le sous-préfet face aux réformes
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SCIENCES PO TOULOUSE
MÉMOIRE DE RECHERCHE PRÉSENTÉ PAR MONSIEUR
JEAN-BAPTISTE DESPLATS
SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR MARC ABADIE
LE SOUS-PREFET FACE AUX REFORMES :
UN ETAT PLUS PRES DES TERRITOIRES
2010
SCIENCES PO TOULOUSE
MÉMOIRE DE RECHERCHE PRÉSENTÉ PAR MONSIEUR
JEAN-BAPTISTE DESPLATS
SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR MARC ABADIE
LE SOUS-PREFET FACE AUX REFORMES :
UN ETAT PLUS PRES DES TERRITOIRES
2010
AVERTISSEMENT
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires de recherche.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
SOMMAIRESOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I : LE SOUS-PRÉFET D'ARRONDISSEMENT, REPRÉSENTANT DE L'ÉTAT AU LOCAL
Chapitre 1 : L'État au plus près des territoires : l'arrondissement (p.11)
Chapitre 2 : Le sous-préfet : un interlocuteur privilégié au carrefour de l'information (p.25)
PARTIE II : UNE FONCTION RENOUVELÉE :
LE CADRE DES RÉFORMES
Chapitre 1 : Le médiateur d'action publique (p. 41)
Chapitre 2 : Sous-préfet, la vocation du territoire (p. 54)
Chapitre 3 : Les enjeux d'une réforme administrative (p. 66)
CONCLUSION
INTRODUCTIONINTRODUCTION
« Il n'y a pas de fonctionnaire à la fois plus connu et méconnu que le sous-préfet »
disait Pierre Gay en 19541. Les missions de ce haut-fonctionnaire de terrain sont peu connues
des citoyens qui, paradoxalement, sont majoritairement au fait de son existence.
La dénomination « sous-préfet » dénote à elle seule quelque infériorité (sous) ; une
sorte de parasite administratif désuet se raccrochant aux branches de l'État et à son tuteur, le
préfet. Connu, reconnu et caricaturé, les sous-préfets ont fait le bonheur des auteurs qui
voyaient en lui la figure typique de la révolution bourgeoise, le parfait représentant du
jacobinisme de la IIIème République. Pour Alphonse Daudet, le sous-préfet est sympathique et
s'inscrit avec plaisir dans sa galerie de portraits :
« Monsieur le Sous-préfet est en tournée. Cocher devant, laquais derrière, la calèche de la
sous-préfecture l'emporte majestueusement au concours régional de la Combe-aux-Fées. Pour
cette journée mémorable, Monsieur le Sous-préfet a mis son bel habit brodé, son petit claque,
sa culotte collante à bande d'argent et don épée de gala à poignée de nacre...
[...]
Monsieur le Sous-préfet regarde tristement sa serviette de chagrin gaufré ; il songe au
fameux discours qu'il va falloir prononcer tout à l'heure devant les habitants de la Combe-aux
Fées. A voix basse, sous la feuillée, on se demande quel est ce beau seigneur en culotte
d'argent... Ni un artiste ni un prince, interrompt un vieux rossignol, qui a chanté toute une
saison dans les jardins de la sous-préfecture... Je sais ce que c'est : c'est un Sous-préfet ! »2
Touchante caricature populaire du sous-préfet d'arrondissement dont le logement de
fonction (le fameux hôtel de la sous-préfecture, souvent des demeures bourgeoises disposées
au centre-ville des chefs-lieux d'arrondissement) fait partie de l'imagerie d'Épinal. La fonction
idyllique, soi disant adaptée aux rêveurs, telle que nous la présente Alphonse Daudet cache
parfois une critique sociale plus acerbe... On goûtera avec plaisir ces quelques lignes
d'Honoré de Balzac qui n'ont presque pas vieillies.
1 Pierre Gay, Le sous-préfet, Paris, Berger-Levrault, 1954.2 Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Le Sous-préfet aux champs ».
1
« C'est le premier lieu, l'oracle administratif de l'arrondissement; il y a quatre employés
et cinq mille francs d'appointements.
Il est gros de juste-milieu, bouffi de modérantisme, enragé d'ordre public; il porte un
habit bleu bordé d'argent et une épée.
Quand le Monsieur proclame le nom de l'élu, vous ne sauriez croire comme les têtes
provinciales sont en travail: est-il vieux, -est-il jeune ?- est-il marié ?... On prépare des
pétitions des demandes de toutes sortes; j'en ai vu qui lui faisaient des petits vers. S'il est
célibataire, c'est un perpétuel chuchotement entre demoiselles du lieu, un surcroît de toilettes,
un rajeunissement d'appas, un bouillonnement d'espérances et de projets.
Le Sous-préfet arrive enfin, en cabriolet ou par la cloche. Il faut d'abord choisir son
logement ; et ne pensez pas que ce soit là une mince affaire... rien n'est indifférent dans une
petite ville où les opinions et les intérêts se classent par quartiers. On se le dispute, on se
l'arrache, on se jette de petites calomnies, de grosses médisances.
Au milieu de tout ce bruit, s'agit le factotum de la ville (toute petite ville a son
factotum), homme méchant réputé délicieux, qu'on déteste et qu'on ménage, qui brouille les
familles, dirige les fêtes, qui bave, mord, déchire, mène la ville par le nez, s'empare du Sous-
préfet, lui donne la statistique obligée; quels sont les bons, -les mauvais, - les douteux, caresse
son chien, rit de bons mots qu'il n'a pas dits, et passe pour le spirituel auprès des dots qui le
redoutent.
Le lendemain, le Sous-préfet reçoit les fonctionnaires, juge, adjoint, garde-champêtres
et forestiers, qui lui tirent le chapeau en cérémonie; ses employés qui l'examinent en supputant,
d'après Lavater, combien il y a de plumes d'encre et de papier à gagner avec cette physionomie
nouvelle.
Ensuite, il se prépare à sortir, affaire importante et décisive pour sa réputation; car que
penser d'un Sous-préfet qui marche comme tout le monde, qui n'a point quelque chose
d'administratif dans son maintien, et de supérieur dans son aller ? -et quand il sort, toute la
ville est aux fenêtres. Le soir, il est jugé, et, s'il n'a point assez gravement rendu les saluts qu'on
lui donnait, s'il a trop carrément fait sa promenade, ne me parlez plus de cet homme; il est
perdu, le malheureux !...
J'aimerai mieux traverser la Seine sur la corde raide que de marcher deux heures sous
les yeux de me administrés, si j'en avais...
Puis viennent les donneurs d'avis, race à part, axiomes vivants, jugeurs obligés, qui se
succèdent dans les sous-préfectures comme des fauteuils, qui boivent et jugent, mangent et
jugent, marchent et jugent, et s'endorment en jugeant; espèce d'immeubles à paroles, pâles de
légalité, boursouflés d'importance, qui parlent par apophtegmes et sourient d'une manière
administrative.
2
Si le Sous-préfet est marié, toutes les femmes se disputent la Sous-préfète; on lui fait la
cour, on la vante, on la prône ;puis, en petit comité, on déchire, on salit ce qu'on a vanté; on
inspecte, on espionne, on suppose, on calomnie.
Les jours de cérémonie, le Sous-préfet paraît en grand costume; c'est un texte de la
conversation pour la semaine. S'il parle, vingt échos répètent sa phrase ; s'il se tait, on disserte
sur son silence : un Sous-préfet qui se tait, ce n'est pas naturel, et l'on se réunit chez
l'apothicaire du coin pour faire des conjectures.
C'est du Sous-préfet qu'on peut dire que sa maison est de verre : on parle de lui, de sa
femme, s'il en a, de ses maîtresses, s'il est garçon. Il vit perpétuellement sous l'œil du public, et,
quand un beau matin, Son Excellence le mande ailleurs, il s'en va sans laisser de regrets; il est
oublié deux heures avant son départ ; le factotum lui-même l'abandonne et les gamins crient
après sa voiture.
Mais il a cinq mille francs par an, une épée et un habit bleu brodé d'argent. »3
Quel portrait acide des vanités et de la Comédie humaine ! Pourtant, pour d'autres
contemporains de Balzac ou de Daudet, le sous-préfet tient déjà une place à part dans la
société, un rôle social pourrions-nous dire. Pour Émile Zola, sociologue avant l'heure, « c'est
peut être le seul Sous-préfet, en France, qui a le courage de ses opinions démocratiques »4.
L'histoire des sous-préfets est intrinsèquement lié à celle de l'arrondissement et à la
naissance de nos institutions républicaines. En effet, Napoléon Bonaparte alors Premier
Consul, avait souhaité, en créant les départements et les arrondissements, installer la France
sur des bases de granit. Pour Sieyès, le nouvel ordre républicain devait se baser sur la division
administrative la plus adéquate : l'arrondissement. Pourtant, nous le verrons, l'histoire l'a
maudit. « Mal aimé de l'histoire administrative française et victime traditionnelle des
économies budgétaires, il ne s'est jamais relevé d'une condamnation absolue résumée dans
l'image des mares stagnantes »5 résume Pierre Avril. Antoine Pinay prônait même leur
suppression dans son programme de 1957, alors qu'il briguait à nouveau la présidence du
Conseil.
Si le sous-préfet est moins facile à définir par ses tâches que par sa présence dans
l'arrondissement, c'est qu'il est difficile de cerner les attributions réglementaires de ces haut-
fonctionnaires. C'est une institution administrative mal connue, qui cache peut être un certain
3 Honoré de Balzac, « Œuvres complètes », tome 14, Le Club français du livre.4 Emile Zola, La fortune des Rougon.5 Pierre Avril, L'arrondissement devant la réforme administrative, Paris, Editions Berger-Levrault, 1970, 233p.
3
mal être, car en prise directe avec les évolutions sociales et institutionnelles de la France. Dès
lors, pourquoi encore s'intéresser aux sous-préfets en 2010, plus de deux cents ans après leur
création ? C'est à la croisée de plusieurs éléments que l'idée d'un tel sujet de recherche m'est
apparue. Souhaitant délibérément rompre avec les modes actuelles de la recherche sur l'action
publique en général - à savoir la réforme des collectivités locales ou encore de la question du
statut de l'élu, je souhaitais approfondir un domaine prenant en compte la question des
politiques publiques appliquées à l'échelle locale. Je me suis donc interrogé sur toutes les
formes de gouvernance de nos territoires. Au-delà du constat – voire du poncif - d'une
complexité croissante du paysage institutionnel français dans un contexte de montée en
puissance des collectivités locales, je me suis interrogé sur le rôle que pouvait encore tenir
l'État dans nos territoires.
Les symboles important au moins autant que les actes, je me demandai alors à quoi
pouvait encore servir une représentation de l'État dans les territoires quand il revient de plus
en plus aux collectivité locales d'en organiser la vie ? Étant natif d'un chef lieu
d'arrondissement, je m'interrogeai rapidement sur la fonction de sous-préfet. Je n'avais qu'une
vague idée des missions qui lui étaient dévolues et j'ignorais alors quel pouvait être encore
l'importance de leur rôle au XXIème siècle.
Au-delà de l'histoire administrative, je souhaitais réaliser un travail mêlant plusieurs
disciplines : histoire, droit, sociologie de l'action publique, aménagement, sciences
politiques.... Je désirais établir un état des lieux, doublé d'une analyse de l'action publique
dans et au service des territoires. Après quelques recherches liminaires, une étude portant sur
les sous-préfets d'arrondissements me paraissait combler ces attentes, pour deux raisons
principales.
Premièrement, s'il y a eu de nombreuses études réalisées sur les services déconcentrés
de l'État, les sous-préfets font l'objet de peu de travaux de chercheurs ou d'historiens, et ce,
malgré leur importance dans l'appareil d'État décentralisé6. A mon échelle, je souhaitais pallier
modestement à ce manque. Ensuite, la globalisation et surtout l'européanisation de la société
française, conduisant à une relative « autonomisation » des partenaires, oblige à repenser les
modes de gouvernance publics. A ce titre, dans quelle mesure le système jacobin et
centralisateur des préfectures et des arrondissements était-il encore valable avec une telle
évolution des pratiques politiques et administratives ?
6 Les études que j'ai eu l'occasion de consulter avaient pour biais de traiter de façon séparé, me semble t-il, la question de l'arrondissement et du sous-préfet.
4
Toutefois, l'ampleur du sujet s'est vite révélée à mes yeux. Qu'est-ce qu'une étude sur
les sous-préfets ? Stricto sensu, le terme « sous-préfet » recouvre un corps d'agents de l'État
auquel appartiennent par voie de détachement plusieurs hauts-fonctionnaires – des
administrateurs civils pour la plupart. Dans cette acception large des sous-préfets, plusieurs
métiers sont à distinguer, le corps ne faisant pas la fonction. On retrouve donc des sous-
préfets :
✗ Secrétaires généraux adjoints (SGA) de préfecture ;
✗ Secrétaires généraux aux affaires régionales(SGAR) ;
✗ Directeurs de cabinet du préfet ;
✗ Sous-préfet d'arrondissement.
Faire une étude exhaustive à la fois sur le corps et ses différentes fonctions serait une
gageure. Le travail nécessiterait plus qu'un simple mémoire et devrait se doubler d'une
hagiographie pour être complètement exhaustif. Ainsi, après réflexion, il m'apparut qu'au
regard de mon attrait pour l'action publique territorialisée et de l'aspect symbolique des sous-
préfectures, c'est une étude sur les sous-préfets d'arrondissement qui retiendrait mon attention.
Si nous reviendrons plus en détail sur les missions des sous-préfets d'arrondissement, il
convient dès à présent de définir cette fonction.
La France est divisée en 342 divisions administratives nommées arrondissements.
Subdivisions des départements, leur nombre varie en fonction des départements et de leur
histoire. Un sous-préfet est présent dans chacun des arrondissements7 et assure, conjointement
avec le préfet de département, la mise en œuvre et la coordination des actions de l'État. Ce qui
comprend les politiques nationales et le respect de l'ordre public. Ce sont donc l'évolution des
missions de ces 342 sous-préfets d'arrondissement que nous étudierons plus particulièrement
tout au long de ce mémoire.
Ce travail est avant tout un mémoire de recherche, ce qui justifie une méthodologie
venant étayer un corpus analytique ainsi qu'une problématique précise. Pour rentrer un peu
plus dans le vif du sujet et tenter de définir une problématique, nous pouvons débuter par un
travail de recherche qui fit date en matière d'action publique, l'ouvrage de Pierre Grémion : Le
pouvoir périphérique8. Dans cet ouvrage, le chercheur déconstruit un préjugé qui voudrait que 7 Nous le verrons plus tard, mais rappelons d'ores et déjà que les sous-préfets sont assignés à résidence dans leur
arrondissement.8 Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris,
Editions du Seuil, collection Sociologie, 1976, 472 pages.
5
le modèle français, jacobin et centralisateur, oppose, à cause de leurs intérêts divergents, les
élites représentants le pouvoir central (les préfets et les hauts-fonctionnaires) aux notables
locaux (les élus). Pourtant, l'auteur démontre que, de manière contre-intuitive, ces deux élites
s'associent au lieu de s'opposer, et ce, dans un intérêt commun et simple : préserver à tout prix
l'ordre établi qui leur assure leur domination sociale. C'est ce qu'il appelle le « système
politico-administratif local », un véritable État dans l'État : le pouvoir périphérique.
Les conclusions de ce livre marquèrent alors profondément l'image des préfets et
l'approche sociologique de l'action de l'État. L'auteur déclare même que « le préfet ne peut pas
être réellement un acteur de coordination de l'action administrative territoriale que s'il
parvient à s'appuyer sur les notables locaux ». Par son titre à double sens, Le pouvoir
périphérique distingue deux sous-systèmes d'administration territoriale : un sous-système
rural qui reste concrétisé par le maintien des relations harmonieuses entre bureaucraties
publiques et structures de représentation locale, et un sous-système urbain qui se concrétise
par la diminution progressive « des capacités régulatrices des inter-contrôles ».
Toutefois, ces conclusions ne prenaient pas encore en compte les transformations
radicales induites par les lois de décentralisation de 1982. Un autre chercheur, Jean-Claude
Thoenig, qui avait développé un modèle dans la veine de la brèche ouverte par Pierre
Grémion9, est revenu récemment sur ses propres conclusions pour les réactualiser. Il conclut à
l'évolution de ses analyses vers un autre mode de gouvernance. Le modèle qu'il avait
développé, à savoir la régulation croisée entre élites républicaines et notables, s'effacerait au
profit d'une nouvelle forme de gouvernement caractérisée par l'institutionnalisation de l'action
collective et l'apparition de micro-pouvoirs10. La décentralisation a permis d'ouvrir le jeu de la
gouvernance locale en permettant à d'autres acteurs de prendre part au processus de décision
publique ; processus qui parallèlement s'est de plus en plus complexifié.
La perspective théorique offerte par Pierre Grémion peut nous permettre de jeter les
bases d'une problématique fondée sur la sociologie de l'action publique, il conviendra ensuite
de déterminer dans quelle mesure sa théorie est toujours valable. Le concept de politique
publique est fondamental pour comprendre l'action publique actuelle, une notion que nous
utiliserons et définirons tout au long de ce mémoire11. Si la « politique publique » a un sens en
9 Le pouvoir périphérique, op. cit.10 Patrice Duran, Jean-Claude Thoenig, L'État et la gestion publique territoriale, Revue Française de Sciences
Politiques, volume 46, n°4, août 1996.11 Du point de vue de la culture administrative, « l’analyse des politiques publiques » a ces dernières années avoir
remplacé la science et les techniques de l’économie publique, alors dominante, comme référent susceptible d'éclairer
6
science, le terme également utilisé par l'État - notamment pour faire-valoir sa propre réforme,
est différent. Il conviendra d'en déterminer les dissonances grâce à ce terrain d'étude privilégié
que constituent les sous-préfets. Enfin, d'un point de vue tant pratique que théorique, il semble
plus intéressant de s'attacher à travailler sur ce que Pierre Grémion nomme le sous-système
rural12. En effet, dans un arrondissement rural, le métier du sous-préfet apparaît encore plus
évident puisqu'il est bien souvent le seul représentant de l'État sur son territoire, ou du moins
en est-il l'unique coordonnateur. De plus, mon travail de recherche s'est plus porté vers ces
sous-préfets « ruraux », facilement accessibles et en prise directe avec le territoire et l'action
de l'État.
La représentation locale de l'État est le « fil rouge » de ce travail de recherche. A
travers l'exemple des sous-préfets, nous suivrons l'évolution des missions régaliennes du
pouvoir central dans les territoires. L'exemple est d'autant plus valable qu'en représentant
l'État dans l'arrondissement, le sous-préfet veille au respect des lois et des règlements en vertu
de prérogatives régaliennes qui ne semblent pas avoir évoluées depuis 1800. Le sous-préfet
est, avec le préfet, garant de l'ordre public sur le territoire de la République. Pourtant sous une
même dénomination, les réalités évoluent et l'ordre public du XXIème siècle n'est certainement
pas le même que celui du XIXème. Au travers de ces différents éléments, on peut donc se
demander comment, dans une relative stabilité de l'ordre juridique et politique français, les
sous-préfets d'arrondissement recomposent-ils leur fonction de représentant territorial de l'État
dans un contexte politico-administratif en mutation, entre réforme de l'État et
décentralisation ?
Il n'est pas inutile de s'atteler à étudier une fonction au fond mal connue de nos
concitoyens mais pourtant copiée par nos voisins polonais, espagnols ou roumains. Et cela
d'autant plus qu'il faut replacer le sous-préfet d'arrondissement dans une logique plus large de
réforme de l'État. La lutte contre les déficits publics dans un contexte de rigueur budgétaire, la
mise en place de la révision générale des politique publiques (RGPP) et l'entrée en vigueur de
la LOLF (loi organique relative aux lois de finance) sont autant d'éléments qui impacteront en
profondeur les administrations déconcentrées et donc ce métier. Réformes qui doivent être
mises en parallèle avec l'évolution de la décentralisation, le succès des intercommunalités, la
la décision publique. Le sociologue Jean-Claude Thoenig a été l'un des principaux promoteurs de la sociologie des politiques publiques en France. (cf. son manuel Sociologie des politiques publiques rédigé avec Yves Meny et publié aux P.U.F dans la collection Thémis 1989)
12 Le pouvoir périphérique ,op. cit.
7
création du conseiller territorial. Autant d'éléments qui transforment la figure des pouvoirs
publics dans les territoires.
Pour cela, il semble nécessaire de sortir un tant soit peu du carcan juridique qui
enserre encore aujourd'hui l'étude de l'action publique. Lois et textes réglementaires
définissent les contours généraux de la fonction – quoique partiellement, nous le verrons,
mais le rôle général du sous-préfet dans l'appareil d'État reste mal identifié. Nous essayerons
donc de clarifier et de mettre en exergue une vision d'ensemble du métier de sous-préfet
d'arrondissement dans le système actuel d'action publique, et cela au regard de ses propres
mutations.
Ce mémoire a une portée pluridisciplinaire et une seule entrée par la sociologie de
l'action publique, même si elle est fondamentale, n'y suffirait pas. La démarche de recherche
doit être pour cela complétée par une approche en matière de droit et plus précisément
d'histoire administrative de la fonction de sous-préfet d'arrondissement. Au regard d'une des
plus anciennes fonctions de la République, on ne saurait s'en passer. Ce soucis
pluridisciplinaire doit également se doubler d'un apport empirique.
La méthodologie de recherche choisie pour ce travail est basée sur une approche
qualitative. J'ai donc eu recours à plusieurs entretiens avec des sous-préfets d'arrondissement,
ou à des échanges par courriel. Ces entretiens ont été réalisés à partir d'une grille de questions
présentée en annexe, qui a pu légèrement être modifiée au fil du temps afin de préciser ou de
réorienter mes axes de réflexion. A cela se sont également ajoutées plusieurs lectures de
documents officiels ou de travaux de recherche déjà réalisés (cf. bibliographie).
Pour répondre à cette large question, nous appréhenderons le sujet sous deux angles
principaux. Dans un premier temps, nous tenterons d'approcher une première définition du
sous-préfet d'arrondissement par le contenu des textes administratifs et législatifs. Nous
verrons si celle-ci est suffisante pour qualifier correctement le métier actuel de sous-préfet,
des missions régaliennes de l'État aux nouveaux modes d'action publique. (partie I).
Dans un second temps, nous dépasserons cette définition restrictive des fonctions de
sous-préfet d'arrondissement pour tenter de le replacer au cœur d'un système d'action plus
complexe. Nous nous baserons sur un constat empirique découlant des mutations de l'État et
de son action territoriale, tout autant que de l'évolution du processus de décentralisation.
(partie II).
8
Ainsi, nous tendrons à démontrer que le sous-préfet est l'intermédiaire naturel
entre les citoyens, les territoires – le « local » – et les programmes d'action publique
nationaux. Personnage incontournable, il crée des réseaux d'interdépendance sous lui et
au dessus de lui... Placé au milieu même des populations, vivant de leur vie, recevant au
jour le jour l'écho de leurs besoins et de leurs aspirations, le sous-préfet est
particulièrement qualifié pour renseigner les pouvoirs publics.
9
PREMIERE PARTIEPREMIERE PARTIE
LE SOUS-PRÉFET D'ARRONDISSEMENT,REPRÉSENTANT DE L'ÉTAT AU LOCAL
DEPUIS PLUS DE DEUX CENTS ANS, L'ARRONDISSEMENT EST LA DIVISION ADMINISTRATIVE LA PLUS
TERRITORIALISÉE DE L'ÉTAT EN FRANCE. MAL CONSIDÉRÉ, CET ÉCHELON A DIFFICILEMENT TROUVÉ SA
PLACE DANS LE PAYSAGE INSTITUTIONNEL FRANÇAIS. IL EN A DÉCOULÉ UNE DÉFINITION TRÈS FLOUE, TANT
SUR LE PLAN LÉGISLATIF QUE RÉGLEMENTAIRE, DES MISSIONS DES SOUS-PRÉFETS D'ARRONDISSEMENT.
TOUTEFOIS, LA POSITION SINGULIÈRE DES SOUS-PRÉFETS D'ARRONDISSEMENT LES A CONDUITS À
DEVENIR DES VÉRITABLES INTERFACES ENTRE LES TERRITOIRES ET PARIS. AU FAIT DES SYSTÈMES
LOCAUX, AU CARREFOUR DE L'INFORMATION, ILS JOUISSENT D'UNE PROXIMITÉ UNIQUE DANS L'APPAREIL
D'ÉTAT, CE QUI LEUR PERMET DE S'INFORMER ET DE FAIRE ÉVOLUER LES MODES D'ACTION PUBLIQUE.
10
CHAPITRE 1
L'ETAT AU PLUS PRÈS DES TERRITOIRES : L'ARRONDISSEMENT
_________________________________
Dans ce premier chapitre, nous verrons successivement la naissance et l'évolution de
l'arrondissement dans le patrimoine administratif français pour mieux comprendre les
missions actuelles du sous-préfet telle que définies par la loi et les règlements. Un constat
guidera ce chapitre : la permanence des sous-préfets d'arrondissement au sein d'une division
administrative qui n'a jamais vraiment su trouver sa place dans le millefeuille administratif
français, mais qui pourtant, est celle qui a subi le moins de modifications. Les sous-préfet ont
ainsi successivement survécu aux républiques, à l'Empire, aux guerres et à la
décentralisation...Les plus significatives révisions datent du gouvernement Poincaré qui
supprima 106 arrondissements en 1926. Certains autres furent créés depuis, notamment en
1964 suite à la création des départements franciliens.
Les changements qu'a subi l'administration française en trente ans sont considérables.
En effet, le mouvement croissant de décentralisation s'est accompagné de son pendant, la
déconcentration. Pourtant, comme nous l'avons déjà fait remarquer, la fonction de sous-préfet
n'a connu que très peu de modifications depuis sa création suite à la loi du 28 pluviôse de l'an
VIII13. Bien qu'ayant fait partie intégrante du système politico-administratif local, il faut
préciser qu'avec l'apparition des lois de décentralisation, l'évolution des systèmes de
gouvernance locaux ont changé en partie la donne. Ces questionnements nous ramènent ainsi
aux relations entre décentralisation et déconcentration. Calquer en 2010 la thèse de Pierre
Grémion à propos des sous-préfets comme garants du système politico-administratif est
séduisant. En effet, ceci expliquerait notamment l'esprit de corps qui les anime ainsi que la
permanence de ce modèle après 1982. « L'histoire administrative française est fait d'éternels
aller-retours. Un jour on concentre et un autre on fait l'inverse » notait avec humour et
13 Soit le 17 février 1800.
11
perspicacité le sous-préfet Hugues Fuzeré14. Et si la thèse de Pierre Grémion est intéressante,
est-elle pour autant toujours valable aujourd'hui et définit-elle au mieux le métier de sous-
préfet ?
Section 1 : La création de l'arrondissement comme division administrative
Selon les mots de Pierre Avril15, l'arrondissement serait l'échelon « mal-aimé » du
paysage administratif français. Pourtant, à l'origine, l'arrondissement devait constituer l'unité
de base de l'administration française. En effet, placé sur le même plan que les autres
collectivités (départements et communes), l'arrondissement possédait toutes les
caractéristiques nécessaires. La population y était habituée puisque les tracés reprenaient ceux
des « pays » de l'Ancien Régime et la taille était idéale, entre l'échelon départemental et le
communal. Pourtant, l'arrondissement n'a jamais été doté de la personnalité morale.
Aujourd'hui encore, bien que décrié par les chantres de la réforme de l'État, l'arrondissement
est toujours présent selon les mêmes modalités qu'à sa création. Maillon essentiel de la
déconcentration de l'État, il est, à tort, considéré uniquement comme la circonscription du
sous-préfet. De plus, est-il besoin de préciser que le sort de l'arrondissement est intimement
lié à celui du département ?
1. La naissance de l'arrondissement
La loi du 28 pluviôse de l'an VIII16 porte création des arrondissements en même temps
qu'elle consacre la République une et indivisible et qu'elle crée l'administration dans sa forme
actuelle. Une naissance sous les plus beaux auspices républicains...
« VIII. Dans chaque arrondissement communal, il y aura un sous-préfet et un conseil
d'arrondissement composé de onze membres.
IX. Le sous-préfet remplira les fonctions exercées maintenant par les administrations
municipales et les commissaires de canton, à la réserve de celles qui sont attribuées ci-après au
conseil d'arrondissement et aux municipalités.
X. Dans les arrondissements communaux où sera situé le chef-lieu de département, il n'y
aura point de sous-préfet »
14 cf. annexes.15 Pierre Avril, L'arrondissement devant la réforme administrative, op. Cit.16 Le nom officiel est « loi concernant la division du territoire de la République et l'administration ».
12
Les principes fondateurs sont posés, ils n'ont pas bougés aujourd'hui. Les historiens
administratifs tels que Pierre Avril considèrent que la nomination rapide des sous-préfets a
permis de faciliter la transition entre l'Ancien Régime et la République en maintenant la
présence de l'État jusqu'aux confins du pays. C'est au Conseil d'État qu'il échu de déterminer
les limites des arrondissements dans chacun des départements, ce qu'il fit rapidement après la
promulgation de la loi de l'an VIII. La plupart des circonscriptions se basèrent alors sur la
carte judiciaire (les tribunats) et sur l'héritage des « pays » du Moyen Âge.
C'est également dans cette loi qu'est instaurée, malgré la tutelle des préfets,
l'indépendance des communes françaises. Mais, dès le départ, les législateurs sont conscients
de l'enjeu d'un tel découpage en profondeur. Aussi la vocation à terme de l'arrondissement est
d'être l'échelon pertinent pour rendre la justice, administrer et juger les contentieux. L'Histoire
donnera raison aux départements, aux communes et aux régions au détriment de ce legs de
1800.
Les arrondissements n'ont jamais été dotés de personnalité juridique, ils sont
dépourvus de tout pouvoir et de tout patrimoine. Administrativement, ils sont réduits à la zone
d'influence du sous-préfet. Et pourtant, nous verrons que dans la réalité, les choses sont bien
différentes.
La création des sous-préfectures s'est faite dans une conception très hiérarchique de
l'organisation administrative. Idéalement, le sous-préfet est le maillon d'une chaîne de
décision qui part du ministre en passant par le préfet pour terminer aux édiles municipaux.
Cette vision peut paraître totalement surannée aujourd'hui et pourtant, si les « styles de
gouvernement »17 de l'État moderne ont changé, l'administration déconcentrée est restée en
place dans ses grandes lignes, ou tout du moins dans ses principes fondateurs.
2. La III ème République, ou le temps des arrondissements politiques
La IIIème République a mené l'arrondissement au faîte de ses compétences et a
contribué à forger en grande partie sa légende populaire en y ajoutant une couleur politique.
En effet, deux principales initiatives en sont la cause : la création des conseils
d'arrondissement et l'élection des députés. La loi du 22 juin 183318 créait un « conseil
17 Pour employer une terminologie chère à Jacques Lagroye (Sociologie politique, Dalloz, 5ème édition revue et mise à jour, 2006).
18 Loi sur l'organisation des conseils généraux de département et des conseils d'arrondissement, par la voie de
13
d'arrondissement ». Ces instances ont été supprimées par le gouvernement de Vichy en 1940.
Leur fonctionnement ne serait pas sans rappeler les Pays. Le conseil d'arrondissement était
constitué d'autant de membres que de cantons sur le territoire. Les membres de l'institution
devaient être élus au suffrage universel. En général, le conseil d'arrondissement pouvait
fournir un avis a priori ou a posteriori des séances du conseil général.
Malgré les innombrables réformes des modes de scrutin sous la IIIème République, une
grande partie du régime parlementaire a vu ses députés élus dans les arrondissements. En
effet, de 1875 à 1885, puis de 1889 à 1919, les circonscriptions législatives correspondaient
aux arrondissements. Les scrutins donnèrent lieu à des discussions et des affrontements
politiques sans fins puisque bien souvent l'opposition parlementaire stigmatisait
l'arrondissement comme étant une circonscription profondément inéquitable du fait des
inégalités de population indues. Les arrondissements sont les fameuses « marres stagnantes »
de la IIIème République. Encore aujourd'hui, bien que cela tende à disparaître, l'arrondissement
conserve cette connotation péjorative quoique teintée de nostalgie. Mais les caricatures ont la
vie dure et lors de la campagne des élections présidentielles de 1969, Valéry Giscard
d'Estaing, regrettant le manque de hauteur du débat politique, déplorait que celle-ci en soit
restée « au niveau de l'arrondissement »...
Tout au long de la IIIème République, les attaques contre l'arrondissement, jugé un
« rouage inutile » ou encore « artificiel » de l'administration, se sont multipliées. Ces critiques
qui ont contribué à inscrire durablement, et de manière négative, l'arrondissement dans la
mémoire collective des français sont en grande partie liées à leur connotation politique.
3. L'arrondissement administratif
Malgré les critiques, la carte des arrondissements et les attributions des sous-préfets ne
varieront pas de 1800 à 1926. La principale modification est apportée en 1926 par le
quatrième gouvernement Poincaré19. Albert Sarraut, étant alors ministre de l'Intérieur dans le
cadre de l'Union nationale, en a signé le décret et s'est fait le porteur de la réforme.
Le décret supprime 106 sous-préfectures afin de réaliser des économies. Le
gouvernement justifiait leur suppression en notant que les moyens modernes de
l'élection, avec adjonction des capacités portées sur la seconde liste du jury aux possesseurs du cens électoral politique, et fixation d'un minimum pour le nombre des électeurs.
19 Décret-loi en date du 10 septembre 1926.
14
communication permettaient de supprimer ces sous-préfectures. Les arrondissements les plus
représentatifs furent conservés. Dans le même temps, Poincaré souhaite élargir les missions
des sous-préfets en leur conférant le pouvoir de tutelle sur les budgets et les comptes des
communes. La réforme, en partie oubliée aujourd'hui, donna lieu à de vives empoignades
locales et nationales. Les villes touchées par la réforme s'offusquèrent d'être abandonnées et
déploraient l'impact négatif sur la vie socio-économique locale et sur leur réputation. Ces
débats, vieux d'un siècle, ne sont pas sans rappeler certains autres, plus récents. Notons ici la
(vive) réaction du conseil municipal de Castelnaudary, sous-préfecture victime du décret
Poincaré, au style finement travaillé.
« Considérant que le décret du 10 septembre 1926 se borne, cependant, à réduire le nombre des
sous-préfets et à modifier en conséquence la répartition des arrondissements, comme si
l'arrondissement ne se concevait pas sans la sous-préfecture ; que, loin de supprimer l'institution
sous-préfectorale, il en consolide l'existence et en aggrave les inconvénients ; que l'Histoire ne
pourra même pas dire, de ce décret, ce qu'Odile Barrot disait des décrets de 1852 : « c'est
toujours le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche » ; qu'en effet, s'il
conserve aux mains du pouvoir central le marteau forgé par Napoléon Bonaparte pour tenir sous
sa domination jusqu'aux hameaux les plus lointains, il en allonge le manche au lieu de le
raccourcir comme l'avait pourtant fait le second Empire lui-même ; qu'ainsi, tout en proclamant
« que le progrès a marché depuis l'an VIII et qu'il est temps d'en finir avec la survivance des
errements surannés », il méconnaît la vieille règle en vertu de laquelle « on n'administre bien
que de près » et apporte une pénible déception aux partisans d'une réorganisation administrative
faite dans l'esprit des institutions républicaines ; qu'enfin, il est souverainement injuste à l'égard
de la grande majorité des maires de France dont il postule l'inaptitude à s'acquitter de leur
mandat ».
La réforme de 1926 marque un premier tournant dans l'histoire administrative
française. Ce virage sera accentuée sous le régime de Vichy. Ainsi, contrairement au souhait
des pères de la IIIème République, l'arrondissement s'éloigne de la personnalité juridique et de
sa reconnaissance en tant que collectivité. Le gouvernement de Vichy suspend les conseils
d'arrondissement, annonçant le divorce du couple déconcentration/décentralisation pour
l'arrondissement au profit du département. C'est un véritable mouvement de fond puisqu'avec
le rétablissement de la légalité républicaine en 1944, les conseils d'arrondissement auraient dû
être rétablis. Or il n'en fut rien, et ils restent aujourd'hui inutilisés faute d'usage.
15
4. Le sous-préfet, un interlocuteur privilégié avant 1982
La deuxième moitié du XXème Siècle donnera suite au mouvement de déconcentration
dans les arrondissements amorcé avec la réforme Poincaré de 1926. En effet, plusieurs
éléments sont ici à prendre en compte : la constitution du corps des sous-préfets et le rôle
administratif dévolu à l'arrondissement.
Le décret n°64-260 de 1964 portant statut des sous-préfets est fondamental puisqu'il
précise que la majeure partie du corps doit à présent être recruté à la sortie de l'École
Nationale d'Administration (ENA). Cette décision provoqua de vives réactions dans le corps,
elle fut ressentie comme une déterritorialisation de la fonction. Le décret précisait également
que chaque année, deux membres du corps pouvaient être nommés au tour extérieur. Une
étude plus exhaustive serait ici nécessaire mais on observe aujourd'hui que la proportion
d'énarques dans le corps tend à diminuer, signe des temps et de la désaffection de l'État pour
ses propres institutions ?20
La Vème République a consacré la déconcentration dans les arrondissements. Deux
décrets consécutifs21 régissent l'organisation des services départementaux, mais
paradoxalement, peu de textes réglementaires définissent jusqu'à aujourd'hui le rôle des sous-
préfets dans leur arrondissement. Avant les lois de décentralisation, le sous-préfet était garant,
sous l'autorité du préfet, du respect de l'ordre public et de la légalité22. Il a tutelle sur la quasi-
totalité des collectivités de son arrondissement (hormis les communes de plus de 40 000
habitants), ce qui en fait un interlocuteur privilégié pour les élus locaux. On peut repérer alors
plus de cent attributions propres au sous-préfet, complétées par des délégations de
compétence et de signature du préfet.
Aux débuts de la Vème République, peu de textes évoquent le métier de sous-préfet. Si
la IIIème République consacra l'arrondissement politique, les débuts de la Vème République le
réduise à un rôle purement administratif.
20 Voir La fabrique des énarques, Jean-Michel Eymeri-Douzans, éditions Economica, 2001.21 Décret du 12 août 1950 modifié par celui du 26 septembre 1953.22 Sur les actes administratifs, le sous-préfet était l'autorité de tutelle de droit commun de toutes les collectivités. Le
cadre de la tutelle variant en fonction de la taille des collectivités.
16
Ainsi, jusqu'en 1982, les textes réglementaires évoquent peu les missions du sous-
préfet sur son territoire et la composition du corps laisse transparaître une
« technocratisation » en réponse aux « mares stagnantes » de la IIIème République. Voyons à
présent quelles sont les compétences actuelles des sous-préfets.
Section 2 : Le rôle actuel du sous-préfet d'arrondissement
Cela fait partie des serpents de mer du débat politique français : l'administration
française, véritable Léviathan public, doit se réformer : structures trop lourdes, trop coûteuses,
inadéquation des objectifs et des moyens... La recherche de l'efficacité à tout prix a donné lieu
a d'incessantes réformes, certaines réussies et d'autres avortées. Avec l'avènement du New
Public Management, c'est un autre levier de la modernisation que l'État a cru bon d'engager.
Depuis plus de dix ans, c'est une refonte quasi-totale de l'appareil administratif
français qui est en marche et qui s'est concrétisée au travers d'actes législatifs et
réglementaires symboliques. A ce titre, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
est considéré comme la nouvelle « constitution » des finances publiques françaises. La
révision générale des politiques publiques (RGPP) est la clef de voûte du système de réforme
de l'administration. Lancée par le gouvernement en 2008, elle se veut « une démarche de
modernisation inégalée de nos administrations publiques ». Cette réorganisation privilégie
l'État stratégique, censé pallier aux manquements de l'État régalien et de l'État providence,
modèles en crise. L'État se cherche un sens.
Dans le sillage de la révision constitutionnelle de 2008, la RGPP a modifié le système
d'administration centrale dans bien des domaines. Ces réformes, progressives, sont inscrites
dans les lois de finances 2009, 2010 et 2011. Les mesures innombrables qui ont été prises et
qui le seront dans les mois à venir ont impacté de manière importante l'organisation de l'État
territorial, à savoir les administrations déconcentrées.
17
1. Les principales réformes de la déconcentration
Sur le champ des administrations déconcentrées, la RGPP termine un mouvement
engagé dès 200423. Outre la réforme des administrations régionales en huit pôles contre six
pôles dans les départements -nous y reviendrons, c'est à un autre mouvement, symbolique
qu'il faut s'attacher. En effet, la RGPP se montre sévère avec les services territorialisés de
l'État : « schéma éparpillé qui juxtaposait des structures de missions excessives et hétéroclites
et qui impliquait une importance activité des coordinations interservices au détriment des
activités de pilotage »24. Cette remarque est en partie en contradiction avec les propos de la loi
du 6 février 199225 qui veut que l'organisation administrative se structure sur trois niveaux :
la région, le département et l'arrondissement. Il est vrai que l'on ne retrouve pas les mêmes
administrations à tous les niveaux mais depuis 1992, la région a eu tendance à
« s'administrativiser » puisque le préfet de région est en charge du contrôle de légalité des
actes exécutoires de l'assemblée régionale.
L'État a donc décidé de trancher et de clarifier les compétences en inscrivant la région
dans un rôle de pilotage stratégique, reléguant l'historique département à l'« échelon de
proximité ». Ainsi, la circulaire du 7 juillet 2008 décrète que « le préfet de région a autorité
sur les préfets de département ». C'est une véritable révolution administrative, sur le papier.
Nous reviendrons plus loin sur l'effectivité d'une telle mesure. En attendant, il est clairement
énoncé que le préfet de région s'occupera du pilotage stratégique des activités de l'État par le
biais du comité de l'administration régionale (CAR). Le CAR, composé des préfets de
département et présidé par le préfet de région se prononce sur les orientations stratégiques et
s'assure de leur bonne mise en œuvre.
L'échelon départemental quant à lui est restructuré autour de cinq grands pôles
stratégiques : population et cohésion sociale ; territoires ; finances publiques ; sécurité ;
éducation. Dans l'optique de plusieurs rapports (rapport Attali, rapport Balladur), c'est la
suppression de l'échelon départemental qui s'immisce dans le millefeuille administratif
français. Loin de nous prononcer sur l'opportunité d'une telle réforme, on remarque qu'une
fois de plus l'arrondissement est l'oublié des débats...
23 Cf. loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.24 Cf. le rapport du troisième conseil de modernisation des politiques publiques (11 juin 2008).25 Cf. loi n°92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.
18
2. Des règlements quasiment muets quant au rôle du sous-préfet
Comme nous l'avons dit précédemment, aucun texte ne précise clairement les
attributions du sous-préfet d'arrondissement. On peut regretter que cet échelon, le plus
territorialisé de l'administration déconcentrée, ne soit pas ciblé en priorité par la RGPP. En
effet, alors que la loi de 1992 consacrait l'arrondissement, on peut s'interroger sur la
pertinence d'une réforme qui ne prendrait pas en compte de façon prioritaire cet échelon.
Il faut véritablement chercher les informations relatives au statut des sous-préfets. Peu
de textes, législatifs ou réglementaires, définissent avec précision les attributions de la
fonction. Dans cette partie, nous nous attacherons donc à dresser un rapide bilan des missions
réglementaires actuellement dévolues aux sous-préfets.
Ainsi, outre la loi du 28 pluviôse de l'an VIII qui crée les arrondissements, les textes
en vigueur sont actuellement, et jusqu'à une prochaine réforme :
a) Le décret du 14 mars 196426 portant statut des sous-préfets
C'est un texte réglementaire fondamental puisqu'il régit les grades, postes, fonctions et
avancements du corps. Il détermine en même temps les modalités de recrutement et les
dispositions spéciales. Il prévaut encore aujourd'hui.
Par contre, on n'y trouve aucune indication sur leurs missions, il est seulement énoncé
que « les sous-préfets assistent les préfets dans l'accomplissement de leurs missions ».
b) Les décrets du 10 mai 198227 et du 27 avril 199528
Le décret de 1982, modifié par la suite, fait écho aux lois de décentralisation de la
même année. Il est fondateur pour l'administration française dans son organisation actuelle.
En effet, le décret redéfinit les attributions des préfets afin de concilier leur rôle avec la liberté
accordée aux collectivités locales. C'est le décret qui fonde encore aujourd'hui le pouvoir de
contrôle des actes administratifs par le « commissaire de la République », puisque jusqu'en
1988 cette dénomination remplaça celle de préfet.
Or, les sous-préfets n'y sont cités qu'à deux reprises. Le décret leur confie une mission
générale de surveillance en les autorisant à intervenir dans deux secteurs, celui de la « mise en
œuvre des politiques nationales et communautaires » et celui du « contrôle administratif des
collectivités locales ». Le décret ne confie au sous-préfet aucun pouvoir décisionnel, il
26 Décret n°64-260 du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets.27 Décret n°82-839 du 10 mai 1982.28 Décret n°95-486 du 27 avril 1995 relatif aux pouvoirs des sous-préfets.
19
apparaît uniquement comme un exécutant placé sous les ordres du préfet.
Le décret du 27 avril 1995 vient en appui au décret de 1982. Il confirme le sous-préfet
dans son rôle d'assistant du préfet en le reléguant aux fonctions de « délégué du préfet dans
l'arrondissement ». Ils complètent tous deux le mouvement engagé par le décret de 1964.
Même si ces textes sont insuffisants et ne reflètent pas la réalité du travail des sous-
préfets, ils ont le mérite de les inscrire dans un cadre réglementaire de la fonction publique. Ils
en « juridicisent » l'existence mais ils ne font que les reléguer au rang de « spectateur ».
c) L'évolution du décret du 1er juillet 199229
Issu de la loi du 6 février 199230, le décret portant charte de la déconcentration marque
un tournant dans le métier de sous-préfet. Claude Martin parlera même de « seconde
naissance de l'arrondissement »31. Le texte revient sur les missions et les fonctions de
l'arrondissement et les définit comme ceci : « L'arrondissement est le cadre territorial de
l'animation du développement local et de l'action administrative locale de l'État. »32.
C'est le premier acte administratif qui dépasse la vision du « sous-préfet assistant »
pour reconnaître un sous-préfet « agissant ». Ainsi, reconnaissant l'importance de
l'arrondissement pour les acteurs d'un territoire, le décret contient une phrase que nous
utiliserons à plusieurs reprises : « le sous-préfet est l'animateur du développement local ».
C'est une phrase ambigüe, floue et peu normative qui ne va pas jusqu'à reconnaître le rôle de
conseil, pourtant primordial, que dispense le sous-préfet aux communes de son
arrondissement. En même temps, le décret fait l'impasse sur les missions régaliennes
fondamentales, à savoir le contrôle de légalité et le maintien de l'ordre public.
Les textes qui régissent la fonction de sous-préfet sont donc disparates et incomplets.
Incomplets car aucun des décrets précédemment cité ne décrit et n'encadre de manière
complète le métier de sous-préfet. En effet, d'un côté on trouve le sous-préfet garant de l'ordre
public et délégataire du préfet. D'un autre côté, le sous-préfet est « l'animateur du
développement local » dont les missions ne sont pas clairement définies.
29 Décret n°92-604 du 1 juillet 1992.30 Loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.31 In Claude Martin, Ces sous-préfectures oubliées. Aux temps où les sous-préfets étaient aux champs, Ursulines, 1999.32 Cf. article 5 du décret n°92-604 du 1 juillet 1992.
20
L'actuelle RGPP impacte les services départementaux mais concerne peu les
arrondissements, un échelon jugé pourtant pertinent par la loi de 1992 qui précise un peu plus
les relations entre décentralisation et déconcentration.
Section 3 : Quelques éléments de réflexion sur les relations entre décentralisation et déconcentration
Selon la Constitution du 4 octobre 1958, « la France est une République indivisible,
laïque, démocratique et sociale.[...] Son organisation est décentralisée. » Depuis 1982 la
France ne cesse de développer, à l'instar de ses voisins européens, un système d'administration
de plus en plus décentralisé. Les travaux universitaires et la pratique administrative débattent
souvent avec passion des modalités d'une bonne gouvernance, à la recherche d'un équilibre
entre services de l'État et collectivités locales.
Dans ce questionnement, on s'aperçoit que les administrations déconcentrées sont au
centre du « nœud gordien » de l'administration française. Sur le terrain, elles mettent en
cohérence au quotidien les services de l'État avec les collectivités territoriales. Peu de
recherches ont à ce jour été menées sur les sous-préfets qui sont pourtant des coordonnateurs
importants des administrations déconcentrées. Dans cette partie, nous nous interrogerons donc
sur la pertinence et la permanence du métier de sous-préfet à l'heure actuelle malgré le flou
réglementaire qui encadre la fonction.
1. Le sous-préfet, dernier survivant du « pouvoir périphérique » ?
Dans son ouvrage de référence Le pouvoir périphérique33, Pierre Grémion tentait de
mettre en avant une théorie iconoclaste sur les pouvoirs locaux. L'auteur nous montrait que,
contrairement à nos préjugés, les notables et les hauts fonctionnaires locaux (préfets,
trésoriers payeurs généraux, sous-préfets) forment un couple interdépendant. Le préfet, s'il est
souvent perçu comme l'émissaire de l'État venu rétablir « l'ordre républicain » dans les
territoires, se retrouve aux prises avec des notables locaux gardiens d'intérêts particuliers.
Pierre Grémion démontre qu'il n'en est rien et que les préfets se nourrissent des
ressources des notables locaux qui, en retour, ont besoin du relai national essentiel que
constituent les hauts fonctionnaires en poste. En somme, le préfet ne peut être réellement un
33 Le pouvoir périphérique, Pierre Grémion, op. Cit.
21
acteur de coordination de l'action administrative territoriale que s'il parvient à s'appuyer sur
les notables locaux. Pierre Grémion nomme cela le « sous-système » de gouvernement.
Ce sous-système se traduit par une renégociation permanente de la règle centrale, lui
garantissant sa propre autonomie au sein du système général. Voilà pourquoi, selon l'auteur,
les hauts fonctionnaires en poste dans des organisations déconcentrées changent très
rapidement de postes, afin d'éviter toute collusion prolongée avec les notables placés au
centre du système d'action local. Trop longtemps en poste, le préfet devient un danger pour
l'administration centrale puisqu'il développe des compétences et des réseaux parallèles à sa
mission initiale.
L'ouvrage du politiste accuse aujourd'hui de plus de trente ans et il serait intéressant de
revoir en partie ses conclusions. Nous devons noter néanmoins qu'au moment où Pierre
Grémion a édité son ouvrage, les régions venaient à peine d'être créées. Aujourd'hui, même
s'il ne s'inscrit plus vraiment dans l'actualité et encore moins dans le cadre des lois de
décentralisation, il faut reconnaître à ce livre le mérite de poser les bonnes questions. En effet,
s'il n'aborde pas directement la question des sous-préfets, retenons une phrase du livre qui
ressemble fortement aux propos de la loi du 6 février 1992 :
« La centralisation présente toujours un double visage : bénéfique et contraignant. L'art de
l'administrateur local est de jouer de l'un et de l'autre »
Dans cette perspective, les sous-préfets seraient les derniers « résidus » d'un sous-
système politico-administratif local en perte de vitesse, exposés aux affres de la
décentralisation et de la construction européennes. Aussi, le peu de littérature administrative,
législative ou réglementaire sur la fonction renforcerait ce constat. En effet, nous avons déjà
eu l'occasion de le rappeler, dernier maillon de la chaîne administrative, le sous-préfet
d'arrondissement ne se reconnaît que partiellement dans la définition juridique que lui prête
l'État. Nous le verrons plus loin mais une grande partie du métier de sous-préfet n'est inscrite
nulle part dans les textes, et ne transparaît qu'au travers de la laconique expression
d'« animateur du développement local ». Les relations privilégiées qu'entretiennent les sous-
préfets avec les élus et plus généralement les acteurs des systèmes d'action et d'influences
locaux renforcent, apparemment, la thèse de Grémion. Au-delà, leur rôle de médiateurs
d'intérêts avec les collectivités en font des acteurs incontournables au plan local, surtout dans
le sous-système rural. On retrouve ici tous les éléments mis en évidence par Grémion,
l'arrangement avec la règle et l'alimentation d'un système politico-administratif local renforcé
par les lois de décentralisation.
22
2. Le cœur du métier : l'ordre public
S'il y a peu de textes qui encadrent la fonction de sous-préfet, on peut néanmoins
s'accorder sur un élément : préserver l'ordre public est la mission première des préfets et sous-
préfets34. Pour autant, peut-on définir ce qu'est l'ordre public ?
La doctrine juridique a fourni plusieurs définitions, plus ou moins larges, de l'ordre
public. Si l'on s'accorde généralement à ne pas le considérer comme relevant exclusivement
de la tranquillité publique, on peut sans crainte dire que l'ordre public du XXIème siècle est fort
différent de celui du XIXème siècle. La seule constante dans la définition de l'ordre public
réside dans le fait que seul l'État en a eu, tout au long de l'histoire moderne, le monopole de sa
définition.
Le concept est ontologiquement porteur de la dualité démocratique : concilier libertés
individuelles et ordre ; une contradiction perceptible jusque dans l'uniforme réglementaire des
sous-préfets mêlant le chêne et l'olivier, l'ordre et la paix. En partant d'une définition
restrictive, nous pouvons dire que l'ordre public est la capacité conférée aux pouvoirs publics
– à l'État – de garantir à chaque citoyen la sécurité, la sûreté, la moralité et la tranquillité dans
l'espace public35. Au fil de l'Histoire la notion s'est enrichie de nouveaux éléments, la
jurisprudence administrative ayant notamment consacré les libertés individuelles.
Aujourd'hui, on pourrait parler d'une notion beaucoup plus large de l'ordre public qui
comprendrait la défense - en sus de la sécurité et de la sûreté, des droits et libertés
individuelles. Dans cette acception plus large de l'ordre public, la notion est toujours
contradictoire puisqu'il ne faut pas que la recherche de l'ordre public ne soit un frein elle
même aux libertés individuelles...
34 Le décret du 29 avril 2004, relatif à l'organisation des services déconcentrés de l'État et aux pouvoirs des préfets, stipule que le sous-préfet « assiste le préfet dans la représentation territoriale de l’État et sous son autorité veille au respect des lois et règlements et concourt au maintien de l’ordre public et de la sécurité et à la protection des populations, anime et coordonne l’action dans l’arrondissement des services de l’État et participe à l’exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités territoriales ».
35 Ancien article 97 du code des Communes.
23
Aujourd'hui néanmoins, les sous-préfets s'accordent à qualifier « d'ordre public » les
missions régaliennes de l'État. A la question « qu'est ce que l'État ? » Claudie Quillien36
répond volontiers qu'il s'agit « du régalien, c'est à dire l'ordre public dans son acception la
plus large (santé, sécurité, sûreté...) ». La notion d'ordre public est au cœur de la fonction de
sous-préfet comme le rappelle Jacques Troncy37 : « je pense que nos concitoyens sont encore
très attachés aux fonctions régaliennes qu’assure l’administration préfectorale, notamment en
termes de sécurité publique. »
La notion, si elle évolue, reste marquée par la représentation de l'État dans les
territoires. S'il doit aujourd'hui partager son monopole d'application de l'ordre public, il reste
un acteur privilégié et apprécié pour sa définition. Malgré l'évolution de ses missions, que
nous verrons dans une deuxième partie, la notion d'ordre public est centrale, quitte à redevenir
un enjeu pour le sous-préfet de demain.
36 Inspectrice générale de la Jeunesse et des Sports, cf. annexes.37 Sous-préfet de Castres, cf. annexes.
24
CHAPITRE 2
LE SOUS-PRÉFET : UN INTERLOCUTEUR PRIVILÉGIÉ
AU CARREFOUR DE L'INFORMATION
_________________________________
Dans le chapitre précédent, nous avons fortement insisté sur l'ancrage territorial du
sous-préfet. En effet, des émissaires de Bonaparte aux haut-fonctionnaires d'aujourd'hui, si
leur rôle et leurs missions ont évolués, les sous-préfet restent, à l'heure du numérique, des
« fonctionnaires analogiques », localisés dans l'espace, territorialisés.
Les sous-préfets sont des hommes de terrain, par goût pour l'action et les territoires
pour la majorité d'entre eux. Ils entretiennent au sein de leur arrondissement une proximité de
fait avec tous les acteurs qui participent d'un territoire et le font vivre. A travers les différents
entretiens réalisés pour ce mémoire, il est une évidence qui pourtant saute aux yeux : le sous-
préfet incarne l'État. A l'échelon territorial et à contre-pied du jacobinisme, « L'État c'est lui ».
Il entretient donc des liens avec l'ensemble de la population de son arrondissement : les élus,
les acteurs socio-économiques et les citoyens.
Nous verrons que l'action publique se façonne autant sur le terrain - en fonction des
problématiques et du contexte économique, culturel ou social, qu'à Paris. Le développement
local ne se décrète pas, l'État l'a compris et le sous-préfet se place naturellement en position
d'arbitre et de médiateur. Et ce, même dans le cadre de ses fonctions les plus traditionnelles
comme le contrôle de légalité.
25
Section 1 : L'arrondissement, quel territoire pertinent ?
Le découpage administratif que constitue l'arrondissement n'a jamais réellement su
trouver sa place dans le paysage administratif français. Dénué de toute personne morale, il
fournit pour l'essentiel un cadre d'action au sous-préfet en poste. Pourtant, si la science
administrative a unanimement reconnu leur relative inutilité, leur découpage n'a quasiment
subi aucunes modifications hormis celles de 1926. Toutefois, à l'heure de la décentralisation,
avec l'idée que la dynamisation des territoires est la clef du développement local, la France est
repartie à la recherche du territoire pertinent.
La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du
25 juin 1999 dite « loi Voynet » créait dans les années 2000 les Pays. Ces structures souples
devaient œuvrer pour le développement local en s'affranchissant un peu de l'encombrant
héritage administratif (communes et départements principalement) afin de mettre en œuvre un
développement local efficient. La loi Voynet confiait à l'Etat le soin de fixer, en accord avec
les collectivités locales, les contours de chacun de ces Pays ; comment ne pas penser alors au
sous-préfet ? En effet, ces derniers ont été les véritables assembleurs de la réforme puisque ce
sont les conseils de développement de l'arrondissement qui ont bien souvent posé les bases
des « chartes de pays »
1. Un maillage des arrondissements imparfait...
S'il est indéniable qu'un découpage administratif est arbitraire et par définition
incomplet, plusieurs experts ont récemment témoigné d'un vif regain d'intérêt pour
l'arrondissement en tant qu'échelon pertinent. Il est clair que le seul critère de la population est
insuffisant car les priorités à traiter dans l'arrondissement varient bien plus en fonction
d'autres éléments. Le sous-préfet Fuzeré fait remarquer à juste titre qu'avec la reconcentration
des services de l'État au niveau régional, un échelon local pour l'action de l'État sera d'autant
plus nécessaire38. Les situations locales sont différents et bien des exceptions pourraient
confirmer la règle.
Citons ici les exemples de l'Ardèche et des Hautes-Pyrénées. Deux départements qui
ont pour sous-préfecture Largentière et Tournon-sur-Rhône (Ardèche ), Bagnères-de -Bigorre
38 Cf. annexes.
26
et Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées). Ces chef lieux administratifs ne recoupent plus
totalement la réalité économique et sociale de leurs départements. En effet, en Ardèche,
Annonay est la plus grande et dynamique ville du département mais ne représente rien
administrativement puisque Privas (8 000 habitants) est la préfecture et que les deux sous-
préfectures ne comptent que 1 900 habitants (Largentière) et 10 000 habitants (Tournon-sur-
Rhône). L'exemple est similaire dans les Hautes-Pyrénées où les deux chef-lieux
d'arrondissement comptent moins de 10 000 habitants alors que la ville de Lourdes, qui en
compte deux fois plus, n'abrite pas de sous-préfecture.
L'histoire a créé des inégalités, souvent justifiées, dans le maillage territorial des sous-
préfectures. Les départements alsaciens et la Moselle, en raison de leur histoire industrielle,
disposent ainsi d'un réseau de sous-préfets particulièrement dense. Cette situation tranche
radicalement avec celle d'arrondissements plus urbains. A l’heure où les problèmes
d'aménagement mobilisent à la fois l'État et les collectivités territoriales, les arrondissements
les plus en difficulté sont aussi ceux qui sont, en termes de sous-préfet par habitant, les plus
lésés. De même, les secrétaires généraux des préfectures qui sont également sous-préfets de
l’arrondissement chef-lieu, consacrent moins de temps à leur arrondissement où pourtant les
enjeux et difficultés urbaines sont souvent aussi importants. Ces difficultés sont souvent
exprimée par des élus ne sachant pas spontanément vers qui se diriger pour des questions
concernant l’arrondissement de la préfecture, mais dont l’importance ne justifie pas qu'elles
soient évoquées avec le préfet.
2. … Qui n'est pas fondamentalement problématique
Ces exemples mettent en exergue le fait que « l'arrondissement pertinent n'existe
pas »39. Monsieur Patrick Cousinard, ancien sous-préfet de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne),
apporte une nuance dans l'analyse en précisant que la pertinence d'un échelon administratif
comme l'arrondissement doit s'évaluer à l'aune des politiques publiques qu'il doit mettre en
œuvre. Les problématiques divergent selon le point de vue que l'on adopte et les contours d'un
bassin d'emploi ne sont pas les mêmes que ceux d'un bassin de vie. Le tropisme français
conduit parfois à assimiler systématiquement décentralisation et dynamisme local. Le sous-
préfet peut se poser légitimement en médiateur avisé du développement de son territoire. A ce
titre, l'arrondissement constitue les frontières de son action dont les limites importent peu
comme le pensent unanimement « les oracles administratifs » chers à Honoré de Balzac.
39 Propos du sous-préfet Hugues Fuzeré.
27
Ainsi, la question de la délimitation des arrondissements ne devrait pas constituer la
principale préoccupation de la puissance publique. Bien qu'imparfaite, c'est à l'aune des
nouvelles missions des sous-préfectures qu'il faudra évaluer leur portée, pour que l'État puisse
y exercer à la fois ses missions d'autorité et d'arbitrage. Notons enfin qu'avec 342
arrondissements, le maillage territorial qui, rappelons le, a très peu évolué en deux siècles
reste un atout majeur de l''État au local. En effet, les sous-préfets y sont de plus assignés à
résidence, ce qui fait des arrondissements les véritables terminaisons nerveuses de l'action
publique au plus près des réalités locales. La carte des arrondissements n'a connu quasiment
aucun changement en deux siècles et cette stabilité administrative unique contraste vivement
avec l'évolution des missions dévolues aux sous-préfets et plus largement à la mutation
profonde de l'action publique. De plus, l'article 135 de la loi du 13 août 2004 permet au préfet
de région de remodeler les limites des arrondissements placés sous son autorité.
Le sous-préfet est à ce titre le mieux placé pour être l'interlocuteur permanent de son
territoire. C'est un représentant de l'État qui, selon la formule, fait circuler l'information dans
les deux sens au sein de son arrondissement. La question de sa circonscription géographique
est un problème que l'histoire a résolue d'elle-même. Si le département est dénoncé comme
trop large pour mener à bien des projets de territoire, l'échelon de l'arrondissement ne sera pas
forcément le plus pertinent partout pour mener à bien ces mêmes projets quand le découpage
administratif ne reflète que partiellement la complexité du réel. Par ailleurs, on est en droit de
se demander si c'est bien le rôle du sous-préfet d'être l'instigateur d'un projet ou même le
porteur. Alors que Jacques Troncy, sous-préfet de l'arrondissement de Castres, se définit lui-
même comme un facilitateur, un médiateur, il convient de voir si ce ne sont pas les sous-
préfets, plus que les arrondissements, qui ont évolués. L'arrondissement est l'échelon le plus
territorialisé pour l'action de l'État dans ses compétences les plus larges. A ce titre, il mérite
d'être valorisé, plus qu'il ne l'a été pendant longtemps. Néanmoins, il serait vain d'en faire le
territoire pertinent par excellence ou le terreau systématique des projets de développement
local. C'est à un autre titre que l'arrondissement impose sa légitimité : la médiation entre les
acteurs qui forment un territoire.
28
Section 2 : Au plus près des citoyens
Dans sa circonscription administrative, un sous-préfet est le dernier relai de la machine
étatique. Il doit concilier efficacité et efficience, ce qui n'est pas toujours aisé. Dans les sous-
préfectures, il est un interlocuteur privilégié pour répondre aux besoins de tous les acteurs, au
premier rang desquels les citoyens.
1. Les services à la population
La sous-préfecture est historiquement une administration dite « de guichet », ce qui est
appelé à changer dans les années à venir, nous le verrons. Mais jusqu'à présent, une grande
majorité des citoyens connaissaient l'hôtel de la sous-préfecture pour les diverses missions
suivantes :
✗ L'ouverture des enquêtes de droit commun en matière d'expropriation ;
✗ La délivrance des cartes grises de voiture ;
✗ L'enregistrement de création d'associations ;
✗ La délivrance des permis de chasse ;
✗ Le contentieux en matière d'urbanisme ;
✗ Le dépôt des listes de candidature aux élections municipales.
La sous-préfecture assure encore bien d'autre missions qui en font un lieu central de la
vie d'un territoire où convergent les informations et les citoyens. Mais c'est aussi l'endroit qui
rassemble les mécontentements, ce que nous verrons un peu plus tard. En moyenne, on
constate qu'un quart des habitants d'un arrondissement fréquente la sous-préfecture dans
l'année ; c'est le lieu d'une véritable institutionnalisation du dialogue de l'État avec le citoyen.
Le sous-préfet Hugues Fuzeré a tenu dans son entretien à insister sur cet aspect :
« Je tiens à insister sur le fait qu’il y a un rôle qui n’est écrit nulle part dans les textes et qui se
développe pourtant de plus en plus. Je veux parler de la fonction de médiateur dans les conflits.
Conflits dans lesquels l'État n’a aucune compétence. Des conflits de voisinage par exemple ou
des conflits après les élections. Cela tend à se développer de plus en plus. C’est une activité
chronophage. Avant de prendre un avocat, on va voir le Sous-préfet. Surtout en zone rurale ».
29
Même si la plupart des citoyens ne passeront pas le comptoir du guichet, il n'est pas
rare que le haut-fonctionnaire rencontre régulièrement des administrés. Le fait d'être dans une
zone rurale influe beaucoup sur les rapports qui s'établissent entre un sous-préfet et ses
administrés, notamment sur des questions propres aux zones rurales comme les conflits
fonciers ou les problèmes d'urbanisme. Monsieur Hugues Fuzeré note également que cette
activité qui est pourtant « chronophage » n'est inscrite nulle part dans les textes législatifs ou
règlementaires. Pourtant, les sous-préfets revêtissent ici naturellement leur rôle d'arbitre et de
médiateur, de « juge de paix » parfois. C'est ce qui fait le charme du métier pour certains mais
qui en dit long sur la polyvalence de leur fonction et surtout sur la capacité d'une institution à
s'adapter au mieux aux défis d'un État en pleine mutation.
2. Le monde économique et associatif
Le dynamisme économique et la lutte contre le chômage constituent des politiques
publiques majeures pour les sous-préfets, nous y reviendrons. Il est donc naturel qu'ils
consacrent une large part de leur temps à rencontrer les acteurs économiques d'un territoire.
Ainsi, les chefs d'entreprise n'hésitent pas à avoir recours aux services de la sous-préfecture
ou à son haut-fonctionnaire directement. De même, les sous-préfets entretiennent des relations
étroites avec les chambres consulaires, surtout si l'arrondissement est à forte connotation
industrielle ou artisanale. Monsieur Troncy, connait bien cette problématique puisque sa
circonscription administrative est le deuxième bassin industriel de Midi-Pyrénées.
« Le développement économique est caricatural de cet enchevêtrement. Un entrepreneur, s’il
veut de l’aide pour implanter son activité sur un territoire est face à huit ou neufs
interlocuteurs ! Les élus, l’État, les consulaires, les associations ! Le sous-préfet a ce rôle de
régulateur, de médiateur. »40
On ne saurait être plus clair. A l'heure où la recherche de la compétitivité des territoires
semble relever de l'unique décentralisation, on s'aperçoit que l'État joue encore un rôle
primordial. Ce rôle de médiation est d'ailleurs tout à fait reconnu par le juge administratif
dans le cas d'une entreprise en difficulté par exemple. Dans ce cas, le juge peut faire appel au
travail du sous-préfet en la matière.
40 Cf. annexes.
30
Il convient de noter également les fortes relations qui existent entre le monde
associatif et les sous-préfets, notamment en matière d'insertion et de formation
professionnelle. « Les associations jouent un rôle primordial en termes de cohésion sociale et
de notre côté, nous les aidons pour le montage de dossiers »41. Par cette phrase, Claudie
Quillien insiste grandement sur le fait que dans les relations locales des sous-préfets, les
associations constituent un interlocuteur primordial.
Le temps que passera un sous-préfet à mettre en œuvre une politique publique dans
son arrondissement dépendra bien évidemment des besoins locaux. Si le sous-préfet de
Sarreguemines cherche des solutions pour lutter contre l'affaiblissement quotidien du bassin
industriel, son confrère de Florac (Lozère) sera sûrement plus préoccupé par des
problématiques liées à l'industrie touristique. Jacques Troncy le résume en ces termes : « la
fonction s'adapte au territoire ».
La sous-préfecture est l'interface entre Paris et le local. Ainsi, le sous-préfet coordonne
les politiques publiques en privilégiant l'interministérialité, et ce rôle est appelé à prendre de
l'ampleur. En effet, il est fréquent que les représentants des administrations locales viennent à
la rencontre du sous-préfet ou de ses services : La gendarmerie, le directeur du pôle emploi,
les services du conseil général... Il fait le lien entre le décentralisé et le déconcentré, le local et
le national. Au sein même de l'administration, le sous-préfet est placé au carrefour de
l'information.
Le sous-préfet, en tant qu'observateur avisé d'un territoire est le mieux à même de
jouer un rôle de médiation entre la périphérie et le local. La permanence de la figure du sous-
préfet depuis plus de deux cents ans doit nous interroger sur sa relation privilégiée avec les
administrés. Relation qui a survécu aux mutations profondes de la France et de ses modes de
gouvernement. Ainsi, si la décentralisation est en marche et semble se renforcer
inéluctablement, les sous-préfets sont unanimes : l'État reste le recours préféré des citoyens de
ce pays.
41 Cf. annexes.
31
Section 3 : Le besoin d'État
Ce lien privilégié entre les citoyens et le sous-préfet peut interpeler. En effet, alors que
les médias en général, et la science en particulier, proclament irrémédiablement la « fin de
l'État » et le renouveau du pouvoir local, dans la réalité, l'État est l'arbitre souverain. Le maire
et le sous-préfet restent les figures d'une administration de proximité, comme nous avons pu
le voir ci-dessus. Ainsi, il n'est pas rare que les agents de la sous-préfecture renseignent
utilement les usagers pour les rediriger vers les services de l'État ou les collectivités locales
adéquates.
Alors que les compétences sont transférées vers les collectivités, les usagers se
retournent « instinctivement » vers l'État et son représentant local : le sous-préfet. Interrogé
sur cette contradiction, le sous-préfet Fuzeré fait un constat pour le moins contre-intuitif :
« L’État est plus que jamais présent sur le territoire. Il y a un besoin d’État qui ne va pas en
diminuant. ». Le sociologue Jean Leca parle quant à lui du « besoin de gouvernement, voire
d'État […] inscrit dans le programme sociologique des sociétés européennes »42.
Nous touchons ici à une autre dimension du métier de sous-préfet, la part de
représentation. Celle-ci est d'autant plus importante dans les arrondissements ruraux où le
sous-préfet symbolise l'unité nationale.
1. Les commémorations
Les commémorations et autres représentations officielles occupent une part non
négligeable des agendas des sous-préfets, il convient donc d'évoquer cette activité. Présents
aux côtés des élus dans les cérémonies officielles, ils sont le symbole de l'État dans toutes les
cérémonies protocolaires : dépôts de gerbes, défilé du 14 juillet, inaugurations, funérailles...
Les sous-préfets sont en général attaché à cette dimension de leur travail, notamment au
regard de l'importance que leur présence revêt aux yeux participants. Lors d'un entretien,
Claudie Quillien qui fut en poste dans l'arrondissement de Pamiers, faisait remarquer la chose
suivante :
42 Jean Leca, La gouvernance de la France sous la Vème République. Une perspective de sociologie comparative, dans François d'Arcy, Luc Rouban (dir.), De la Vème République à l'Europe, Paris, Presses de Sciences Po, p.362.
32
« Bien évidemment, dans une zone rurale plus qu'ailleurs, le sous-préfet est le représentant de
l'État. Je prendrai l'exemple des commémorations. Je n'ai jamais déposé autant de gerbes que
lorsque j'étais sous-préfet de Pamiers ! Blague à part, les anciens combattants sont très attachés
à ces instants de commémoration. C'est très important puisque l'on incarne l'État dans ces
moments là, même sous les aspects les plus symboliques... »
La présence d'un haut-commis de l'État donne une austérité et une solennité toutes
particulières aux cérémonies auxquelles ils participent, ce qui rend bien souvent la présence
des sous-préfets obligatoire. A la différence des élus, on a le sentiment qu'ils s'effacent
derrière la raison d'État. Ce qui, aux yeux des citoyens et à la différence des élus, les
dédouanent des querelles politiques locales. Ce sentiment de dévotion est relativement bien
perçu et même apprécié par les populations qui reconnaissent en ces hauts-fonctionnaires de
terrain des « hommes de bien ».
2. L'État par vocation, la dévotion pour vertu : la reconnaissance populaire
Une enquête réalisée en 1992 par Marie-Françoise Haye-Guillaud, alors préfet du
Cantal, nous donne des indications utiles43. Malgré la vétusté de l'enquête, on peut préjuger
que les résultats seraient encore aujourd'hui pratiquement similaires. Ainsi, en 1992, l'étude
affirmait le sous-préfet comme dévoué au service de l'État pour 93% des sondés, bien informé
des affaires locales (87%), impartial (75%) et efficace (76%). Si les sondés remarquent qu'il a
moins de pouvoirs que le préfet, ils reconnaissent pourtant sa singularité en notant que son
rôle principal est de porter la parole de l'État (35%), qu'il est un médiateur et qu'il s'acquitte au
niveau local de tâches de négociation.
Cette enquête confirme le sentiment d'attachement des Français à l'arrondissement et
le fait qu'ils ne considèrent pas le sous-préfet comme un simple subordonné du préfet mais
plutôt comme un fonctionnaire singulier aux missions différentes mais toutes aussi
importantes que celles du préfet.
43 Enquête parue dans la revue Administration, n°158, p.149-154.
33
Section 4 : Le relais avec les élus et les collectivités locales
Nous n'avons jusqu'à présent pas évoqué les interlocuteurs privilégiés des sous-préfet,
à savoir les élus. En effet, nous avons évoqué plus haut le rôle pivot que joue
l'arrondissement, entre déconcentration et décentralisation. Le sous-préfet est en contact
permanent avec l'ensemble des élus de son territoire pour répondre à leurs attentes diverses et
variées. Il doit conjuguer l'État avec les spécificités locales en respectant l'autonomie des
collectivités territoriales tout en exerçant son devoir de tutelle.
1. Au quotidien avec les élus
« Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive, ou que je me rende quelque part, pour
rencontrer des élus »44. Les contacts entre les élus et le représentant territorial de l'État sont
multiples : dossier de particulier, montage de projets, financements croisés, contrôle de
légalité, problèmes techniques... Chacun des élus de la République rencontre forcément le
sous-préfet. Certains d'entre eux ont des contacts très réguliers avec les sous-préfets, tels les
maires et les conseillers généraux.
En effet, il paraît intéressant d'ouvrir une parenthèse sur les relations qu'entretiennent
les élus avec les sous-préfets car ces derniers le concèdent aisément, ils sont leur « fonds de
commerce » . De par le contrôle de légalité et les aspects « régaliens », les maires et les
conseillers généraux sont les interlocuteurs les plus naturels pour le sous -préfet. Les exécutifs
des conseils généraux et régionaux s'adressent plus naturellement au préfet de département
et/ou de région. Toutefois, les contacts avec les parlementaires sont très fréquents, ces
derniers cumulant souvent leur mandat avec une responsabilité locale.
Les élus apprécient la présence du représentant de l'État dans l'arrondissement
puisqu'il est une figure légitime et surtout neutre. Les sous-préfets œuvrent aux dossiers,
indifférent au poids politique et aux critères partisans. Dans ce cadre, une fois de plus, ils sont
des acteurs incontournables pour leur expertise de l'action publique locale.
44 Propos de Monsieur Jacques Troncy.
34
2. Le conseiller
Sur les 36 000 communes françaises, on imagine aisément qu'une large majorité des
maires a recourt au sous-préfet d'arrondissement comme conseiller. En effet, les édiles
municipaux sont très demandeurs de conseils pour le portage et le montage de dossiers. Et ce,
en termes de financement croisé, de questions juridiques, de relais aussi. L'appui du sous-
préfet au local est aussi fondamental que celui du député ou du sénateur pour faire valoir un
projet à Paris. Car pour accéder à une subvention ou un agrément étatique, il faut que ces
derniers usent de tout leur poids pour être « la relation des élus qui n'ont pas de relation » à
Paris.
Cette fonction de conseil est vécue comme une assistance légitime, un juste retour des
choses quand l'État se désengage de plus en plus, surtout en milieu rural. Face à
l'augmentation constante des documents réglementaires et à la raréfaction des sources de
financement, nombre d'élus locaux sont dans le désarroi. C'est donc sans contrepartie explicite
que les sous-préfets acceptent ce rôle, nullement mentionné dans les textes, mais tellement
prégnant sur le terrain. Cette assistance se justifie au regard de la solidarité qui prévaut entre
les communes disposant de peu de moyens humains ou financiers, et l'État. Dans un certain
sens, le sous-préfet est un facilitateur, un réducteur de la complexité administrative qui permet
d'extirper les maires de la complexité apparente d'un dossier.
Il peut également les rassurer ou les informer sur les décisions politiques nationales
impactant les territoires. Le sous-préfet est à la tête de l'arrondissement mais son métier est
pour une large part indépendant de l’activité principale de celle-ci (délivrance des titres,
administration générale) si l'on excepte cette mission de conseil aux élus, le contrôle de
légalité et la sécurité des établissements recevant du public.
De plus, les élus apprécient la neutralité du sous-préfet. L'avis des haut-fonctionnaires
est largement pris en compte par les élus locaux qui apprécient un point de vue dégagé des
tropismes locaux, des querelles ou des oppositions politiques. Cette fonction de
« modérateur », de producteur de consensus est régulièrement rappelée par les élus qui citent
facilement le sous-préfet comme un médiateur local apprécié.
L’importance prise par la coopération intercommunale aura des conséquences non
négligeables sur l’avenir du métier de sous-préfet. Si le taux d’EPCI varie selon les
35
territoires45, il reste que plus d'un dixième de la population française ne réside pas sur une
d'intercommunalité et plus de 4 000 communes restent isolées. De plus, la taille
démographique des communautés de communes qui représentent 93% des EPCI reste
modeste (aux alentours de 10 000 habitants). Cela explique que le recours aux conseils et à
l'expertise du sous-préfet n’ait pas notablement faibli. Les témoignages le confirment :
beaucoup de présidents de petites communautés de communes ont les même attentes vis-à-vis
du sous-préfet que les maires des communes modestes. Ainsi, malgré le développement des
Établissements Publics de Coopération Intercommunale, la demande de conseil de la part des
décideurs locaux n'a pas connu de diminution, on note même une légère inflation. En effet,
cette strate administrative supplémentaire a considérablement compliqué le montage de
dossiers et les élus locaux aiment pouvoir confronter les points de vue sur des dossiers
complexes.
Toutefois, on est en droit de s'imaginer que les intercommunalités récupérant une
partie des compétences des anciennes directions déconcentrées de l'État seront en capacité de
générer une expertise autonome sur un grand nombre de dossiers. Ajoutons à cela que la
totalité des communes françaises devront faire partie d'une d'intercommunalité d'ici 2013.
Citons ici l'exemple de l'urbanisme. Les DDEA doivent fournir une prestation gratuite aux
communes rurales en matière de droit des sols ou d'ingénierie technique (l'ATESAT). Dans
ces cas là, les maires faisaient directement appel à l'expertise de l'État. A présent, certains
EPCI peuvent s'approprier une partie de ces compétences – les communautés d'agglomération
et communautés urbaines. Celles-ci doivent alors être en mesure de fournir une prestation de
conseil aux communes membres équivalente à celle délivrée alors par la DDEA. On peut
supposer que, dans une moindre mesure, il pourrait à terme en advenir de même pour la
fonction de conseil des sous-préfets.
Au delà, en matière de coopération intercommunale, la loi du 12 juillet 1999 dite loi
Chevènement donne au préfet le pouvoir de contrôler la création, l'extension et même les
compétences transférées aux EPCI, comme nous l'avons vu avec l'exemple précédent. Le
projet actuel de réforme des collectivités territoriales semble confirmer cette tendance puisque
le préfet de département conserve le pouvoir d'initiative en matière d'intercommunalité. On
voit donc difficilement comment le préfet pourrait se passer de son ou ses sous-préfet(s)
présent(s) sur le terrain pour juger de l'opportunité de création ou de modification de la carte
des EPCI.
45 Le taux varie entre 70% et 99% selon les régions et descend au-dessous de 50% en Ile-de-France.
36
Toutefois nous n'en sommes pas encore là et les sous-préfets officieront encore
longtemps comme conseillers des élus. Nous y reviendrons et cette fonction non négligeable
illustre un autre type de relation entre l'État et les collectivités, sur un pied d'égalité. Cette
évolution s'illustre mieux au travers du contrôle de légalité.
3. L'exemple du contrôle de légalité
La loi du 2 mars 1982 dite loi Defferre supprime le contrôle de tutelle a priori
qu'exerçaient alors les préfets pour y substituer un contrôle a posteriori des actes des
collectivités territoriales. Cette loi eut l'effet d'une bombe dans notre paysage administratif
jacobin, la décentralisation étant érigée comme principe républicain. Cette loi avait provoqué
un certain malaise à l'époque dans le corps préfectoral puisque plusieurs préfets avaient
menacé de démissionner46. Depuis, c'est sur sur la base de l'égalité entre État et collectivités
que s'exerce le contrôle de légalité. Ainsi, chaque collectivité et établissement public local
doit transmettre au préfet les actes votés en assemblée plénière pour que ces derniers soient
exécutoires47. Le contrôle ne s'effectuant non plus sur l'opportunité mais sur la légalité des
décisions. Le représentant de l'État dans le département a par la suite le pouvoir de déférer
certains de ces actes au juge administratif.
Le contrôle de légalité, même a posteriori, est une composante essentielle du rôle
régalien qu'exerce encore l'État au local. On pourrait y voir une véritable source de
contentieux sur les six millions d'actes transmis chaque année en préfecture. Et pourtant,
moins de 0,022% de ces actes font l'objet d'un déféré devant le juge administratif ! On
comprend donc ici qu'il ne s'agit pas que d'un traitement contentieux mais d'une véritable
coproduction entre les représentants de l'État et les collectivités. Les arrondissements
prennent une part non négligeable dans ce travail de conseil aux collectivités en général et aux
communes en particulier. En effet, nous l'avons dit plus haut, les sous-préfets entretiennent
des liens étroits avec les élus qui n'hésitent pas à faire appel à leur compétence pour tel et tel
acte ou pour rédiger correctement une délibération qui, bien souvent, est calqué sur le modèle
qu'a transmis bien volontiers le sous-préfet par mail... Mais laissons ici la parole aux sous-
préfets Cousinard et Troncy:
46 C'est pourquoi un décret du 10 mai 1982 rappelle toutefois que le préfet est simplement « dépositaire de l'autorité de l'État dans le département ».
47 Cela concerne plus de 6 millions d'actes transmis chaque année, recensés à l'article L3121-2 du CGCT.
37
« En ce qui concerne le contrôle de légalité, nous avons bien sûr un rôle de conseil. Il faut être
pédagogique. Exercer le contrôle de légalité en privilégiant la souplesse et l’arrangement au
recours gracieux. Surtout en zone rurale. La part du conseil est fondamentale. Les maires
appellent eux-mêmes pour savoir comment rédiger une délibération ! »48
« Mais le contrôle de légalité ne se résume pas à cela. Il s‘accompagne bien évidemment d’un
travail d’appui et de conseil avec les acteurs du territoire et les élus. Ça peut même aller jusqu’à
la rédaction de certaines délibérations ! J’aide les exécutifs locaux pour le montage de projets,
pour leur expliquer certain rouages administratifs et au besoin les aider. Cela va du maire de
Castres, aux maires des plus petites communes »49
Les sous-préfets n'exercent pas directement le contrôle de légalité sur toutes les
collectivités de l'arrondissement, même si, dans un fonctionnement normal, ils prennent
connaissance de l'ensemble des actes des collectivités de leur arrondissement. Ils les
transmettent ensuite en préfecture ; c'est au préfet qu'il revient d'exercer le contrôle in fine.
Toutefois, il est important de noter que les sous-préfets peuvent justifier certaines décisions
des collectivités auprès du préfet qui écoutera attentivement les remarques de son représentant
dans l'arrondissement. Ainsi, dans l'optique de la modernisation de l'État qui prévoit de
décharger définitivement les sous-préfets du contrôle de légalité50, il ne faut pas sous-estimer
le travail fondamental qu'exercent les sous-préfets aux côtés des élus. L'État soutient les
collectivités dans un rapport de confiance, supprimer la place de l'arrondissement dans le
contrôle de légalité aurait pour effet de déconnecter irrémédiablement l'État du territoire
national et pourrait instaurer une relation de défiance avec les représentants des collectivités
et des établissements publics locaux.
Le sous-préfet c'est donc « l'administration à échelle humaine », le représentant
territorial en prise avec tous les pans de la vie de son arrondissement : les citoyens, les
associations, les consulaires et surtout les élus. Son rôle de conseil est primordial, c'est un
facilitateur apprécié des élus, notamment pour sa capacité à créer le consensus.
48 Cf. interview de Monsieur Cousinard, en annexe.49 Cf. interview de Monsieur Troncy, en annexe.50 Cf. infra, directive nationale d'orientation des préfectures.
38
Ainsi la fonction a survécu, malgré les aléas de l'Histoire, aux redéfinitions de l'action
publique sur plus de deux siècles. Preuve s'il en est de l'importance d'une présence de l'État au
plus près de ses administrés. Cette permanence du corps sous-préfectoral a su évoluer au fil
du temps malgré la recomposition de l'État, vivant ainsi le passage de l'action publique aux
politiques publiques.
39
DEUXIEME PARTIEDEUXIEME PARTIE
UNE FONCTION RENOUVELÉE :LE CADRE DES RÉFORMES
DANS LA PARTIE PRÉCÉDENTE NOUS AVONS PU VOIR QUE LES SOUS-PRÉFETS AVAIENT SU TROUVER
LEUR PLACE AUPRÈS DES ACTEURS LOCAUX. ULTIME RELAI, L'ARRONDISSEMENT EST LE LIEN QUI UNIT
L'ÉTAT ET SON TERRITOIRE. LES TEXTES DÉFINISSENT POURTANT MAL OU PARTIELLEMENT CE RÔLE DE
MÉDIATEUR AUPRÈS DES CITOYENS OU DES ÉLUS.
DANS CETTE SECONDE PARTIE, NOUS NOUS ATTACHERONS À DÉFINIR PLUS CLAIREMENT LES
FONCTIONS DU SOUS-PRÉFET DANS SON ARRONDISSEMENT POUR ESSAYER D'EN DONNER UNE DÉFINITION
PLUS COMPLÈTE QUE LES TEXTES ADMINISTRATIFS. IL APPARAÎT NÉCESSAIRE DE DÉPASSER LE CADRE
PUREMENT JURIDIQUE QUI ENSERRE LE MÉTIER POUR SE DEMANDER CE QUE RECOUVRE RÉELLEMENT LA
NOTION « D'ANIMATEUR DU DÉVELOPPEMENT LOCAL » ? C'EST À CETTE QUESTION QUE NOUS NOUS
ATTACHERONS À RÉPONDRE DANS CETTE PARTIE. NOUS ESSAYERONS ENSUITE D'ÉCLAIRER CES
CONCLUSIONS À LA LUMIÈRE DES RÉFORMES ACTUELLES DE L'ÉTAT, RGPP ET LOLF PRINCIPALEMENT.
40
CHAPITRE 1
LE MÉDIATEUR D'ACTION PUBLIQUE
_________________________________
Le titre de ce chapitre reprend volontairement un vocable chers aux sociologues, et
notamment aux sociologues de l'action publique. Nous allons voir dans ces quelques pages
que les constats réalisés précédemment sont les ferments d'une analyse qui dépasse le cadre
juridique stricto sensu de la fonction..
Loin d'être exhaustif à propos du métier de sous-préfet – d'autres ont su le faire avant,
ce travail cherche également à illustrer un nouveau modèle d'action publique, le visage d'un
nouvel État. En effet, nous avons d'ores et déjà pu constater plusieurs éléments :
✗ La permanence du métier de sous-préfet malgré les aléas politiques et
administratifs ;
✗ Paradoxalement, la mutation des missions et du paysage administratif et
institutionnel français ;
✗ La relation privilégié des sous-préfets avec les différents acteurs d'un territoire.
Tous ces éléments appellent une véritable analyse qui doit dépasser le champ de la
simple statistique. Les sous-préfets sont les oubliés de l'administration d'État alors qu'ils sont
pourtant les « faiseurs » de politiques publiques au plus près du terrain. Dans cette partie,
nous devrons nous attacher à analyser ces facteurs, à les lier ensemble afin de déterminer des
pistes de réflexion sur la mise en œuvre des politiques publiques au niveau territorial et les
interactions avec les acteurs locaux. Ces différents éléments nous permettront d'esquisser une
nouvelle définition actualisée du métier de sous-préfet d'arrondissement.
41
Section 1 : De « l'animateur du développement local » au « médiateur de politiques publiques »
Dans une conception simple et verticale du pouvoir politico-administratif, le sous-
préfet ne serait que le dernier des relais de la machine État dans les territoires. Pourtant ce
serait sous-estimer les interactions locales, dont la plus emblématique reste la collusion entre
notables et haut fonctionnaires comme nous l'avons vu51. Les « sous-systèmes locaux » sont
au moins aussi importants dans la mise en œuvre des politiques publiques que leur élaboration
à Paris. On ne compte plus le nombre d'initiatives plébiscitées sur le papier qui se sont
échouées sur le terrain faute de mise en œuvre efficace.
Les gouvernements centraux tendent de plus en plus à prendre conscience des effets
pervers des politiques publiques et revoient leur manière de procéder. Ainsi, Claudie Quillien
fait remarquer que l'expérimentation des politiques publiques sur des échelons tests est de
plus en plus la règle (le Revenu de Solidarité Active avait par exemple était essayé dans
quelques départements avant d'être mis en place au niveau national). Les sous-préfets
d'arrondissement ne sont donc pas que des « animateurs du développement local » pour la
simple et bonne raison que le « développement local » ne se décrète pas. L'État fait ici appel à
leurs compétences d'expert et de coordonnateur pour décliner au mieux les politiques
publiques nationales dans leur arrondissement. La vocation interministérielle de leur fonction,
rappelée dans les récents décrets, en est la preuve.
Pour analyser un peu plus en profondeur le rôle des sous-préfets dans la bonne
conduite de l'action publique, il conviendrait ici de tirer quelques enseignements de la
sociologie de l'action publique par le biais de plusieurs concepts dont notamment celui de
« médiateur de politiques publiques ».
1. Quelle(s) politique(s) publiques(s) ?
Nous l'avons vu à plusieurs reprises, si les lois et les règlements sont les mêmes sur
tout le territoire national, les situations locales sont loin d'être aussi homogènes. Par exemple,
les problèmes d'emploi sont très différents d'un territoire à l'autre : dynamisme, reconversion,
51 Cf. Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique, op. Cit.
42
crise... Les sous-préfets doivent en quelque sorte jouer une même partition mais de façon
différente selon l'arrondissement. Avant d'aller plus loin dans l'analyse, il apparaît donc utile
de définir préalablement le terme de « politique publique ».
Le sociologue Pierre Muller, dans sa théorie globale de l'État en action, évoque la
notion de « politique publique »52. Le chercheur propose de définir scientifiquement ce terme
qui souffre plusieurs acceptions puisqu'il est aussi bien utilisé par les chercheurs que par les
pouvoirs publics ou les médias. Pour ce faire, il propose de penser les politiques publiques
non plus comme une manière d'atteindre un objectif mais plutôt comme une fin en soi. Les
politiques publiques sont à ses yeux des lieux qui regroupent un ensemble d'éléments
hétérogènes (procédures administratives, fonctionnaires, hommes politiques, temps...) que
partagent des acteurs multiples. Prenons l'exemple de la politique de lutte contre le chômage –
aujourd'hui totalement institutionnalisée. Cette dernière mobilise des milliers de personnes,
des fonds publics, des fonctionnaires... ce qui en fait un véritable système indépendant de
l'État lui-même.
Prise dans cette acception, la notion de politique publique est plus large et recouvre
tous les niveaux de langage dont nous avons parlé. Une politique publique n'est donc pas
uniquement ce que décrète l'État, c'est aussi ce que devient un programme lorsqu'il est mis en
place sur le terrain, alors que d'autres acteurs (collectivités locales, associations, syndicats...)
s'en emparent. Dans un contexte d'autonomisation des partenaires institutionnels, la
« politique publique » en est le barycentre.
Les travaux de Pierre Muller et Yves Surel53, ainsi que d'autres situés dans la lignée de
la sociologie américaine54, ont notamment démontré cette autonomie croissante des
institutions. Dans un État de plus en plus décentralisé, le maillage politique et administratif se
densifie, augmentant encore ce phénomène d'autonomisation. Cette définition fait des
politiques publiques des objets à part entière qui font le lien entre ces différentes sphères
indépendantes. Le volontarisme politique, intrinsèquement lié à l'idée de réforme, se heurte
donc aux difficultés de la mise en œuvre. Le défi politique ne réside donc pas tant dans la
« bonne réforme» que dans sa réalisation concrète au plus près des citoyens.
52 Les politiques publiques , Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009, 128 p., 8e édition, 2002.53 Pierre Muller et Yves Surel, L'analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 1998.54 Les sociologues américains avaient, dès les années 1970, entamés ce retour vers le terrain, en n'étudiant plus l'État
« par le haut » mais « par le bas ». Cherchant à comprendre les véritables impacts des réformes sur les catégories concernés. Des chercheurs comme JL Pressman et Aaron Wildawski (cf. bibliogaphie) ont dès lors pu montrer combien des programmes publics populaires et consensuels étaient difficiles à mettre en place. Cela a donné lieu à une véritable théorie de « l'effet pervers » qui a ensuite été beaucoup étudié puis s'est diffusée dans la sociologie française sous le nom de sociologie de l'action publique.
43
Pierre Muller évoque ensuite ceux qu'il appelle les « médiateurs de politiques
publiques ». Il s'agit d'acteurs qui, à un moment donné, ont une vision globale des interactions
complexes engendrés par le programme public et donnent ainsi une certaine cohérence à
celui-ci.
Ce concept beaucoup plus large de « politique publique » est intéressant à plusieurs
égards. D'une part, il permet d'ouvrir le champ de l'action publique en ne le limitant ni aux
aspects juridiques ni à la sphère de la fonction publique. D'autre part, la notion de politique
publique permet de dépasser la différenciation entre sous-systèmes tels que les avait défini
Pierre Grémion, puisque leur conception théorique est toute aussi importante que leur mise en
œuvre. Dans cette vision, on ne se limite donc pas à l'appréhension de deux « sous-systèmes »
tels qu'il a pu les décrire. Les institutions apprennent les unes des autres et leurs actions se
complètent, parfois de façon involontaire, créant ainsi des externalités positives ou négatives.
Cette théorie de l'État en action peut nous permettre de définir de façon plus globale la
fonction des sous-préfets dans ce système de politiques publiques. Aussi, nous pouvons
retenir la définition que donne Jean-Claude Thoenig d'une politique publique :
« Une politique publique se présente sous la forme d'un programme d'action propre à une ou
plusieurs autorités publiques ou gouvernementales. Une politique publique est un problème en
tant qu'elle se situe dans un contexte social spécifique, par rapport à des enjeux, à des
populations, à des structures. »55
2. Donner du sens à l'action publique
Dans cette théorie intéressante de l'action publique, on est à même de retrouver tous
les éléments qui font la complexité du métier de sous-préfet et que nous avons pu évoquer
précédemment. A la croisée des chemins entre la mise en œuvre des politiques publiques et
leur conception, ils deviennent des interfaces de première importance. Sources d'information
sur la réussite des programmes publics, ils nourrissent les pouvoirs publics d'une expérience
de terrain solide permettant d'améliorer les actions engagées. Dans l'autre sens, de par leur
expertise de l'État, de ses procédures et de son fonctionnement, les sous-préfets fournissent
aux acteurs locaux (au premier rang desquels les élus) des informations et une aide
précieuses.
Si les politiques publiques sont un enchevêtrement institutionnel mêlant moyens et
55 In Sociologie des politiques publiques, Yves Mény, Jean-Claude Thoenig, op. Cit.
44
objectifs, les sous-préfets sont au carrefour des sphère locales et globales. Plus que des
animateurs passifs du développement local, terme générique peu à même de préciser leur
fonction, les sous-préfets d'arrondissement sont des acteurs essentiels dans la conduite des
politiques publiques : ils donnent du sens à l'action publique. Cette vision du corps peut
apparaître comme très subjective mais a le mérite d'englober et définir de manière complète le
rôle des sous-préfets. Ils sont devenus de véritables « médiateurs de politiques publique » au
sens de Pierre Muller.
Par ailleurs, on découvre ici un élément de recomposition de leur fonction. Cette
réalité actuelle n'était surement pas similaire lors de la création des arrondissements. La
décentralisation a accéléré ce mouvement vers une conception plus malléable des politiques
publiques, donnant un relief considérable au métier de sous-préfet. En effet, de manière
intuitive on serait amené à dire que les prérogatives de l'État diminuant, les sous-préfets furent
relégués à des missions de gestion. Bien au contraire, leur rôle de coordonnateur – de
médiateur- ne s'en est retrouvé que renforcé... d'une autre manière. Versant moins dans
l'injonction, moins tuteurs, ils sont aujourd'hui les alliés des acteurs du territoire.
S'il est difficile de trouver des textes définissant clairement la fonction de sous-préfet,
cela s'explique en partie parce que ce rôle de médiateur de politiques publiques est aussi
difficile à définir qu'il est difficile à accepter pour l'État. L'évolution du métier de sous-préfet
vers cette part croissante de médiation a été accéléré par la décentralisation et les différents
mouvements de réforme de l'État. Le corps et le métier ont évolués, la place toute particulière
des sous-préfets dans l'organisation administrative de l'État leur a permis d'anticiper ces
changements.
Section 2 : Le sous-préfet, dernier garant de l'intérêt général ?
Avec ce titre volontairement provocateur, nous touchons directement au cœur de
métier tel que défini par la loi du 28 pluviôse an VIII. En effet, en tant que représentant de
l'État au plus près des territoires, le sous-préfet d'arrondissement veille à la mise en œuvre des
politiques publiques mais aussi au respect de l'égalité et de la légalité républicaine sur tout le
territoire.
45
Dans l'idéal démocratique, le sous-préfet est un des rouages de l'exécutif à même de
faire respecter la volonté publique, celle du gouvernement et du Parlement, par le biais du
pouvoir réglementaire qui lui est conféré. L'héritage politique et institutionnel français
confond ainsi intérêt national et intérêt général.
Les nouveaux modes d'action publique nous amènent à revoir en partie ce constat à
l'aune des questions de développement harmonieux des territoires.
1. Renouer avec la solidarité
La décentralisation induit une véritable schizophrénie pour le corps préfectoral dans
son ensemble : « La République est indivisible. […] Son organisation est décentralisée »56.
Dans ces conditions, trouver le bon mode de gouvernement au niveau local tient d'un jeu
d'équilibriste pour l'État. Si la tutelle de l'État sur les collectivités a disparu, on relève que
l'État joue le rôle de « grand frère » dans le cadre de la solidarité entre les personnes
publiques. Des financements croisés au contrôle de légalité, en passant par les politiques
publiques régaliennes, l'État est aux côtés des collectivités pour progresser dans un esprit de
coopération plus que de tutelle. C'est cette nouvelle composition de l'action publique, encore
peu perceptible par le grand public, au cœur même du métier de sous-préfet d'arrondissement,
que nous allons approfondir.
En effet, c'est dans une optique bien moins coercitive de l'État envers les collectivités
locales que l'on retrouve le cœur de métier des sous-préfets : assurer la cohésion des
territoires. Les intéressés eux-mêmes le disent : loin des considérations partisanes, ils servent
exclusivement l' intérêt du territoire. « Souvent les solutions existent mais les gens passent à
côté parce qu’ils ont trop dans le conflit, persuadés qu’ils sont d’avoir raison »57. Même s'ils
servent les intérêts de l'État, le sentiment du « désintéressement » est très fort chez ces hauts-
fonctionnaires. Ceci est aussi lié à leur forte mobilité professionnelle et au fait qu'ils
s'engagent, sans parti pris, pour le poste auquel ils sont nommés. Monsieur Jacques Troncy
prenait l'exemple des financements croisés pour des projets et son constat tient en une phrase
simple : « qui aujourd'hui est capable de mettre tous les acteurs autour d'une table ? ». En
effet, dans des dossiers complexes, seul l'État a encore la capacité de réunir tous les acteurs
pour faire avancer un dossier.
56 Constitution de la Vème République, article I.57 Cf. interview du sous-préfet Cousinard en annexe.
46
C'est au travers de cet exemple que l'on ressent le nouveau rôle qu'endosse aujourd'hui
l'État envers les collectivités locales. Nous quittons le paradigme de l'État providence pour
glisser vers celui de l'État régulateur ; régulateur économique, social et culturel. l'État ne se
place ni au-dessus ni au-dessous, mais aux côtés des autres pouvoirs publics locaux. Nous
pourrions ici faire une analogie avec le fonctionnement de l'union européenne en parlant d'un
principe de subsidiarité s'exerçant sur les territoires, au profit de l'État. Cette évolution
conduit naturellement les fonctionnaires d'État à se considérer comme les derniers garants de
l'expression de l'intérêt général. Pourtant, ce qui émerge au final, c'est une nouvelle forme de
solidarité retrouvée, non pas sur un pied parfait d'égalité, mais sur des postures réciproques
qui tendent à y concourir. La décentralisation semble ainsi avoir nécessité la réalisation d'une
évolution du rôle de l'État lui-même. D'un pouvoir de décision arbitraire, le pouvoir étatique a
glissé vers un pouvoir d'arbitrage, d'influence et d'animation.
Les sous-préfets sont à l'avant garde de ces profonds changements de « style de
gouvernement », pour reprendre un vocabulaire cher à Jacques Lagroye58. La nature de la
relation qui tend à se tisser entre ceux que Pierre Grémion appelait jadis les notables d'un
territoire et les hauts-fonctionnaires, est en mutation profonde. Les sous-préfets, médiateurs
de politiques publiques comme nous l'avons vu, ne tendent-ils pas à devenir des experts du
territoire ?
2. Le sous-préfet « développeur »
La notion d'ingénierie du développement territorial est une idée au final assez simple :
faire concorder les intérêts des acteurs d'un même territoire pour atteindre un objectif
commun de développement durable et harmonieux ; il s'agit en quelque sorte de faire émerger
une « maîtrise d'ouvrage territoriale ». Dans cette métaphore urbanistique, les sous-préfets
pourraient être assimilés à des « assistants à maîtrise d'ouvrage ». De par leur connaissance à
la fois des territoires, des acteurs locaux mais aussi des procédures administratives et des
modes de financements, ils contribuent à faire émerger une notion pérenne d'intérêt général.
Les sous-préfets cumulent aujourd'hui toutes les compétences et les qualités requises
pour réaliser ce que l'on appelle de l'ingénierie de développement territorial. Ils opèrent des
diagnostics territoriaux, élaborent conjointement avec les élus des stratégies de
58 Jacques Lagroye (avec Bastien François et Frédéric Sawicki), Sociologie politique, op. Cit.
47
développement, animent des réseaux, mobilisent les acteurs, réalisent des prestations de
service et assistent le montage de projets. Si les sous-préfets sont porteurs d'une ingénierie, on
peut faire un parallèle avec les services qu'offre d'ores et déjà l'État. L'assistance technique de
solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) est un service, certes plus technique, mais
de même nature : l'État fournit aux autres acteurs plublics une compétence à titre gratuit,
allant dans le sens du bien être collectif. On retrouve ici la dimension de solidarité – le mot
figure même dans le sigle de l'ATESAT - que nous venons d'évoquer. Élément intéressant,
dans la recomposition du rôle de l'État au local, on note que son ingénierie se tourne
principalement vers l'assistance à maîtrise d'ouvrage, délaissant une partie de la maîtrise
d'œuvre.
Néanmoins, plusieurs structures existent déjà au niveau local pour porter le
développement territorial, notamment au niveau infra-départemental : agences d'urbanisme,
services des collectivités locales...59 Il est nécessaire de prendre en compte ce maillage déjà
bien resserré des structures infra-départementales de développement. Pourtant, les services de
l'État ne sont pas 'qu'un acteur de plus'. Les parties prenantes d'un projet le reconnaissent
volontiers, le sous-préfet conserve un rôle d'assemblier que peu d'autres personnes seraient à
même de mener de façon aussi légitime. Selon les projets, il va sans dire que la demande
d'expertise et de conseil variera. Par exemple, dans la création d'un schéma de cohérence
territoriale (SCOT), le sous-préfet est directement associé au projet puisque la loi prévoit la
participation des services de l'État dès le début du processus. En revanche, dans le cadre d'un
contrat de Pays, l'intervention du sous-préfet n'est pas obligatoire mais il peut être appelé à
participer afin de passer des idées à l'action. Ce qui est bien souvent le cas.
Dans tous ces domaines, le sous-préfet est porteur d'un savoir et d'informations que
l'on peut résumer en ces termes : le « dire de l'État ». Dès lors, il peut anticiper et prévoir des
procédures que n'auraient pas perçu les élus. Plus les projets sont complexes, plus les acteurs
sont nombreux et plus cette capacité de coordination des sous-préfets à destination de la
maîtrise d'ouvrage territoriale s'en trouve renforcée.
De plus, le développement territorial ne saurait se résumer au dynamisme économique.
Jacques Chevalier fait remarquer que « le développement local n'est pas une simple variante
du développement économique, dont il ne ferait que reproduire les lois en les spécifiant ». Le
59 Certaines collectivités locales disposent parfois d'un service propre dédié à l'ingénierie de développement territorial ou de services déconcentrés (maisons du département), comme c'est le cas en Ille-et-Vilaine.
48
développement local suppose donc l'existence de sous-ensembles relativement intégrés et
solidaires, suffisamment vastes pour permettre des interdépendances significatives permettant
de développer une stratégie autonome de projet de territoire. Ainsi, l'administration ne peut
réellement participer de ce modèle que si elle dispose d'une proximité suffisante, en phase
avec les réseaux et les sous-systèmes locaux. Le représentant de l'État dans l'arrondissement
est un développeur par nature, plus médiateur que prescripteur.
Pourtant, cette nouvelle facette du métier qui tend à constituer le cœur de la fonction
de sous-préfet n'est pas sans créer quelques problèmes. Tout d'abord, sortis de « la parole de
l'État », les sous-préfets peuvent souffrir d'un manque de reconnaissance. Ils peuvent avoir le
sentiment que leur travail d'assistance à maîtrise d'ouvrage se limite à des conseils sur les
procédures administratives ou le calendrier des projets. Ensuite, cette activité de conseil
auprès des collectivités porte en elle une contradiction avec laquelle il faut composer :
concilier harmonieusement conseil et contrôle. Enfin, les sous-préfets souffrent également
d'un manque de reconnaissance de l'ingénierie qu'ils apportent puisqu'ils ne sont pas
forcément reconnus comme personnes ressources par le grand public. Les collectivités à forte
capacité d'études, comme les conseils régionaux, éclipsent parfois totalement le rôle qu'ils
peuvent jouer dans le montage de dossiers complexes.
Si l'action publique locale tend à se modifier voire à se complexifier, laissant
apparaître de nouveaux acteurs, l'État quant à lui cherche à changer sans changer. Imbriqué
partout dans la société, il cherche à entretenir le mythe de la continuité alors que sa place
évolue. On assiste à une véritable réactualisation de la démarche de l'État dans les territoires.
Puisant sa légitimité dans sa capacité à être un « arrangeur », le sous-préfet y participe
amplement.
Section 3 : Des politiques publiques de plus en plus territorialisées
Plus que des « animateurs du développement local », les sous-préfets tendent plutôt à
devenir des médiateurs de politiques publiques. Si le pouvoir de l'État s'est considérablement
réorienté, la manière de mettre en œuvre son action dans les territoires, aussi. S'il n'est plus
l'unique instigateur de l''action publique au niveau territorial, il reste un acteur pour le moins
influent. Cette nouvelle dialectique de l'action publique dans une France décentralisée, sous
49
entend une territorialisation toujours plus forte des politiques publiques, même les plus
régaliennes ; à savoir la sécurité publique, le développement économique, l'emploi et la
formation ainsi que la prévention des risques.
1. La sécurité publique
La sécurité publique est une priorité sans cesse réaffirmée depuis plusieurs décennies à
présent. Le ministère de l'Intérieur insiste fortement auprès des sous-préfets sur l'obligation
qu'ils ont de maintenir au plus bas les chiffres de la délinquance, quand ce sujet est une des
premières préoccupations des français60.
L'arrondissement est relativement bien inséré et adapté pour répondre à cette exigence.
Les sous-préfets animent pour la plupart les conseils locaux de sécurité et de prévention de la
délinquance aux côtés des maires, ils y représentent plus que jamais l'État régalien. De même
ils participent à la mise en place des contrats locaux de sécurité.
La sécurité publique n'est pas devenu obsolète dans le métier de sous-préfet, bien au
contraire, il s'agit peut être même en partie de son avenir. La multiplication des lois et
règlements en la matière a décuplé les interlocuteurs potentiels (directeurs d'établissement
scolaires, animateurs locaux de prévention....) tout autant que la décentralisation61. La sécurité
publique est l'exemple phare d'une politique publique territorialisée.
A ce titre, les sous-préfets possèdent toutes les qualités requises pour y répondre au
mieux : connaissance des situations locales, capacité à adapter les dispositifs de sécurité et à
vérifier leur mise en œuvre, capacité à solliciter les maires et donc les polices municipales.
De plus, garants de la sécurité publique sur le territoire de l'arrondissement, ils doivent
s'assurer du respect a minima des lois et règlements applicables afin d'assurer l'égalité des
droits et devoirs sur tout le territoire national.
60 Ce qui fit dire à Jacques Troncy, sous-préfet de Castres : « Je pense que nos concitoyens sont encore très attachés aux fonctions régaliennes qu’assure l’administration préfectorale, notamment en terme de sécurité publique. ».
61 Depuis 2002, près d'une vingtaine de lois concernant la prévention de la délinquance et la sécurité publiques ont été promulguées, dont certaines induisant de très lourds changements dans les pratiques de police.
50
2. Emploi, politique de la Ville et cohésion sociale
Autre politique publique phare, la politique de la Ville - qui englobe logement,
renouvellement urbain, développement durable et aménagement du territoire, est un chantier
qui ne peut se concevoir sans l'intervention étatique. Depuis le 1er janvier 2007, les contrats
urbains ont remplacé les contrats de ville. En la matière, l'action publique privilégie un
échelon de proximité, se reposant beaucoup sur l'articulation entre les communes et l'État. Les
sous-préfets y tiennent un rôle important puisqu'ils sont la voix de l'État dans leur
arrondissement. Le sous-préfet est un acteur incontournable de toutes les procédures
d'urbanisation majeures, dont notamment les dossiers portés par les villes de l'arrondissement
à l'attention de l'agence nationale de renouvellement urbain (ANRU).
L'arrondissement a une place historique en matière de lutte contre le chômage. C'est
une politique publique considérée par beaucoup de sous-préfets comme passionnante et
fondamentale :
« Prenons l'exemple d'une politique publique que j'affectionne plus particulièrement et qui est
très importante sur le terrain : la politique de l'emploi. Dans les territoires, le sous-préfet est un
acteur clairement identifié du champ de l'action sociale et économique, notamment par les
associations. C'est très important puisque tout le pan social de notre activité doit se faire en
partenariat avec les acteurs de l'arrondissement (DDASS, collectivités...) »62
C'est une mission qui répond là aussi à une des préoccupations les plus importantes
des Français. Dès l'apparition de l'État providence, les arrondissement se sont vus doter des
compétences pour traiter la question du chômage, de l'insertion professionnelle et du
développement économique. Présidant les comités de bassin d'emploi, les sous-préfets avaient
la charge de les animer afin de résorber principalement le chômage des jeunes et les trop
longues périodes d'inactivité. La crise des années 1970 et ses conséquences sur la croissance
française ont consacré leur rôle en la matière. Les différentes politiques publiques en faveur
de la lutte contre le chômage se sont toujours appuyées sur les capacités d'initiative des
préfets et des sous-préfets.
62 Cf. interview de Claudie Quillien.
51
Lors de la mise en place du revenu minimum d'insertion (RMI)63, si le département a
eu à le prendre en charge au titre de la compétence « action sociale », il s'est agi d'une
cogestion avec les services de l'État. A ce titre, les commissions locales d'insertion étaient
présidées, dans la grande majorité des cas, par un sous-préfet. Ce double regard sur
l'attribution de ces aides sociales permettait une fois de plus aux sous-préfets de s'assurer de la
bonne articulation entre les objectifs nationaux et la mise en œuvre locale du dispositif RMI.
En matière de logement, les sous-préfets présidaient également les commissions de
fonds de solidarité du logement, autre politique publique co-financée par les conseils
généraux et l'État. Plus récemment, la mise en place du revenu de solidarité active se base sur
un fonctionnement similaire, c'est à dire un co-financement assuré par l'État et les conseils
généraux.
Tous ces dispositifs de cohésion sociale, et bien d'autres, font ressortir, d'une part le
rôle moteur du sous-préfet et des services départementaux dans la mise en place du système et
l'animation des réseaux et, d'autre part, la capacité d'entraînement du sous-préfet à fédérer les
acteurs d'un territoire.
3. Prévention et gestion des risques
La prévention des risques au sens large et notamment la concertation avec les élus lors
de l’élaboration des plans de prévention des risques naturels et technologiques (PPRN)
mobilisent grandement les sous-préfets d’arrondissement. Le risque d’inondation étant le plus
important, diffuser les PPRN constitue une priorité pour les préfets et les sous-préfets.
En matière de sécurité civile, la loi du 1er août 2004 sur la modernisation de la
sécurité civile prévoit la création d’une réserve communale de sécurité civile chargée en cas
de catastrophe d’apporter un appui aux missions de secours ainsi que l’élaboration de plans
communaux de sauvegarde (PCS). Ces dispositifs permettront la mise en place d'une
organisation adaptée en matière d'alerte et d'information des personnes, comme en matière de
secours et d'accompagnement des populations en cas d'accident ou de catastrophe naturelle.
Récemment, la tempête Klaus dans les Landes ou Xynthia en Charentes-Maritimes, ont alerté
les populations et les pouvoirs publics sur cette notion de gestion de crise. A n'en pas douter,
la lutte contre les risques naturels sera une composante importante du métier de sous-préfet 63 Loi du 1er décembre 1988.
52
dans l'avenir. Dans ce domaine, la priorité devra être donnée à la mutualisation et la
coordination des services de l'État avec les collectivités locales. Là encore, qui mieux placés
que les sous-préfets pour s'acquitter de ces missions ? Le sous-préfet de Dax, Jacques Delpey,
en poste lors du passage de la tempête Klaus sur le territoire landais, a souligné le rôle joué
dans ces situations extrêmes par l'arrondissement en matière de coordination et d'efficacité
d'intervention. Quant à elle, Claudie Quillien garde un très fort souvenir de son action en
faveur du PPRN dans son arrondissement :
« Ce plan64 a mobilisé l'ensemble des services de l'État d'un même territoire. Avec le sous-préfet
de Muret, nous avons du mobiliser l'ensemble des acteurs du territoire (les élus notamment) afin
de leur expliquer avec pédagogie le plan. Ainsi, l'interministérialité des programmes est une
véritable réalité qui doit se retranscrire sur le terrain. C'est par ailleurs ce qui est en train de se
faire avec la réforme des administrations départementales. »
Si les politiques publiques nationales répondent de plus en plus à une obligation de se
territorialiser, les sous-préfets, au regard de leur présence sur le terrain, sont des
fonctionnaires à même de répondre à ces exigences. Leur ancrage territorial fait d'eux bien
plus des médiateurs de politiques publiques que des simples animateurs du développement
local. Ayant appréhendé les mutations en cours et à venir de l'État-régulateur, les sous-préfets
ont déjà su participer aux nouveaux modes de gouvernement des territoires.
64 Il s'agit d'un PPRN mis en place notamment au regard des crues de la Garonne, à cheval entre les départements de l'Ariège (09) et de la Haute-Garonne (31).
53
CHAPITRE 2
SOUS-PRÉFET, LA VOCATION DU TERRITOIRE
_________________________________
Si les sous-préfets sont connus et reconnus au niveau local, il convient à présent de
s'intéresser plus particulièrement à « qui sont les sous-préfet » ? Les territoires sont loin d'être
homogènes et on imagine aisément que la représentation de l'État varie fortement en fonction
des problématiques locales mais aussi de la personnalité des sous-préfets.
Dans ce chapitre, nous allons nous arrêter sur des éléments tout aussi importants que
l'évolution des missions des arrondissements : la place des hommes dans les territoires.
N'oublions pas que le « sous-préfet aux champs »dont nous avons parlé en introduction est
profondément lié aux arrondissements ruraux. L'assignation à résidence dans l'arrondissement
imposé aux sous-préfets a contribué à rendre incontournable l'hôtel de la sous-préfecture. De
même, on imagine bien que le territoire dans lequel se trouve la sous-préfecture influence les
missions et la fonction même. On n'a pas la même appréhension du poste à Pamiers (Ariège),
à Aubusson (Creuse), à L'Haÿ-les- Roses (Val-de-Marne) ou à Forbach (Moselle) !
A ce titre, nous nous pencherons plus particulièrement sur la place des sous-
préfectures en milieu rural ou faiblement urbanisé et leur impact sur la fonction. Nous verrons
également qui sont les sous-préfets d'aujourd'hui. Cette analyse nous permettra ensuite de
revenir sur notre problématique initiale pour replacer ce chapitre dans une optique plus
globale de la redéfinition actuelle du métier de sous-préfet.
54
Section 1 : La personnalité du sous-préfet
Il serait vain de prétendre présenter ici une typologie des personnes ayant les qualités
requises pour exercer la fonction. Il n'y a pas de profil type du « sous-préfet », car même si
beaucoup sont issus des mêmes écoles, les personnalités, les caractères, la formation, les
motivations et même les centres d'intérêt influencent beaucoup la manière dont ils pratiquent
leur métier. Une hagiographie du corps sous-préfectoral nous ferait à coup sûr remarquer
l'ouverture de la fonction et la diversité des parcours, puisque certains sous-préfets actuels ne
sont pas forcément issus de l'administration d'État voire viennent du secteur privé pour
certains. C'est une tendance assez générale d'ouverture du corps. Par exemple, Jacques
Troncy, sous-préfet de Castres, a débuté sa carrière dans la fonction publique territoriale.
Toutefois, au fil des entretiens et des discussion avec les sous-préfets et leur entourage,
on remarque des similitudes dans les comportements, liées aux particularités uniques du
métier de sous-préfet d'arrondissement.
1. L'obligation de résidence dans l'arrondissement : un isolement ?
Depuis la création des 342 arrondissements français, les sous-préfets sont obligés de
résider dans le chef-lieu. C'est cet élément qui a, en partie, contribué à faire du métier une
« vocation ». 189 arrondissements ont moins de 100 000 habitants et 50 d'entre eux en ont
moins de 50 00065. Ainsi, la carrière de sous-préfet s'exerce en grande partie dans des villes
moyennes où l'on a pu dénoncer à la fois un isolement professionnel et familial. Bien souvent,
un logement de fonction est mis à la disposition du sous-préfet et de sa famille s'il en exprime
le besoin. L'obligation de résidence ne concerne pas le logement de fonction mais les limites
administratives de l'arrondissement. Toutefois, bien souvent et surtout en milieu rural, les
sous-préfets privilégient leur logement de fonction. L'obligation de résidence conduit parfois
à évoquer un mal-être des sous-préfets, assimilable à un sentiment d'isolement.
Du point de vue personnel, le ministère de l'Intérieur a pu noter à plusieurs reprises
que l'isolement familial est un phénomène « croissant et préoccupant ». L'obligation de
résidence est principalement mis en cause dans ce déficit d'épanouissement personnel, on note
par ailleurs un accroissement du taux de sous-préfets célibataires. Même s’il est admis que le
65 Cf. carte en annexe.
55
métier se choisit en couple, il est parfois difficile que le conjoint sacrifie son métier ou sa
carrière du fait des affectations successives. Or, la durée de séjour et les incompatibilités
professionnelles limitent souvent les opportunités d'emploi du conjoint à proximité du lieu
d’affectation.
D'un point de vue professionnel, ce sentiment d'isolement peut trouver plusieurs
explications. Le mode de management du préfet vis à vis de ses subordonnées en poste dans
les arrondissements est parfois mis en cause. Ainsi, lors des chantiers de modernisation de
l'État, les sous-préfets de sont plaints de ne pas avoir été assez consultés alors qu'il sont les
haut-fonctionnaires les plus au contact des territoires. De plus, après les réformes et le
renforcement des compétences régionales66, les sous-préfets ont toujours aussi peu de contacts
avec les secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) et participent rarement aux
stratégies de mise en œuvre des politiques publiques. Si les SGAR fournissent beaucoup
d'informations à l'attention des préfets, les sous-préfets subissent souvent un manque
d'information patent, très préjudiciable à leur travail.
Cet isolement professionnel s’explique aussi par un manque de travail en réseau au
sein même de l’équipe des sous-préfets d'un département. L’échange d’informations, la
coopération sur des problématiques communes ne sont pas forcément dans la tradition :
derrière la façade de bonne camaraderie, les sous-préfets sont souvent « en concurrence »
dans leur évaluation par le préfet. Cela peut les conduire à considérer l’arrondissement
comme un « pré carré » et à travailler de façon isolée par rapport à leurs collègues.
Enfin, notons qu'une équipe réduite de cadres en poste dans la sous-préfecture
constitue également un facteur d'isolement professionnel. Le sous-préfet a peu de
collaborateurs de niveau A et B auprès de lui et ceux-ci sont mobilisés par la gestion au
quotidien ; qu’il s’agisse de l’encadrement des équipes chargées des tâches de réglementation
ou du contrôle de légalité. Les collaborateurs à même d'épauler le sous-préfet dans ses
missions quotidiennes, voire à l'assister ou à le remplacer dans des réunions, sont rares.
Parfois, un mauvais management de l'équipe de la sous-préfecture peut conduire à des
mésententes entre les personnalités.
66 Pour plus d'informations, cf. partie II, chapitre 3 du présent mémoire.
56
2. Disponibles
A la fin de chacun des entretiens, les sous-préfets rencontrés dans le cadre de ce travail
de recherche ont accepté de répondre à cette question : quels sont pour vous les adjectifs
adéquats pour décrire les qualités essentielles d'un sous-préfet ? Si les réponses ont varié dans
les suites de mots, l'un d'entre eux est toujours revenu en première position : « disponible ».
La permanence de l'expression met en lumière plusieurs traits de caractère qu'il n'est en
général pas difficile de distinguer chez les sous-préfets. Leur motivation est très élevée et ils
sont pour beaucoup d'entre eux des passionnés du travail sur le terrain, au contact des
populations et des acteurs locaux. Ainsi, ce goût pour « l'action » est-il unanimement reconnu
et salué par les élus locaux qui déplorent d'ailleurs bien souvent des affectations jugées bien
trop courtes.
Au-delà, l'âge, la situation familiale, les occupations jouent un rôle essentiel dans ce
métier qui repose en grande partie sur un grand sens du relationnel et du consensus. Un sous-
préfet amateur de sports collectifs trouvera un terrain de jeu inespéré le samedi dans les stades
de rugby de Castelsarrasin, Castres, Béziers ou Dax ; et d'autant plus d'occasions de discuter
en toute convivialité avec les acteurs locaux qui se retrouvent les après-midi de match. Une
manière aussi efficace d'aborder les dossiers qu'une réunion en sous-préfecture ! De même, les
motivations et l'intérêt personnel pour certaines problématiques plus que pour d'autres
entrainent certains sous-préfets à s'impliquer plus particulièrement sur certains dossiers.
Ainsi, plusieurs sous-préfets rencontrés ont pu comparer leur métier à une profession
libérale. Le sous-préfet doit « faire son poste ». Jacques Troncy résume cette situation en
quelques mots :
« Dans le cadre de mes attributions, ma marge de manœuvre est importante. Une de mes
collègues a d’ailleurs comparé la fonction de sous-préfet à celle de travailleur indépendant. Il y
a autant d’approches qu’il existe de sous-préfet. Certains auront une approche plus
administrative et d’autres plus au contact du terrain. Je suis plutôt du deuxième style ! J’ai
l’intime conviction que ce qui fait la valeur ajoutée du sous-préfet c’est d’être à la disposition
des gens et des élus. La fonction s’adapte au territoire. »
La disponibilité est une constante chez les sous-préfets d'arrondissement, peut-être la
seule caractéristique qui soit commune à tous les membres du corps. Disponibles, ils le sont
57
pour les élus, les citoyens, les présidents d'association, les syndicats... Leur agenda est plus
rempli par les rendez-vous extérieurs que par les réunions en sous-préfecture. C'est ce que
résume le préfet de Tarn-et-Garonne Fabien Sudry à l'occasion du départ de Patrick
Cousinard, sous-préfet de Castelsarrasin :
« En poste depuis un peu plus de deux mois je ne sais pas si je suis pour ma part le plus qualifié
pour porter une appréciation mais je ne crois pas me tromper si je dis que Patrick Cousinard
laissera le souvenir d’un sous-préfet sérieux, soucieux de proximité avec les élus –il aura me
disait-il parcouru près de 70 000 kilomètres en deux ans et visité la quasi-totalité des 102
communes de son arrondissement- et rigoureux dans l’approche des problèmes complexes qui
lui étaient soumis. Sa sobriété naturelle va de pair je l’ai constaté avec une grande efficacité
dans le traitement des affaires ; beaucoup d’entre vous qui ont pu bénéficier de ses conseils
avisés, de son expertise sur les questions juridiques (son parcours de magistrat n’y est sans
doute pas indifférent), de son écoute attentive et de sa gentillesse pourraient en témoigner sans
doute mieux que moi. »67
Si la fonction s'adapte au territoire, ce que nous verrons plus loin, elle s'adapte aussi beaucoup
au préfet...
3. La relation avec le préfet
Les faits, tout comme les textes officiels, confèrent au préfet de département une
tutelle sur les sous-préfets d'arrondissement. Ces derniers conçoivent dans l'ensemble cette
relation hiérarchique non comme rigide mais plutôt comme une collaboration entre
fonctionnaires de corps similaires. Si chacun reste dans ses prérogatives, Monsieur Patrick
Cousinard68 estime que le rôle du sous-préfet est de « faire en sorte que le préfet entende
parler le moins possible de l’arrondissement ».
Il est indéniable que la marge de manœuvre d'un sous-préfet dans son arrondissement
est intimement liée à la relation qui s'instaure avec le préfet de département et les objectifs
que lui assignent ce dernier. Il faut insister sur le fait qu'il n' y a pas de pratique homogène
dans le management des sous-préfets d'arrondissement Cela peut aller du suivi très proche,
avec des réunions hebdomadaires en préfecture, jusqu'à l'absence de réunions. L'interlocuteur
67 Discours de Monsieur Fabien Sudry, préfet de Tarn-et-Garonne, à l'occasion du départ de Monsieur Patrick Cousinard, sous-préfet de Castelsarrasin, en date du 29 mars 2010.
68 Sous-préfet de Castelsarrasin, Tarn-et-Garonne (82).
58
principal du sous-préfet d'arrondissement devient alors le secrétaire général de la préfecture.
Pour autant, il est rare que plusieurs journées se passent sans que le sous-préfet ne
communique par téléphone avec son supérieur. A cela il faut ajouter que les disparités entre
les départements influencent fortement le type de « management » pratiqué. Un département
comme la Moselle, qui possède six sous-préfectures69, est plus difficile à animer que le
département de la Haute-Saône qui ne compte qu'une seule sous-préfecture (Lure).
Le caractère et l'implication du préfet dans les dossiers de l'arrondissement participe
beaucoup à la manière dont le sous-préfet exerce sa fonction. Monsieur Fuzeré, sous-préfet de
Pamiers, a un avis assez tranché sur cette question :
« Les relations avec les préfets sont variables. Vous changez de préfet, vous changez de métier !
Il y a, à mon sens, deux cas de figure. Le sous-préfet fonctionne en totale autonomie puisque le
préfet est entièrement occupé par d’autres tâches. C’est ce qui m’est arrivé à Calvi. En Lozère70,
en revanche, le préfet faisait tout. Le sous-préfet n’existait pour ainsi dire pas. Pour des raisons
politiques, les élus allaient plus souvent voir le préfet (cf. enregistrement). La culture du corps
préfectoral veut que le SP joue pleinement son rôle. Certains préfets, non issus du corps, n’ont
pas forcément cette marque de respect. »
Si la personnalité des hauts-fonctionnaires est importante dans l'appréhension du
poste, les problématiques de territoire ne sont pas en reste. Une grande partie des 342
arrondissements français comprennent des zones rurale71, même si la majorité de la population
est urbaine. Cet état de fait doit être pris en compte et examiné afin de porter un regard
complet sur la fonction de sous-préfet d'arrondissement.
Section 2 : L'irremplaçable lien avec les territoires ruraux
Les lois de décentralisation de 1982 ont considérablement changé la relation entre les
collectivités locales et le services de l'État au local, nous l'avons vu précédemment. Nous
avons également déploré que malgré ces profonds bouleversements, la fonction de sous-préfet
était peu évoquée.
69 Boulay-Moselle, Château-Salins, Forbach, Sarrebourg, Sarreguemines et Thionville.70 Sous-préfecture de Florac (1 900 habitants).71 Sur 342 arrondissement, 27% sont dits « très urbains » et 12% sont très ruraux. Dans les 200 arrondissements
restants, les populations se partagent de manière quasi-équivalentes entre urbain et rural.
59
Une grande partie des actes soumis au contrôle de légalité sont émis par les 36 000
communes que compte la France. De par sa disponibilité, le sous-préfet est le relai naturel de
l'échelon municipal, les maires n'hésitant pas à le contacter pour prendre conseil auprès de lui.
De plus, les problématiques changent en fonction des régions et des histoires locales et on ne
peut exercer de la même manière le métier de sous-préfet à Barcelonnette (Alpes de Haute-
Provence) ou à Antony (Hauts-de-Seine). La prédominance des arrondissements ruraux nous
oblige à y évoquer les particularités du métier de sous-préfet.
1. Élus et territoires ruraux
Quatre-vingt-dix pour cent des 36 494 communes françaises sont rurales. Critiqué à
maintes reprises depuis plusieurs années, le trop grand nombre des communes françaises est
pourtant toujours une réalité dont il faut s'accommoder. Nous ne rentrerons pas ici dans le
débat qui vise à juger de l'opportunité de leur suppression ou de leur regroupement.
Constatons simplement une chose : ce découpage administratif de proximité est au fondement
de notre maillage administratif et culturel ; communes regroupées en cantons, cantons qui
sont l'ossature même des arrondissements (et des circonscriptions législatives par ailleurs).
Voyons donc à présent quel est l'impact de ce fonctionnement municipal sur le métier des
sous-préfets.
Avec la décentralisation, nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, les maires ont
dû endosser de nouvelles responsabilités. En parallèle, les normes n'ont cessé de se multiplier,
émanant de sources diverses (Union européenne, législation française, normes
internationales...) contraignant les élus municipaux à des expertises complexes qu'ils ne
peuvent bien souvent pas porter seuls. Ainsi, dans plusieurs domaines, l'État intervient auprès
des communes pour y apporter son expertise et son savoir-faire. Nous avons déjà cité
l'exemple de l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de Solidarité et
d’Aménagement du Territoire (ATESAT), et ce, en matière de voirie, de logement et
d'urbanisme. De même, sur un plan moins technique, nous avons pu voir que les sous-préfets
apportaient aux maires ruraux une expertise en matière d'« ingénierie de projet » pour
reprendre les mots de Claudie Quillien72. Les maires de communes rurales ont donc besoin de
l'assistance des sous-préfets dans différents domaines dont voici les plus récurrents :
72 Inspectrice générale de la Jeunesse et des Sports, ancienne sous-préfet.
60
✗ Aides aux agriculteurs (dossiers d'indemnisation) ;
✗ Aides européennes (subventions spéciales selon les territoires, soit dans le
cadre des PCRD ou du programme Interreg) ;
✗ Aide en matière de cohésion sociale (précarité, personnes âgées...).
Cette ingénierie apportée par le sous-préfet, que nous avons pu qualifier d'expert de
l'action publique, est très influencée par les territoires d'exercice des sous-préfets. Les dossiers
prioritaires ne seront pas les mêmes sur un territoire en pleine reconversion post-industrielle
que dans un arrondissement à forte dominante rurale et agricole. Jacques Troncy souligne que
« l’activité d’un sous-préfet variera fortement selon l’arrondissement. Il peut très bien faire
des projets de développement (implantation d’entreprises) tout comme gérer les situations de
crise et de difficultés économiques. »
Il est difficile d'établir une typologie des arrondissements car les situations varient. Si
la DATAR souligne que 27 % des arrondissements sont très urbains contre 12% très ruraux,
les 60% restants ont plutôt une dominante urbaine mais avec des caractéristiques socio-
économiques très variables. Toutefois, si des aires urbaines sont présentes, cela ne signifie pas
qu'une partie minoritaire mais réelle de la population ne doit pas bénéficier des mêmes
prestations de service public. L'égal accès aux services publics rend encore plus complexe
l'action des pouvoirs locaux et de l'Etat, à quoi s'ajoutent de fortes disparités territoriales.
S'il est indéniable que les territoires façonnent les politiques publiques, nous pouvons
essayer de dresser un tableau rappelant des principaux programmes publics qui impactent le
métier de sous-préfets et priorisent leurs actions dans les arrondissements.
2. Quels arrondissements pour quelles politiques publiques ?
Nous nous sommes interrogés précédemment sur la pertinence de l'arrondissement
comme niveau d'action publique, et notamment de son adéquation avec les réalités socio-
économiques d'un bassin de vie. Si l'on peut constater que ce découpage vieux de deux cents
ans est toujours d'actualité73, il faut essayer de dresser un panorama un tant soit peu exhaustif
des réalités socio-économiques qui concernent les 342 arrondissements français dont :
73 Il est assez frappant de voir que les Pays, nouvelles structures créées par la loi Voynet au regard des bassins de vie des populations, épousent bien souvent les contours des arrondissements.
61
✗ 47 frontaliers ;
✗ 70 ont une façade maritime ;
✗ 122 concernés par un massif ;
✗ 107 communes en moyenne par arrondissement ;
✗ 1850 km² de superficie moyenne.
Quant aux principales politiques publiques impactant les arrondissements de manière locale,
elles sont, comme nous l'avons vu, de quatre ordres74 :
✗ La préservation et l'aménagement du territoire (politiques de massifs,
préservation des littoraux, Pôles d'excellence rurale...). Cela va de pair avec la
prévention des risques.
✗ L'évolution démographique (solde migratoire, exode rural, vieillissement des
populations...).
✗ L'économie (politiques de l'emploi, reconversions, revenus, systèmes
productifs locaux...).
✗ Le logement et la cohésion sociale (Zones urbaines sensibles, logements
sociaux...).
Ces quatre grands groupes de politiques publiques sont amenés à évoluer en fonction
des territoires et des arrondissements. La participation du sous-préfet à la mise en œuvre
locale des priorités politiques nationales sus-nommées, déclinées sur son arrondissement,
représente en moyenne un quart de son activité. Cette proportion est plus faible dans les petits
arrondissements et particulièrement importante dans les gros arrondissements de la région
parisienne. Le métier exige, comme nous l'avons vu précédemment, une grande capacité
d'adaptation et d'appréhension des enjeux locaux, le sous-préfet devant immédiatement
s'identifier au territoire et à ses spécificités.
Si la priorité du sous-préfet de Saint-Denis (93) est la résorption des « squats » et le
relogement d’urgence, ses collègues de Mauriac (Cantal) et d’Ambert (Puy de Dôme) se
mobilisent pour l’avenir de l’hôpital local. La reconversion industrielle et minière sera la
priorité des sous-préfets de Briey et de Thionville et l’avancée des projets de rénovation
urbaine celle du sous-préfet de Valenciennes. Ce dernier s’implique, par ailleurs, à l’instar de
son collègue de Forbach, dans les questions transfrontalières. L’application de la "loi littoral"
74 Cf. cartes de la DATAR en annexe.
62
et les problèmes propres aux arrondissements maritimes constituent des priorités pour les
sous-préfets de Saint-Malo, de Montreuil-sur-Mer et du Havre. L’environnement (protection
et conflit d’usage de l’eau, Natura 2000, site pollué…) est une préoccupation importante tant
en zone rurale (Saint-Flour) qu’en territoire urbain (Le Raincy). Et Hugues Fuzeré de
déclarer:
« Le sous-préfet applique sur le terrain l’ensemble des politiques publiques de l’État. Les
missions régaliennes restent notre priorité : la sécurité et la légalité. Mais le développement
économique, le chômage, la cohésion sociale sont des politiques très importantes qui
s’appliquent différemment selon les territoires. En Lozère par exemple, le tourisme était le seul
vecteur économique. »
La démographie est fondamentalement un élément qui participe de cette diversité.
L’INSEE prévoit des baisses de population en Lorraine et Champagne-Ardenne, dans le
Massif central et dans le sud des régions Centre et Bourgogne à horizon 2015. A cela s'ajoute
un déséquilibre croissant entre populations jeunes et âgées. Il est également difficile d'évaluer
le poids de la population étrangère puisque les situations varient fortement d'un
arrondissement à un autre (5 % d’entre eux ont une proportion de population étrangère au
moins deux fois supérieure à la moyenne nationale).
Le taux de chômage et la vitalité économique sont, on l'imagine aisément, des données
toutes aussi importantes concourant à hiérarchiser les dossiers prioritaires du sous-préfet
d'arrondissement. Ainsi, les bassins de vie perdant des emplois couvrent une partie importante
de la Lorraine, de la Basse-Normandie, du centre de la France (Poitou-Charentes, Limousin,
Centre, Bourgogne, Auvergne) et le sud de Midi-Pyrénées ; les arrondissements qui gagnent
des emplois sont situés dans le Sud-Est, le pourtour méditerranéen, l’Alsace, le grand Ouest et
l’Ile-de-France.
3. Le sous-préfet : acteur de l'aménagement du territoire
Ces vingt dernières années ont vu le paysage administratif local se transformer en
profondeur sous l'effet de plusieurs textes législatifs : la loi Pasqua relative à l'aménagement
et au développement du territoire de 199575, la loi Voynet relative au développement durable
de 199976, la loi Chevènement pour le développement des intercommunalités77 et la loi
75 Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite loi Pasqua.76 Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, dite loi Voynet.77 Loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale du 12 juillet 1999, dite loi
63
« solidarité et renouvellement urbain » de 200078. Ces différents textes visent de fait un même
objectif : renouer avec une politique d'aménagement durable, prospère et équitable du
territoire national.
Ce retour à la planification nationale renoue en quelque sorte avec une pratique
historique en France. Elle vise à enrayer la paupérisation de certaines régions et à contrôler le
dynamisme de certaines autres. Ainsi, maîtriser l'étalement urbain et renforcer les logiques de
transport en commun pour répondre aux besoins et à l'urgence écologique naissante sont des
préoccupations grandissantes. Ces différentes initiatives législatives distillèrent dans
l'administration et la société plusieurs idées visant à enrichir les pratiques en :
✗ Suscitant la création de territoires et d'espaces cohérents qui expriment des
véritables solidarités rurales. C'est la conception du bassin de vie au sens de l'Insee.79
✗ Incitant les partenaires à définir un projet commun de développement, créer du
consensus autour de l'intérêt général à porter pour un territoire.
✗ Faisant de cet espace choisi une aire homogène pour faire émerger des projets et
les structures capables de les animer, les coordonner et les piloter. Un processus de
gouvernance doit se mettre en place, réunissant à la fois l'État, les collectivités, les
établissements, publics, les chambres consulaires, les syndicats mixtes...
La loi Pasqua instituait ainsi la logique de Pays, ce que la loi Voynet viendrait
confirmer, simplifier et renforcer moins de cinq ans plus tard. Le renouvellement des
procédures d'urbanisme réglementaire et de planification ont également contribué à associer
considérablement les sous-préfets aux collectivités et aux EPCI. Ainsi, la disparition des
schémas directeurs au profit des schémas de cohérence territoriales (SCOT)80 et la
généralisation des plans locaux d'urbanisme (PLU) en remplacement des POS ou cartes
communales y ont associé de manière active les services de l'État. Dans de nombreux cas,
l'avis du sous-préfet, même s'il n'était pas obligatoire, était entendu avec plaisir par les élus
locaux soucieux de réaliser des documents de planification pérennes.
Chevènement.78 Loi relative à la solidarité et au renouvèlement urbain du 13 décembre 2000.79 C'est pour la première fois en 2003 que ce néologisme fait son apparition sous l'impulsion conjointe de la DATAR et
de l'INSEE. L'INSEE définit les bassins de vie comme « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements et à l'emploi ». Un zonage du territoire a été établi selon les équipements, les réseaux de transports et les interdépendances locales (travail, domicile...). Considéré comme une échelle pertinente de réflexion, le ministère de l'aménagement de l'espace rural en a aujourd'hui fait un outil de référence.
80 Cf. carte en annexe.
64
En effet, si en matière de coopération intercommunale le préfet exerce une tutelle
rigide, ce n'est pas le cas pour la constitution des pays, basée en grande partie sur le
volontarisme local. Les préfets et sous-préfets n'avaient ici qu'un rôle de conseiller dont ils se
sont acquittés aux côtés des collectivités locales.
Les territoires et les hommes influencent donc considérablement les politiques
publiques mises en œuvre par les sous-préfets d'arrondissement. Dès lors, les différents
mouvements de réforme actuels prennent-ils en compte cette nouvelle figure d'un sous-préfet
développeur, créateur de solidarités territoriales ? Le cœur de métier a profondément évolué
autour de quatre nouvelles priorités : la représentation de l'État, la médiation locale, la
préservation de l'ordre public et la participation au développement local.
65
CHAPITRE 3
LES ENJEUX D'UNE RÉFORME ADMINISTRATIVE
_________________________________
Depuis quelques années, l'État est obsédé par sa propre réforme. Les dispositifs mis en
place depuis se succèdent en vue d'atteindre un objectif qui peut paraître lui même
contradictoire : réduire les dépenses publiques tout en augmentant l'efficacité du service
public. Nous ne reviendrons pas sur la genèse des différentes vagues de réformes successives
mais nous sommes obligés d'en citer au moins deux qui impactent la totalité de l'action de
l'État à l'heure actuelle : la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la loi
organique relative aux lois de finance (LOLF). Ces deux « outils » de la réforme de l'État, en
vigueurs depuis 2007 et 2009, en ont accéléré le processus. Sans dépeindre dans le détail ces
deux paquebots de la réforme, nous allons voir quelles en sont les incidences sur les services
déconcentrés de l'État en général, et sur les sous-préfectures d'arrondissement en particulier.
Ces mouvements de réforme doivent s'analyser à l'aune des bouleversements
territoriaux passés et de ceux, futurs, qui attendent la France à court, moyen et long terme.
Nous n'avons eu de cesse de le répéter : les sous-préfectures sont les terminaisons nerveuses
de l'État, au plus près des territoires. Ce seront donc les premières concernées par le
mouvement de réforme. Ainsi, à l'heure où ces lignes sont couchées sur le papier, certaines
informations filtrent et évoquent la possible disparition du corps des sous-préfets au profit
d'un emploi fonctionnel. De plus, dans une optique de gestion rigoureuse des dépenses
publiques et d'économies budgétaires, le gouvernement serait prêt à revenir sur un de ses
engagements en songeant à modifier le maillage des sous-préfectures ; ce qui semble être
inévitable dans le contexte actuel. Comprenons-y une révision de la carte des arrondissements
et la suppression de plusieurs d'entre eux considérés comme obsolètes. Ce chapitre tentera
donc à la fois d'éclaircir les principaux enjeux d'une réforme administrative et d'en déceler les
conséquences sur le médiateur de politiques publiques qu'est le sous-préfet.
66
Section 1 : Quels enjeux à venir pour l'action publique locale ?
La France fait face depuis plusieurs années à de profonds bouleversements
économiques et sociaux. Aussi, les territoires ruraux et urbains ont-ils bien évolué depuis
plusieurs décennies : exode rural massif, décrochage entre le rural et l'agricole, vieillissement
de la population rurale, augmentation du phénomène de rurbanisation, diminution de la
population active, métropolisation, etc.
Ces différents éléments sont de nature à altérer et à modifier l'action publique locale. Il
devient évident que la puissance publique ne peut plus agir auprès des territoires comme elle
le fit dans les années 1960. Pourtant, les acteurs publics, au premier rang desquels l'État, se
sont préoccupés de cette profonde mutation en mettant en place depuis les années 70 plusieurs
politiques d'aménagement du territoire. Les sous-préfets étaient, une fois encore, au cœur de
ces programmes qui touchaient plus particulièrement les arrondissement ruraux. Nous verrons
ici successivement quel fut leur rôle dans l'animation et la mise en œuvre au local de ces
politiques publiques d'aménagement puis nous esquisserons un panorama des futurs enjeux
territoriaux à venir.
1. Une profonde mutation des territoires en cinquante ans
En 1982, près de la moitié des départements de France (hors Ile-de-France) ont une
population inférieure à celle atteinte au XIXème siècle. L'exode rural a touché certaines zones
du territoire plus que d'autres,consacrant ainsi l'expression de « diagonale du vide » (de la
Meuse aux Landes). Comme le rappelle Pierre Merlin81, les conséquences de l'exode rural ne
sont pas seulement démographiques mais aussi sociales et économiques. Il rappelle que le
mouvement de désertification des campagnes touche en premier lieu l'activité économique,
entrainant une baisse logique du dynamisme entrepreneurial et donc de la population active.
C'est un véritable cercle vicieux qui a entrainé certaines de nos campagnes dans une semi-
léthargie depuis les années 1960 : les ouvriers agricoles disparaissant en premier, ils sont
suivis par les artisans et les commerçants. On peut également parler de retard des espaces
ruraux en matière de réseaux (eau, assainissement électrification) et de services (services
publics, médico-sociaux...) qui vient gréver un peu plus le mouvement de densification
urbaine. Ainsi, on vit apparaître de la précarité dans les milieux ruraux : une augmentation
81 In Pierre MERLIN, L'aménagement du territoire, Presses universitaires de France, 2002, 441 pages.
67
irréfragable du chômage et une paupérisation de certains départements. Ce mouvement,
engagé dès les années 1960, s'est doublé plus récemment d'un autre problème : l'étalement
urbain et le mitage. Les zones traditionnellement dévolues à l'agriculture sont à présent de
plus en plus artificialisées, entraînant plusieurs difficultés. Tout d'abord, la protection des
espaces naturels, tout comme la préservation du système de production agricole français
devient un enjeu. Ensuite, l'étalement urbain rend plus difficile l'extension des réseaux
(transport, eau, assainissement...) à ces nouveaux habitats.
Face à ces constats inquiétants pour l'équilibre du territoire national, l'État a mis en
place une série de plans et de mesures visant a minima à redynamiser certains territoires. Sans
retracer de manière exhaustive l'histoire des velléités d'aménagement des espaces ruraux, on
remarque qu'en cinquante ans, la puissance publique s'est doté de deux moyens d'action : les
politiques agricoles d'une part et la planification d'autre part. Il est intéressant de remarquer à
quel point l'État dissocia longtemps les deux domaines, à l'inverse du mouvement actuel qui
privilégierait plutôt le regroupement des actions publiques. Les politiques publiques, ne
pouvant ignorer plus longtemps le lien étroit, mais distendu, entre agriculture, aménagement
rural et, aujourd'hui, développement durable. Depuis les années 1960, on demanda donc aux
administrations déconcentrées, au premier rang desquelles préfectures et sous-préfectures,
d'appliquer les différentes politiques publiques d'aménagement. Nous l'avons vu, la lutte
contre la paupérisation économique et la montée du chômage constituait un levier majeur de
l'action de l'État au local, et des prérogatives dévolues aux sous-préfets.
2. Le retour de l'État dans les territoires
Entre autres plans, on peut ici citer le rôle des sous-préfets dans la mise en œuvre
successives des lois Pasqua82 et Voynet83, base législative que nous avons déjà évoquée. La
LOADDT viendra compléter, plus que remplacer, le dispositif prévu par Charles Pasqua en
ajoutant au titre de la loi le mot « durable ». La loi Pasqua, dans sa mise en œuvre, obtint des
résultats mitigés, et apparut aussi modeste que les ambitions affichées étaient grandes84. La loi
Voynet précise les dispositifs antérieurs et renforce le rôle de l'État dans la mise en place de
82 Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, op. cit.83 Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), op.cit.84 L'échec partiel de la loi Pasqua est sans nul doute lié en partie à « l'usine à gaz » mise en place en matière de
planification. Les dispositifs prévus dans le texte n'ont été appliqués qu'en partie, notamment la création des Pays. La loi Voynet recadrera les principaux dispositifs de la LOADT, la reprenant et l'améliorant sur la base des mêmes constats que le législateur de 1995.
68
nouveaux dispositifs locaux de gouvernance. Ainsi, la LOADDT introduit-elle deux nouvelles
notions d'aménagement du territoire : les intercommunalités et les Pays.
Dans cette volonté planificatrice de modernisation des zones rurales, les préfets et les
sous-préfets ont joué un rôle considérable. En effet, les représentants de l'État localement ont
eu la charge d'assister les acteurs des territoires, au premier rang desquels les collectivités
territoriales, dans la définition du périmètre et de la gouvernance de ces nouvelles structures.
Ainsi, par délégation de pouvoir du préfet, les sous-préfets furent désignés pour mettre en
œuvre la LOADDT dans leurs arrondissements. Entourés des partenaires locaux, leur action
visait à :
✗ Animer et coordonner l'action des services publics de l'État ;
✗ Négocier avec les entreprises publiques sous tutelle de l'État dont les décisions de
réorganisation furent soumises, après « études d'impact » à une commission
départementale présidée par le préfet ;
✗ Proposer aux collectivités locales et aux conseils généraux de coordonner
l'implantation et les prestations de leurs propres services avec celles des services de
l'État ;
✗ Inciter les partenaires privés à collaborer aux projets de territoire.
A travers ces missions, on retrouve le sous-préfet « médiateur de politiques
publiques », coordonnateur d'un territoire et acteur du développement territorial. Ce rôle fut
aussi fort en matière de construction intercommunale, comme le réaffirme la loi Chevènement
de 199985. Dans la définition des périmètres des EPCI, les préfets et sous-préfets peuvent
proposer des schémas territoriaux qui ne sont valables qu'avec l'accord des collectivités
concernées86. On observa alors bien souvent que les sous-préfets veillaient à ce que les
services de l'État participent activement à cette concertation. On constate, dans la manière
même d'aménager le territoire, une évolution des pratiques de l'État et l'importance prise par
les sous-préfets « animateurs du développement local ». Ce rôle de conseiller dont nous avons
parlé précédemment est unanimement reconnu et salué par les acteurs territoriaux, le sous-
préfet participant activement à l'agrégation de ces nouvelles solidarités intercommunales.
85 Loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, op. Cit.86 Sur la base des plans établis par les commissions départementales de coopération intercommunale.
69
3. Les enjeux territoriaux à moyen terme
Les politiques d'aménagement du territoire actuelles sont encore calquées sur les
référentiels posés par les trois lois précédemment présentées. Une décennie a été nécessaire
pour les mettre en œuvre. Avec le retour d'un ministère délégué à l'espace rural et à
l'aménagement du territoire87, on voit émerger en 2009 une prise de conscience des enjeux à
venir, doublée d'une volonté nouvelle d'aménager durablement le territoire.
La renouveau de la DATAR88 et les CIADT89 en découlant seront les bases
réglementaires de ce renouveau. Nous avons pu rappeler que de profonds bouleversements
sociaux et démographiques ont eu lieu en cinquante ans. Aujourd'hui, dans le cadre de la
réforme de l'État, plusieurs éléments sont venus interroger la pertinence de l'organisation de
l'action publique. Dans ce soucis de conjuguer efficacité des politiques publiques et enjeux
contemporains, l'État a repris le chemin d'une politique volontariste d'aménagement. C'est
donc une grande phase d'évaluation et d'audit des territoires ruraux et de leur situation qui fut
menée en 2009 pour savoir quelles sont les attentes actuelles de ces populations. Depuis 2005,
la DATAR a fait plusieurs constats dont voici les grandes lignes :
✗ Plus de 77% de la population française réside en zone urbaine ;
✗ Les territoires ruraux se repeuplent dans l'ensemble même si le constat doit être
nuancé par des disparités et un écart qui se creuse entre les trois « France rurales »
et des campagnes de plus en plus fragiles ;
✗ Les questions d'environnement seront majeures pour des populations de plus en
plus exposées aux risques (réchauffement climatique, risques naturels, risques de
sécheresse...) ;
✗ La compétitivité des territoires est une composante essentielle de leur
redynamisation et l'innovation technique représente un enjeu majeur à court terme
(couverture numérique notamment).
Ces constats ont donné lieu à une série de mesures présentées dans plusieurs CIADT et
notamment dans celui du 11 mai 2010. On y retrouve un nouveau plan d'aménagement des
87 Monsieur Michel Mercier.88 Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, ancienne DIACT,
l'administration reprend l'acronyme de 1963 quand l'administration fut créée par la volonté du Général de Gaulle.89 Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire.
70
territoires s'appuyant sur la loi de modernisation de l'agriculture. Les conclusions de ce
CIADT seront de nature à confirmer nettement et durablement l'activité des sous-préfets à
court terme :
✗ Les politiques de l'emploi et plus largement de l'inclusion sociale resteront au
cœur des missions territoriales des sous-préfets pour lutter contre l'exclusion
sociale et économique des territoires et de leurs habitants
✗ La prévention des risques et plus largement la notion d'ordre public, de la
sécurité publique à la prévention des risques, sera également une politique
publique majeure.
Section 2 : RGGP et LOLF, mères de la future « maison de l'État » ?
L'État, s'il s'est saisi des enjeux territoriaux que nous venons d'évoquer, reste tiraillé
entre rigueur budgétaire et efficacité de l'action publique. Le gouvernement s'est doté de deux
principaux dispositifs pour appréhender ces enjeux au mieux : la révision générale des
politiques publiques (RGPP) et la loi organique relative aux lois de finance (LOLF).
1. Genèse des réformes
Sans entrer dans les détails, rappelons que la RGPP est un outil de réforme des
administrations visant à repenser les missions de l'État de manière plus horizontale, en
favorisant l'interministérialité des programmes. C'est le conseil des ministres du 20 juin 2007
qui a lancé ce grand dispositif dont le pilotage est assuré au plus haut de l'État par le Conseil
de Modernisation des Politiques Publiques (CMPP) et par une direction de la modernisation
de l'État. Le calendrier de la RGPP s'est partagé entre une phase de diagnostic, suivi de
propositions, et des actions – la réforme à proprement parler. Aujourd'hui, les principales
réformes sont entrées en vigueur et s'il est trop tôt pour juger de la pertinence de celles-ci, du
moins peut-on faire le constat des nouvelles structures.
La LOLF, loi organique du 1er août 2001, révise l'agencement des dépenses et des
recettes de l'État. Qualifiée de « big bang financier », cette loi a impacté profondément et
durablement le fonctionnement des administrations, concentrées et déconcentrées.
71
Fortement influencées par le New Public Management, ces deux réformes sont le fruit
d'un État qui s'enfonce la crise budgétaire d'une part, et des pressions d'une européanisation
croissante d'autre part. Elles s'inspirent de démarches similaires à d'autre pays comme le
Canada ou la Grande-Bretagne. La logique est simple : faire examiner les dépenses, les
objectifs et les résultats à atteindre afin de faire ressortir les politiques publiques prioritaires à
mettre en œuvre pour l'État.
Dans ce profond bouleversement structurel de la machine État, l'échelon déconcentré
et territorialisé sera certainement celui qui en fera le premier les frais.
2. Un constat sévère visant à redéfinir le rôle des administrations déconcentrées
Dans ses premières conclusions, la RGPP faisait un constat sévère de l'action de l'État
au local. Elle y fustigeait un « schéma éparpillé qui juxtaposait des structures de mission
excessives et hétéroclites et qui impliquait une importante activité de coordination
interservices, au détriment des activités de pilotage »90.
Ces conclusions se sont traduites au niveau territorial par deux axes de réforme : la
prédominance de l'échelon régional et une redéfinition du rôle des départements des
arrondissements.
a) La consécration de l'échelon régional
Le renforcement des pouvoirs du préfet de région est aujourd'hui indiscutable. Le
décret du 29 avril 2004, tout comme la loi du 13 août de la même année, promeuvent
l'échelon régional à un niveau plus stratégique et élargissent considérablement le champ
d'action du préfet de région. La LOLF vient aussi fortement renforcer les pouvoirs des
secrétaires généraux de région (SGAR). Pourtant, le département reste l'échelon déconcentré
de droit commun – comme nous avons pu le voir dans la première partie – mais la RGPP
vient renforcer très sensiblement ce mouvement qui devrait se solder à long terme par une
prépondérance de l'échelon régional sur le département.
Cette conception de la région comme pilote privilégié des politiques publiques est un
constat que partagent bon nombre de fonctionnaires. Ainsi, pour Claudie Quillien, Inspectrice
Général de la Jeunesse et des Sports, ancien sous-préfet, l'échelon régional doit être celui du
pilotage de l'action publique alors que l'arrondissement est approprié à son évaluation. De
même, dans son rapport sur l'avenir des sous-préfectures, Jean-Michel Bricault appelle de ses
90 Cf. le rapport du 3ème Conseil de Modernisation des politiques publiques.
72
vœux un renforcement du couple région/arrondissement pour suppléer l'échelon
départemental91.
La montée en puissance de l'échelon régional s'est traduit par la refonte des services
déconcentrées en cinq directions recoupant chacune un domaine de l'action publique – à
l'exception du rectorat :
✗ La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ;
✗ La direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ;
✗ La direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ;
✗ La direction régionale des finances (trésorerie générale et services fiscaux) ;
✗ La direction régionale de la culture à laquelle seront rattachés les services
départementaux du patrimoine.
Ce schéma reste un cadre général et doit bien sûr faire l'objet d'une adaptation aux
contextes régionaux. Néanmoins, on retrouve ici la transversalité et le fonctionnement par
secteur d'action publique que promeut la RGPP.
Enfin, reste un dernier point à éclaircir quant aux compétences du préfet de région.
Primus inter pares, la légitimité du préfet de région est difficile à trouver quand ce dernier
n'est souvent que le préfet du département chef-lieu d'une région. Toutefois, la loi du 13 août
2004 renforce sensiblement les pouvoirs du préfet de région, nous l'avons dit. Au delà, un
décret récent92 venant remplacer celui du 29 avril 2004, donne encore plus de poids aux
préfets de région. Désormais le préfet de région a autorité sur les préfets de départements,
sauf certaines exceptions. Cette autorité ne peut être déléguée. Le préfet de région est
responsable de l’exécution des politiques de l’État dans sa région, sous réserve des
compétences de l’agence régionale de santé, ainsi que de l’exécution des politiques
communautaires qui relèvent de la compétence de l’État. A cet effet, et c'est une révolution,
les préfets de département prennent leurs décisions conformément aux instructions que leur
adresse le préfet de région. Enfin, le décret donne le pouvoir aux préfets de région de gérer les
moyens des préfectures de départements, à savoir les moyens humains (les effectifs) et
financiers. Ce décret rompt avec l'historique autonomie des préfets de département qui ne sont
91 In Jean-Michel Bricault, Les vertus retrouvées du sous-préfet d'arrondissement, La Documentation française, collection Les travaux du centre d'études, 2005, 222 pages.
92 Décret du 16 février 2010 modifiant celui du 29 avril 2004, relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.
73
aujourd'hui plus en lien direct avec la place Beauvau mais avec leur collègue du chef-lieu
régional. Qu'advient-il alors des prérogatives départementales ?
b) La réforme des administrations départementales
La circulaire du 7 juillet 200893 entérine le mouvement, à savoir la prépondérance de
l'échelon régional sur le département. C'est un petit séisme administratif pour une division
administrative vieille d'à peine quarante de venir supplanter un héritage administratif
séculaire. A cela, la RGPP ajoute une redéfinition complète des missions des administrations
déconcentrées départementales en s'appliquant à décliner là encore le fonctionnement par
politiques publiques. Ainsi, la RGPP de 2008 réforme les administrations départementales à
l'horizon 2010 en fusionnant les anciens services départementaux, créant entre cinq et six
nouvelles directions selon les départements :
✗ La direction Population et cohésion sociale ;
✗ La direction Territoires ;
✗ La direction Finances publiques ;
✗ La direction Sécurité ;
✗ La direction Education.
A travers cette évolution, on retrouve clairement cet infléchissement du pilotage des
politiques publiques en faveur de la région face à un département relégué à des fonctions de
mise en œuvre de l'action publique sur le terrain. Un document est venu définir les nouvelles
missions des préfectures et des sous-préfectures. On remarquera qu'une fois de plus,
l'arrondissement n'est pas considéré comme une entité administrative à part entière. Car, si la
réforme s'est explicité au travers de documents réglementaires à l'attention des régions et des
départements, les sous-préfectures sont encore une fois relégués au rang de subdivisions infra-
départementales. On notera cependant que le schéma départemental se décline dans les
arrondissements selon les spécificités locales. Ainsi, un mouvement général tendrait à
dessaisir les sous-préfets de tout contrôle de légalité pour privilégier la gestion
interministérielle des programmes publics, en rompant avec le cloisonnement entre
administrations.
93 Cf. la circulaire du Premier ministre n°5316/SG du 7 juillet 2008 relative à l'organisation départementale de l'État.
74
3. La directive nationale d'orientation des préfectures, quels arrondissements pour
demain ?
La directive nationale d'orientation des préfectures (DNO) est un document
préparatoire de travail, réalisé de concert avec les sous-préfets et les préfets. Elle vise à
décliner les orientations fixées dans le cadre de la RGPP pour redéfinir concrètement le rôle
attribué au département et aux arrondissements. Le texte prévoit, dans un calendrier de 2006 à
2010, l'ensemble des éléments portant réforme des services départementaux : application de la
LOFL, gestion des ressources et réorganisation des services.
La DNO recense l'ensemble des champs d'intervention de l'État en listant les politiques
publiques et en redéfinissant le champ d'intervention de l'État (sécurité des personnes, gestion
des risques, développement durable...). La DNO énonce clairement une transformation
radicale des arrondissements : passer d'une administration de guichet à une administration de
mission.
Claudie Quillien évoquait la nécessaire évolution des missions des sous-préfectures.
En la matière, le document est très clair :
« Les sous-préfectures perdront à terme l’essentiel de leurs fonctions de guichet et, pour
certaines, une grande part du contrôle de légalité et budgétaire, développeront leur compétence
sur le conseil et le soutien au projet locaux (ingénierie territoriale). Elles renforceront leur
expertise dans les questions de sécurité, publique, civile et de l’environnement »
A la lecture de ces quelques lignes, et dans un contexte de réduction des coûts, il
ressort une image quelque peu contradictoire de ce texte. D'un côté la disparition des activités
de contrôle de légalité au profit de la préfecture signe un profond changement dans les
activités quotidiennes d'une sous-préfecture. D'un autre côté, on peut percevoir les
arrondissements comme dégagés d'un « carcan administratif » pour mener au mieux leur
objectif d'administration de « missions ». De plus, ces quelques lignes consacrent enfin le rôle
actuel des sous-préfets et leurs missions, ce qui n'était pour l'instant pas le cas. On retrouve
derrière ce vocable la notion de politiques publiques, manière dont l'action publique doit se
concevoir depuis les ministères jusqu'aux arrondissements. C'est une vision relativement
partagée par les différents corps d'État, que Claudie Quillien résume en ces termes : « Les
arrondissements doivent devenir des strates de missions où l'on décline de manière
75
particulière et adaptée l'action publique ». Nous avons vu précédemment quels étaient les
enjeux territoriaux qui attendaient l'État au local, voyons à présent quelles « missions » seront
confiés à moyen et long terme aux sous-préfets d'arrondissement.
Section 3 : Gérer ou agir, quelle place pour l'État territorial ?
Comme nous l'avons vu, le métier de sous-préfet s'est adapté bien avant les
réformes à la notion élargie d'action publique ; La RGPP et la LOLF complètent ce
mouvement. Le secrétaire d'État à l'Intérieur et aux collectivités locales, Alain Marleix,
annonçait ainsi que :
« […] Les missions des sous-préfets et des sous-préfectures doivent continuer à évoluer. La
sous-préfecture deviendra progressivement une administration de mission, tournée vers le
développement local venant en appui à l'action de proximité menée par le sous-préfet. Le sous-
préfet devra développer ses interventions en matière d'ingénierie territoriale et donner la priorité,
dans sa relation avec les élus, à leur demande de conseil »94.
Cette déclaration est lourde de sens pour le devenir des arrondissements. L'action de
l'État se modifie, les sous-préfectures doivent suivre le mouvement même si le corps avait
d'ores et déjà anticipé ce mouvement.
1. Renouer avec la proximité
Les propos du secrétaire d'État Alain Marleix, en reconnaissant les évolutions du
métier, permettent au moins de sortir le sous-préfet de l'ornière dans laquelle il se trouvait. La
RGPP ne conduit pas à plus de « verticalité » qu'elle n'introduit d'avantage d'« horizontalité ».
Penser l'action publique en termes de politiques publiques, rapprocher l'État des territoires et
transformer les administrations traditionnelles de gestion en « maisons de l'État », c'est une
volonté de renouer avec la notion de proximité. Au final, loin des considérations théoriques,
qu'est ce que le métier de sous-préfet si ce n'est un travail de proximité, de contact ? Nous
l'avons vu, les relations avec les citoyens et les acteurs forment le quotidien des sous-préfets
d'arrondissement.
94 Article tiré de La gazette des communes, n°2004, 5 novembre 2009.
76
Par ailleurs, la question de la proximité n’est-elle pas à mettre en face de celle de
technicité ? Face à une question complexe, l’élu, comme le citoyen ou l’usager, n’est-il pas
plus attentif à la qualité technique de la réponse que de la proximité de la personne ou de
l’institution qui la délivre ? En traitant la question du maillage et de l'échelon de proximité
pertinent, on pourrait même imaginer que c’est la présence du sous-préfet sur le territoire qui
justifiera l’implantation d’une sous-préfecture et non l’inverse. La sous-préfecture de demain
sera une administration de mission composée du sous-préfet et d’une petite équipe resserrée
autour des priorités nationales à mettre en œuvre au niveau local. La question de la présence
des sous-préfets invite à une réflexion sur le bon niveau à retenir pour délivrer le meilleur
service au coût le plus juste pour la collectivité.
L'insertion du sous-préfet dans l'organisation déconcentrée de l’État est, pour ainsi
dire, centrale. Les différentes réformes concernant la délivrance des titres, le travail en réseau
entre sous-préfectures et préfecture ainsi que la contrainte budgétaire doivent être pris en
compte. Concernant les effectifs, cela imposera de faire des arbitrages entre les différents
services de l'État, en privilégiant une mobilité accrue des fonctionnaires entre les différents
corps au regard des problématiques spécifiques des territoires. Le cœur de métier des sous-
préfets s'est recomposé depuis longtemps autour des fonctions de médiation et conseil. Ce
n'est que depuis peu que l'Etat le reconnaît et incline à accentuer ce mouvement de retour vers
les territoires. Pourtant, des modifications plus structurelles (maillage, moyens) finiraient pas
donner un tour bien différent à la figure traditionnelle du sous-préfet, voire au métier lui-
même.
2. Des sous-préfectures d'arrondissement aux « maisons de l'Etat » : le risque d'une
rupture
Sous l'égide de la RGPP, la DNO expose pour la première fois en 2008 le concept de
« maison de l'État ». L’idée est d’installer en sous-préfecture des services de l'État infra-
départementaux à l’occasion de leur réorganisation et d’accueillir des permanences de
services départementaux95. L’objectif affiché est de compenser les réductions d’effectifs des
sous-préfectures à la suite de la réforme de la délivrance de certains titres en conservant une
présence forte et visible de l'État sur le territoire.
95 On pense ici bien évidemment aux services techniques des DDEA et plus particulièrement à leurs services d'assistance aux territoires.
77
Si l'idée est envisageable, l'instauration des « maisons de l'État » présenterait plusieurs
inconvénients. D'abord, sous couvert de se rapprocher du territoire, on s'en éloigne puisque
les élus pourraient vivre comme un véritable divorce entre l'État et eux le démantèlement de
services aujourd'hui indispensables aux communes au titre de la solidarité entre État et
collectivités. Les « maisons de l'État » ne seraient perçues que comme un maigre palliatif,
l'homme de paille d'un État désertant des territoires. Les élus dénonceraient à coup sûr une
réforme a minima n'apportant pas les réponses nécessaires aux problèmes quotidiens des
français. De plus, la seule logique de réduction des coûts ne saurait guider cette réforme
puisque, si la « maison de l'État » peut être pertinente au niveau départemental, l'est-elle
forcément au niveau de l'arrondissement ?
De même, par le truchement de ces « maisons de l'État », le sous-préfet
d'arrondissement risquerait d'être réduit à un simple chargé de mission auprès du préfet de
département ou de région. Ajoutons à cela une probable disparition de l'assignation à
résidence dans l'arrondissement, et la notion même de sous-préfecture perdrait totalement sa
singularité ; celle d'un homme sur le terrain pour faire la jonction entre les intérêts locaux et
ceux de l'État.
Ajoutons à cela que les processus de gouvernance des politiques publiques se sont
complexifiés, brouillant au mieux leur lisibilité et au pire, leur pilotage. Ainsi, en matière
d'emploi ou de cohésion sociale, les lois de décentralisation sont venues modifier en
profondeur le rôle des sous-préfets dans leurs territoires. La création de l'Agence Nationale de
Rénovation Urbaine (ANRU) a, par exemple, bousculé le mode d'instruction des dossiers et
des demandes qui ne passent plus systématiquement par le biais du sous-préfet. Il conviendra
à termes de redéfinir clairement et non plus a minima le positionnement et la place qu'occupe
l'arrondissement dans le pilotage de politiques publiques nationales,
3. Le sous-préfet négociateur
Dans la conception d'un sous-préfet à la croisée des chemins entre le local et le
national, on pourrait plutôt évoquer un sous-préfet « négociateur ». En effet, faire le lien entre
les politiques publiques nationales et un territoire, les adapter au contexte local est un
véritable jeu de composition.
78
La sociologie de l'action publique parle « d'arrangement avec la règle ». Les travaux
que nous avons pu citer au début de cette partie montrent la difficulté de mettre en œuvre les
réformes au plus près des territoires. Le chercheur en sciences sociales Vincent Dubois a
réalisé une étude auprès des guichetiers d'une caisse d'allocation familiale qui démontre très
bien ce phénomène96. Il montre que Les agents de la CAF, pour répondre aux attentes des
usagers et face à la jungle des législations et des règlements, composent au quotidien. Ainsi,
ils n'appliquent jamais un programme dans sa totalité, ils« s'arrangent avec la règle », faisant
de chaque usager ou presque, un cas particulier.
A une échelle différente de celle du guichet d'une CAF, le sous-préfet est dans une
situation en partie similaire. Quand une volonté commune s'exerce pour un territoire, s'il y est
associé, le sous-préfet pourra très bien réaliser cet « arrangement négocié ». Cela peut prendre
plusieurs formes : plaider un dossier auprès de l'administration compétente, « fermer les
yeux » sur un problème, faire une légère entorse au code des collectivités territoriales... Sans
jamais tomber dans l'illégalité, les sous-préfets peuvent être amenés à « négocier » les règles
nationales en faveur du développement du territoire. La condition sine qua non de cet
arrangement négocié est l'émergence d'un consensus politique entre les acteurs d'un territoire
autour d'un projet commun.
Par ailleurs, cette capacité de négociation est reconnue comme une qualité
fondamentale pour un sous-préfet. Ce dernier doit savoir mener une réunion pour qu'elle soit
productive, enrichissante et profitable à tous. Les sous-préfets sont par ailleurs très
demandeurs de formations en ce sens.
Les enjeux territoriaux à venir modifieront en profondeur les structures de l'État
déconcentré. Dans une logique d'efficience des politiques publiques, l'État a su élargir sa
notion d'action publique pour accepter de travailler avec d'autres partenaires et modifier son
action dans les territoires. On reconnaît timidement aux sous-préfets l'importance de leur rôle
dans ce nouveau schéma.
96 Vincent Dubois, La vie au guichet, Paris, Economica, 1999.
79
Toutefois, nous avons pu voir dans le chapitre précédent que les sous-préfets, de par
leur position privilégié dans le système politico-administratif local, avaient su,
inconsciemment, anticiper ce mouvement. Au risque de trop vouloir accélérer une réforme
face à des changements inévitables, on risque de perdre certains savoirs. Ainsi, l'État doit
apprendre à modifier son comportement au niveau local sans se désengager pour ne pas
perdre la confiance et la légitimité des acteurs locaux. Laissons à Claudie Quillien le soin de
conclure ce chapitre :
« Le sous-préfet fonctionne malgré tout encore dans une relation verticale et de toute manière
l'arrondissement devra se plier aux réformes menées au plus haut de l'État. Nous aurons une
réorganisation des missions et un resserrement du réseau des sous-préfectures, ce qui est
inévitable. La transversalité des missions sera le mot d'ordre pour l'avenir de la fonction, ce qui
se traduira par une ouverture du métier. En effet, depuis quelques années je crois savoir que le
corps s'ouvre de plus en plus à des profils différents dans l'administration mais aussi en dehors.
Les sous-préfets deviendront des experts de l'action publique en quelque sorte. »
80
CONCLUSIONCONCLUSION
Au final, quel bilan pouvons-nous tirer du sous-préfet d'arrondissement face aux
réformes ? Au fur et à mesure de notre réflexion, plusieurs éléments sont apparus et au final
une question reste en suspens ; comment un métier aux fonctions apparemment mal définies
peut-il – ou doit-il - s'adapter aux nouveaux modes d'action publique ?
Dans un premier temps, nous avons pu voir la pérennité du métier de sous-préfet
d'arrondissement. Considéré comme une division administrative pertinente dès sa naissance
en 1800, l'arrondissement a été au fil de l'Histoire nié au profit d'autres découpages
administratifs jugés plus efficients. Pourtant, en deux cents ans d'histoire, les sous-préfets ont
survécu aux bouleversements politiques, culturels et socio-économiques des XIXème et XXème
siècles. Ceci nous fournit une première piste qui nous interroge sur l'utilité d'un sous-préfet
d'arrondissement. Pourquoi, malgré la négation de l'arrondissement comme structure
administrative, le sous-préfet d'arrondissement n'a t-il pas disparu ? Pierre Grémion y répond
en affirmant que les sous-préfets seraient les derniers éléments « pouvoir périphérique ». Est-
ce pour autant une réponse suffisante ?
Même actuellement, le rôle et les missions du sous-préfet restent peu claires et un halo
de fumée entoure encore ce métier si singulier, cette figure populaire de l'administration.
Ainsi, l'un des corps de haut-fonctionnaires de l'État serait à la fois le mieux et plus mal connu
des métiers ? A se demander s'il ne s'agit pas du plus vieux métier du monde...
Ce mémoire nous fournit pourtant plusieurs pistes de réponses dépassant la vision de
Pierre Grémion. En un sens, la qualité profonde des sous-préfet, gage de leur permanence au
sein de la structure d'État, est leur capacité à anticiper les changements de gouvernance. En
poste au plus près des territoires, ils sont aussi essentiels aux acteur locaux (les élus), qu'à
l'appareil d'État qui compte sur leur retour d'information pour nourrir ses modes d'action.
Idéalement situés entre le local et le global, les sous-préfets d'arrondissement sont à la croisée
des chemins.
81
Bénéficiaires du respect et de la légitimité de leur fonction, ils ont l'oreille des élus
qui, s'ils ne leur obéissent plus, les écoutent avec attention. Cette singularité les distingue des
préfets.
En plus de trente ans, les modes d'action de l'État ont bien évolué. Les conclusions de
Pierre Grémion et du Pouvoir périphérique sont à revoir en partie. En effet, loin d'être les
antiques survivances d'un système politico-administratif local en perte de vitesse, les sous-
préfets ont su faire évoluer leurs missions et leur place dans l'espace social. La
décentralisation, accompagnée de son pendant la déconcentration, ont amené à changer de
grands pans de l'action publique. Sous des dehors conservés d'État fort, nous passons de plus
en plus d'un modèle d'État-providence à une figure d'État-régulateur ; un État-arbitre
prescripteur de normes qu'il ne fait plus exclusivement respecter.
Ce changement de paradigme, accéléré par des déficits publics abyssaux, a bouleversé
une partie de l'organisation de l'appareil d'État (fusion de corps, mutualisation des moyens...).
Les sous-préfets d'arrondissement, anticipant ce retour vers les territoires, ont remodelé leur
action pour apparaître à présent comme des acteurs à part entière du développement local, se
libérant ainsi du carcan rigide de tuteur des collectivités dont le contrôle de légalité était la
priorité avant 1982. Toujours porte-voix de l'État, le sous-préfet d'arrondissement a su
recomposer son métier. Nous pouvons à présent en esquisser une définition basée sur quatre
piliers :
1) Le maintien de l'égalité républicaine sur l'ensemble territoire. La
décentralisation « à la française » a conservé cette particularité d'un attachement fort
au respect de l'égalité et des droits individuels partout sur le sol national. Les sous-
préfets sont les garants d'une notion élargie de l'ordre public, tenant une place
centrale dans leur métier.
2) La médiation des politiques publiques. Alors que les politiques publiques sont
de plus en plus autonomes par rapport au pouvoir central, leur mise en œuvre
efficace nécessite de plus en plus de coordination. Les sous-préfets ont su s'acquitter
de cette nouvelle mission en permettant à l'État d'appliquer au mieux ses programmes
publics. Ils se sont affichés comme de véritables « assembliers » dans tous les
domaines d'action publique ; l'interministérialité des programmes étant leur lot
quotidien.
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3) L'ingénierie de développement local. En parallèle de leur action pour l'État, les
sous-préfets œuvrent à présent en faveur des territoires. Par leur action ils contribuent
à faire émerger un consensus sur un projet de territoire (coopération intercommunale,
planification...) auquel ils contribuent par la suite. Là encore, ils sont des médiateurs,
exerçant une véritable fonction d'assistance à maîtrise d'ouvrage de par les conseils
qu'ils prodiguent aux élus.
4) La représentation et la proximité. Enfin, les sous-préfets ont conservé cette
fonction symbolique et traditionnelle de représentation qui marque encore leurs
uniformes. Dans les territoires ruraux, « L'État c'est eux » et leur proximité avec les
citoyens est un atout pour l'image de l'administration centrale.
Cette relative bonne adaptation aux nouveaux modes d'action publique est toutefois un
équilibre précaire. Les sous-préfets peinent parfois à trouver leur place dans un paysage
institutionnel en constante évolution : décentralisation accrue, créations d'établissements
publics, croissance de la coopération intercommunale... Si à l'heure actuelle le gouvernement
revenait sur son engagement de ne pas modifier le maillage actuel des arrondissements, alors
ce ne serait plus seulement le métier qui serait changé, mais les sous-préfectures elles-mêmes.
Ce qui viendrait contredire le mot du sous-préfet Hugues Fuzeré « le métier est amené à
changer, les sous-préfectures peu ou pas ». En vertu d'une lutte légitime contre les déficits
publics et d'une chasse aux dépenses inutiles de l'État, qui sont sans nul doute nombreuses, le
risque de démanteler des réseaux fondamentaux pour l'action de l'État est réel.
Ce retour de l'État vers les territoires, et in fine vers les citoyens, est un objectif
louable. De plus, la proximité des services de l'État devient un élément indispensable pour la
réussite des projets locaux. Ainsi, des réseaux de partenaires existent déjà, au sein desquels les
sous-préfectures symbolisent l'ancrage local de l'État.
Il existe un relatif consensus sur le fait que les missions des sous-préfectures
d'arrondissement sont amenées à changer et, nous l'avons vu, ce virage est d'ores et déjà bien
amorcé sous l'impulsion conjointe de la RGPP et de la LOLF. Les sous-préfectures
délaisseront au fur et à mesure leur rôle de guichet pour devenir des administrations de
missions. L'organisation de l''État français est à ce titre tout à fait singulière, tout autant que sa
fragile mécanique qui balance entre décentralisation et déconcentration.
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Ayant su éviter les écueils d'autres pays en la matière, la France est confrontée à ses
propres problèmes. Le changement des modes d'action étatiques doit se faire de manière à ce
que l'attachement des territoires à la République en soit le fondement ; aussi proches de Paris
que des terroirs, les sous-préfets en sont et en seront des rouages essentiels.
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ANNEXESANNEXES
CARTOGRAPHIE DES ARRONDISSEMENTS *
• « Localisation », p.86
• « Population en 1999 », p.87
• « Évolution de l'emploi entre 1990 et 1999 », p.88
• « Population de l'espace à dominante urbaine », p.89
• « Schémas de cohérence territoriale », p.90
ENTRETIENS
• Questionnaire soumis aux personnes interviewées, p.91
• Entretien avec Monsieur Patrick Cousinard, sous-préfet de Castelsarrasin, p.92
• Entretien avec Monsieur Hugues Fuzeré, sous-préfet de Pamiers, p.96
• Entretien avec Monsieur Jacques Troncy, sous-préfet de Castres, p.99
• Entretien avec Madame Claudie Quillien, inspectrice générale de la jeunesse et
des sports, p.104
* Source : DATAR, 2005.
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Questionnaire
LE SOUS-PRÉFET FACE AUX RÉFORMES
1. Présentation rapide de l’interlocuteur.Depuis quand occupez-vous ce poste de Sous-préfet ?Quels postes avez-vous occupés précédemment ?Avec quelques adjectifs, quels sont les qualités nécessaires pour être Sous-préfet ?Un mot pour qualifier votre arrondissement ?
2. Il y a beaucoup de littérature quant à l’évolution du rôle du Sous-préfet dans l’histoire administrative française. Souvent très caricaturale. La loi du 6 février 1982 vise à faire du Sous-préfet un « animateur du développement local ».Quel regard porter sur l’arrondissement, une division administrative qui n’a jamais su trouver sa place dans le paysage administratif français ?Serait-ce l’échelon administratif le plus adapté à des politiques publiques territorialisés ?
3. Venons-en maintenant au cœur même de votre fonction.Dans quelle mesure peut-on parler d’un Sous-préfet « animateur du développement local » ? Quelles sont vos relations avec les élus, les administrations locales, les consulaires,… ?Les Sous-préfectures ne sont-elles que des « boîtes aux lettres » pour les usagers, les acteurs locaux. Y a-t-il des véritables interactions ? Un exempleDisposez-vous d’une réelle autonomie dans vos actions ?
4. Actuellement, nous sommes en pleine réorganisation de l’Etat et de ses services, (RGPP). En effet, une grande partie de la réforme touche les services déconcentrés dans les départements.Comment avez-vous mis en œuvre les préconisations portées, d’une part par la Mirate (Mission interministérielle pour la réforme territoriale de l’Etat), la Réforme des administrations territoriales de l’Etat (Réate) et d’autre part par la Date (décret relatif aux emplois de direction de la FPE) ?Quelles sont les nouvelles directions départementales que vous envisagez de créer ?Quelle cohérence entre ces différentes directives et plus globalement dans la réforme l’Etat au local ?
5. Quel est votre regard sur la réforme des collectivités territoriales à venir.Avons-nous trop d’élus ? Cumulards ?Le Sous-préfet ne pourrait-il pas devenir un « expert » de l’Action publique au local ?
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ENTRETIEN AVEC PATRICK COUSINARDSOUS-PRÉFET DE L’ARRONDISSEMENT DE CASTELSARRASIN (82)
2 NOVEMBRE 200911H-12H – SOUS PRÉFECTURE DE CASTELSARRASIN
L’ordre public, la sécurité, la tranquillité tout comme le contrôle de légalité et le respect des
lois sont les fondements de notre cœur de métier. Mais bien sûr, ce n’est pas que cela. Le métier
c’est gérer des crises, faire de la médiation pour résoudre des conflits ; que ce soit entre les élus ou
entre l’administration et les citoyens. Je suis d’accord avec le préfet Ceccaldi. Il n’y pas de
contestation pour dire que le corps préfectoral est une partie essentielle de nos institutions. C’est
une particularité française que l’on retrouve dans peu de pays européens, sauf l’Italie. C’est une
culture différente de celle des pays anglo-saxons.
Le préfet reste reconnu comme l’instance auprès de laquelle on fait un recours. Nous avons une
légitimité pour intervenir dans les domaines de la vie économique et sociale. Le corps préfectoral
coordonne les actions de l’Etat et les différentes PP du gouvernement. Je suis satisfait de ce que je
fais. Je n’ai pas d’état d’âme, je n’ai pas le blues.
La RGPP n’a pas remis en question le fait qu’il faille un Etat au plus près du terrain : le
Sous-préfet d’arrondissement. La RGPP ne remet pas en cause les sous-préfet même si certaines
devront disparaître. C’est une demande qui émane également des administrés qui souhaitent un Etat
incarné. Je tiens à dire qu’il y aune représentation non-conforme du métier. Pour les citoyens, le
sous-préfet délivre des titres. Bien que ce soit une activité essentielle qui occupe une grande partie
de mes services, je ne gère pas ce quotidien. J’ai un secrétaire général qui s’occupe de cela. Il faut
différencier cette activité de ce que je fais.
Dans ce département, l’urbanisme est un problème. L’Etat a ici un rôle à jouer en délivrant
notamment les permis de construire. Comme vous le voyez, la relation que j’ai avec les administrés
se fait d’une autre manière. Vous savez, si les gens ne savent pas que j’existe, le jour où ils ont un
problème, ils savent me trouver. La pertinence d’un arrondissement dépend des politiques publiques
(PP). Par exemple, il me semble que les PP de l’emploi sont un bon échelon pour l’arrondissement.
En revanche, pour ce qui est de la culture, qui est maintenant gérée majoritairement par la région
(DRAC), c’est moins pertinent. Encore que, la question peut se poser ! Le sous-préfet est une
interface. Toulouse c’est loin mais c’est près en même temps. Je dirais la même chose des politiques
européennes de développement régional. Nous avons un rôle à jouer, même si nous ne les
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organisons pas, pour faire émerger les projets.
Sur la question du redécoupage, tout dépend de ce qu’il doit être : un bassin de vie, un
bassin d’emploi ? A un moment il faut bien se mettre d’accord et découper. Dans le Tarn et
Garonne, il n’y a qu’un seul arrondissement. Et c’est vrai que le chef-lieu d’arrondissement est
proche de Montauban. Cet arrondissement a quand même des particularités territoriales comme le
Quercy et la Rouergue qui sont des zones très rurales. On pourrait envisager un redécoupage mais
ce n’est pas à l’ordre du jour.
Un préfet m’a dit un jour « le sous-préfet doit faire son poste ». Chaque arrondissement a ses
caractéristiques mais ce cadre peut évoluer. Je m’autorise don à intervenir dans tous les champs
sociaux et économiques : les administrations, les entreprises, les associations,… Pour « animer » un
territoire, il faut bien connaître le terrain et ses acteurs. Il faut aussi montrer ue l’Etat es incarné
pour offrir des services, c’est d’abord une présence.
Je vois très souvent les élus, c’est mon fonds de commerce. Ceux que je vois les plus ce sont
les maires (ruraux notamment) et les présidents d’EPCI. En effet, dans le 82 il y a un déficit du côté
de l’intercommunalité. Pour les CG que je vois, la plupart ils sont maires ou ont un autre mandat.
Les CR par contre, je mes vois peu, sauf exception. Peu de relations. La région n’est pas une
administration de guichet, au plus proche des usagers. Sinon je vois aussi les députés et les
sénateurs régulièrement.
Semaine type :
LUNDI : Réunion en préfecture avec le SG et les syndicats
MARDI : RDV Mairie pour parler de sécurité, en compagnie de la gendarmerie. RDV avec un
administré pour des problèmes d’urbanisme
MERCREDI : Réunion du corps préfectoral, réunion préparatoire aux assises des territoires ruraux,
gestion du personnel (préfecture), problème syndicat des ordures
JEUDI : DDEA (une réunion par mois concernant l’urbanisme), comité local de sécurité
VENDREDI : Cérémonie de remise de décrets de naturalisation
Un Préfet m’a dit un jour, sous-préfet c’est « une profession libérale ». Cela me convient…
Je dois rendre compte à ma préfette mais je dois surtout faire en sorte qu’elle entende parler le
moins possible de l’arrondissement. C'est-à-dire lui causer le moins de soucis possible pour qu’elle
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puisse se concentrer sur ses missions. Je dois décharger le Préfet. Je n’empêche personne d’alors
voir la préfette, je ne suis pas un rempart, mais faire en sorte qu’elle ne s’occupe pas que de cela.
La sous-préfecture doit rassembler, ce n’est pas seulement qu’une boîte aux lettres ! Notre
métier c’est de trouver des compromis, dénouer des solutions difficiles. Nous ne sommes pas des
techniciens mais des généralistes. Et être généraliste c’est une spécialité ! Nous ne sommes pas que
des juristes ou des ingénieurs. Nous devons trouver des solutions à des problèmes complexes. Il faut
donc connaître le territoire, les hommes et le terrain. Il faut être reconnu comme autorité naturelle.
Souvent les solutions existent mais les gens passent à côté parce qu’ils ont trop dans le conflit,
persuadés qu’ils sont d’avoir raison. Je voulais également vous dire que nous devons appliquer
intelligemment le droit. C'est-à-dire trouver des accommodations puisque le droit donne la solution
mais la réalité du terrain vous oblige à appliquer intelligemment le droit. Les techniciens proposent
des solutions techniques qui ne correspondent pas forcément à un moment donné.
Je ne pense pas que l’Etat se désengage. Le périmètre de l’Etat est limité par le déficit peut
être. Mais l’avenir de l’Etat ne se résumera pas à quelques domaines de compétence. Juridiquement,
l’Etat, tout comme les CL, en tant que puissance suprême peut décider d’abandonner une
compétence. Mais ce que l’Etat laisse, il peut le reprendre ! Mais c’est un paradoxe puisqu’il y a un
besoin d’Etat. Quand il y a un problème, c’est à la préfecture qu’on manifeste ! L’Etat, c’est le
garant de l’ordre institutionnel.
En ce qui concerne le contrôle de légalité, nous avons bien sûr un rôle de conseil. Il faut être
pédagogique. Exercer le contrôle de légalité en privilégiant la souplesse et l’arrangement au recours
gracieux. Surtout en zone rurale. La part du conseil est fondamentale. Les maires appellent eux-
mêmes pour savoir comment rédiger une délibération
Normalement, je ne devrais pas commenter un projet de loi. Mais la réforme des CL me
parait aller dans le bon sens. Ce n’est pas tant parce que l’on réduit le nombre d’élus. Mais les CR,
on ne les connaît pas. Ils ne représentent pas un territoire mais une institution à la différence des
CG. Avec le conseiller territorial, on aura enfin des élus qui représentent des territoires. C’est aussi
l’effet pervers de la décentralisation qui visait à créer des administrations réactives car plus proche
du terrain. Eh bien, aujourd’hui, un CG d’un grand département dépasse en effectif le nombre
d’employés d’un ministère.
94
Sur ce que dit JM Bricault, on ne prend pas le sens d’un renforcement total du préfet de
région. Certes, il pourra donner des instructions au Préfet de département mais il conservera ses
prérogatives. D’ailleurs, le préfet de région reste un préfet de département ! L’administration
prépare en ce moment un décret, remplaçant le décret de 2004, qui viendra éclaircir tout cela. En
revanche, cette réforme prévoit de faire des sous-préfet des administrations de mission et non plus
des administrations de mission et non plus de guichet.
Certains de mes collègues allaient plus loin en suggérant que les sous-préfet n’avaient plus besoin
d’être en sous-préfet mais qu’ils pouvaient rester en préfecture. Je pense que le métier évolue mais
qu’il faut maintenir le réseau. C’est la première fois que la réforme de l’Etat précède celle des CL.
La RGPP n’est pas un programme « grand public », moins que la réforme des CL.
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ENTRETIEN AVEC HUGUES FUZERESOUS-PRÉFET DE L’ARRONDISSEMENT DE PAMIERS
22 OCTOBRE 200911H-12H – SOUS PREFECTURE DE PAMIERS
Je n’ai pas lu l’article. Je viens de prendre mes fonctions et j’ai du retard dans la lecture de
la presse. L'Etat subit des changements qui sont dérangeants pour certains. Des états d’âme il y en
avait eu lors de la décentralisation en 1982. Certains membres du corps préfectoral avaient même
menacé de démissionner lors de l’alternance de 1981 ! Le métier est appelé à changer mais peu ou
pas les Sous-préfectures.
Il s’agit aussi de phrases sorties de leurs contextes et je ne partage pas ces inquiétudes. Il est
nécessaire que l’administration de l’Etat, comme celle des collectivités territoriales, s’adapte.
L’arrondissement est un gage de proximité. Et le sera encore plus au 1er janvier prochain
avec la reconcentration au niveau régional des services de l’Etat. Les zones rurales ont besoin d’un
interlocuteur proche, avec une dimension interministérielle. Quels autres fonctionnaires pourraient
jouer ce rôle que les SP ?
L’échelle de l’arrondissement est pertinente, le découpage après… En Ardèche comme dans
les Hautes Pyrénées par exemple, la réalité de la vie économique et sociale exigerait de revoir la
délimitation des arrondissements. Il faut tenir compte des bassins de vie, mais surtout des
infrastructures de transport.
L’arrondissement de Pamiers est peut être inadapté par endroit, je ne sais pas, je viens de prendre
mes fonctions. Mais la pertinence de Pamiers en tant que chef lieu ne se discute pas.
La vocation interministérielle des SP ira en se renforçant. L’architecture départementale est
aujourd’hui réduite à deux directions départementales. Le SP sera quelque part le correspondant des
agences régionales. Cette vocation interministérielle, le SP la tire en partie de son histoire. Quelle
que soit la politique publique et quelle que soit l’échelle, il faut un correspondant proche du terrain,
proche des élus. Qui mieux que le SP pourra réunir tous les acteurs autour d’une table ?!
Le SP est l’animateur de toutes les politiques publiques, il doit pour ce faire être au cœur de
son territoire. Lorsqu’il y a un projet, le SP est un assemblier des politiques publiques. Il aide à
rechercher les financements, le consensus entre les acteurs et aide en partie la « prise de décision ».
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Dans les financements croisés, le SP est au centre. Aucun autre acteur ne bénéficie d’une légitimité
suffisante. L’Etat est plus que jamais présent sur le territoire. Il y a un besoin d’Etat qui ne va pas en
diminuant.
Sur la problématique du contrôle de légalité, il est clair que nous jouons un rôle de conseil.
Ce constat est à nuancer selon la taille des collectivités locales. Elles ne peuvent clairement pas
toutes s’offrir l’expertise d’un cabinet juridique. La fonction de conseil s’exerce au quotidien avec
les petites communes. Il y a d’ailleurs très peu de recours contentieux. Il faut que nous manions
l’expertise et le conseil et je me suis fixé comme règle de toujours appeler un maire avant de
signaler un acte illégal.
Je tiens à insister sur le fait qu’il y a un rôle qui n’est écrit nulle part dans les textes et qui se
développe pourtant de plus en plus. Je veux parler de la fonction de médiateur dans les conflits.
Conflits dans lesquels l’Etat n’a aucune compétence. Des conflits de voisinage par exemple ou des
conflits après les élections par exemple. Cela tend à se développer de plus en plus. C’est une
activité chronophage (exemple du karting). Avant de prendre un avocat, on va voir le Sous-préfet.
Surtout en zone rurale.
La relation avec les préfets sont variables. Vous changez de préfet, vous changez de métier !
Il y a, à mon sens, deux cas de figure. Le SP fonctionne en totale autonomie puisque le préfet est
entièrement occupé par d’autres tâches. C’est ce qui m’est arrivé à Calvi. En Lozère, en revanche,
le préfet faisait tout. Le SP n’existait pour ainsi dire pas. Pour des raisons politiques, les élus
allaient plus souvent voir le préfet (cf. enregistrement). La culture du corps préfectoral veut que le
SP joue pleinement son rôle. Certains préfets, non issus du corps, n’ont pas forcément cette marque
de respect.
Le SP applique sur le terrain l’ensemble des PP de l’Etat. Les missions régaliennes restent
notre priorité : la sécurité et la légalité. Mais le développement économique, le chômage, la
cohésion sociale sont des politiques très importantes qui s’appliquent différemment selon les
territoires. En Lozère par exemple, le tourisme était le seul vecteur économique. La territorialisation
du Grenelle de l’environnement est également au cœur des PP actuelles. Je vois le plus souvent
maires et conseillers généraux (qui ont bien souvent un autre mandat). Quant aux conseillers
régionaux, presque jamais ! Au monument au mort… Si, à l’occasion d’un montage de projet peut
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être. Et encore, pour être franc, c’est bien souvent plus avec les services que nous travaillons
qu’avec les élus. Les CR sont devenus des usines à gaz.
La RGPP a eu peu d’impact à Pamiers. Il y aura très certainement un transfert physique du contrôle
de légalité et du contrôle budgétaire vers la préfecture. Pour autant, nous avons fait remarquer qu’il
ne fallait pas dissocier la fonction de contrôle du rôle de conseil que nous évoquions tout à l’heure.
Il faut que les élus continuent à aller voir le SP. Au départ, l’Etat voulait tout concentrer. Or il a été
décidé que le SP continuera à recevoir les actes et transmettra les cas litigieux en préfecture. Au
fond, rien ne change pour les élus. Le renforcement de la préfecture de région n’est pas perceptible
au quotidien.
Sur la réforme des CL et la création du conseiller territorial, je n’ai pas d’opinion particulière. C’est
la volonté du gouvernement. Si la réforme va au bout de la logique, ce sera plus facile pour nous
puisque nous aurons en face un seul interlocuteur pour deux collectivités locales. Quel sera le
partage des compétences pour autant ? Vous savez, un coup on décentralise, un coup on
reconcentre, l’histoire administrative française est faite de perpétuels allers-retours.
Le SP est un vrai expert de l’action publique locale. En attestent ses missions de médiation et de
conseil juridique. Pour les petites communes, le SP c’est la figure du conseil. Comment trouver une
solution. Nous avons une vision globale des enjeux, des PP, des financements, des procédures… Le
SP met autour de la table les élus.
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ENTRETIEN AVEC M. JACQUES TRONCY
SOUS-PRÉFET DE L’ARRONDISSEMENT DE CASTRES
JEUDI 15 OCTOBRE 200910H-11H – SOUS PREFECTURE DE CASTRES
1) Dans le Monde daté du 13 octobre dernier, intitulé Le blues des Préfets, plusieurs de vos
collègues se plaignent su sort actuellement réservé aux corps préfectoraux. Ainsi,
plusieurs déclarations telles que « 95% de reconnaissance, 5% de critiques
médiatisées », « Jamais la fonction n’aura été autant politisée »,… Que vous inspirent
ces remarques ?
Il s’agit d’agitation médiatique, des marronniers pour les journalistes. C’est en partie du
détournement médiatique. Pour autant cet article met en lumière la réforme de l’Etat initiée depuis
plusieurs années (RGPP, LOLF…) et met le feu des projecteurs sur l’Action publique. Sur la
fonction, bien évidemment que nous sommes en lien très étroit avec le gouvernement et donc le
politique, ça ne date pas d’hier.
Nous y reviendrons certainement plus loin, mais il est clair qu’il y a une accélération de la
réforme de l’Etat. Au niveau préfectoral, il est certain que l’on observe un renforcement de
l’échelon local et une inflexion du niveau départemental. En ce moment, nous franchissons un cap
dans la régionalisation.
2) Il y a beaucoup de littérature quant à l’évolution du rôle du Sous-préfet dans l’histoire
administrative française. Souvent très caricaturale. La loi du 6 février 1982 vise à faire du
Sous-préfet un « animateur du développement local ».
Quel regard porter sur l’arrondissement, une division qui n’a jamais su trouver sa
place dans le paysage administratif français ?
Serait-ce l’échelon administratif le plus adapté à des politiques publiques
territorialisés ?
Ca dépend des territoires ! Toute situation varie d’un département à l’autre et d’un
arrondissement à l’autre. Pour parler de l’arrondissement de Castres, le découpage de
l’arrondissement est pertinent. Il recouvre des grandes villes (Castres, Mazamet, Lavaur), des
industries et 180.000 hab. Pour l’application des PP, pour les collectivités locales et les acteurs du
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territoire (consulaires, élus,…), ça me semble être l’échelon pertinent.
En ce qui concerne le rôle de Sous-préfet, il y a eu une très nette évolution du Service
public. Evolution antérieure à 1982 même. Il y a une très forte marque du contact du SP au service
du développement local. Un rôle de facilitateur, d’intermédiaire, de médiateur. Toutefois, je pense
que nos concitoyens sont encore très attachés aux fonctions régaliennes qu’assure l’administration
préfectorale, notamment en terme de sécurité publique. Nous sommes également très attentifs au
contrôle de légalité.
Mais le contrôle de légalité ne se résume pas à cela. Il ‘accompagne bien évidemment d’un
travail d’appui et de conseil avec les acteurs du territoire et les élus. Ca peut même aller jusqu’à la
rédaction de certaines délibérations ! J’aide les exécutifs locaux pour le montage de projets, pour
leur expliquer certain rouages administratifs et au besoin les aider. Cela va du maire de Castres, aux
maires des plus petites communes avec qui j’ai des contacts très réguliers. Il ne se passe pas un jour
sans que je reçoive, ou que je me rende quelque part, pour rencontrer des élus, des associations ou
des consulaires. Je préside en effet la CCI (établissement public) et j’ai beaucoup de contacts avec
les consulaires, formels ou infromels. Ca participe également d’une bonne connaissance du
territoire sur lequel on travaille.
Les SP incarnent une disponibilité du Service public tout autant qu’une réelle proximité. Ce
travail occupe une bonne partie de mes journées.
3) Venons-en maintenant au cœur même de votre fonction.
Dans quelle mesure peut-on parler d’un Sous-préfet « animateur du développement
local » ? Quelles sont vos relations avec les élus, les administrations locales, les
consulaires,… ?
Les Sous-préfectures ne sont-elles que des « boîtes aux lettres » pour les usagers, les
acteurs locaux. Y a-t-il des véritables interactions ? Un exemple
Disposez-vous d’une réelle autonomie dans vos actions ?
Comme j’ai pu vous le dire, le meilleur contrôle de légalité est celui qui se fait en partenariat
avec les CL et les EPCI. Je n’aime pas forcément l’adjectif d’« animateur » du développement
local, mais c’est cela. En ce qui concerne les PP, prenons l’exemple des politiques de l’emploi.
L’activité d’un SP variera fortement selon l’arrondissement. Il peut très bien faire des projets de
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développement (implantation d’entreprises) tout comme gérer les situations de crise et de difficultés
économiques.
Sur la question de notre autonomie, il ne se passe pas un jour sans que j’ai la préfette au
téléphone. Nous nous réunissons une fois par semaine et tous les 15 jours avec les principaux
directeurs des services départementaux. Toutefois, dans le cadre de mes attributions, ma marge de
manœuvre est importante. Une de mes collègues a d’ailleurs comparé la fonction de SP à celle de
travailleur indépendant. Il y a autant d’approches qu’il existe de SP. Certains auront une approche
plus administrative et d’autres plus au contact du terrain. Je suis plutôt du deuxième style ! J’ai
l’intime conviction que ce qui fait la valeur ajoutée du SP c’est d’être à la disposition des gens et
des élus. La fonction s’adapte au territoire.
4) Actuellement, nous sommes en pleine réorganisation de l’Etat et de ses services,
(RGPP). En effet, une grande partie de la réforme touche les services déconcentrés dans
les départements.
Comment avez-vous mis en œuvre les préconisations portées, d’une part par la
Mirate (Mission interministérielle pour la réforme territoriale de l’Etat), la
Réforme des administrations territoriales de l’Etat (Réate) et d’autre part par la
Date (décret relatif aux emplois de direction de la FPE) ?
Dans cette optique « interministérielle » quelles seront vos relations avec les
directions régionales (notamment les DREAT) ? Quelles dimensions budgétaires ?
Quelle cohérence entre ces différentes directives et plus globalement dans la
réforme l’Etat au local ?
La RGPP c’est du concret pour nous ! Deux grandes orientations. D’une part, le
renforcement effectif des prérogatives du Préfet de région et d’autre part, la réorganisation des
préfectures et SP.
En ce qui concerne la SP de Castres, nous conservons le « Régalien » nécessaire qui
mobilise une grande partie de nos personnels. C'est-à-dire toute la délivrance des actes
administratifs (permis de conduire, urbanisme et droit des sols). D’ailleurs, on pourrait imaginer
que l’ensemble des actes concernant les associations soient regroupés en SP. Nous conservons
également la partie contrôle de légalité, mais cette fois-ci plus orientée vers les fonctions de conseil
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et d’ingénierie dont je vous ai parlé précédemment. Nous ne contrôlons plus tous les actes, nous
filtrons plus (exemple des avancements de grade). Nous faisons de l’aide en aval, a priori. Il faut
alléger le contrôle de légalité tout en restant très strict sur les deux sujets les plus sensibles : le CMP
et l’urbanisme.
Enfin, il me semble que la cohésion sociale est un enjeu primordial. Les SP doivent être le
guichet de mise en œuvre des PP sociales. Jai également beaucoup de contacts avec les associations
sociales (retour à l’emploi,…).
5) Quel est votre regard sur la réforme des collectivités territoriales à venir.
La création des conseillers territoriaux influera t-elle sur votre rôle ?
Le Sous-préfet ne pourrait-il être amené à devenir un « expert » de l’Action
publique au local ?
Le ticket « arrondissement-région » est-il l’avenir ?
Sur le « ticket » arrondissement-région, je ne pense pas que cela soit d’actualité. Ce n’est
pas bien cibler le problème car les préfectures de département ne sont pas prêtes de disparaître.
La taxe professionnelle est le meilleur impôt que nous n’ayons jamais eu. Les communes et
les EPCI vont de pair et sont des échelons pertinents pour le développement local (figure du maire).
Je pense qu’il faut clarifier les compétences entre CG et CR.
Toutefois, une question que vous auriez pu me poser, est quels élus viennent vous voir ? Et il est
vrai que je ne vois que très peu les Conseillers généraux et les Conseillers régionaux. Les CG que je
vois sont pour la plupart des maires, impliqués dans la gestion des dossiers. Ce qui repose par
ailleurs la question sur le bien fondé du non-cumul des mandats ! Les CR souffrent clairement
d’une implantation territoriale. Les Français ne les connaissent pas. Les CR et les CG ne sont pas
porteurs d’une identité politique. Dans ce cadre, il reste à voir les modalités de création d’un
conseiller territorial, sur un nouveau découpage administratif plus transversal et plus implanté
territorialement. Le développement économique est caricatural de cet enchevêtrement. Un
entrepreneur, s’il veut de l’aide pour implanter son activité sur un territoire est face à 8 ou 9
interlocuteurs ! Les élus, l’Etat, les consulaires, les associations ! Le SP a ce rôle de régulateur, de
médiateur.
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6) Présentation rapide de l’interlocuteur.
Je suis en poste depuis 4 ans. Je viens de la FPT. En tant que SP j’ai été d’abord Dir’cab puis SP
chargé de mission dans le Vaucluse, SP outre mer puis SP de Castres.
Avec quelques adjectifs, quels sont les qualités nécessaires pour être Sous-préfet ?
Disponibilité, goût du terrain, médiation.
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ENTRETIEN AVEC MME CLAUDIE QUILLIEN
INSPECTRICE GÉNÉRALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
ANCIENNE SOUS-PRÉFET D'ARRONDISSEMENT
MARDI 15 JUIN 201011H30-13H30 – MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
1) Retracez-moi en quelques mots votre carrière et ses principales étapes, notamment
la fonction de sous-préfet ?
J'ai commencé ma carrière en tant qu'attaché d'administration centrale aux affaires sociales.
Par la suite, j'ai eu l'occasion d'effectuer un détachement au ministère de l'Intérieur que j'ai réalisé
en Polynésie française. J'ai été nommé administratrice civile au tour extérieur ce qui m'a permis de
partir en Outre-Mer en tant que sous-préfette de Tuamotu, ou plus précisément chef de subdivision
administrative. Ensuite, j'ai continué mon expérience sur le terrain en prenant le poste de sous-
préfet de l'arrondissement de Pamiers, dans l'Ariège – nous y reviendrons. Ensuite, j'ai été amené à
prendre la fonction de chargé de mission auprès du préfet de la région Ile-de-France et je suis
passée par la suite au cabinet du secrétaire d'Etat aux personnes handicapées comme conseillère
technique. Enfin, j'ai réintégré mes premières amours en retournant à la Jeunesse et aux sports en
tant qu'Inspectrice générale.
2) Il y a beaucoup de littérature quant à l’évolution du rôle du Sous-préfet dans l’histoire
administrative française. Souvent très caricaturale. La loi du 6 février 1982 vise à faire du
Sous-préfet un « animateur du développement local ».
Quel regard porter sur l’arrondissement, une division qui n’a jamais su trouver sa
place dans le paysage administratif français ?
Serait-ce l’échelon administratif le plus adapté à des politiques publiques
territorialisés, notamment en milieu rural ?
Pour ma part, je n'ai été en poste que sur des zones faiblement denses donc plutôt rurales,
mais puisque c'est ce qui vous intéresse.... Dans ce contexte rural, le sous-préfet avait et conserve un
rôle majeur même s'il faut réévaluer ses missions (spécificités de l'Outre-Mer notamment). Le
métier d'un sous-préfet c'est avant tout d'accompagner les projets portés par les élus locaux, surtout
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les structures intercommunales. Pamiers était situé dans une zone rurale et le sous-préfet était une
personne ressource en matière de conseil et de portage de projets. Je dirais un manager de politiques
publiques. Cette dimension a tendance à se perdre en milieu plus urbain, un sous-préfet a plus de
mal à y trouver sa place. Le sous-préfet n'est pas un pilote des politiques publiques pour autant, c'est
un assembleur, un facilitateur. Le vrai pilotage se fait au niveau régional, mais nous y reviendrons.
Le sous-préfet doit être le porte-parole, l'intermédiaire des projets communaux en matière
d'ingénierie de projets (fonds européens, dotation globale d'équipement...).
Bien évidemment, dans une zone rurale plus qu'ailleurs, le sous-préfet est le représentant de
l'Etat. Je prendrai l'exemple des commémorations. Je n'ai jamais déposé autant de gerbes que
lorsque j'étais sous-préfette de Pamiers ! Blague à part, les anciens combattants sont très attachés à
ces instants de commémoration. C'est très important puisque l'on incarne l'Etat dans ces moments là,
même sous les aspects les plus symboliques...
Enfin, sous-préfet comporte une part éminemment sociale. Quand j'étais en poste à Pamiers,
je côtoyais au plus près la problématique de paupérisation des campagnes. Par exemple, chaque
année je participais à la mise en œuvre des plans hivernaux à l'attention des sans-abris de
l'arrondissement.
A présent, pour ce qui est de la pertinence d'un tel découpage administratif, je crois que oui.
Prenons l'exemple d'une politique publique que j'affectionne plus particulièrement et qui est très
importante sur le terrain : la politique de l'emploi. Dans les territoires, le sous-préfet est un acteur
clairement identifié du champ de l'action sociale et économique, notamment par les associations.
C'est très important puisque tout le pan social de notre activité doit se faire en partenariat avec les
acteurs de l'arrondissement (DDASS, collectivités...). Les associations jouent un rôle primordial en
termes de cohésion sociale et de notre côté, nous les aidons pour le montage de dossiers. Ainsi,
l'arrondissement est un bon niveau pour l'application opérationnelle des politiques publiques. Pour
ce qui est de leur définition stratégique, je crois que le niveau régional est pertinent. Après, reste la
question de l'échelon départemental.... Pour ma part, je suis assez mal à l'aise avec ce niveau.
J'imagine assez bien qu'un sous-préfet ne devrait se concentrer que sur quelques politiques
publiques prioritaires (emploi, cohésion sociale...) car nous sommes au niveau du terreau associatif
et local. Les arrondissements doivent devenir des strates de missions où l'on décline de manière
particulière et adaptée l'action publique. De plus, il faut ajouter qu'aujourd'hui nous testons les
politiques publiques pour repérer les éventuels effets pervers pour adapter les objectifs aux moyens.
105
Cette phase d'expérimentation sur certains territoires est encore un gage de la pertinence de
l'arrondissement comme échelon administratif.
3) Venons-en maintenant au cœur même de votre fonction.
Dans quelle mesure peut-on parler d’un Sous-préfet « animateur du développement
local » ? Quelles sont vos relations avec les élus, les administrations locales, les
consulaires,… ?
Les Sous-préfectures ne sont-elles que des « boîtes aux lettres » pour les usagers, les
acteurs locaux. Y a-t-il des véritables interactions ? Un exemple
Disposez-vous d’une réelle autonomie dans vos actions ?
Finalement, l'Etat c'est quoi ? Le régalien, c'est à dire l'ordre public dans son acception la
plus large (santé, sécurité...). Mais à mon sens, c'est assez réducteur. Ainsi, le sous-préfet a un rôle
beaucoup plus complet dans le paysage institutionnel, une fonction d'assemblier comme je le disais
précédemment. Pour compléter mon propos, il faut rajouter que ce rôle évolue bien évidemment au
gré des priorités politiques et des enjeux du moment (prenons le développement durable par
exemple).
Les relations avec les élus locaux sont primordiales. Pour ma part, j'avais beaucoup de
contacts avec les présidents d'EPCI en premier lieu, les conseillers généraux et enfin avec les
services du conseil régional mais pas les conseillers régionaux eux-mêmes.
Ensuite, bien évidemment il y a la relation avec le citoyen, l'usager. La relation du sous-
préfet avec les habitants varie en fonction des personnalités. Toutefois, il est certain que nous
recevons beaucoup de personnes, mais il faut que ce soit utile et que l'on puisse aider les
administrés, souvent en les renvoyant auprès du bon interlocuteur. Ma porte a toujours été ouverte
et je constate que les usagers sacralisent encore beaucoup la fonction et quand ils viennent vous voir
c'est que souvent ils ont épuisé tous les autres recours. La fonction requiert une forte appétence
relationnelle dirons-nous !
106
4) Actuellement, nous sommes en pleine réorganisation de l’Etat et de ses services,
(RGPP). En effet, une grande partie de la réforme touche les services déconcentrés dans
les départements.
Comment avez-vous mis en œuvre les préconisations portées, d’une part par la
Mirate (Mission interministérielle pour la réforme territoriale de l’Etat), la
Réforme des administrations territoriales de l’Etat (Réate) et d’autre part par la
Date (décret relatif aux emplois de direction de la FPE) ?
Dans cette optique « interministérielle » quelles seront vos relations avec les
directions régionales (notamment les DREAT) ? Quelles dimensions budgétaires ?
Quelle cohérence entre ces différentes directives et plus globalement dans la
réforme l’Etat au local ?
Je prendrai un exemple concret : les plans de prévention des risques d'inondation. Ce plan a
mobilisé l'ensemble des services de l'Etat d'un même territoire. Avec le sous-préfet de Muret, nous
avons du mobiliser l'ensemble des acteurs du territoire (les élus notamment) afin de leur expliquer
avec pédagogie le plan. Ainsi, l'interministérialité des programmes est une véritable réalité qui doit
se retranscrire sur le terrain. C'est par ailleurs ce qui est en train de se faire avec la réforme des
administrations départementales.
Le sous-préfet fonctionne malgré tout encore dans une relation verticale et de toute manière
l'arrondissement devra se plier aux réformes menées au plus haut de l'Etat. Nous aurons une
réorganisation des missions et un resserrement du réseau des sous-préfectures, ce qui est inévitable.
La transversalité des missions sera le mot d'ordre pour l'avenir de la fonction, ce qui se traduira par
une ouverture du métier. En effet, depuis quelques années je crois savoir que le corps s'ouvre de
plus en plus à des profils différents dans l'administration mais aussi en dehors. Les sous-préfets
deviendront des experts de l'action publique en quelque sorte.
Avec quelques adjectifs, quels sont les qualités nécessaires pour être Sous-préfet ?
Disponible, représentant, assembleur
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BIBLIOGRAPHIEBIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
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Dubois (Vincent), La vie au guichet, Paris, Editions Economica, 1999.
Duran (Patrice), Thoenig (Jean-laude), L'État et la gestion publique territoriale, Revue
Française de Sciences Politiques, volume 46, n°4, août 1996.
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Sciences Po, collection « Les nouveaux débats », 2005, 369 pages.
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France, collection Thémis-Science politique.
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français », n°346, 2008.
REVUES
Lascoumes (Pierre), Normes juridiques et mise en œuvre des politiques publiques, « L'année
sociologique », n°40, 1990.
« La gazette des communes ».
« Service public », Le sous-préfet développeur, n°33, juillet/août 1995.
RÉFÉRENCES OFFICIELLES
Site internet du ministère de l'Intérieur : www.interieur.gouv.fr
Lettre d'information du gouvernement.
Journal officiel.
Légifrance (pour les références législatives et réglementaires).
ENTRETIENS
Cf. Annexes
109
TABLE DES MATIERESTABLE DES MATIERES
INTRODUCTION P. 1
PARTIE I LE SOUS-PRÉFET D'ARRONDISSEMENT, REPRÉSENTANT DE L'ÉTAT AU LOCAL
Chapitre 1L'ÉTAT AU PLUS PRÈS DES TERRITOIRES : L'ARRONDISSEMENT P. 11
Section 1 : La création de l'arrondissement comme division administrative p. 121/ La naissance de l'arrondissement p. 122/ La IIIème République, ou le temps des arrondissements politiques p. 133/ L'arrondissement administratif p. 144/ Le sous-préfet, un interlocuteur privilégié avant 1982 p. 16
Section 2 : Le rôle actuel du sous-préfet d'arrondissement p. 171/ Les principales réformes de la déconcentration p. 182/ Des règlements quasiment muets quant au rôle du sous-préfet p. 19
Section 3 : Quelques éléments de réflexion sur la relation entre décentralisation et déconcentration p. 21
1/ Le sous-préfet, dernier survivant du « pouvoir périphérique » ? p. 212/ Le cœur du métier : l'ordre public p. 23
Chapitre 2LE SOUS-PRÉFET : UN INTERLOCUTEUR PRIVILÉGIÉ AU CARREFOUR DE L'INFORMATION P. 25
Section 1 : L'arrondissement, quel territoire pertinent ? p.261/ Un maillage des arrondissements imparfait... p. 262/ …Qui n'est pas fondamentalement problématique p. 27
110
Section 2 : Au plus près des citoyens p. 291/ Les services à la population p. 292/ Le monde économique et associatif p. 30
Section 3 :Le besoin d'État p. 321/ Les commémorations p. 322/ L'Etat par vocation, la dévotion par vertu : la reconnaissance populaire p. 33
Section 4 : Le relais des élus et des collectivités locales p. 341/ Au quotidien avec les élus p. 342/ Le conseiller p. 353/ L'exemple du contrôle de légalité p. 37
______________________________
PARTIE II UNE FONCTION RENOUVELÉE :
LE CADRE DES RÉFORMES
Chapitre 1LE MÉDIATEUR D'ACTION PUBLIQUE P. 41
Section 1 : De « l'animateur du développement local » au « médiateur de politiques publiques » p. 42
1/ Quelle(s) politique(s) publique(s) ? p. 422/ Donner du sens à l'action publique p. 44
Section 2 : Le sous-préfet, dernier garant de l'intérêt général ? p. 451/ Renouer avec la solidarité p. 462/ Le sous-préfet développeur p. 47
Section 3 : Des politiques publiques de plus en plus territorialisées p. 491/ La sécurité publique p. 502/ Emploi, politique de la Ville et cohésion sociale p. 513/ Prévention et gestion des risques p. 52
111
Chapitre 2SOUS-PRÉFET, LA VOCATION DU TERRITOIRE P. 54
Section 1 : La personnalité du sous-préfet p. 551/ L'obligation de résidence dans l'arrondissement : un isolement ? p. 552/ Disponibles p. 573/ La relation avec le préfet p. 58
Section 2 : L'irremplaçable lien avec les territoires ruraux p. 591/ Élus et territoires ruraux p. 602/ Quels arrondissements pour quelles politiques publiques ? p. 613/ Le sous-préfet : acteur de l'aménagement du territoire p. 63
Chapitre 3LES ENJEUX D'UNE RÉFORME ADMINISTRATIVE P. 66
Section 1 :Quels enjeux à venir pour l'action publique locale ? p. 671/ Une profonde mutation des territoires en cinquante ans p. 672/ Le retour de l'État dans les territoires p. 683/ Les enjeux territoriaux à moyen terme p. 70
Section 2 :RGPP et LOLF, mères de la future « maison de l'État » ? p. 711/ Genèse des réformes p. 712/ Un constat sévère visant à redéfinir le rôle desadministrations déconcentrées p. 723/ La directive nationale d'orientation des préfectures, quels arrondissements pour demain ? p. 75
Section 3 :Gérer ou agir, quelle place pour l'État territorial ? p. 761/ Renouer avec la proximité p. 762/ Des sous-préfectures d'arrondissement aux « maisons de l'État » : le risque d'une rupture p. 773/ Le sous-préfet négociateur p. 78
CONCLUSION P. 81
ANNEXES P. 85
BIBLIOGRAPHIE P. 108
112
Le sous-préfet d'arrondissement est une figure populaire du paysage administratif français. Créés par la loi du 28 pluviôse an VIII, les arrondissements structurent le territoire français selon les spécificités locales, économiques ou démographiques. Ce maillage resserré assure une représentation harmonieuse de l'État dans chacun des 342 arrondissements.
Pourtant, cet échelon administratif n'a jamais réellement su trouver sa place ; le sous-préfet est resté, comme son nom l'indique, un « subordonné » du préfet de département. L'arrondissement n'a jamais été doté de la personne morale de droit public et encore moins de missions clairement définies.
Dans les faits, les sous-préfets ont acquis une réelle légitimité dans les territoires ainsi qu'une expertise précieuse pour l'État. La fonction n'a eu de cesse de se recomposer au fil des décennies et aujourd'hui elle se retrouve confrontée à plusieurs défis majeurs.
Ainsi, ce mémoire analyse-t-il la recomposition spatiale et légitime du métier de sous-préfet d'arrondissement dans le paysage administratif, et plus largement, le système social français. L'action publique change radicalement de visage, quelle place pour les sous-préfets d'arrondissement et « l'État au local » ?
Ce travail dresse un état des lieux non pas exhaustif mais synthétique du métier, dépassant la seule histoire administrative et reprenant plus largement la question de l'efficience des politiques publiques au plus près des citoyens.
Dans quelle mesure les sous-préfets sont-ils devenus des « experts de l'action publique » ? Quelles sont leurs relations avec les différents acteurs d'un territoire (consulaires, élus, chefs d'entreprise...) ? Du contrôle de légalité à l'aide à l'implantation d'entreprises en passant par le montage de dossiers complexes, les sous-préfets irriguent-ils encore - par leur goût du territoire et le sens de l'État qu'ils véhiculent, le territoire national et répondent-ils toujours au « besoin d'État » des citoyens ?
Mots clés : sous-préfet / réforme de l'État / politiques publiques / territoires / arrondissement
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