En ce sens, nous avons choisi de nous placer du côté du majeur protégé salarié uniquement.

Bien conscient que l'étude des majeurs protégés ouvre de nombreuses questions autour du travail,

comme celles du majeur protégé indépendant, mais « c'est un droit du pouvoir que le droit du travail

ne concerne pas »6, ou du majeur protégé employeur pour lequel la jurisprudence7 est bien plus

développée que pour le majeur protégé salarié. Nous étudions une situation relativement

minoritaire8 puisqu’au regard des chiffres, très peu de majeurs protégés ont une activité salariée9 :

« la plupart des majeurs protégés n’exerce aucune activité professionnelle : 43% sont retraités et

1 L. n°2005-102, 11 février 2005, loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté despersonnes handicapées.

2 Pour autant, les travailleurs en ESAT « bénéficient des dispositions du code du travail sur la santé et la sécurité autravail, et depuis 2005, de la transposition d'un certain nombre de droits en matière de relations individuelles dutravail ». Par exemple, on applique aux ESAT les droits aux congés annuels, de maternité et de paternité régis par lecode du travail. V. Inspection Générale des Finances, « Les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) »[en ligne], Rapport, 2019.

3 Inspection Générale des Finances, « Les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) » [en ligne], Rapport,2019, p. 23.

4 Inspection Générale des Finances, op. cit., p. 24.5 Inspection Générale des Finances, op. cit., p. 46.6 Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), Droit du travail, Précis, Dalloz, 34e édition, 2020, p. 3. 7 Sur les majeurs protégés employeurs, v. Jeansen (E), « Droit des incapacités et droit du travail. Regard sur une

rencontre », La Semaine Juridique [en ligne], 2008, n°11, p. 124 ; Barège (A), « Formation et clauses »,JurisClasseur Travail Traité [en ligne], 2017, fasc. 17-12 ; Noguéro (D), « L'assistance du curateur pour laconclusion d'un contrat de travail par l'incapable majeur », Petites affiches [en ligne], 2007, n°58, p. 12.

8 V. infra.Tableau représentatif de la situation face à l'emploi des majeurs protégés in ANCREAI, Rapport, loc. cit. 9 Définition du vocabulaire juridique, Cornu (G), op. cit., p. 29, v. activité salariée. « travail dépendant, effectué pour

autrui, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ».

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

38 % sont des « autres inactifs » (personnes, qui ne sont ni en situation d’emploi, ni en recherche

d’emploi car elles se trouvent en incapacité de travailler, le plus souvent en raison d’un handicap ou

d’une invalidité) »1.

16. Sur 450 000 personnes bénéficiant d'une mesure de protection judiciaire exercée par un

professionnel, seuls 14% ont une activité professionnelle2. Le chômage étant important pour tous, il

l'est d'autant plus pour les personnes présentant des difficultés particulières pour s'insérer sur le

marché du travail. Nous comparerons les situations des majeurs placés sous curatelle et sous tutelle,

même si par déduction, une personne sous tutelle sera bien moins souvent amenée à exercer un

emploi qu'une personne sous curatelle. En effet, le majeur protégé sous tutelle sera moins souvent

en emploi au regard de l'altération de ses facultés qui peut créer des situations dangereuses pour lui-

même, ses collègues et l'éventuelle clientèle de l'entreprise. Pour autant, nous étudierons tout de

même ce régime puisque, malgré le fait que ce ne soit qu'une minorité, il peut y avoir des majeurs

sous tutelle qui travaillent.

17. Par ailleurs, si l'intégration des majeurs protégés dans le milieu ordinaire est envisageable,

c'est en raison de la dynamique qui s'est développée depuis plusieurs années en faveur de

l'autonomie des majeurs protégés. La recherche de l'autonomie3 du majeur protégé n'est pas une

invention française, puisqu'« en Belgique comme dans la plupart des pays européens, les

interventions de type tutélaire affichent aujourd'hui l'ambition de respecter l'autonomie des

1 ANCREAI, loc. cit.2 ANCREAI, op. cit., p. 28., v. Annexe n°5. 3 C. civ., art. 415.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

personnes protégées. Cette exigence se traduit dans les principes de nécessité et de

proportionnalité1, qui impliquent respect de la capacité lorsqu’elle est présente et reconnaissance

d'aptitudes décisionnelles limitées à certains aspects de l'existence »2. Le concept d'autonomie pose

néanmoins des difficultés d'usage. Selon Eyraud, il existe une conception « forte, idéalisée, de

l'autonomie, reposant sur les capacités réflexives de l'individu moderne, lui permettant de projeter,

de contractualiser, et de s'émanciper de multiples formes de dépendance»3. La recherche de

l'autonomie du majeur protégé « s'inscrit sans nul doute dans un horizon d'émancipation

démocratique »4. Elle fait notamment partie des objectifs de la convention internationale relative

aux droits des personnes handicapées (CIDPH)5 dans laquelle on retrouve l'exigence de « respect de

la dignité intrinsèque, de l'autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et

de l'indépendance des personnes »6. C'est en suivant la ligne directrice de l'autonomie de vie et

l'inclusion dans la société des personnes handicapées, qu'ont été instaurées les lois de 20057 et

20078. La dernière visant à renforcer l'effectivité des droits des personnes protégés et à promouvoir

leur autonomie. Depuis, en France, les réformes n'ont cessé d'aller dans ce sens de recherche

d'autonomie. À cet égard, nous montrerons que le travail est une source d'autonomie. Il permet au

majeur protéger de s'émanciper et de créer des liens sociaux. Plus qu'un acte juridique qui doit

parfois nécessiter l'intervention du mandataire judiciaire, le travail permet l'intégration sociale :

« pour les personnes handicapées, le travail reste aujourd’hui encore une clé pour une insertion

sociale »9. Leur insertion professionnelle est vivement encouragée mais les mécanismes du droit du

travail sont-ils adaptés aux protections du droit civil ? Entre protection et insertion, nous nous

interrogeons sur le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire de travail.

18. La nécessité de protéger les majeurs placés sous un régime de protection judiciaire tout en

leur permettant l'insertion professionnelle est un impératif qui entre aujourd'hui dans la démarche de

1 Sur les principes de nécessité, subsidiarité et proportionnalité, v. Fatah (B), « La réforme des tutelles renforce le droitdes personnes vulnérables », Journal du droit des jeunes [en ligne] , 2007, n°268, p. 32-3.

2 Scutenelle (A), accompagnateur à l'écriture Mejed (H), « Prendre en charge la vulnérabilité, reconnaître l’autonomie.La protection judiciaire d’adultes, Écrire le social [en ligne], 2019, n°1, p. 40.

3 Ibid. 4 Scutenelle (A), op. cit., p. 43. 5 Convention internationale relative aux droits des personnes handicapés, 13 décembre 2006, OIT. Pour la ratification

et l'entrée en vigueur en France, v. Décret n°2010-356, 1er avril 2010, portant publication de la convention relativeaux droits des personnes handicapées, New York (30 mars 2007). V., art 5 à 9 en Annexe n°4.

6 Ibid. 7 L. n°2005-102, 11 février 2005, op. cit. 8 L. n°2007-308, 5 mars 2007, op.cit.9 Le Dantec (J), op. cit., p. 73.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

société inclusive. Une maîtrise des règles de protections doit permettre d'articuler la protection et

l'insertion. À ce titre, lorsque nous utilisons les termes de règles de protections, nous faisons

allusion tant aux règles de droit commun, des régimes de protection civiliste, qu'aux règles du droit

du travail. Il est vrai qu'à première vue, ces règles ne semblent que coexister, notamment parce que

le droit du travail ne connaît pas le concept de majeurs protégés. Ainsi, il faut veiller à ce que leur

protection ne freine pas leur insertion. Alors, il apparaît plus judicieux d'articuler les concepts de

protection et d'insertion afin d'intégrer socialement et de manière optimale les majeurs protégés. Dès

lors, le droit du travail, traversé par de nouvelles politiques et de nouvelles perspectives, semble

permettre la création d'une relation étroite entre protection et insertion.

19. Il sera étudié dans un premier temps la coexistence entre les deux concepts de protection et

d’insertion des majeurs protégés en milieu ordinaire de travail (première partie), et dans un second

temps l’articulation de la protection et de l’insertion des majeurs protégés en milieu ordinaire de

travail (seconde partie).

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Partie 1 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire :

coexistence entre protection et insertion

20. Les concepts de protection et d'insertion semblent coexister dans le cadre du travail des

majeurs protégés en milieu ordinaire. L'objectif n'est pas de hiérarchiser ces deux concepts mais

bien de trouver un équilibre entre les deux. C'est-à-dire, garantir tant la protection, que l'insertion

afin de parvenir au bien-être des majeurs protégés. Une protection trop importante pourrait faire

obstacle à l'insertion professionnelle des majeurs protégés. À l'inverse, l'insertion professionnelle

dépourvue de protection pourrait paraître dangereuse. La frontière entre le droit civil qui protège le

majeur protégé, et le droit du travail qui encadre la relation de travail, semble totalement

hermétique. En effet, les règles vont coexister les unes à côtés des autres sans pour autant

s'entremêler.

21. À cet égard, nous pouvons remarquer que la protection judiciaire exercée par la personne

chargée de la protection du majeur ne vient pas freiner son insertion professionnelle. Le droit du

travail est déjà un droit très protecteur des salariés. À cette protection travailliste, se juxtapose la

protection civiliste du régime de protection du majeur protégé. En premier lieu, il convient de

remarquer que le travail du majeur protégé, sous une approche contractuelle, permet de concilier les

protections (chapitre 1). En effet, l'application du droit commun des contrats1 à la relation de travail

permet de relier les règles d'assistance et de représentation des majeurs protégés aux règles

contractuelles. La juxtaposition du droit du travail et du droit civil pourra s'observer tant lors de la

conclusion du contrat, que tout au long de son exécution jusqu’à sa rupture. En second lieu, il est

possible de constater le même schéma de juxtaposition des règles dans les rapports collectifs de

travail où les majeurs protégés sont considérés comme des salariés ordinaires dans l'entreprise

(chapitre 2). Tant dans la participation collective que dans la représentation, les règles de droit du

travail continuent de s'appliquer parallèlement aux règles du régime de protection du majeur

protégé. En conséquence, ces deux aspects de la relation de travail en milieu ordinaire, contractuel

et collectif, semblent permettre une coexistence entre la protection et l'insertion des majeurs

protégés.

1 C. civ., art. 1105.

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Chapitre 1 : Approche contractuelle du travail des majeurs protégés :

conciliation des protections

22. La problématique liée à la recherche d'équilibre entre la protection et l'insertion des majeurs

protégés, immiscée dans la relation de travail, peut s'observer dans une approche contractuelle du

travail. Au croisement du droit civil et du droit du travail, le majeur protégé est un salarié ordinaire.

Accolé au droit civil qui régit les rapports entre les personnes privées, le droit du travail va régir la

relation professionnelle entre l'employeur et son salarié, qu'il soit majeur protégé ou non. Le contrat

de travail va alors permettre de concilier les protections, tant civilistes que travaillistes. L'ensemble

des règles vont se cumuler, de la conclusion du contrat de travail (section 1) à sa rupture (section 2).

Section 1 :

La conclusion du contrat de travail

23. Au regard de la juxtaposition entre droit civil et droit du travail, il convient d'observer

comment les protections cohabitent dans la contractualisation de la relation de travail, et dans un

premier temps lors de la conclusion du contrat de travail. La conclusion1 du contrat de travail

permet de mettre en corrélation les règles des régimes de protection2 avec celles de droit du travail,

et par conséquent de contredire leur indépendance. En effet, le respect des règles de validité pour la

conclusion du contrat de travail sera influencé par le régime de protection sous lequel le majeur

protégé est placé. À cet égard, il faudra tant observer le consentement du majeur protégé

(paragraphe 1), que sa capacité de contracter (paragraphe 2), étudiés chronologiquement suivant la

lecture du code civil3.

1 Sur la conclusion du contrat de travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 283 et suiv. 2 Sur les régimes de protection, v. supra. 3 V. C. civ, dans la section II La validité du contrat, sous-section I Le consentement, puis sous-section II La capacité et

la représentation.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Paragraphe 1 :

Le consentement des majeurs protégés

24. Le consentement étant une condition de validité du contrat de travail, son observation est

nécessaire afin de démontrer comment les règles de protection se juxtaposent. En ce sens, il

convient de s'interroger d'une part, sur l'expression du consentement des majeurs protégés (A).

Notamment puisque pour les actes de la vie courante, leur consentement est encadré par le droit

civil. En est-il de même pour l'engagement dans une relation de travail ? D'autre part, il conviendra

de vérifier la validité du consentement (B), qui sera conditionnée par le respect des règles du régime

de protection du majeur protégé.

A L'expression du consentement des majeurs protégés

25. Dans l'expression de son consentement1 pour s'engager dans une relation de travail, le

majeur protégé pourra être assisté ou représenté au sens du droit civil des incapacités. Le droit du

travail est relié au droit civil puisque le contrat de travail est « soumis aux règles de droit

commun »2. Afin de consentir au contrat, et au sens du droit commun, le majeur protégé devra être

saint d'esprit3, puisque le défaut de consentement ou son absence pourra constituer une cause de

nullité du contrat4. C'est la théorie des vices du consentement5. Cette théorie considère que le

consentement est vicié, en cas d'erreur, de dol ou de violence « lorsqu’ils sont de telle nature que,

sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions

substantiellement différentes »6. Il est alors évident que selon le régime de protection du majeur

1 C. civ., art. 1128 ; C. civ., anc. Art. 1108. Sur le consentement, v. Raoul-Cormeil (G), « La protection des maladesmentaux par le droit civil », CRDF [en ligne], 2014, n°12, p. 59-72 ; Barège (A), « Formation et clauses »,JurisClasseur Travail Traité [en ligne], 2017, fasc. 17-12.

2 C. trav., art. L. 1221-1. Les conditions de validité requises pour former valablement un contrat sont les suivantes :« le consentement des parties ; leur capacité ; un contenu licite et certain », v. C. civ., art. 1128.

3 V. C. civ., art. 1128.4 C. civ., art. 414-1. 5 C. civ., art. 1131. Sur la théorie des vices du consentement, v. Dutheil-Warolin (L), La notion de vulnérabilité de la

personne physique en droit privé, Jacques Leroy (dir.), Thèse, Droit privé, Université de Limoges, 2004, 651 p. ;Barège (A), « Formation et clauses », JurisClasseur Travail Traité [en ligne] , 2017, fasc. 17-12.

6 C. civ., art. 1130.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

protégé, l'intervention du mandataire judiciaire sera nécessaire pour la conclusion du contrat de

travail. L'intervention du mandataire se traduira par la représentation ou l'assistance du majeur

protégé dans l'expression de son consentement.

26. En amont, le mandataire pourra vérifier les clauses et le contenu du contrat1, la bonne

information et compréhension du contrat par le majeur protégé. Il examinera la bonne conscience de

la portée des engagements et des obligations du contrat, et veillera au « respect par les tiers de la

volonté exprimée par le majeur »2. Le mandataire pourra rechercher la volonté de son protégé mais,

« cette attention est paradoxale, car elle s'adresse à un individu dont on a décidé de son inaptitude à

pourvoir seul à ses intérêts et auquel on attribue en même temps une capacité à décider »3. Le

majeur protégé doit exprimer sa volonté de consentir ou non au contrat de travail. Il appartiendra au

mandataire de traduire l'assentiment du majeur protégé puisqu'il n'a pas la capacité4 de le faire seul.

27. Par ailleurs, le consentement du majeur sous protection judiciaire prime toujours5, c'est-à-

dire que « si la personne est apte à exprimer sa volonté, celle-ci devra d'abord être prise en compte,

la décision du représentant n'ayant vocation à intervenir qu'à défaut, en tenant compte de l'avis6 de la

personne protégée »7. Le rôle de la personne chargée de la protection du majeur protégé doit se

restreindre à la mise en relation des deux parties. Ils ne sauraient alors tirer bénéfice des effets du

contrat ou en supporter les charges8.

28. Le mandataire judiciaire pourrait aussi être utile à l'employeur en lui donnant des indications

sur les comportements du majeur protégé et des conseils d'encadrement. Pour autant, nous pouvons

1 À titre d'exemple, dans le cas de la formation du contrat on pourrait envisager l'hypothèse d'une demande particulièrepour les heures de travail, le mandataire devra vérifier que l'employeur en a tenu compte dans le contrat de travailafin que le majeur protégé ne se retrouve pas bloqué par un consentement donné sans en connaître les effets.

2 Pécaut-Rivolier (L), « La protection des majeurs à l'épreuve de la pratique professionnelle », Recherches familiales[en ligne], 2004, n°1, p. 70.

3 Laffin-Kohler (S), La protection juridique des majeurs : loi du 5 mars 2007 : contexte, élaboration et mise enapplication d'une réforme. Étude rétrospective d'une population de majeurs protégés, Thèse, Médecine, UniversitéJoseph Fourier Faculté Grenoble, 2012, p. 99.

4 Sur la capacité, v. supra.5 Cass. Civ. 1, 25 mars 1997, n°96-12.028. Bull. 6 Sur la notion d'intérêt de la personne, v. CNCPH, « Assurer le respect des droits fondamentaux des personnes

vulnérables » [en ligne], Rapport, 2018, p. 2. Le mandataire n'intervenant que pour permettre la rencontre desvolontés, faciliter l'expression du consentement et assister le majeur ou le représenter dans son consentement.

7 Lemouland (J-J), Noguéro (D), « Droit des majeurs protégés », Recueil Dalloz, Paris, éditions Dalloz, 2020, p. 1485.8 Principe d'effet relatif des conventions en droit du travail, le contrat n'oblige pas les tiers, v. Droit commun des

contrats, C. civ., art. 1194 et 1199.

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aussi douter de l'utilité fondamentale du mandataire judiciaire dans la relation de travail.

Notamment parce que le but du droit du travail est la protection du salarié. En ce sens, le pouvoir de

l'employeur est encadré par l'ordre public1, c'est-à-dire, des règles auxquelles l'employeur ne peut

déroger. Les majeurs protégés sont ainsi protégés contre tout abus de l'employeur, pour leur santé et

leur sécurité au même titre que les autres salariés de l'entreprise. Nous pouvons alors nous demander

si les majeurs protégés nécessitent une attention plus particulière que celle déjà existante pour les

salariés.

29. Au prisme du droit du travail, l'intervention du tuteur ou du curateur est « une règle difficile

à mettre en œuvre surtout parce que la représentation est une technique peu adaptée au contrat de

travail, acte juridique qui porte sur la personne même de l'incapable »2. La représentation et

l'assistance vont par ailleurs se justifier au regard de l'engagement dans la relation de travail qui créé

des obligations pour le majeur protégé. Le contrat de travail apparaît donc comme un acte relatif à

sa personne, entrant dans la catégorie des actes personnels. À cet égard, les actes personnels sont

définis comme des actes pouvant « être décidés par la personne protégée « dans la mesure du

possible » et qui, dans le cas contraire, font l’objet d’une assistance voire d’une représentation »3.

En effet, le contrat de travail a pour objet « une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une

partie s'oblige à faire ou à ne pas faire »4. Dans la relation de travail, le salarié s'engage à donner sa

force de travail, donc il est lui-même l'objet du contrat : « le danger du contrat de travail est qu'il

porte sur la personne même du salarié. On devine l'importance de ce caractère lorsque le salarié est

en même temps un incapable. Non seulement le contrat de travail porte sur la volonté du salarié qui

se subordonne à celle de son employeur, mais aussi sur son corps qui est la source de la prestation

de travail »5. Pour autant, les obligations créées ne relèvent pas de l'intimité du majeur protégé, et

par conséquent, le contrat de travail ne pourrait relever des actes strictement personnels6, ne pouvant

être effectués que par le majeur lui-même.

30. En conséquence, entre les règles de protections, des difficultés apparaissent. Les liens entre

les règles des régimes de protection et celles du droit du travail sont parfois difficiles à établir

1 Sur l'ordre public, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit. 2 Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (suite et fin) », Petites affiches [en ligne], 1999, n°136, p. 11.3 Laffin-Kohler (S), loc. cit.4 C. civ., anc. Art. 1126. 5 Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (1re partie) », Petites affiches [en ligne], 1999, n°135, p. 21.6 C. civ., art. 458.

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puisque le droit du travail pourrait apporter une protection suffisante aux majeurs protégés

s'engageant dans une relation de travail. Il conviendra alors d'observer l'effet de conditionnement de

la validité du consentement aux règles d'assistance et de représentation des majeurs protégés.

B La validité du consentement des majeurs protégés

31. Dans la validité du consentement exprimé par le majeur protégé pour s'engager

contractuellement dans une relation de travail, les règles du régime de protection interfèrent. Il

conviendra de distinguer les situations selon que le majeur protégé se trouve sous un régime de

curatelle (1) ou de tutelle (2).

1 Les majeurs protégés sous curatelle

32. Lorsque le majeur protégé se trouve sous un régime de curatelle, il sera juridiquement

capable de manifester son consentement, qui sera considéré comme valable en raison de la

qualification du contrat de travail. À cet égard, il convient de souligner que le contrat de travail est

considéré par le droit, comme un acte d'administration. Cependant, si le majeur est placé sous une

protection judiciaire c'est qu’il présente une fragilité pouvant entraîner des risques et notamment

celui de ne pas prendre une décision libre et éclairée. Le majeur donne son consentement pour

décider seul mais si celui-ci est « totalement incapable de prendre une décision et même d'y

participer, le délégué à la protection devra intervenir à sa place »1. Le consentement sera assisté2. On

considérera plus souvent que le seul consentement du majeur sous curatelle renforcée ne sera pas

valable, supposant que l’assistance est nécessaire. Lorsque le majeur protégé ne respecte pas la règle

d'assistance établit par son régime de protection3, « l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la

personne protégée a subi un préjudice »4. A contrario, lorsque c'est le curateur qui ne respecte pas

1 Pécaut-Rivolier (L), loc. cit.2 À l'ouverture de la mesure de protection, le juge des tutelles peut décider de nommer certains actes pour lesquels

l'assistance sera nécessaire. Donc par principe, le consentement donné par le seul majeur protégé sous curatellesimple ne sera pas nul, sauf cas d'espèce.

3 Le majeur accompli seul un acte pour lequel il aurait dû être assisté. 4 C. civ., art. 465.

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l'autonomie du majeur1, l'acte sera nul2.

33. L'employeur doit aussi respecter des règles et notamment celle de respect de la vie

personnelle de son salarié. Si lors de son entretien d'embauche3 le majeur protégé ne souhaite pas

informer son employeur de sa protection judiciaire, il en a le droit. Il en est de même si en cours

d'exécution du contrat, le travailleur est placé sous curatelle simple. Il n’est pas obligé d'en informer

son employeur en vertu du principe fondamental de respect de la vie personnelle. En revanche, il

paraît nécessaire que l'employeur soit averti si son salarié est frappé d'une incapacité importante ou

s'il franchit un degré de protection, puisque ses actes emporteront des conséquences différentes4.

Dès lors que le majeur est sous protection, ses actes pourront être annulés pour irrégularité5. Si en

cours d'exécution du contrat, le majeur protégé se voit reconnaître la qualité de travailleur

handicapé, l'employeur devra en être informé puisqu'il devra prendre des « mesures appropriées »6.

34. En définitive, le majeur protégé sous curatelle peut librement donner son consentement au

contrat de travail, en revanche il n'en sera pas de même pour ceux placés sous tutelle.

2 Les majeurs protégés sous tutelle

35. Lorsque le majeur protégé se trouve sous un régime de tutelle, « l'altération des facultés

mentales exclut toute prise de décision par l'individu protégé ou que l'assistance ne peut être

1 Le curateur donne son consentement alors même que le majeur protégé a la capacité de donner son consentementseul.

2 Ibid. 3 Lors de son recrutement, le majeur protégé pourra solliciter l'assistance de son curateur pour son entretien

d'embauche. Son assistance lui permettra de le conseiller, de s’assurer de sa bonne compréhension des informationset de l’aider dans sa décision, mais elle n'est pas obligatoire et paraît même être déconseillée du point de vue du droitsocial au regard du principe selon lequel « l'entretien d'embauche ne saurait déborder le cadre professionnel » (C.pén., art. 225-1).

4 Le travailleur sera représenté par exemple, en cas de signature d'avenant ou d'un entretien avec la direction. Sansl'information de l'employeur et sans l'intervention du tuteur dans de telles situations, les actes passés peuvent êtreannulés. Il existe une possibilité d'annuler les actes réalisés par le majeur antérieurement à l'ouverture de la mesurejudiciaire de protection si la cause qui a déterminé l'ouverture de la protection a entravé également l'acte au momentdes faits. Cela n’affecte pas la protection judiciaire d'une rétroactivité mais cela crée une présomption de trouble quidevra être prouvée par le cocontractant (C. civ., art. 464).

5 À titre d'exemple, c'est le cas de la personne sous tutelle ayant signée seule son contrat de travail ou un avenant àcelui-ci. Il sera nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice contrairement au cas de lacuratelle où si l'acte est passé sans l'assistance, il pourra être annulé seulement si le majeur a subi un préjudice. V. C.civ., art. 465.

6 Pour l'expression de mesures appropriées, v. Directive 2000/78/CE, 27 novembre 2000. «des mesures efficaces etpratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap» ; v. C. trav., art. L. 5213-6.

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envisagée, le mécanisme de représentation se trouve fortement encadré »1. Il appartiendra au tuteur

de donner le consentement sous peine de nullité2. Par définition, les majeurs placés sous tutelle sont

« dépourvus de lucidité suffisante pour consentir personnellement à l'acte »3. C'est « le jeu de la

représentation »4.

36. On peut trouver des cas particuliers où le majeur protégé aurait été placé sous un régime de

tutelle en cours d’exécution du contrat de travail. Lors de la formation de ce dernier, le majeur

n’était pas sous protection, la validité de son consentement n’était pas sujette à questionnement.

Mais, on peut s’interroger sur la possibilité laissée par le droit civil d’annuler5 un acte au regard des

règles du consentement puisqu’il faut être saint-d’esprit pour que l’acte soit valable6. La nullité7 du

contrat de travail vient alors sanctionner le non-respect d'une condition de validité lors de la

formation du contrat8. Il semble évident de retenir la nullité9 lorsque le majeur était en incapacité de

conclure seul un contrat et que la procédure est irrégulière puisque les règles d'assistance ou de

représentation n'ont pas été respectées. En revanche, il est difficile d'imaginer une restitution

réciproque des parties10, comme envisagée par le droit commun en vertu de l'exécution successive

du contrat de travail. En effet, le contrat va nécessiter une chronicité des prestations et une certaine

assiduité du salarié. Or, l'état physique ou psychique du majeur protégé pourrait ne plus être

compatible avec les prestations demandées initialement s'il est placé sous un régime de tutelle.

1 Plazy (J-M), « La personne du majeur protégé », Revue juridique de l'Ouest [en ligne], 2007, n°3, p. 213.2 C. civ., art. 465. 3 Tauran (T), loc. cit. 4 Gougeon (A), L'intervention du tiers à la formation du contrat, Thèse, Droit social, Université Lille II, 2016, p. 20. 5 Sur l'annulation, v. C. civ., art. 464. 6 C. civ., art. 414-1. 7 Sur la nullité du contrat de travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 288-299. La nullité du contrat

entraîne son annulation, c'est-à-dire, que le contrat cesse de produire ses effets pour l'avenir, et les parties sontremises dans l'état ou elles étaient avant la conclusion du contrat. Seulement, en pratique, le contrat de travail a déjàété exécuté puisque le salarié a fourni une prestation contre une rémunération.

8 V., en jurisprudence : Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-27.000, Bull. Pour défaut légal de formation nullité d'uneconvention de rupture (V. Art. 1134, C. civ).

9 La Cour de cassation a permis la nullité du contrat pour insanité d'esprit malgré le respect des règles d'assistance, V.Cass. Civ. 1, 15 janvier 2020, n°18-26.683, Bull. « le respect des dispositions relatives à la régularité des actesaccomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l'action en nullité pour insanitéd'esprit ».

10 Sur la restitution réciproque lorsque le majeur protégé est employeur, v. Jeansen (E), « Droit des incapacités et droitdu travail. Regard sur une rencontre », La Semaine Juridique [en ligne], 2008, n°11, p. 124 : « La question desrestitutions réciproques ne peut être traitée sans considérer la spécificité du contrat de travail : l'incapable ne pouvantbénéficier d'un enrichissement sans cause doit indemniser le salarié pour les prestations dont il a bénéficié ; enpratique, le plus simple est de laisser au salarié les gains qu'il a obtenus sous forme de salaire. La nullité est traitée àla manière d'une résiliation ».

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37. Les mêmes problématiques surviennent dans le cadre d'une modification d'un ou plusieurs

éléments essentiels1 du contrat de travail. Dans ce cas, l'accord du salarié2 est nécessaire3. Lorsque le

salarié accepte la modification de son contrat de travail, il doit matérialiser son accord par la

signature d'un avenant au contrat. Puisque la modification des éléments essentiels du contrat

nécessite le consentement du salarié, il faudra se référer aux mêmes règles de consentement qui

interviennent lors de la conclusion du contrat de travail4. Le majeur protégé sous tutelle n'ayant pas

la capacité de contracter, son tuteur devra signer à sa place.

38. Ainsi, jongler entre les règles de protection est un art de la conciliation que l'on retrouve

dans l'approche contractuelle de la relation de travail et notamment dans la recherche de

consentement du majeur protégé. Par ailleurs, le contrat de travail ne sera valablement formé que si

les conditions de consentement et de capacité sont cumulativement respectées.

Paragraphe 2 :

La capacité des majeurs protégés à conclure un contrat de travail

39. À côté du consentement, la capacité de contracter est une « condition sine qua non de la

validité du contrat »5. Tant le salarié que l'employeur doit être capable de contracter. Parallèlement à

la question de la capacité des majeurs protégés à contracter, il va falloir s'interroger sur la

qualification des actes puisque va en découler le régime applicable à la relation de travail.

40. Le défaut de capacité entraînera la nécessaire combinaison des règles du droit du travail avec

celles des régimes de protection. Par principe, « toute personne physique peut contracter sauf en cas

1 Sont considérés comme éléments essentiels du contrat de travail la durée du travail, la rémunération, le lieu detravail, la qualification professionnelle, v. C. trav., art. L. 1221-1. À titre d'exemple, v. Cass. Soc. 20 octobre 1998,n°96-40.614, Bull. : « la durée du travail, telle qu'elle est mentionnée au contrat de travail, constitue, en principe, unélément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ». Sur la distinction entre modificationdu contrat de travail et des conditions de travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 769 ; C. trav.,art. L. 1221-1 ; Cass. Soc. 10 juillet 1996, n° 93-41.137, Bull.

2 Cass. Soc. 10 juillet 1996, n° 93-41.137, Bull.3 Pour la modification d'un élément substantiel du contrat de travail, v. C. civ., art. 1134. 4 V. supra. 5 Gougeon (A), loc. cit., v. C. civ., art. 1128.

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d'incapacité prévue par la loi »1. Celle-ci mentionne parmi les incapables de contracter les majeurs

protégés2. Ayant une capacité réduite, voire supprimée, l'intervention de leur curateur ou tuteur leur

permettra de conserver la possibilité de conclure un contrat de travail. À l'inverse, la loi autorise

aussi le majeur protégé à « accomplir seul les actes courants autorisés par la loi ou l'usage, pourvu

qu'ils soient conclus à des conditions normales »3. En tout état de cause, « hormis les actes régis par

des règles spécifiques, le pouvoir du tuteur et la sphère de capacité de la personne sous curatelle

sont donc déterminés en fonction de la nature des actes que la loi a répartis en trois catégories : les

actes conservatoires4, les actes d'administration et les actes de disposition »5. Ces deux derniers

faisant très fréquemment l'objet d'assistance ou de représentation, sont définis et classés dans le

décret du 22 décembre 20086. Les actes de la vie professionnelle, incluant la conclusion d'un contrat

que ce soit en qualité d'employeur ou de salarié, sont considérés comme des actes d'administration,

sous réserve d'être requalifiés en actes de disposition au regard des circonstances d'espèces et tel en

a été le cas dans la jurisprudence7. Les circonstances d'espèces vont être liées à l'altération des

facultés mentales ou physiques du majeur protégé, qui peut être d'un degré différent d'un individu à

un autre. C'est pourquoi le régime de protection détermine « le degré d'atteinte portée à la capacité

d'exercice de la personne protégée »8. Faire référence à des degrés d'incapacité9 revient à faire

respecter le principe de proportionnalité, selon lequel « la gravité de la mesure doit correspondre à

la gravité de l'altération des facultés »10.

1 C. civ., art. 1145. 2 C. civ., art. 1146. 3 C. civ., art. 1148. 4 Pour la définition des actes d'administration et de disposition : v. supra.

Définition du vocabulaire juridique, op. cit., p. 246, v. conservatoire : acte juridique, qui par opposition, à l'acte dedisposition ou à l'acte d'administration, tend seulement à éviter une telle perte et qui, nécessaire et urgent, requiert unminimum de pouvoir.

5 Kass-Danno (S), op. cit., p. 143-144.6 Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, op. cit.7 Cass. Civ. 1, 3 octobre 2006, n°04-13.198. Commenté par Noguéro (D), « L'assistance du curateur pour la

conclusion d'un contrat de travail par l'incapable majeur », Petites affiches [en ligne], 2007, n°58, p. 12., CAPoitiers, soc., 11 janvier 2011, n° 10/00127. Cité par Maria (I), « Curatelle – La démission : un acte de disposition »,Droit de la famille [en ligne], 2011, n°12, comm. 183.

8 Kass-Danno (S), op. cit., p. 139. Ce choix doit être fait dans le respect du principe de proportionnalité : la tutellen'est instaurée que s'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la curatelle ou par lasauvegarde de justice.

9 La mesure de protection doit correspondre au degré d'incapacité du majeur (principe de proportionnalité), mais laqualification du contrat de travail peut également découler de ce degré d'incapacité puisque la jurisprudence peutadapter la qualification de l'acte à la situation.

10 Cour des comptes, op. cit., p. 35.

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41. La doctrine est divisée en la matière puisque certains auteurs comme le Docteur Tauran vont

considérer que l'acte de conclusion du contrat de travail peut être effectué par le majeur seul selon

son régime de protection : « Dans les régimes de protection où l'incapable est pourvu d'une certaine

lucidité, la conclusion du contrat de travail ne semble se heurter à aucune difficulté particulière.

Rien n'empêche le majeur en curatelle de conclure un contrat de travail, car ce régime n'entraîne

qu'une incapacité partielle »1.

42. D'autres auteurs2, vont considérer que l'assistance du curateur est nécessaire au regard des

impacts que peut avoir la relation de travail sur la vie et le patrimoine d'une personne protégée,

notamment lorsqu’il s'agit de la démission3. La Cour de cassation a considéré à l'encontre d'un

majeur protégé employeur que l'assistance est nécessaire4. Bien que la Cour de cassation ne se soit

prononcée que sur le cas du majeur protégé employeur, c'est un attendu de principe affirmant la

nécessité d'assistance. Il convient d'envisager une extension de sa jurisprudence aux majeurs

protégés salariés au regard des arguments avancés par celle-ci, qui sont ceux des impacts sur la vie

du majeur protégé, considérant qu'il ne peut se rendre compte de ses actes et de leurs conséquences.

En effet, pour le majeur qui serait inapte à défendre ses intérêts, « l’assistance doit permettre de

mesurer non seulement l'opportunité du contrat de travail, mais encore ses répercussions, et ses

conditions »5.

43. En définitive, si les règles de protection semblent cohabiter avec la recherche d'insertion

professionnelle des majeurs protégés, il convient tout de même de relativiser l'idée au regard des

conséquences emportées par les décisions des seuls majeurs protégés. Les répercussions sur la

personne et le patrimoine du majeur peuvent notamment être importantes puisque la rupture du

contrat de travail peut entraîner une situation d'exclusion sociale et de suppression d'une source de

1 Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (suite et fin) », Petites affiches [en ligne], 1999, n°136, p. 11., v.sur le sujet : Barège (A), « Formation et clauses », JurisClasseur Travail Traité [en ligne], 2017, fasc. 17-12 « Lemajeur placé sous sauvegarde de justice comme celui sous curatelle peut conclure seul un contrat de travail ». ;Noguéro (D), « L'assistance du curateur pour la conclusion d'un contrat de travail par l'incapable majeur », Petitesaffiches [en ligne], 2007, n°58, p. 12 : « La thèse avancée consiste à arguer du fait que la possibilité de souscrire uncontrat de travail relève de la sphère d'autonomie du curatélaire ».

2 V. Fossier (T), « La démission d'un emploi salarié ne peut émaner d'un majeur en tutelle agissant seul », Droit de lafamille [en ligne], 2008, n°5, comm. 79 ; Maria (I), « Curatelle – La démission : un acte de disposition », Droit de lafamille [en ligne], 2011, n°12, comm. 183.

3 V. infra. 4 Cass. Civ. 1, 3 octobre 2006, n° 04-13.198, Bull. 5 Noguéro (D), « L'assistance du curateur pour la conclusion d'un contrat de travail par l'incapable majeur », Petites

affiches [en ligne], 2007, n°58, p. 12.

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revenu pour vivre qu'est le salaire. À cet effet, nous étudierons le cumul des protections lors de la

rupture du contrat de travail.

Section 2 :

La rupture du contrat de travail

44. Dans un second temps et suivant la vie d'un contrat, nous observerons comment les

protections sont cumulées lors de la rupture du contrat de travail. Le droit du travail a pris soin de

protéger la partie faible au contrat, celle qui se trouve subordonnée à son employeur, tout en

respectant la liberté contractuelle de droit commun et la liberté d'entreprendre. En ce sens de respect

des libertés, la rupture du contrat de travail pourra intervenir d'une part, de manière unilatérale et à

l'initiative du majeur protégé (paragraphe 1). Nous avons choisi de nous concentrer sur le seul acte

de démission, qui est le mode de rupture à l'initiative du salarié le plus courant, malgré l'existence

d'autres modes de rupture1. D'autre part, la rupture du contrat de travail pourra être à l'initiative de

l'employeur (paragraphe 2).

Paragraphe 1 :

La rupture du contrat à l'initiative du salarié :

la démission des majeurs protégés

45. La démission, mode de rupture à l'initiative des salariés, est une liberté du travail2. Le salarié

peut démissionner librement de son emploi et en changer3. Comme pour la conclusion du contrat,

les règles d'assistance et de représentation dépendront de la qualification juridique de la rupture.

1 Les modes de rupture à l'initiative du salarié : démission, prise d'acte, résiliation judiciaire. Chaque mode de ruptureentraîne des conséquences différentes. V. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 500 et suiv.

2 Sur la liberté du travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 885 à 890. Liberté consacrée comme unprincipe fondamental dans le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791. La liberté du travail a été instaurée pour luttercontre le régime corporatif et revendiquer d'un point de vue économique la liberté de travailler pour subsister ;aujourd’hui, cette liberté est entendue comme un droit à l'emploi.

3 Droit tout de même limité par l'instauration d'un préavis.

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Selon le décret du 22 décembre 20081, la rupture du contrat de travail, en tant qu'acte de la vie

professionnelle, est un acte d'administration, sauf cas d'espèce permettant de prendre en compte la

diversité des cas et la différence de degré d’altération des facultés ainsi que la divergence d’impact

que cela peut avoir sur la personne. En tant qu'acte personnel2, « le contrat de travail n'est rompu par

démission que si le salarié manifeste lui-même sa volonté en ce sens. La démission donnée par un

représentant de l'incapable est nulle »3 . Les règles de protection travaillistes prévues pour la

démission suffisent-elles à protéger le majeur protégé ? Les juges doivent porter un regard

particulièrement attentif aux situations de démission dans lesquelles les règles d'assistance et de

représentation ne sont pas respectées. Notamment parce que ces règles ne sont pas considérées

comme des conditions de validité de la démission en droit du travail. C'est-à-dire que le défaut

d'assistance n'empêchera pas la validité de la démission, tant que la volonté de mettre fin au contrat

est exprimée de manière claire et non équivoque. Par ailleurs, la jurisprudence4 s'est refusée, à

plusieurs reprises, de reconnaître valide une démission5 lorsque la volonté n'avait pas été exprimée

de manière libre et non équivoque6. En ce sens et comme le majeur doit prendre une décision

importante, l'intervention de la personne chargée de sa protection sera souvent nécessaire à la

validité d'acte de démission7. En effet, la décision de mettre fin à son contrat de travail par ce mode

de rupture entraînera des conséquences financières pour le majeur protégé puisque contrairement

aux autres modes de rupture, la démission entraîne la perte d'un droit à une indemnité. Plus encore,

le majeur protégé perd son revenu de travail.

46. La démission du majeur protégé, peu importe son régime de protection, est considérée en

jurisprudence8 comme acte de disposition. La cour d'appel a pu juger du « caractère équivoque à la

1 Sur le décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008, v. supra. 2 Pour rappel, les actes personnels doivent être réalisés par la personne même du majeur protégé lorsque c'est possible

au regard du principe d'autonomie et c'est en ce sens qu'on les place dans la catégorie d'actes d'administrationpuisqu’ils peuvent être accomplis seul ou avec assistance et représentation.

3 Jeansen (E), « Droit des incapacités et droit du travail. Regard sur une rencontre », La Semaine Juridique [en ligne] ,2008, n°11, p. 124.

4 V. Cass. Soc. 21 mai 1980, n°78-41.833, Bull ; Cass. Soc. 21 octobre 2020, n°19-10.635, inédit.5 Sur les réflexions pour la nécessité de qualifier l'acte de démission, v. Maria (I), « Curatelle – La démission : un acte

de disposition – Commentaire », Droit de la famille [en ligne], loc. cit. 6 Sur la volonté claire et non équivoque de démission, v. C. trav., art. L. 1237-1. 7 À titre d'exemple, on peut imaginer l'hypothèse d'un majeur protégé ayant une altération de ses facultés mentales,

l'employeur pourrait profiter de sa vulnérabilité, sa non-connaissance du droit du travail et l'influencer pour l'inciter àdémissionner parce qu'il ne peut plus le payer alors même que ce n'est pas la volonté du majeur protégé.

8 CA Poitiers, soc., 11 janv. 2011, n° 10/00127. Commenté par Maria (I) in « Curatelle – La démission : un acte dedisposition », Droit de la famille [en ligne], 2011, n°12, comm. 183. Les faits relatent que l'employeur a été informéde ce placement sous un régime de protection. La lettre de démission a été rédigée par la secrétaire de l'employeurpuis signée et apportée par le salarié majeur protégé. Une semaine après, le curateur informe l'employeur des regrets

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volonté de démissionner de son signataire confirmé par la rétractation que le salarié a formalisé à

son curateur une semaine après la signature, indépendamment du fait que la démission constitue de

la part de son auteur sous curatelle renforcée un acte de disposition lui faisant perdre l'exercice de

droits qui suppose l'assistance du curateur »1. Aussi, la cour d'appel d'Agen2 a dû se prononcer sur la

rupture du contrat de travail à l'initiative du majeur protégé sous tutelle et a jugé que la démission

était un acte de disposition nécessitant la représentation ou l'assistance de la personne chargée de la

protection au regard des conséquences3 que l'acte emporte sur la vie du majeur protégé. Le

Professeur Fossier a ainsi commenté cette décision en affirmant que « s'il est vrai que la démission

peut procéder de circonstances intimes, voire inexplicables ou irrationnelles, elle a des

conséquences morales et matérielles telles, qu'il est inconcevable que le majeur s'y précipite sans

conseil et sans aide »4.

47. Si l'on compare la qualification des actes de la vie professionnelle du décret à l'application

jurisprudentielle, la contradiction apparente est étonnante. Alors même que sur le papier, la

démission ne serait qu'un acte d'administration, les juges se refusent de la qualifier comme tel au

regard des conséquences économiques et sociales qu'elle emporte pour le majeur protégé. En effet,

au-delà de sa situation économique, il se retrouvera exclu de la vie sociale, de la vie professionnelle

et sa réinsertion dans le milieu du travail pourra être encore plus difficile.

48. Le couple droit civil des incapacités - droit du travail est imparfait, mais parvient tout de

même à s'avérer protecteur du majeur protégé. Nous le voyons ici, les règles des régimes de

protection et la qualification des actes sont saisies par le droit du travail qui protège le salarié en

conséquence. Ce sera d'autant plus le cas lorsque la rupture intervient à l'initiative de l'employeur.

du majeur protégé à l'égard de cet acte.1 Maria (I), « Curatelle – La démission : un acte de disposition – Commentaire », Droit de la famille [en ligne] , loc.

cit. 2 CA Agen, ch. soc., 4 sept. 2007, 2007-356481. Commenté par Fossier (T) in « La démission d'un emploi salarié ne

peut émaner d'un majeur en tutelle agissant seul », Droit de la famille [en ligne], 2008, n°5, comm. 79.3 Impacte sur son patrimoine et sa vie quotidienne. 4 Ibid.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Paragraphe 2 :

La rupture du contrat à l'initiative de l'employeur

49. Concomitamment à la liberté du travail, la liberté d'entreprendre1 permet au droit de justifier

la possibilité de rompre unilatéralement le contrat de travail, à l'initiative de l'employeur. Le

licenciement2 pourra être pris par l'employeur soit pour des motifs inhérents à la personne même du

salarié (A), soit pour des motifs économiques (B).

A Le licenciement pour motif personnel

50. Le salarié majeur protégé peut-il être licencié par son employeur pour un ou des motifs

inhérents à sa personne ? La procédure de licenciement pour motif personnel3 va suivre un

déroulement particulier qu'il conviendra d'observer.

51. D'abord, le licenciement pour motif personnel débute par une phase de convocation et

d'audition du salarié. Avant de licencier le salarié, l'employeur doit le convoquer pour un entretien

préalable4 durant lequel, le salarié pourra s'exprimer et convaincre l'employeur de ne pas le licencier.

La rupture du contrat de travail étant jugée comme un acte de disposition au regard de ses

conséquences sur le patrimoine du majeur, « la convocation à l'entretien préalable ne peut être

envoyée au seul incapable lorsqu’il est soumis à un régime d'assistance ou de représentation. La

procédure a ainsi été jugée irrégulière lorsqu’elle n'était adressée qu’au tuteur »5. La convocation

devra donc être envoyée au salarié mais également à son tuteur. Notamment parce que le tuteur

devra être présent afin de représenter le majeur protégé lors de l'entretien. Il est constant qu'il faudra

envoyer, de la même manière, la convocation au curateur puisqu’il devra assister le majeur : « le

1 Sur la liberté d'entreprendre, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 886. 2 Comme pour la démission, le licenciement est limité par une durée de préavis, mais plus encore par la condition d'un

motif réel et sérieux afin d'être valide. Sur le droit commun du licenciement, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès(E), op. cit., p. 578-579.

3 Sur le licenciement pour motif personnel, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 561 et suiv. 4 C. trav., art. L. 1232-2.5 Jeansen (E), loc. cit.

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double de la convocation ne peut se contenter d'informer, il doit inviter à accompagner le salarié »1.

Les tuteurs et curateurs connaissent leur majeur sous protection et seront « à même de fournir à

l'employeur certains éclairages sur la situation ou le comportement de la personne protégée »2. Au

regard des conséquences sus-visées du licenciement pour le majeur protégé, « en ne convoquant pas

l'incapable à son entretien de licenciement, l'employeur lui fait perdre une chance de faire revenir ce

dernier sur son projet de licenciement. Sa présence à l'entretien est indispensable pour répondre aux

exigences de la loi, car tout se joue à cette rencontre : la décision de l'employeur en dépend »3. En

effet, le mandataire pourra défendre les intérêts du majeur protégé et expliquer à l'employeur les

comportements du majeur protégé ainsi que lui proposer des solutions, afin qu'éventuellement

l'employeur revienne sur sa décision de licencier le salarié.

52. À la suite de l'entretien préalable de licenciement, l'employeur doit notifier le licenciement

au salarié4. La juxtaposition des règles du civil avec celles de droit du travail implique d'envoyer un

exemplaire de la notification au tuteur et au curateur. Cela semble indispensable puisque le majeur

pourrait être dans une situation où il ne comprend pas la notification. Par ailleurs, « la décision doit

[aussi] être notifiée au salarié lui-même »5, notamment en raison du fait que le contrat de travail soit

un acte personnel6. Dans la lettre de licenciement, l'employeur doit énoncer les motifs du

licenciement7, que ce soit pour le licenciement prononcé pour motif économique ou pour motif

personnel.

53. Il convient de souligner que l'employeur ne peut licencier un salarié en raison de son

handicap. Si un tel licenciement est prononcé, il sera nul et l'employeur encourt des sanctions

pénales pour discrimination8. Il existe tout de même une situation où l'employeur pourra rompre le

contrat de travail au regard du handicap, c'est le cas du licenciement pour inaptitude en cas

d'impossibilité de reclassement dans l'entreprise ou de refus du salarié du reclassement qui a été

proposé. Cependant, avant de licencier le salarié pour inaptitude, l'employeur devra faire constater

1 Ibid.2 Ibid.3 Le Callonec (J), « La rupture du contrat de travail du majeur en tutelle, Angers, 6 juin 1989 », Revue juridique de

l'Ouest [en ligne], 1990, n°2, p. 190. 4 C. trav., art. L. 1232-6. 5 Le Callonec (J), loc. cit. 6 V. supra. 7 C. trav., art. L. 1232-6. 8 C. trav., art. L. 1132-1.

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l'inaptitude par le médecin du travail et l'impossibilité d'adaptation ou de transformation de son

poste de travail1. La situation sera différente lorsque le salarié a été placé en cours de contrat de

travail sous une protection judiciaire ou s'il franchit un degré de protection. Si la mise sous

protection n'a aucune répercussion sur l'exécution du contrat de travail, elle ne peut pas constituer

un motif de rupture pour l'employeur, « la survenance d'un trouble mental peut même protéger le

salarié d'une éventuelle mesure disciplinaire »2. L'employeur pourra toutefois justifier son

licenciement par l'insuffisance professionnelle, c'est-à-dire, le fait que le handicap du salarié puisse

provoquer des absences récurrentes. On peut imaginer la situation d'un salarié qui peut se retrouver

en phase de crise et qui par conséquent, ne pourra se rendre à son travail. Encore faut-il que

l'employeur prouve que ces absences perturbent gravement le bon fonctionnement de l'entreprise et

nécessitent un remplacement définitif3. Cependant, si les absences du salarié, dues à l'altération de

ses facultés, affectent le fonctionnement de l'entreprise, ça pourra être un motif de licenciement.

Mais, si au moment de la conclusion du contrat, la protection judiciaire courait déjà, l'employeur ne

pourra s'en prévaloir comme motif de rupture.

54. Après avoir vu le licenciement pour motif personnel, il convient à présent d’observer la

procédure du licenciement pour motif économique entrant dans la rupture à l’initiative de

l’employeur.

B Le licenciement pour motif économique

55. Le salarié majeur protégé peut-il faire partie des salariés sélectionnés dans le cadre d'une

procédure de licenciement pour motif économique4 ? Celle-ci s'applique à tout salariés dans

l'entreprise, sans épargner les majeurs protégés ou les travailleurs handicapés. Dans le cadre des

licenciements pour motif économique, il appartient à l'employeur de respecter certaines règles

juridiques et la réalité sociale de chaque salarié. En effet, l'employeur devra établir des critères pour

fixer l'ordre des licenciements dans lesquels il devra prendre en compte la situation de ses salariés

1 C. trav., art. L. 4624-4. 2 Jeansen (E), loc. cit. 3 Cass. Soc. 13 mars 2001, n° 99-40.110, Bull.4 Sur les règles du licenciement pour motif économique, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

en situation de handicap puisque leur réinsertion professionnelle sera plus difficile. Le code du

travail pose la règle, selon laquelle « lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour

motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit

les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et

économique. Ces critères prennent notamment en compte : […] la situation des salariés qui

présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement

difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgé »1. Si l'on espère que

l'employeur prendra en compte la réalité sociale de chaque salarié, il convient de rappeler que la

jurisprudence a soutenu que les critères d'ordre posés par le code du travail ne s'imposent pas à

l'employeur. En outre, l'employeur pourrait tout à fait placer en premier critère le handicap. Le plan

de sauvegarde de l'emploi (PSE)2, « document qui explicite l'ensemble des mesures prises pour

éviter les licenciements et pour limiter l'impact social de ceux qui ne pourront être écartés »3, aura

pour rôle de prévoir des mesures adaptées pour encadrer la réinsertion professionnelle des personnes

les plus vulnérables dont les majeurs protégés et les travailleurs handicapés font partie.

56. Le droit du travail connaît les termes de personnes vulnérables4 et y associe des protections

particulières. En effet, le code du travail va protéger la femme enceinte du licenciement par exemple

en interdisant à l'employeur de rompre le contrat de travail dès qu'il a connaissance de son état de

grossesse sauf s'il justifie d'une faute grave. C'est une règle particulièrement protectrice qui peut

même nous faire penser à une immunité. À cet égard, on peut s'interroger sur la liberté contractuelle

puisque l'employeur ne pourra pas licencier sa salariée pour un état totalement indépendant du

travail (son état de grossesse). Pourrait-il en être de même pour les majeurs protégés ? Ils ne

bénéficient pas de protections particulières contre la rupture de leur contrat de travail alors même

que, comme les femmes enceintes, ils sont davantage exposés à la perte de l'emploi et à la difficulté

d'en retrouver un rapidement.

57. A contrario, la mise en place d'une protection particulière ne reviendrait-elle pas à encrer

davantage les majeurs protégés dans un sentiment d'exclusion ? Si aucune protection légale n'a

1 C. trav., art. L. 1233-5. 2 C. trav., art. L. 1233-61., sur la mise en place du PSE, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit. p. 683 et

suiv. 3 Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit. p. 683.4 Sur les personnes vulnérables, v. C. trav., art. L. 1133-6. ; Décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 pris pour

l'application de l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

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encore été mise en place pour ces travailleurs, la jurisprudence1 peut faire preuve de bienveillance

dans la mesure où les troubles des facultés personnelles du travailleur n'emportent pas de risques

pour les autres travailleurs ou les clients de l'entreprise. Certains troubles peuvent engendrer par

exemple une difficulté de compréhension de la personne, mais dans ce cas-là, son licenciement ne

peut être justifié. En revanche dans le cas de la schizophrénie, le travailleur peut être imprévisible et

violent. Pour chacun des cas, l'altération des facultés mentales est à l'origine du problème. Il n'y a

aucune grille de référence, aucune échelle de degré permettant de dire que l'altération des facultés

est l'entière cause des problèmes d'élocution ou de violence. Comment peut-on apprécier

différemment deux situations qui ont la même cause (altération des facultés) ? Les effets seront

différents (problèmes d'élocution ou de violence), mais sont entièrement dû à l'altération des

facultés. La médecine du travail2 pourrait intervenir ici pour détecter les troubles pouvant être

dangereux et surtout ceux qui ne sont pas directement visibles.

58. En conclusion, il apparaît tout à fait contre-productif de restreindre l'accès à l'emploi pour les

majeurs protégés en raison de l'altération de leurs facultés personnelles, tout en luttant pour leur

autonomie. Ainsi, on lie les règles de droit du travail régissant la relation de travail entre le salarié et

son employeur, avec le droit civil des incapacités permettant la mise en place de l’assistance et la

représentation du majeur dans la relation de travail. Le mélange des droits est d’autant plus difficile

puisqu'il faut jongler, de manière équilibrée et juste, entre la liberté de travailler du majeur protégé,

son insertion professionnelle en tant que personne physique doté d’une personnalité juridique, et sa

nécessaire protection civile au regard de l’altération de ses facultés personnelles. Aussi, le droit du

travail encadre une relation binaire entre l’employeur et son salarié, laissant difficilement la place au

mandataire judiciaire. Enfin, le droit du travail est un droit qui traite les individus dans leur

ensemble en tant que travailleurs et qui évite les distinctions. De ce fait, dans les rapports collectifs

de travail, les majeurs protégés seront des salariés ordinaires dans l'entreprise.

1 Jeansen (E), loc. cit. 2 V. infra.

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Chapitre 2 : Majeurs protégés et rapports collectifs de travail :

salariés ordinaires dans l'entreprise

59. Les rapports collectifs de travail font aussi ressortir la nécessité d'équilibre entre protection

et insertion des majeurs protégés. Dans l'expression des droits collectifs en entreprise, les majeurs

protégés sont considérés par le droit du travail comme des salariés ordinaires. Finalement, une

conciliation entre les protections est-elle nécessaire ? Le droit du travail ne suffit-il pas à protéger

les majeurs protégés travaillant en milieu ordinaire ? Si « l'incapable est pris en compte comme tout

salarié pour le décompte des effectifs de l'entreprise »1, il apparaît tout à fait légitime qu'il participe

activement aux droits collectifs de l'entreprise (section 1), et particulièrement depuis 2019 que le

droit de vote pour les majeurs sous tutelle ne peut plus leur être retiré ne les empêchant plus de

participer aux élections en entreprise. Il conviendra tout de même d'observer le manque de

représentation collective pour les majeurs protégés (section 2), qui sont considérés comme des

salariés nécessitant une protection particulière dans l'entreprise notamment au regard de leur santé et

de leur sécurité.

Section 1 :

La participation des majeurs protégés aux droits collectifs

60. La participation des majeurs protégés aux droits collectifs est une expression des rapports

collectifs de travail que l'on trouve dans les entreprises du milieu ordinaire. Comme tout autres

salariés, les majeurs protégés participent à la vie collective2 en entreprise. À cet égard, le code du

travail encadre la liberté syndicale (paragraphe 1) qui permet aux salariés dans leur ensemble de

participer aux décisions, d'adhérer à un syndicat, d'agir en justice. Par ailleurs, la participation

collective des majeurs protégés en entreprise a été renforcée par le droit de vote qui ne peut plus

leur être retiré à l'ouverture d'une mesure de protection (paragraphe 2). Nous observerons ainsi

comment le majeur protégé était appréhendé comme un salarié ordinaire alors même que son

1 Jeansen (E), loc. cit. 2 Sur les rapports collectifs en droit du travail, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 5.

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interdiction de vote au regard de sa protection civile, l'empêchait de voter dans le cadre

professionnel.

Paragraphe 1 :

Majeurs protégés et liberté syndicale

61. En droit du travail, la liberté syndicale est un droit fondamental pour les salariés, consacré et

protégé tant sur le plan national1 qu'au niveau supra-national2. La liberté syndicale recouvre diverses

expressions en entreprise. Elle pourra d'une part se traduire par la liberté individuelle de chaque

salarié, d'adhérer ou non au syndicat de son choix (A). D'autre part, la liberté syndicale sera

exprimée par la dimension collective de constituer un syndicat et d'agir en justice (B).

A La liberté individuelle d'adhérer à un syndicat

62. « Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix »3, c'est

l'expression individuelle de la liberté syndicale pour tout salarié de l'entreprise. Le droit du travail

est un droit qui entend poser des règles pour les travailleurs dans leur ensemble, sans distinction. En

ce sens, le code du travail ne distingue pas entre un travailleur ordinaire et un travailleur placé sous

un régime de protection. Le majeur protégé pourra faire le choix de se syndiquer ou à l'inverse de ne

pas se syndiquer au même titre que les autres salariés.

63. Les syndicats professionnels s'intéressent de plus en plus à la question des travailleurs

handicapés, « Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, a estimé pour sa part que les syndicats

sont de plus en plus déterminants pour la prise en compte du handicap en entreprise. Leurs rôles

sont multiples, que ce soit en termes de sensibilisation des salariés et des employeurs ou de

1 Loi du 21 mars 1884 dite Waldeck-Rousseau relative aux syndicats professionnels., C. trav., art. L. 2141-1.2 C087, Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, OIT., CEDH (art 11). 3 C. trav., art. L. 2141-1.

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négociation pour faire évoluer les dispositifs. Ils ont aussi un rôle à jouer en matière de prévention

et d’accompagnement des salariés handicapés ou qui le deviennent pour une meilleure intégration

en entreprise. Cela concerne le maintien dans l’emploi, le reclassement, l’inaptitude, le départ en

retraite, les modalités de travail… » 1. Nous observons ici la frontière hermétique entre la protection

civile et la protection du droit du travail. À l'entrée de l'entreprise, milieu où les différences ne sont

plus portées sur les caractères personnels des travailleurs mais sur les compétences de travail, la

protection du mandataire judiciaire s'arrête. Son rôle n'est pas d'intervenir dans l'entreprise. Le droit

du travail protégera suffisamment le majeur protégé, au même titre que les autres salariés. Ainsi, le

syndicat vient « suppléer » le curateur et le tuteur dans son rôle de protection.

64. S'agissant des règles de représentation et d'assistance du majeur protégé, il convient de

préciser que la forme de son adhésion dépendra de son régime de protection. Par définition, c'est le

tuteur qui devra représenter le majeur protégé pour son adhésion à un syndicat puisqu’il le

représente pour les actes de la vie civile sauf si l'adhésion à un syndicat fait partie des actes,

désignés par le juge des tutelles, que le majeur peut faire seul. Pour la curatelle, la volonté de

souscrire dans un syndicat est un choix personnel qui ne concernera pas le curateur, sauf nécessité

d'assistance pour l'apposition de la signature, décidé par le juge des tutelles. Si les règles de

représentation et d'assistance ne sont pas respectées, l'adhésion pourra être annulée. Par ailleurs, le

mandataire judiciaire gérant le budget du majeur protégé, pourra demander une réduction des

cotisations s'il s'aperçoit d'un excès ou d'un manque de proportionnalité avec les revenus et les

moyens possédés par le majeur protégé. Pour traiter un tel cas, la jurisprudence s'appuie sur la

bonne foi puisque les juges prendront en considération la situation financière du majeur protégé, à

savoir s'il peut payer les cotisations et si elles lui sont utiles. Il ne faut pas que l'adhésion du majeur

lui porte préjudice.

65. La possibilité d'adhérer au syndicat de son choix n'est pas la seule expression de la liberté

syndicale. En effet, on retrouve aussi une dimension collective de la liberté syndicale à travers

l'organisation des syndicats professionnels.

1 Josselin (C), « Le rôle du syndicat méconnu en matière de handicap », L'inFO militante [En ligne], FO, publié le 20décembre 2018. Patrick Gohet s'est exprimé lors de la 19e journée Travail et handicap en 2018 sur le thème del'action du syndicat en faveur de l'emploi des travailleurs en situation de handicap.

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B La liberté collective d'agir en justice

66. Constituer ou dissoudre un syndicat est une dimension collective du principe fondamental de

liberté syndicale : « toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à

des syndicats pour la défense de ses intérêts »1. Dans le cadre de l'entreprise, « les syndicats

professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts

matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts »2.

Pour autant, il convient de souligner que si les majeurs protégés et les travailleurs handicapés

« peuvent adhérer à un syndicat traditionnel, il leur est impossible de constituer un syndicat de

travailleurs handicapés à vocation interprofessionnelle. Des groupements de personnes handicapées

créés afin de défendre leurs intérêts particuliers ont néanmoins pu voir le jour »3. Notamment parce

qu'un syndicat est destiné à défendre les intérêts professionnels communs des salariés selon les

catégories professionnelles mais sans prendre en compte le handicap. Par exemple, on pourra

rencontrer des syndicats ouvriers qui prennent en compte les ouvriers dans leur ensemble, donc tout

en s'intéressant et incluant les ouvriers ayant la qualité de travailleurs handicapés. Il ne suffit pas

d'embaucher un travailleur handicapé par obligation au regard des quotas instaurés par la loi, le but

du syndicat est d'intégrer au mieux le travailleur handicapé : l'objectif est « l'émancipation »4.

67. Dans une dimension collective, le syndicat pourra agir en justice pour défendre les intérêts

de ses adhérents5. Parfois, le syndicat exerce une action en substitution puisqu’il agit seul pour

défendre un ou plusieurs salariés. Pour autant, il n'a pas de mandat de représentation et les salariés

ne sont pas forcément adhérents. La seule condition posée pour l'action en substitution est

l'information du ou des salariés concernés. Lorsque le syndicat este en justice, il peut s'appuyer sur

divers fondements. Dans le cadre de l'emploi des majeurs protégés, le fondement qui sera invoqué le

plus souvent par les syndicats sera la prohibition des discriminations6. Aussi, le syndicat pourra

exercer une action collective s'il existe dans l'entreprise, une atteinte à l'intérêt collectif que le

1 Gayraud (L), La politique d'emploi des personnes handicapées. Genèse et mise en œuvre d'une politique ordinaire(le cas de la Gironde), thèse, droit, Université de Bordeaux 2, 2006, p. 203., DUDH (art 23).

2 C. trav., art. L. 2131-1. 3 Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (suite et fin) », loc. cit. 4 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), « Face au handicap : action syndicale et cadrages juridiques », Politix [en ligne],

2017, n°118, p. 72.5 C. trav., art. L. 2132-3.6 C. trav., art. L. 1134-2.

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syndicat représente1. Cela signifie que le syndicat pourra agir pour la profession qu'il défend mais

pas pour une autre.

68. Alors même que la participation des majeurs protégés aux droits collectifs en entreprise était

effective au même titre que les autres salariés, une expression de la liberté syndicale restait en

suspens en raison de l'interdiction de vote de certains majeurs protégés. Depuis 2019, il n'y a plus de

frein à la liberté syndicale puisque tous les majeurs protégés peuvent participer aux droits collectifs

de l'entreprise par la voie électorale sans restriction.

Paragraphe 2 :

Le vote des majeurs protégés en entreprise

69. La participation aux droits collectifs par la voie électorale se traduit en grande partie par le

vote aux élections représentatives du personnel permettant une contribution à la vie collective de

l'entreprise. Les représentants des salariés, à savoir, les syndicats et les délégués du personnel vont

jouer un rôle important dans la protection des salariés. Ils jouent le rôle de représentant et d'assistant

que le mandataire judiciaire ne peut pas exercer dans l'entreprise. Il semble ainsi légitime que les

salariés élisent leurs représentants.

70. Les règles du droit civil des incapacités ont engendré des répercussions sur la participation

du majeur protégé à la vie collective. Les majeurs protégés peuvent être électeurs et éligibles aux

élections au même titre que les autres travailleurs s'ils remplissent les conditions posées par le code

du travail. Or, le code du travail n'a pas pris en compte que certains travailleurs ne pourront pas

remplir les conditions nécessaires à l'exercice des droits collectifs en raison de l'altération de leurs

facultés. En effet, certains droits collectifs exigent que « le salarié qui en est le bénéficiaire fasse

preuve de lucidité, alors que dans d'autres cas, le discernement n'est pas une condition

indispensable. Entre autres, l'élection des représentants du personnel constitue par essence un droit

qui nécessite un total discernement »2. Par l'altération de ses facultés personnelles, le majeur sous

1 C. trav., art. L. 2132-3. 2 Tauran (T), loc. cit.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

tutelle ou curatelle apparaît comme une personne influençable au niveau du vote et ne disposant pas

d'un discernement suffisant.

71. Avant 2019, à l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire pour le placement d'un

majeur sous tutelle, le juge pouvait décider de priver le majeur de son droit de vote1 au regard de

l'altération de ses facultés l'empêchant de tout discernement. Depuis la loi du 23 mars 20192,

s'inscrivant dans la recherche d'autonomie des majeurs protégés et de la promotion de leurs droits et

libertés, est prohibée la possibilité de leur retirer le droit de vote. Désormais, le majeur protégé sous

tutelle exerce personnellement son droit de vote pour lequel il ne peut être représenté par la

personne chargée de sa protection. La loi a tout de même prévu la possibilité de voter par

procuration puisque certains majeurs seront dans l'incapacité de voter. En revanche, le majeur

protégé ne pourra pas donner procuration à la personne chargée de sa protection3. La privation du

droit de vote avec la recherche d'autonomie présentait une réelle contradiction et c'est ce dont s'est

insurgée une majeure placée sous tutelle : « d'accord, je suis dépendante, mais ma tête va bien. Il n'y

a aucune raison pour qu'on me prive du droit de vote. On me demande de me conduire comme

« citoyen » à part entière ; le droit de vote en fait partie »4. Le retrait du droit de vote dans le cadre

de la mise sous tutelle d'un salarié venait freiner l'insertion du majeur protégé dans son

environnement de travail mais également dans la vie collective de l'entreprise puisqu'il ne pouvait

participer.

72. Tout majeur protégé bénéficie du droit de vote et peut être éligible aux fonctions de

représentant du personnel et serait susceptible d'être nommé délégué syndical. La théorie étant

grandement différente de la pratique, il paraît peut courant qu'une personne placée sous tutelle

puisse accéder à de telles fonctions. En effet si nous prenons l'exemple d'une salariée sourde placée

sous curatelle renforcée, ayant de grands problèmes d'élocution ; il paraît compliqué qu'elle puisse

satisfaire les missions principales d'un délégué du personnel, à savoir, porter des réclamations

individuelles et collectives, saisir le conseil de prud’homme et prévenir des atteintes pouvant avoir

lieu dans l'entreprise. On peut également envisager que la personne protégée ayant la qualité de

1 C. élect., art. L. 5. (abrogé) « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou lasuppression du droit de vote de la personne protégée ».

2 L. n° 2019-222, 23 mars 2019, op. cit. 3 C. élect., art. L. 72-1.4 Ladsous (J), Dutoit (M), « La parole des usagers », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p. 126.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

travailleur handicapé, atteinte d'une infirmité physique ne puisse pas accomplir les actes liés au

vote, tel que placer un papier dans une urne. Il peut se faire accompagner par un électeur de son

choix mais ne pourra pas demander à son tuteur ou curateur. Dans le cadre de l'entreprise, on peut

envisager que le majeur protégé demande l'accompagnement d'un collègue de travail. En outre et au

regard de sa santé, le majeur protégé est un travailleur, mais reste une personne vulnérable peu

disposée à se présenter pour de telles responsabilités. Le Professeur Jeansen s'est ainsi demandé :

« un majeur soumis à un régime de protection est inéligible ; même s'il peut adhérer à un syndicat, il

ne saurait être désigné en qualité de délégué syndical. N'y a-t-il point-là, cependant, quelque excès ?

Faut-il, à l'opposé, décider que « la capacité à exercer un travail entraîne d'office la capacité à

exercer les mandats éventuels qui lui sont liés »1. Aussi, à côté du vote pour les élections, depuis

20162, l'employeur ou les syndicats peuvent prendre l'initiative d'organiser un vote par référendum

d'entreprise3 auprès des salariés pour négocier un accord collectif. Les majeurs protégés, au même

titre que les autres salariés pourront voter.

73. Par conséquent, les majeurs protégés participent aux décisions importantes. Cela rajoute une

pierre à l'édifice de leur insertion dans l'entreprise et dans la vie collective de celle-ci. Il convient à

présent de se questionner sur la représentation des majeurs protégés en entreprise.

Section 2 :

Le manque de représentation collective des majeurs protégés

74. Dans les rapports collectifs de travail en entreprise, le majeur protégé est considéré comme

un salarié ordinaire. Par conséquent, il participe à la vie collective de l'entreprise comme tout autre

salarié et se fait représenter. La représentation collective trouve une place très importante dans les

rapports collectifs de travail. Le constat est pourtant au manque de représentation des salariés

particulièrement vulnérables, comme les majeurs protégés. Nous pouvons en effet penser qu'en

raison de l'altération de ses facultés, le salarié majeur protégé nécessite une attention plus

1 Jeansen (E), loc. cit. 2 L. n° 2016-1088, 8 août 2016, loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des

parcours professionnels. 3 Sur le référendum d'entreprise, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1292.

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particulière que les autres salariés. En ce sens, la prise en compte des majeurs protégés dans

l’entreprise est insuffisante (paragraphe 1). Afin que leur représentation soit effective,

l’élargissement de la prise en compte aux personnes vulnérables (paragraphe 2) pourrait être une

solution.

Paragraphe 1 :

Prise en compte insuffisante des majeurs protégés

75. Nous avons observé que dans les rapports collectifs de travail, les salariés majeurs protégés

ne sont pas différenciés des salariés ordinaires. À cela s’ajoute une insuffisante prise en compte de

leur statut de majeur protégé dans la représentation collective. À cet égard, l’insuffisance de prise en

compte se traduit tant dans la consultation des institutions représentatives du personnel (A) que dans

la négociation des conventions collectives (B).

A Insuffisance dans la consultation des institutions représentatives du personnel

76. La représentation collective peut s'effectuer par les institutions représentatives du personnel

(IRP)1 ; plus particulièrement lors de leur consultation. Elles sont obligatoirement mises en place

dans les entreprises du secteur privé et sont destinées à assurer la représentation des salariés au sein

de l’entreprise. Selon la taille de l'entreprise, on trouvera des délégués syndicaux, délégués du

personnel, salariés élus au CSE. Déjà, dans sa définition, nous trouvons la volonté de représenter

les salariés sans les différencier. Même si ces institutions sont protectrices, nous pouvons déplorer

l’invisibilité des majeurs protégés dans le domaine de la représentation. Les majeurs protégés

n'existant pas en droit du travail, ils ne font pas l'objet d'une représentation particulière.

1 Sur les IRP, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1338 et suiv.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

77. Concernant les travailleurs handicapés, nous pouvons dire qu' « alors que la notion de

handicap s’est construite autour de celle de travail, les organisations syndicales ont paradoxalement

donné peu de visibilité à la cause des travailleurs handicapés. Non seulement, il n’existe pas de

consensus sur une définition du handicap qui permette de les identifier et de les dénombrer, mais

surtout, les difficultés que rencontrent les travailleurs en situation de handicap dans leurs relations

avec leurs employeurs ou potentiels employeurs sont souvent perçues par les acteurs du monde du

travail comme le résultat de situations particulières et individuelles qui rendent difficile

l’élaboration d’actions collectives »1. C'est à travers le combat de la reconnaissance des maladies

professionnelles et des accidents du travail que les syndicats ont été incités par les directives

européennes « à porter une attention croissante à l’intégration des travailleurs handicapés en milieu

ordinaire »2. Ainsi, « Depuis une dizaine d’années, des référents et délégués syndicaux se

spécialisent et, en s’appuyant de façon variable sur le droit, tentent de rendre les travailleurs

handicapés visibles au sein des organisations syndicales et des entreprises »3. Les syndicats se

mobilisent à travers des « événements ponctuels, tels que l’organisation d’une journée sur le

handicap ou la participation à la semaine pour l’emploi des personnes handicapées, les syndicats

sont peu mobilisés autour de cette thématique et qu’ils sont peu aiguillés pour délimiter leur champ

d’action ». Du nom de « Duo Day », cette semaine s'inscrit dans le cadre de la semaine européenne

pour l'emploi des personnes handicapées afin d'optimiser l'inclusion des personnes handicapées dans

le monde du travail. Pour autant, « la défense des intérêts et des droits des travailleurs en situation

de handicap sont relativement peu structurées en tant que telles. Elles sont plutôt envisagées comme

un point de rencontre entre différentes priorités de l’activité syndicale : la sensibilisation des

employeurs aux maladies chroniques et problèmes de santé nés dans l’entreprise, l’attention portée

au reclassement suite à un accident de travail ou de la vie ou encore la lutte pour l’égalité des

chances »4.

78. La représentation des majeurs protégés s'est révélée largement nécessaire pour leur

protection et intégration dans l'entreprise. « Les institutions collectives existantes dans l'entreprise

([autrefois] comité d'entreprise, délégué du personnel ou CHSCT5, [désormais Comité Économique

1 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), op. cit., p. 56.2 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), op. cit., p. 58. 3 Ibid. 4 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), op. cit., p. 62.5 Sur le CHSCT, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1340-1341.

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et Social]) se sont vues confier des prérogatives concernant les travailleurs handicapés »1. Ces

dispositions vont bénéficier à tous les travailleurs y compris les majeurs protégés. Il convient de

souligner que si dans le code du travail, les travailleurs handicapés bénéficient des mêmes règles et

protections que les autres salariés, « dans la mesure où les travailleurs atteints d'un handicap sont

considérés, au niveau des règles d'hygiène et de sécurité du travail, comme une population à haut

risque, ils font l'objet d'une surveillance attentive »2. Pour la santé et la sécurité, « le CSE3 contribue

notamment à l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter l’accès et le

maintien des personnes handicapées à tous les emplois au cours de leur vie professionnelle »4. Le

CSE est « informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche

générale de l’entreprise, notamment sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le

maintien au travail des : accidentés du travail, invalides de guerre, invalides civils, personnes

atteintes de maladies chroniques évolutives, travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement

des postes de travail »5.

79. Enfin, rappelons que pour la participation aux droits collectifs, la lucidité du salarié pouvait

être, dans certains cas, un déterminant. En revanche, « les dispositions collectives relatives à

l'hygiène et la sécurité du travail ne supposent pas, pour être appliquées, que les personnes qu'elles

sont censées protéger soient lucides. Logiquement, seules les secondes devraient pouvoir bénéficier

à tous les incapables »6. La représentation, d'une part des majeurs protégés parce qu'ils n'existent par

en droit du travail, d'autre part des travailleurs handicapés parce qu'ils ne représentent qu'une partie

minime des salariés, est trop peu visible. Si la représentation apparaît comme nécessaire au regard

de la vulnérabilité qui peut atteindre certains salariés, il convient de souligner que la négociation des

conventions collectives aussi.

1 Tauran (T), loc. cit. 2 Ibid. 3 Sur la mise en place du CSE, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1340 et suiv. 4 AGEFIPH, « Prise en compte du handicap dans l'entreprise », Rapport, 2018, p. 3. 5 Ibid. 6 Tauran (T), loc. cit.

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B Insuffisance dans la négociation des conventions collectives

80. La représentation des majeurs protégés en entreprise, pourrait passer par la négociation des

conventions collectives1, au même titre que la protection des salariés dans leur ensemble. Une

convention collective peut être définie comme un « accord conclu entre un employeur ou un

groupement d'employeurs, et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés,

en vue de fixer en commun les conditions d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales »2.

Elle pourrait permettre de mettre en évidence la situation des majeurs protégés. À cet égard, la

négociation de conventions de branches3 paraît être plus efficace en la matière puisque « les

signataires estiment que la problématique de l'emploi des personnes en situation de handicap ne

peut être traitée de manière efficace et durable que si elle est ancrée dans chacune des actions

menées par la branche »4, cela permet de mener une politique globale. En effet, la convention

collective de branche « permettrait de fixer un statut social commun à un ensemble d'entreprises

opérant sur un même marché et d'éviter ainsi qu'elles ne se concurrencent par une politique de bas

salaires ou de mauvaises conditions de travail »5. Alors que « la négociation d'entreprise était donc,

sauf lorsqu’elle imposait aux salariés des sujétions, un instrument permettant d'améliorer la

situation des travailleurs. Cette conception de la négociation est sortie profondément transformée de

la loi Fillon du 4 mai 20046, qui a multiplié les possibilités de déroger à la loi et généralisé la

dérogation aux conventions au champ d'application plus large »7, c'est pour cette raison que nous

avons choisi de nous focaliser sur les conventions de branche.

81. La loi du 11 février 20058 a instauré une obligation de négocier sur les mesures relatives à

l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés9. La négociation

1 Sur la négociation des conventions collectives d'entreprises, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p.1724 et suiv., v. C. trav., art. L. 2221-2 et L. 2231-1.

2 Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1612. 3 Sur la négociation et la convention collective de branche, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1699

et suiv., C. trav. L. 2232-5-1., C. trav. L. 2253-1 et L. 2253-2. 4 Convention collective nationale de la mutualité, 31 janvier 2000. 5 Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1699.6 L. n° 2004-391, 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.7 Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), op. cit., p. 1748.8 L. n°2005-102, 11 février 2005, op. cit. 9 V. infra.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

doit se faire tous les trois ans au niveau de la branche1 et tous les ans au niveau de l'entreprise2.

L'objectif est de sensibiliser les partenaires sociaux sur la question du handicap et d'intégrer les

travailleurs handicapés dans le domaine de la politique contractuelle des entreprises. Pour autant, la

loi n'a pas imposé une obligation de conclure une convention, mais uniquement de négocier. La

négociation porte sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion

professionnelle, les conditions de travail, d’emploi et de maintien dans l’emploi ainsi que sur les

actions de sensibilisation au handicap de l’ensemble du personnel3.

82. Le problème de cette négociation est qu'elle ne prend en compte que la situation du

travailleur handicapé. Or cette prise en compte est insuffisante en ce qu’un majeur protégé peut être

un salarié sans pour autant avoir la qualité de travailleur handicapé. Malgré la négociation de

protection pour les travailleurs handicapés, les majeurs protégés s’en retrouveraient exclus et

seraient protégés au même titre que les salariés ordinaires. Cela semble risqué puisque certains

majeurs protégés peuvent être victimes d’altérations telles, qu’elles nécessitent une protection

particulière dans l’entreprise. Mais, la négociation se faisant sur la présentation d'un état des lieux

de la partie patronale, nous pourrions envisager l'hypothèse dans laquelle le nombre de salariés

majeurs protégés serait plus important que le nombre de salariés ayant la qualité de travailleurs

handicapés. En ce sens, l'employeur ne remplirait pas son obligation d'emploi4 du quota de

travailleurs handicapés dans son entreprise. Alors, les négociateurs pourraient entamer une

discussion sur la prise en compte de la situation des majeurs protégés en entreprise et de leur

intégration dans les quotas de l’obligation d’emploi. Notamment parce que les problématiques

touchant à leur sécurité, leur condition de travail, leur accès à l'emploi et leur maintien dans l'emploi

seront souvent similaires à celles des travailleurs handicapés.

83. Les partenaires sociaux sont alors la clé d'évolution de la situation des majeurs protégés en

entreprise puisqu'ils peuvent permettre d' « engager une dynamique générale pour l'ensemble des

entreprises de la branche qu'elles soient ou non assujetties à l'obligation légale d'emploi »5. La

1 C. trav., L. 2241-5. 2 C. trav., L. 2242-13. 3 C. trav., L. 2241-5 et L. 2242-13. 4 V. infra. La conclusion d'un accord collectif qui sera agréé (validé par la DIRECCTE – désormais DREETS)

permettra à l'employeur de s'acquitter de son obligation d'emploi. V. C. trav., L. 5212-8. 5 À propos de l'intégration des travailleurs handicapés, v. Convention collective nationale de la mutualité, 31 janvier

2000, op. cit.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

question des personnes handicapées en entreprise a déjà beaucoup évolué. Nous avons vu

s'introduire dans la négociation, au moins tous les trois ans1, des actions en faveur des travailleurs

handicapés. Plus particulièrement, chaque année, « il faut négocier avec les organisations

syndicales : les conditions d'accès à l'emploi, de formation et de promotion professionnelles des

travailleurs handicapés, leurs conditions de travail, la sensibilisation de l'entreprise. Ainsi est

étendue à l'ensemble de la vie de l'entreprise la question des personnes handicapées, qui s'inscrit

dans le calendrier commun de celle-ci »2. En ce sens, « le principal outil de l’action syndicale en

matière de handicap est la négociation d’accords de branche et d’entreprise. Ces accords présentent

des enjeux financiers importants pour les employeurs, puisqu’ils déterminent notamment le

versement des cotisations à l’AGEFIPH ou au FIPHFP. Ils ont pour objectif de définir les conditions

de recrutement, d’accueil, de maintien dans l’emploi, de formation ou encore d’accompagnement

des travailleurs en situation de handicap au sein de l’entreprise »3. Lors des négociations, « les

savoirs juridiques ont une place importante, à la fois dans la qualification de la situation du salarié

et dans les négociations avec les directions. [Le travail des syndicats] passe souvent par des

démarches administratives, notamment lorsqu’ils aident les salariés à introduire une demande de

reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) qui permet de demander un

aménagement de poste »4.

84. En définitive, les majeurs protégés paraissent insuffisamment représentés et exclus de la

négociation collective en tant que salariés bénéficiant d'une mesure de protection judiciaire. Un

élargissement de la prise en compte aux personnes vulnérables permettrait de les inclure et ainsi

d’œuvrer en faveur de leur insertion professionnelle, tout en les protégeant.

1 Sur la négociation de branche des actions en faveur des travailleurs handicapés, C. trav. L. 2241-1 et L. 2241-13. 2 Stiker (H-J), « Les personnes en situation de handicap dans l'entreprise », Reliance [en ligne], 2006, n°19, p. 36.3 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), op. cit., p. 64. 4 Lejeune (A), Yazdanpanah (H), op. cit., p. 67-68.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Paragraphe 2 :

L'élargissement de la prise en compte aux personnes vulnérables

85. Le manque de représentation des salariés particulièrement vulnérables, comme peuvent l’être

les majeurs protégés, pourrait être pallié par l’élargissement de la représentation aux salariés

vulnérables dans l’entreprise. Il serait peut-être opportun de proposer une contribution et des

échanges entre les représentants de droit civil des incapacités (personne chargée de la protection du

majeur protégé ou association) et les représentants en entreprise régis par le droit du travail (les

syndicats, représentants du personnel). Cet échange pourrait permettre d’optimiser la protection des

salariés particulièrement vulnérables, mais ne pourrait intervenir que pour les majeurs protégés alors

même que dans toute entreprise, on peut trouver des formes de vulnérabilité variées. Certains

salariés pourront être en situation de vulnérabilité continue alors que d'autres ne le seront que de

manière ponctuelle. D'autant plus que, certaines formes de vulnérabilité de la vie personnelle vont

se répercuter sur la vie professionnelle. Par exemple, les souffrances psychologiques d'une personne

peuvent accentuer son épuisement professionnel. Les vulnérabilités professionnelles vont être liées

à l'activité exercée dans le cadre de l'entreprise alors que les vulnérabilités personnelles sont

indépendantes du travail effectué, des conditions et de l'environnement de travail. En ce sens, la

négociation collective ne devrait pas se centrer sur une catégorie que sont les travailleurs handicapés

parce qu'ils sont identifiés mais sur toutes les formes de vulnérabilité qui peuvent se développer lors

de l'exercice de l'activité professionnelle. La prise en compte de la vulnérabilité des salariés

permettrait de développer l'entreprise. Notamment parce que la vulnérabilité du salarié va influencer

sa performance professionnelle et par conséquent se répercuter sur la performance économique de

l'entreprise. C'est ainsi, à une autre forme de performance d'intervenir : l'entreprise doit devenir

inclusive. C'est essentiellement un travail d'observation et de dialogue afin de négocier un

accompagnement pour les personnes présentant une ou des formes de vulnérabilité, qu'elles soient

personnelles et impactant l'exercice du travail, ou qu'elles soient professionnelles. Avec la crise

sanitaire que nous traversons et une prise en compte renouvelée de la vulnérabilité des personnes,

nous pouvons envisager de nouveaux critères. Tel a été le cas dans le décret du 10 novembre 20201

1 Décret n°2020-1365, 10 novembre 2020, pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020de finances rectificative pour 2020.

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qui a pour objectif de déterminer les personnes salariées vulnérables au Covid-191 qui peuvent être

placées en activité partielle et télétravail lorsqu'elles répondent à deux critères cumulatifs parmi une

liste détaillée2. Au niveau de la branche, de nouveaux critères pourraient être déterminés afin de

considérer un salarié comme vulnérable. Ainsi, tant des travailleurs handicapés, des majeurs

protégés, des salariés en détresse face à leurs conditions de travail pourraient entrer dans la catégorie

de personnes vulnérables en entreprise.

86. En conclusion, nous pouvons constater que si le mandataire intervient dans la représentation

et l’assistance des majeurs protégés pour l’aspect contractuel de la relation de travail, il n’est

pratiquement pas présent dans les rapports collectifs. Dans l’entreprise, le mandataire est relayé par

les syndicats et les représentants du personnel qui assureront la protection des salariés dont des

majeurs protégés. C'est une protection différente puisqu'elle n'est pas liée au patrimoine du majeur

mais au bien être de celui-ci en entreprise, à ses conditions de travail, sa sécurité et sa santé au

travail.

****

87. Finalement, en juxtaposant les règles de droit civil des incapacités avec celles du droit du

travail, il semble possible de maîtriser l’équilibre entre protection et insertion des majeurs protégés

en milieu ordinaire. L’ensemble des protections permettent en effet de lutter contre les risques liés à

l’altération des facultés des majeurs protégés, au mieux de les éviter, sans pour autant venir freiner

ou empêcher leur insertion professionnelle en entreprise. Lorsque les règles de protections sont

maîtrisées, la coexistence entre protection et insertion du majeur protégé, lui apporte une véritable

stabilité. La relation de travail, plus qu'une relation contractuelle créant des rapports collectifs en

entreprise, est un dispositif participant à l'autonomie des majeurs protégés. Donc, le travail n’est pas

qu’une situation impliquant la gestion des actes relatifs à la relation de travail. Au prisme du droit

social, le travail permet de promouvoir l'autonomie du majeur. Dans le mouvement de recherche

d’autonomie qui se dessine depuis plusieurs années, il est opportun de constater à présent, plus que

la coexistence, l’articulation entre la protection et l’insertion des majeurs protégés en milieu

ordinaire de travail.

1 Maladie à l’origine de la pandémie actuelle. 2 V. Art. 1, Décret n°2020-1365, 10 novembre 2020, op. cit.

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Partie 2 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire :

articulation entre protection et insertion

88. Les concepts de protection et d’insertion semblent également s’articuler dans le cadre du

travail des majeurs protégés en milieu ordinaire. Au prisme du droit social et à la lumière des textes

promouvant les droits fondamentaux et les libertés, le travail du majeur protégé dépasse la seule

conception classique d’actes juridiques1. Les règles de protections vont s’articuler afin de

promouvoir et garantir l’autonomie des majeurs protégés. Le travail2 étant un vecteur d’autonomie3

pour le majeur protégé. Dans l'ordre d'idée des réformes4 entreprises ces dernières années pour

renforcer l'autonomie du majeur protégé, le travail va permettre une émancipation du majeur, tant

économique que sociale par le développement de ses libertés et son intégration professionnelle.

Pour autant, la recherche d'autonomie peut être entravée de confusion au regard de l'utilité et de la

définition même de l'ouverture d’une mesure de protection judiciaire. La protection d’une personne

en raison de sa vulnérabilité rime que très rarement avec liberté. En droit civil, la protection des

majeurs protégés passe particulièrement par une restriction des droits. À l’inverse en droit du

travail, la protection passe davantage par une optimisation des droits et de l’autonomie des

travailleurs. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) en est notamment une

expression. L’articulation de la protection et de l’insertion des majeurs protégés suscite des

interrogations puisque deux obstacles existent dans le milieu professionnel. Le premier étant l'accès

aux emplois du milieu ordinaire (chapitre 1). Le second étant l'incertitude du maintien dans l'emploi

(chapitre 2).

1 V. infra. 2 V. supra. 3 Sur l'autonomie, v. Heyraud (B), « Quelle autonomie pour les « incapables » majeurs ? Déshospitalisation

psychiatrique et mise sous tutelle », Politix [en ligne], 2006, n°73, p. 109-135 ; Bauer (M), Mear (C), « La réformede la protection juridique, quel profit pour les majeurs protégés », Vie sociale [en ligne], 2010, n°3, p. 151-161.

4 Sur les réformes, v. L. n°2007-308, 5 mars 2007, op. cit. ; L. n°2019-222, 23 mars 2019.

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Chapitre 1 : L'accès encouragé des majeurs protégés dans l'emploi

89. L’articulation entre la protection et l’insertion des majeurs protégés en milieu ordinaire du

travail s'exprime à travers l'encouragement de l'accès du travail en entreprise. L'accès à l'emploi est

une question préoccupante tant son antipode peut entraîner de graves conséquences dont les

principales sont la détresse financière et l'exclusion sociale. Si dans sa lutte contre les exclusions, le

droit positif contribue à ouvrir l'accès aux emplois du milieu ordinaire, l'accès sans différenciation

reste tout de même entravé de discriminations (section 1). Pour autant, fort est de constater une

certaine réactivité du droit du travail s'exprimant par des mécanismes correcteurs destinés à faciliter

l'accès à l'emploi (section 2).

Section 1 :

Les entraves à l'accès au travail en milieu ordinaire

90. Le droit du travail lutte pour l’accès à l’emploi sans différenciation1 puisqu’il ne distingue

pas les travailleurs. Or, les exclusions sociales existent malgré les luttes déjà engagées. Les

discriminations véhiculent les inégalités. Par conséquent, la persistance des discriminations dans

l'accès à l'emploi (paragraphe 1), tend à entraîner un véritable combat pour l'égalité des chances qui

suscite toutefois des limites (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 :

La persistance de discriminations dans l’accès à l’emploi

91. Malgré la lutte déjà engagée contre les discriminations, ces dernières persistent, en

particulier lors de l’embauche pour l’accès à l’emploi. En ce sens, l’encadrement législatif contre les

1 Utilisation dans le code du travail des termes : « tous les salariés », droit qui entend régir le travail de toutes lespersonnes sans distinction, d'une masse de salariés.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

discriminations dans l’accès à l’emploi paraît lacunaire (A) puisqu’elles continuent d’exister et de

bloquer l’insertion professionnelle de certaines personnes. D'autant plus lorsque ces personnes sont

atteintes d'une certaine vulnérabilité, qui est un facteur d’augmentation des risques de

discriminations (B).

A Un encadrement législatif des discriminations lacunaire

92. Les discriminations1 et plus particulièrement, leur persistance dans le milieu professionnel,

viennent faire obstacle au « droit au travail ». Introduit par la Déclaration des Nations Unies de

1948, le droit au travail signifie que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail,

à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage »2. C'est

un droit fondamental protégé par plusieurs textes tant nationaux que supra-nationaux3. Cependant,

l’effectivité de ce droit est entravé par les discriminations, empêchant certaines personnes d’accéder

librement à un emploi. En ce sens, les discriminations renvoient à « des systèmes, des critères, des

dispositions et des pratiques qui permettent, facilitent ou encouragent un traitement moins favorable

envers des personnes se trouvant dans des situations semblables »4. Ainsi, certaines personnes se

verront refuser l'accès à un emploi au regard d'une vulnérabilité, de leur handicap, d'une apparence

physique, ce qui génère une idée d'injustice. Les discriminations peuvent intervenir à différents

moments de la relation de travail prenant ainsi différentes formes : « refus d'embauche ou motif de

licenciement, absence de promotion de carrière, difficultés d'accès à une formation

professionnelle »5.

1 Sur les discriminations, v. Auzero (G), Baugard (D), Dockès (E), Droit du travail, Précis, Dalloz, 34e édition, 2020 ;Joly (L), L'emploi des personnes handicapées entre discrimination et égalité, Thèse, Droit privé, École DoctoraleDroit et Science Politique Nanterre, 2013 ; Blanc (A), Les handicapés au travail. Analyse sociologique d'undispositif d'insertion professionnelle, Dunod, Pratiques sociales, 1995 ; Leray (G), L'emploi des travailleurshandicapés. Recruter, accueillir et intégrer un travailleur handicapé dans l'entreprise, Gereso, 3e édition,L'essentiel pour agir, 2014 ; Darwane (S), « La lutte contre les discriminations est un combat pour l’égalité et contreles préjugés », Migrations société [en ligne], 2007, n°109, p. 101-106.

2 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (Paris, 1948), art. 23. 3 Sur le droit au travail, v. Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels (New York, 1966),

Charte Sociale Européenne (Turin, 1961), Constitution du 4 octobre 1958 : « chacun a le devoir de travailler et ledroit d'obtenir un emploi ».

4 Darwane (S), « La lutte contre les discriminations est un combat pour l’égalité et contre les préjugés », Migrationssociété [en ligne], 2007, n°109, p. 101.

5 Darwane (S), loc. cit.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

93. Une législation visant à lutter contre ces discriminations existe déjà puisque selon le code du

travail, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un

stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou

faire l'objet d'une mesure de discriminatoire, directe ou indirecte »1.Les discriminations peuvent être

fondées sur l'état de santé par exemple. Cette discrimination pourrait tant concerner un travailleur

majeur protégé, qu’un travailleur ayant la qualité de travailleur handicapé. Aussi, la Cour de

cassation a soutenu qu’ « aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou

indirecte, en matière d'affectation, de qualification, de mutation, en raison de son état de santé »2.

Entravant le droit au travail, les discriminations « dans le monde du travail sont des délits, et le

cadre juridique est particulièrement complet. Il sanctionne désormais tant les discriminations

directes que les discriminations indirectes »3. La discrimination directe4 met à l'écart un individu

« sous le motif de la présence d'un trait ou d'une caractéristique, étranger »5 à la norme sociale. Le

handicap est pourtant une caractéristique naturelle qui « s'oppose simplement à volontaire, comme

peut l'être la tenue vestimentaire ou la coupe de cheveux, par exemple »6. Alors, « la discrimination

suppose une décision d’écarter de l’accès à l’emploi une personne handicapée alors même qu’elle

répond au profil du poste proposé, à cause du handicap »7. En revanche, les discriminations

indirectes8 sont des mesures qui s'appliqueront à tous les salariés mais auront un effet préjudiciable

pour certains. Nous invoquons une législation au caractère lacunaire en ce que l’environnement

entraîne le manque d'effectivité de la législation. Notamment au regard des rapports hiérarchiques

en entreprise, la recherche de productivité et le manque de contrôle contre les discriminations.

94. Contrairement aux majeurs protégés, les travailleurs handicapés sont sujets à des mesures

correctrices destinées à corriger les inégalités existantes puisque l'embauche d'un travailleur

handicapé fera l’objet d'une aide financière pour l’entreprise9. L'employeur sera sans doute plus

disposé à embaucher un travailleur étant en situation de handicap puisqu’il sera aidé financièrement

plutôt qu'un travailleur majeur protégé pour lequel il faudra peut-être faire des aménagements sans

1 C. trav., art. L. 1132-1.2 C. cass, soc. 30 mars 2011, FS-P+B, n° 09-71.542.3 Darwane (S), loc. cit. 4 V. définition par : L. n°2008-496, 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire

dans le domaine de la lutte contre les discriminations.5 Stiker (H-J), op. cit., p. 40. 6 Ibid. 7 Ibid. 8 V. définition par : L. n°2008-496, 27 mai 2008, op. cit. 9 V. supra.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

recevoir de subventions s'il n'a pas demandé la RQTH. Le problème étant que d'un point de vue

social, la lutte est menée de manière générale pour le handicap, n'incluant pas toujours les majeurs

protégés. En ce sens, pourrait-on voir à travers la mise en place des politiques d’insertion des

travailleurs handicapés, une discrimination indirecte pour les majeurs protégés ? Nous pensons à

une réponse plutôt négative, car il en est de la volonté des majeurs protégés de se faire reconnaître

travailleurs handicapés. Au-delà de cette question, la vulnérabilité reste un facteur d'augmentation

des risques de discriminations en entreprise.

B La vulnérabilité : facteur d’augmentation des risques de discriminations

95. Alors même que les discriminations dans le milieu professionnel persistent, elles sont

accentuées par certains facteurs, dont la vulnérabilité qui peut affecter une personne. En effet, les

discriminations les plus importantes prennent en compte la vulnérabilité de la personne. Notamment

puisqu’en « matière de lutte contre les discriminations, les réclamations reçues par le Défenseur des

droits mettent en lumière les inégalités de traitement pouvant affecter les majeurs en raison de leur

handicap, de leur état de santé, de leur âge ou, depuis la promulgation de la loi n° 2015-1776 du 28

décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, de leur perte d’autonomie »1.

La vulnérabilité accueillie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme vient

justifier une protection accrue de la personne. Le plus souvent, le droit interne va protéger des

catégories de personnes vulnérables2 sans pour autant utiliser le terme. En droit civil ce seront les

majeurs protégés alors qu’en droit social ce seront les travailleurs handicapés, les femmes enceintes.

Alors même que « la vulnérabilité recouvre une matérialité que le droit prend en compte à travers

d’autres notions telles celles de faiblesse, de dépendance, ou bien à travers des faiblesses de la

personne physique visées ponctuellement, dues notamment à l’âge ou la maladie, la fragilité

psychologique, la pauvreté, l’exclusion…Dès lors que le droit se préoccupe de ces personnes

faibles, dans l’hypothèse où leur état ou leur situation les expose à un risque particulier d’atteinte,

l’abstract de vulnérabilité est présent »3. La vulnérabilité permettrait de couvrir à la fois les majeurs

1 Défenseur des droits, « protection juridique des majeurs vulnérables » [en ligne], Rapport, 2016, p. 6. 2 V. infra. 3 Dutheil-Warolin (L), La notion de vulnérabilité de la personne physique en droit privé, Thèse, Droit privé,

Université de Limoges, 2004, p. 19.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

protégés et les travailleurs handicapés. C’est une approche qui conduirait à « considérer la notion de

vulnérabilité comme une application particulière du principe d’égalité sous l’angle de l’inégalité

dans les capacités de la personne à se défendre »1 face à l’atteinte qu’est la discrimination. Ainsi,

« la différence de situation entre la personne capable de se défendre face à une atteinte et celle qui

ne l’est pas justifie que le droit les traite différemment et singularise la situation de vulnérabilité de

la personne »2.

96. Le problème se trouve dans la catégorisation puisque la France, comme d'autres pays, ont

choisi de définir le handicap de manière très large ou à l’inverse « plus limitée, en général issue du

domaine législatif de la sécurité sociale »3. Dans ces définitions, on exclut déjà une partie des

personnes vulnérables que sont les majeurs protégés. Il est alors primordial que « l'entreprise

comme l'organisation syndicale, soit un acteur de la lutte contre les discriminations et de promotion

de cette diversité »4. Ainsi, « pour l'UNSA, la lutte contre toutes les formes de discrimination est un

combat majeur qui nécessite un engagement permanent de l'action syndicale et une mobilisation de

tous les actes de la société. Avec en particulier l'enjeu que constitue le combat contre les préjugés »5.

Notamment parce que ces préjugés conduisent à créer des inégalités de chance dans l’entreprise car

« aujourd’hui plus que jamais, [l'entreprise] cherche ce que l’on appelle l’excellence. Excellence

professionnelle certes, mais aussi dans la personnalité, les capacités relationnelles, le look extérieur.

La passion de l’excellence rend aveugle aux possibilités réelles des gens et à la bonne recherche de

l’adéquation entre les qualités des personnes et les emplois concrets, non pas ceux que l’on met sur

le papier mais ceux réellement exercés. La discrimination consiste ici à écarter d’emplois possibles

des personnes que l’on se représente comme inaptes, car cette passion de l’excellence et de la

performance envahit tout le champ de conscience des recruteurs »6.

97. L’entreprise est donc un milieu qui favorise les situations de discrimination en créant des

inégalités de chance dans l’accès à l’emploi, contre lesquelles le combat est engagé depuis plusieurs

années.

1 Dutheil-Warolin (L), op. cit., p. 218. 2 Ibid. 3 Kessler (F), « Droit européen, handicap et intégration à l'emploi », RDSS, 2011 p. 806. 4 Darwane (S), op. cit., p. 102. 5 Darwane (S), op. cit., p. 105.6 Stiker (H-J), op. cit., p. 41.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Paragraphe 2 :

Les limites de l'égalité des chances dans l'accès à l'emploi

98. Si la persistance de nombreuses discriminations génère le combat pour l’égalité des chances

dans l’accès à l’emploi, il convient de souligner les limites de ce principe. La lutte contre les

discriminations doit conduire à l'égalité des chances. Après avoir été une expression politique

utilisée dans les discours pour le changement de la société, la formule d'égalité des chances fait

l'objet d'une inscription législative dans une loi de 20061. D'abord emprise de la crise scolaire elle

s'est étendue à la crise de l'emploi par la loi du 11 février 20052 « dont le principal acquis est la

reconnaissance d’un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité

nationale, qui se traduit très concrètement par la prise en charge des surcoûts de toute nature liés au

handicap »3. Ainsi, « le choix d'ériger le handicap en critère a priori illégitime de distinction repose

sur le souci de favoriser la participation sociale des personnes handicapées »4 qui s’inscrit dans la

prolongation de nos réformes. Cependant, l'égalité des chances est difficile à définir puisque tant

dans la notion d'égalité que dans celle de chances, plusieurs interprétations existent. Aussi, Les

distinctions sociales peuvent être légitimes, mais uniquement si elles sont d'utilité commune5, selon

la DDHC6. Le code du travail instaure que « les mesures prises en faveur des personnes handicapées

et visant à favoriser l'égalité de traitement, prévues à l'article L. 5213-6 ne constituent pas une

discrimination »7. Également, « afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à

l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation

concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11°

de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur

qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur

1 L. n°2006-396, 31 mars 2006, pour l'égalité des chances. 2 L. n°2005-102, 11 février 2005, op.cit. 3 Gayraud (L), « Comparaison de la politique d'emploi à destination des personnes handicapées en région Aquitaine et

en Province de Ravenne », Pôle Sud [en ligne], 2009, n°31, p. 62.4 Joly (L), « Handicap », Répertoire de droit du travail, Antoine Lyon-Caen, Paris, éditions Dalloz, 2019 (mise à jour

Octobre 2020). 5 Sur l'utilité commune, v. Naszalyi (P), « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées sur l'utilité commune », La

Revue des Sciences de Gestion [en ligne], 2008, n°233, p. 1-4. 6 « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que

sur l’utilité commune ».7 C. trav., art. L. 1133-4.

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Page 63: Le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire

Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

soit dispensée »1.

99. Dans notre réalité d’accès à l’emploi, « une personne valide et qualifiée aura presque deux

fois plus de chance d’avoir une suite positive qu’une personne avec la même qualification, mais en

fauteuil roulant. Une personne valide avec un faible niveau de qualification aura trois fois plus de

chance d’obtenir une suite positive qu’une personne ayant le même niveau de qualification mais en

fauteuil roulant. Enfin il faut préciser que plus la taille de l’entreprise est importante et plus il y a

discrimination envers le candidat handicapé »2. On recherche une égalité entre les individus afin

qu'ils puissent accéder aux mêmes opportunités de développement social, sans que leurs

caractéristiques individuelles soient prises en compte telle qu’une altération des facultés

personnelles. « L'interdiction des discriminations à raison du handicap participe à l'objectif

d'insertion des personnes handicapées dans le corps social. Le handicap peut être identifié comme

un facteur d'exclusion professionnelle, et plus largement sociale »3. Pour promouvoir l'intégration

des personnes exclues dans le monde du travail, on promeut « une législation anti-discrimination,

des procédures particulières de règlement de litiges et des aides financières. Le handicap et les

désavantages qui l'accompagnent sont traités sous une base de droits civils et d'égalité des chances.

Selon cette philosophie, les personnes handicapées sont aussi compétentes et productives que les

autres, capables de concourir à l'emploi sur une base d'égalité. La discrimination est considérée

comme l'explication de base de l'exclusion et du bas niveau d'insertion des personnes handicapées

dans le marché du travail »4.

100. Toute une lutte contre les discriminations sur le handicap a été mise en place puisque

« lorsque l’on interroge les acteurs de l’entreprise dans le cadre de leur fonction professionnelle, les

exigences législatives, le recours aux aides de l’AGEFIPH, […] jouent pour faire envisager comme

possible, voire souhaitable, l’emploi des personnes déficientes »5. Sur le marché du travail, « le

handicap place inévitablement les intéressés en situation structurellement défavorable et est donc,

en tant que tel, source de discrimination pour l'accès à l'emploi, un dispositif contraignant, destiné à

corriger ces inégalités est nécessaire »6. En effet, on octroie « à la catégorie en cause un avantage

1 C. trav., art. L. 5213-6. 2 Stiker (H-J), op. cit., p. 38. 3 Joly (L), loc. cit. 4 Kessler (F), loc. cit. 5 Stiker (H-J), op. cit., p. 39. 6 Chevallier (J), « Réflexions conclusives sur handicap et aptitude à l'emploi », RDSS, 2011, p. 873.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

particulier [...] mais légitimée par l'objectif de lutter contre une inégalité de fait préexistante »1.

101. Par conséquent, il est nécessaire de dénoncer les discriminations et de mettre en place des

mécanismes correcteurs facilitant l'accès à l'emploi pour deux raisons. Une raison d'ordre individuel

puisque la discrimination est une atteinte à la personne, mais une raison également d'ordre collectif

afin de faire évoluer les mœurs et de faire cesser les préjugés : « quand j'ai travaillé la curatrice m'a

dit « il faut être correcte » comme si je ne le savais pas c'est humiliant, je crois qu'on est mis à

l'isolement dans la société »2.

Section 2 :

Les mécanismes correcteurs facilitant l'accès au travail en milieu ordinaire

102. Depuis plusieurs années, les discriminations bloquant l'accès à l'emploi pour certaines

personnes, sont encrées et persistent dans le milieu ordinaire du travail. Pour cette raison, des

mécanismes correcteurs sont mis en place afin de faciliter l'accès au travail. Ce sont de nouveaux

outils traduisant une certaine réactivité législative. Dans ce contexte de société inclusive, on observe

le rôle primordial de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Elle permet

d'inciter les salariés à faire une demande en RQTH3, qui leur permettra de bénéficier de différents

avantages et accompagnements en matière d'insertion professionnelle (Paragraphe 1). Aussi, l’État a

également et sur un autre volet un rôle important, puisqu’il pourra participer à favoriser l'emploi en

incitant les entreprises à embaucher des travailleurs handicapés (Paragraphe 2).

1 Ibid. 2 Ladsous (J), Dutoit (M), op. cit., p. 128.3 V. infra.

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Paragraphe 1 : Incitation à l'insertion :

le rôle de la MDPH

103. Dans la démarche de faciliter l'accès à l'emploi aux majeurs protégés et à toutes les autres

personnes se trouvant en difficulté face à l'embauche, la MDPH va jouer un rôle important.

Notamment parce qu'elle peut inciter à l'insertion en luttant contre les idées perçues par les salariés

sur la RQTH (A) et œuvre pour limiter la confusion entre handicap et inaptitude (B).

A RQTH : lutte contre les idées perçues

104. Il appartient à la CDAPH1 de la MDPH d'attribuer la qualité de travailleur handicapé2 aux

salariés qui en font la demande. L'attribution se fait selon une évaluation des besoins de la personne

qui sera réalisée par une équipe pluridisciplinaire au sein de la MDPH. Lorsque la commission

reconnaît la qualité de travailleur handicapé, elle « s'accompagne d'une orientation vers un

établissement ou service d'aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de

rééducation professionnelle »3. Il convient de souligner que la reconnaissance de la qualité de

travailleur handicapé (RQTH), « ne dépend pas de la pathologie d'une personne mais du

retentissement de cette pathologie sur l'emploi »4. Peu importe la pathologie, « tout salarié,

demandeur d'emploi, travailleur indépendant, souffrant d'un problème de santé (physique, sensoriel,

mental, psychique, ou intellectuel...), d'une maladie chronique (diabète, asthme, sclérose en

plaques...), ayant des répercussions sur les possibilités d'occuper son poste »5 pourra se voir

reconnaître la qualité de travailleur handicapé.

1 Anciennement COTOREP. 2 Sur le concept de travailleur handicapé, v. L. n°57-1223, 23 novembre 1957, sur le reclassement des travailleurs

handicapés ; L. n° 75-534, 30 juin 1975, loi d'orientation en faveur des personnes handicapées ; C. trav., art. L.5213-1.

3 C. trav., art. L. 5213-2.4 AGEFIPH, « Comment aborder la RQTH ? » [en ligne], Fiche pratique, p. 1. 5 Ibid.

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105. La MDPH joue alors un rôle essentiel dans l'insertion professionnelle des majeurs protégés

ayant demandé la RQTH. Notamment parce qu'elle permet la formation, c'est-à-dire, un « accès à

diverses mesures d’aide à la formation, ainsi qu’à des aménagements des dispositifs existants

(contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation) »1. La RQTH permet l'embauche par

divers mécanismes : « soutien du réseau de placement spécialisé Cap emploi, accès à des aides

financières (déplacement, aménagement de poste...), aux mesures mises en place par les entreprises

dans le cadre de leurs accords pour favoriser l’accueil et le maintien des personnes en situation de

handicap »2.

106. Pour autant, la RQTH est une démarche volontaire, non imposée, qu'il faut faire « le plus tôt

possible, dès que l’état de santé laisse présager un impact sur l’activité professionnelle »3. Il

appartient au mandataire judiciaire d'effectuer cette demande mais avant tout, de sensibiliser le

majeur protégé à ce dispositif. En général, les démarches en demande de RQTH sont freinées par les

idées perçues par le majeur protégé ou son entourage. Nous avons repris quelques exemples issus

d'un rapport de l'AGEFIPH4 pour appréhender la RQTH. Souvent la réponse à une incitation de

demande en RQTH est la suivante : Je ne me considère pas comme handicapé(e)5. Il faut alors

utiliser un langage positif parce qu' « il ne s’agit pas d’accepter d’être un « individu handicapé »,

mais simplement de reconnaître que les problèmes de santé peuvent gêner dans le cadre précis du

travail »6, et notamment dans l'insertion professionnelle en entreprise. Parfois, cela représente une

crainte : en me déclarant [travailleur handicapé], je risque de perdre mon emploi7. C'est une crainte

non avérée puisqu’il n’y a pas de vide juridique à ce sujet et le droit du travail s'en ai saisi.

Notamment, « l’entreprise a une obligation d’emploi8 de travailleurs handicapés et est engagée

pour favoriser leur maintien dans l’emploi. L’employeur ne peut pas licencier un salarié du fait de

son handicap mais seulement si, suite à un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, aucune

solution d’aménagement ou de reclassement sur un autre poste dans l’entreprise n’est possible9. La

1 Ibid. 2 Ibid. 3 AGEFIPH, op. cit., p. 2. 4 Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.5 Expression in AGEFIPH, « Comment aborder la RQTH ? » [en ligne], Fiche pratique, 5 p.6 AGEFIPH, op. cit., p. 3. 7 Ibid. 8 C. trav., art. L. 5212-2, et suiv.9 C. trav., art. L. 5211-1.

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RQTH permettra au contraire d’œuvrer pour trouver des moyens de compensation du handicap

(aides financières pour l’aménagement du poste, mobilisation de spécialistes…) afin de préserver

son emploi et sa santé »1.

107. Le problème que nous rencontrons par le caractère volontaire de la demande de RQTH ainsi

que les nombreuses idées reçues sur la question, est que certains majeurs protégés se retrouvent

écartés de ces mesures puisqu’ils n'en feront jamais la demande. Ainsi, la lutte contre les idées

reçues est continuelle. Vient s’ajouter à l'exclusion de fait des majeurs protégés, la confusion entre

les concepts de handicap et d'aptitude.

B RQTH : lutte contre la confusion handicap-inaptitude

108. Il existe une confusion entre le handicap et l'inaptitude due au manque de définition. En

effet, il n'existe pas de définition universelle du handicap. Pour autant, « la détermination de la

qualité de travailleur handicapé se fait toujours par référence à sa capacité de travail »2. La capacité

de travail étant entendue ici comme l'aptitude permettant à toute personne d'exercer un travail.

L'inaptitude au travail correspondant en droit social à « l'impossibilité de gagner sa vie à laquelle se

heurte un salarié à la suite d'un accident ayant entraîné la diminution de ses capacités physiques »3.

En revanche, en droit civil, « l'inaptitude exprime toute incapacité de droit ou de fait. L'incapable de

droit est légalement frappé d'une incapacité de jouissance ou d'exercice, ce qui le soumet à un

régime juridique »4. Pour autant, « l'aptitude est une notion professionnelle qui ne recouvre pas celle

de handicap. De plus, sont inclus parmi les handicapés ayant un emploi des accidentés du travail et

des mutilés de guerre relevant d'autres législations, liées au fait générateur de l'atteinte ; les droits

des handicapés sont différents à atteinte égale. On considère comme handicapés bénéficiant de

priorités d'emploi les mutilés de guerre, les accidentés du travail et les travailleurs handicapés

reconnus comme tels par les COTOREP »5. Nous ne pouvons pas confondre le terme d'inaptitude en

1 AGEFIPH, op. cit., p. 4. 2 Kessler (F), loc. cit. 3 Définition du vocabulaire juridique, Cornu (G), op. cit., p. 531, v. inaptitude. 4 Noguéro (D), « Vulnérabilité et aptitude », op. cit., p. 7. 5 Villeval (M-C), « L'insertion professionnelle des personnes handicapées », Sociologie du travail [en ligne], 1984,

n°1, p. 93.

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droit social et en droit civil, car il n'a pas le même sens et n'emporte pas les mêmes conséquences.

En effet, en droit civil, l'inaptitude entraînant l'incapacité, la personne sera placée sous un régime de

protection. Mais, une personne peut être inapte à un emploi en raison d'une faculté personnelle sans

pour autant être incapable au sens du droit civil.

109. La RQTH1 dépend de l'aptitude au travail, « c'est-à-dire d'une estimation de la capacité de la

personne d'exercer une activité professionnelle ; et cette aptitude n'est plus nécessairement liée au

taux d'incapacité. La CDAPH est tenue d'examiner la possibilité de la personne d'occuper un emploi

sur le marché du travail»2. Ainsi, « l'idée selon laquelle le handicap ne rime pas forcément avec

l'inaptitude à l'emploi ou, mieux encore, l'idée selon laquelle l'insertion professionnelle des

personnes handicapées doit être autant que possible, dans la mesure où elle constitue une condition

essentielle de leur intégration sociale, favorisée et encouragée par les pouvoirs publics, n'est pas

nouvelle »3. La situation des personnes en situation de handicap par rapport au monde du travail

pose la « problématique de l’employabilité »4. Elle va conduire « à dissocier l'évaluation du

handicap de l'évaluation de l'aptitude à l'emploi. Comme les travaux de la Conférence nationale du

handicap de 2008 l'avaient souligné et comme le rapport Busnel l'a rappelé, il n'existe pas de lien

automatique entre incapacité permanente et incapacité au travail, gravité d'une déficience et

capacité à exercer un emploi »5. Suivant l'orientation de la loi de 20056, le handicap est « conçue

désormais comme une évaluation « globale et participative de la situation de la personne », en vue

de déterminer ses besoins (de tous ordres) et proposer des réponses adéquates. Mais le taux

d'incapacité permanente reconnu n'implique pas pour autant l'exclusion du marché du travail :

encore faut-il s'interroger sur la restriction de la capacité de travail de l'intéressé (comme le souligne

Frédéric Tellier, du fait de la grande diversité des handicaps et des situations de travail

envisageables, il est impossible de déterminer qu'une personne sera dans l'impossibilité absolue

d'exercer tout emploi) ainsi que sur l'environnement de travail, en s'efforçant de trouver des

solutions adaptées »7.

1 V. Annexe n°3, partie situation professionnelle à remplir lors d’une demande à la MDPH. 2 Chevallier (J), loc. cit. 3 Borgetto (M), « Handicap et aptitude à l'emploi », RDSS, 2011, p. 789. 4 Chevallier (J), loc. cit. 5 Chevallier (J), loc. cit. 6 L. n°2005-102,11 février 2005, op. cit. 7 Ibid.

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110. Une confusion existe entre handicap et inaptitude à tous les emplois. Or, avoir des capacités

réduites n’engendrent pas forcément l’inaptitude à l’emploi. Il suffit d'évaluer les conséquences du

handicap sur les emplois et d'adapter les postes de travail par exemple. Notamment, parce qu'en plus

d'être une source de revenus, le travail est aussi un « moyen d’inclusion sociale et un mode

d’épanouissement et de développement personnel, pour ceux qui peuvent et désirent travailler »1,

qu'il faut inciter à rechercher. L'incitation peut aussi être regardée de côté de l'entreprise : inciter les

employeurs à embaucher.

Paragraphe 2 : Incitation à l'embauche :

le rôle de l’État

111. À côté de l'incitation à l'insertion orchestrée par la MDPH, l’État possède un rôle de pilotage

des politiques en faveur de l'emploi des personnes handicapées2, afin d'inciter les entreprises à

l'embauche. Parmi plusieurs mécanismes d'incitation, nous avons choisi de nous intéresser d'abord à

l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (A) puisque cette mesure présente des limites ; puis

à l'accompagnement des entreprises par l'AGEFIPH (B).

A L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés : mesure contraignante ?

112. L’État est intervenu en matière d'emploi des personnes handicapées, à la suite des dégâts de

la Première Guerre Mondiale, pour favoriser l'emploi des mutilés de guerre3 puis, l'obligation

d'emploi (OETH) s'est étendue au fil des évolutions aux travailleurs handicapés4. La loi du 10 juillet

19875 « a ainsi institué une priorité à l'emploi par un système de quotas en faveur des handicapés : il

est fait obligation à tout employeur, public ou privé occupant au moins vingt salariés, d'employer,

1 Zribi (G), « Le travail des personnes handicapées dans notre société (Problématiques actuelles) », VST – Vie socialeet traitements, revue des CEMEA [en ligne], 2015, n°128, p. 23-24.

2 C. trav., art. L. 5214-1 A.3 L. n°0117, 26 avril 1924, assurant l'emploi obligatoire des mutilés de la guerre. 4 L. n°57-1223, 23 novembre 1957, sur le reclassement des travailleurs handicapés.5 L. n° 87-517, 10 juillet 1987, en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

dans la proportion de 6 % de l'effectif total, des personnes handicapées »1. Son objectif est

« d’infléchir le processus d’insertion professionnel des personnes handicapées en milieu ordinaire

de production, en rendant les conditions d'accès à l'emploi pour ce public plus favorables »2.

L'amélioration de leur insertion passe par des mécanismes correcteurs dont le but principal est de

rétablir l'égalité des chances3.

113. Le milieu ordinaire, plus que le milieu protégé, est favorable aux discriminations en raison

du handicap. En effet, « le handicap place inévitablement les intéressés en situation structurellement

défavorable et est donc, en tant que tel, source de discrimination pour l'accès à l'emploi, un

dispositif contraignant, destiné à corriger ces inégalités est nécessaire »4. La loi du 10 juillet 19875

permet de favoriser l'emploi en clarifiant l'obligation d'emploi instituée aux articles L. 5212-2 du

code du travail : « Tout employeur emploie, dans la proportion de 6% de l'effectif total de ses

salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés,

mentionnés à l'article L. 5212-13 ». C'est un dispositif qui repose sur « un quota d’emploi

obligatoire (6 % des effectifs) concernant l’ensemble des entreprises de 20 salariés et plus, mais

aussi la fonction publique et les EPA (même si certaines modalités sont différentes). Le caractère

contraignant de l’obligation a pour contrepartie une grande souplesse dans les modalités

d’exécution »6. Si « la volonté des pouvoirs publics est de créer une dynamique en faveur de l’accès

à l’emploi des travailleurs handicapés en prenant en compte les contraintes économiques des

employeurs et en les associant pleinement à la politique d’insertion de ce public »7, le problème

étant que les entreprises ont la possibilité de s'acquitter de cette obligation, la rendant trop souple et

limitant son effectivité. Notamment, il y a plusieurs façons pour les entreprises de s’acquitter de

l’obligation d’emploi : « l’emploi direct ; la conclusion de contrats avec les organismes du milieu

1 Chevallier (J), loc. cit. 2 Gayraud (L), La politique d'emploi des personnes handicapées. Genèse et mise en œuvre d'une politique ordinaire

(le cas de la Gironde), op. cit., p. 307. 3 Sur l'égalité des chances, v. Gayraud (L), La politique d'emploi des personnes handicapées. Genèse et mise en œuvre

d'une politique ordinaire (le cas de la Gironde), Alain Jeannel (dir.), thèse, droit, Université de Bordeaux 2, 2006,606 p. ; Joly (L), L'emploi des personnes handicapées entre discrimination et égalité, Gérard Lyon-Caen (dir.),Thèse, Droit privé, École Doctorale Droit et Science Politique Nanterre, 2013.

4 Chevallier (J), loc. cit. 5 Sur la l'obligation d'emploi, v. Blanc (A), Les handicapés au travail. Analyse sociologique d'un dispositif d'insertion

professionnelle, Dunod, Pratiques sociales, 1995 ; Leray (G), L'emploi des travailleurs handicapés. Recruter,accueillir et intégrer un travailleur handicapé dans l'entreprise, Gereso, 3e édition, L'essentiel pour agir, 2014 ;Gayraud (L), La politique d'emploi des personnes handicapées. Genèse et mise en œuvre d'une politique ordinaire(le cas de la Gironde), Alain Jeannel (dir.), thèse, droit, Université de Bordeaux 2, 2006, 606 p.

6 Gayraud (L), op. cit., p. 34. 7 Gayraud (L), op. cit., p. 481.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

protégé ; les accords d’entreprise ; la contribution à un fonds de développement pour l’insertion

professionnelle des travailleurs handicapés1 (AGEFIPH) »2.

114. Pour pallier ce manque d'efficacité, la loi du 5 septembre 20183 est intervenue. Elle a pour

objectif « l'entreprise inclusive », c'est-à-dire, inciter les entreprises à recruter des personnes en

situation de handicap en donnant la priorité à l'emploi direct. L'OETH reste fixée à 6% pour les

entreprises de 20 salariés et plus. Ce qui change, ce sont les modalités de calcul. Le but étant de

favoriser l'emploi direct4 sur le long terme des personnes handicapées. L'obligation d'emploi telle

qu'elle a été conçue, ne prend en compte que les salariés ayant la qualité de travailleurs handicapés.

115. Donc, tous les majeurs protégés ne s'étant pas vu attribué cette qualité, seront exclus du

dispositif légal d'obligation à l'emploi. C'est en ce sens qu'un accompagnement des entreprises par

l'AGEFIPH, est nécessaire en complément de l'OETH afin d'inciter au maximum l'embauche de

majeurs protégés.

B L'accompagnement des entreprises par l'AGEFIPH

116. De nombreuses aides financières ont été mises en place par l’État5 afin d'inciter les

entreprises à embaucher des personnes handicapées. L'incitation passe par un accompagnement de

l'AGEFIPH. L'embauche de travailleurs handicapés peut être freinée par les besoins d'adaptation de

l'entreprise. Par exemple, le poste de travail d'un travailleur en fauteuil roulant devra être adapté.

Les aides et plus particulièrement, celles relatives à l'accueil, à l'intégration et à l'évolution

professionnelle des personnes handicapées a pour principal objectif d'accompagner l'employeur. Le

but est de contrer la crainte des employeurs liée aux coûts d'adaptation de l'entreprise pour

l'embauche de travailleurs handicapés. L'aide va donc permettre de couvrir les dépenses liées à la

prise de fonction ou l’évolution professionnelle de la personne handicapée dans l'entreprise.

1 C. trav., art. L. 5212-9. 2 Gayraud (L), op. cit., p. 34. 3 L. n° 2018-771, 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel. 4 Sur la mise en œuvre partielle de l'obligation d'emploi, v. C. trav., art. L. 5212-6 et L. 5212-7. 5 Sur le rôle de l’État, v. rapport AGEFIPH, FIPHFP, « Atlas national 2008. L'emploi et l'insertion professionnelle des

personnes handicapées », Rapport [en ligne], 2008, 126 p.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

117. C'est l'AGEFIPH qui est chargée « de soutenir le développement de l'emploi des personnes

handicapées. Elle a été mise en place par la loi du 10 juillet 1987 avec l'obligation d'emploi puisque

la possibilité est laissée aux entreprises de s'acquitter de l'obligation en versant une contribution

financière à l'AGEFIPH. Elle va donc gérer « le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes

handicapées, fonds alimenté par les contributions des établissements qui ne satisfont pas à

l’obligation d’emploi. Elle développe une ingénierie de pilotage de dispositifs nationaux, régionaux

ou départementaux. Pour mener à bien sa mission, l’AGEFIPH finance des aides destinées aux

personnes handicapées, aux entreprises privées et à leurs regroupements »1. Les aides de l'AGEFIPH

se cumulent avec d'autres dispositifs proposés par l’État, ce qui incite davantage les entreprises à

insérer dans le milieu ordinaire, les travailleurs handicapés. « 21 843 contrats ont été primés par

l'Agefiph (CDI et CDD de plus de 12 mois) »2. L'AGEFIPH favorise l'accès et le maintien dans

l'emploi en milieu ordinaire tant en apportant des aides humaines et financières aux personnes

vulnérables, qu'en accompagnant financièrement les entreprises a les accueillir dans leur structure,

elle « se situe au cœur de la politique d’insertion menée en faveur de ce public, aux côtés du service

public de l’emploi »3.

118. Pour autant, le constat reste le même : que fait-on des majeurs protégés qui n'ont pas et ne

veulent pas de la qualité de travailleur handicapé ? La notion plus large de personnes vulnérables

permettrait de les englober, mais nous ne pouvons pas être certains que les majeurs protégés

accepteraient cette reconnaissance même si elle changeait de nom. À cet égard, il convient de

souligner qu'on ne peut pas parler d’injustices pour les majeurs protégés qui ne veulent pas se voir

reconnaître la qualité de travailleur handicapé. En revanche, il existe une injustice pour ceux qui

désirent la RQTH, mais qui ne l'obtiennent pas. Source : AGEFIPH, FIPHFP – Atlas national 2008 4

1 AGEFIPH, FIPHFP, « Atlas national 2008. L'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées »,Rapport [en ligne], 2008, p. 90.

2 AGEFIPH, FIPHFP, op. cit., p. 81. 3 AGEFIPH, FIPHFP, op. cit., p. 90.4 Tableau représentatif de l'intervention de l'AGEFIPH dans la lutte pour l'insertion et le maintien dans l'emploi des

travailleurs handicapés in AGEFIPH, FIPHFP, op. cit.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

119. En conclusion, les réformes s’inscrivant dans la volonté de recherche d’autonomie, l’accès à

l’emploi des majeurs protégés doit être encouragé. Malgré les entraves persistantes dû notamment

aux lacunes législatives, des mécanismes correcteurs ayant pour objectif de faciliter l’accès, ont vu

le jour. Il faut inciter l’ouverture de l’accès à l’emploi en milieu ordinaire tant du côté des salariés

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que du côté des employeurs. En effet, la MDPH est un acteur du milieu professionnel accompagnant

et incitant l’insertion des salariés, des majeurs protégés. A contrario, l’État œuvre pour inciter les

entreprises à embaucher des salariés, des majeurs protégés. Nous avons aperçu la difficulté

d’articuler la protection et l’insertion puisqu’il est difficile de leur donner une mobilité l’un par

rapport à l’autre. On prohibe les discriminations pour protéger, mais l’interdiction étant ineffective

on crée des mécanismes pour faciliter l’insertion. Pour autant, cet effort d’articulation doit se

poursuivre pour garantir le maintien du majeur protégé dans l’emploi.

Chapitre 2 : Le maintien des majeurs protégés dans l'emploi

120. Les problématiques liées aux situations de handicap s'immiscent dans la relation de travail et

plus largement dans les relations en entreprise. Cela entraîne de nombreux questionnements relatifs

à l'articulation entre l'objectif d'insertion et celui de protection des majeurs protégés. À ce titre, il est

possible de constater que le droit du travail encadre les obstacles qui peuvent venir faire échec au

maintien des salariés dans l'emploi. Pour autant, l'encadrement n'est que progressif et tend encore à

être amélioré. En effet, le maintien des majeurs protégés en emploi peut passer par l'adaptation du

milieu professionnel (section 1), mais celle-ci ne peut être effective que si elle est accompagnée

d'une connaissance du handicap (section 2).

Section 1 :

L'adaptation du milieu professionnel

121. Il est constant que les discriminations persistantes dans le milieu professionnel sont souvent

perpétuées par les différences des personnes, les caractéristiques s'écartant de la norme sociale, les

altérations des facultés personnelles. Dans cet ordre, le problème viendrait de la personne inadaptée

au travail en entreprise. Pourtant, nous avons décidé de réfléchir à la question dans le sens inverse.

N'est-ce pas l'entreprise qui est inadaptée aux diversités ? (Paragraphe 1). Au regard de la diversité

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des travailleurs, le management pourra être la solution d'adaptation (Paragraphe 2), afin d'accueillir

et de maintenir dans l'emploi les travailleurs handicapés.

Paragraphe 1 :

Les entreprises face aux diversités

122. Le droit du travail s'est construit sur la volonté de régir une masse de travailleurs, sans les

distinguer. Pourtant, la réalité ne se retrouve pas dans cette masse mais dans la diversité des

personnes. Par conséquent, l'entreprise n'est pas adaptée à cette diversité et présente des obstacles

pour les travailleurs qui sont victimes d'altération de leurs facultés (A). Il apparaît inenvisageable de

réussir à transformer toutes les entreprises du milieu ordinaire (B).

A L'entreprise : obstacle pour les travailleurs ayant leurs facultés altérées

123. Le travail est « une source de revenus, mais aussi un moyen d’inclusion sociale et un mode

d’épanouissement et de développement personnel, pour ceux qui peuvent et désirent travailler.

Exercer un emploi permet de s’insérer dans un réseau relationnel organisé et prévu, avec des

collègues, des clients…, alors que le non-travail engendre un lien communautaire plus flou »1. En ce

sens, « Le travail en milieu ordinaire coïncide évidemment davantage avec l'objectif d'insertion ; il

se heurte cependant à une série d'obstacles. Si l'on admet que dans un marché concurrentiel, le

handicap place inévitablement les intéressés en situation structurellement défavorable et est donc,

en tant que tel, source de discrimination pour l'accès à l'emploi, un dispositif contraignant, destiné à

corriger ces inégalités est nécessaire »2

124. L'environnement de l'entreprise n'est que très rarement adapté aux travailleurs ayant leurs

facultés personnelles altérées. Pour cause, l'inclusion de travailleurs handicapés est coûteuse pour

1 Zribi (G), op. cit., p. 24. 2 Chevallier (J), loc. cit.

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l'entreprise. Si l'on envisage une adaptation de poste, tant sur le plan matériel qu'humain, elle

nécessitera un coût et du temps pour l'entreprise. Cependant, l'exclusion des personnes handicapées

est très coûteuse aussi, cette fois-ci pour l’État. Si la personne handicapée ne peut pas travailler, il

faudra l'entretenir par la solidarité nationale et tous les mécanismes prévus à cet égard puisqu'on ne

peut pas abandonner l’humanité au profit de l'économie d'un pays.

125. Le droit du travail est une réponse à la cruauté du marché du travail face à la loi de la

dignité1. Il appartient au droit du travail de combiner les intérêts des salariés avec ceux des

entreprises et d'envisager des mécanismes pour inciter les entreprises à embaucher et maintenir les

travailleurs handicapés dans l'emploi. En effet, le seul objectif d'insérer les personnes handicapées

dans l'emploi n'aurait pas de sens s'il n'était pas combiné avec les objectifs de stabilité du contrat,

maintien dans l'emploi et adaptation du poste de travail : « la réalité démontre que le recours à la loi,

aux politiques d'insertion, aux politiques d'emploi et aux mesures spécifiques – bien qu'elles soient

indispensables pour faciliter l'insertion socioprofessionnelle, […], - ne peut à lui seul apporter une

réponse aux processus de discrimination dans l'accès à l'emploi. En effet, les politiques de lutte

contre les discriminations à mettre en place ne peuvent être que partenariales et contractuelles, et

demandent une mobilisation collective et concertée de tous les acteurs »2.

126. En définitive, les entreprises évoluent dans la prise en compte des diversités au travail,

notamment à travers la possibilité d'adapter les postes de travail. En revanche, il convient de

souligner qu'une transformation totale du milieu professionnel est impossible.

B L'impossible transformation du milieu professionnel

127. Le milieu professionnel n'apparaît pas comme transformable. Il serait impossible de changer

le comportement de toutes les entreprises françaises, à plus grande échelle, de toutes les entreprises

européennes. Certaines entreprises, au regard de leur taille et de leur capital auront une marge de

manœuvre pour accueillir des travailleurs handicapés. Pour d'autres entreprises en revanche, ce sera

1 C. civ., art. 16. 2 Darwane (S), op. cit., p. 104.

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mission impossible. Les secteurs d'activité vont beaucoup influencer la capacité d'insérer et de

maintenir des travailleurs handicapés dans l'emploi. Toute altération des facultés personnelles n'est

pas compatible avec tout secteur d'activité. Pour inciter les entreprises à s'adapter et à inclure les

travailleurs handicapés dans leur productivité, il faut que l'entreprise reste tout autant compétitive.

En effet il serait contraire aux politiques économiques et au regard de la liberté d'entreprendre de

contraindre les entreprises d'embaucher des travailleurs handicapés si cela mène à une perte de gain

pour l'entreprise. Pour cette raison, on ne peut les obliger à transformer leur milieu.

128. L'objectif ne serait pas de transformer l'environnement de l'entreprise, mais de l'adapter.

Notamment, « avec la montée en puissance des nouvelles technologies de l'information et de la

communication, on peut constater que le contexte d'adaptation à l'emploi est mouvant et

ambivalent : ces technologies peuvent faciliter l'accès à l'emploi de certaines personnes handicapées

en favorisant par exemple certaines formes de travail à domicile, mais elles peuvent aussi avoir pour

effet de durcir les relations de travail. Le handicap est donc la rencontre entre un contexte lié à

l'environnement de la personne en situation de handicap et les caractéristiques individuelles de la

personne »1.

129. L'entreprise ferme souvent la porte aux différences. Or, « la normalité est une fiction »2. En

effet, tous les salariés sont différents. Une transformation du travail et de l'entreprise étant

inenvisageable, la solution serait d'adapter le travail aux salariés. Les politiques managériales

pourraient permettre de prendre en compte les différences interindividuelles et d'adapter

l'environnement de travail.

1 Pédrot (P), « Handicap, aptitude à l'emploi et vulnérabilité » ; RDSS, 2011, p. 791.

2 Lhuilier (D), Sarfati (F), Waser (A-M), « La fabrication des « vulnérables » au travail », Sociologies pratiques [enligne], 2013, n°26, p. 16.

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Paragraphe 2 :

Majeurs protégés et politiques managériales

130. Afin de pallier les obstacles que présente le milieu de l'entreprise pour les personnes

souffrant d'altération de leurs facultés, nous proposons une adaptation de l'entreprise par les

politiques managériales. Un nouveau management, plus attentif et plus créatif permettrait de

maintenir les majeurs protégés en emploi et donc d'adapter le milieu professionnel à leur insertion.

Si la personne handicapée et la question de son emploi sont entièrement réglées par le droit du

travail qui les protègent contre les abus et les limites du milieu professionnel, il convient de

souligner la situation des majeurs protégés. Victimes d'une altération de leurs facultés, l'articulation

en faveur des majeurs protégés, entre leur protection et leur insertion, semble nécessaire.

L'assemblage de ces deux concepts peut se dessiner par la politique managériale. En effet, une

formation managériale permettrait à l'entreprise de s'adapter afin d'accueillir mais surtout encadrer

dans le maintien de l'emploi les travailleurs handicapés. Nous savons que nous sommes tous

inégaux dans le travail. Les individus n'ont pas des capacités productives égales et c'est pour cette

raison que la solidarité est intervenue, pour compenser le handicap et les inégalités face à l'emploi.

Et s'il était envisageable de tirer des ressources de la faiblesse ? Dans le management, il est

primordial de prendre en compte l'humanité et la santé.

131. L'objectif d'un management attentif aux situations particulières serait de comprendre

comment fonctionne la personne dans son individualité afin de mieux l'encadrer dans un

environnement professionnel. Il faudrait que cela passe par une formation de connaissance de

l'ensemble des handicaps et des moyens existants pour les compenser. Un des objectifs importants

est aussi l'intégration sociale. Une fois intégrer professionnellement, il faut s'assurer que l'équipe de

travail intégrera le nouveau travailleur. Cela peut passer par la communication et l'information pour

faire comprendre aux autres salariés, que le travailleur en situation de handicap est un collaborateur

comme les autres, sans distinction, doté de compétences professionnelles et d'une formation. Aussi,

il pourrait tout à fait mettre à profit la grande motivation qui l'anime pour sortir de son exclusion

sociale.

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132. Le comité national coordination action handicap (CCAH) propose notamment une formation

à cet égard : « manager une personne en situation de handicap ». En plus de toutes les informations

nécessaires tournant autour de la situation de handicap, elle propose de conjuguer la performance et

le handicap. Le handicap ne doit pas être pensé comme une contrainte mais comme une opportunité

dans une société inclusive. Depuis 20181, « dans toute entreprise employant au moins deux cent

cinquante salariés, est désigné un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les

personnes en situation de handicap »2. Ce référent, lui-même en situation de handicap est le plus à

même pour représenter les travailleurs handicapés lors des réunions d’entreprises et de faire

remonter les problèmes à la direction.

133. L'attention portée par le management doit se combiner avec une certaine créativité. C'est par

la créativité que le travail de demain doit penser le handicap, les différences. Nous avons remarqué

le mouvement de recherche de vertu dans la production. Notamment au regard de l'environnement

par exemple. Les entreprises sont de plus en plus soucieuses de protéger l'environnement et ont bien

compris que les individus prennent consciences des dégâts de l'humanité et sont prêts à payer un

produit plus cher s'il n'a pas d'impacts sur l'environnement. Seriez-vous prêt à payer un produit plus

cher s'il est produit par un travailleur handicapé, conscient du problème social et humain, dans une

volonté de société inclusive ? Pour maintenir la productivité d'une entreprise tout en employant des

personnes en situation de handicap, il faut être créatif dans les moyens de production. Le but est de

fonctionner autrement pour fonctionner mieux. La créativité peut passer par le numérique,

notamment parce que le numérique peut permettre l'autonomie des personnes.

134. Enfin, si l'adaptation du milieu professionnel, plus particulièrement de l'entreprise semble

s'imposer de plus en plus dans les politiques inclusives, d'autres mécanismes peuvent permettre de

garantir le maintien dans l'emploi. Il convient à ce titre, d'invoquer la médecine du travail. Elle

pourra notamment jouer un rôle dans la détection du handicap et en apporter une meilleure

connaissance.

1 L. n°2018-771, 5 septembre 2018, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. 2 C. trav., art. L. 5213-6-1.

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Section 2 :

Une meilleure connaissance du handicap

135. L'articulation entre protection et insertion pour favoriser l'emploi des majeurs protégés,

nécessite une meilleure connaissance du handicap. Le milieu professionnel ne peut s'adapter et

encadrer le maintien dans l'emploi si les risques sont inconnus. En ce sens, il apparaît indispensable

de sensibiliser l'entreprise au handicap (Paragraphe 1). La finalité pour garantir le maintien de

l'emploi pour les majeurs protégés serait de prouver que l'altération des facultés, les différences ou

le handicap peuvent être de véritables richesses pour l'entreprise (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 :

L'indispensable sensibilisation au handicap

136. Le milieu ordinaire n'a que très peu de connaissance en matière de handicap. Une

sensibilisation est indispensable. C'est à travers la médecine du travail que l'information pourrait

être transmise. À cet égard, une sensibilisation individualisée (A) doit être opérée pour accompagner

les majeurs protégés mais une sensibilisation collective (B) doit aussi être opérée et permettra de

faire levier contre les préjugés.

A Une sensibilisation individualisée : accompagnement par la médecine du travail

137. Pour sensibiliser les salariés de manière individualisée, la médecine du travail1 pourrait être

la plus compétente puisqu'elle est le référent médical dans l'entreprise2. Son rôle auprès des salariés

est « exclusivement préventif »3 afin d'éviter tous risques liés au travail. C'est l'institution

compétente pour répondre aux besoins liés au handicap. Elle assure le rôle « d'éviter tout altération

1 Institution spécialisée sur la prévention des atteintes à la santé des travailleurs. 2 C. trav., art. L. 4621-1 et R. 4621-1. 3 C. trav., art. L. 4622-3.

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de la santé des travailleurs du fait de leur travail »1 et de les maintenir en emploi. Notamment par la

proposition d’aménagements de poste2 de travail ou d'horaires par exemple. Sa prévention peut

passer par des contrôles lors des visites médicales obligatoires telles qu'à l'embauche3 et de manière

périodique tous les deux ans4, mais aussi lors de visites facultatives qui peuvent être à l'initiative du

salarié comme de l'employeur. Lorsqu’une personne en situation de handicap physique voit son

poste de travail aménagé grâce au soutien de la médecine du travail, elle peut ressentir un sentiment

d'intégration. En revanche, qu’en est-il des handicaps psychiques et invisibles ? Ce sont des troubles

difficilement prévisibles qui peuvent entraîner une situation d'isolement du salarié dans l'entreprise.

À cet effet, la médecine du travail doit aussi jouer un rôle dans la détection du handicap.

138. Si en vertu de l'élargissement de la définition du handicap5, on prend désormais en compte

tant les handicaps physiques que psychiques, la RQTH reste trop souvent un mécanisme inconnu ou

effrayant pour les majeurs protégés. Dans une démarche de promotion des droits, la médecine du

travail pourrait être l'acteur qui informe les travailleurs sur les droits donnés en cas de

reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Si en droit civil l'objectif de protection passait

par la réduction de la liberté et des droits du majeur protégé6, le droit social, dans un objectif

contemporain, promeut l'autonomie et les droits des majeurs protégés toujours dans le même but de

protection7.

139. En définitive, la médecine du travail est apparaît comme l'institution la plus spécialisée en

matière de santé, dans l'entreprise. Par conséquent, c'est elle qui a connaissance du handicap. Tenue

par le secret médical face à l'employeur, elle pourra instaurer des règles précises de suivi et des

mesures individualisées8 comme en témoigne la surveillance médicale renforcée déjà prévue pour

les travailleurs handicapés. Par ailleurs, après avoir vu l'aspect individuel de la prévention, il

convient d'observer la possibilité de sensibiliser les individus de manière collective, permettant ainsi

de lutter contre les préjugés.

1 C. trav., art. L. 4622-2. 2 C. trav., art. L. 4624-3. 3 Sur la visite médicale obligatoire à l'embauche, v. C. trav., art. R. 4624-10. 4 C. trav., art. R. 4624-16. 5 La définition du handicap a été élargi par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, op. cit., l'ouvrant aux altérations

« substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives oupsychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

6 V. infra. 7 V. supra. 8 C. trav., art. L. 4624-1.

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B Une sensibilisation collective : levier contre les préjugés

140. Alors que la médecine du travail apparaît comme un soutien individuel nécessaire pour les

salariés, elle peut l'être aussi pour l'employeur et l'ensemble de l'équipe de travail. La sensibilisation

est alors vidée de toute individualisation pour appréhender les différences de manière générale. En

effet, elle assure un rôle de conseil1 auprès du chef d'entreprise grâce à sa coordination avec le

comité social et économique (CSE)2 et les services sociaux3 de l'entreprise mis en place à partir de

250 salariés. Elle pourra ainsi proposer des solutions à l'employeur pour l'adaptation de

l'environnement de travail d'un salarié par exemple.

141. Dans la crise sanitaire que nous traversons, la médecine du travail a dû faire face aux

situations problématiques que génère le port du masque pour certains travailleurs. Nous imaginons

la détresse pour les travailleurs sourds dont la lecture sur les lèvres de leurs interlocuteurs est

primordiale. Le problème a été écarté par les masques inclusifs et les visières de protection. La

médecine du travail a dû s'adapter afin de trouver des solutions également à la mise en place du

télétravail et la dématérialisation du travail. Nous pouvons imaginer à quel point il est difficile pour

une personne se sentant déjà socialement exclue de se retrouver seule chez soi pour travailler. Un

suivi, même à distance est nécessaire pour s'assurer que la personne va bien. Aujourd’hui, de

manière amplifiée avec la survenue du Covid-19, la médecine du travail doit mesurer les situations

de vulnérabilité en entreprise. C'est-à-dire les situations et les besoins qui ne sont pas perçus par

l'employeur. Notamment parce que l'objectif de l'employeur est d'éviter les risques par leur

identification. Il s’agit alors « d’une manière générale, de définir, mesurer, prévenir les risques dans

leur infinie déclinaison. La promotion de l’anticipation des risques et du dépistage conduit à

l’identification et à l’intervention auprès de groupes sociaux dits « vulnérables » […], il faut d'abord

identifier les personnes vulnérables »4, c'est-à-dire, les personnes «en difficulté dans l’exercice et

leur relation au travail »5 . Il nous appartient de souligner par ailleurs qu'une personne vulnérable

n'est pas nécessairement une personne disposant de la RQTH et inversement, un travailleur

handicapé ne se trouve pas forcément dans une situation de vulnérabilité. Prenons pour exemple un

1 Sur le conseil des employeurs, v. C. trav., art. L. 4622-2, al 2. 2 C. trav., art. L. 4622-4. 3 C. trav., art. L. 4631-1 et L. 4631-2. 4 Lhuilier (D), Sarfati (F), Waser (A-M), op. cit., p. 13. 5 Lhuilier (D), Sarfati (F), Waser (A-M), op. cit., p. 14.

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salarié plus fragile psychologiquement que ses collègues pour des raisons qui ont trait à son

entourage familial, la situation de confinement le place dans une situation de vulnérabilité qui

pourrait avoir des répercussions sur son travail et créer un risque pour sa santé.

142. En entreprise, pour concilier protection et insertion des majeurs protégés et des travailleurs

handicapés, il est nécessaire de communiquer et sensibiliser collectivement les salariés pour lutter

contre les préjugés. Selon la société française de télécommunication Orange, « 80% des handicaps

comme l'autisme, la schizophrénie, les maladies invalidantes ou encore les troubles musculo-

squelettiques sont invisibles »1. Elle mène à cet effet « des actions de sensibilisation pour mieux

faire connaître les différentes formes de handicap et faire évoluer le regard porté sur celui-ci en

luttant contre les stéréotypes »2. Il paraît tout à fait nécessaire, lorsqu'un travailleur handicapé

rejoint une équipe de travail, que ses collègues soient informés sur son handicap. D'autant plus si

celui-ci est psychique et non visible. En étant informés et sensibilisés, le groupe de travail confronté

à une situation particulière, par exemple lorsque le travailleur handicapé présente une forme

d'autisme ne supportant pas un minime changement, pourra adopter la bonne approche et réagir

correctement à la situation. Cette sensibilisation collective est importante puisque certains chefs

d'équipe ne savent pas comment appréhender et ne connaissent pas le handicap : « Je n'étais pas du

tout familiarisé avec le handicap jusqu'à ce qu'une personne en situation de handicap intègre mon

équipe. Je me suis alors demandé comment intégrer cette personne au mieux au sein de l'équipe »3.

143. Nous pouvons remarquer que le droit du travail a déjà appréhendé et encadré la question de

la santé des travailleurs et l'intervention de la médecine du travail en entreprise. Peut-être, pouvons-

nous suggérer une intervention plus poussée et notamment dans la détection du handicap. Certains

handicaps n'étant pas visibles ou peuvent être apparents uniquement dans certaines situations de

stress ou de changement des habitudes par exemple. De plus et historiquement, les progrès de la

médecine ont permis « l’identification des affections de façon de plus en plus précise (en particulier

les maladies génétiques et d’origine neurologique), [renforçant] la représentation positive du

handicap »4.

1 Orange.com, « Politique handicap : la différence, une richesse pour le collectif », Newsroom [en ligne], publié le 1erdécembre 2020 [consulté le 02/05/2021], https://www.orange.com/fr/newsroom/actualites/2020/politique-handicap-la-difference-une-richesse-pour-le-collectif

2 Ibid. 3 Orange.com, « Politique handicap : la différence, une richesse pour le collectif », loc. cit.4 Gayraud (L), La politique d'emploi des personnes handicapées. Genèse et mise en œuvre d'une politique ordinaire

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

144. La connaissance du, ou plutôt des handicaps, passe par la sensibilisation individuelle et

collective. Elle est indispensable pour faire évoluer les mœurs et les regards : de l'altération des

facultés à la richesse des différences.

Paragraphe 2 :

De l'altération des facultés à la richesse des différences

145. La conséquence de la sensibilisation du handicap dans l'entreprise pourrait être d'encrer dans

le milieu professionnel l'idée selon laquelle, l'altération des facultés se traduit par une richesse des

différences pour l'entreprise. Comme pour le management, la sensibilisation doit être attentive et

créative. C'est de manière ludique que nous imaginons le passage dans les esprits du handicap à un

atout dans l'entreprise. En ce sens, le théâtre est un exemple, car il va permettre « d'exposer

simplement les situations et d'encourager les remises en question et le changement de regard du

public »1. « Il va permettre d'illustrer les a priori que l'on peut avoir et favoriser ainsi le dialogue »2.

Le théâtre peut permettre par exemple de « rappeler par l'absurde et l'exagération, que recruter une

personne handicapée consiste d'abord à recruter des compétences »3.

146. Les objectifs sont de connaître et reconnaître les handicaps en définissant « en commun

quelles sont les « représentations du handicap »4, en identifiant « les a priori les plus courants et

favoriser les prises de conscience »5, ainsi qu'en sensibilisant « les équipes à l’insertion des

personnes en situation de handicap »6. Des politiques handicaps se sont ainsi développées dans les

entreprises, de telle sorte que la lutte contre les stéréotypes est déjà bien avancée, mais elle n'est pas

terminée. Si certaines entreprises ont compris que les différences pouvaient être des atouts, ce n'est

pas le cas de l'intégralité d'entre elles.

(le cas de la Gironde), op. cit., p. 138. 1 Scènergie, « sensibilisation au handicap en entreprise », Scènergie, déclencheur d’émotions positives en entreprise,

[consulté le 02/05/2021], https://www.scenergie.fr/theatre-entreprise/sensibilisation-handicap2 Ibid. 3 Ibid. 4 Ibid. 5 Ibid. 6 Ibid.

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

147. Le handicap a toujours été perçu de manière négatif. Il se traduit par une forme négative dû

notamment à la connotation historique de la prise en charge des aliénés1. Or aujourd’hui, la prise en

charge du handicap ainsi que sa protection ne rime plus avec restriction. La reconnaissance du

handicap apporte des droits et facilite l'accès à l'emploi. Le travail pour le majeur protégé est un

moyen d'inclusion. Par ce travail il est économiquement et socialement intégré dans la société. Pour

l'entreprise, l'embauche d'une personne aux facultés personnelles altérées peut être en vérité un

véritable atout. Chaque personne étant différente, chaque « différences sont des richesses au service

du collectif »2. Certaines entreprises ont exploité cette vérité. Nous avons pris l'exemple de

l'entreprise Orange pour laquelle, « la diversité des profils est une force »3 puisqu'elle « stimule

l’innovation et accroît la performance »4. En effet, connaître le handicap peut permettre à une

entreprise de développer un marché autour des besoins des personnes en situation de handicap.

148. En parallèle de la démarche environnementale de produire durablement mais sainement, les

entreprises cherchent à répondre aux attentes d'une société inclusive. La ligne conductrice est de

valoriser les compétences et non pas les difficultés d'une personne et plus encore de valoriser les

différences pour en faire des atouts. D’une coexistence de la protection et l’insertion des majeurs

protégés à l’articulation des concepts, il est évident qu’un changement de paradigme est à l’œuvre.

Face au développement excessif des discriminations et des inégalités, le monde du travail a dû

réagir pour protéger plus efficacement l’insertion des salariés. Toutefois, cette réaction face au

besoin de faciliter l’accès et de garantir un maintien dans l’emploi, s’avère parfois encore

insuffisant. Si le monde de l’entreprise ne peut être transformé au regard de son immense diversité,

il faut envisager son adaptation. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé d’utiliser des

outils du management ainsi que de la sensibilisation afin de faire de l’altération des facultés, du

handicap ou des différences, des richesses pour les entreprises. L’articulation entre protection et

insertion nécessite tout de même un changement de mentalité au sein des entreprises du milieu

ordinaire. Nous espérons que la recherche de performance des entreprises pourra se concilier à

l’avenir avec les différences des salariés, les handicaps ainsi que les altérations des facultés

personnelles de certains salariés.

1 V. notamment : Binet (A), Simon (Th), « La législation des aliénés », L'année psychologique [en ligne] , 1910, n°17,p. 351-362., De la Gorce (P), De la condition juridique des aliénés et des prodigues en droit romain et en droit français ,Mr. Labbé (dir.), Thèse, Droit, Université de droit de Paris, 1870. 2 Orange.com, « Politique handicap : la différence, une richesse pour le collectif », loc. cit. 3 Ibid. 4 Ibid.

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149. Cette seconde partie a été l’occasion de constater que malgré une coexistence des concepts

de protection et d’insertion, leur articulation est nécessaire pour optimiser l’accès à l’emploi et

garantir le maintien dans l’emploi. Malgré l’existence d’une législation protectrice et d’une volonté

générale se positionnant sur la recherche d’autonomie des majeurs protégés, l’articulation n’est pas

optimale. La raison qui explique ce manque d’harmonie entre les objectifs est la recherche excessive

de performance par le milieu ordinaire de travail. Cela se vérifie tant au regard des difficultés à

maîtriser les discriminations que par la mauvaise connaissance des formes de handicap en

entreprise. Au-delà d’un encadrement juridique plus contraignant, c’est un changement de

paradigme qui doit être impulsé. Il convient de souligner que celui-ci commence à émerger,

notamment dans certaines entreprises où se manifeste des politiques d’insertion et de maintien du

handicap dans l’emploi. En s’éloignant un peu de du droit, l’évolution doit aussi concerner l’attitude

des employeurs et des salariés ordinaires face à l’altération des facultés, du handicap. Ainsi,

articuler protection et insertion des salariés majeurs protégés implique une amélioration du droit,

mais avant-tout une mobilisation accrue des acteurs du milieu professionnel.

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Conclusion

150. Afin de conclure, nous rappelons que ce mémoire de recherche avait pour ambition de

démontrer comment s'organise le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire. Nous avons

remarqué par notre étude la nécessité d'articuler les règles de protections avec la dynamique

d'insertion professionnelle engagée depuis plusieurs années.

151. Dans un premier temps, nous avons montré que la considération des majeurs protégés dans

le milieu de l’entreprise n’est pas toujours évidente. D’abord reconnue comme des fous et aliénés,

l’évolution de leur place dans la société a été tardive. Les majeurs protégés ont longtemps été au

cœur des débats de droit civil par rapport à la gestion de leur patrimoine puis pour leur personne. En

revanche, ils n’ont jamais fait l’objet de questionnement en droit du travail. Notamment parce qu’il

n’était pas concevable que les majeurs protégés puissent travailleur et que le droit du travail ne

connaît tout simplement pas ce concept civiliste, sinon celui de travailleurs handicapés. Longtemps

ignorés de la sphère du travail, les majeurs protégés sont finalement des individus comme les autres,

protégés tant par le droit civil que par le droit du travail. Ces protections coexistent et ne freinent

pas leur insertion.

152. À partir de la réforme de 2007 et dans une volonté de placer le majeur protégé au centre de

sa protection en promouvant son autonomie, les mentalités évoluent et certaines entreprises du

milieu ordinaire intègrent les majeurs protégés. Ces entreprises sont le parfait reflet de la société

inclusive qui essaie de se dessiner. Mais comment parvenir à protéger suffisamment tout en

développant l'insertion professionnelle des majeurs protégés ? Convaincue que l’un ne peut aller

sans l’autre, nous nous sommes très vite aperçu que seule la coexistence des protections et de

l'insertion ne permettrait pas une évolution en la matière. Ainsi, nous avons envisagé une

articulation des deux concepts. Permettant à la fois de protéger et d’insérer. Se servant même de l’un

pour promouvoir et garantir le second.

153. Les changements sociaux récents, la crise sanitaire, l’évolution de notre société et de nos

mœurs auront un impact sur l’inclusion sociale des majeurs protégés. Alors que certaines entreprises

continuent de mettre des œillères face au handicap, échappant ainsi à l’étape d’adaptation aux

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

différences, d’autres se sont engagées dans de nouvelles politiques et dans une démarche de

transformation des différences en richesse pour l’entreprise.

154. Ce travail de mémoire se voulait axé sur les majeurs protégés qui sont salariés du milieu

ordinaire, mais dans une nouvelle perspective, il serait pertinent dans l'avenir de procéder à une

nouvelle étude, intégrant les questions relatives aux travailleurs indépendants. Certains majeurs

protégés se tournent vers le travail à la carte, leur permettant plus d'autonomie et de libertés.

Facilement adaptable à leur besoin de flexibilité dû à leurs altérations des facultés personnelles.

Fruit de l'évolution, et depuis 20181, le travail indépendant tend à être requalifié en salariat. Ce

travail serait dans la continuité du travail des majeurs protégés en milieu ordinaire et répondant

toujours à la nécessaire articulation entre protection et insertion.

1 Cass. Soc, 28 novembre 2018, n°17-20.079. Bull.

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Index lexical

Accès à l'emploi..................................................................................................................89, 112, 128Acte d'administration..............................................................................................................10, 32, 45Aliéné......................................................................................................................................3, 11, 147Aménagement...............................................................................................................78, 94, 105, 137Autonomie........................................................................................................................11, 17, 71, 87Capacité............................................................................................................................2, 12, 40, 108Consentement...............................................................................................................................25, 32Curatelle..............................................................................................................................7, 32, 46, 64Discriminations.......................................................................................................................67, 92, 95Égalité...................................................................................................................................95, 98, 112Exclusion....................................................................................................................................99, 109Handicap.........................................................................................................13, 53, 93, 106, 128, 132Inaptitude....................................................................................................................................53, 106Insertion professionnelle.......................................................................................................18, 81, 105Intégration...............................................................................................................15, 77, 99, 109, 131Marché du travail......................................................................................................................104, 125Milieu protégé.....................................................................................................................................15Nullité...........................................................................................................................................25, 36Obligation d'emploi....................................................................................................................82, 112Personnes vulnérables.....................................................................................................3, 95, 118, 141Protection civiliste..............................................................................................................................18Travailleur handicapé...........................................................................................................13, 82, 104Tutelle.................................................................................................................................................25Vices du consentement.......................................................................................................................27Vie personnelle.............................................................................................................................33, 85Vulnérabilité.............................................................................................................................3, 85, 95

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

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• Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (1re partie) », Petites affiches [en

ligne], 1999, n°135, p. 21, www.labase-lextenso.fr

• Tauran (T), « Le contrat de travail de l'incapable (suite et fin) », Petites affiches [en

ligne], 1999, n°136, p. 11, www.labase-lextenso.fr

• Villeval (M-C), « L'insertion professionnelle des personnes handicapées », Sociologie du

travail [en ligne], 1984, n°1, p. 92-104, www.persee.fr

• Zribi (G), « Le travail des personnes handicapées dans notre société (Problématiques

actuelles) », VST – Vie sociale et traitements, revue des CEMEA [en ligne], 2015, n°128,

p. 23-28, www.cairn.info

Contribution à revue :

• Borgetto (M), « Handicap et aptitude à l'emploi », RDSS, 2011, p. 789.

• Chevallier (J), « Réflexions conclusives sur handicap et aptitude à l'emploi », RDSS, 2011, p.

873.

• Joly (L), « Handicap », Répertoire de droit du travail, Antoine Lyon-Caen, Paris, éditions

Dalloz, 2019 (mise à jour Octobre 2020).

• Kessler (F), « Droit européen, handicap et intégration à l'emploi », RDSS, 2011, p. 806.

• Lemouland (J-J), Noguéro (D), « Droit des majeurs protégés », Recueil Dalloz, Paris,

éditions Dalloz, 2020, p. 1485.

• Pédrot (P), « Handicap, aptitude à l'emploi et vulnérabilité » ; RDSS, 2011, p. 791.

Sit ographies :

• Corpart (I), « Quand vulnérabilité rime avec liberté et sécurité : volet majeurs protégés de la

loi du 23 mars 2019 », Le journal des accidents et des catastrophes (UR N°3992) [En ligne],

CERDACCJAC, publié le 29 avril 2019 [consulté le], http://www.jac.cerdacc.uha.fr/

• Josselin (C), « Le rôle du syndicat méconnu en matière de handicap », L'inFO militante [En

ligne], FO, publié le 20 décembre 2018 [consulté le 06/04/2021], https://www.force-

ouvriere.fr/19e-jnth

• Orange.com, « Politique handicap : la différence, une richesse pour le collectif », Newsroom

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[en ligne], publié le 1er décembre 2020 [consulté le 02/05/2021],

https://www.orange.com/fr/newsroom/actualites/2020/politique- handicap -la-difference-une-

richesse-pour-le-collectif

• Scènergie, « sensibilisation au handicap en entreprise », Scènergie, déclencheur d’émotions

positives en entreprise, [consulté le 02/05/2021], https://www.scenergie.fr/theatre-

entreprise/sensibilisation- handicap

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Annexes

• N°1 : annexe 1 du décret n°2008-1484, 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion dupatrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle - liste des actes regardés commeactes d’administration ou comme actes de disposition.

• N°2 : annexe 2 du décret n°2008-1484, 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion dupatrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle - liste des actes regardés commeactes d’administration ou comme actes de disposition sauf circonstances d’espèce.

• N°3 : articles 5 à 9 de la Convention internationale relative aux droits des personneshandicapés, 13 décembre 2006, OIT.

• N°4 : Partie situation professionnelle à remplir lors d’une demande à la MDPH.

• N°5 : Infographie sur le travail des majeurs protégés réalisée à l'aide d'une étude del'ANCREAI.

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N°1 : annexe 1 du décret n°2008-1484, 22 décembre 2008

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N°2 : annexe 2 du décret n°2008-1484, 22 décembre 2008

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N° 3 : Convention internationale relative aux droits des personnes handicapés, 13 décembre

2006, OIT

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N°4 : Partie situation professionnelle à remplir lors d’une demande à la MDPH

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N°5 : Point sur le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire. Infographie réalisée à

l'aide d'une étude de l'ANCREAI1

1 ANCREAI, « Étude relative à la population des majeurs protégés. Profils, parcours et évolutions » [en ligne], Rapport, 2017, 111 p., www.creaicentre.org

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Table des matières

Remerciements.....................................................................................................................................4

Sigles et abréviations............................................................................................................................5

Sommaire..............................................................................................................................................7

Introduction........................................................................................................................................8

Partie 1 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire : coexistence entre protection et insertion.........................................................................................22

Chapitre 1 : Approche contractuelle du travail des majeurs protégés : conciliation des protections...........................................................................................................23

Section 1 : La conclusion du contrat de travail ........................................................................23

Paragraphe 1 : Le consentement des majeurs protégés........................................................24

A - L'expression du consentement des majeurs protégés ................................................24B - La validité du consentement des majeurs protégés ..................................................27

Paragraphe 2 : La capacité des majeurs protégés à conclure un contrat de travail ..............30

Section 2 : La rupture du contrat de travail ..............................................................................33

Paragraphe 1 : La rupture du contrat à l'initiative du salarié : la démission des majeurs protégés.................................................................................................................................33

Paragraphe 2 : La rupture du contrat à l'initiative de l'employeur .......................................36

A - Le licenciement pour motif personnel ......................................................................36B - Le licenciement pour motif économique ...................................................................38

Chapitre 2 : Majeurs protégés et rapports collectifs de travail : salariés ordinaires dans l'entreprise................................................................................................41

Section 1 : La participation des majeurs protégés aux droits collectifs ...................................41

Paragraphe 1 : Majeurs protégés et liberté syndicale...........................................................42

A - La liberté individuelle d'adhérer à un syndicat.........................................................42B - La liberté collective d'agir en justice .......................................................................44

Paragraphe 2 : Le vote des majeurs protégés en entreprise .................................................45

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Section 2 : Le manque de représentation collective des majeurs protégés ...............................47

Paragraphe 1 : Prise en compte insuffisante des majeurs protégés .....................................48

A - Insuffisance dans la consultation des institutions représentatives du personnel .....48B - Insuffisance dans la négociation des conventions collectives ..................................51

Paragraphe 2 : L'élargissement de la prise en compte aux personnes vulnérables...............54

Partie 2 : Travail des majeurs protégés en milieu ordinaire : articulation entre protection et insertion .......................................................................................56

Chapitre 1 : L'accès encouragé des majeurs protégés dans l'emploi ........................................57

Section 1 : Les entraves à l'accès au travail en milieu ordinaire ..............................................57

Paragraphe 1 : La persistance de discriminations dans l’accès à l’emploi...........................57

A - Un encadrement législatif des discriminations lacunaire.........................................58B - La vulnérabilité : facteur d’augmentation des risques de discriminations...............60

Paragraphe 2 : Les limites de l'égalité des chances dans l'accès à l'emploi .........................62

Section 2 : Les mécanismes correcteurs facilitant l'accès au travail en milieu ordinaire .........64

Paragraphe 1 : Incitation à l'insertion : le rôle de la MDPH.................................................65

A - RQTH : lutte contre les idées perçues.......................................................................65B - RQTH : lutte contre la confusion handicap-inaptitude.............................................67

Paragraphe 2 : Incitation à l'embauche : le rôle de l’État ....................................................69

A - L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés : mesure contraignante ? ..........69B - L'accompagnement des entreprises par l'AGEFIPH.................................................71

Chapitre 2 : Le maintien des majeurs protégés dans l'emploi .......................................................74

Section 1 : L'adaptation du milieu professionnel .....................................................................74

Paragraphe 1 : Les entreprises face aux diversités...............................................................75

A - L'entreprise : obstacle pour les travailleurs ayant leurs facultés altérées................75B - L'impossible transformation du milieu professionnel...............................................76

Paragraphe 2 : Majeurs protégés et politiques managériales................................................78

Section 2 : Une meilleure connaissance du handicap ..............................................................80

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Paragraphe 1 : L'indispensable sensibilisation au handicap ................................................80

A - Une sensibilisation individualisée : accompagnement par la médecine du travail . 80B - Une sensibilisation collective : levier contre les préjugés .......................................82

Paragraphe 2 : De l'altération des facultés à la richesse des différences .............................84

Conclusion.........................................................................................................................................87

Index lexical.......................................................................................................................................89

Bibliographie......................................................................................................................................90

Annexes..............................................................................................................................................97

Annexe n°1.........................................................................................................................................98Annexe n°2.......................................................................................................................................100Annexe n°3.......................................................................................................................................101Annexe n°4.......................................................................................................................................105Annexe n°5.......................................................................................................................................109 Table des matières.............................................................................................................................111

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Marina COMBES – Mémoire de Master 2 – Université de Bordeaux – 2020/2021

Le travail des majeurs protégés

en milieu ordinaire

Résumé :

Ce mémoire de recherche effectué durant l’année universitaire 2020-2021 a eu pour objectifd’étudier le travail des majeurs protégés en milieu ordinaire.

L’insertion et la protection, sont des thématiques qui se trouvent au centre des préoccupations desprofessionnels chargés de la protection des majeurs protégés.

Au terme de plusieurs mois de recherches, appuyés par des échanges avec une mandataire judiciaireet la rencontre d’une juge des tutelles, ce mémoire de recherche envisage d’opérer une réellearticulation entre l’insertion des majeurs protégés et leur protection.

Mots clés : Droit civil – Droit du travail – Majeurs protégés - Travailleurs handicapés – Discriminations – Insertion professionnelle – protection – milieu ordinaire

Master 2 Droit du Travail et de la Protection Sociale

Université de Bordeaux

Marina Combes

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