réformes économiques et agriculture en algérie

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE LENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE FERHAT ABBAS - SETIF INSTITUT DES SCIENCES ECONOMIQUES THESE POUR LOBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR DETAT ES SCIENCES ECONOMIQUES ECONOMIQUES ET REFORMES : SUJET AGRICULTURE EN ALGERIE présentée et soutenue publiquement par DJENANE Abdel-Madjid devant le jury composé de : Président : M. OUKIL Mohand Said, Professeur ISE d'Alger Assesseurs : M. KHARBACHI Hamid, Professeur ISE Béjaia M. BOUKELLA Mourad, Maître de Conférences ISE Alger Rapporteur : - M. BEDRANI Slimane, Professeur INA El Harrach. -1997- 1

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Thèse doctorat de DJENANE Abdel-Madjid.Sujet: Réformes économiques et agriculture en Algérie.

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Page 1: Réformes économiques et agriculture en Algérie

REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE FERHAT ABBAS - SETIF INSTITUT DES SCIENCES ECONOMIQUES

THESE

POUR L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR D’ETAT ES SCIENCES ECONOMIQUES

ECONOMIQUES ET REFORMES : SUJETAGRICULTURE EN ALGERIE

présentée et soutenue publiquement

par DJENANE Abdel-Madjid

devant le jury composé de : Président : M. OUKIL Mohand Said, Professeur ISE d'Alger Assesseurs : M. KHARBACHI Hamid, Professeur ISE Béjaia M. BOUKELLA Mourad, Maître de Conférences ISE Alger Rapporteur : - M. BEDRANI Slimane, Professeur INA El Harrach.

-1997-

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REMERCIEMENTS

Il m’est difficile d’affirmer que ce travail de recherche est le fruit de mon seul effort . Les spécialistes, chercheurs, collègues et amis envers lesquels je suis particulièrement redevable sont nombreux.

♦ Le Professeur Slimane Bédrani, mon Directeur de thèse, m’a toujours encouragé et manifesté sa confiance dans l’élaboration de tous mes travaux de recherche. Je voudrais précisé à son sujet que, même continuellement absorbé par ses propres travaux, il a su, grâce à sa modestie et à son humanisme, à la clarté de ses idées et à l’intérêt scientifique qu’il a toujours accordé au travail d’autrui, au travail de ceux-là mêmes qui sont venus apprendre de lui, guider nos pas de jeunes chercheurs. J’ai eu pour ma part le privilège de bénéficier depuis plus de quinze ans déjà de ses précieux conseils et aspire toujours à entreprendre sous son autorité de nouveaux travaux de recherche. Ses conseils me permettront sans aucun doute de faire l’économie de faux pas dans le domaine complexe de la formulation de la question agraire de notre pays.

♦ Mes remerciements vont aussi au Prof. Oukil Mohand Said, au Prof. Kharbachi Hamid et au Dr. Boukella Mourad qui m’ont fait l’honneur d’évaluer ce travail et de m’avoir ouvert, grâce à leurs critiques objectives, de nouvelles pistes de recherche. Attentif à toutes les remarques qu’ils ont formulées à l’adresse de mon travail, j’ai déjà entrepris de nouvelles recherches qui me permettront certainement d’approfondir mes connaissances dans les domaines spécifiques de l’économie théorique et de l’économie algérienne.

♦ Je voudrais aussi exprimer mes remerciements particuliers à l’ensemble des collègues chercheurs de Solagral-Paris, qui ont bien voulu premièrement m’accueillir au sein de leur organisme pour mes recherches bibliographiques et m’aider ensuite, chacun à sa manière, dans la réalisation de mon travail. Je les remercie pour l’aide que chacun d’entre eux m’a apportée aussi bien pendant ce court séjour de documentation que durant la phase critique de rédaction de mon travail. Ainsi, je ne peux m’empêcher de citer les noms de Roger Blein, de Yannick Jadot, de Jean-Pierre Rolland, de Christophe Delsaux, de Benoît Vergriette et surtout de Laure de Cénival qui a bien voulu, malgré la surcharge de son calendrier de travail, lire et critiquer mon manuscrit. C’est une redondance de noter qu’avec Solagral, solidarité n’est pas un vain mot.

♦ Mes remerciements vont aussi à mes amis Foued Chehat de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie d’El Harrach, Zoubir Sahli et Hamid Bencharif de l’INES d’Agronomie de Blida et à Mme Anne-Marie Jouve du Ciheam-Iam qui, au sein du réseau Sefca, m’ont stimulé et poussé à découvrir les vertus de l’approche empirique. Grâce à leur franchise, à leur dévouement indéfectible à la recherche, à leur endurance et à leurs encouragements chaleureux, j’ai pu sillonner les vastes plaines sétifiennes à un moment où cela n’était pas toujours recommandé et apprendre ainsi auprès des paysans du sétifois ce que ma formation académique ne m’a pas permis d’acquérir. Ils m’ont entraîné dans leur sillage et cultiver en moi l’irrésistible désir de toujours élargir mon champ d’investigation empirique.

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♦ C’est faire preuve d’égoïsme que de ne pas mentionner l’évolution éminemment

positive que j’ai subie au sein du réseau Rafac. Grâce à la méthodologie -le comparatisme- mise en place et développée par cette Equipe de distingués enseignants-chercheurs méditerranéens auprès desquels je me suis toujours ressourcé, grâce à la diversité des thèmes étudiés, à la richesse des débats et des orientations de recherche qui s’en sont suivis, j’ai dû prendre conscience du rôle éminemment positif que peut jouer le chercheur dans le développement de l’agriculture de son pays. En pensant au Prof. Pierre Campagne et à Tahani Abdel-Hakim du Ciheam-Iam, au Prof. Fernando Oliveira Baptista de l’Université Agronomique de Lisbonne, au Prof. Félisa Cena-Delgado et à Fernando Ramos-Real de l’Université Agronomique de Cordoue, à Paola Bertolini de l’Université de Modène, à Adrian Civici de l’Université Agronomique de Tirana, à Napoléon Maraveyas de l’Université Agronomique d’Athènes, au Prof. Branco Krstic de l’Université de Belgrade, au Prof. Oguz Yurdakul et à Sinasi Akdemir de l’Université Agronomique d’Adana, au Dr. Mahmoud Mansour et à Ahmed Ghanima du Centre de recherche agronomique du Caire, à Mohamed Elloumi et à Ali Abaab de l’INRA de Tunis, au Prof. Najib Akesbi, à Larbi Zagdouni, à Farouk Alioua et à Driss Benatya de l’IAV de Rabat, je ne peux m’empêcher aussi de penser que je dois toujours persévérer et redoubler d’effort dans mes recherches quotidiennes, afin de parvenir, peut-être, un jour à expliquer pourquoi l’agriculture de mon pays est la plus « écologique » de la Méditerranée. Qu’ils soient tous amicalement remerciés pour avoir su s’imposer à moi comme modèle et chercheurs de référence.

♦ Comment à ce dernier propos ne pas évoquer les noms de MM. Yahia Hamlaoui et de Abdeslam Hedadj du Bneder qui ont cultivé et développé en moi le sens de l’analyse méso et micro-économique. Grâce à eux, je ne peux ou ne dois plus ignorer que le développement rural intégré est une notion amplement plus large que le développement agricole et qu’il ne peut y avoir un modèle de développement rural standard. Merci à eux de m’avoir toujours poussé au renouvellement de mes outils d’analyse.

♦ Les cadres du secteur agricole de la Wilaya de Sétif m’ont chacun aidé à sa façon. Messaoud Reggad et Benallègue m’ont fourni les données relatives aux remembrements et démembrements successifs des exploitations du secteur agricole public, Hacène Kharchi et Nait m’ont poussé à ne pas me contenter des analyses stéréotypées, Belambri et El Mekki ont toujours stimulé mes recherches en mettant à ma disposition leurs propres documents de travail, Messaoud Boucetta et son équipe m’ont toujours permis de compléter mes séries statistiques et de m’éviter ainsi des vides, etc... Qu’ils soient tous chaleureusement remerciés aussi bien pour l’aide dont ils m’ont gratifiée que pour m’avoir fait bénéficier de leurs pertinentes analyses formulées au terme de plusieurs années, sinon de plusieurs décennies de gestion du secteur agricole.

♦ Je ne saurais ne point exprimer ici ma reconnaissance à MM. Lahlou et Abdelmadjid Kessai qui ont accepté de lire et de corriger mon document : sans leur labeur, j’aurai été infiniment plus difficile à lire.

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♦ Plus proches de moi, mes collègues enseignants ainsi que tout le personnel administratif et de soutien de l’Institut des Sciences Economiques et du Campus Mohamed Seddik Benyahia et en particulier Melle Regad Salima, Aoumeur Akki-Allouani, Ammar Ammari et Mokhtar Allem, m’ont beaucoup aidé à m’acquitter, tant bien que mal, des charges attenantes à ma fonction et à continuer à faire mes recherches.

♦ Mes remerciements vont aussi au Professeur Djaafer Benachour, notre Recteur, ainsi que MM. Nacereddine Hadaoui, Mustapha Benkhedimallah et Abdelmalek Tacherift qui m’ont poussé à allier la gestion, l’enseignement et la recherche.

♦ Je voudrais rendre également un hommage particulier à Abdallah Boukeram, mon ami d’enfance dont l’immuable clarté des idées et l’esprit critique m’ont stimulé à adopter une démarche synthétique dans mon travail.

♦ Dans le même sillage, je voudrais exprimer également ma reconnaissance à Foudil Hassani, un autre ami d’enfance, à Hamou, mon frère et à mon cousin Essaid de Paris ainsi qu’aux Rahmani de Mandeurre qui m’ont tant aidé.

♦ Nourredine Messahel, Belkacem Amokrane, Lazher Othmani, Madjid Merdaci, Djamal Meslem, Said Djaout, Abdelmalek Benhemadi, Djamal Belmihoub, Maamar Oumaamar et Rabah Lahmer ont été très proches de moi ces dernières années et m’ont encouragé à mener à terme mon travail. Ils m’ont aidé, chacun à sa manière, pris en charge mes peines et soucis quotidiens alors qu’ils ne m’ont associé qu’à leurs joies. Qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus sincères.

♦ Zoubida a accepté de faire la frappe du texte, de prendre en charge l’exploitation des nombreux questionnaires soutenant les études de terrain, de gérer notre foyer et de veiller à la bonne scolarité de Lydia et Aida que nous chérissons. Elle m’a réellement secondé tout en n’étant pas épargnée des sautes d’humeur et des crises de nerfs de l’être compliqué que je fus pendant cette traversée du désert. Grâce à sa patience et surtout à sa tendresse, ce travail est aussi le sien. Malgré les précieuses aides et les conseils dont j’ai bénéficié, ce modeste travail présente encore des imperfections et insuffisances que j’assume entièrement. Sans désir de les justifier, je dois toutefois mentionner qu’il m’a a été parfois difficile d’allier, si ce n’étaient l’appel du devoir et mon amour pour la vie, gestion, enseignement et recherche. Sétif, le 15/07/1997. A-M. DJENANE.

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I - Introduction et problématique : L'économie algérienne, considérée dans ses divers secteurs, est en

"crise". La crise a, à son tour, impulsé la réforme de l'économie sans que des résultats probants ne soient obtenus.

Le taux de croissance économique continue en effet à être négatif, le chômage à se développer, les revenus par tête à baisser, l'inflation à croître, le taux de dépendance alimentaire à augmenter, etc. Ce sont là, les signes d'une économie qui ne parvient pas à assurer la relance mais aussi les indicateurs d'une économie en récession.

Dès lors, se pose la question de savoir quelle est ou quelles sont les causes de cette crise et quels sont aussi les moyens mis en oeuvre pour la résorber.

Les causes de la crise de l'économie nationale sont, telles qu'identifiées par les chercheurs et analystes, multiples et peuvent faire l'objet d'un classement par origine et par nature.

Il existe en effet des causes d'origine interne et qui s'apparentent le plus souvent à la gestion non rationnelle des ressources par ceux qui en ont la charge. Mais bien que recensées dans les années soixante-dix et quatre-vingt déjà, ces causes continuent à exercer leurs effets néfastes sur l'ensemble de l'économie et ouvrent le champ à de nouvelles recherches sur "la crise du système productif algérien"1.

Il existe d’un autre côté des causes d'origine extérieure. Dans ce sens, notre travail de recherche est bâti sur l'idée selon laquelle la récession de l'économie nationale, qui a commencé à se manifester dès le début des années quatre-vingts, ainsi que la faiblesse des résultats enregistrés depuis le lancement des réformes, qui sont supposées être la solution à cette crise, est due au fardeau de la contrainte extérieure et à l'absence de rationalisation des moyens utilisés pour sortir de la crise.

La contrainte extérieure est synonyme, dans le cas de cette économie, de baisse des revenus pétroliers, de détérioration des termes de l'échange et d'accroissement de la dette extérieure.

Cependant la baisse des revenus extérieurs n'est pas un phénomène spécifique au cas algérien. Il concerne l'ensemble des pays périphériques ou pays du Tiers-Monde et résulte de la restructuration du système 1 - Parmi les nombreux travaux consacrés à la crise de l'économie algérienne, nous citerons en particulier et pour mémoire : - le document du MPAT : Synthèse du bilan économique et social de la décennie 1967-1978, MPAT, Alger, 1980; - le travail de recherche de P.S THIERY : " La crise du système productif algérien", thèse de doctorat d'Etat, Paris VIII, 1982.

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économique mondial, qui s'est faite en deux temps. Durant la première phase (phase qui succède à l'amélioration globale des économies des pays en voie de développement), la priorité était à la sortie de la crise des pays du centre. Ceci s'est traduit pour les pays de la périphérie par la mise sous ajustement structurel progressive de leurs économies respectives.

Durant la seconde phase, phase de relance pour les pays du centre et démarrant approximativement au début des années quatre-vingt-dix, le ton est donné à l'accélération des réformes par l'intégration des pays périphériques et c'est ainsi que commencent à se dessiner de nouveaux espaces de reproduction du capital à l'échelle mondiale.

L'Algérie, ayant mis, dans le cadre des réformes lancées en 1987-1988, son économie sous ajustement structurel, sans réaliser toutefois des résultats conséquents, s'apprête à s'intégrer dans l'un des plus grands espaces économiques régionaux : l'Euro Méditerranée, espace qui met en compétition des économies inégalement développées, c'est-à-dire les pays de la rive nord, particulièrement ceux du Marché Commun et les pays tiers méditerranéens dont ceux de la rive sud.

L'Euro Méditerranée, qui se présente en effet comme le cadre de relance de l'économie de l'ensemble des pays de cette région et par surcroît, de résolution du phénomène de sous-développement des économies des pays du sud, se donne comme horizon la construction d'une "zone de libre échange" et de "prospérité partagée".

Cet objectif signifie implicitement que l'ensemble des pays, particulièrement ceux ayant adopté, dans un passé récent, des "modèles de développement" reposant sur un secteur étatique important, doivent désormais se soumettre au développement par le marché.

Dès lors, il apparaît que les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS), mis en application dans les pays du sud, sont la condition sine qua non à leur future intégration à l'espace euro méditerranéen.

C'est ce qui nous amène alors à nous interroger dans le chapitre I sur les causes qui sont à l'origine de cette évolution et sur les types de PAS proposés aux pays sous-développés.

La première constatation est que l'Ajustement Structurel en tant que "nouvelle" doctrine de développement, c'est-à-dire de solution apportée au phénomène de sous-développement, a connu deux phases d'évolution. Il existe des PAS lancés dans les années cinquante et soixante que l'on peut qualifier de "première génération" car impulsés par la division du Monde en deux blocs, le "bloc capitaliste" et le "bloc socialiste" : leurs résultats sont jugés peu satisfaisants.

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Les PAS de "seconde génération", nés de la suprématie et de la victoire du bloc capitaliste sur le camp socialiste, semblent s'inscrire dans la logique d'une compétition entre les grands espaces économiques mondiaux en formation, c'est-à-dire de la compétition que se livrent entre elles les grandes puissances économiques .

C'est donc par rapport à cette nouvelle restructuration du système économique mondial que sont lancés des plans d'intégration régionale mettant côte à côte ou face à face pays développés et pays sous développés2 : l'Europe occidentale intègre simultanément les anciens pays socialistes de l'Est (les PECO : pays de l'Europe centrale et orientale) et les pays en développement de la Méditerranée (les PTM : pays Tiers méditerranéens).

A l’issue de cette première réflexion, il est logique de s'interroger sur le degré de liberté et d'autonomie qu'ont les pays du Sud à concevoir et à mettre en place un modèle de développement qui leur soit "spécifique". Autrement dit, la thèse de la "contrainte extérieure" est-elle une simple vue de l'esprit qu'on développe, ici, dans les pays périphériques ou doit-elle être considérée comme une réalité à laquelle font face ces derniers3 depuis le milieu des années quatre-vingts?

Cette question nous amène à présenter dans le chapitre II les principales caractéristiques de l'économie algérienne de 1984 à nos jours. C'est une économie en "crise" qui se caractérise par la récession. Celle-ci a pour autre cause essentielle, la baisse des revenus extérieurs, elle-même, provoquée par la détérioration des termes de l'échange (Chapitre III).

2 - Bien que le système économique mondial ait connu des changements notables durant les quinze à vingt dernières années (émergence des NPI d'Asie et de l'Amérique latine, chute du bloc de l'Est et du mur de Berlin, etc.), changements qui ont contribué à déplacer la "frontière Nord-Sud", le phénomène de la mondialisation et de la libéralisation des échanges qui devraient s'accompagner par la libre circulation des facteurs et des marchandises n'est qu'à ses débuts. La mondialisation comme élargissement de la sphère de reproduction du capital se fait pour l'instant au profit des économies capitalistes avancées et ne permet nullement, du moins pour l'instant, de réduire le fossé économique qui sépare les pays du centre de ceux de la périphérie du SME. L'éloignement des uns des autres est confirmé dans le dernier rapport du PNUD (1996). Ainsi, changer une terminologie par une autre résout-il réellement le problème des écarts de développement et rapproche-t-il les uns des autres? 3- En réalité les pays du Sud ou PVD ne sont pas les seuls à être soumis à un ajustement structurel : les politiques de rigueur budgétaire mises en place en Europe et aux Etats-Unis en vue de la résorption des déficits publics témoignent des changements structurels opérés par ces économies. Mais les changements structurels et les politiques de restriction budgétaires ont-ils la même signification et la même portée selon que l'on soit au Nord ou au Sud? Doit-on mettre sur le même pied d'égalité une économie expansionniste et fortement intégrée et une économie désarticulée, entre une économie industrielle et une économie dépendant de l'exportation des ressources naturelles, entre une économie qui protège certains de ses secteurs de la concurrence internationale et une économie qui n'a même plus le droit de subventionner ses activités de base? En fait, n'y a-t-il point de différence entre une économie qui conçoit un programme d'ajustement et une économie qui subit ce programme d'ajustement? a titre d'exemple, les conclusions de l'Accord GATT en matière de libéralisation économique et d'ouverture commerciale auront-elles les mêmes effets sur toutes les "parties contractantes", qu'elles fassent partie du centre ou de la périphérie du système économique mondial?

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Dans cette situation, des mesures de résolution de la crise sont envisagées au plan institutionnel et organisationnel par les pouvoirs publics. Elles se matérialisent, comme l'attestent les chapitres IV et V, par une tentative d'interruption des réformes, lancées en 1987-1988, et de redéfinition d'une "stratégie de développement appropriée". Cette tentative est vite mise en échec à cause de l'absence de capitaux extérieurs nécessaires aux approvisionnements vitaux de l'économie.

C'est pourquoi, à l'opposé de cette proposition, c'est la solution d'une plus grande ouverture sur le marché extérieur, qui est prônée et mise en application. L'économie nationale est mise sous ajustement structurel dont nous exposons la méthodologie et le contenu dans les chapitres successifs IV et V. Cette solution est complétée par la proposition d' une "ouverture illimitée" de l'économie nationale aux capitaux étrangers (chapitre VI).

Ce sont donc ici les éléments qui ont servi à l'élaboration de la première partie de notre travail, intitulée : " L'économie algérienne sous ajustement structurel : contenu et objectifs".

La seconde partie, quant à elle, se veut une analyse des principaux effets induits par la réforme de l'économie sur un secteur spécifique d'accumulation du capital, en l'occurrence le secteur agricole. Elle a pour titre : "Effets des réformes sur le développement de l'agriculture : les premiers résultats".

L'idée développée, tout au long de cette seconde partie, est que la politique de désengagement mise en en oeuvre par l'Etat dans le secteur agricole à la fin de l'année 1987, même si elle s’est soldée quelque peu par la relance de l'activité agricole, ne laisse pas espérer la réalisation à moyen terme de l'objectif qu'elle s'était fixée à son lancement, à savoir l'autonomie alimentaire, du moins, l'autonomie en produits alimentaires stratégiques, dont les céréales.

Pourquoi la réorganisation ? C'est la question implicite qui nous conduit à présenter dans le chapitre VII les arguments qui ont motivé le lancement de l'opération. La réforme du secteur agricole public se justifie au moment de son lancement par sa faible performance technique et économique. Mais comparés à ceux du secteur privé, les rendements obtenus par le secteur public durant les quinze dernières années qui précédent sa privatisation, paraissent nettement meilleurs, du moins en ce qui concerne les cultures céréalières. La performance du secteur privé s'explique alors par la liberté des choix culturaux dont il avait bénéficié et qui était interdite au secteur public, soumis à un "plan de culture et de production" rigoureux.

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Ceci nous conduit à présenter dans le chapitre VIII, ce qui est considéré comme étant les performances du secteur agricole réorganisé, autrement dit la généralisation à toutes les exploitations agricoles, indépendamment de leur statut juridique de type privatif, des choix culturaux faits auparavant par les exploitations privées. Une brève lecture des données récentes permet de constater que les performances du secteur agricole réorganisé se résument dans le développement des cultures à "forte valeur ajoutée". Les cultures dites stratégiques, celles-là même que les pouvoirs publics ont toujours tenté de développer, y compris au prix de déficits financiers importants, ne connaissent aucun changement notable : les insuffisances et faiblesses traditionnelles du secteur agricole persistent.

Dans cet ordre d'idée, le chapitre IX a pour objet de recenser les principales causes explicatives des insuffisances du secteur agricole réorganisé. Celles-ci se subdivisent en deux groupes. La première série de causes ou causes techniques est relative, non à l'insuffisante consommation des crédits alloués comme c’était le cas avant la réforme, mais à l'insuffisance de ces derniers, à une politique des prix désavantageuse pour les cultures céréalières, à la faible technicité des agriculteurs, etc. La seconde série de causes est liée à la spécificité même du secteur agricole, spécificité se caractérisant par la "lourdeur" de ce dernier : les changements sont lents et les résultats de longue période, quasiment stables. C'est du moins ce que l'on constate, pour y revenir encore une fois, en matière de céréaliculture.

La détérioration des conditions de production agricole n'épargne, à la suite de la mise en application de la politique de désengagement de l'Etat, aucun niveau d'organisation de l'activité agricole. C'est ce que nous tentons de montrer dans le chapitre X, en axant l'analyse sur "les effets de la politique de désengagement sur l'agriculture locale" que nous illustrons par le cas particulier des Hautes plaines sétifiennes. Le choix de cette zone agricole n'est, naturellement, pas neutre. En effet, le but recherché consiste à témoigner, en l'absence d'un bilan officiel global de l'opération de réorganisation, des effets néfastes subis par le secteur agricole premièrement et ensuite à appliquer l'analyse sur une zone agricole, considérée autrefois par les pouvoirs publics comme stratégique en matière d'objectif d'indépendance alimentaire. Les effets négatifs induits par le désengagement de l'Etat du secteur agricole sont multiples et touchent aussi bien au foncier, au changement des systèmes de cultures qu’aux résultats acquis dans le cadre des expériences d'intensification.

Et c'est ce qui nous conduit inévitablement à poser, dans le onzième et dernier chapitre, la question de savoir s'il existe des agricultures performantes sans le soutien de l'Etat.

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L'utilité d'une réponse à cette question ne réside pas dans la nécessité de démontrer que les agricultures les plus performantes sont celles qui bénéficient, de façon quasi-inconditionnelle, du soutien de leurs Etats respectifs (la nature du secteur même impose ce soutien). Elle réside dans la nécessité de démontrer le peu de crédit qu'il faut accorder aux tenants d'un désengagement total de l'Etat du secteur agricole, désengagement sensé s'accompagner d'un développement du secteur agro exportateur et autoriser la concurrence des agricultures qui sont à la base des changements de la politique agricole mondiale...

II - Méthodologie : Comment procéder alors pour la vérification de nos hypothèses de

travail ? La démarche entreprise dans l’élaboration de ce travail tente de

satisfaire à plusieurs soucis méthodologiques. Premièrement, elle est inductive. Partant en effet des résultats

actuels de l’économie nationale, résultats présentés dans le chapitre II, nous avons tenté, en nous appuyant sur les données relatives à une décennie de « croissance » (1984-1993/95), d’en chercher les causes les plus explicatives. Bien que ces résultats soient le produit direct des décisions de réforme prises durant la décennie quatre-vingts, il apparaît clairement que celles-ci (décisions de réforme) sont, à leur tour, induites par la restructuration du système économique mondial (chapitre I) dont l’économie algérienne est fortement dépendante en tant que pays intégré à l’amont (pétrole et gaz) et à l’aval (approvisionnement de l’économie nationale en biens d’équipement, produits alimentaires, etc.). Les revenus pétroliers représentent en effet plus des neuf dixièmes, sinon la totalité des revenus extérieurs.

Or, si l’on s'intéresse de près aux causes économiques qui sont à l’origine des principales transformations du système économique mondial des vingt à trente dernières années, on remarque qu’un conflit autour de la valorisation des matières premières, dont les ressources énergétiques, oppose durant toute cette période les anciens pays périphériques à ceux du Centre.

La « contrainte extérieure » n’est plus alors seulement une « piste de recherche » mais une réalité à laquelle font face les pays du Tiers-monde, que nous illustrons pour le besoin, par le cas de l’Algérie (chapitre III).

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La démarche entreprise est ensuite déductive en ce sens qu’elle tente de recenser les effets impulsés par la restructuration du système économique mondial sur l’économie nationale. En Algérie, cela s’est traduit (l’idéologie libérale étant devenue la référence théorique de la relance économique) par la libéralisation progressive puis par la mise sous ajustement structurel de l’économie nationale.

C’est ce qui nous amène à exposer dans les chapitres IV et V, les méthodes et moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour ajuster l’économie nationale aux nouvelles lois de fonctionnement de l’économie mondiale.

Ces moyens, bien que nécessaires pour la relance de l’économie, sont considérés insuffisants, au vu des exigences de la « nouvelle économie mondiale » qui tend de plus en plus vers la « globalisation ». C’est pourquoi, nous présentons alors dans le chapitre VI les « moyens généraux » de la relance.

En effet, la crise des économies nationales, que ce soit les économies en développement ou les économies développées, est-elle aussi générée par les dérégulations du marché mondial. L’effort de sortie de la crise n’est plus alors individuel mais, comme il se dégage de la tendance actuelle, collectif et associe des pays occupant des places et assumant des rôles différents dans le système économique mondial. L’expérience de co-développement est d’autant attrayante et différente des précédentes qu’elle semble accorder d’une part, un intérêt particulier à la mise à niveau des économies les moins développées et considérer d’autre part, le facteur "proximité" comme une donnée importante dans les nouvelles relations entre le Nord et le Sud.

Les effets induits par la réforme de l’économie nationale ne sont pas seulement d’ordre macro-économique. Ils s’expriment aussi au niveau des secteurs et au niveau des unités de production de base.

Dans ce sens, notre effort de recherche tente de rendre compte également, quoique de façon implicite, des effets exercés aux deux autres niveaux retenus habituellement par l’analyse économique. C’est ainsi que succède à la présentation macro-économique des tendances globales de l’économie nationale et faisant l’objet des chapitres II, IV et V, l’approche sectorielle et micro-économique des effets de la réforme.

Cela est particulièrement entrepris dans la seconde partie du travail dans laquelle sont simultanément présentés les effets induits au niveau sectoriel (le secteur agricole) et au niveau régional (l’agriculture locale que nous avons illustrée par le cas des HPS).

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En plus de ces deux niveaux de l’analyse, notre souci est de rendre compte également des transformations opérées au niveau de l’unité de production que nous avons illustrée par le cas de l’exploitation agricole. La démarche adoptée se veut alors empirique en ce sens qu’elle cherche à rendre compte des principales transformations enregistrées au plus bas étage de l’organisation de l’activité économique et sociale. Les moyens utilisés pour la réalisation de cet objectif de recherche consistent dans la réalisation de trois enquêtes auprès de trois échantillons d’exploitations agricoles du sétifois.

La première enquête, réalisée en 1990-1991, auprès d’un échantillon de 40 exploitations du Bassin versant de l’Ighil Emda, a pour objet d’expliquer l’évolution des systèmes de cultures du sétifois. L’étude des coûts de production des spéculations pratiquées par les agriculteurs du sétifois, du moins ceux de la zone retenue par l’enquête, a pour but de vérifier que les stratégies de production qui animent et agissent sur les choix productifs des agriculteurs ne convergent pas vers le choix d'autosuffisance alimentaire prôné par les pouvoirs publics.

C’est ce qui nous amène alors à participer, en 1992-93, à la réalisation d’une autre enquête auprès d’un échantillon de 90 exploitations de la zone céréalière du sétifois, c’est-à-dire de la zone dite des HPS. L’enquête, supervisée par l’Entreprise nationale des industries alimentaires et Agropolis a été réalisée par une équipe de trois chercheurs dont la tâche était d’identifier et d’analyser les « stratégies de mise en marché des céréales par les agriculteurs de la région de Sétif ». Cette étude nous a permis de rendre compte, pour la région précitée, des conditions de production des céréales, résultats consignés dans un document auquel il sera fait référence dans le présent travail.

La troisième enquête enfin a été réalisée en 1994 et s’attache à la question de savoir quels sont les effets induits par la « politique des prix, des subventions et de la fiscalité » sur le développement des exploitations agricoles, thème développé au sein d’un réseau de recherche méditerranéen (RAFAC). L’enquête a été réalisée en même temps qu’une autre, supervisée par le BNEDER et consacrée au développement intégré de la partie orientale des HPS. L’échantillon des exploitations se compose de 180 unités statistiques.

Compte tenu de cet effort de recherche empirique, individuel et/ou collectif, qui s’est soldé durant les cinq dernières années par la publication de plusieurs articles et travaux de recherche (Cahiers du CREAD, Options Méditerranéennes, Correspondances de l’IRMC, Etude SEFCA, etc.), nous nous limiterons à donner, lorsque cela est nécessaire, les résumés de ces travaux.

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Nous ne pouvons clore enfin cette introduction sans évoquer nos sources d’information. La fiabilité des données chiffrées relatives à l’économie algérienne est, si l'on se réfère aux débats qu'animent les décideurs à l’occasion de la présentation des bilans de leurs programmes, préoccupante. La même source d’information peut, à des intervalles de temps relativement courts, fournir des données contradictoires quoique portant sur le même objet.

Ce travail de recherche n’échappe pas à ces insuffisances. Néanmoins et pour parer au mieux à l’erreur véhiculée par les données, nous avons tenté de diversifier les sources d’information, du moins de ne retenir que celles qui sont considérées comme fiables par la Banque Mondiale et le FMI. Ces données, quoique de source algérienne, ont été recueillies dans différents documents de la première institution citée, documents que nous avons consultés dans différents centres de recherche nationaux et étrangers.

La seconde série d’informations, celles relatives au secteur agricole au plan local, provient également de sources officielles (DSA, DRA, Coopératives, etc.). Mais il faut relever que nous avons eu là aussi le privilège d’accéder à des informations de première main que nous avons synthétisées et présentées sous forme de tableaux. Nous faisons ici allusion à plusieurs enquêtes réalisées par les autorités agricoles de la wilaya de Sétif mais n’ayant pas été suffisamment exploitées. Ceci est le cas du dossier « remembrement des DAS de la Wilaya de Sétif », du dossier « Prix et approvisionnements » ou encore du dossier « Litiges nés de la réorganisation » auxquels nous avons consacré des temps de travail considérables.

La troisième source d’information porte sur les données recueillies auprès des exploitations agricoles. On peut se demander dans quelle mesure une unité de production agricole ne disposant pas de la comptabilité écrite et ne se distinguant pas du ménage auquel elle appartient est capable de produire une information fiable ?

La question reste entière et les influences négatives qu’elle peut générer sur la compréhension du fonctionnement de l’exploitation agricole sont nombreuses. Pour réduire l’effet de cette influence négative, nous avons été amenés à concevoir une méthode de travail appropriée à chacun des nombreux agriculteurs que nous avions rencontrés depuis le lancement de notre recherche. Ces enquêtes ayant bénéficié d’un appui des organismes ci dessus évoqués, ont pu être réalisées grâce à : - la conception de fiches techniques par exploitation et par culture dans le cas du calcul des coûts de production : les informations recueillies ont été, dans le cas des EAC, soumises à des critiques de groupe ;

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- la réalisation lors de la seconde enquête, de trois questionnaires par exploitation : chaque nouveau questionnaire, réalisé à un intervalle de quatre mois du précédent, est une reprise partielle de ce dernier. Les écarts constatés sont soumis à la correction et à l’ajustement (la donnée prise en considération est la moyenne arithmétique des deux) ; - l’aide, dans le cas de la troisième enquête, que nous ont apportée les ingénieurs subdivisionnaires qui avaient auparavant réalisé l’enquête BNEDER : leur connaissance du terrain et surtout des agriculteurs a probablement agi en faveur de l’obtention d’une information tout de même fiable.

Ces informations et les hypothèses de recherche auxquelles elles

ont donné lieu, seront présentées selon le plan de rédaction qui suit.

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PREMIERE PARTIE

L’économie algérienne sous ajustement structurel : contenu et objectifs.

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Chapitre I - L'Ajustement Structurel : quelques aspects

empiriques et théoriques.

L'Algérie, bien qu'ayant affiché une volonté de libéralisation de son économie dès le début des années quatre-vingt, volonté accompagnée par la restructuration des principaux secteurs publics de production (industrie et agriculture) et par la relative libéralisation de son activité économique à laquelle prend désormais part le secteur privé, a cependant longtemps hésité à mettre son économie sous ajustement structurel. Les causes de ces hésitations sont multiples.

Il y a celles qui se réfèrent à l'évolution des relations

économiques internationales des cinquante dernières années et qui symbolisent la crainte d'un retournement de l'évolution historique. Il y a ensuite celles qui se réfèrent au contenu des programmes d'ajustement structurel proprement dits, c’est-à-dire à l'obligation de restreindre le rôle de l'Etat dans l'activité économique.

C'est ainsi qu'il y a lieu de relever que l'ajustement structurel

en tant que "doctrine"4 contemporaine de développement économique des pays de la périphérie du système économique mondial renvoie à deux champs d'analyse. Le premier est d'ordre empirique et relatif au cadre d'évolution des premiers pays à avoir mis leurs économies sous ajustement structurel. La notion d'ajustement structurel bien qu’ayant pour signification première la mise en application d'un certain nombre de mesures économiques, financières, et institutionnelles pour le rétablissement des équilibres globaux d'une économie donnée, suscite, à cause de la gestion de la "contrainte extérieure", quelques interrogations relatives à l' "autonomie politique" et à la "souveraineté nationale" même du pays éligible à cet ajustement. Dans cet esprit, les hésitations des classes politiques des pays en développement à opter pour la mise en application des PAS, s'avèrent fondées d'autant que les résultats obtenus par une grande partie d'entre eux sont peu satisfaisants. 4 Le terme doctrine est mis ici entre guillemets à cause du fait que "en matière d'ajustement structurel, bien qu'elle n'ait jamais été officielle, repose sur un certain nombre de mesures qui se retrouvent toutes, à quelques nuances prés, dans les recommandations faites par cette institution aux pays qui ont sollicité son aide", S. BEDRANI : L'Algérie, un cas d'ajustement volontaire? In Ajustement et développement, Etudes coordonnées par Driss GUERRAOUI, Editions Toukbal-L'harmattan, Casablanca-Paris, 1993.

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Le second champ d'analyse est d'ordre théorique et porte sur

les mesures économiques préconisées par les différents partenaires et institutions financières internationales en vue du développement des pays qui sollicitent leur aide.

Dans ce sens, l'objet de ce premier chapitre est de tenter de

clarifier la notion d'ajustement structurel prise sous les deux angles de vue évoqués ci dessus.

I- Cadre empirique et historique de l'Ajustement Structurel :

La notion d'"ajustement structurel" est née à LOME (Togo) en 1975 à l'occasion de la première Conférence qui avait réuni les pays de la Communauté Economique Européenne (CEE) et les pays du sud de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP).

Cependant, il faut relever que la Convention dite de LOME est

l'émanation d'un long processus d'échanges économiques, culturels et politiques qui avaient lié dans le passé , de façon isolée ou dans le cadre de groupes restreints, les pays de l'Europe occidentale à plusieurs de leurs anciennes colonies et/ou Départements et Territoires d'Outre Mer (DOM-TOM). L'ajustement structurel est, avant d'être une coopération entre les pays de la CEE et les pays ACP, la conséquence d'un besoin d'expansion des pays industriels de l'Europe occidentale.

11- Origine de l'Ajustement Structurel : la coopération intense

entre les pays européens. On peut relever en effet, qu'avant d'initier la Conférence de

Lomé, soit avant de mettre en place une politique commune d'"entrainement" de quelques pays du Sud qui n'avaient pas développé des politiques subversives à leur égard, certains pays occidentaux, particulièrement ceux de la CEE se sont, à leur sortie de la Seconde Guerre mondiale, dès juillet 1947 déjà, organisés dans plusieurs associations régionales. Sous l'influence et les encouragements de l'Amérique, c'est-à-dire des USA, ils ont créé la Conférence de Coopération Economique Européenne (CCEE).

Depuis, se sont multipliés les échanges entre les pays européens

occidentaux mus par une volonté commune de construire ensemble, volonté dictée par une nouvelle philosophie et donnant naissance à

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plusieurs associations ou Conférences. Mais la véritable coopération entre les différents partenaires européens ne va s'exprimer réellement qu'à partir du 16 avril 1951, date de création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), qui engageait alors six pays à savoir : la France, l'Italie, l'Allemagne fédérale, la Belgique, le Luxembourg et les Pays Bas. La CECA entre en vigueur le 25 juillet 1952.

Très vite, les avantages tirés de cette union conduisent à

l'approfondissement et à la densification des relations économiques entre les six partenaires de la CECA, qui, réunis dans la capitale italienne le 25 mars 1957, conviennent de créer la Communauté Economique Européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM). Ainsi par le Traité de Rome qui entre en vigueur le 1er Janvier 1958, la CEE est créée et l'espace économique européen ne cesse de s'élargir. "Le Traité de Rome, note P. CLAVAL, met en route une dynamique remarquable : l'intégration des économies nationales progresse dans un climat de développement rapide qui facilite la résolution des conflits"5 .

Dans le même esprit, c'est-à-dire dans l'objectif

d'élargissement de la zone de libre échange, est créée le 04/01/1960 l'Association européenne de libre échange entre la Grande Bretagne, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède, la Suisse, l'Autriche et la Grèce. Douze ans plus tard, soit en janvier 1972, la Grande Bretagne, l'Irlande et le Danemark adhèrent à la CEE et la Communauté à neuf entre en vigueur le 1/1/1973. Moins de dix ans plus tard, soit le 1/1/1981, c'est autour de la Grèce, admise en 1979, d'élargir le cadre communautaire. On parle alors de la Communauté des dix. Le 1/1/1986, l'Espagne et le Portugal sont intégrés à la CEE et la Communauté des douze est créée.

Enfin, depuis la signature du Traité de Maastricht le 7/2/1992,

le Marché Unique entre en vigueur le 1/1/1993 et la Communauté Economique Européenne cède la place à l'Union Européenne (UE) le 1/1/1994.

C'est ainsi que l'expérience européenne en matière de

développement et de coopération entre Etats nationaux va être vite copiée et même donner naissance à des groupements régionaux, rivaux 5 P. CLAVAL : Géopolitique et géostratégie. La pensée politique, l'espace et le territoire au XXe siècle, p 145, Editions Nathan, Paris, 1994.

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Dans ce sens, les pays socialistes de l'Est, ayant à leur avant-

garde l'URSS, mettent en place dès 1949, soit deux années seulement après la naissance de la CECA, une organisation économique commune appelée le Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM). L'objectif affiché du CAEM est d'intégrer les pays de l'Est.

Réunissant la quasi-totalité des pays de l'Europe de l'Est

(URSS, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, République Démocratique Allemande, Roumanie, et l'Albanie jusqu'en 1961) et deux pays extra européens (le Viêt-nam à partir de 1978 et Cuba à partir de 1972), ce système ne va pas cependant amplement bénéficier aux différents partenaires à cause de la spécialisation qu'impose l'URSS à ses partenaires et à cause du système de planification centralisé ne tenant pas compte dans tous les cas des contraintes locales de développement.

Le CAEM, vaste espace économique dominé par l'URSS,

quoique contesté par quelques partenaires, n'est dissous qu'en 1990 avec l'implosion du Bloc de l'Est. Il a largement contribué à la division du monde en blocs.

12 - Les pays du Sud : entre l'Ajustement Structurel et le

Non-Alignement : La division du monde entre les puissances militaires issues de

la Seconde Guerre a vite conduit à un climat de guerre froide entre le bloc occidental ayant à sa tête les Etats Unis d'Amérique et le bloc de l'est conduit par l'URSS.

"L'émergence des deux grands à la faveur de la Seconde Guerre

mondiale, mentionne P. Claval, et leur affrontement à travers le grand jeu de la dissuasion nucléaire simplifient la scène internationale. Les puissances qui ne disposent pas de l'arme atomique n'ont qu'une marge d'autonomie limitée. Celle-ci est cependant variable : là où l'affrontement Est-Ouest est le plus direct, en Europe, au Moyen Orient et en Extrême-Orient, les gouvernements doivent choisir clairement leur camp. Les positions neutralistes sont exclues, et ceux qui les adoptent sont tôt ou tard happés par la logique des blocs..."6

Ainsi, malgré le mouvement de Non Alignement, lancé dans les

années cinquante (Conférence de Bandoeng en 1956) qui se voulait une 6 Idem que note 2.

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alternative à la division du monde entre les deux blocs, les pays du Tiers-Monde, dont les économies sont généralement, sinon toujours fragiles car dépendantes des anciens pays métropolitains, n'avaient d'autre choix que de rallier le bloc occidental lorsque leur accession à l'indépendance politique n’avait pas été jugée subversive ou de tenter de profiter des divergences opposant les deux blocs pour pouvoir lancer un processus d'industrialisation.

C'est dans ce cadre simplifié qu'est né l'"Ajustement

Structurel" connu également sous l'appellation du Traité de Lomé. 121- Le Traité de LOME ou l'Ajustement structurel préférentiel. Les mouvements d'indépendance nationale, lancés dés la fin de

la Seconde Guerre à travers le monde c'est-à-dire dans la partie Sud de la planète, ont conduit les anciens pays colonisés à accéder à leur indépendance politique. Ainsi, si l'indépendance politique devient un fait qu'il n'y a plus lieu de négliger, il en est autrement de l'indépendance économique qui, elle, est plus complexe et semble même nécessiter à chaque fois un plus grand nombre de pays, c'est à dire un espace plus vaste pour le contrôle des ressources naturelles donc pour la reproduction du capital.

"Les nations qui viennent d'accéder à l'indépendance nationale,

note encore P.CLAVAL, sont donc soumises à des sollicitations nombreuses de la part des pays européens et des Etats-Unis, ou de l'URSS ou de la Chine. Tous ces pays cherchent à asseoir leur influence en proposant des programmes de coopération. Ils essaient d'aller au delà et offrent des alliances qui assurent la sécurité extérieure, un appui sous forme d'armement, de formation de cadres ou d'intervention directe contre les actions subversives intérieures, et des programmes d'aide importants"7.

Dans ce cadre, plusieurs pays de la CEE, liés, au moment de la

création de cette organisation, aux TOM, consacrent une large place à leurs colonies d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Ces pays, c'est-à-dire les pays ACP, ont été, de 1958 à 1975,

associés par le Traité de LOME et par des conventions particulières : les conventions de YAOUNDE I en 1963 et YAOUNDE II en 1969.

7 P. CLAVAL, op cité, pp. 123-124.

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Depuis 1975, date de la tenue de la première Conférence entre les pays de la Communauté Economique et les pays ACP, plusieurs autres conférences ont réuni les deux parties. Aujourd'hui, leur nombre s'élève à quatre soit LOME I (1975), LOME II (1980), LOME III (1985) et LOME IV (1990) et la sphère des pays concernés par les politiques d'ajustement structurel conformément aux premières relations historiques, économiques et culturelles les liant aux pays de la CEE n'a pas cessé de s'élargir. En effet, le nombre de signataires de la première Convention de Lomé était de 46, celle de la seconde de 57, celle de la troisième de 64 et celle de la quatrième de 69. Aujourd’hui, les pays ACP sont au nombre de soixante-dix8

En dépit de son accroissement, l'effectif des pays signataires des PAS dans l'esprit de LOME a peu ou pas évolué étant donné que l'objectif fondamental qui semble être recherché par ces accords n'est pas seulement le développement économique de ces pays mais aussi et surtout le maintien de l'influence culturelle et politique qu'exercent les pays de la CEE sur les pays bénéficiant de l'aide bilatérale et multilatérale.

Le type d'ajustement structurel prôné dans ces pays dépasse

souvent, sinon toujours le champ économique. Il s'agit d'un ajustement structurel se faisant par l'octroi de quelques "faveurs" et à l'ombre de quelques grandes puissances économiques et financières occidentales qui tentent de réunir ces pays dans des zones de libre échange locales (la zone franc est un bon exemple d'illustration en Afrique sub-saharienne) avec l'objectif d'impulsion d'une dynamique interne de développement.

Néanmoins, les résultats, souvent médiocres, obtenus par ce

type de "coopération" et d'intégration entre pays développés et pays sous-développés ainsi que les événements économiques et politiques 8 Ce sont, dans l'ordre alphabétique, les suivants : Angola, Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Bénin, Bostwana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Dominique, Erythrée, Ethiopie, Fidji, Gabon, Gambie, Ghana, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Guyane, Haïti, Jamaïque, Kenya, Kiribati, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Papouasie-Nelle-Guinée, République Dominicaine, Rwanda, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Salomon, Samoa Occidentales, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Suriname, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Togo, Tonga, Trinité et Tobago, Tuvala, Vanuata, Zaïre, Zambie et Zimbabwe.

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ayant marqué la décennie 80-90, sont à l'origine de la redéfinition de nouveaux programmes d'ajustement structurel. La nouveauté réside dans le fait que ces programmes, quoique mettant en compétition directe des pays ayant des places différentes dans le système économique mondial, sont de plus en plus mis en oeuvre par les institutions financières et monétaires internationales.

122 - L'Ajustement structurel , conséquence de la crise des années

quatre-vingts : Au cours des années soixante-dix, alors que la crise

caractérisait l'ensemble des pays capitalistes avancés, la grande partie des pays du Tiers Monde a été relativement préservée des effets de celle-ci. Certains d'entre eux ont même, à l'image de l'Algérie et des autres pays de l'OPEP ainsi que des pays exportateurs de ressources naturelles tel que le Maroc, connu des taux de croissance particulièrement satisfaisants. Les raisons de cette croissance sont l'amélioration des termes de l'échange (augmentation des prix du baril de pétrole à partir de 1973) et l'apport de ressources financières de l'extérieur à des taux d'intérêt réels avantageux.

Mais au début des années quatre-vingts, la riposte des pays

industriels à l'augmentation des prix du pétrole a vite conduit à un renversement de tendance se caractérisant à nouveau par la détérioration des termes de l'échange (augmentation des prix des produits finis et semi-finis) et par la rareté des disponibilités financières (dévaluation du cours du dollar, augmentation du taux d'intérêt, etc...).

Ainsi les stratégies de sortie de crise adoptées par les pays

industriels ont vite généré des effets négatifs sur l'ensemble des pays du Tiers Monde qui doivent faire désormais face à des besoins de financement importants : le résultat est alors l'apparition d'un déséquilibre des balances des paiements de ces pays. Le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) font leur entrée sur la scène et deviennent des acteurs prépondérants de la gestion de la dette extérieure des pays du Tiers Monde, si bien que la possibilité d'obtenir de nouveaux crédits passe désormais par la définition de politiques d'ajustement structurel ayant reçu l'aval de ces deux institutions.

C'est donc dans ce cadre que sont nés les programmes

d'ajustement structurel "autonomes" ou encore de "seconde génération»

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désignant par là l'ensemble des pays du Tiers Monde, essentiellement latino-américains et africains, auxquels ont été appliquées les mesures du Sommet des Chefs d'Etat en 1981 à Cancun. Plus tard, l'Ajustement Structurel tel que préconisé par le FMI et la BM a été appliqué aux anciennes économies planifiées à la suite de l’effondrement du bloc de l'Est ainsi qu'à plusieurs pays du mouvement de Non Alignement. Puis l'effectif des pays éligibles au nouvel Ajustement Structurel tend à se développer...

Aussi, ce groupe de pays tend-il à se différencier des Pays ACP

par la nature même de leurs partenaires respectifs. Alors que dans le premier cas, il est créé un type de "société écran" (le FMI et la Banque Mondiale) entre les pays du centre et ceux de la périphérie dans le second cas, les relations entre les deux groupes de pays continuent à être influencées par les Etats pris individuellement. Cela est probablement dû au niveau de développement différent atteint par chacun des groupes. Les pays du sud ne sont-ils pas classés en pays de la périphérie centrale et en pays de la périphérie périphérique ou pour reprendre la terminologie dominante en pays en voie de développement et en pays les plus démunis?

Dans cet esprit, il est légitime de s'interroger sur les projets de

partenariat économique entre l'Union Européenne et les pays de l'Est (PECO) et entre la première et ceux de la rive sud de la Méditerranée (PTM). Ces accords ne risquent-ils pas d'être un prolongement des politiques appliquées aux Pays ACP ou inaugurent-ils, au contraire, de nouvelles relations entre Etats politiquement indépendants quoique économiquement différents? La distinction dans le groupe des pays soumis aux PAS entre ceux dont l'ajustement est déjà appuyé (financièrement ou non) par les principaux donateurs multilatéraux (pays ACP) et ceux qui mettent en oeuvre un processus d'ajustement "autonome" (Maroc, Tunisie, Egypte, Algérie, etc.) n'aurait-elle pas pour signification une plus grande spécialisation internationale des économies locales et une plus grande hiérarchisation au sein du système économique mondial entre les économies nationales? La nouvelle politique de partenariat qui semble avantager le facteur "proximité géographique" ne risque-t-elle pas de se faire au désavantage des pays "lointains"? Cette politique n'est-elle pas un nouveau moyen d'hiérarchisation des relations entre les différents groupes de pays du système économique mondial? La politique de l'ajustement structurel est-elle seulement économique ou a-t-elle un contenu stratégique qui tend à stratifier davantage les pays de la périphérie?

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Toutefois, on doit retenir que l'objectif de ces accords, qu'ils

concernent les pays ACP ou les pays dits à ajustement "autonome" ou encore ceux de la zone de libre échange liant les USA à d'autres pays américains depuis 1994 (Mexique,...), demeure le même à savoir la création de zones de libre échange c'est-à-dire l'élargissement de l'espace de reproduction du capital. Mais l'élargissement de l'espace de reproduction du capital, la zone de libre échange, profitent-ils réellement aux pays du Tiers-monde?

13 - Résultats des PAS dans les pays ACP : Aussi pour revenir à l'ajustement structurel sous sa première

forme, relèvera-t-on que l'effectif des pays ayant signé en 1994 les accords de LOME IV s'est élevé à 69 dont 46 du continent africain, 15 des Caraïbes et 8 du Pacifique contre 46 pays signataires en 1975. Mais on peut également noter qu'en matière d'évolution de la sphère des pays soumis à l'Ajustement structurel depuis 1975, une Conférence ne se distingue d'une autre que par l'effectif des pays qu'elle enrôle de nouveau.

En effet le bilan de l'Ajustement structurel des pays ACP est

loin d'être satisfaisant. C'est du moins ce qu'ont pu constaté plusieurs chercheurs qui, au milieu de l'année 1994, ont relevé que l'ajustement structurel quoiqu'il fût "inéluctable" s'est finalement soldé par des "résultats décevants".

Dans une étude récente, Philippe HUGON9 montre en effet

pour les pays de l'Afrique sub-saharienne que : -le PIB par habitant est passé de 854 $ US en 1978 à 565 $ US

en 1989 soit une diminution de 33 % environ; - la chute des revenus s'est accompagnée d'une baisse de

l'épargne intérieure passant de 17 % du PIB en 1980 à 10 % en 1987; - le taux de croissance de la production agricole, sur la longue

période, reste inférieur à celui de la population; - la part de l'Afrique subsaharienne dans le commerce mondial

est passée de 2,5 % en 1980 à 1,2 % en 1987;

9 Philippe HUGON : La problèmatique de l'ajustement, l'expérience de l'Afrique sub-saharienne, ouvrage collectif "Ajustement et développement", réalisé sous la coordination de Driss GUERRAOUI, op cité.

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- la dette à long terme n'a pas cessé d'augmenter en passant de 11 milliards de $ en 1970 à près de 200 milliards à la fin des années 80, etc...

Mais à côté de la détérioration de la situation économique des

pays africains ayant mis leurs économies sous ajustement structurel dans les années quatre-vingt, de graves déséquilibres politiques et sociaux sont générés et font même l'objet de préoccupations des experts internationaux dans l'élaboration des nouveaux PAS. 10"

Les raisons de cet échec sont, au moins, au nombre de trois que

P & S. GUILLAUMONT résument comme suit : - Les programmes d'ajustement structurel, au lieu d’entraîner

le développement du secteur d'exportation, se sont soldés par le "développement de l'économie informelle" qui reste difficile à mesurer donc difficile à contrôler. "Jusqu'en 1981, soulignent A. BEN ZAKOUR et F. KRIA à propos du secteur informel tunisien, les petits métiers et l'artisanat étaient totalement ignorés comme secteurs économiques spécifiques. L'absence de législation, probablement justifiée par la conviction chez les décideurs que le secteur moderne finira par absorber totalement le secteur informel, est en contradiction flagrante avec le poids de plus en plus important de ce dernier..."11;

- La seconde cause de l'échec des PAS est, pour revenir à P &

S. Guillaumont, la spécialisation internationale et le développement du secteur d'exportation préconisés comme moyen de mobilisation des ressources extérieures qui n'ont pu fonctionner à cause de la détérioration des termes de l'échange;

- Les programmes d'ajustement structurel reposent sur des

objectifs de rentabilité de moyen et long terme. Or dans les pays 10- "En Afrique notamment, relève un groupe d'auteurs, la détérioration de la situation économique au cours des années 80 est allée de pair avec des violences politiques accrues et l'exacerbation des conflits intérieurs. Cette détérioration a eu un impact d'autant plus fort que l'Afrique déjà très instable politiquement, au point d'être considérée comme la région "par excellence" des coups d'Etat. Dans toutes les régions, et pas seulement en Afrique, on a pu également observer des réactions violentes à certaines mesures de stabilisation, qu'il s'agisse de programmes d'ajustement indépendants ou appliqués dans le cadre d'un accord avec le FMI", tiré de : C. MORRISSON, J.D. LAFAY et S. DESSUS : "La faisabilité politique de l'ajustement dans les pays africains", 99 pages, Centre de Développement de l'OCDE, Paris Nov. 1993, p13. 11- Abderrahman BEN ZAKOUR et Farouk KRIA : Le secteur informel en Tunisie : cadre réglementaire et pratique courante, p15, C.D.- OCDE, Paris, Nov. 1992, 95 pages.

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soumis à l'ajustement structurel, les niveaux de vie des populations sont faibles à cause précisément de la faible productivité du travail, elle-même conditionnée par le niveau de l'investissement qui est faible. Autrement dit, la politique de l'Ajustement structurel telle qu'elle a été conçue durant les vingt dernières années n'est pas parvenu à casser "la chaîne des cercles vicieux du sous développement". Enfin, on conviendra avec les deux auteurs précités que : "Plus le niveau du produit par tête est faible, plus il est difficile de faire baisser la rémunération réelle du travail pour accroître la compétitivité, sans risque de réduire simultanément la productivité des travailleurs : en effet la baisse de leurs revenus est susceptible d’entraîner une dégradation de l'alimentation et de la santé, si bien qu'au total la réduction des coûts sera compromise et l'accroissement de compétitivité attendu de la baisse des salaires ne sera pas obtenu"12

Ainsi on comprend que la réussite des politiques d'ajustement

structurel est conditionnée par plusieurs mesures dont un niveau d'investissement additionnel élevé qui permette d'améliorer le niveau de productivité du travail dans le "secteur d'exportation" notamment, lequel secteur doit servir de base à l'accumulation du capital et à la croissance de l'économie nationale.

Cette variable semble être désormais prise en charge par les

nouveaux traités de coopération qui prévoient, citons le cas du projet de création à l'horizon 2010 de la ZLE euro méditerranéenne, des aides financières pour le développement des pays à intégrer. Néanmoins, l'investissement extérieur quoique représentant dans la pratique la solution espérée par les pays appliquant les PAS n'est, comme nous le verrons plus loin, qu'un moyen parmi d'autres qui doit stimuler le développement du secteur exportateur. Les P.A.S, signifiant aussi une limitation de l'action de l'Etat dans l'activité économique, reposent sur le dynamisme des agents économiques nationaux et étrangers qui doivent mobiliser les ressources nécessaires au développement. C'est du moins ce qui se dégage des théories récentes du commerce international qui sont le fondement des politiques d'ajustement.

II - Contenu et objectifs de l'Ajustement Structurel

12 P. Et S. GUILLAUMONT : Ajustement et développement, l'expérience des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), Editions Economica, 1994, 393p. P73.

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21-Définitions de l'ajustement structurel : La notion d'ajustement structurel a connu plusieurs

définitions13 . L’Ajustement structurel est assimilé par moment à la recherche du seul équilibre de la balance des paiements et par ailleurs, il est défini comme l'ensemble des mesures visant à introduire des normes de gestion rationnelle des ressources monétaires et financières publiques. D'autres économistes enfin, le présentent comme la caution qu'apportent les institutions financières internationales à un pays donné pour ajuster son économie aux lois du marché.

L'ajustement structurel peut être également défini par rapport

aux multiples objectifs qu'il tente de réaliser simultanément. Considéré sous cet angle, l'ajustement structurel est perçu comme l'ensemble des mesures économiques et institutionnelles que doivent mettre en application des pays donnés pour pouvoir rétablir leurs équilibres économiques globaux. Ce sont des mesures qui s'appliquent aux pays en situation de crise économique et financière, c'est-à-dire particulièrement aux pays de la périphérie du système économique mondial.

Mais comme ce dernier est évolutif et se caractérise par

l'hégémonisme des pays capitalistes avancés sur le reste du monde et que la tendance globale est à l'homogénéisation des modes de production économique, qui tendent à être remplacés, de plus en plus, par le mode de production capitaliste, ces mesures, qu'elles s'appliquent aux pays de l'ancien bloc socialiste, à ceux du groupe dit de non alignement ou aux autres pays du Tiers monde, sont quasiment les mêmes. Elles ont pour objectif commun l'adoption par toutes les économies soumises à l'ajustement des lois du marché et du capitalisme.

13 P. HUGON en recense au moins trois qu'il attribue à : GUILLAUMONT(1985) : "L’A.S. peut être défini stricto sensu comme l'ajustement durable de la balance des paiements obtenu au moyen d'une adaptation des structures économiques (principalement des structures de production), c'est-à-dire autrement que par une réduction de la croissance économique ou par un recours accru ou excessif aux capitaux extérieurs"

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22 - Objectifs des Programmes d'Ajustement Structurel. Gérard GRELLET14 dont les travaux de recherche sont

consacrés, en partie, aux fondements théoriques des PAS recense les cinq objectifs suivants :

221 : l'ajustement des parités entre les monnaies. L'ajustement des parités entre la monnaie nationale et les

monnaies étrangères communément appelées les devises est l'un des objectifs assignés aux PAS. Deux sous objectifs sont recherchés à ce niveau.

Le premier concerne l'accroissement du stock des devises pour

le secteur privé et les réserves officielles. Aussi, le secteur privé doit-il bénéficier, au même titre que les entreprises du secteur public, du libre accès aux devises moyennant dépôt en monnaie locale.

Le second sous objectif est la recherche de la vérité des prix et

l'établissement d'un taux de change unique au sein de la même économie nationale. L'ajustement de la parité de la monnaie nationale s'avère nécessaire d'autant que les pays sous-développés se caractérisent globalement par l'existence d'un secteur informel qui tend à développer de plus en plus ses propres lois de fonctionnement mais qui sert aussi de référence aux institutions monétaires et financières internationales pour la fixation du taux de change officiel.

Les actions préconisées au titre de ce chapitre sont la

dévaluation de la monnaie nationale et la création d'un marché interbancaire. -au FMI : "il vise à rétablir la balance extérieure courante et un niveau de dépenses viables de façon à réduire les baisses de production à court terme et à préserver la capacité de l'économie à poursuivre sa croissance", -SEVERINI, SERVANT (1990) :L'A.S est "un processus institutionnel qui se traduit par l'adoption d'accords économiques et financiers par des pays en développement avec les Institutions de Bretton Woods dans lesquels ces derniers cautionnent un programme de réformes en échange de concours financiers accordés pour l'essentiel par les bailleurs bilatéraux". Se conférer à P. HUGON, op cité. 14 G.GRELLET : "Les politiques d'ajustement orthodoxes : un point de vue critique" in RTM, n°109, janv-mars 1987.

29

Page 30: Réformes économiques et agriculture en Algérie

222 - L'encadrement des crédits : Le crédit dans les pays périphériques, notamment dans les

pays où le secteur public représente l'essentiel des infrastructures économiques, est généralement tourné en direction de ce seul secteur. Aussi l'objectif visé consiste-t-il dans la suppression de la sélectivité des bénéficiaires du crédit et dans la limitation de l'endettement des entreprises auprès du Trésor : la Banque Centrale doit intervenir directement sur le marché financier et monétaire (mise en place d'un marché monétaire interbancaire, application de taux d'intérêt réels, etc.). A ce propos, il est reproché aux pays périphériques d'appliquer des taux d'intérêt très en dé ça du cours international (taux d'intérêt réel négatif);

223 - La réduction du déficit budgétaire. Celui-ci est impulsé, comme nous le verrons plus loin pour le

cas de l'Algérie (chap III), par la baisse des revenus extérieurs et par la détérioration des termes de l'échange de ces pays qui ont continué à appliquer la même politique d’intérêt général.

Vivant en deçà de leurs moyens réels, ces pays sont-ils donc

appelés à réduire les effectifs des travailleurs (chômage déguisé), à rechercher un équilibre durable des entreprises publiques, à baisser le niveau des salaires réels et à réduire les dépenses de fonctionnement?

Réduire le déficit budgétaire et lutter contre l'inflation, c'est

s'attaquer également à l'accroissement incontrôlé de la masse monétaire, à la forte consommation publique, en un mot à la réduction de l’excès de la demande sur l'offre

224 - La libéralisation du marché. Cet objectif semble concerner en particulier les pays qui

avaient opté par le passé pour un système d'économie étatique. On sait que dans ce système, les prix, généralement bas, sont administrés et que l'activité économique est organisée sous forme de monopoles. Les effets de cette politique sont la faible croissance de l'économie, l'accroissement des déficits des entreprises et leur faible performance économique, ce qui en dernier ressort conduit à l'accroissement de l'endettement public (voir ci-dessus). C'est pourquoi il apparaît que la libéralisation du marché ne peut se faire sans la réhabilitation, la

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Page 31: Réformes économiques et agriculture en Algérie

liquidation ou la privatisation des entreprises du secteur public et sans la recherche de la vérité des prix.

225 - l'ouverture de l'économie sur l'extérieur. La justification essentielle évoquée au titre de ce chapitre est

que les entreprises nationales (étatiques et privées) bénéficiant d'une protection qui leur permet de s'accaparer des rentes de situation, n'ont pu devenir performantes à cause précisément du manque de concurrence et de compétition avec les entreprises étrangères.

En outre, l'ouverture de l'économie sur l'extérieur repose sur

l'hypothèse selon laquelle les entreprises étrangères seraient tentées d'investir dans les secteurs où les taux de profit sont plus élevés que dans le pays d'origine. Les bienfaits de cette ouverture sur l'extérieur sont l'innovation technologique, l'apport de capitaux supplémentaires à l'économie nationale, etc.

Néanmoins, on doit retenir avec Moïses IKONICOFF, que les

objectifs généraux ou politiques du FMI varient avec "la logique dominante du système capitaliste, à différentes époques et avec la stratégie des principaux acteurs, à l'échelle internationale".

Dans ce sens, l'auteur précité recense trois principales étapes

dans la démarche du FMI. " La première étape, note-t-il, correspond à la période

d'expansion du capital multinational dans l'activité productive. Cette période, qui couvre les années 50 et 60, est caractérisée par une emprise croissante des grandes firmes étrangères sur les systèmes économiques des pays du Tiers Monde. L'objectif prioritaire du Fonds est alors de rééquilibrer les balances d'opérations courantes, le moyen privilégié pour y parvenir étant la dévaluation systématique des monnaies nationales ". La deuxième étape (décennie 70) correspond à l'expansion du capital financier. L'objectif du Fonds n'est plus tant l'équilibre de la balance des opérations courantes que la mise en place de mécanismes permettent de compenser le déficit par des soldes favorables de la balance des capitaux... Au cours de la période qui démarre vers le début des années quatre-vingts, la logique qui présidait au comportement du Fonds, lors de la précédente phase, ne change pas, l'équilibre de la balance des paiements devant rester lié au fonctionnement du marché de capitaux. Toutefois, comme on se trouve en période de pénurie de ressources

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Page 32: Réformes économiques et agriculture en Algérie

financières, il devient nécessaire de réduire le niveau de l'activité économique par les moyens indiqués dans les programmes d'ajustement structurel"15.

Il ressort de cette citation une interaction et une évolution

logique dans la démarche du FMI qui tend, selon les étapes historiques, à apporter des solutions à la crise du capitalisme des pays du Centre. On doit rappeler à cet effet, que la résolution de la crise du MPC est conditionnée par la recherche de débouchés c'est-à-dire d'un "marché extérieur", de préférence de plus en plus large. On doit rappeler également que la recherche de "marchés extérieurs» est synonyme, comme l'a montré notamment A. Emmanuel dans son ouvrage "Le profit et les crises", d'une distribution à priori de revenus pour pouvoir continuer à assurer le processus d'accumulation du capital.

Pris dans cet engrenage, les pays du Tiers Monde ont bénéficié

dans les années soixante-dix, c'est-à-dire durant la phase de récession des économies développées, de crédits leurs ayant permis de lancer, pour certains d'entre eux, des processus d'industrialisation. Ils ont de ce fait participé activement à la relance de l'activité économique des pays dominants en leurs offrant des débouchés. Les processus d'industrialisation mis en place dans les pays du Tiers monde n'ont pu malheureusement, pour diverses raisons d'ailleurs, fonctionner; d'où l'inévitable problème de l'endettement qui a donc conduit à la mise en place de politiques d'ajustement structurel dans ces mêmes pays.

Il devient alors intéressant de savoir en quoi, l’application des

nouvelles propositions d'ouverture en direction de ces mêmes pays n'est pas la reproduction à l'identique de la situation antérieure c'est-à-dire en quoi l'octroi de nouveaux crédits aux pays en développement ne favoriserait-elle pas leur endettement croissant.

Dans ce sens, on soulignera avec Ann VOURC' H que :" Sur

les 157 accords (de rééchelonnement) signés de 1980 à juin 1991 pour 53 pays, le Club de Paris a rééchelonné un montant de 144 milliards de dollars de 1990. Pour mettre cette somme en perspective, poursuit l'auteur, on peut la comparer à celle calculée par la même méthode, c'est-à-dire en prix de 1990, des nouveaux prêts accordés par les pays du 15 Moises IKONICOFF : Une politique économique alternative pour le Tiers Monde? Les leçons du Plan "Austral" et du Plan "Cruzado" in RTM, n°109, janv-mars 1987, pp. 31-32.

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Page 33: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Comité d'Aide au Développement de l'OCDE à ces mêmes pays de 1980 à 1991. ... cette somme se monte à 80 milliards de dollars environ.

"Il est intéressant de constater que sur les 144 milliards de dollars, conclut-elle enfin, 64 (soit 44 %) sont attribuables aux seuls accords de la Pologne et de l'Egypte. Les pays du programme spécial d'assistance de la Banque mondiale ne représentent quant à eux que 10 % de ce montant"16.

L'endettement croissant et son corollaire, le rééchelonnement,

permettent-ils dans le cas spécifique de l'Algérie de relancer l'économie ou augurent-ils d'un processus d'endettement illimité?

Conclusion L'analyse du système économique mondial contemporain

montre que la contradiction qui a divisé le monde en deux blocs depuis la seconde guerre mondiale tend à laisser place depuis la fin des années quatre-vingt, c'est-à-dire depuis l'implosion du "bloc socialiste" à la formation d'espaces économiques régionaux intégrant à la fois les pays du centre et ceux de la périphérie du système économique mondial. Malgré les difficultés rencontrées par les pays en voie de développement dans le domaine d'une intégration bénéfique au marché mondial, c'est pourtant une nouvelle ère qui s'ouvre devant eux, ère les mettant sur la même ligne de compétition avec les pays développés : la mondialisation de l'économie se met en place et les frontières s'effacent désormais devant la nécessité d'une meilleure rationalité économique internationale ...

L'intégration des pays de la périphérie à ces ensembles n'est

pas nouvelle. En effet, l'Europe occidentale a déjà tenté cette expérience avec plusieurs pays sous-développés, c'est-à-dire avec les pays ACP dans le cadre d'un ajustement spécifique des économies de ces derniers. Les résultats de cette expérience de développement riche d'une vingtaine d'années sont jugés par la plupart des spécialistes comme étant catastrophiques : le niveau de vie des populations, au lieu de s'élever, s'est érodé, la participation des économies dans le commerce mondial s'est effondrée, etc.

Dès lors, un autre type d'ajustement structurel, l'"ajustement

structurel autonome", est envisagé et une autre expérience de co-

16- Ann VOURC'H : L'allégement de la dette au Club de Paris : les évolutions récentes en perspective, p22, CD-OCDE, Paris, Juin 1992, 57 pages.

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Page 34: Réformes économiques et agriculture en Algérie

développement entre pays du centre et ceux de la périphérie est mise en application.

Cette seconde expérience diffère de la première par le fait que

les auteurs des programmes d'ajustement structurel tendent à devenir de plus en plus "impersonnels", en ce sens que la confection et le suivi de la mise en application sur terrain de ces programmes sont désormais confiés aux institutions financières internationales, le FMI et la BM, dont l'appui aux économies éligibles au PAS est conditionné par la volonté du pays éligible à privatiser le secteur public, à ouvrir l'économie nationale sur l'extérieur, à promouvoir la concurrence et la compétition internationales, etc., en un mot à contribuer à l'élargissement de l'espace de reproduction du capital.

C'est à cette condition que plusieurs économies de pays

périphériques ont pu bénéficier de l'appui financier du FMI et de la Banque Mondiale d'une part et que, les pays de l'Union Européenne acceptent de promouvoir un développement en commun avec les pays du sud de la Méditerranée d'autre part.

Ceci nous amène à nous intéresser de près au cas de l'économie

algérienne et à nous interroger, même de façon indirecte, sur sa capacité à s'intégrer dans le nouvel espace économique.

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Page 35: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre II - La "crise" de l'économie algérienne :

de la croissance à la récession.

L'économie algérienne est en crise, en dépit des mesures de

restructuration des entreprises mises en application au début des années quatre-vingts et des réformes mises en place depuis 1987.

La crise affecte les équilibres globaux de l'économie mais

aussi la structure des entreprises ainsi que leur environnement c'est-à-dire les branches et secteurs économiques. Il s'agit d'une crise économique structurelle qui affecte la reproduction du système économique et social.

Dans ce sens, l'objet de ce chapitre est de tenter de

caractériser la crise qui affecte l'économie algérienne c'est-à-dire d'identifier d'une part ses manifestations et d'autre part de la dater donc de tenter d'identifier ses causes historiques les plus immédiates.

Contrairement à la crise antérieure aux années quatre-vingts,

crise affectant, il est vrai, le système productif 17mais accompagnée, la conjoncture mondiale aidant, par des taux de croissance macro-économiques positifs et même très satisfaisants au vu du reste du monde, la crise actuelle c'est-à-dire postérieure à 1980 est une crise de récession.

En effet en plus des manifestations traditionnelles

caractérisant la crise du système productif algérien, l'économie enregistre depuis une dizaine d'années déjà des taux de croissance négatifs.

La crise n'épargne aucun secteur d'activité et se manifeste à

tous les niveaux de l'organisation de l'activité économique : au niveau macro-économique, comme au niveau sectoriel et au niveau de l'entreprise, la crise de récession est omniprésente. 17- Se conférer en particulier aux travaux de: - A.BENACHENHOU: Planification et développement économique en Algérie, Imp. Commerciale, Alger, 1980. -P.S THIERRY: La crise du système productif algérien, thèse de doctorat d'Etat, Paris VIIIe, 1982.

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Page 36: Réformes économiques et agriculture en Algérie

I : La rupture des équilibres macro-économiques: L'analyse des agrégats macro-économiques des dix dernières

années, du moins leurs taux de croissance, montre que l'économie algérienne est soumise depuis le milieu de la décennie 80-90, plus précisément depuis 1986, à une reproduction rétrécie. Sa croissance est négative.

Que l'on considère en effet, le Produit Intérieur Brut (PIB),

la Production intérieure Brute (PiB), le Produit National Brut (PNB) ou encore la Consommation Intérieure par tête (Cp.c), on ne relève, à de rares exceptions, que des taux de croissance négatifs.

Le taux de croissance du PNB, qui s'était élevé à 5,6 %

consécutivement en 1984 et 1985, est négatif entre 1986 et 1988 (respectivement -0,2 et -1,9 %) positif en 1989 (+4,9 %) négatif en 1990 (-1,3 %) et également négatif en 1993 (-1,9 %) et en 1994 (-0,2 %).

Ceci est également le cas de la PiB qui passe d'un taux de 8,6

% en 1985 à -17,2 % en 1986, -5,1 % en 1988, -1,6 % en 1992 et -5 % en 1993.

Le taux de croissance du PNB par tête, après avoir atteint la

côte de 2,4 % en 1985 (1,9 % en 1984), n'a pas cessé d'être négatif depuis cette date, sauf cependant pour l'année 1989 (2,2 %). Il est de -3,5 % en 1986, de -5,8 % en 1988, de -4 % en 1991 et de -3,5 % en 1993.

Le PIB, le PNB et la PiB ayant baissé, cela a également influé

négativement sur la consommation. En effet le taux de croissance de la consommation par tête passe de 2,1 % en 1985 à -2,4 % en 1986, -9,8 % en 1988, -0,6 % en 1991 et à -6,2 % en 1993.

L'évolution des taux de croissance des différents agrégats est

donnée par le tableau suivant (page suivante)

Aussi pour contrer la croissance négative de l'économie, les autorités ont-elles dû faire recours dans une situation de détérioration des termes de l'échange, à un endettement extérieur de plus en plus croissant.

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Page 37: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 1: Evolution des taux de croissance des principaux agrégats de l'économie algérienne (1984-1993) .

Année PIB PiB PNB/tête Cons./tête 1984 5,6 4,9 1,9 2,0 1985 5,6 8,6 2,4 2,1 1986 -0,2 -17,2 -3,5 -2,4 1987 -0,7 -1,6 -2,3 -6,0 1988 -1,9 -5,1 -5,8 -9,8 1989 4,9 7,0 2,2 4,2 1990 -1,3 -7,4 -3,8 -4,9 1991 0,1 2,5 -4,0 -0,6 1992 2,2 -1,6 0,0 -0,7 1993 -1,9 -5 -3,5 -6,2

Sources: CNP et BM - Extrait p. 3

L'approvisionnement de l'économie nationale en biens

intermédiaires et celui de la population en produits alimentaires, a été en effet réalisé grâce à un endettement extérieur massif. La dette extérieure qui s'élevait à 14 918 millions de $ US en 1984 passe à 27 919 millions $ en 1991 et près de 32 000 millions de $ en 1995 et à 36 milliards de dollars à nous fier aux résultats d'une étude spécialisée récente.

L'endettement extérieur, au lieu de se traduire par

l'amélioration du système productif notamment par le renouvellement des équipements et par l'amélioration du niveau de vie de la population, s'est au contraire accompagné par la baisse du niveau d'investissement, une érosion du pouvoir d'achat ainsi que, comme nous l'avons déjà souligné, par une baisse du taux de croissance de la consommation par tête.

S'agissant en effet de l'investissement, il faut noter que le

taux de l'investissement rapporté au PIB a connu lui aussi une diminution inquiétante depuis 1984. D'une valeur de 35,1 % en 1984, il passe à 29 % en 1991 et à 27,6 % seulement en 1993 soit une diminution moyenne annuelle de 1 % environ de 1984 à 1993.

Le taux d'inflation qui n'était, quant à lui, que de 8,2 % en

1984 s'élève à 16,6 % en 1990, 22,8 % en 1991, 31,8 % en 1992 et à 21 % en 1993.

Dans ce climat de récession généralisée et d'un endettement

important, on assiste à une réduction graduelle du déficit budgétaire

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Page 38: Réformes économiques et agriculture en Algérie

quoique plusieurs secteurs continuent à bénéficier d'une subvention substantielle.

En matière donc de l'effort de gestion du déficit budgétaire,

le montant de ce dernier, rapporté au PIB, a connu des diminutions importantes entre 1984 et 1988 (respectivement -9 % et -12,8 %), un relâchement entre 1989 et 1991 (respectivement -2 %, +1 % et +3,2% en 1990) et une reprise rigoureuse à partir de 1992 : -6,8% à cette dernière date et -15,9% en 1993.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, année par année,

des quatre indicateurs économiques précédemment évoqués.

Tab2 : Evolution des indicateurs macro-économiques de l'économie algérienne de 1984 à 1993 (suite).

Année Dette extér

millions $ Def budget /

PIB en % Inv brut / PIB en %

Inflation (+) en %

1984 14 918 -9,0 35,1 8,2 1985 17 126 -9,8 33,2 10,4 1986 20 482 -11,8 33,5 12,4 1987 24 395 -7,5 30,0 7,4 1988 26 038 -12,8 27,2 5,9 1989 27 000 -2,0 29,0 9,3 1990 27 637 3,2 28,1 16,6 1991 27 919 1,0 29,0 22,8 1992 26 350 -6,8 28,2 31,8 1993 24 716 -15,9 27,6 21 1995 32 000 - - -

Sources: CNP et BM: Extrait p 3.

Ainsi, au terme de ces premières données, on peut souligner que les équilibres macro-économiques de l'économie algérienne ont été entièrement rompus depuis 1986 et que cette même économie s'identifie à une économie récessive. La récession touche également et comme souligné plus haut les principaux secteurs économiques c'est-à-dire l'industrie, le commerce et les services et, quoique de façon moindre, le secteur agricole. Nous illustrerons la crise du système productif algérien par le cas du secteur industriel.

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Page 39: Réformes économiques et agriculture en Algérie

II - La "crise" du système productif : cas du secteur industriel et

manufacturier .

La crise du système productif ne semble pas avoir changé de nature depuis la mise en place, au début des années soixante dix, du secteur industriel.

Elle continue à se caractériser par une faible utilisation des capacités de production des différentes industries et par un endettement croissant envers le Trésor Public.

21: La faible utilisation des capacités de production L'utilisation des capacités de production du secteur

industriel, toutes branches confondues, se situe, de 1984 à 1991, sensiblement au dessus de la moyenne des capacités théoriques.

Exceptée l'année 1985 durant laquelle l'index général

d'utilisation des capacités de production s'est élevé à 70,5 %, durant les autres années, ce taux est en perpétuelle baisse. Il passe de 69,7 % en 1986 à 65,9 % en 1988 et à 56,1 % seulement en 1991.

La tendance à la sous utilisation des capacités de production,

loin d'être un phénomène qui touche quelques industries seulement, est générale à l'ensemble des branches.

Dans la branche "Mines et carrières", pour commencer par

cet exemple assez significatif dans un pays en quête de revenus extérieurs, de construction de nouvelles infrastructures routières, aéroportuaires et portuaires, de nouveaux logements et autres infrastructures sociales et socio-économiques, l'utilisation des capacités de production existantes n'a pas connu d'amélioration significative durant la décennie 80-90.

Le taux d'utilisation des capacités de production, qui était de

66,6 % en 1984, atteint la côte maximale de 79,2 % en 1986 et diminue ensuite pour atteindre la valeur de 65,2 % en 1991.

Une tendance quasi-identique caractérise la branche des

"Matériaux de construction et verrerie". Le taux d'utilisation des capacités de production installées passe de 62,2 % en 1984 à 67,4 % en 1988 et s'abaisse à 61,2 % en 1991.

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Page 40: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Mais comme on peut le constater ci dessous, les deux types d’industries précitées ne sont pas les moins dynamiques.

En effet, la branche "chimie et plastiques" voit le taux

d'utilisation de ses capacités, passer de 58,2 % en 1984 à 45,4 % en 1988 et à 41,6 % en 1991. La branche des textiles connaît, elle aussi, une forte baisse puisque le taux passe de 69,5 % en 1985 à 50,6 % en 1991. Mais l'atrophie la plus importante est enregistrée dans la branche "cuirs et chaussures" dont le taux d'utilisation des capacités de production passe de 88,1 % en 1985 à 48,4 % en 1991.

Enfin, on n'omettra pas de souligner que le taux d'utilisation

des capacités de production de la branche "Bois et papier" n'a jamais atteint les 45 % de 1984 à 1991.

Tab 3 : Evolution du taux d'utilisation des capacités de production du

secteur industriel algérien de 1984 à 1991.

Année A B C D E F G H I 1984 69,5 66,6 70,0 62,2 58,2 80,9 67,4 83,3 43,5 1985 70,5 70,7 71,6 65,5 53,8 81,0 69,5 88,1 43,6 1986 69,7 79,2 72,3 65,3 51,1 83,2 66,2 75,4 37,2 1987 66,2 74,2 68,8 66,4 47,4 80,6 57,9 70,7 33,7 1988 65,9 70,8 67,0 67,4 45,4 81,9 56,8 58,6 33,6 1989 59,2 69,8 54,7 62,8 47,9 72,0 54,9 59,6 32,0 1990 59,1 71,5 53,5 61,8 46,2 72,6 54,9 64,5 42,0 1991 56,1 65,2 52,2 61,2 41,6 73,1 50,6 48,4 32,2

Sources : ONS, BM Extrait p 29. Lexique: A = Index général (toutes branches confondues). B = Mines et carrières C = Métaux, machines électriques et industrielles. D = Matériaux de construction et verrerie E = Chimie et plastiques F = Agro-industrie G = Textiles H = Cuirs et chaussures I = Bois et papier.

Nous avons fait remarquer ci dessus, sans le souligner

suffisamment, que le taux d'utilisation des capacités de production des principales branches industrielles est en constante baisse. C'est ce que montre de façon synthétique le tableau suivant qui retrace l'évolution indiciaire du taux d'utilisation des capacités de production des diverses branches.

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Page 41: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 4 : Evolution indiciaire du taux d'utilisation des capacités de production des principales industries algériennes. (1984 = 100)

Désignation 1984 1987 1989 1991 Index général 100 95 85 80 Mines et carrières 100 111 105 98 Métaux, mach. Ind. et électrique

100 98 78 75

Matériaux de const. et verrerie 100 105 101 98 Chimie et plastiques 100 81 82 71 Agro-industrie 100 99 89 90 Textiles 100 86 81 75 Cuirs et chaussures 100 85 71 58 Bois et papier 100 77 87 74

Source : Tiré du tableau précédent.

On remarque donc qu'à l'exception de deux branches "Mines et carrières" et "Matériaux de construction et verrerie", branches dans lesquelles le taux d'utilisation des capacités de production en 1991 demeure quasi-identique à celui de 1984, pour toutes les autres branches, la récession est importante.

On enregistre une baisse de : 25 points pour les métaux, machines industrielles et

électriques ainsi que pour la branche des textiles, 26 points pour le "Bois et papier" 29 points pour la "chimie et plastiques", et enfin 44 points pour les "cuirs et chaussures" . Prenons à titre d'illustration l'évolution de la production

physique des industries mécaniques et métalliques de 1987 à 1991. Celle-ci a subi, à l'exception de quelques produits, une régression de plus en plus continue.

Tab5 : Principales productions des industries mécaniques et

métalliques de 1987 à 1991

Désignation 1987 1988 1989 1990 1991 Camions, autocars, bus 6 410 3 824 4 523 4 175 3 793 Tracteurs 3 513 3 404 2 965 3 305 3 203 Moissonneuses-batteuses 280 661 314 531 510 Grues et pelles 580 386 368 365 370 Wagons 503 350 379 253 130 Cycles 46 000 46 000 46 000 39 000 19 600 Cyclomoteurs 44 000 34 000 36 000 21 000 13 400 Pompes à liquide 26 855 32 000 37 000 39 000 38 780 Machines outils 1 220 724 492 780 908

Source : Ministère de l'Industrie et des Mines-ONS, Ext MIE p37.

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Page 42: Réformes économiques et agriculture en Algérie

L'effectif des camions, autocars et bus produits en 1991 ne

représente plus que 59 % de celui réalisé en 1987, celui des machines-outils 74 %, des cycles 43 %, des cyclomoteurs 30 % et des wagons 26 %.

La diminution de la production physique ne concerne pas

seulement les produits finis de l'industrie mais aussi les ressources naturelles. Les données fournies par le Ministère des Industries et des Mines montrent en effet que la production de minerais est passée de 3,4 millions de tonnes en 1987 à 2,5 millions de tonnes en 1992 pour le fer, de 17 000 tonnes à 6 000 tonnes pour le zinc, etc.18

Ainsi la diminution de la production physique et la baisse du

taux d'utilisation des capacités de production est synonyme de récession industrielle.

C'est ce que révèle en effet le tableau suivant dans lequel

sont indiqués de 1984 à 1993, les taux de croissance du secteur industriel et des principaux sous secteurs qui le composent.

Ainsi la tendance à la baisse du taux de croissance

industrielle est enregistrée depuis 1984, année durant laquelle il avait atteint 4,7 %. Une croissance négative est réalisée en 1987 (-0,7 %) et s'aggrave en 1988 (-4,1 %) mais des efforts de reprise sont déployés en 1989 (+3,3 %) et en 1990 (+0,2 %).

Ces efforts s'annihilent en 1991 (-0,7 %) et en 1993 (-1,3 %),

et on retombe de nouveau dans le cycle de la récession qui se poursuit en 1994 (-2 %).

18 - Données tirées du "Mémorandum d'Information Economique", publié par la Banque d'Algérie, Maison Lazard, Lehman Brothers, S.G. Warburg, Avril 1993.

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Page 43: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 6 : Evolution des taux de croissance industriels en Algérie de 1984 à 1993.

Désigna- tion

Ensemble du secteur

industriel

Dont

Manufactures Hydroc et mines Autres industries

1984 4,7 10,2 2,7 5,0 1985 3,6 1,9 5,7 0,4 1986 1,8 4,6 1,3 0,8 1987 -0,7 -12,6 6,9 -7,8 1988 -4,1 -7,7 -1,9 -6,7 1989 3,3 -11,3 7,9 1,8 1990 0,2 -14,1 4,3 -2,0 1991 -0,7 -1,9 1,3 -5,9 1992 1,4 -7,8 2,6 2,8 1993 -1,3 -2,9 -0,6 -2,7

Sources : CNP- BM, Extrait p 14. A l'intérieur du secteur industriel, c'est le sous-secteur

manufacturier qui est le plus affecté par la récession. En effet d'un taux de croissance de 10,2 % en 1984, on passe à une croissance négative depuis 1987: - 12,6 % en 1987, - 14,1 % en 1990 et - 2,9 % en 1993.

Dans le secteur "Autres industries", la situation est quasi-

identique quoique la tendance à la récession soit parfois perturbée (+1,8 % en 1989 et +2,8 % en 1992). Mais en dehors de ces deux années, le taux de croissance est toujours négatif : -7,8 % en 1987, - 5,9 % en 1991 et - 2,7 % en 1993.

Le secteur des "hydrocarbures et mines", quoique ayant une

croissance positive oscillante (6,9 % en 1987, 1,3 % en 1991), enregistre une croissance négative en 1993 (- 0,6 %).

Ainsi pour faire face à cette récession sans précédent du

secteur industriel et pour continuer à assurer au moins le paiement des salaires, les autorités ont-elles dû recourir à un endettement interne, c'est-à-dire au système des subventions. C'est ici un autre aspect de la crise du système productif algérien.

43

Page 44: Réformes économiques et agriculture en Algérie

22 : L'endettement interne. L'économie algérienne vit de subventions et le Trésor public

joue le rôle d'agent de liaison entre les bailleurs de fonds étrangers (voir tab 1) et les agents économiques internes dont les entreprises.

L'économie nationale toute entière vit, ainsi qu'il ressort de

l'évolution du solde du budget du Trésor public, de subventions. En effet d'un solde positif en 1984 (2 090 millions de DA) et

en 1985 (9 753 millions de DA), l'économie nationale enregistre, exception faite des années 1990 et 1991 durant lesquelles les revenus sont largement supérieurs aux dépenses, déficit budgétaire sur déficit budgétaire. Ce dernier s'élève à 12 852 millions de DA en 1986, à 26 201 millions de DA en 1988 et à 84 700 millions de DA en 1993.

Cumulé de 1984 à 1993, le déficit budgétaire s'est élevé à la

somme de 95 951 millions de DA soit l'équivalent du PIB du secteur manufacturier en 1992 (94 400 millions de DA) ou encore l'équivalent des dépenses budgétaires durant la même année.

La crise qui frappe l'économie et les entreprises industrielles

c'est-à-dire la diminution du taux d'utilisation de leurs capacités de production, a donc été largement compensée par le recours aux subventions du Trésor.

Tab 7 : Evolution du solde du budget du Trésor public entre 1984 et 1993 .

Désignation Revenus Dépenses Déficit (en millions

de DA) 1984 99 076 96 986 + 2090 1985 108 590 99 017 + 9573 1986 92 384 105 236 - 12 852 1987 92 687 103 748 -11 061 1988 93 453 119 654 -26 201 1989 116 413 124 521 - 8108 1990 152 500 136 500 + 16 000 1991 248 900 212 100 + 36 800 1992 307 300 332 900 - 25 600 1993 311 900 396 600 - 84 700

Sources : CNP- BM, Extrait p 5

44

Page 45: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Entre 1992 et 1995, pour nous limiter à cette phase

d'assainissement des comptes des entreprises dans le cadre du passage à l'autonomie, les subventions accordées par le Trésor aux seules entreprises publiques, se seraient élevées à quelques 700 milliards de DA soit 550 milliards de DA entre 1992 et 1994 et 150 milliards de DA en 1995.

L'endettement interne croissant de l'économie auprès du

Trésor public ainsi que les subventions importantes octroyées par ce dernier ou secteur industriel notamment public, au lieu de mener à la résolution d'au moins des principaux problèmes affectant l'accumulation au sein du secteur productif, se sont soldés par une baisse quasi-générale de la productivité du travail au sein des différentes branches industrielles.

2.3: La baisse de la productivité du travail. La crise du système productif industriel est également

synonyme de baisse de sa productivité du travail dans un grand nombre de branches industrielles.

D'une façon générale, la productivité du travail au sein du

secteur industriel, toutes branches confondues, a baissé en moyenne de 4,4 % entre 1984 et 1991.

Certaines branches sont plus affectées que d'autres. C'est ainsi que si la productivité du travail a baissé de 4,5 % seulement durant la période de référence dans la branche "Mines et carrières", elle s'est élevée jusqu'à - 21,2 % dans les "Textiles", - 22,7 % dans la branche "Bois et papier" et - 34 % dans "Cuirs et chaussures".

Inversement, la hausse de la productivité du travail a caractérisé les branches industrielles suivantes : Matériaux de construction (+ 2,8 %), chimie et plastiques (+ 17,2 %) et Agro-industries (+ 29,2 %).

C'est ce qu'indique le tableau suivant dont les données sont

empruntées à la Banque Mondiale (nous supposons, en l'absence d'indication sur la méthode de calcul de la productivité que celle-ci a été obtenue en rapportant la valeur ajoutée de la branche au nombre total de travailleurs de la même branche). Ce tableau, consacré à l'évolution, en valeur de la productivité du travail de 1984 à 1991 dans les principales branches industrielles, indique en :

45

Page 46: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- dernière colonne, l'évolution (positive ou négative) de la

productivité moyenne du travail entre 1984 et 1991, comparativement à l'année 1984 et,

- avant dernière colonne, la productivité moyenne en valeur

réalisée entre 1984 et 1991. La baisse de la productivité du travail au sein du secteur

industriel ne fait que confirmer le peu de performance de celui-ci, comparativement à celles réalisées dans les pays limitrophes et lointains.

Tab 8 : Evolution de la productivité du travail des principales branches

industrielles entre 1984 et 1991. (En 1000 DA).

Désignation 1984 1986 1987 1989 1990 1991 Moy 84-91

84-91/84 ( %)

Ensble des branches 75,6 65,0 65,7 75,4 71,5 80,7 72,3 - 4,4 Mines et carrières 65,5 72,9 62,0 77,2 56,9 69,7 67,4 + 0,2 Métaux, ind. Elect et méca 96,7 80,3 85,3 128,5 90,9 73,7 92,6 - 4,5 Matér. Constr et verrerie 62,7 48,2 69,8 49,8 77,1 80,3 64,5 + 2,8 Chimie et plastiques 78,7 66,2 62,2 89,6 110,5 146,3 92,3 + 17,2 Agro-industrie 70,2 62,5 76,4 91,6 105,0 138,4 90,7 + 29,2 Textiles 65,8 61,4 51,4 51,5 38,6 42,2 51,8 - 21,2 Cuirs et chaussures 59,2 48,5 37,4 43,0 21,3 25,2 39,1 - 34,0 Bois et papier 58,3 48,1 39,4 38,6 35,7 50,5 45,0 - 22,7

Source : Données BM .

En effet les performances atteintes en matière de productivité

de travail à la fin de la décennie 1980-90 par l'économie coréenne ou encore par l'économie marocaine sont sans commune mesure avec la productivité du travail réalisée en Algérie. Il est utile de souligner, à titre de comparaison, que le niveau de la productivité du travail atteint en Corée du Sud se caractérise par ce qui suit : pour un gain de productivité de 1 $ en Algérie, on en produit 9 fois plus dans la branche des textiles et vêtements, 36 fois plus dans les mines et carrières et 59 fois plus dans l'agro-industrie coréenne.

Mais en supposant que l'Algérie et la Corée du Sud qui avait

lancé son processus d'industrialisation durant la décennie soixante, n'ont pas les mêmes statuts économiques et que par conséquent aucune comparaison utile n'est permise, qu'en est-il du cas marocain, pays du tiers-monde et limitrophe?

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Page 47: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Comparativement au Maroc, le secteur industriel algérien est également peu performant. On relèvera que comme pour le cas précédent, on est au Maroc 9 fois plus productif dans la branche "Mines et carrières", 13 fois plus dans la branche "Métaux, industrie électrique et mécanique", 6 fois plus dans la "Chimie et plastiques" ainsi que dans "l'Agro-industrie", 2 fois plus dans "les textiles et vêtements", 7 fois plus dans la branche "Bois et papier" et enfin 3 fois plus dans les "Autres industries".

La baisse de la productivité du travail du secteur productif

industriel ainsi que le peu de performance de ce dernier sont aggravés par la situation du secteur public qui est, comme nous le verrons ci-dessous, en net recul et peu performant comparativement au secteur privé.

Tab9 : Productivité du travail réalisée en Algérie en 1990: comparaison

avec le Maroc et la Corée du Sud. (En 1000 $ US)

Désignation Algérie Maroc Corée ( 1989) Mines et carrières Production de minerais Métaux, électricité et mécanique Métaux de base Production de métaux Machines et équipement Chimie et plastiques Chimie Caoutchouc et plastique Agro-industrie Production de vivres Boissons et tabacs Textiles et vêtements Coton et lainage Vêtements Cuirs et chaussures Bois et papiers Papier et imprimerie Autres industries

1,25

3,12

2,71

1,33

2,17

1,20 0,95

1,75

11,56

41,18 8,36 8,62

15,66 10,43

8,37

63,34

4,74 2,65 4,35

6,47 5,71

44,5

70,07 29,35 33,48

80,13 16,83

34,03 78,71

19,58 14,69 20,75

21,58 19,48

Source : Données BM, Extrait p 21 .

Remarques sur le tableau précédent : 1) La productivité du travail a été calculée sur la base de 1 $ US = 45 DA. 2) La productivité du travail est définie par rapport à la VA par travailleur ( base 1984).

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Page 48: Réformes économiques et agriculture en Algérie

2.4: La faible performance du secteur public . Evoquer le cas du secteur économique public comme champ

de manifestation de la crise du système productif algérien, c'est montrer le peu de performance de celui-ci alors qu'il semble monopoliser l'essentiel des moyens financiers octroyés par l'Etat au secteur productif. En dépit de cela (subventions accrues, rentes de situation), la part du secteur public dans la production totale de richesses accuse un recul qui le classe à la fin de la décennie 80-90 derrière le secteur privé.

Après avoir participé en effet à la réalisation de plus des 2/3

de la production totale de 1980 à 1985 contre 55 % en 1974, le secteur public voit sa part baisser dans la production brute industrielle totale du pays. Elle passe de 68 % en 1985 à 46 % seulement en 1989. Tab 10 : Evolution de la part du secteur public dans la production brute

industrielle du pays ( 1974-1989)

Désignation Production totale en Dont en % 106 DA courants Secteur public Secteur privé 1974 74 427 55 45 1977 112 285 64 36 1980 207 112 67 33 1981 245 602 72 28 1982 254 517 71 29 1983 294 824 72 28 1984 326 100 71 29 1985 354 200 68 32 1986 360 816 63 37 1987 385 196 69 31 1988 413 107 60 40 1989 502 091 46 54

Source : Données de l'ONS - BM Synthèse pp 34-35

Il est évident que le recul de la performance du secteur public

n'est pas due, comme nous l'avons vu plus haut, au manque de moyens financiers (subventions) et physiques (capacités de production inutilisées) mais vraisemblablement à sa gestion interne qui se caractérise par un mouvement ascendant du déficit financier.

A ce propos, on doit relever que sur les neuf principales

branches industrielles recensées en 1989, cinq d'entre-elles avaient réalisé des déficits financiers, contre quatre en 1986 et en 1974.

48

Page 49: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Inversement, aucune des branches industrielles d'activité des entreprises privées n'avait réalisé aux mêmes dates des déficits; bien au contraire toutes les branches ont dégagé des soldes financiers positifs.

Tab 11 : Evolution de la performance du secteur industriel public

(profits bruts / production) en % .

Désignation 1974 1980 1986 1989 Mines et carrières Ind. Electrique. et mécaniques Mat de construction et verrerie Chimie et plastiques Agro-industrie Textiles Cuirs et chaussures Bois et papier Autres industries

23,6 -12,9 -7,4 6,9 3,1 -21,3 - 3,3 5,2 12,5

9,1 - 6,5

- 11,0 - 10,6 - 3,0 7,1 10,3 - 4,6 - 23,5

4,4 10,0 5,7 - 4,9 - 1,1 - 2,2 9,1 - 6,5 8,0

- 4,0 - 3,4 - 1,2 - 6,8 1,7 4,6 7,6 - 8,7 0,4

Sources : ONS - BM Extrait p 32

Dans le secteur privé, le rapport Profits bruts / Production a

varié de 4,2 % (agro-industrie) à 24,2 % (industries électriques et mécaniques) en 1974 et de 10,5 % (Textiles) à 18,5 % (industries électriques et mécaniques) en 1989. Ainsi le taux de profit moyen brut dans ce secteur est passé de 10 % environ en 1974 à 15 % en 1989.

Au sein du secteur industriel public, les taux respectifs sont

de - 0,05 % et - 1,08 % . Autrement dit, ce premier s'est caractérisé durant cette période de quinze années par une véritable détérioration de sa situation financière : l'indice du rapport " Profits bruts / Production " est passé de la valeur 100 en 1974 à la valeur 2160 en 1989.

La tendance à la détérioration de la situation financière des

entreprises publiques, par opposition à l'amélioration permanente de celles des entreprises privées, est également confirmée par l'évolution du profit net et des investissements réalisés entre 1988 et 1990.

A taille égale, les entreprises du secteur public (les EPL)

employant vingt ouvriers et plus, sont dans une situation opposée à celles du secteur privé.

Dans le secteur privé industriel, on peut constater que chaque

dinar nouvellement investi a pu générer durant la même année un

49

Page 50: Réformes économiques et agriculture en Algérie

profit net de sept centimes en 1989 et de huit centimes en 1990 alors que dans le secteur public, il a procuré une perte nette de 0,66 centimes en 1988, de 4 centimes en 1989 et de 5 centimes en 1990.

Ainsi, la règle qui semble s'établir à ce niveau est que le

facteur temps joue en faveur du secteur privé (profit, investissement et temps évoluent tous dans le même sens) et au détriment du secteur public (l'accroissement de l'investissement dans le temps entraîne l'accroissement des déficits).

Du tableau suivant, il ressort qu'un accroissement de l'investissement de 34 % entre 1988 et 1990 provoque un accroissement de profit net de 74 % dans le secteur privé. Durant le même laps de temps et dans le secteur public, un accroissement de l'investissement de 29 % se solde par l'augmentation d'une perte nette de 865 %.

Tab 12: Evolution des profits et de l'investissement dans les EPL et

dans les entreprises privées de plus de 20 travailleurs .

Profits nets 106 DA Investissements 106 DA

1988 1989 1990 1988 1989 1990 A- Entreprises publiques locales 1- Mines et carrières 2- Ind. Electriques et mécaniques 3- Mat de construction et verrerie 4- Chimie et plastiques 5- Agro-industrie 6- Textiles 7- Cuirs et chaussures 8- Bois et papier 9- Autres industries

- 6 - 4 - 68 25 - 6 3 0 18 12

2 - 56 74 12 - 3 - 5 0 - 61 4

- 2 - 63 - 146 18 - 6 11 0 - 64 1

232 763 2007 156 80 128 1 458 78

192 767 2025 162 103 136 1 881 30

195 838 2655 194 110 114 0 928 8

Total en valeur Indice

- 26 100

- 181 696

- 251 965

3903 100

4297 110

5042 129

B- Entreprises privées 1- Mines et carrières 2- Ind. Electriques et mécaniques 3- Mat de construction et verrerie 4- Chimie et plastiques 5- Agro-industrie 6- Textiles 7- Cuirs et chaussures 8- Bois et papier 9- Autres industries

11 37 30 54 36 29 16 35 27

1 45 17 65 35 -17 29 37 48

0 60 37 197 33 21 28 55 47

135 555 410 514 929 759 285 348 294

23 683 463 612 865 752 351 396 303

24 885 751 812 976 942 427 491 356

Total en valeur Indice

275 100

260 94,5

478 174

4229 100

4448 105

5664 134

50

Page 51: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Source : ONS - BM Extrait p 33

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l'investissement aux

effets contradictoires en matière de résultats financiers des entreprises du secteur public et du secteur privé n'a pas eu d'effets, du moins positifs, en matière de création d'emplois.

III - La crise de l'emploi : 31- Situation globale de l'emploi Le chômage en Algérie touche depuis 1984 des proportions,

de plus en plus importantes, de la population active. C'est ce que relève A. BENACHENHOU qui, évoquant la situation de l'emploi en Algérie de 1954 à 1992, souligne: " A partir de 1984, tous les signaux se mettent au rouge : la création nette d'emplois diminue, l'inflation s'accélère du fait des pénuries, puis de la politique d'ajustement et de la vérité des prix, les diplômés ne trouvent plus automatiquement des emplois, les cadres se sentent mal à l'aise et les inégalités de revenus tendent à s'accroître >>19.

Les statistiques fournies par le CNP et l'ONS montrent en effet que le taux de chômage ne touchant que 10 % environ de la population active en 1985, concerne 20 % environ de la même population en 1991 et près de 25 % en 1995 20.

La création de l'emploi est faible et est même en diminution

constante de 1984 à 1990. A titre de comparaison, il n'a été crée que 689 000 emplois (chiffres du CNP) de 1984 à 1993 contre, à nous fier à A. BENACHENHOU, " un million d'emplois nouveaux entre 1967 et 1977, un autre million entre 1978 et 1984 ". Cela est à souligner dans la mesure où la création annuelle moyenne de l'emploi passe de 117 600 postes entre 1967 et 1984 à 68 900 postes par an entre 1984 et 1993, soit une diminution relative de plus de 40 % entre les deux périodes.

19- A. BENACHENHOU: Inflation et chômage en Algérie. Les aléas de la démocratie et des réformes économiques in Revue Monde Arabe: Maghreb-Machnek, n° 139, janvier-mars 1993, pp 28-41. 20- Information empruntée, pour l'année 1995, au journal El Watan.

51

Page 52: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Par ailleurs, on remarque qu'avec un indice égal à 100 en 1985, la création de l'emploi devient de plus en plus difficile jusqu'en 1992, date à laquelle le niveau de création de l'emploi est inférieur de moitié à celui atteint en 1985. Toutefois, la reprise de l'emploi semble être engagée à partir de 1993 (111 000 nouveaux emplois) pour atteindre les 685 000 emplois entre 1994 et 1995 21. Cependant en dépit de cette création massive de l'emploi durant les deux dernières années, le taux de chômage demeure relativement élevé puisqu'il touche 25 % environ de la population active.

Tab13 : Evolution de l'emploi total et de la création d'emplois de 1984 à 1993 .

Désignation Emploi Création de l'emploi Nombre de

postes en milliers

Indice 1984= 100 Nombre de postes en milliers

Indice 1985 = 100

1984 3 718 100 - - 1985 3 840 103 122 100 1986 3 914 105 74 61 1987 3 979 107 65 53 1988 4 039 109 60 49 1989 4 095 110 56 46 1990 4 144 111 49 40 1991 4 236 114 92 75 1992 4 296 116 60 49 1993 4 407 119 111 91 Total - - 689 -

Sources : Données CNP - BM p 72 C'est du moins ce que font ressortir les statistiques établies par l'ONS et qui indiquent un taux de chômage global de 9,7 % en 1985, de 18,1 % en 1989 et de 21 % en 1991. Tab14 : Evolution des principaux indicateurs de l'emploi en Algérie :

1985-1991 ( en milliers ) .

Désignation 1985 1987 1989 1990 1991 Total emplois 4 058 4 200 4 574 4 694 4 739 Population active 4 494 5 341 5 585 5 851 6 000 Population sans emploi 436 1 141 1 011 1 157 1 261 Taux de chômage % 9,7 21,4 18,1 9,8 21,0

Source : ONS- BM Extrait p 71

21- Il s'agit du chiffre avancé par le chef du Gouvernement, SIFI, devant le CNT à l'occasion du bilan présenté devant le CNT en déc 1995: voir le journal EL WATAN du 28/12/95.

52

Page 53: Réformes économiques et agriculture en Algérie

32: Création d'emplois et chômage Par secteur d'activité, l'agriculture occupe 25 % environ de

la population totale employée entre 1984 et 1993. Elle a créé durant ce laps de temps quelques 120 000 nouveaux emplois représentant 17 % de l'emploi total créé durant cette phase.

Dans le secteur non agricole, c'est incontestablement

l'Administration dont la part dans l'emploi total est quasiment égale à celle du secteur agricole (respectivement 23 et 26 % en 1984 et 1993), qui a participé à la création massive de l'emploi.

En effet, l'Administration a créé 320 000 nouveaux emplois

entre 1984 et 1993 soit 47 % de l'emploi total créé entre ces deux dates. Le second rang en matière de création d'emplois non

agricoles revient au secteur du Commerce et des Services qui, avec une masse totale de 140 000 nouveaux emplois créés entre les deux dates pré-citées, représentent 20 % de l'emploi total créé.

L'Industrie dont l'effectif total des employés s'est élevé à 498

000 en 1984 et à 547 000 en 1993 est le secteur qui a le plus faiblement participé à la création de nouveaux emplois (7 % du volume global d'emplois créés entre 1984 et 1993 contre 9 % pour le secteur du BTP).

Tab 15 : Evolution de l'emploi par secteur d'activité

Désignation 1984 1993 Ecart 93 / 84 Effectif % Effectif % Effectif % Agriculture 960 25,8 1080 24,5 120 17,4 Secteur non agricole 2 758 74,2 3 327 75,5 569 82,6dont industrie Construction Commerce et Services Administration

498 655 760 845

13,4 17,6 20,4 22,8

547 715 900 1 165

12,4 16,2 20,4 26,5

49 60 140 320

7,1 8,7 20,3 46,5

Emploi total 3 718 100 4 407 100 689 100 Source : Données CNP - BM

Extrait p 72

En sus, il ressort de ce tableau un léger recul de la part de l'agriculture, de l'industrie et du secteur du BTP dans l'emploi total en 1993 par rapport à 1984 (- 1% à - 1,3% pour chacun des secteurs indiqués). Inversement, l'Administration a vu sa quote-part augmenter

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Page 54: Réformes économiques et agriculture en Algérie

dans l'emploi total de 3,7 % en 1993 (26,5 %) par rapport à 1984 (22,8 %). Mais le caractère général de l'information ne permet pas de savoir pour l'instant quelle est la nature des emplois administratifs créés. Cependant on peut penser que l'emploi administratif global a dû augmenter à la suite du re-découpage administratif de 1991 (nouvelles APC, nouvelles daïrates, etc.).

IV - La dépendance vis à vis de l'extérieur. La dépendance de l'économie algérienne de l'extérieur

s'établit à plusieurs niveaux que l'on peut caractériser par la faible présence, sinon par l'absence d'intégration de cette économie en aval du marché mondial auquel elle est intégrée, en amont, par un seul produit (les hydrocarbures). Loin de vouloir rappeler ici quelles sont les différentes formes de dépendance de l'Algérie de l'extérieur, on veut souligner seulement que la contrainte extérieure continue, de l'avis même des responsables de l'économie nationale, à exercer toute son influence sur la croissance et que le secteur des hydrocarbures continuera dans les années à venir à être la principale, sinon l'unique source d'accumulation.

"L'émergence de la contrainte financière est, en particulier, lit-

on dans un document soumis au débat lors de la Conférence de l'entente nationale, la conséquence de l'étroitesse des sources d'accumulation et de financement de l'économie nationale. Celle-ci demeure, en effet, fortement dépendante des recettes d'exportation de gaz et de pétrole qui contribuent à hauteur de 97 % des recettes en devises et pour près des 2/3 des ressources budgétaires. Cette dépendance a rendu notre économie fortement vulnérable aux chocs exogènes, et notamment aux évolutions des prix des hydrocarbures et à celles plus erratiques du dollar...Devant l'ampleur des besoins financiers du pays aussi bien en termes de moyens de paiements extérieurs qu'en termes de ressources budgétaires, le réalisme impose encore pour une période le secteur des hydrocarbures comme vecteur et soutien privilégié du développement économique national"22.

22- Extrait du Rapport "Economie algérienne. Les enjeux et les choix à moyen terme (1996-2000), 1996, pp 4-5.

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Page 55: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Conclusion : L'économie algérienne est, comme nous avons tenté de le

montrer, en crise. Il s'agit, contrairement à la période antérieure à 1980, d'une crise de récession qui se caractérise depuis 1984 particulièrement par:

- des taux de croissance macro-économiques (PIB, PNB par tête, production industrielle) négatifs

- la baisse continuelle du taux d'investissement global et par

conséquent par une faible création de l'emploi ou ce qui revient, au même, par l'augmentation du taux de chômage touchant plus de 20 % de la population active

- la crise du système productif notamment industriel, crise se

caractérisant par la faible utilisation des capacités de production, la baisse du taux d'utilisation de ces capacités, la baisse de la performance du secteur industriel public ou, ce qui revient au même, l'augmentation des déficits financiers des entreprises du secteur public.

En peu de mots, l'économie algérienne s'achemine, à moins

de trouver des solutions miracles, vers une aggravation de la crise, c'est-à-dire une situation chaotique.

Quelles sont les causes qui ont engendré cette situation telle

est la question à laquelle ont tenté de répondre de nombreux auteurs et que nous abordons à notre tour dans le chapitre suivant.

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Page 56: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre III - Causes et explications de la récession

de l'économie algérienne . L'économie algérienne est en situation de récession depuis le

milieu de la décennie 80. Les taux de croissance macro-économiques passent au négatif dès 1986 : leur valeur s'élève à - 0,2 % pour le PIB, à -17,2% pour le Revenu National , à - 3,5 % pour le PNB par tête ou encore à -2,4 % pour la consommation par tête .

La croissance négative, loin d'être un phénomène

conjoncturel, perdure et couvre toute la phase postérieure à 1985. C'est donc une crise structurelle qui touche à l'ensemble des secteurs d'activité économique et sociale.

Les causes de cette crise, qualifiée de multidimensionnelle car

se manifestant aussi dans d'autres sphères de l'activité sociale, sont multiples. Elles ont été différemment interprétées par les analystes et peuvent faire l'objet d'une classification en deux groupes. Les causes générales liées au fonctionnement global des institutions et au choix politique de la stratégie de développement et d'autre part les causes spécifiques liées au fonctionnement économique de l'appareil de production.

C'est à la présentation et à l'interprétation de ces deux séries

de causes que sera consacré ce chapitre.

I - Causes institutionnelles de la "crise".

Les explications données des causes de la crise de l'économie

algérienne attachent une importance particulière au fonctionnement des institutions et à la réglementation économique des entreprises. Ces explications s'apparentent à ce qui est habituellement désigné dans la littérature économique consacrée à l'Algérie sous le nom de courant des réformateurs, désignant par là les premières mesures de réforme du secteur public entreprises entre 1986 et 1988.

Mais les réformes, toujours guidées par le même principe de

libéralisation et de privatisation de l'ancien secteur public, ont donné lieu à plusieurs interprétations et approches qui, de plus en plus, s'attachent de près au fonctionnement des institutions.

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Page 57: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Aujourd'hui, le courant institutionnaliste semble bien se

scinder en deux tendances : la tendance institutionnaliste orthodoxe s'appuyant sur les théories monétaristes mises en application à travers un grand nombre de pays par les institutions de Bretton Woods et la tendance institutionnaliste populiste ou encore indépendantiste en ce sens que les idées qui y sont développées s'apparentent beaucoup à celles des ONG, particulièrement des pays du Nord. Pour les partisans de cette tendance, la crise dans les pays du Sud serait due à un déficit démocratique qu'il y a lieu de combler pour pouvoir renouer avec la prospérité économique d'antan.

Dans ce sens, ce chapitre qui n'a pas la prétention de faire

une présentation exhaustive des causes institutionnelles de la crise de l'économie algérienne et des explications qui les sous-tendent a pour objet de présenter quelques unes d'entre-elles, du moins les plus récentes.

Cependant, préalablement à cela nous devons faire un bref

rappel de ce qui nous parait être le point de départ des différentes approches institutionnalistes.

11: Une réglementation inadaptée ou les causes de la crise selon

les réformateurs: La réforme de l'économie algérienne a été lancée dès 1988

M. HAMROUCHE qui, avant de devenir Chef du Gouvernement, avait occupé la fonction de Secrétaire Général de la Présidence de la République de 1986 à 1988, phase pendant laquelle il avait préparé en collaboration de plusieurs autres personnalités qui sont devenues des membres influents au niveau de l'appareil de l'Etat, le dossier sur la réforme.

Cette réforme dont le dossier aurait été préparé entre 1986 et

1988 par une équipe dite de réformateurs et dont l'essentiel de la réflexion se trouve être consigné dans les cinq "Cahiers de la Réforme"23 développe, comme le mentionne Georges CORM 24 quatre axes fondamentaux. Ces axes sont : 23Les Cahiers de la Réforme, Collection dirigée par HADJ NACER Abderrahmane Roustoumi : - Cahier n° 1 : Rapports sur l'autonomie des entreprises, ENAG/ Ed. 1989

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Page 58: Réformes économiques et agriculture en Algérie

111- Mise en place d'un arsenal juridique

( lois, décrets, arrêtés relatifs à l'autonomie des entreprises publiques).

Parmi les principaux textes relatifs à la législation de la

réforme économique élaborés par les réformateurs, entre 1988 et 1990, on retiendra:

- la loi d'orientation sur les entreprises publiques

économiques (loi no 88-01 du 12/01/1988); - la loi relative à la planification (loi no 88-02 du 12/01/1988); - la loi relative aux fonds de participation (loi no 88-03 du

12/01/1988); - la loi modifiant et complétant le code de commerce et fixant

les règles particulières applicables aux entreprises publiques économiques (loi no 88-04 du 12/01/1988);

- la loi d'orientation du secteur privé (loi no 88-25 du 12/07/1988);

- la loi relative à l'abolition du monopole sur le commerce extérieur (loi no 88-29 du 19/07/1988);

- la loi relative à la libéralisation des prix (loi n0 89-12 du 05/07/1989) et enfin,

- la loi relative à la monnaie et au crédit (loi n0 90-10 du 14/04/1990) 25.

Ainsi et comme il ressort de cette longue liste des lois, la

croyance des réformateurs en ce qui concerne la résolution de la crise de l'économie algérienne, consiste bien dans les changements institutionnels.

- Cahier n° 2 : Secteur agricole, ENAG/ Ed. 1990 - Cahier n° 3 : Administration Centrale, ENAG/Ed. 1990 - Cahier n° 4 : Institutions financières, ENAG/Ed. 1988 - Cahier n° 5 : Monnaie et finances, ENAG/Ed.1990. 24 G. CORM : "La réforme économique algérienne: une réforme mal aimée" in Maghreb-Machrek, Documentation française, n° 139, janv-mars 1993. 25- Une grande partie de ces lois a fait l'objet d'une publication spécifique par le SGG de la RADP "législation de la réforme économique, Direction des J.O, Imprimerie officielle, avril 1990. Les autres lois, à savoir les lois 88-25, 88-29, 89-12, ont été publiées dans le JORA nos 28 et 29 de l'année 88 et no 29 de l'année 89.

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Page 59: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Autrement dit, ils pensaient sans doute, en faisant voter une loi sur le crédit et la monnaie ou en révisant le code de commerce qui s'inspire foncièrement de la législation française, que les investisseurs notamment étrangers allaient être attirés et la crise résolue. C'est ce qui justifie, en effet, la promulgation de ces deux lois qui s'inscrivent dans l'optique de:

112- La réhabilitation des instruments monétaires et financiers :

L'objectif recherché à ce niveau est l'insertion du secteur

public - et non son démantèlement - dans l'économie du marché. La primauté est donnée à la régulation monétaire et financière, principe mis de l'avant dans les PAS par les institutions financières internationales.

113- Séparation des missions et fonctions au sein du secteur

public industriel : Ce principe a donné lieu à la restructuration des entreprises

industrielles et à leur éclatement en entreprises plus petites. En plus de la restructuration physique, la réforme introduit

le principe de séparation entre l'entreprise publique et l'Etat. Ce dernier est propriétaire actionnaire du capital de l'entreprise publique mais il ne le gère plus. L'Etat est représenté au sein de l'entreprise par les Fonds de Participation qui n'est pas cependant la tutelle: aucun des Fonds de Participation ne doit avoir la majorité au sein de l'entreprise publique.

114- L'attribution des droits fonciers réels aux travailleurs de

l'agriculture

Comme pour prouver que les changements institutionnels

peuvent conduire à la résolution de la crise mais aussi pour assurer l'irréversibilité de leur politique, les décideurs prennent, à la fin des années quatre-vingts, pour champ d'application de leur réflexion le secteur agricole public qui, au moyen d'une loi (la loi 87-12 relative à l'exploitation des terres du domaine national), livré au remembrement et à la privatisation (voir chapitre 7).

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Page 60: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Les raisons avancées par les réformateurs pour la privatisation du secteur agricole public sont au moins au nombre de quatre et sont en relation avec les facilités accordées alors jusque-là à ce secteur, à savoir:

- l'otroi automatique des avances sur revenu sans référence à

la production escomptée; - l'attribution de crédits sans examen de la situation

financière de l'exploitation; - l'intervention automatique du Trésor Public pour prendre

en charge les impayés bancaires et enfin; - l'intervention systématique des ministères de l'agriculture et

du commerce sur la gestion des exploitations. D'une pierre deux coups; c'est ainsi que la réforme pouvait,

pensait-on à cette époque, solutionner les problèmes financiers et de gestion du secteur agricole en promouvant sa privatisation.

Les conséquences engendrées par ces premières mesures

d'ouverture au capital privé sont nombreuses 26et ont été l'occasion de l'ouverture d'un débat sur les causes de la crise de l'économie algérienne. Parmi les différentes explications, nous retiendrons en particulier les explications données par les institutionnalistes libéraux orthodoxes.

12 - La planification socialiste comme principale cause de la "crise"

Le néo-libéralisme en tant que philosophie de développement

économique et social dénie à l'Etat toute intervention dans le domaine économique et social : celui-ci doit se contenter de sa fonction de "gendarme" assurant l'ordre.

"Bien que ses adeptes, note Marcel Marloie,

affirment être fidèles à la pensée des fondateurs du libéralisme (le libéralisme "classique"), cet ultra-libéralisme trouverait en fait son origine chez des auteurs du milieu du XIXesiècle tels que Frédéric Bastiat en France et Herbert Spencer en Angleterre. Il est développé au XXe siècle par des auteurs tels que Ludwig Von Mises,

26- Se conférer aux chapitres relatifs au PAS dans l'économie algérienne.

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Page 61: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Friedrich Hayek et Milton Fridman. Théorie dogmatique qui s'oppose à toute intervention de l'Etat (et des autres pouvoirs publics) dans l'économie, il débouche au cours de décennie 1980 sur les politiques de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, qui prennent prétexte des excès étatistes de pays de l'Est et du Sud pour se rallier à l'Etat minimum.

L'Etat devrait selon eux déserter les fonctions de protection sociale pour se limiter à l'administration de l'armée et de la justice, au prélèvement des impôts, à l'animation du débat social >>27.

Cette philosophie, bien que lointaine dans le temps et dans

l'espace, semble présider aujourd'hui aux destinées de l'économie algérienne. Nous recensons au moins trois approches.

121: L'approche de la Banque Mondiale : Pour les gestionnaires de la Banque mondiale, bien que

l'économie algérienne soit confrontée à plusieurs contraintes (financement, approvisionnements en inputs, etc.), la crise aurait pour cause essentielle le système de planification comme mode de régulation économique et sociale et la présence d'un secteur public bénéficiant de rentes de situation c'est-à-dire de monopole qui est synonyme d'utilisation non rationnelle des ressources, d'absence d'efficience et de performance des entreprises, etc.

C'est ce que qui ressort du moins des analyses de la Banque

Mondiale consacrées à l'économie algérienne.

"Pendant vingt-cinq ans, depuis son accès à l'indépendance nationale en 1962, lit-on dans l'un des rapports 28, l'Algérie a opté pour la voie socialiste de développement se caractérisant par un système de planification centralisé et une industrialisation lourde...

27- Marcel Marloie: " un projet de pacte social mondial: les défits du Sommet de Copenhague" in coopération internationale pour la démocratie, no4, Février 1995, p12. Solagral. 28- Banque Mondiale.

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Page 62: Réformes économiques et agriculture en Algérie

<<A la fin des années soixante-dix, cependant, les inconvénients du système de planification centralisé commencent à apparaître, particulièrement dans le secteur agricole public qui représente la plus grande part des potentialités agricoles du pays. En dépit de gros investissements publics dans le secteur d'Etat, la production demeure faible et le pays fait de plus en plus recours aux importations qui n'ont cessé d'augmenter. Les effets des investissements publics dans le secteur agricole sont lents, particulièrement dans le secteur domestique dans lequel le capital mobilisé durant cette longue période n'a donné aucun effet. En sus, les réalisations industrielles tournent en deçà de leurs capacités >>29

Ainsi, il apparaît clairement à travers ce passage que la crise de l'économie s'explique avant tout par le choix du système de planification comme mode de régulation de l'économie, et par la mise en place d'un secteur public peu performant. En peu de mots, <<ceci (la crise) est attribué au modèle de développement socialiste adopté par le passé et qui avait orienté toute la production vers la satisfaction des besoins du marché intérieur en omettant la compétition et les sanctions du marché...>>30

Dans cet état d'esprit, le gestionnaire de la Banque Mondiale,

soucieux de l'efficacité des entreprises et surtout de la sortie de la crise, fixe désormais quatre objectifs essentiels à la réforme. Ces objectifs, liés à l'organisation des entreprises en particulier et de l'économie en général dans le cadre du marché, redéfinissent les nouveaux principes de développement économique et social.

Ainsi les nouveaux objectifs, ceux fixés à la réforme, sont:

1- la promotion et l'accélération du développement de l'entreprenariat (c'est-à-dire abolition de la rente de position) dans le secteur privé;

2- la poursuite du processus de suppression de la subvention directe accordée par l'Etat aux secteurs de l'activité économique et la consolidation des mesures de régulation de l'économie de marché;

29- Le texte a été traduit par nous, AMD, et les mots également soulignés par nous. 30- Idem que précédemment

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Page 63: Réformes économiques et agriculture en Algérie

3- l'encouragement du développement de la concurrence entre les entreprises, et enfin

4- l'accélération du processus de privatisation par l'ouverture notamment du capital des EPE aux investisseurs nationaux et étrangers.

Des propositions similaires, du moins une analyse de la crise

s'apparentant au même cadre théorique sont développées par l'un des anciens gestionnaires de l'économie nationale.

122- La "crise" comme ouverture insuffisante de l'économie au capital privé.

Cette approche est minutieusement développée dans une

étude récente du PNUD. L'étude a été réalisée par le Pr H. BENISSAD. Dans cette étude, l'auteur souligne que

<< le fonctionnement de l'économie algérienne reste en fait caractérisé par deux logiques contradictoires:

a) celle de l'administration basée sur le côté procédurier et formaliste,

b) celle des gestionnaires basée sur des impératifs économiques d'efficacité >>31

De même, l'auteur se propose d' <<analyser les blocages d'ordre institutionnel que rencontre la PME algérienne au cours des différentes étapes de son existence (création, investissement, exploitation)>>32. Les contraintes recensées sont de trois ordres, celles liées au: - cadre législatif et administratif, - au système bancaire et au financement - aux approvisionnements et exportation. Dans ce sens, l'auteur de l'étude dresse un tableau et

énumère, par type, les contraintes et obstacles rencontrés, l'origine de 31- H. BENISSAD: la PME privée en Algérie: environnement administratif et contribution à une politique de promotion, PNUD, Alger, 16/06/1993. P III. 32- Idem que note 10 précédente

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Page 64: Réformes économiques et agriculture en Algérie

ces derniers et les effets néfastes qu'ils exercent sur le développement de l'entreprise privée depuis le lancement en 1988, de la réforme de l'économie algérienne.

Ainsi, il est décelé une soixantaine de contraintes issues de

neuf dizaines de sources et exerçant une centaine d'effets néfastes sur la création et la promotion de l'entreprise privée.

Les types de contraintes et leur nombre, le nombre d'origines

possibles de ces contraintes ainsi que celui des effets qu'elles exercent sont résumés dans le tableau suivant.

Tab15 : Contraintes et obstacles au développement de la PME

en Algérie

Nature de la contrainte Nbre d'obstacles rencontrés

Nbre de sources des obstacles

Nbre d'effets néfastes exercés

I- Création de société 1) registre de commerce 2) Infrastructure 3) Douanes 4) Fiscalité 5) Relations commerciales avec les administrations publiques: cas du BTP II- Système bancaire et financement 1- Capacités bancaires 2- Financement 3- Garanties 4- Comité ad-hoc 5- Perte et risque de change III- Appro-auprès du secteur public et sur les marché extérieur 1) Auprès du secteur public 2) Sur les marchés extérieurs

33 4 6 4

12

7

18 5 4 3 5 1

7 2 5

44 4 8 6

16

10

34 13 10 3 6 5

13 5 8

49 6

14 8

12

9

32 9 8 3 7 5

15 4

11

Total 58 91 96 Source : BENISSAD - PNUD, op cité -Synthèse des tableaux II 1 A à II 1 E, II 2 A à II

2D et II 3 A à II 3 B . pp 29-50 .

Soucieux de la résolution de la crise, le Pr BENISSAD dresse

également un autre tableau dans lequel il fait une centaine de recommandations classées selon les organismes auxquels elles sont destinées, le degré de difficulté du problème à résoudre et la priorité de la recommandation.

Les recommandations s'adressent à une quinzaine

d'institutions d'envergure nationale (ministères de l'Intérieur, du commerce, de l'Economie, du commerce Extérieur, de la PME, le

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Page 65: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Centre National du Registre de commerce, l'Administration fiscale, le Trésor, le Conseil de la Monnaie et du crédit, etc.)

S'agissant du degré de difficulté des obstacles rencontrés, le

décompte fait sur les tableaux cités montre, selon l'auteur, que les 2/3 sont faciles à résoudre et le reste nécessite des efforts importants.

Enfin et en matière d'urgence de résolution des obstacles qui

s'opposent au développement de la PME, il est proposé une échelle des priorités à neuf degrés. Si on estime qu'il est urgent de résoudre les problèmes classés dans les priorités 1,2 et 3, alors il devient aussi urgent de lancer une reforme administrative puisque près de 60 % des problèmes rencontrés sont classés dans les trois priorités précitées.

En définitive, il est utile de faire remarquer que, selon H.

BENISSAD "les lourdeurs administratives", " l'esprit de clientélisme", "la suspicion de discrimination", "la mauvaise allocation des ressources", "la marginalisation des détenteurs de compétences", "les décisions arbitraires", etc., se sont pratiquement soldés, au fil du temps, par l'amenuisement, voire par l'absence de création d'entreprises privées durant la décennie 80.

<< Dans ce sens, relève encore cet auteur,

c'est-à-dire dans le sens de contrôler le développement du secteur privé il est créé à partir de 1983 un office pour l'orientation, le suivi et la coordination de l'Investissement privé (OSCIP). Il est placé sous la tutelle du MPAT. Ainsi sur les 2500 demandes d'agrément déposées entre 1983 et 1987, seuls 363 projets ont été agrées >> 33.

Enfin, on doit également retenir avec ce même auteur et à titre de comparaison, que <<durant la période 1962-1982 le rythme moyen de création d'entreprises privées a été de 600 unités environ par an ce qui est dérisoire par rapport aux investissements massifs engagés par l'Etat. C'est ainsi que la part du privé dans la FBCF algérienne est passée de 40 % en 1967 à 13 % en 1981 >> 34.

33- BENISSAD, opcité . p6 et suivante. 34- BENISSAD, Idem p 6.

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Page 66: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En guise de conclusion, nous devons faire remarquer, malgré

le précieux travail et la pertinence de l'approche développée par le Pr BENISSAD, que:

1) la situation semble bien avoir évoluer ces dernières années

en faveur des entreprises du secteur privé en dépit des obstacles au développement de la PME. Dans le contexte de régression économique généralisée, le secteur privé industriel qui participait à concurrence de 45% à la production totale en 1974 et à concurrence de 28% seulement en 1983, réalise 54% de la production totale en 1989. (Voir chapitre précédent).

Bien au contraire, les données disponibles montrent qu'au

début de la décennie 90, le secteur privé est plus performant que le secteur public. Ceci constitue l'objet de la seconde remarque.

2) en se focalisant sur le secteur privé, les travaux du Pr

BENISSAD peuvent laisser supposer une plus grande efficacité du secteur public et une meilleure maîtrise des obstacles qui se posent au devant de ce dernier secteur. Or c'est le contraire qui semble se produire.

13- La "crise" comme absence d'autonomie de gestion du secteur

public . Beaucoup d'auteurs continuent à penser, malgré la

restructuration des entreprises publiques réalisée en 1981-82 et malgré aussi les réformes entamées en 1987-88 que la crise de l'économie algérienne s'explique en grande partie par l'absence d'autonomie de gestion des entreprises et du secteur publics et par l'absence de l'entreprise privée autonome.

Dans ce sens, le Pr Abdelatif BENACHENHOU dont

l'engagement en faveur d'un secteur public, performant ne prête pas à confusion 35relève récemment encore la nécessité de réunir le maximum de " conditions" ( dont certaines seront présentées ici) pour la réussite de la " désétatisation" 36.

35- Se conférer A. BENACHENHOU: planification et développement en Algérie, op cité.

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Page 67: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Il existe deux séries de conditions: " les conditions internes

qui sont les présupposés de la réussite de la désétatisation " et " les conditions externes " .

Nous ne présenterons ici que les conditions en relation avec l'objet de ce paragraphe, à savoir les causes institutionnelles de la crise.

Parmi les causes ou conditions internes, il y a lieu de retenir

selon A. BENACHENHOU: 1) Les acteurs doivent être de véritables entrepreneurs, c'est-

à-dire des preneurs de risque et des cadres compétents.

<< S'agissant de l'entreprise privée, souligne l'auteur, celle-ci est relativement jeune (1954-1984). Elle s'est constituée à l'ombre du secteur public qui l'a toujours protégée d'où la fragilité de la bourgeoisie locale qui méconnaît les réalités du terrain national et international.

D'autres acteurs, poursuit-il , sont absents

pour la désétatisation: les gestionnaires du secteur public ne veulent pas prendre le risque lié à la gestion autonome de leurs entreprises (licenciements, négociation avec les banques, etc. >>37. S'agissant du désengagement des gestionnaires du secteur

public, A. BENACHENHOU fait le lien direct avec la baisse de leur niveau de vie et leur relative paupérisation. Dans ce sens, il relevait en 1992 ce qui suit:

<<Alors que le chômage des diplômés limite les perspectives professionnelles de leurs enfants, les cadres voient leur niveau de vie baisser du fait de l'inflation, tandis que les réformes économiques les mettent au front sans leur donner les moyens de la bataille >>38.

36- A. BENACHENHOU: l'aventure de la désétatisation en Algérie, Revue du Monde musulman et de la Méditerranée, no65, Année 1992, pp 175-185. 37- A. BENACHENHOU; op cité, p 179.

67

Page 68: Réformes économiques et agriculture en Algérie

2) Toujours en matière de l'échec des réformes et de la persistance de la crise économique, "la seconde condition de réussite de la désétatisation, note encore A. BENACHENHOU, est l'existence d'une culture favorable. Or en Algérie, poursuit-il, la culture étatiste et islamiste s'opposent à ceci. La première est synonyme d'assistance et la seconde est plus favorable au mercantilisme qu'à l'effort productif>>39. Enfin, on comprend que soucieux des issues de la crise, A

BENACHENHOU s'interroge, lui aussi, sur les perspectives de la désétatisation en Algérie qui doit se faire en :

- définissant le statut de l'Algérie au sein de l'économie

mondiale c'est-à-dire en répondant à la question de savoir s'il faut s'inscrire dans une optique d'internationalisation ou de régionalisation,

- en recherchant un pacte social interne étant donné que:

" L’ajustement est un vaste processus de redistribution de la propriété, de la décision économique, des bénéfices, d'accès aux services publics, de lutte contre l'inflation et de gestion à court et moyen terme du chômage". - en cherchant à attirer l'investissement extérieur et

à alléger la dette, et enfin - en consolidant l'Etat qui pourrait d'une part, définir

le Code des investissements et le mettre à l'abri des influences et, d'autre part, autonomiser la gestion des entreprises publiques et régler les modes d'intervention de l'Etat en leur sein en qualité de simple actionnaire.

Ces recommandations, quand bien même utiles, ne se

prononcent pas sur ce que doit être l'Etat c'est-à-dire sur sa nature et sur la construction d’un Etat fort.

38- A. BENACHENHOU: Inflation et chômage en Algérie. Les aléas de la démocratie et des réformes économiques, Revue Monde arabe Maghreb-Machrek, no139, Janvier-Mars 1993, p 34. 39- A. BENACHENHOU, 1992, op cité..

68

Page 69: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La crise de récession, la crise qu'on dit multidimensionnelle, parce que touchant à l'Economique, au Politique, au Social et à toutes les sphères d'activité, ne résulte-t-elle pas de la faiblesse de l'Etat et de ses institutions?

La consolidation de l'Etat et de ses institutions, la recherche

du pacte social interne ne présupposent-elles pas l'existence préalable d'un pacte politique autour de ces questions? Ce pacte existe-t-il en Algérie où les populismes se succèdent et se chassent mutuellement, non sans créer des dommages fort importants aux structures économiques 40?

Par ailleurs et en supposant qu'un pacte social interne soit

réalisé autour d'un projet de société donné, l'Algérie, pays périphérique et dépendant, a-t-elle les moyens nécessaires de mise en oeuvre de ce projet? La contrainte extérieure ne serait-elle pas la contrainte majeure au développement économique et social?

A ce dernier effet, quel est donc le poids des causes

économiques en général et de la contrainte extérieure en particulier dans la crise de l'économie algérienne?

40" Des actes de sabotage multiples constituent, parallèlement à la liste des victimes de ce conflit, souligne Luis Martinez, l'actualité tragique de l'Algérie:destructions de ponts, incendies de wagons, d'hotels, de véhicules, d'entreprises publiques, d'écoles, de mairies etc. Le compte rendu, décontextualisé, de ces événements par les médias, laisse une impression d'anarchie, de chaos où la finalité des actions des principaux protagonistes, tant l'armée que les deux principales factions islamistes, le GIA et l'AIS, se perd dans une violence nihiliste... Depuis avril 1994, poursuit le même auteur, les accords passés avec le FMI, en libérant les ressources financières issues de la rente et en permettant de contracter de nouveaux crédits, ont alimenté ces circuits commerciaux, sur lesquels se greffe "l'économie de guerre" des islamistes et qui ne sont pas sans effet sur la structuration de la guérilla... Enfin, il faut relever toujours avec le même auteur, qu' "Entre 1993 et 1995, 2700 actes de sabotage ont été enregistrés, causant des pertes évaluées à 12 milliards de francs". Luis Martinez : Les groupes islamistes entre guérilla et négoce. Vers une consolidation du régime algérien? Les études du CERI, n° 3, Août 1995.

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Page 70: Réformes économiques et agriculture en Algérie

II - Causes économiques de la "crise" :

la contrainte extérieure.

Parmi les multiples causes41 économiques qui sont à l'origine de la récession de l'économie algérienne, la contrainte extérieure semble exercer plus d'effets négatifs sur l'appareil de production.

"L'environnement international, souligne Smail

GOUMEZIANE, a toujours joué un rôle majeur dans l'évolution de l'Algérie, même si l'origine de la crise qu'elle traverse depuis de nombreuses années est d'abord interne et liée à l'émergence du système monopoliste et rentier au lendemain de l'indépendance. Les éléments qui influent sur cette évolution mêlent en permanence le pétrole, l'argent et la politique, et marquent fondamentalement les relations de l'Algérie avec les grandes puissances"42

La contrainte extérieure, semblable à une spirale, exerce des

effets excentriques sur tout le reste de l'économie. La sous utilisation des capacités de production, la baisse de leur taux d'utilisation, la diminution du taux de croissance, le sous-emploi, etc., sont tous intimement liés aux exportations des hydrocarbures, c'est-à-dire aux revenus qu'on en tire.

Ainsi, nous définissons la contrainte extérieure comme étant

l'ensemble des effets négatifs exercés individuellement ou collectivement sur le système productif par l'une ou l'ensemble des variables suivantes : la baisse des revenus pétroliers, l'augmentation du service de la dette et le manque d'investissement extérieur direct.

41 La "Lettre Afrique Expansion" du 07 au 20/11/1994, éditée par le CFCE, recense au moins "sept causes (plaies) de l'économie algérienne". Ce sont : 1) le déficit de crédibilité, 2) l'héritage industriel étatique, 3) la malédiction pétrolière, 4) la corruption généralisée, 5) le handicap de la polarisation vers la France, 6) le climat d'anarchie et 7) l'économie de bazar. 42S. GOUMEZIANE : " La contrainte extérieure, pp77-85 de l'ouvrage collectif intitulé : Demain l'Algérie, Editions du Sud, Paris, 1994.

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Page 71: Réformes économiques et agriculture en Algérie

21 - La baisse des revenus pétroliers : 211 - La détérioration de l'environnement international :

La baisse des revenus pétroliers , de l'Algérie notamment, s'expliquent par les stratégies contradictoires mises en place dans les décennies soixante-dix et quatre-vingt, respectivement par les partisans du Nouvel Ordre Economique International et par les pays occidentaux.

Il faut pour comprendre cette marginalisation

de la préoccupation sociale dans les institutions internationales, écrit M. MARLOIE, remonter à la décennie 1970 où les pays du Tiers Monde regroupés dans le groupe dit des 77 et parfois appuyés par l'Union soviètique avaient réussi à faire adopter à la CNUCED un ensemble de mesures interventionnistes définies par l'expression "Nouvel Ordre Economique International" (NOEI). Ces mesures visaient à faire davantage le Tiers monde des échanges internationaux, et ceci au détriment des pays occidentaux.

Ces derniers, Etats-Unis en tête, avaient alors réagi, poursuit l'auteur, en se désengageant à des degrés divers de la CNUCED et d'autres instances de l'ONU, provoquant une crise financière de ces institutions, accroissant la paralysie de l'ONU, pour s'appuyer davantage sur les institutions de Bretton Woods et sur le GATT dans lesquelles elles avaient plus de poids, et dont la puissance fût accrue"43.

Dans le cas spécifique de l'Algérie, la détérioration de son

environnement international a été provoqué par le contre choc pétrolier de 1986 qui a réduit brutalement les recettes d'exportations de prés de 50 %.

Depuis cette date, le marché pétrolier mondial, dominé par la

production saoudienne et celle des autres pays du Golf, se caractérise par une offre supérieure à la demande. L'Algérie qui dispose, contrairement à l'Arabie Saoudite, d'une population élevée et de réserves pétrolières moins importantes, subit les effets néfastes du jeu 43M. MARLOIE, op cité, pp 15-16.

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Page 72: Réformes économiques et agriculture en Algérie

du second pays cité : sa part dans les exportations de l'OPEP ne s'élèvent qu'à 3% seulement contre 50 % pour l'Arabie Saoudite.

Dans ce sens, l'Algérie dont les recettes d'exportation sont

constituées, selon les années, de 97 à 99 % par les hydrocarbures, perd les moyens de sa croissance. En 1994, les recettes tirées de la vente des hydrocarbures suffisent tout juste au remboursement du service de la dette.

A moins que les investissements additionnels en cours dans le

secteur des hydrocarbures ou qu’un quelconque événement international ne vienne changer les données du marché pétrolier, les revenus pétroliers algériens resteraient sans changement significatif jusqu'à l'an 2000.

Quels sont les effets exercés par le jeu des stratégies

internationales sur l'économie algérienne? 212 : La détérioration des termes de l'échange : La détérioration des termes de l'échange commercial est

provoquée par la crise pétrolière des années quatre-vingt. En effet, l'analyse de l'évolution des prix du pétrole montre que ces derniers ont connu, de 1978 à 1981, huit hausses consécutives44. Le baril du brut qui ne s'élevait qu'à 2,9 $ en juin 1973, passe à 13 $ en 1977 et bondit à 33,5 $ en janvier 1981. Mais à la suite de la rencontre de Cancun des Chefs d'Etats en 1981 et surtout suite aux accords de Plazza de 1985 entre Américains, Européens et Japonais, faisant de la dévaluation du dollar, principal moyen de paiement international de l'industrie pétrolière, l'instrument de sortie de la crise, les données du marché mondial du pétrole se renversent.

L'Arabie Saoudite, apeurée par la montée du chiisme iranien,

l'Iran lui-même faisant face à la guerre contre l'Irak et les pays du Golf persique cherchant à développer une sécurité à leurs frontières par l'acquisition de nouveaux armements, abondent et inondent le marché mondial45. Les prix du pétrole diminuent et se trouvent, en dollars constants, au début de 1994 au niveau de 1973.

44Se conférer à N. KORICHI :L'OPEP et le marché mondial du pétrole, Mémoire de Magister, ISE-Alger, 1990.

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Page 73: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Consécutivement à cette situation, le pouvoir d'achat de

l'Algérie dont les revenus extérieurs sont essentiellement et depuis toujours d'origine pétrolière, s'est détérioré et amenuisé au fil du temps.

"Le retournement, mentionne J.P SERINI,

est dramatique pour l'Algérie qui, payée en dollars, se fournit pour l'essentiel auprès de la CEE. Le cumul de l'effet "pétrole" et de l'effet "dollar" représente entre le premier trimestre 1985 et le creux conjoncturel de la mi-mai 1991 une baisse des recettes en devises de prés de 80 %"46.

C'est ce que confirment en effet les données du tableau

suivant relatives à l'évolution de quelques indicateurs du pouvoir d'achat de l'Algérie de 1984 à 1993.

- une très forte augmentation des revenus nominaux tirés des

exportations dont plus de 95% sont des revenus pétroliers. En valeur, les exportations totales ont été multipliées par 3,7 en 1993 par rapport à 1984. Mais comme on peut également le constater, ces mêmes revenus ont été subitement réduits de moitié en 1986 par rapport à 1984. Ce n'est qu'en 1989 que le niveau des exportations atteint enfin celui de 1984.

En volume, les exportations d'hydrocarbures gardent

pratiquement le même indice entre 1984 (100) et 1990 (118) mais connaissent un soubresaut en 1991 (indice 229), élan qu'elles garderont jusqu'en 1993 (indice 235);

45Même la guerre du Golf qui s'est soldée par l'élimination de l'Irak du marché pétrolier, n'a pas influé sur les prix . Le pétrole qui fût brandi dans les années soixante dix comme une arme stratégique et qui fût à l'origine de la guerre du Golf en 1991 échappe de plus en plus au contrôle de ceux qui le produisent dans le Tiers Monde . L'Irak, par exemple, se voit réduit, en ce début de l'année 1996, à la formule "pétrole contre nourriture". L'Algérie est, à quelques nuances prés, dans la même situation : son secteur pétrolier profite plus à ses créanciers qu'à elle-même. 46J-P. SERINI : "L'Algérie, le FMI et le FIS" in les Cahiers de l'Orient, n° 25-26, année 1992, p 225.

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Page 74: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 17 : Evolution du pouvoir d'achat de l'Algérie de 1984 à 1993.

Désignation

Total des exportations en

millions DA

Part des hydrocarbures ds le total Exp en %

Prix du baril de

brut en $

Indice Prix du brut

1984=100

Termes de l'échange 1980=100

1984 63 648 97,7 29,54 100 101 1985 65 238 98,0 28,92 97,9 96 1986 35 161 97,4 14,77 50 47 1987 42 410 97,5 18,48 62,5 66 1988 47 153 92,2 16,14 54,6 44 1989 74 612 92,7 18,45 62,4 55 1990 117 889 93,8 24,32 82,3 56 1991 232 030 95,3 20,44 69,1 65 1992 249 959 94,9 20,06 67,9 61 1993 239 713 95,0 17,68 59,8 54

Sources : CNP- BM, Extrait p 3, 89.

- une érosion des termes de l'échange, elle-même due à la baisse des prix du brut. En effet, avec un indice 100 en 1980, il fallait exporter depuis 1986 deux fois plus environ pour assurer le même niveau des recettes. L'indice des termes de l'échange est de 47 en 1986, de 44 en 1988 et de 54 en 1993.

La détérioration des termes de l'échange est due, comme déjà

signalée, à la baisse du prix du brut algérien. En 1986, le prix du brut algérien n'est que de 14,77 $ le baril contre 28,92 $ en 1985. Il faut également souligner que la baisse du prix du brut est gardée quasiment au même niveau depuis 1986. De l'indice 100 en 1980, on passe à l'indice 50 en 1986, 54,6 en 1988 et 59,8 en 1993.

Nous avons précédemment souligné l'accroissement des

revenus extérieurs nominaux de l'Algérie, qui sont passés de l'indice 100 en 1984 à l'indice 377 en 1993. Ces chiffres méritent d'être nuancés dans la mesure où, comme nous l'avons déjà souligné, il y a eu pour l'Algérie une véritable érosion de son pouvoir d'achat et dans la mesure où, au plan interne, l'augmentation de la masse monétaire s'est faite sur la base de la dévaluation du dinar.

A ce propos, il faut relever que, comparée au franc français,

la valeur du dinar a subi une très forte dépréciation entre 1988 et 1995. Alors que le dinar s'échangeait encore dans les chancelleries étrangères en Algérie à la parité de 1DA= 1FF en 1988, au mois d'août 1995, le dinar ne vaut plus que le dixième du FF.

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Page 75: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 18 : Evolution de la parité du dinar par rapport au FF depuis le 10/04/64 (date de création du dinar ).

Date 1DA = x

FF 1FF= x DA

10. 04. 64 1,000 1,000 01. 08. 69 1,125 0,888 06. 02. 74 1,190 0,840 01. 10. 78 1,130 0,884 21. 08. 83 1,650 0,606 01. 12. 87 1,150 0,869 16. 09. 88 1,000 1,000 16. 10. 89 0,780 1,282 01. 10. 90 0,550 1,818 05. 10. 91 0,260 3,846 01. 08. 92 0,240 4,166 01. 08. 95 0,100 10,000

Source : CFCE, Dossier Algérie

Le croisement du tableau précédent avec celui sur l'évolution de quelques indicateurs du pouvoir d'achat de l'Algérie ( 1984-1993 ) montre que le revenu extérieur de l'Algérie s'est élevé, en FF, à 105 019 millions en 1984 ( 1DA = 1,65 FF ) et à 57 531 millions en 1993 ( 1 DA = 0,24 FF ). Autrement dit, le revenu extérieur de l'Algérie a, bel et bien, diminué de moitié entre 1984 et 1993.

Face à la diminution des revenus extérieurs, la solution fut

dans le recours de l'endettement. 22: Le poids de la dette extérieure : L'évolution de la dette extérieure de l'Algérie retient

l'attention par rapport à l'évolution de son volume global et par rapport à sa structure c'est-à-dire par rapport au manque à gagner en matière d'investissement.

221: Evolution du volume global de la dette : La dette extérieure de l'Algérie, bien qu'impulsée par la

baisse des prix du pétrole, a pour objectifs premiers de maintenir, d'une part le niveau des investissements au même rythme que celui des années soixante dix et d'autre part, assurer un niveau de consommation élevé à la population 47 au moyen de la subvention d'une

75

Page 76: Réformes économiques et agriculture en Algérie

large gamme de produits de consommation (céréales, lait, café, sucre, produits agricoles, etc.)

Ce sont, ici, deux objectifs contradictoires qui vont pourtant

guider la politique économique de l'Algérie durant toute la décennie 80. Les effets de cette politique se traduisent par l'accroissement de la dette extérieure du pays dont l'évolution des montants est indiquée dans le tableau qui suit.

Tab 19 : Evolution de la dette extérieure de l'Algérie (1970-

1996).

Année Dette totale Dette à L T

Année Dette totale Dette à L T

1970 - 0,9 1988 26,7 25,1 1980 19,4 17 1989 28,6 26,1 1982 17,6 14,9 1990 29,8 27,1 1983 16,3 14,3 1991 28,6 26,6 1984 15,9 14,2 1993 25,7 24,9 1985 18,4 16,5 1994 29,4 28,1 1986 22,9 19,8 1995 32 - 1987 25,0 23,7 1996 36* -

Sources : Banque Mondiale, citée par 1) P. COULOMB, F. JACQUET, options

méditerranéennes, 1994, n° 8 p 24. ( de 1970 à 1991) 2) Maghreb Selection n° 386 du 31/7/1995.

* estimation pour l'année indiquée.

Comme on le constate, la dette algérienne qui s'est élevée à 19,4 milliards de dollars en 1980 a connu un début de réduction jusqu'en 1984. A cette date, elle a en effet diminué de 3,5 milliards $ par rapport à 1980.

Mais à partir de 1985, suite donc aux accords de PLAZZA et

à la suite de la diminution des prix du pétrole, cette dette reprend son ascension: 18,4 milliards en 1985, 29,8 milliards de $ en 1990 et 32 milliards $ en 1995; ce qui donne un accroissement annuel moyen de 1985 à 1995 de 1,5 milliards de $ (8,2% par an).

A vrai dire quoique s'élevant à 32 milliards de $ à la fin de

l'année 1995, la dette extérieure de l'Algérie, rapportée au PNB, est 47- On rappellera que le taux d'investissement / PIB s'est élevé à 35,1% en 1984 à 29% en 1989 et à 27,6% en 1993. Au début des années quatre vingt, le changement de politique oblige, un " programme anti-pénurie" (PAP) a été mis en place. Le revenu par tête d'habitant passe ainsi de 1950 $ en 1980 à 2760 $ en 1987 ( mais à 1570 $ seulement en 1994). Les dépenses de consommation représentent 40 % en moyenne de la dette extérieure.

76

Page 77: Réformes économiques et agriculture en Algérie

moins importante que celle des deux pays voisins du Maghreb, le Maroc et la Tunisie.

En effet, elle représente 40% du PNB algérien en 1982, 40%

en 1987 et 70% en 1991. Aux dates respectives, elle est de 85%, 116% et 80% pour le Maroc et de 48%, 74% et 66% pour la Tunisie. Mais contrairement à ces deux pays, c'est la structure de la dette qui pose de graves problèmes de gestion à l'économie algérienne.

222 - Evolution de la structure de la dette Le problème de la dette algérienne a commencé à se poser

avec acuité depuis 1988, année durant laquelle l'Algérie était parvenue à mobiliser quelques 795 millions de $ de crédits. En 1989, elle mobilise encore 397 millions de $ et 61 millions $ seulement en 1991. Depuis 1991, la mobilisation de capitaux devient de plus en plus difficile à cause de l'incapacité de l'Algérie à rembourser les dettes parvenues à maturité.

En effet, la dette à court terme ou << dette commerciale >>

passe de 794 millions de $ en 1984 à 1621 millions de $ en 1988 et à 1840 millions de $ en 1989. Or pendant ce temps, l'échéance moyenne de l'ensemble des engagements est passée de 9,3 ans en 1986 à 3,5 ans en 1989 et 70% de l'encours total de la dette arrive à échéance entre 1990 et 1993.

Tab 20 : Evolution de la structure de la dette totale de l'Algérie (1987-1992)

.

(en millions de $). Désignation 1987 1988 1989 1990 1991 1992 Dette à L T * dette publique garantie * dette privée non garantie Utilisation crédits FMI Dette à C T

23 080 23 080 0 -

1315

24 417 24 417

0 -

1621

24 541 24 541

0 619 791

26 176 26 176

0 670 791

25 684 25 684

0 995

1239

24 762 24 762

0 795 793

Source: Maghreb Sélection n° 765 du 20/01/1994.

Par ailleurs, la structure de la dette commerciale complique la situation puisque plus de la moitié des crédits garantis et non garantis doivent être remboursés en deux ans.

77

Page 78: Réformes économiques et agriculture en Algérie

A titre d'exemple, on doit retenir que le service de la dette à

long terme (principal et intérêts) passe de 5 371 millions de $ en 1987 à 8 842 millions de dollars en 1992.

Tab 21 : Evolution du service de la dette algérienne à long

terme.

Désignation 1987 1988 1989 1990 1991 1992 Principal 3 806 4 563 5 088 6 741 7 092 6 951 Intérêts 1 565 1 681 1 767 1 788 1 803 1 891 Total 5 371 6 244 6 855 8 529 8 895 8 842

Source: Maghreb Sélection n° 765 du 20/01/94

L'Algérie est prise dans le "piége de la dette", et les remboursements qu'elle a effectués au titre du service de la dette (principal et intérêts) s'élèvent à 44 736 millions de DA de 1987 à 1992 soit l'équivalent de 1,8 fois de la dette totale en 1992. Ceci fait dire à A. BENACHENHOU: " au cours des six dernières années, l'Algérie a payé en moyenne 14% de son PIB en service de la dette. Jamais dans l'histoire moderne un pays n'a subi une saignée aussi forte. Le paiement de la dette a correspondu annuellement à 130% de la masse salariale globale" 48.

Confrontée au problème du remboursement, et aussi à celui

des approvisionnements en biens alimentaires et intermédiaires, l'économie algérienne subit à partir de 1994 la rigueur de gestion imposée par les institutions de Bretton Woods dans l'espoir d'une éventuelle relance de l'activité économique.

Désormais, la politique de réduction des importations et de

refus de restructuration de la dette extérieure, en un mot la politique de l'" économie de guerre" prônée dans le " Programme de Travail du Gouvernement" ABDESLAM, fait place au "Programme d'Ajustement Structurel", officiellement adopté en avril 1994.

48- A. BENACHENHOU: L'aventure de la désétatisation, op cité, p 181.

78

Page 79: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Conclusion : Les causes de la crise qui affecte l'économie algérienne depuis

le milieu de la décennie quatre vingt sont multiples. Les explications à cette crise sont également nombreuses et sont classées en deux groupes.

Les premières sont d'ordre institutionnel et rendent compte

de l'inadaptation des structures économiques et organisationnelles actuelles au marché. Que l'on se range, en effet, du côté des réformateurs qui ont été à l'origine de la déstructurations du secteur public, certes peu performant, du côté de la Banque Mondiale qui impute à la gestion centralisée l'ensemble des dérégulations économiques, du côté des partisans d'un développement effréné du secteur privé ou encore du côté des défenseurs du secteur étatique, les explications demeurent les mêmes. L'institution économique est mise en cause. Pour les uns, la solution réside dans la disparition, par la privatisation du secteur économique public. Pour d'autres, c'est l'absence d'autonomie de gestion de ce secteur public qui a conduit à sa crise; il y a donc possibilité d'améliorer ses performances, c'est-à-dire de résorber sa crise.

Les secondes causes de la crise sont d'ordre économique et on

les impute au fardeau de la "contrainte extérieure". La contrainte extérieure signifie de ce point de vue que

l'économie algérienne dont les revenus extérieurs se composent seulement de revenus pétroliers, subit les contre-chocs pétroliers, particulièrement celui de 1986 qui est à l'origine de la détérioration des termes de l'échange du pays, de la baisse de ses revenus mais aussi de son endettement croissant. La dette extérieure étant parvenue à maturité et les moyens de remboursement de cette dette devenant de plus en plus rares, conduisent, sous la pression des bailleurs de fonds à l'inévitable mise sous ajustement structurel de l'économie nationale.

79

Page 80: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre IV - L'ajustement structurel comme solution à

la "crise" : étapes et principes .

L'économie algérienne se caractérise ainsi que nous avons tenté de le montrer dans les deux chapitres précédents, par deux séries de déséquilibres économiques.

La première est relative au déficit de la balance des

paiements, au déficit budgétaire, à l'inflation, au chômage, à la surévaluation de la monnaie nationale, etc. Il s'agit de déséquilibres macro-économiques. La seconde concerne la rupture des équilibres au niveau des secteurs et entreprises économiques : sous utilisation des capacités de production, faible productivité du travail, accroissement des déficits financiers des entreprises, etc.

Cette crise, dite structurelle et multidimensionnelle car

touchant l'ensemble des secteurs d'activité économique et l'ensemble des sphères de l'activité sociale, perdure depuis le milieu de la décennie 80.

Mais aussitôt qu'elle s’est manifestée, des premières mesures

de résolution de la crise furent envisagées par les autorités. Cependant depuis la première mise en oeuvre de ces mesures, bien des méthodes et moyens ont été changés. Cela nous permet alors de distinguer plusieurs étapes dans la tentative de résolution de la crise de l'économie algérienne. Le but fondamental demeure toutefois le même à savoir transformer les structures de l'économie nationale en les adaptant aux réalités du marché mondial autrement dit en assurant à l'économie nationale sa transition vers l'économie de marché.

Il y a donc en définitive abandon des anciennes structures et

adoption de nouvelles par la méthode de l'ajustement structurel progressif. C'est pourquoi, les économistes parlent alors de programmes d'ajustement structurel.

Le Programme d'Ajustement Structurel au sens large c'est-à-

dire l'ensemble des mesures visant à transformer les structures de l'économie algérienne a connu un début de mise en application en 1987 dans le secteur agricole. Officiellement, celui-ci n'est rentré en vigueur qu'au mois d'avril 1994 et a été dicté par les difficultés croissantes de mobilisation de nouveaux capitaux pour l'approvisionnement de

80

Page 81: Réformes économiques et agriculture en Algérie

l'économie en produits alimentaires et en biens intermédiaires que pour le paiement des emprunts extérieurs parvenus à maturité.

Cette seconde définition, approche officielle de l'ajustement structurel, est restrictive et semble vouloir atténuer l'échec des réformes successives ou du moins faire endosser cet échec au seul fonctionnement interne de l'économie algérienne.

En réalité, l'Ajustement structurel dès lors qu'il s'agit de

transformer les structures d'une économie nationale en l'orientant vers un développement de type capitaliste, peut bénéficier d'un "appui" ou être "autonome" des institutions monétaires et financières internationales. Il existe, comme le relève d'ailleurs B. PETIT, deux groupes de pays éligibles à l'Ajustement Structurel :

1 - "Ceux dont l'ajustement est déjà appuyé (financièrement ou

non) par les principaux donateurs multilatéraux. C'est le cas des pays ACP;

2 - "Ceux qui mettent en oeuvre un processus d'ajustement

"autonome" et qui, pour devenir éligibles, doivent faire une démonstration - à partir d'une évaluation conjointe - que les critères prévus dans la Convention sont effectivement remplis (Maroc, Tunisie, Algérie, etc")49

Partant donc de cette observation, nous considérons que, face

à l'exacerbation de la crise en Algérie, le passage à l'économie de marché a été entamé, non pas au début du second trimestre 1994, mais à la fin de l'année 1987. C'est ce que relève également le professeur H. BENISSAD qui écrit : "Ainsi, un nouveau cadre législatif a été mis en place et des réformes structurelles ont été engagées avec l'aval des institutions monétaires internationales, formalisées par l'accord stand by avec le FMI de mai 1989"50.

Ces clarifications faites, l'objet de ce chapitre est de tenter de

retracer les principales étapes du PAS en Algérie en essayant de dégager les caractéristiques de chacune d'entre-elles. Nous en distinguons trois. Ce sont :

49- B. PETIT : "L'Ajustement structurel et la position de la Communauté européenne", Revue Tiers Monde, n° 136, Oct-déc 1993, pp833-834. 50H. BENISSAD, Etude PNUD, op cité.

81

Page 82: Réformes économiques et agriculture en Algérie

1 - La phase des réformes économiques ou phase de l'Ajustement structurel autonome (1988-1992);

2 - La phase d'interruption des réformes ou phase de redynamisation du secteur public (1992-1993), et

3 - La phase d'accélération des réformes ou phase de

l'Ajustement structurel conditionnel (1994-1998).

I -Objectifs de la réforme et tentatives de restructuration

(1988 - 1991) : 11 - Les objectifs Les réformes économiques lancées en 1988 peuvent être

interprétées comme l'achèvement logique de la restructuration des entreprises entamée en 1981-82. Cette restructuration a pour objectif affiché de doter les entreprises du secteur public d'une plus grande autonomie de gestion mais en réduisant cependant leur taille et en les gardant sous la tutelle de leurs ministères respectifs.

Cette première restructuration, vite contrée par la

conjoncture internationale peu favorable, n'a pas donné les résultats escomptés. C'est pourquoi, afin d'atténuer les effets négatifs de la baisse des revenus extérieurs, a-t-il été envisagé en 1986 déjà au niveau des structures centrales de l'Etat une stratégie de sortie de la crise (voir chapitre 3) en définissant les principaux axes d'action. Le programme initial de sortie de la crise comprend, rappelons-le, les axes suivants :

- la mise en place d'une réglementation juridique et

institutionnelle, - la réhabilitation des instruments monétaires et financiers, et - la procédure de séparation des missions et des fonctions au

sein du secteur public et industriel. Le programme ou réformes de 1988 poursuivent, comme le

résume H. BENISSAD, cinq objectifs généraux. Ce sont : 1 - la substitution d'une économie de marché à une économie

gérée administrativement;

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Page 83: Réformes économiques et agriculture en Algérie

2 - la recherche d'une plus grande autonomie des entreprises publiques devant être régies par des règles de commercialité;

3 - une plus grande participation du secteur privé à l'oeuvre de développement; secteur garant des performances économiques;

4 - la libéralisation des prix par la suppression graduelle des

subventions, du commerce extérieur et des changes, et enfin 5 - l'autonomie des banques commerciales et de la Banque

d'Algérie vis à vis du Trésor51. La libéralisation du système économique, question demeurée

jusque là tabou, apparaît d'autant possible que la fin des années quatre-vingt et le début de la décennie quatre-vingt-dix s'avèrent être riches en événements sociaux et politiques52.

51H. BENISSAD, Etude PNUD, op citée. 52 En effet, aprés les événements d'octobre 1988, qui avaient duré du 05 au 10, le Président de la République, réélu pour un troisième mandat consécutif de cinq ans, fait voter par voie de référendum, le 23/02/1989, une nouvelle Constitution dans laquelle la référence au socialisme est abandonnée et la voie ouverte au multipartisme. L'une des conséquences immédiates de la nouvelle Constitution de 1989 est la promulgation en juillet 1989 de la loi autorisant le multipartisme. En septembre 1989, plusieurs partis, même ceux en principe interdits par la loi, sont légalisés. Le gouvernement des "réformateurs" est mis en place. Moins d'une année aprés, le 12/06/1990, le gouvernement des réformateurs, dirigé par Mouloud HAMROUCHE, organise les éléctions communales et locales (Conseil de Wilaya) : le FIS, le parti islamiste le plus virulent, s'accapare de plus de la moitié (853) des communes sur les 1541 et 32 assemblées de wilaya sur les 48. En juin 1991, revendiquant les éléctions présidentielles anticipées, cette formation politique ordonne une grève générale qui conduit successivement à l'intervention de l'Armée et au limogeage, le 05/06/1991, du gouvernement des réformateurs : Sid Ahmed GHOZALI succéde à HAMROUCHE. A la fin de la même année 1991, le 26/12, les éléctions législatives initialement prévues pour le 26/06/1991 sont finalement organisées. Ces éléctions sont à leur tour annulées, l'Assemblée Nationale est dissoute et le Président de la République est démissionné : la direction de la Présidence de l'Etat est confiée à une structure collégiale, le Haut Comité d'Etat (HCE), lui-même présidé par Mohamed BOUDIAF qui sera assassiné le 29/06/1992. Le HCE est alors présidé par l'un de ses membres (Ali KAFI) alors que Sid Ahmed GHOZALI est remplacé par Belaid ABDESLAM, l'ancien ministre de l'Industrie du

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Page 84: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La phase dite des réformes se distingue particulièrement par l'élaboration de plusieurs lois devenues essentielles en matière de fonctionnement de l'économie algérienne. Les plus importantes sont celles relatives aux Entreprises Publiques Economiques (EPE), aux Fonds de Participation (FP), à la monnaie et au crédit (LMC) et à l'abolition du monopole sur le commerce extérieur.

La mise en application de ces lois est intervenue, comme nous

l'avons déjà vu dans le chapitre relatif aux "manifestations de la crise", dans un contexte économique fortement dégradé. Et l'arsenal juridique mis en place entre 1988 et 1991, quoique nécessaire pour le lancement des fondements de l'économie de marché, reste sans attrait particulier sur les partenaires étrangers. Les changements structurels entamés dans l' économie ne constituent pas une garantie suffisante pour la mobilisation de nouveaux capitaux.

12 -Les premières résistances : la solution pétrolière Quoique ayant accepté le principe des réformes de

l'Ajustement Structurel, les autorités algériennes semblent vouloir différer les accords techniques émanant du FMI et de la Banque Mondiale.

A cette époque, c'est-à-dire au début de l'année 1991,

l'Algérie ne parvenant plus à mobiliser de nouveaux capitaux, se tourne vers la CEE et met en action ses programmes de coopération et d'aide multilatérale qui la lient depuis 1976 à cette organisation régionale.

temps de BOUMEDIENE. B. ABDESLAM occupera la fonction de chef du gouvernement jusqu'en août 1993, date à laquelle il sera remplacé par Rédha MALEK. A la même époque, le ministre de la Défense nationale, le Général - Major Khaled NEZAR démissionne de son poste qui sera occupé par le Général Liamine ZEROUAL qui sera porté par la Conférence nationale des Partis à la présidence du HCE. Le 11/04/1994, Mokdad SIFI est désigné Chef du Gouvernement, poste qu'il occupera jusqu'à fin décembre 1995. Mokdad SIFI qui a le mérite d'avoir accélérer le processus des réformes a également organisé les éléctions présidentielles du 16/11/1995 qui consacreront Liamine ZEROUAL, Président de la République. Au début du mois de janvier 1996, un "gouvernement de transition" est mis en place et est dirigé par Ahmed OUYAHIA. Il a à charge de mener à leur terme les réformes économiques engagées en 1988 et appuyées depuis mars 1995 par le FMI et la Banque Mondiale.

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Page 85: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Cette solution trouve vite ses limites par la décision de création, le 15/06/1991, d'une société de capital-risque, filiale de la BEI (Banque Européenne d'Investissement) et qui se présente comme la garante du risque couru par les bailleurs de fonds européens.

A cette société de capital-risque, est venue s'ajouter à la

même époque une "Société Financière Algéro-Européenne de Participation" (FINALEP) qui est destinée à favoriser le développement du partenariat industriel entre opérateurs algériens et européens 53.

Ce n'est donc qu' après la mise en place d'une réglementation

stricte que l'Algérie va bénéficier de la signature du IVè protocole financier lié à l'Accord de Coopération de 1976 entre la CEE et l'Algérie. Ce protocole financier d'un montant de 350 millions d'Ecus 54 est soumis à un certain nombre de conditions émanant de la CEE elle-même ou de certains de ses membres. En effet, la libération de l'aide est soumise, à, nous fier aux informations rapportées par Europolitique, à :

- l'acceptation par l'Algérie d'entreprendre des programmes

de réformes agréés par les institutions de Bretton Woods ou mettre en oeuvre des programmes reconnus comme analogues, en concertation avec celles-ci, en fonction de l'ampleur et de l'efficacité des réformes au plan macro-économique, mais pas nécessairement soutenus financièrement par elles,

- l'étude de la situation économique du pays, et en particulier

au niveau de l'endettement et charges du service de la dette, situation de la balance des paiements et disponibilités de devises, situation budgétaire, situation monétaire, niveau du PIB par habitant, situation sociale notamment niveau du chômage et enfin,

- le prêt ne doit pas servir au remboursement de la dette

privée contractée auprès des banques françaises et japonaises (condition posée par la Grande Bretagne et l'Allemagne).

Donc compte tenu de ce rétrécissement de plus en plus

important du marché étranger des capitaux, <<la réponse apportée en 53- Europolitique, n° 1708 du 02/10/91. 54- 1 écu équivaut à 6 FF environ.

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Page 86: Réformes économiques et agriculture en Algérie

1991-92, à cette interpellation consiste, souligne H. BENISSAD, à rejeter le rééchelonnement et à cibler (mais en vain) l'accroissement à moyen terme, des recettes d'exportation d'hydrocarbures...>>55.

C'est dans ce cadre que l'Algérie met donc en place une nouvelle politique énergétique en permettant, à compter de décembre 1991 (loi n° 91-21 56 sur les hydrocarbures) aux investisseurs étrangers de s'installer en Algérie sur la base d'un partenariat avec SONATRACH.

C'est également par ce biais qu'elle espérait éviter, du moins

différer, le rééchelonnement de sa dette, considéré par une partie de la classe politique comme une atteinte à la souveraineté nationale.

II - L'interruption des réformes et la définition de nouveaux

instruments de résolution de la "crise" (1992-1993)

L'idée qui semble sous tendre l'interruption des réformes entamées en 1987-88, est que l'Algérie peut selon les auteurs de cette décision, faire face à la contrainte extérieure en inscrivant sa stratégie de développement dans deux axes essentiels à savoir:

- l'utilisation maximale des capacités nationales pour

produire plus et importer moins, - libérer le pays de la charge écrasante de la dette extérieure. Dans cette optique, le "programme de travail du

gouvernement" (le PTG) 57 a été essentiellement axé sur les quatre points suivants:

21 - Programme d'austérité et compression des importations. Désormais seuls les biens strictement nécessaires au

fonctionnement de l'économie (biens vitaux pour la population, à savoir l'alimentation, la santé, l'éducation, la formation et les biens 55- H. BENISSAD: " Algérie: restructurations et réformes économiques (1979-1993), OPU, Alger, 1994, 225 p. P 164. 56- Loi n° 91-21 du 4/12/91 (JORA n° 63, année 1991). 57- Il a été rendu public le 20/09/1992.

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Page 87: Réformes économiques et agriculture en Algérie

intermédiaires pour l'industrie, l'agriculture et le bâtiment) seront importés.

Le programme d'austérité dont la durée a été fixée entre un

et deux ans, est aussitôt mis en application. En effet, les importations des biens et services, après avoir connu une augmentation de quelques 510 millions de dollars en 1992 baissent de 600 millions de dollars en 1993 par rapport à 1992. Cependant, durant la même année 1993, les exportations de marchandises et de services diminuent de 1210 millions de dollars; ce qui a aggravé en quelque sorte la situation de la balance des paiements.

22 - Priorité à l'investissement dans le secteur des

hydrocarbures :58 Ce programme a pour objectif d'accroître les capacités

d'exploitation et de permettre à l'Algérie de devenir le principal fournisseur en énergie de la communauté européenne en ayant pour visée de tripler, à moyen terme, les exportations de gaz vers cette région. Il est prévu d'exporter en l'an 2000 quelques 100 milliards de m3 de gaz contre 30-35 milliards de m3 en 1992 et 60 milliards environ en 1995.

Dans le domaine des hydrocarbures, secteur assurant plus

des 9/10 des recettes d'exportation du pays, les espoirs sont placés dans les réserves inexploitées et qui s'élevaient au 1/1/1992 à quelques 14 milliards de TEP (tonnes équivalent pétrole). Ceci correspond globalement à 25 années de production au rythme de 1992 pour les réserves de pétrole brut et condensat et à 35 ans de production chacun pour le gaz naturel et le G.P.L.

58- La politique énergétique a fait l'objet d'un débat houleux au début des années quatre vingts entre les partisans du développement accru de ce secteur (B. Abdeslam : le pétrole algérien) et ceux s'attachant à l'idée de préservation de cette ressource non renouvelable et qui ont mis au point un programme appelé le plan VALHYD ( valorisation des hydrocarbures). Ils avaient comme chef de file, NABI, ministre de l'énergie durant la phase de restructuration de l'économie en 1981-82.

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Page 88: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 22 : Etat des réserves pétrolières et gazières de l'Algérie

en 1992.

Réserves Désignation en place récupérables restantes prouvées probables possibles initiales développé

es non

dévelop. Total

Huile 106 t 8 240 163 123 2 038 844 25 869 Condensat106 t

861 43 28 606 353 48 401

Gaz 109 m3 4 496 892 565 3 401 2 357 423 2 780 G.P.L. 106 t 432 29 14 222 148 37 185 Tot 106 TEP 14 029 1 127 730 6 267 3 702 533 4 235

Source : Sonatrach, Extrait MIE p13

L'économie nationale rencontrant des difficultés en matière financière malgré le niveau élevé de la production (33,4 millions de tonnes par an en moyenne de 1981 à 1992) et d'exportation pétrolière (27,2 millions de tonnes par an durant la même période), a dû miser sur une production additionnelle, de plus en plus tournée sur le condensat et le G.P.L. qu'elle tente de développer dans le cadre du partenariat avec les sociétés pétrolières étrangères. Dans ce cadre, la SONATRACH a dû signer de 1987 à 1992 quelque 29 contrats de recherche et de prospection avec 18 sociétés étrangères : ces contrats couvrent une superficie de 211 000 km² dont 55 800 km² de prospection.

Nous avons noté plus haut que les contrats ont été signés de

1987 à 1992, car avant cette première date, la recherche, la prospection et le transport terrestre étaient confiés à la SONATRACH qui, la contrainte financière pesant de plus en plus sur l'économie du pays, se voit désormais obligée d'associer les partenaires étrangers dans chacun des domaines évoqués plus haut.

Aussi, les premiers partenaires qui bénéficient de la levée du

monopole sur les hydrocarbures sont-ils aussi les principaux bailleurs de fonds du pays (voir le paragraphe III du présent chapitre).

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Page 89: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 23 : Etendue des périmètres pétroliers concédés aux

sociétés étrangères de 1987 à 1992 (répartition par pays)..

Pays Nbre de sociétés

Nbre de périmètres

Sup. totale des périmètres km² %

Etats-Unis 06 11 86 502 40,5 Japon 01 01 33 752 16,0 Italie 01 03 23 365 11,0 France 02 05 19 850 9,4 Canada 02 02 19 782 9.3 Algérie-Libye 01 01 8 735 4,1 Australie 01 02 7 540 3,6 Espagne 02 02 6 180 2,9 Finlande 01 01 4 822 2.3 Argentine 01 01 925 0,7 Total 18 29 211 453 100

Source : SONATRACH, Extrait MIE, p20. La priorité accordée au développement du secteur des

hydrocarbures fut envisagée par les décideurs comme une possibilité d'éviter, du moins de différer la mise en application accélérée des réformes. "Le Gouvernement, lit -on dans son programme d'action de 1992 à 1996, réitère sa volonté d'éviter tout rééchelonnement. Il ne s'interdit pas de recourir à de nouvelles opérations de "reprofilage" avec certains de ses partenaires si les conditions peuvent en être convenables pour les différentes parties"59

23 - Le ralentissement de l'application des réformes ou l'attente

d'une conjoncture favorable. Cette pause permet aux responsables de faire d'une part le

bilan des réformes antérieures et d'autre part de "réhabiliter" le secteur public en définissant une nomenclature des secteurs et entreprises stratégiques.

Aussi la décision de ralentir l'application des réformes fût-

elle accompagnée par des changements en matière de commerce extérieur où de nouveaux contrôles administratifs sont introduits et le Comité interministériel ad hoc60 institué. Ce dernier a pour mission l'arbitrage en matière de commerce extérieur et de crédit. 59 - Document de la Banque d'Algérie : "Algérie : Mémorandum d'Information Economique, 81 pages, avril 1993. 60- Depuis son indépendance nationale, l'Algérie a vécu sous un régime de réglementation des changes qui a connu plusieurs étapes.

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Page 90: Réformes économiques et agriculture en Algérie

24 - La lutte contre l'inflation : La quatrième mesure importante envisagée dans le cadre du

redressement de l'économie nationale est la lutte contre l'inflation. La lutte contre l'inflation est synonyme ici de contrôle de la masse monétaire qui doit se faire au moyen de:

- la stabilisation du taux de change extérieur (à la place du

taux de change flottant adopté antérieurement) - la fixation de la limite supérieure du taux d'intérêt qui ne

doit pas dépasser les 20 %, - l'augmentation contrôlée des salaires dans les

administrations et les entreprises publiques, - l'augmentation de la productivité nationale pour stimuler

l'épargne des ménages, et enfin au moyen - de l'augmentation des taxes (impôt sur le patrimoine, IRG,

etc...). La politique de ralentissement de l'application des réformes

quoique n'ayant pas eu d'effets positifs immédiats sur l'économie ou plutôt n'ayant pas échappé à la logique de la régression économique

-La première (1962-1990) se caractérise par un système de licences d'importation ou d'exportation, qui distinguait, pour les importations : les produits libres, les produits contingentés et les produits prohibés. Les autorisations étaient délivrées par le Ministère du Commerce. - La seconde a duré prés de vingt ans (1970-1988) et se caractérise par l'instauration, en 1970,du programme général d'importation et des Autorisations Globales d'Importation (AGI). L'obtention de l'AGi dépendait de l'accord de l'entreprise de tutelle ou de celui du Ministère du Plan : les importations du secteur privé étant toujours soumises au régime des licences. - La troisième phase démarre en 1988 avec l'adoption des budgets devises et des plans de financement : l'allocation de devises se faisant sur la base d'un programme général du commerce extérieur et les autorisations d'importation au profit du secteur privé relevaient désormais de la Chambre de Commerce. - La quatrième phase, demarrant en 1990, abolit en matière de réglementation, la distinction entre secteur public et secteur privé. Cependant, le programme de travail du gouvernement de 1992 (B. Abdeslam) a intoduit un système de taux de change multiples, système devant privilégier l'allocation de devises en faveur des catégories d'importation jugées prioritaires et ce, dans l'objectif de modifier progressivement la structure de l'endettement du pays et de contribuer à l'amélioration des équilibres financiers extérieurs.

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Page 91: Réformes économiques et agriculture en Algérie

déclenchée en 1986, a, quand même, contribué, comme nous le verrons plus loin, à la définition dans une situation de confusion générale du rôle et de la place du secteur public dans l'économie nationale.

En effet c'est grâce en partie au frein mis aux réformes donc

à l'idée d'une privatisation sans limite du secteur public qu'une méthodologie et un consensus entre les opérateurs nationaux et les bailleurs de fonds étrangers semblent être trouvés et approuvés durant la période ultime du programme d'ajustement structurel.

Ainsi, quoique fortement critiquée à cette époque, la politique

d'interruption momentanée des réformes a permis de donner un nouveau tournant à ces mêmes réformes qui, au début de l'année 1994, vont subir une accélération dans le cadre du troisième accord stand by.

III- L'accord Stand by et la reprise des réformes (1994-1995):

Comme pour les deux accords "Stand by61 " précédents (30-

5-89 et 3-6-91), l'accord stand by du 14/4/94, avait pour objectif "de procurer des ressources financières à l'Algérie et de remédier à la position, inconfortable, du pays sur le marché international des capitaux " 62. Il est considéré comme "le rééchelonnement de la dernière chance" 63.

Les accords " Stand by" sont, pour les caractériser, un appui

du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes structurelles et au programme de la stabilisation de l'économie algérienne. D'une façon générale, ces accords consistent dans l'apport de "capitaux de sauvetage", de liquidités, au profit des économies en situation d'extrêmes difficultés de financement et de rupture de paiement international. C'est, pour les caractériser encore, une opération de sauvetage financier international parrainée par la Banque Mondiale et le FMI qui tentent de regrouper quelques fonds mais aussi les bailleurs de fonds eux-mêmes qui doivent décider d'un plan de financement à

61- Le groupe de mots stand by voudrait dire "attendre", "observer" 62- H. BENISSAD: Restructurations et réformes, op cité, p 140. 63- C'est le titre même de la "Lettre Afrique Expansion", n° 414-415 du 31/7 au 7/8/95.

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Page 92: Réformes économiques et agriculture en Algérie

moyen terme négocié mais aussi des grands axes de la politique économique du pays en faillite.

Dans ce sens, l'objet de ce paragraphe est de tenter de

présenter le contenu des accords de rééchelonnement qui lient l’Algérie aux institutions de Bretton Woods et aux bailleurs de fonds.

31- L'appui du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes (accords stand by de 1989 et de 1992) :

Le programme algérien de stabilisation économique et des

réformes structurelles bénéficie de l'appui financier du FMI et de la Banque Mondiale 64.

En termes financiers, le premier accord Stand by dit " Plan

de Facilités" accordé par le FMI s'est élevé à un montant de 417 millions de DTS (environ 600 millions de dollars). Il fut approuvé en 1989.

Le second accord, d'un montant de 300 millions de DTS, a

démarré en mars 1992 mais approuvé en juin 1991. A cause des mauvaises performances réalisées en 1993, le second accord fût accompagné d'un programme supplémentaire de 75 millions de DTS.

En termes physiques, l'appui de la Banque Mondiale et du FMI aux réformes algériennes consiste d'une part dans le financement des " projets d'investissement" et d'autre part dans l'ajustement des emprunts".

Les emprunts à l'investissement portent essentiellement sur le

développement des "infrastructures économiques", de l'agriculture et des " secteurs sociaux". Dans ce cadre, quelques 26 projets d'investissement d'un montant global de 1,9 milliards de dollars ont été approuvés entre février 1987 et février 1993.

Ces projets sont co-financés par EXIMBANK des Etats-Unis

pour un montant de 200 millions de $ et par la BIE (Banque d'Investissement Européenne) pour un montant de 100 millions de $. 64- Les informations contenues dans ce paragraphe ont été recueillies, en grande partie, dans le dossier 1.2.4 " Situation monétaire et financière de l'Algérie, CFCE ( Centre Français du Commerce Extérieur).

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Page 93: Réformes économiques et agriculture en Algérie

D'un autre côté et en matière de soutien aux réformes,

l'EXIMBANK avait mis à la disposition de l'économie algérienne un prêt de 300 millions de $ dénommé "Prêt pour l'Appui à la Réforme Economique", approuvé en août 1989 et clos en septembre 1992.

Ce prêt fût suivi d'un autre et dénommé " prêt pour la

réforme des Entreprises et du Secteur Financier": son montant est de 350 millions de $. Il a été approuvé en juin 1991 et co-financé à concurrence de 300 millions de $ par l'EXIMBANK.

En somme l'Algérie a pu mobiliser, grâce à l'appui du FMI et

de la Banque Mondiale aux réformes économiques, plus de quatre milliards de dollars de 1989 à 1994, soit 780 millions de $ en moyenne par année.

Tab 24: Montant des crédits accordés à l'Algérie dans le cadre

de l'appui du FMI et de la Banque Mondiale aux réformes (1989 à 1994).

Année 1989 1990 1991 1992 1993 1994 TotalMt 106 $ 619 670 995 795 471 1 159 4 709

Source : BM, Extrait de WBB, 1996, p6.

Ces deux premiers accords stand by devaient déboucher selon les négociations mêmes entre le FMI et la Banque Mondiale d'une part et l'Algérie d'autre part, au rééchelonnement de la dette publique algérienne et ensuite à l'approfondissement des réformes.

Mais comme nous l'avons vu plus haut, les réformes

structurelles ont été momentanément interrompues entre 1992 et 1993 et la reprise des négociations entre les deux entités précitées lient l’Algérie en 1993 pour déboucher en 1994 sur un troisième accord stand by.

D'une durée de douze mois, le dernier accord stand by -signé

le 14/4/1994, couvrant la période allant du mois d'avril 1994 au mois de mars 1995 et impulsé par les mêmes causes que celles des deux précédents, à savoir la situation de quasi-cessation de paiements extérieurs de l'Algérie- soumet l'économie nationale à des règles de gestion rigoureuses qui semblent être une réponse directe à la politique d'interruption des réformes.

En quoi consiste donc l'accord stand by de 1994?

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Page 94: Réformes économiques et agriculture en Algérie

C'est, pour le qualifier, le premier accord de rééchelonnement de la dette publique algérienne.

Il est utile à cet effet de tenter de savoir: - pourquoi le rééchelonnement? - quelles sont les parties concernées par le rééchelonnement? - quels sont les avantages et les conditions du

rééchelonnement? 32- Le rééchelonnement de la dette? En plus du fait que les bailleurs de fonds sont dans leurs

droits de récupérer les capitaux octroyés à l'économie algérienne (ou à toute autre économie), les causes immédiates du rééchelonnement de la dette publique algérienne en 1994, sont au moins au nombre de deux.

321- Nature de la dette: La dette extérieure de l'Algérie, évaluée, comme nous l'avons

souligné dans le chapitre relatif aux causes et explications de la crise et notamment dans le paragraphe portant "le poids de la dette extérieure", entre 26 et 32 milliards de dollars, est essentiellement publique (voir paragraphe 2.2.2 , chap III). Autrement dit ce sont des prêts faits au gouvernement algérien donc garantis par lui. C'est pourquoi on parle alors de rééchelonnement de la dette publique et c'est pourquoi les autorités algériennes ont toujours eu un sentiment d'appréhension vis à vis du rééchelonnement qui tend à dicter une politique économique à ce même gouvernement.

Le rééchelonnement, longtemps évité, est considéré par une

partie de la classe politique, notamment par les iniateurs même de la réforme, comme une atteinte à la souveraineté nationale.

On soulignera à titre de rappel que la dette à long terme de

l'Algérie qui est rigoureusement égale à la dette publique garantie a représenté 94,6% de la dette totale de l'Algérie en 1987 , 93,7% en 1992 et 94 % en 1994.

On notera également que les principaux créanciers publics de

l'Algérie sont la France, les USA et l'Italie.

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Page 95: Réformes économiques et agriculture en Algérie

322- Maturité de la dette : Alors que l'Algérie avait devant elle, 9,3 ans en moyenne

pour le paiement de l'ensemble de ses engagements en 1986, elle n'avait plus que 3,5 ans seulement en 1989 et 70% de l'encours total de la dette arrive à échéance entre 1990 et 1993. En juillet 1991 déjà, les réserves de devises ne représentent plus qu'un mois environ d'importation.

La situation financière extérieure de l'Algérie, jugée

catastrophique, est donc due à la maturité de la dette dont les remboursements (principal et intérêts) dépassent les 8 milliards de dollars annuellement de 1990 à 1994.

Tab 25: Evolution du service de la dette à long terme (en

millions de dollars).

Année Principal Intérêts Total Année Principal Intérêts Total 1987 3 806 1 565 5 371 1995 5 785 1 433 7 218 1988 4 563 1 681 6 244 1996 5 439 1 250 6 689 1989 5 088 1 767 6 855 1997 3 473 1 004 4 477 1990 6 741 1 788 8 259 1998 2 798 831 3 629 1991 7 092 1 803 8 895 1999 2 219 687 2 906 1992 6 951 1 891 8 842 2000 1 934 566 2 500 1993 - - - 2001 1 561 460 2 021 1994 6 701 1 537 8 238 2002 996 380 1 376

Source: Revue Maghreb Sélection de 1987 à 1992, n° 765 du 20/1/94 de 1994 à fin 2002 n° 386 du 31/7/1995

33 -Les négociations avec les bailleurs de fonds : Les créanciers de l'Algérie se subdivisent en deux groupes:

les créanciers privés ou commerciaux regroupés dans le "Club de Londres" et les créanciers publics regroupés dans le "Club de Paris". Compte tenu de la nature de la dette à long terme de l'Algérie, le "club de Paris" est, en termes de pouvoir de négociation, celui qui est à même d'amener un pays donné à changer d'orientation à sa politique économique.

En effet, pour être éligible au "Club de Paris" faudrait-il être

d'une part un pays débiteur présentant l'imminence d'un défaut de paiement et accepter d'autre part l'adoption d'un programme d'ajustement économique sous l'égide du FMI.

95

Page 96: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Le Club de Paris, ayant siégé pour la première fois en 1956 pour l'Argentine, est une "structure mouvante" dont la présidence a toujours été cependant assurée par le Directeur du Trésor français et le Secrétariat par le Services des Affaires internationales du Trésor français depuis plus de vingt ans (1974).

Les participants au Club de Paris sont les créanciers, les

représentants du ministère des Finances ou des Affaires étrangères de chaque gouvernement, des observateurs des agences de crédit à l'exportation ainsi que des observateurs des organisations internationales (FMI, Banque Mondiale, OCDE et CNUCED) et de banques régionales s'il y a lieu. Côté débiteur, la délégation, composée de hauts fonctionnaires tels que le gouverneur de la Banque Centrale, est conduite généralement par le ministre des Finances.

Le "Club de Londres" regroupe quant à lui les banques

créancières du pays débiteur et rééchelonne à ce titre sa dette commerciale bancaire non garantie par les gouvernements des pays créanciers.

Loin d'être isolés, le Club de Paris, le Club de Londres et le

FMI entretiennent d'étroites relations de coopération. Evoquant l'interdépendance qui existe entre ces trois institutions, Ann VOURC' H écrit :" Le lien avec le FMI est direct, dans la mesure où tout accord au Club de Paris est conditionnel à un accord FMI, et que réciproquement le FMI ne négocie un accord avec le débiteur que ci celui-ci est en voie de régulariser sa situation auprès de ses créanciers bilatéraux. Cette conditionnalité s'applique toujours strictement. La signature d'un accord au Club de Paris constitue donc une étape nécessaire à l'établissement de bonnes relations avec la communauté financière internationale...

Il existe également, poursuit Ann VOURC' H, un lien entre le Club de Paris et le Club de Londres. Tout d'abord, les procès verbaux agréés au Club de Paris incluent une clause de compatibilité de traitement avec les autres créanciers, qui stipule que le pays débiteur doit négocier avec le Club de Londres, entre autres, un traitement en rapport avec celui qu'il a obtenu au Club de Paris...En fait le lien avec le Club de Londres transite principalement par le FMI. Les banques exigent en général du pays débiteur qui leur demande un rééchelonnement qu'il soit en bonne relation avec le FMI, et qu'en particulier il ait négocié un accord avec lui"65 .

65- Ann VOURC'H, op citée, p29.

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Page 97: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Ainsi, il ressort clairement de cette longue citation que le

rééchelonnement ne peut être assimilé, comme tendent à le faire croire les autorités algériennes, à une simple opération de reprofilage de la dette auprès des créanciers pris individuellement mais comme un constat de faillite financière que font les bailleurs de fonds publics et privés à un moment donné en rapport à un pays débiteur donné qui perd nécessairement son autonomie et qui se soumet à des changements de politique économique "négociés" avec le FMI et la Banque Mondiale.

331 - Le Club de Paris : (31/5 et 1/6/94) Le Club de Paris ne rééchelonne jamais, contrairement à la

croyance dominante, le stock de la dette. Il diffère simplement les échéances à venir sur cette dette, pendant une certaine période appelée période de consolidation qui dure généralement 12 à 18 mois, ce qui correspond à la maturité des prêts FMI. De même, le rééchelonnement ne concerne que les crédits octroyés avant la date de sa tenue et qui peuvent être :

- des échéances à venir sur les dettes définies précédemment (période de consolidation),

- des échéances issues de précédents rééchelonnements de ces dettes,

- des arriérés de ces dettes. S'agissant de l'Algérie et des négociations qu'elle a effectuées

au sein du Club de Paris, on doit relever que ses créanciers sont nombreux. Les principaux créanciers publics, seize au total, ayant assisté à ces négociations sont les représentants des gouvernements d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, du Canada, du Danemark, d'Espagne, des Etats-Unis, de Finlande, de France, d'Italie, du Japon, de Norvège, des Pays Bas, du Portugal, de Suède et de Suisse. Les principaux créanciers sont, pour mémoire la France, les Etats-Unis et l'Italie.

L'objet de l'accord a porté sur le rééchelonnement de la dette

publique d'un montant variant, selon les sources, de 7,5 à 7,9 milliards de dollars et couvrant la période allant de mai 1995 au 31/05/1998. Au terme de cet accord, la dette rééchelonnée est payable en 15 ans.

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Page 98: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Dans le même sens l'Algérie avait obtenu en juin 1994, c'est-à-dire deux mois après l'entrée en vigueur du troisième accord Stand by, un réaménagement de sa dette d'un montant de 5 milliards de dollars : les remboursements sont étalés jusqu'en l'an 2009.

La structure de la dette publique algérienne se présentait

comme suit aux trois dates respectives de négociations avec le FMI dont les deux premières n'avaient pas donné lieu, à cause des réticences des autorités algériennes, à des accords de rééchelonnement.

Tab 26 : Structure de la dette publique algérienne en 1989 et

1994.

Désignation 1989 1994 Dette totale 24 629 Dette publique garantie 24 629 Dette gouvernementale 4 730 dont multilatérale 1 610 3 315 bilatérale 3 120 7 537 Dette commerciale 19 899 dont Banques 1 347 5 402 Autres créanciers 18 552 11 849 Dette BIRD 960

Source : BM, extrait de WBB, 1996, p7. Comme il ressort du tableau précédent, l'année 1994 est une

date favorable au rééchelonnement. C'est une date propice pour l'ensemble des créanciers, qu'ils soient publics ou privés. L'évolution de la structure de cette dette, la maturité des crédits ne donne plus le choix d'une fuite en avant aux autorités algériennes. L'analyse de ce tableau montre en effet que :

- la dette octroyée à l'Etat prend de l'ampleur dans le temps :

elle a plus que doublé entre 1989 et 1994 et représente 40 % environ de la dette publique garantie en 1994 contre 20 % seulement en 1989 (l'étau se resserre sur les autorités publiques);

- la dette publique bilatérale (de gouvernement à

gouvernement) demeure aussi importante en 1994 (69 % de la dette gouvernementale) qu'en 1989 (67 %) : autrement dit, des pressions, voire des ingérences extérieures deviennent tout à fait possibles et même inévitables, et enfin,

- les banques commerciales sont en position plus confortable

puisque leur part dans la dette commerciale s'élève à 31 % en 1994 contre 7 % en 1989. Ceci peut plaider en faveur d'une libéralisation

98

Page 99: Réformes économiques et agriculture en Algérie

commerciale de plus en plus importante et le refus des autorités ne peut conduire qu'à une plus grande paralysie de l'économie, c'est-à-dire à l'accentuation de la récession économique.

Au total, les négociations au sein du Club de Paris ayant

conduit, après l'acception par les autorités algériennes à mettre en place un programme d'ajustement structurel sous l'égide du FMI après la période d'observation d'une année, au rééchelonnement de la dette publique ouvrent la voie aux négociations de rééchelonnement et d'obtention de nouveaux crédits auprès des banques commerciales et autres bailleurs de fonds réunis au sein du Club de Londres.

332- Le Club de Londres (12.5.95) Les négociations du club de Londres ont porté sur le

rééchelonnement de la dette privée ou "dette commerciale" parvenue à maturité et estimée à 4,7 milliards de $.

Elle est essentiellement due aux banques commerciales

suivantes: - la Sakura Bank (Japon), l'Arab Banking Corporation, la

Chase Manhattan Bank (USA), la Long Crédit Bank of Japon, l'Union des Banques arabes et françaises (UBAF) et la Japon Leasing Corporation.

S'agissant du contenu des accords intervenus au Club de

Londres, il faut relever que ceux-ci dispensent l'Algérie de payer ses échéances jusqu'en 1998 ou l'an 2000, selon les créances concernées, et étalent ensuite sur 5 à 10 ans les remboursements. Ces accords portent sur :

- la dette ayant déjà fait l'objet de refinancement en 1992-93

soit 1,1 milliard de $, et - le solde de la dette commerciale soit 2,1 milliards de $. De même l'accord de principe couvre les échéances qui

étaient payables entre le 1/3/1994 et le 31/12/1997. Pour la dette qui n'avait pas fait l'objet de refinancement, le pays ne reprendra ses paiements qu'en l'an 2000: ils s'échelonnent sur dix ans, soit jusqu'à 2010.

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Page 100: Réformes économiques et agriculture en Algérie

34- Le rééchelonnement : avantages et conditions. Les négociations de rééchelonnement de la dette publique

algérienne, qui ont eu lieu au sein du Club de Paris les 31 mai et 1 juin 1994 sont considérés comme bénéfiques avant tout à l'Algérie. Elles sont qualifiées dans les milieux financiers spécialisés comme<< un succès algérien>>66.

Lors de ces négociations, l'Algérie avait demandé d'emblée,

d'une part l'annulation de sa dette publique (plus de 6,5 milliards de dollars) envers la CEE 67 de même qu'elle avait formulé le voeu de mettre en place un partenariat algéro-européen destiné à évoluer, tout comme pour le Maroc et la Tunisie, en zone de libre échange 68

D'autre part, elle avait exprimé le désir de bénéficier, lors de

ces négociations, des "Termes de Houston" qui s'appliquent aux pays à revenus intermédiaires de la tranche inférieure lourdement endettés c'est-à-dire ceux dont, à l'occasion du rééchelonnement de leurs dettes, ont un PNB par tête inférieur à 1250 $.

L'Algérie dont le PNB par tête s'élevait, au moment des

négociations, à 1900 dollars, n'a pas bénéficié, contrairement au Maroc par exemple ou à l'Egypte ou encore à la Pologne69, de cet

66- Revue Marchés Tropicaux, n° 1159 du 10/06/1994. 67- Les négociateurs algériens en agissant ainsi cherchaient à déplacer l'objet des débats qu'ils ne voulaient circonscrire au seul domaine financier. Pour eux, l'aspect financier n'est qu'une infime partie des avantages que peut offrir une coopération économique algéro-européenne. Les Européens, quoique partiellement sensibles à cette proposition qui consolide leur projet d'intégration euro-méditerranéenne, ne sont pas les seuls partenaires, c'est-à-dire les seuls créanciers de l'Algérie. Cette proposition pouvait être analysée comme une stratégie de recul et de fuite en avant. 68- Cette proposition de l'Algérie, venant à contre courant de sa politique antérieure de désintéressement total de la ZLE mise en place par la CEE, rend compte d'une certaine façon de la nouvelle volonté politique de ce pays à rompre définitivement avec le système de planification c'est-à-dire avec le développement socialiste. Il s'agit d'un constat d'échec qui a été compris comme tel par les interlocuteurs européens qui semblent attacher peu de crédit à cette proposition : "L'Algérie, faisaient remarquer alors les députés européens, est un animal difficle à prendre" (tiré de Europolitique du 03/10/1995). 69- Au printemps 1991, la Pologne puis l'Egypte ont obtenu un allégement de leur charge actualisée de la dette d'environ 50 %. L'objectif affiché était de leur fournir un

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Page 101: Réformes économiques et agriculture en Algérie

avantage. L'Algérie qui avait, malgré les deux accords Stand by qui la liait depuis 1989 au FMI, accords par lesquels elle avait obtenu des facilités de paiement, pouvait figurer, selon le classement établi alors par le Club de Paris, sur la liste des "mauvais débiteurs"70.

Mais la stratégie développée par l'Algérie lors de ces

négociations lui a permis de tirer, quand même, quelques avantages. 341 - Les avantages du rééchelonnement : Ils sont au nombre de deux au moins, soit : - le report de la date limite et l'étalement des

remboursements dans le temps (cut of date) c'est-à-dire sur une période de 15 ans.

Dans le court et moyen termes, le rééchelonnement a permis

à l'Algérie de réduire progressivement, de 1995 à 2002, le service de sa dette extérieure qui doit passer de 7,218 milliards de $ en 1995 à 3,629 milliards de $ en 1998 et à 1,376 milliards de $ en 2002 (voir plus haut le tableau relatif au remboursement de la dette).

L'allégement des remboursements extérieurs doit permettre

en principe à l'économie nationale de se consolider durant les années à venir et donc de mieux affronter le problème de la dette à l'avenir;

allégement de dette tel qu'ils ne devraient plus avoir à recourir à de nouveaux rééchelonnements auprés du Club de Paris. L'ensemble du stock de leur dette a été consolidé, soient 30 milliards de $ pour la Pologne et 21 milliards de $ pour l'Egypte. Grâce aux avantages accordés à ces deux pays (annulation d'une partie de la dette, réduction du taux d'intérêt, report d'une partie des paiements d'intérêt), l'élément-don représente entre 50 et 55 % du stock de leur dette initiale soit un équivalent-don supérieur à 25,5 milliards de $. 70- Dans le traitement de la question de rééchelonnement, le Club de Paris distingue quatre cas de débiteurs selon qu'ils honorent ou pas leurs engagements vis à vis des créanciers et selon qu'ils sont en situation économique plus ou moins confortable. Ces deux critères, quantifiés par deux ratios (service de la dette versé/service de la dette dû et service de la dette / stock de la dette ) permettent de définir quatre axes en matière de rééchelonnement. Il s'agit pour les énumérer des : -rééchelonnements non systématiques à de "bons débiteurs"(le Togo par exemple), -rééchelonnements systèmatiques à de "bons débiteurs" (le Sénégal), - rééchelonnements non systèmatiques à de "mauvais débiteurs"(Mali, Tanzanie) et enfin, -rééchelonnements systèmatiques à des "mauvais débiteurs"(Zaire, Madagascar,etc...)

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Page 102: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- le second avantage tiré du rééchelonnement de la dette extérieure est le renflouement de l'économie de nouveaux capitaux qui lui permettront des financements à court terme.

En ajoutant, en effet, aux financements procurés par le FMI

(programme annuel Stand by avril 94-mars 95 et facilité de financement compensatoire) d'un montant de 1 milliard de dollars, aux aides promises par l'Union Européenne (politique euro méditerranéenne), la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement et la France soit en tout, un (01) milliard de dollars, le rééchelonnement de la dette permet à l'Algérie de bénéficier d'un apport global de 8 milliards de $.

Même modeste comparativement aux besoins de

financements de l'Algérie durant les trois prochaines années, besoins évalués à plus de 25 milliards de dollars, l'apport global procuré par le rééchelonnement permet de couvrir, si les crédits sont octroyés à temps, 80% environ des besoins d'importation du pays.

Mais comme nous l'avons déjà souligné, le rééchelonnement

de la dette vise, tout en procurant des capitaux à l'économie, la relance de cette dernière. C'est pourquoi, il fut assorti de conditionnalités.

342 - Les conditionnalités du rééchelonnement Les accords de rééchelonnement avec le FMI qui sont

intervenus, comme déjà souligné, après la rupture des réformes entamées en 1988, exigent de l'Algérie de se lancer à nouveau dans une <<une série de réformes qui doivent instaurer peu à peu une économie de marché: dévaluation du dinar, qui a perdu plus de 50% depuis avril, démantèlement du monopole d'Etat sur le commerce extérieur et suppression des subventions aux produits de première nécessité>>71.

Concrètement, les conditionnalités du rééchelonnement, au

nombre de six et portant sur la politique monétaire et des changes ainsi que sur la poursuite de la libéralisation du commerce extérieur et des prix intérieurs, concerne les points suivants:

* En matière de monnaie et de crédit, l'objectif est de parvenir à des taux d'intérêt réels positifs en dehors des prêts destinés à l'acquisition de logements qui, eux, sont bonifiés.

71- Revue Marchés Tropicaux, n° 1159 du 10/06/1994.

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Page 103: Réformes économiques et agriculture en Algérie

* En matière de libéralisation du commerce extérieur, il est prévu de revenir aux décisions prises auparavant par l' "équipe des réformateurs" soit l'instauration du marché interbancaire, la convertibilité du dinar qui doit être progressivement introduite pour les transactions courantes.

* En matière de libéralisation des prix, les prix administrés

devraient se rapprocher des prix du marché et les subventions aux produits énergétiques et alimentaires seront totalement supprimées.

* En matière fiscale, il s'agira d'étendre le champ de la TVA

et de réduire les exonérations, de revoir les tarifs douaniers et de mettre un système d'identification par numéro. Du côté des dépenses budgétaires, la réforme de la fonction publique devrait se traduire par l'élimination progressive des sureffectifs, de façon à réduire la masse salariale et de dégager des financements pour l'investissement public.

* En matière de réforme du système bancaire et financier, le

développement du marché monétaire sera poursuivi et la création d'un véritable marché de capitaux lancée : des banques privées seront mises en place.

* Enfin en matière de réforme des entreprises publiques et d'aide au développement du secteur privé, la liquidation des EPL déficitaires sera achevée et les autres EPE seront assainies en vue de leur passage à l'autonomie et / ou à l'ouverture de leur capital.

En définitive, le rééchelonnement de la dette et la poursuite

des réformes qui font désormais l'objet de six revues semestrielles ( ce qui veut dire que le soutien du FMI peut, en fait, être suspendu à tout moment), vont se traduire, selon les prévisions de la Banque Mondiale et du FMI, par une croissance réelle de l'économie entre 1995-96 et 1997-98.

Tab 27 : Principaux indicateurs des programmes du FMI

Indicateurs 1993 94-95 94-95 Prévisions Réalisé Prévu Réalisé 95-96 96-97 97-98 Croissance réelle ( en % ) -2 5 1,1 5,3 6,7 4,2 Indice des prix ( en % ) 16,1 22,2 35,1 10,3 7,8 5,7 Solde des paiements courants (en % du PIB)

1,6

-6,8

-6,9

-5,7

-2,7

-2,2

Solde du budget global ( en % du PIB )

-8,7 -3,3 -2,8 -1,3 1,1 2,6

Sources : divers n° du Quotidien El Watan,

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Page 104: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Comme il ressort de ce tableau, la résorption de la contrainte

financière (extérieure) qui a été en partie à l'origine de la récession de l'économie algérienne, permettrait dans les années à venir une reprise de la croissance économique. Celle-ci s'élèverait à 5,3% en 1995-96, à 6,7% en 1996-97 et à 4,2% en 1997-98. L'inflation, quant à elle, serait de moins en moins importante puisque l'indice général des prix n'augmenterait que de 10,3% en 1995-96, de 7,8% en 1996-97 et de 5,7% en 1997-98. Que dire du solde du budget qui deviendrait, lui aussi, positif à compter de 1996-97 (+1,1%) et 2,6% en 1997-98?

Il faut cependant souligner qu'il ne s'agit ici que de

prévisions. En effet, lorsque les prévisions du FMI tablaient sur une croissance réelle de 5% en 1994-95, il n'a été réalisé que 1,1%, de même que l'indice général des prix a augmenté de 35,1% contre les 22,2% prévus...

En définitive doit-on considérer ces écarts comme le résultat

de la difficile reprise de la croissance après l'interruption, durant près de trois ans, des réformes ou doivent-ils ( les écarts ) être tout simplement considérés comme les aléas de l'économie de marché dépendante?

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Page 105: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Conclusion : La présentation des étapes de l'Ajustement structurel en

Algérie nous a permis de constater que celui-ci a connu trois phases. La première, ou phase de pré ajustement, se caractérise par l'enthousiasme qu'avaient les autorités du pays à réformer l'économie, particulièrement publique. Cette phase se caractérise par une production féconde de textes juridiques et réglementaires.

La seconde est celle du désir de renoncement à la réforme mais aussi celle des efforts de redynamisation du secteur public. Les objectifs, étant contradictoires avec ceux définis antérieurement avec les institutions financières internationales, se soldent par une "asphyxie" de l'économie nationale, qui ne trouve plus de capitaux et de financement extérieurs. C'est ainsi qu'intervient la phase ultime des réformes, l'Ajustement structurel n'est plus un choix autonome, mais une contrainte imposée par les puissances financières extérieures.

La troisième phase, celle de l'application effective du PAS et

de l'accélération de la mise en application des réformes, est assortie de conditionnalités. Cela signifie que les bailleurs de fonds peuvent, par le biais du FMI et de la BM, retirer leur soutien financier à l'Algérie, s'il est estimé que celle-ci s'écarte des objectifs d'ajustement qui lui sont recommandés. Aussi pour permettre à ces bailleurs de fonds de prendre connaissance à tout moment de l'évolution globale de l'économie, est-il prévu l'établissement de bilans semestriels qui laissent peu de liberté d'action aux responsables.

C'est ce qui nous amène à présenter dans le chapitre qui suit

le contenu du programme de stabilisation macro-économique et des réformes structurelles de l'économie algérienne.

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Page 106: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre V - Contenu du Programme de Stabilisation Macroéconomique et des réformes structurelles.

Dans le chapitre (IV) précédent, nous avons tenté de retracer, en définissant leur contenu, les principales étapes de l'Ajustement Structurel en Algérie. Celles-ci sont comme nous l'avons montré, au nombre de trois, à savoir:

- la phase d'ajustement "autonome" (1988-1992), étape durant

laquelle furent élaborés les principaux textes juridiques réglementant le passage du système de planification à l'économie de marché,

- la phase d'interruption des réformes et de désir de

"réhabilitation" du secteur public (1993-1994), étape durant laquelle les responsables ont tenté de définir le rôle et la place du secteur public dans l'économie de marché, et enfin

- la phase d'ajustement conditionnel (1994-1998), étape se

caractérisant par un appui conséquent des institutions de Bretton Woods aux réformes de l'économie algérienne.

La présentation du Programme d'Ajustement Structurel sous

son angle chronologique s'attache par définition à l'évolution des événements et idées sur lesquels reposent ce programme.

Dans ce sens, l'objet du présent chapitre est, pour avoir une

idée exhaustive sur le PAS en Algérie, de présenter les principaux instruments de ce dernier. Autrement dit, il s'agira pour nous de présenter de façon synthétique les deux principaux volets de ce programme.

En effet, les actions de réforme et d'ajustement de l'économie

algérienne s'inscrivent depuis 1987-88 dans deux directions distinctes mais complémentaires:

- les mesures de réforme macro-économiques incluses dans le

programme appelé "le programme de stabilisation économique globale", en abrégé le PSEG, et

- les mesures de réforme structurelle portant sur les secteurs de l'économie. De ce point de vue, les réformes structurelles sont au nombre de cinq, à savoir:

106

Page 107: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- la réforme des entreprises ou encore du secteur industriel, - la réforme du secteur agricole, - la réforme du secteur financier et bancaire, la réforme du secteur commercial considéré dans ses deux

branches, le commerce intérieur et le commerce extérieur, et enfin - la réforme du secteur social (marché du travail, assurances et

sécurité sociale, etc.) Compte tenu de l'ampleur et de l'importance de ces réformes

qui nécessitent certainement pour leur conceptualisation plusieurs efforts de recherche et compte tenu également de la faible quantité de travaux spécialisés produits sur ce sujet, notre recherche se trouve nécessairement altérée.

En effet, l'évolution contradictoire des idées et décisions

relatives à la réforme de l'économie d'une part, la mise en application récente du PAS et donc l'absence de bilans indicatifs, rendent nécessairement sommaire toute tentative de recherche approfondie.

Aussi pour remédier à cette insuffisance, tenterons-nous de

présenter, de façon plus détaillée dans la seconde partie de ce travail, les résultats, mêmes partiels, de la réforme du secteur agricole.

Pour l'instant, nous tenterons de présenter le programme de la

réforme économique.

I- Contenu du Programme de Stabilisation Economique Globale :

Le programme de la réforme macro-économique (PRME) ou

encore le programme de stabilisation économique globale (PSEG) poursuit deux objectifs fondamentaux complémentaires.

Le premier est d'ordre institutionnel et "consiste dans le

passage du système de planification centralisé à l'économie de marché" 72. En conformité avec l'idéologie dominante, idéologie confortée depuis l'éclatement du bloc de l'Est, l'Algérie se met à jour, elle aussi, et change d'option politique et idéologique : le capitalisme, communément appelé l'économie de marché, devient le mode

72- Banque Mondiale, Rapport sur l'Algérie, 1994.

107

Page 108: Réformes économiques et agriculture en Algérie

d'organisation officielle, économique et sociale de ce pays 73 et c'est à cette condition que les institutions de Bretton Woods appuient les réformes de l'économie algérienne.

Le second objectif est d'ordre économique. Globalement, il

consiste comme il ressort des négociations avec les Clubs de Paris et de Londres, dans la mobilisation, à moyen et long terme, de ressources au profit de l'économie en général et des secteurs productifs en particulier et à des conditions de prix compétitifs pour permettre à l'économie nationale de s'insérer dans le marché mondial et d'en tirer avantage 74.

Dans ce cadre, le programme de stabilisation macro-

économique mis en place par l'Algérie et appuyé, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, par la Banque Mondiale et le FMI, comprend plusieurs séries de mesures se distinguant, les unes des autres, par leur terme ou durée.

11: Les objectifs de long terme : Ils comprennent trois séries de mesures. Ce sont: 111 - la correction des prix

73- A vrai dire, le régime algérien, régime populiste, n'a jamais été de nature socialiste comme cela fut le cas dans les pays de l'Est: l'existence d'un secteur privé important depuis la promulgation, en 1966-67, du code des investissements, la présence du culte, de la culture et de l'idéologie musulmanes, voire islamistes dans la société et dans les sphères du pouvoir sont la preuve incontestée de la volonté politique du pouvoir à ne pas abolir la propiété privée, qui est l'anti-thèse de la pensée socialiste. Dans ce cadre, le pouvoir s'est toujours affirmé d'un "socialisme spécifique". Quant au mode d'organisation économique, bien des confusions ont été faites entre les concepts d'économie étatique et d'économie socialiste. Mais cette confusion théorique a été levée à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts, par plusieurs universitaires dont notamment: - Tahar BENHOURIA: l'économie de l'Algérie, Ed F. MASPERO, Paris, 1980. - JACQUEMOT et RAFFINOT: le capitalisme d'Etat algérien, Ed F. MASPERO, Paris, 1977. 74- C'est le fondement même des nouvelles théories du commerce international desquelles s'inspirent les doctrines de la BM et du FMI

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Page 109: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La correction des prix porte sur la réduction des écarts entre les prix administrés et les prix de marché. Dans le même sens, le PSEG de long terme prévoit la suppression totale des subventions accordées à l'alimentation et aux intrants agricoles et industriels.

112 - l'élimination progressive du secteur public économique, Elle porte dans un premier temps sur la suppression du

financement à fonds perdus des entreprises publiques par le Trésor : les ressources financières qui en seront dégagées se verront allouées à la production et à l'investissement privé.

113 - l’attraction du capital étranger. Les instruments juridiques élaborés à cet effet ainsi que les

changements institutionnels imposés à la gestion globale de l'économie (suppression du monopole étatique sur le commerce extérieur, exonération des importations) devraient se traduire par l'attrait des capitaux étrangers et particulièrement l'investissement direct. Mais on doit faire remarquer dans ce sens que l'investissement direct étranger en Algérie a enregistré durant les dix dernières années des taux de croissance négatifs.

L'économie algérienne, contrairement aux pays qui ont

bénéficié d'une relative stabilité politique et sociale, a enregistré un manque à gagner important en matière d'investissement direct étranger durant les quinze dernières années.

En effet, ce dernier se serait élevé à moins de 39 millions de

dollars (désinvestissement) entre 1984 et 1992 .Inversement, durant la même période, l'investissement étranger direct aurait été de 1264 millions de $ au Maroc, de 1079 millions de $ en Tunisie et de 3722 millions de $ en Turquie.

Tab 28 : Investissements directs étrangers dans les pays du

Maghreb et en Turquie (1984 à 1992) ( en millions de dollars)

Désignation 1984-88 1989 1990 1991 1992 1984-1992 Algérie 0 4 -4 -39 n. d -39 Tunisie 424 74 75 121 385 1079 Maroc 212 167 165 320 400 1264 Turquie 797 663 700 783 779 3722 Total 1433 908 899 1185 1564 6026

Source : Commissariat Général au Plan, Doc Française, 1993.

109

Page 110: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Le phénomène du désinvestissement extérieur n'a pas cependant touché que l'Algérie. En effet, des pays comme l'Afghanistan, l'Iran ou le Soudan ont connu la même tendance.

Mais dans le cas algérien et pour parer aux méfaits du manque

de moyens de paiement, il est fait recours à l'exploitation accrue des hydrocarbures. Dans ce sens, la loi 91-21 relative à la prospection et à l'exploitation des hydrocarbures cherche à attirer, et à des conditions fort avantageuses les sociétés pétrolières étrangères.

Après un temps d'attente, les sociétés pétrolières étrangères ont

finalement commencé à investir en Algérie et le nombre de contrats signés entre 1991 et mai 1995 s'élève à 18 soit respectivement un (01) en 1991, huit (08) en 1992, trois (03) en 1993, cinq (05) en 1994 et un autre (01) au mois de mai 1995 (voir chapitre IV pour la phase allant de 1987 à 1992 et durant laquelle il a été signé une trentaine de contrats).

Même les sociétés françaises, ELF et TOTAL, dont les intérêts

ont été nationalisées le 24 Février 1971, sont de la partie. Au début de l'année 1996 (janvier), ELF-AQUITAINE passe un contrat de recherche et de production de 900 millions de $ avec la SONATRACH.

Ainsi, on peut souligner que l'un des objectifs de long terme

fixés au PSEG commence à être réalisé et c'est probablement cette relative réussite qui a aidé le plus à la négociation du rééchelonnement de la dette au mois de mai 1995.

<< Les récentes découvertes pétrolières, lit-on dans un document

du CFCE, effectuées en Algérie en 1994 et 1995 ont un impact considérable sur l'avenir économique de l'Algérie et surtout sur la vision qu' en ont les principaux décideurs, que ce soit au niveau du FMI ou de la BM, des gouvernements occidentaux ou des compagnies pétrolières internationales >>75 .

12- Les objectifs de court et moyen terme : Les objectifs de court et moyen terme consistent, comme il

ressort des négociations du rééchelonnement de la dette algérienne avec le FMI et dont les principales mesures ont été exposées dans le

75- CFCE: Dossier 1.2.6 Situation financière, Algérie, septembre 1995.

110

Page 111: Réformes économiques et agriculture en Algérie

chapitre précédent, en la gestion de la relance de la croissance économique et du contrôle de l'inflation.

Concrètement les Facilités de Financement Compensatoires

(FFC) et les Facilités de Financement Elargies FFE) accordées à ce pays, respectivement dans le programme Stand by (1994-1995) et dans le cadre de l'Ajustement Structurel Conditionné (1995-1998), devraient permettre:

121- La gestion efficace du service de la dette : Celui-ci devrait évoluer, comme nous l'avons déjà souligné, en

diminuant progressivement c'est-à-dire en passant de 7,2 milliards de $ en 1995 à 1,4 milliards de $ en 2002 (voir chapitre précédent).

122 - La limitation de la récession et la diminution de l'inflation Le taux de croissance économique qui fût négatif en 1993 (-

1,9%) s'élèverait à 5,3% en 1995-96, à 6,2% en 1996-97 et à 4,2% en 1997-98. Le taux d'inflation passerait, quant à lui et selon les prévisions du FMI, de 35,1% en 1994-95 à 5,7% en 1997-98.

La maîtrise du taux de l'inflation est cependant conditionnée

par la croissance de la masse monétaire. En effet celle-ci devrait croître de 15% en 1994 et de 13% en 1995 contre les 21% enregistrés en 1993 et les 35,1% en 1991. La maîtrise du taux d'inflation, quoique possible, est certainement difficile dans une économie où la masse monétaire a connu un taux de croissance globale de 152 % environ en moins de dix ans (1987-1995).

Tab 29: Evolution de la masse monétaire (1987-1990).

Désignation 1987 1989 1991 1992

Circulation fiduciaire 96 865 119 870 157 200 185 000 Dépôts à vue 103 801 101 893 133 112 156 200 Dépôts auprés du Trésor 993 1 295 2 210 4 000 Dépôts auprés des CCP 22 247 26 965 33 409 38 400 Total monnaie 223 906 250 013 325 931 383 600 Quasi-monnaie 33 990 58 134 90 277 141 000 Total masse monétaire 257 896 308 147 416 208 524 600 Tx de crois.masse monét.

- 19,5 35,1 26.0

Source : Banque d'Algérie, Extrait MIE, p 64.

La maîtrise du taux de l'inflation signifierait également le rapprochement à la fin de l'année 1995 des prix administrés des prix

111

Page 112: Réformes économiques et agriculture en Algérie

réels. A ce dernier effet, il faut souligner que l'indice général des prix à la production du secteur industriel est passé de la valeur 100 en 1988 à la valeur 873,5 durant le troisième trimestre de l'année 1992 soit une augmentation de près de 800% en l'espace de quatre années seulement.

Tab30 : Evolution de l'Indice des prix à la production du secteur

industriel (1988=100)

Désignation Nbre de groupes de

produits

1989 1991 2e trim

1992 2e trim

1992 3e trim

Index général 51 110,7 207,9 856,2 873,5 Mines et carrières 06 120,1 190,7 315,0 319,6 Indust mécanique et électrique 13 114,5 293,2 371,2 375,9 Matér de construct et verrerie 05 106,8 277,1 372,7 381,4 Chimie et plastiques 08 122,9 263,5 344,6 345,1 Agro-industrie 10 110,6 159,8 205,3 324,7 Textiles 02 111 223,4 227,8 224,6 Peaux et cuirs 02 127,7 247,3 465,4 469,4 Bois et papier 04 105,9 227,5 305,5 332,2 Autres industries 01 145,8 368,8 220,3 221,9

Sources : ONS - BM, Extrait pp 26-27. 123- La réduction du déficit budgétaire : L'augmentation des revenus budgétaires sera impulsée

principalement par: - l'augmentation des revenus tirés de la taxe pétrolière : les

exportations algériennes de gaz devraient passer de 60 milliards de m3 actuellement (1995-96) à près de 100 milliards de m3 en l'an 2000;

- les taxes traditionnelles et les taxes d'importation : des efforts

considérables doivent être déployés pour le recouvrement des impôts. Mais il faut également souligner que le programme stand by

négocié avec le FMI prévoit, dans l'objectif d'augmentation de la production nationale, une réduction du nombre de produits exemptés de la TVA;

- l'augmentation des taxes découlant de l'augmentation des

produits énergétiques, etc. Dans ce sens, le montant total des revenus budgétaires devrait représenter 32% du PIB en 1995 contre 36% en

112

Page 113: Réformes économiques et agriculture en Algérie

1993. Les dépenses budgétaires devraient, quant à elles, ne représenter que 29% du PIB en 1995 contre 36% en 1993.

La diminution relative des dépenses budgétaires sera induite

par la diminution des subventions aux produits alimentaires, la limitation des dépenses de sécurité sociale et la réduction des dépenses de capital.

Il faut aussi remarquer que les transferts sociaux (assurances

sociales, transferts budgétaires directs, subventions alimentaires et dépenses pour la santé) ont représenté 12,5% des dépenses budgétaires de l'année 1993 contre 8,6% en 1984. Les dépenses de capital ont représenté aux dates respectives 25,7% et 46% du total des dépenses budgétaires.

Tab 31 : Evolution des transferts sociaux et des dépenses de

capital (1984-1993)

( en milliards de DA) Désignation 1984 1986 1988 1990 1992 1993 Assurances sociales Transferts directs Santé préventive Subventions alimentaires

10,7 7,0 2,4 3,0

15,7 8,2 3,0 2,2

21,6 8,2 3,8 1,6

26,8 9,0 4,8 18,6

49,5 36,5 10,6 26,6

57,5 44,7 11,0 23,2

Total transferts sociaux 23,1 29,1 35,2 59,2 123,2 136,4 en % des dép budgétaires 8,6 9,6 10,1 11,0 12,7 12,5 Dépenses de capital 44,6 41,6 43,4 47,7 73,0 102 En % des dép budgétaires 46 39,5 36,3 34,9 21,9 25,7

Sources : CNP- BM Extrait pp 107-109.

En termes relatifs, les dépenses de capital ont été réduites de

moitié entre 1984 et 1993. Inversement, les dépenses à caractère social ont augmenté durant la même période de moitié (en % des dépenses budgétaires totales).

Mais on doit ajouter que depuis 1993, bien des subventions aux

produits alimentaires ont été supprimées et au début de l'année 1996, seul le lait continue à bénéficier de la subvention.

124 : La correction du taux de change : Le programme de stabilisation macro-économique comporte

également des mesures de correction du taux de change : au mois d'avril 1994, ce dernier est fixé à 36 DA par dollar, ce qui représente

113

Page 114: Réformes économiques et agriculture en Algérie

une dépréciation de 50% du même dinar par rapport au mois de mars de la même année.

L'objectif poursuivi ici est de parvenir à l'égalisation du taux de

change officiel et de celui du marché parallèle : le Franc Français s'échangeait au mois de septembre 1996 à 10 DA environ auprès des banques et à prés de 14 DA sur le marché parallèle.

Enfin, il faut noter que la dévaluation du dinar qui a pour

conséquence immédiate la baisse du revenu réel dont les salaires, a pour autre objectif d'offrir des conditions avantageuses à l'investissement étranger. Dans ce sens, les négociations avec le FMI prévoient une croissance contrôlée des salaires aussi bien dans les administrations que dans les entreprises publiques non autonomes.

Tab 32 : Evolution de la parité du dinar par rapport au dollar

Indications 1964 1970 1980 1986 1988 1993 1994 1996 Dinars pour 1 $

4,93 4,93 3,97 4,82 6,73 24,12 36 ≈50

1988 = 100 73,2 73,2 58,9 71,6 100 358,4 534,9 ≈1037 Sources : 1) Annuaire SFI 1993, cité par A. LENFANT, " demain l'Algérie, p 61 2) BNA

pour les années 94 et 96

125 - Quelques implications théoriques du PSMG : En guise de conclusion au Programme de Stabilisation macro-

économique adopté par les autorités algériennes et soutenu par les institutions de Bretton Woods, il y a lieu de relever un certain nombre de contradictions qui nous semblent hypothéquer la réussite même de ce programme.

En effet, le programme proposé et appliqué réellement depuis

une dizaine d'années déjà (libéralisation de l'économie, difficulté de contrôle du secteur informel), met en action, comme nous l'avons vu, plusieurs variables. Le recours à un modèle multi varié se justifie d'une part par le changement d'orientation du système économique d'ensemble et d'autre part par la nature de la crise (croissance négative et économie pénurique).

Or, si on prend l'évolution de quelques indicateurs économiques

tels que le PIB, les Exportations des biens et Services, les Dépenses

114

Page 115: Réformes économiques et agriculture en Algérie

budgétaires, l'emploi, etc., on constate l'existence de corrélations qui nous paraissent impliquer une évolution contradictoire sur l'économie algérienne dans les années à venir.

Parmi ces relations contradictoires, nous retiendrons

notamment: 1) l'augmentation des dépenses budgétaires durant la phase

1984-1993 qui s'est soldée, entre autres, par l'augmentation de l'emploi total (r = +0,85; r est le coefficient de corrélation linéaire), autrement dit par la réduction du niveau du chômage .

Ceci est un objectif recherché par toutes les économies et par

surcroît par la réforme de l'économie algérienne. Mais comme on peut le constater dans le cas de cette dernière économie, l'augmentation des dépenses publiques s'est également soldée par la baisse du taux d'utilisation des capacités de production des entreprises (r = -0,84).

Il y a donc de ce point de vue un choix à faire : faut-il résorber

le chômage ou rechercher systématiquement l'élévation de la performance des entreprises ? Cette question est d'actualité d'autant que le volume global de l'emploi, qui est passé de 4 058 800 postes en 1985 à 4 739 000 postes de travail en 1991 et le taux d'utilisation des capacités de production qui est passé de 69,5% en 1984 à 56,2% en 1991, ont évolué en sens inverse (r = -0,95).

2) L'accroissement de la dette extérieure de l'Algérie de 1984 à

1993 s'est également soldée par l'accroissement de l'emploi total (r = +0,87) mais également par la baisse du taux d'utilisation des capacités de production (r = -0,82) et par la détérioration des termes de l'échange (r = -0,83).

Mais peut-on alors penser que pour augmenter la performance

des entreprises, il faille ne plus contracter de nouveaux emprunts et même rembourser toute la dette extérieure comme cela fût le cas de la Roumanie? Cela risque d'aggraver l'équilibre social et politique interne déjà précaire.

Mais pourquoi ne pas supprimer seulement le service de la dette

qui a agi négativement, lui aussi, sur l'utilisation des capacités de production (r = -0,91)? Cela relève d'un autre débat que les bailleurs de fonds n'engagent qu'avec quelques pays (les plus pauvres ou les pays alliés du Sud).

115

Page 116: Réformes économiques et agriculture en Algérie

II- Contenu et bilan partiel des réformes économiques: cas du

secteur industriel et des entreprises publiques

L'objectif recherché par les réformes économiques est double. Il s'agit d'une part de mettre en place une économie efficiente et compététive au plan international et d'autre part de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande interne de biens et services.

Alors que la réduction de la demande globale se fait

essentiellement au moyen d'instruments macro-économiques (réduction des dépenses publiques et augmentation des revenus budgétaires, dévaluation du cours de la monnaie nationale, libéralisation du commerce extérieur, augmentation des prix et suppression des subventions à la consommation et à la production, etc...) l'augmentation de l'offre de biens et services est l'oeuvre des entreprises. Aussi et afin de stimuler l'offre a-t-il été procédé à la réorganisation des principaux secteurs de l'économie nationale.

Dans ce sens, nous tenterons de présenter dans ce paragraphe

les grandes lignes ainsi que les premiers résultats des réformes de l'économie algérienne qui seront illustrées par le cas du secteur industriel et des entreprises publiques.

La réforme du secteur industriel et des entreprises publiques

est sous-tendue depuis 1988 par plusieurs textes réglementaires (voir chap 2).

Quels sont les principaux résultats qui en découlent?

21- Promotion et accélération du développement de l'entreprise privée.

Considérée sous cet angle, la réforme qui abroge l'ancien code

de commerce contrôlant et limitant le montant maximal des investissements ainsi que le nombre d'affaires par propriétaire, vise une plus grande participation sinon une mainmise totale du secteur privé sur toute l'économie, du moins dans tous les secteurs classés non stratégiques (voir plus loin).

On rappellera que le secteur industriel algérien regroupe : - un secteur public national comprenant en 1992 et de source

officielle, 82 entreprises de production, 20 entreprises d'études et de

116

Page 117: Réformes économiques et agriculture en Algérie

travaux, 4 entreprises de distribution, 5 instituts de formation supérieure, 2 établissements publics à caractère administratif, l'Office National de la Métrologie Légale (ONML) et l'Office National de la Recherche Géologique et Minière (ONRGM) et un établissement public industriel et commercial, l'institut de la Normalisation Industrielle;

- un secteur public regroupant 750 entreprises locales, et - un secteur privé qui se serait composé de plus de 22 000

entreprises en 1990. Le développement du secteur privé peut se faire, pour revenir à

l'idée qui nous retient ici, soit par la création d'entreprises nouvelles soit par la privatisation, sous différentes formes, des entreprises du secteur public.

En matière de création de nouvelles entreprises (privées) 76, les

statistiques établies par l'O.N.S font ressortir un effectif de plus de 8 000 créées entre 1987 et 1990. Elles ont la caractéristique quasi-immuable d'être des entreprises de petite taille. En 1990, 93% du total des entreprises privées employaient entre 01 et 09 personnes.

Tab 33 : Distribution des entreprises du secteur privé selon leur

taille en 1987 et 1990

Taille de 1987 1990 Accroissementl'entreprise Effectif entrep % Effectif entrep % (unités) 0 -9 11 629 82,6 20 554 93 8 925 10 -19 2 452 17,4 905 4,1 -1 547 20 -49 0 0 485 2,2 485 50 -199 0 0 138 0,6 138 200-499 0 0 11 0 11 500-5000 0 0 1 0 1 Total 14 081 100 22 094 100 8 013

Source : ONS - BM, Extrait p 18.

L'effectif de cette catégorie d'entreprises a augmenté de 77% entre les deux dates. Inversement, les entreprises appartenant à la catégorie [ 10-19] ouvriers ont vu leur effectif diminuer de 63%.

Mais on remarque aussi que la réforme, abolissant le contrôle

du capital privé, a permis désormais la création d'entreprises dont l'effectif des employés excède les 20. Avant la réforme, cette catégorie 76- L'effectif total des entreprises du secteur privé s'élève, selon les déclarations du ministre de la PME en décembre 1995, à 26 000.

117

Page 118: Réformes économiques et agriculture en Algérie

(plus de 20 ouvriers) était réservée, du moins jusqu'à la promulgation de la loi 88-25 relative à l'orientation du secteur privé, aux seules entreprises publiques qui se répartissaient comme suit en 1987 et 1990.

Tab 34 : Distribution des entreprises publiques selon leur taille

en 1987 et 1990

Désignation 1987 1990 Variation 0-9 - - - 10-19 - - - 20-49 765 70 -695 50-199 242 121 -121 200-499 53 50 -3 500-5000 112 109 -3 Total 1 172 350 -822

Source : Données ONS - BM, Extrait p 18.

Ainsi, la réforme du secteur industriel et des entreprises publiques, aussitôt lancée, en 1988, soit une année après le premier accord Stand by avec le FMI se serait soldée, à nous fier aux données contenues dans le tableau précédent, par la dissolution de 822 entreprises dont l'effectif des employés est compris entre 20 et 200. Il s'agit, pour les identifier, des entreprises communales dont les capitaux ont été cédés aux entrepreneurs du secteur privé. Avec la signature du troisième accord Stand by, les négociations portent sur la privatisation des 300 plus importantes entreprises du secteur public. Il s'agit du second objectif de la réforme des entreprises publiques.

22- Privatisation des entreprises publiques La privatisation des entreprises publiques est représentée sous

forme de conditionnalité dans les derniers accords avec le FMI et la B.M. Plusieurs formes de privatisation sont à cet effet proposées, voire retenues.

La première forme consiste en la liquidation juridique des

entreprises ayant déjà bénéficié, auprès du Trésor public, du rééchelonnement de leurs dettes mais n'ayant pas, malgré cet avantage, amélioré leur situation économique et financière. Il s'agit essentiellement des Entreprises Economiques Locales (EPL) ou entreprises de Wilaya dont l'effectif proposé à la liquidation s'élèverait à 88 en 1995.

118

Page 119: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En plus des EPL, les entreprises de sous-traitance, de maintenance et de fabrication de pièces en série seraient également dans une situation proche des premières. Quoique participant à hauteur de 30 % environ à la production industrielle du pays, elles manquent de liquidités pour accéder aux approvisionnements et produire pour le marché : leurs activités partielles sont remplacées par des importations. "Des opérateurs économiques, constate H. BENISSAD, se sont convertis dans le commerce des produits importés, plus rentable que la production locale, inondant ainsi le marché national et menaçant d'extinction la production nationale peu compétitive. Même les entreprises publiques autonomes, poursuit-il, se sont lancé dans l'importation (en utilisant leur quota de devises destiné au fonctionnement) et la commercialisation de produits concurrençant leur propre production de moindre qualité"77. Ce second groupe d'entreprises "peut faire l'objet, relève-t-on dans un dossier du CFCE, d'une liquidation hâtive et d'une reprise par les preneurs algériens"78

La seconde forme de privatisation porte sur le passage

immédiat de certaines entreprises publiques à l'autonomie car étant financièrement saines. Les entreprises visées sont les entreprises strictement commerciales c'est-à-dire les offices d'importation et les sociétés de grande distribution à l'intérieur du pays. La privatisation de ce groupe d'entreprises est d'autant souhaitée que "leur passage au marché constituerait une application concrète du projet de libéralisation du commerce souhaité par le FMI et la BM"79.

La troisième forme de privatisation enfin consiste en

l'ouverture du capital des entreprises publiques aux capitaux privés nationaux et étrangers. C'est une association de capitaux que l'on désigne sous l'appellation de "partenariat" (voir chapitre VI). Les responsables de l'économie, bien que fixant la limite supérieure du capital étranger dans certaines filiales des entreprises "stratégiques" (voir ci-dessous) considèrent que "ces investissements (étrangers) sont bienvenus; ils doivent amener l'un ou l'autre des éléments suivants : argent frais, technologie, capacité de gestion, accès à des marchés d'exportation"

77H- BENISSAD, Etude PNUD, op cité, p12. 78CFCE : Dossier 1.2.4 Algérie, juillet 1995. 79 - Idem que 7 précédent.

119

Page 120: Réformes économiques et agriculture en Algérie

"Ils peuvent être soit directs, soit conjoints sous forme de "joint-ventures avec des entreprises algériennes du secteur privé ou public. Il peut s'agir d'une création nouvelle ou du rachat de participations existantes. L'investissement étranger n'est pas plafonné sauf dans les filiales des entreprises du secteur stratégique où la participation étrangère sera limitée à 49,0 %"80

De ce point de vue donc, l'économie nationale est ouverte aux

capitaux étrangers et le secteur des hydrocarbures compris (loi 91-21). Dans le but d'attirer l'investissement étranger, un nouveau Code des Investissements a été promulgué en 1993 et institue les "zones commerciales franches".

Concrètement, les sociétés mixtes viseraient en particulier les

grands complexes industriels acquis dans les années soixante-dix et qui continuent encore à être sous-utilisés.

Industries classées stratégiques pour l'économie nationale, elles

sont gérées, après la dissolution en décembre 1995 des Fonds de Participation, par des holdings.

Néanmoins, nous devons rappeler que lors des négociations avec le FMI, " les autorités algériennes ont cherché à obtenir qu'il accepte un modèle algérien d'ajustement structurel d'évolution progressive vers l'économie libérale >>81.

Ce "modèle algérien d'ajustement structurel" consisterait selon

le point de vue des autorités algériennes, dans : 1) l'impératif de mise en place d'une loi-cadre de privatisation,

qui se caractérise essentiellement par la spécificité du secteur économique auquel elle s'applique. Elle doit être souple et révisable au fur et à mesure de l'apparition des problèmes de fond. Ceci a conduit les décideurs à mettre en place successivement les fonds de participation et les holdings comme moyen d'une nouvelle organisation du secteur public (voir ci-dessous);

2) Un traitement différencié des entreprises, classées en trois

catégories: 80 - Mémorandum d'Information Economique, p77. 81- Nord-Sud Export: "Algérie: accord triennal: de la théorie à l'irréalisme", CFCE, Dossier 1.2.3 Algérie.

120

Page 121: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- les organismes et entreprises relevant de secteurs considérés comme stratégiques ou d'intérêt national (hydrocarbures, électricité, approvisionnement en eau, transport ferroviaire et aérien, infrastructure de base, PTT) doivent demeurer sous contrôle de l'Etat ou des collectivités locales;

- Les autres entreprises, exerçant leur activité dans les domaines concurrentiels tels que l'agro-alimentaire, les textiles, le BTP, le tourisme et l'hôtellerie, le transport routier de personnes et de marchandises, du commerce et de la distribution, des services notamment dans les domaines portuaires et aéroportuaires, les assurances et enfin les PME et PMI locales;

3) Un régime préférentiel en faveur des salariés qui prévoit de

favoriser l'actionnariat des travailleurs en leur donnant la possibilité de détenir, d'entrée, jusqu'à 30% du capital des entreprises privatisées : 5% seront cédés à titre gracieux au collectif des travailleurs, 5% proposés à des conditions de prix et de crédit avantageuses, 20% pouvant être acquis au prix commun (droit de préemption).

En définitive, on est en droit de se poser la question de savoir si

les pouvoirs publics disposent d'une quelconque puissance pour faire valoir leur point de vu auprès du FMI et si, par ailleurs, les travailleurs du secteur public ont les moyens financiers suffisants pour racheter une part du capital de leurs entreprises respectives.

Ces questions sont d'autant à poser que l'Etat, encore

propriétaire des principales entreprises industrielles et commerciales du pays, affichait au début du mois de février 1996 son incapacité à payer les salaires des 200 000 ouvriers du BTP : imposer un mode d'organisation économique suppose l'existence de capitaux nationaux en mesure de dicter un comportement au capital étranger. Les différents accords financiers négociés avec les institutions financières internationales ne contredisent-ils pas cette volonté de contrôler le capital étranger?

En effet et malgré la mise en place d'un "fonds de solidarité"

alimenté par les retenues effectuées sur les traitements des employés qui continuent à percevoir leurs salaires et servant à venir en aide aux entreprises publiques en difficulté, "la solution imposée par le chef du gouvernement ne sert en fait qu'à éluder la véritable question, celle de la

121

Page 122: Réformes économiques et agriculture en Algérie

liquidation des entreprises non viables. Celles-ci sont nombreuses et improductives82.

23 - La nouvelle organisation du secteur public industriel : privatisation ou redéploiement du secteur public?

Les entreprises du secteur public industriel ont connu au cours

de leur courte existence plusieurs formes d'organisation. Entreprise "autogérée", au lendemain de l'accès du pays à son indépendance nationale, elle devient dès le milieu des années soixante entreprise ou "société nationale" pour se muer au milieu des années soixante-dix en entreprise "socialiste" qui sera restructurée en 1981-1982, à cause dit-on, de sa trop grande taille.

Dans le cadre de la réforme lancée en 1987/88, une nouvelle

forme d'organisation de cette entreprise et du secteur industriel public en général est mise en place. L'autonomie des sociétés nationale est désormais envisagée. Ces dernières doivent être transformées en EPE et l'Etat n'exerce plus, selon la loi du 12/01/1988, ses droits de propriétaire que par le biais des fonds de participation (FP).

Les fonds de participation sont constitués sous forme de sociétés

par actions qui ne peuvent détenir la majorité du capital d'une EPE. Ce sont des agents fiduciaires de l'Etat et chaque fonds de participation est administré par un Conseil d'administration dont les membres sont désignés par l'Etat pour un mandat de cinq ans renouvelable. Aussi pour éviter qu'un fonds quelconque impose ses régles de conduite aux deux autres fonds dans la même EPE (le capital d'une EPE est généralement réparti entre trois FP, sauf pour les banques où il est réparti entre quatre FP), a-t-il était prévu l'interdiction à chaque FP de détenir la majorité du capital dans la même EPE quoique pour chaque EPE, il ait été prévu un fonds dominant.

Dans cet esprit, il a été créé huit FPà savoir : - Fonds des industries agro-alimentaires; - Fonds des mines, hydrocarbures et hydraulique; - Fonds des biens d'équipement; - Fonds de construction, - Fonds de chimie, pétrochimie et pharmacie; - Fonds de l'électronique, télécommunications et informatique,

82- Quotidien EL Watan du 07/02/1996.

122

Page 123: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- Fonds des industries diverses (textiles, cuirs, chaussures et ameublement) et enfin,

- Fonds des Services. La mise en fonctionnement de ces FP a permis, en 1988, le

passage à l'autonomie de 350 entreprises. Le regroupement des entreprises du secteur public industriel en

Fonds de participation ayant donné ses limites (voir point suivant), une nouvelle forme d'organisation de ce même secteur a été mise en place au milieu de l'année 1996. Désormais, les Fonds de Participation sont remplacés par des Holdings dont l'effectif s'élève à onze. Ce sont, pour les énumérer : - holding Mines

- holding mécanique, - holding Sidérurgie/Métallurgie, - holding Electrique/Electronique, - holding Industries agro-alimentaires de base, - holding Chimie Pharmacie Engrais, - holding Réalisation et Grands Travaux - holding Bâtiment et Matériaux de construction - holding Services, et enfin - holding Industries manufacturières et diverses. La mise en place des holdings semble répondre, à ne prendre en

considération que les récents résultats des entreprises du secteur public industriel, à plusieurs soucis.

Le premier est de parvenir, à terme, à l'intégration intra

branche, voire à l'intégration intra filière : doit-on rappeler en effet que l'existence d'un important nombre d'entreprises filiales (SNVI et FERROVIAL dans le cas de la mécanique, SIDER,METANOF,ANABIB,PROSIDER dans le cas de la sidérurgie métallurgie, ENIE,ENIEM, ENESIL dans le cas de l'électrique et de l'électronique, ASMIDAL, DIPROCHIM, SAIDAL dans le cas de la chimie et pharmacie, ENIAL, ENAPAL, OAIC, ONCV dans le cas de l'agro-alimentaire, etc.) ne suffit pas à lui seul à résoudre les problèmes qui se posent à la filière. Le cas de chacune des entreprises citées ou de tout autre entreprise de même dimension n'est pas un cas isolé qui nécessiterait un traitement spécifique. D'une façon générale, aucune filiale ou branche n'est entièrement intégrée, d'où la mise en place d'entreprises importantes, les holdings et conglomérats.

123

Page 124: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Les holdings de filière ou de branche regroupent les EPE dont les activités et objectifs sont de développer les potentialités existantes et de mieux organiser les marchés sur lesquels ils interviennent. Les holdings de type conglomérat regroupent, quant à eux, toutes les EPE intervenant dans les secteurs concurrentiels. Holdings de branche ou de filière ou encore holdings de type conglomérat, on peut espérer enfin assister à un redéploiement du secteur public industriel c'est-à-dire à une re-centralisation des décisions et une re-concentration du capital des entreprises publiques, à même de provoquer des synergies entre les entreprises de la même branche. Le redéploiement du secteur public est d'autant nécessaire que le partenariat avec les investisseurs étrangers semble se limiter pour l'instant au seul secteur des hydrocarbures

Le second souci est d'ordre stratégique : l'ouverture illimitée de

l'économie aux capitaux étrangers impose une meilleure organisation des entreprises nationales, organisation qui devrait les protéger de la concurrence internationale. En effet la récession enregistrée dans plusieurs branches d'activité n'est pas due au seul manque de matières premières et autres disfonctionnements mais aussi à l'absence de compétitivité (cas de la branche des textiles, par exemple, qui risque de connaître une récession de plus en plus importante si des efforts réels de réorganisation ne sont pas déployés). L'économie algérienne, peu performante et ouverte sur l'extérieur, n'attire pas encore les investisseurs étrangers : elle semble être réduite au statut de marché dans lequel des stratégies de partage s'élaborent depuis une dizaine d'années au moins (voir chapitre 6), stratégies se traduisant ici par l'élévation du nombre d'entreprises qui rencontrent des difficultés de financement et qui devraient être mises, selon les termes même de l'accord de rééchelonnement, en faillite.

23- Achèvement du processus d'élimination des subventions

Achever le processus d'élimination des subventions aux

entreprises publiques fait également partie des conditionnalités des accords avec le FMI et la Banque Mondiale. Les entreprises du secteur public auraient englouti, dans le cadre du plan d'assainissement financier dont elles ont bénéficié et qui, en principe, devait leur permettre de devenir autonomes, plus de 600 milliards de DA entre 1991 et février 1996 83. 83- Chiffre donné par le chef du gouvernement, Mokdad SIFI, le 06/02/1996. Selon une autre information donnée au mois de septembre 1996, les seules entreprises publiques

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Page 125: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Cependant malgré cette somme importante et les rigueurs de

gestion macro-économique imposées par le FMI, les entreprises du secteur public continueront, quand même, à bénéficier des subventions durant les deux années à venir, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la période dite des Facilités de Financement Elargies : le montant global toléré par le FMI est de 200 milliards de DA. Ainsi, les subventions accordées aux entreprises publiques s'élèveraient à fin 97 à quelques 800 milliards de dinars représentant l'équivalent du PIB en 1991 (799,7 milliards de DA) ou encore 3,3 fois la production pétrolière aux prix de 1993.

Tab 35: Situation des entreprises publiques économiques en 1994

Secteurs Besoins

financiers et d'organisation

Restructuration industrielle et financière

Totalement déstructurées

Nbre total

Grds travaux et construction Commerce Services financiers Hôtellerie et tourisme Transport routiers Industrie lourde Textiles et cuirs Chimie et pétrochimie Transformation alimentaire Bois et papier Divers

10

22 05 02 03 06 13 01 07 11 09

10

03 -

05 05 04 07 04 15 04 04

10

25 02 03 -

10 02 08 03 02 02

12 18{30}

25 07 10 08 20* 22 13 25 17 15

Total évalué 89 61 42 192 Source : CFCE, Dossier 126.

* ce chiffre ne tient pas compte des entreprises industrielles les

plus importantes et qui sont encore rattachées aux ministères de tutelle : leur nombre s'élève à 23.

Mais en attendant que les autorités prennent une décision

définitive sur le sort des entreprises du secteur public, il faut rappeler que 65% de ces dernières étaient considérées à la fin de 1994 comme totalement "déstructurées" donc en quête de subventions, malgré leur assainissement financier antérieur.

du BTP, au nombre de 66, auraient bénéficié à la même date d'une subvention s'élevant à 67,1 milliards de DA dont 49 en 1995 et 17,4 durant les neuf premiers mois de l'année 1996. Ensemblent ces 66 entreprises emploient 127 000 travailleurs.

125

Page 126: Réformes économiques et agriculture en Algérie

S'agissant donc de ces 23 entreprises encore rattachées à leurs ministères de tutelle, plan mis en place durant la phase d'interruption des réformes en 1992-93, leur passage à l'autonomie se fera en deux phases.

Dans un premier temps, il est prévu que ces entreprises

réduisent leur déficit, mettent en place une stratégie de reprise de l'activité et passent enfin à l'autonomie. Durant la seconde phase, elles doivent s'atteler à la réalisation effective de leur stratégie de reprise de l'activité. Mais comme on a pu le mentionner plus haut, la nouvelle nomenclature des entreprises proposée par les autorités algériennes risque, quelque peu, de retarder le passage à l'autonomie de ces premières classées stratégiques et d'intérêt national.

24- Promotion de la compétition entre les entreprises

Promouvoir la compétition et la concurrence entre les

entreprises signifie dans le contexte algérien au moins trois réformes. La première consiste, ainsi qu'il ressort des propositions

explicites et implicites de l'étude PNUD présentée plus haut, de permettre au secteur privé de bénéficier de l'ensemble des avantages accordés aux entreprises du secteur public (accès au crédit interne et extérieur, abolition des barrières à l'entrée, etc.). Dit autrement, le secteur privé ne doit plus faire, selon la nouvelle vision des choses, l'objet d'une quelconque ségrégation.

Ce principe semble être désormais admis mais continue cependant à soulever quelques interrogations. La première est relative à la nature du secteur privé lui-même. Dans une économie comme celle de l'Algérie, rongée par l'inflation et le chômage, la priorité est-elle à la relance de l'activité productive ou au développement du secteur commercial qui est de plus en plus dominé par le secteur informel?

Peut-on effectivement espérer que le secteur informel 84, comme

semblent le croire les décideurs et les experts de la Banque Mondiale, soit porteur de progrès?

Mais en admettant que le secteur privé doit effectivement bénéficier de tous les atouts pour participer au développement national, celui-ci ne doit-il pas être soumis, au même titre que le secteur public, aux mêmes obligations? 85 84- Se conférer à M. HENNI: Essai sur le secteur informel en Algérie.

126

Page 127: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La seconde réforme à entreprendre dans le domaine de la

compétition est probablement l'institution de la concurrence entre les entreprises publiques et celles du secteur privé. Ces dernières sont, comme nous l'avons souligné dans le chapitre II, plus performantes que les premières. A structures identiques, les entreprises publiques (EPL) sont génératrices, lorsqu'elles réalisent des investissements, de pertes alors que le contraire se produit dans le secteur privé. Les raisons de cette situation trouvent leur explication dans la structure du coût lui-même.

En effet, l'analyse des trois principaux postes de coût (matières

premières, amortissements et salaires) réalisés, en 1984 et en 1989, dans l'ensemble des branches du secteur industriel, par le secteur public et le secteur privé montre que :

- les salaires versés par le secteur public sont, comparativement

à ceux du secteur privé, relativement élevés en 1984 et 1989; - les salaires versés par le secteur public sont en relative hausse

en 1989 par rapport à 1984 alors qu'ils ont réalisé une baisse notable dans le secteur privé en passant de 17% du coût total en 1984 à 13% en 1989.

Tab 36 : Structure du coût total réalisé en 1984 et 1989 par le secteur public et le secteur privé dans l'ensemble des branches

industrielles .

Désignation Secteur public Secteur privé 1984 1989 1984 1989 Matières premières 59 61 79 83 Amortissements 13 10 04 04 Salaires 28 29 17 13 Total

100

100

100

100

Source : calculé sur la base des données de l'ONS-BM Extrait pp 37-38.

85- La fraude et l'exemption fiscales seraient devenues une règle de conduite dans le secteur privé. Le montant de la fraude fiscale s'élèverait, selon diverses sources, entre 40 et 400 milliards de DA et seules les entreprises du secteur public continueraient à s'acquitter des sommes dues. Aussi pour mettre fin, du moins pour réduire ce phénomène, les responsables du ministère des finances ont-ils décidé de percevoir le montant des impôts à la source même. Le paiement des factures est désormais soumis à l'inscription obligatoire du n° fiscal sur chaque facture. Cela résoud-il le problème ou crée-t-il un nouveau fossé entre le secteur privé et l'administration?

127

Page 128: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Ainsi en 1989, les salaires versés par le secteur public représentent, en valeur relative du coût total, plus du double de ceux du secteur privé 86.

Conclusion : En guise de conclusion, doit-on considérer que l'objectif visé

par la concurrence et la compétition entre les entreprises publiques et les entreprises privées consiste dans l'alignement, en matière de politique salariale, des premières entreprises citées sur les secondes?

Dit autrement, les réformes ont-elles pour objectif d'améliorer

le niveau de vie des producteurs directs ou sont-elles un alibi à la dissolution du secteur public et à une paupérisation croissante des producteurs directs?

La troisième réforme enfin en matière de compétition et de

concurrence entre les entreprises réside, après la promulgation de la loi relative à la libéralisation du commerce extérieur, dans l'ouverture de l'économie nationale aux capitaux étrangers. La mise sous ajustement structurel de l'économie algérienne permet de placer cette dernière dans une optique de recherche permanente de la rationalité financière, malgré l'aggravation des déséquilibres macro-économiques. Aussi pour faire face à cette situation est-il proposé de libéraliser l'activité économique d'ensemble, voire d'initier la privatisation du secteur public économique afin de créer les conditions favorables à l'investissement extérieur.

Mais l'attentisme observé actuellement en matière

d'investissement direct des entreprises étrangères en Algérie est-il lié à la seule question sécuritaire ou obéit-il à la stratégie de conquête de nouveaux espaces géographiques du capitalisme? L'ouverture faite par le capital occidental en direction des anciennes économies socialistes de l'Europe de l'Est (PECO) ne présage-t-elle pas d'une division et d'une hiérarchisation du nouveau système économique mondial? L'Algérie aurait-elle alors la force nécessaire pour faire face à la place qui lui serait assignée dans ce nouveau système ou se contentera-t-elle de continuer à bénéficier, comme par le passé, des seuls avantages 86- La différence de salaire entre secteur public et secteur privé est très importante. En 1992, le salaire moyen dans le secteur industriel public s'élevaità 7460 DA mensuellement contre 4 000 DA seulement dans le secteur privé.

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Page 129: Réformes économiques et agriculture en Algérie

naturels? Le partenariat est dès lors envisagé, non pas comme un moyen de solution acquise (rente pétrolière) mais comme le biais par lequel les réformes doivent être approfondies et l'économie rentière laisser place à l'économie productive. De ce point de vue, les efforts de réorganisation du secteur public industriel, c'est-à-dire la stratégie de redéploiement du secteur industriel qui est illustré par la mise en place de holdings, ont-ils la chance de se voir concrétiser? Dit autrement, n'y aurait-il pas une contradiction entre la volonté de relancer l'activité économique en général et l'activité industrielle en particulier et le principe d'une ouverture illimitée de l'économie nationale aux capitaux marchands étrangers?

C'est ce qui nous amène à analyser dans le chapitre (VI) suivant

les obstacles et les difficultés de l'économie algérienne à s'intégrer dans le nouveau système économique dont l'une des lois de fonctionnement est la concurrence et le libre échange.

129

Page 130: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre VI : Le partenariat comme solution à la

contrainte extérieure...

Dans leur programme de sortie de la crise, les responsables de l'économie algérienne accordent un intérêt particulier au rôle que peut jouer l'investissement étranger dans la résolution de la contrainte extérieure, du moins de la contrainte financière. L'idée d'une contribution bénéfique du capital étranger au dénouement de la crise est également partagée par les institutions financières internationales, le FMI et la Banque Mondiale, dont l'une des principales recommandations faites aux pays ayant adopté des programmes d'ajustement structurel est l'ouverture de leurs économies sur l'extérieur.

Cette recommandation d'ouverture sur l'extérieur a

généralement pour corollaire la libéralisation du commerce extérieur, la privatisation du secteur public économique, la dévaluation de la monnaie nationale et la mise en place d'une réglementation appropriée garantissant, lorsque cela est nécessaire, le rapatriement du capital et des profits vers le pays d'origine.

En Algérie, une grande partie de ces conditions a été réalisée

conséquemment à la restructuration des entreprises de 1981-82, de la réforme de l'économie lancée en 1987-88 et des négociations successives de rééchelonnement avec le FMI (1989,1992 et 1994). L'objectif affiché est de parvenir à mettre en place une zone de libre échange qui permettrait une libre circulation des facteurs de production entre l'économie nationale et les marchés extérieurs.

Les indices de la volonté de création d'une ZLE où l'Algérie

serait partie intégrante sont, au moins, au nombre de deux. Le premier est relatif à la demande formulée par ce pays en 1994 et entérinée en juin 1996 par le Conseil Economique de l'Union Européenne. Cette demande a pour objet de créer une zone de libre échange algéro-européen ne similaire à celle qui lie depuis plusieurs années déjà les pays de l'Union Européenne à plusieurs pays du Sud de la Méditerranée (Tunisie, Maroc, Israël). "Comme c'est le cas pour les autres accords euro méditerranéens déjà négociés avec la Tunisie, Israël et le Maroc rapporte Agro-Presse, cet accord d'association prévoit la création d'une zone de libre échange à l'issue de douze ans maximum. Il

130

Page 131: Réformes économiques et agriculture en Algérie

devrait régir toutes les relations commerciales et économiques entre l'Union Européenne et l'Algérie"87.

Le second indice qui témoigne de la volonté des autorités algériennes à insérer l'économie nationale dans une zone de libre échange est leur adhésion au projet européen de création, à l'horizon 2010, d'une ZLE euro méditerranéenne. La présence de l'Algérie à la Conférence de Barcelone les 27 et 28 novembre 1995 et la mission de coordination des pays arabes qui lui a été confiée durant cette session témoignent du désir d'une ouverture illimitée sur l'extérieur.

Bien que l'Algérie soit gravement confrontée à la contrainte

extérieure et au problème de la rareté de capitaux, bien qu'il n'existe point aujourd'hui de développement national et autonome, le choix d'une ouverture illimitée sur l'extérieur apparaît comme un leurre supplémentaire à l'économie nationale déjà fragilisée par la récession.

En effet, dans la mesure où il s'agit de promouvoir le

partenariat avec le capital étranger, en particulier avec les pays de l'Euro Méditerranée qui est un espace économique à construire, la stratégie d'ouverture devrait tenir compte des avantages et inconvénients qui pourraient être tirés de cette union. L'Algérie, pays économiquement sous-développé, dispose-t-elle de moyens qui la préserveraient de la concurrence des pays développés, de la concurrence de ceux là même avec qui elle entend construire une ZLE? L'Algérie n'est-elle pas déjà reléguée au statut de pays consommateur de technique? L'Algérie ne s'engage-t-elle pas dans un processus de reproduction de la dépendance?

L'insertion probable de l'Algérie à l'Euro Méditerranée ne

renforcerait-elle pas le statut actuel de ce pays spécialisé, dans le cadre de la division internationale, dans la production d'une seule source d'énergie, les hydrocarbures? L'insertion de l'Algérie dans l'Euro Méditerranée ne répondrait-elle pas avant tout au souci de l'Europe de s'assurer une sécurité en matière des approvisionnements énergétiques? Quelles sont les capacités dont dispose ce pays pour protéger son économie de la concurrence internationale, quelles sont ses capacités d’empêcher le développement d'autres formes de la dépendance? L'ouverture illimitée sur l'extérieur n'est-elle pas le début d'une nouvelle étape dominée par une nouvelle division territoriale des espaces de reproduction du capital?

87- Tiré de Agro-Presse n° 2569 du lundi 17/06/1996 : "L'Algérie dans la dynamique du libre échange".

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Page 132: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Loin de prétendre de répondre à toutes ces questions, l'objectif assigné à ce chapitre est de montrer que l'économie algérienne est, contrairement à ce que postulent les experts financiers internationaux, une économie ouverte et que sa trop grande ouverture sur l'extérieur est à l'origine de l'atrophie de plusieurs de ses secteurs d'activité économique. Ainsi, au moment où les institutions financières internationales recommandent une ouverture illimitée de l'économie, ne faudrait-il pas penser à protéger les secteurs d'activité où le pays ne dispose d'aucun avantage comparatif et soumettre à la concurrence internationale ceux dont la compétitivité est déjà établie? Faudrait-il en effet persévérer dans la politique d'ouverture du secteur agricole et du secteur industriel à peine mis en place à la concurrence internationale, notamment à la concurrence des pays développés? Le duel est nécessairement inégal car mettant face à face deux forces inégales.

Mais comme l'ouverture de l'économie nationale est prônée en

vue de la résolution de la contrainte extérieure, il y a lieu alors de tenter de recenser les justifications qui ont plaidé en faveur de cette analyse. C'est pourquoi, nous aborderons dans ce chapitre deux points essentiels. Le premier est consacré aux justifications de l'ouverture alors que le second traitera des problèmes soulevés par l'ouverture d'une économie sous développée sur l'extérieur. Nous essayerons d'illustrer notre propos autant que possible par le cas des effets néfastes qu'exerce la concurrence internationale sur le développement du secteur agricole des pays sous développés.

I- Pourquoi l'insertion de l'économie algérienne dans un espace régional ?

L'une des questions, sinon l'unique question qui vient à l'esprit

de tout analyste, au fait de l'économie algérienne contemporaine, est de tenter de comprendre comment une économie en récession depuis une dizaine d'années et par surcroît soumise à des conditions de reproduction extérieure peu favorables, se donne-t-elle comme objectif son insertion dans une zone de libre échange et au moyen d'une ouverture illimitée?

Il y a, nous semble-t-il, dans cette démarche des responsables de

l'économie algérienne au moins deux éléments de réponse. Le premier est en relation avec l'échec de l'expérience de développement tenté dans le cadre du modèle "autonome et autocentré". Le second élément

132

Page 133: Réformes économiques et agriculture en Algérie

est, quant à lui, lié aux enjeux que véhicule le développement régional et qui exclurait une économie dont l'imbrication économique et culturelle dans l'espace qui se met en place est très forte : le développement à la marge d'une grande région économique est quasiment impossible.

11 - L'ouverture sur l'extérieur comme réponse à l'échec

du modèle "autocentré". L'Algérie a, grâce à l'effet pétrole des années soixante-dix, tenté

de mettre en place un modèle de développement économique autocentré, communément appelé le modèle des "industries industrialisantes".

Le modèle "autocentré" dont l'objectif attendu est le

développement des relations intersectorielles, le "noircissement de la matrice industrielle", pour reprendre la terminologie de Gérard Destannes de Bernis, l'auteur même de ce modèle, n'a pas donné les résultats escomptés. L'intégration économique attendue de l'investissement massif consenti à l'économie n'a pas eu lieu, de même que les entreprises nationales créées à l'occasion, souvent de taille gigantesque, n'ont pu développer une stratégie d'intégration aux marchés extérieurs, à l'exception cependant de la SONATRACH.

Aujourd'hui, le modèle des "industries industrialisantes" se

caractérise, en sus des effets pervers qu'il a engendrés et de son incapacité à assurer une croissance soutenue, par la faible performance de l'économie industrielle à l'extérieur.

La présence de l'Algérie en amont du marché extérieur se limite

à l'exportation des seuls hydrocarbures qui représentent plus des 9/10 des exportations totales du pays. En 1991, par exemple, la part des hydrocarbures s'est élevée à 95,3 % de ces dernières : les produits raffinés ont représenté la moitié des exportations d'hydrocarbures contre 24 % en 1981.

S'agissant des exportations de produits industriels, on peut constater dans le tableau qui suit que ceux-ci n'ont représenté en 1991 que 30 % environ des exportations totales hors hydrocarbures; 4,2 % ont porté sur des produits miniers et de carrières.

133

Page 134: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 37: Exportations des différentes branches industrielles en

1991 (en millions de DA)

Branches Effectif

entreprises Exportations

de la branche en valeur (106 DA)

en % des export hors hydrocarb.

Mines et carrières 5 500 4,4 Ind. sidérurgiques et métallurgiques 6 650 5,4 Ind. mécaniques et métalliques 12 796 6,6 Ind. électriques et électroniques 08 408 3,3 Ind. des matériaux de construction 19 0 0 Ind. chimiques et pharmaceutiques 06 920 7,6 Agro-alimentaires 31 - - Textiles et cuirs 14 338 2,8 Total 101 3612 29,8

Source : MIE, Extrait. L'échec du modèle de développement "autocentré" ainsi

constaté, l'Etat tente de se redéployer en fixant à l'économie nationale un nouvel espace de reproduction et de nouveaux objectifs. On peut lire à cet effet dans un document du MPAT ce qui suit :

"Une rupture incontournable s'impose, à travers un nouveau

modèle de développement orienté vers l'intégration de l'Algérie dans la nouvelle économie mondiale qui se met en place. Cette exigence économique implique toutefois un choix lourd, que seul un Etat rénové et fort pourra encadrer et mener à bien.

"Il s'agira en effet d'opérer les profondes mutations qu'implique le nouveau modèle lié à l'économie de marché, en affrontant les tensions et déséquilibres que continuera pour un temps, de développer l'inertie du modèle précédent et en se heurtant également, à une conjoncture internationale peu favorable, en raison de tous les réajustements qui sont engagés : pénurie de capitaux, tant que les accords du GATT et tous les processus de restructuration n'auront pas encore abouti, dans les grands pays industrialisés.

"La stratégie qu'implique ce choix, poursuivent les rédacteurs du document du MPAT, devra ainsi sacrifier d'abord, de nombreux mythes entretenus jusque là (autosuffisance alimentaire, possibilité de tout financer sur le secteur des hydrocarbures, relance industrielle dans la configuration actuelle du secteur...) et surmonter dans le même temps, les contraintes financières et sociales : ces exigences nécessitent de

134

Page 135: Réformes économiques et agriculture en Algérie

nouvelles finalités économiques, un nouveau rôle de l'Etat dans la sphère économique et de nouvelles stratégies sectorielles"88

Conséquemment donc à l'échec du modèle autocentré, mû par

le souci d'un développement national de l'économie, l'ouverture de cette dernière sur son environnement international devient, dans l'esprit des nouveaux décideurs, une donnée incontournable.

12 - Développer le commerce de proximité et confirmer

l'engagement méditerranéen de l'Algérie. L'économie algérienne est doublement dépendante du marché

extérieur. En amont, sa dépendance à l’égard d'un seul produit, les hydrocarbures, ne fait plus l'objet d'un quelconque débat tant que la spécialisation pétrolière et surtout gazière du pays aura tendance à se développer durant les années à venir. Le secteur des hydrocarbures, contrairement au reste de l'économie, bénéficie de l'attention voulue des investisseurs étrangers (chap IV, point 22) : l'enjeu est d'assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques des pays industriels dont ceux de l'Union Européenne.

En aval, l'analyse de la structure des importations par zone

géographique montre que les relations commerciales de l'Algérie tendent à se focaliser au fil du temps sur un groupe restreint de pays. La tendance est au développement d'un commerce de proximité orienté vers les pays développés.

En effet, quoique l'Algérie établit des relations extérieures avec

un large éventail de pays (72 en 1994 dont 18 en Afrique, 22 en Europe, 7 en Amérique, 9 en Asie et 16 au Maghreb et Moyen Orient), le domaine de son commerce international est très étroit. Le commerce international de l'Algérie est un commerce de proximité orienté vers les pays de l'Union européenne, voire vers les pays de la rive nord de la Méditerranée occidentale.

Les principaux partenaires de l'Algérie sont, pour les énumérer,

la France, l'Italie, les Etats Unis d'Amérique et l'Allemagne. Mais on peut remarquer, malgré une présence américaine importante dans les exportations algériennes, que c'est la CEE qui avait fourni, en 1991, à

88- MPAT : Demain l'Algérie. L'état du territoire. La reconquête du territoire. OPU, Alger, non daté, 432 p, p115.

135

Page 136: Réformes économiques et agriculture en Algérie

l'Algérie 60,2 % de ses importations et absorbé 69,2 % de ses exportations.

Tab 38: Répartition par zone géographique des échanges

commerciaux de l'Algérie en 1991 (en %)

Zone géographique Importations CAF

Exportations FOB

CEE 60,22 69,19 dont : - Allemagne 10,17 2,54 - France 21,47 20,17 - Italie 13,05 17,87 - Espagne 7,73 7,30 Amérique 13,16 21,15 dont Etats Unis 9,56 18,56 Asie 7,59 1,93 dont Japon 4,90 0,75 Afrique 3,25 1,96 dont Pays du Maghreb 2,20 1,63 Reste du Monde 17,78 7,77 Total 100 100

Source : MIE, 1994, Extrait. Comme il a été déjà souligné plus haut, l'Algérie entretient un

commerce international de proximité tourné vers les pays de la rive nord de la Méditerranée occidentale. La France, l'Italie et l'Espagne, focalisent à elles seules, les 4/10 environ du commerce extérieur de l’Algérie (42 % des importations et 44 % des exportations de cette dernière en 1991)). Les pays du Maghreb, qui constituent avec l'Algérie l'UMA depuis 1989, n'ont été destinataires à la même époque que de 1,63 % des exportations de l'Algérie à laquelle ils avaient acheté 2,2 % de ses exportations...

Dans le commerce international de proximité que développe

l'Algérie, la France se place au premier rang aussi bien en volume global des échanges qu'en termes de produits exportés vers l'Algérie. Elle détient, à nous référer aux données publiées par le Centre français du commerce extérieur (CFCE), 30 % environ des importations de l'Algérie. Cette quote-part, la France la préserve depuis une dizaine d'années déjà.

136

Page 137: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 39: Evolution des importations de l'Algérie et des

exportations de la France vers l'Algérie (1985-1994).

Unité : millions de $

Année Importations totales de l'Algérie

Exportations de la France vers

l'Algérie

Part de la France dans les

importations algériennes en

% 1985 7 789 2 245 28,8 1986 7 256 2 293 31,6 1987 6 296 1 965 31,2 1988 6 840 1 591 23,3 1989 7 626 2 005 26,3 1990 9 058 2 718 30,0 1991 7 320 2 181 29,8 1994 8 010 2 398 29,9

Source : CFCE-DREE Malgré un léger recul enregistré en 1988 et 1989 par rapport à

1986, le volume global des exportations françaises vers l'Algérie enregistre une légère hausse en 1994 par rapport à 1985 (+ 3 %) mais une augmentation tout de même de 27 % par rapport à 1987.

Le développement des échanges commerciaux entre les deux

pays ne profite pas de la même façon aux deux parties. Il s'agit d'un commerce extérieur déséquilibré et présentant un solde favorable à la France depuis 1986. Le cumul du solde commercial de 1988 à 1994 représente trois fois environ le volume des exportations de l'Algérie vers la France en 1994.

Tab 40 : Evolution des échanges commerciaux de l'Algérie avec la France (1980-1994). Unité : milliards de FF

Désignation 1980 1982 1984 1986 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 Importation

s 11,1 14,1 23,7 15,9 9,4 12,7 14,7 12,2 11,8 11,9 13,4

Exportations

7,3 25,9 24,8 11,7 7,6 9,4 10,5 11,9 9,9 7,8 8,8

Solde -3,8 +11,8 +1,1 -4,2 -1,4 -3,3 -4,2 -0,3 -1,9 -4,1 -5,1 Source : CFCE-DREE.

L'Algérie, contrairement à beaucoup de pays en

développement, est un partenaire particulier de la CEE, du moins un grand partenaire de la France. Vis à vis de la CEE, les importations algériennes représentent le double environ des importations marocaines et tunisiennes réunies. Mais l'ensemble des importations

137

Page 138: Réformes économiques et agriculture en Algérie

maghrébines de la CEE ne représente que 2 % environ des exportations totales de cette dernière.

Vis à vis de la France, la place de l'Algérie est irremplaçable.

"L'Algérie est pour la France le premier marché hors OCDE. C'est le plus important importateur maghrébin des produits français et ce, devant le Maroc et la Tunisie. En 1993, sur les cinquante premiers postes à l'importation de l'Algérie, la France arrive vingt sept fois au premier rang, avec dans certains cas, des parts de marché très élevées : 74,2 % pour le médicament, 72,8 % pour les voitures"89.

Enfin, pour revenir à l'idée de développement du commerce de

proximité, on doit souligner que l'Algérie semble avoir fait durant les dix dernières années des choix stratégiques en ce qui concerne son commerce extérieur. La tendance globale est, en matière de commerce extérieur, d'une part à un échange accru avec les pays de l'Union européenne, particulièrement avec ceux de la Méditerranée et d'autre part, au rééquilibrage des relations entre ces derniers qu'elle semble vouloir mettre en compétition et ce probablement, dans le souci d'échapper à la domination et à la dépendance vis à vis d'un seul pays. Diversifier ses partenaires commerciaux, c'est pouvoir assurer la sécurité de ses approvisionnements mais aussi bénéficier des avantages qui sont offerts par la concurrence commerciale internationale.

Nous avons souligné plus haut que l'Algérie s'est tournée

durant les dix dernières années sur le commerce de proximité. L'information chiffrée relative à l'évolution du commerce extérieur de ce pays montre le fort engagement de l'Algérie dans le commerce avec les pays européens de la Méditerranée occidentale.

En matière d'importation, l'analyse des données montre que : 1 - malgré une baisse de 20 % de la valeur des importations

entre 1984 et 1992 (respectivement 10 482 et 8 375 millions de $), la part de la CEE dans les approvisionnements de l'Algérie a crû de 10 % environ; elle passe de 58,7 % des importations totales de l'Algérie en 1984 à 68,2 % en 1992;

2 - la part de la CEE méditerranéenne dans les

approvisionnements algériens est également en constante 89- MEF : Lettre mensuelle d'Algérie, n°4 du 01/02/1995, CFCE-DREE, Paris, : Dossier Algérie.

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Page 139: Réformes économiques et agriculture en Algérie

augmentation. Les importations en provenance de la France, de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce ont connu une augmentation de 13 % en 1984 et 1992 : la part de ces cinq pays dans les importations en provenance de la CEE est passée de 64,5 % en 1984 à 77,5 % en 1992;

3 - la préférence méditerranéenne de l'Algérie est d'autant

visible que ce pays semble privilégier ses relations commerciales avec les pays européens riverains de la Méditerranée et ce, au détriment de ceux du nord de la CEE. A titre d'exemple, l'Allemagne qui fournissait 17,8 % des importations en provenance de la CEE en 1984 n'en fournit plus que 10,3 % seulement en 1992.

Tab 41: Evolution des importations de l'Algérie en provenance de

la CEE.

Désignation 1984 1987 1990 1992 Import. tot en 10 $ 6 10 482 7 042 10 372 8 375

dont en provenance de la CEE

4 268

- en millions de $ - en % des import. totales

6 161 58,7 60.6

6 735 64,9

Part de quelques pays dans les exportations de la CEE vers l'Algérie (en %)

5 717 68,2

1 - France 39,2 37,7 44,3 43,2 2 - Italie 14,6 18,4 19,0 20,4 3 - Espagne 9,4 7,5 9,4 13,6 4 - Allemagne 17,8 17,3 15,1 10,3 5 - Grèce 1,7 1,2 0,5 0,3 6 - Portugal 0,5 0,5 0,3 0,2 Total CEE méditerranéenne 64,5 65,3 73,5 77,7

Source : FMI-BM, Extrait, p94. 4 - Le développement des relations commerciales avec les pays

de la CEE riverains de la Méditerranée semble évoluer vers une compétition future entre la France d'une part, l'Espagne et l'Italie d'autre part. En effet, bien que la France reste en tête de peloton (39,2 % en 1984 et 43,2 % en 1992 des importations en provenance de la CEE méditerranéenne), la part des deux autres concurrents est en nette augmentation. Elle passe de 24 % en 1984 à 34 % en 1992 : le retrait de l'Allemagne est plus avantageux à l'Italie et à l'Espagne qu' à la France.

Au total on doit souligner que l'Algérie se tourne de plus en

plus vis à vis des pays de la Communauté Européenne et particulièrement vers ceux de la Méditerranée. Ceci apparaît

139

Page 140: Réformes économiques et agriculture en Algérie

également en matière de développement du secteur des hydrocarbures qui se trouve lui aussi entièrement tourné vers la Méditerranée.

13 - Tirer avantage du secteur exportateur et promouvoir

le développement économique. L'Algérie a assis le développement de son économie sur son

secteur pétrolier. C'est grâce en effet au secteur des hydrocarbures qu'une importante infrastructure économique et industrielle a été mise en place depuis le début des années soixante-dix. C'est ce même secteur qui semble constituer aujourd'hui encore la caution aux créanciers extérieurs.

Le rôle prépondérant futur du secteur des hydrocarbures dans

l'économie nationale est d'autant renforcé que l'Algérie est aujourd'hui le pays méditerranéen qui "bénéficie" d'un quasi monopole de production et d'exportation de pétrole au sein du Bassin méditerranéen. Il s'agit d'un avantage naturel que les innovations technologiques faites dans le domaine du transport des hydrocarbures et le climat politique qui règne au sein de la Méditerranée, renforcent.

Les courtes distances qui séparent l'Algérie de l'Europe via la

Tunisie et l'Italie ou via le Maroc et l'Espagne permettent désormais de relier les deux continents par pipe line et donnent à l'Algérie quelques atouts d'une intégration rapide à l'ensemble euro méditerranéen. Dans ce sens, des engagements importants de livraison de gaz et de pétrole aux pays de l'Union Européenne, à ceux du Maghreb et à quelques autres de la rive nord de la Méditerranée ont été signés durant les dix dernières années : certains des contrats ont une durée de vie de plus de trente ans. La longévité des contrats ainsi signés préserverait-elle le pays de la concurrence internationale (appropriation des marchés) ou obéit-elle à d'autres objectifs qui sont dans ce cas précis la sécurité énergétique des pays européens ou encore la caution que doit verser l'Algérie à ses créanciers en cas d'impossibilité de remboursement futur de ses dettes ? Tout concentrer sur les pays de l'Europe en matière d'exportation des hydrocarbures ne risque-t-il pas d’accroître la vulnérabilité du secteur des hydrocarbures, déjà fragilisé par les variations des cours mondiaux du pétrole?

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Page 141: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 42 : Contrats d'exportation de GNL et de gaz naturel par la

SONATRACH jusqu'à l'horizon 2020.

Désignation Date du contrat

Date de début de livraison

date d'expiration

Volume annuel (milliards de m3)

Européenne méditerranéenne Gaz de France (France)............... .............. ............. ..............

1962 1971 1976 1991

1965 1973 1982 1992

2002 2013 2013 2002

0.5 3.5 5.2 1.0

Distrigaz (Belgique)................... 1975 1978 2004 4.5 Enagas (Espagne) ...................... .....................

1975 1992

1978 1995

2004

3.8 6,0

Natgas (Portugal)....................... 1992 1997 2015 2.1 SNAM (Italie)............................. ENEL (Italie) .............................

1977 1992

1983 1995

2019 2015

19.2 4.0

Depa (Grèce)............................... 1988 1996 2013 0.7 Pétrol Ljubljana (Slovénie)........ 1985 1992 2007 0.6 Botas (Turquie)........................... 1988 1993 2012 2.0 Total Europe - - 53.1 Maghreb

ETAP (Tunisie)........................... 1977 1983 2019 0.5 Maroc.......................................... 1.0 Total Méditerranée 54.6 Reste du Monde (Etats Unis) 5.2 à 5.8 Total général 59.8 à

60.4 Source : SONATRACH, Extrait MIE

Ainsi, sur les 60 milliards de m3 de gaz naturel et de GNL que

prévoit d'exporter l'Algérie à l'horizon 2000, 90 % environ des quantités seront destinées aux seuls pays du Bassin méditerranéen et les exportations algériennes couvriraient l'essentiel des besoins énergétiques de l'Union européenne. Disposant d'un réseau de transport par canalisation totalisant près de 11 500 km de pipeline dont 10 gazoducs de 20 à 48 pouces de diamètre et 13 pipelines pour le transport des liquides de 8 à 34 pouces de diamètre, l'Algérie envisage même d'approvisionner en gaz au moyen des canalisations quelques pays du nord de la Communauté Economique (Allemagne).

En plus des investissements sur les canalisations nécessaires au

transport du gaz naturel à destination des marchés extérieurs, l'Algérie se lance également dans la récupération des liquides de gaz (condensat et G.P.L.) et la réalisation de nouveaux investissements de séparation du G.P.L. en butane et propane et la production d'un additif pour l'essence sans plomb.

141

Page 142: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Le développement du secteur des hydrocarbures en Algérie

s'inscrit dans le projet de développement futur du secteur énergétique de l'Euro Méditerranée. La Conférence de Barcelone du mois de novembre 1995 prévoit en effet que la coopération entre les différents partenaires dans le domaine de l'énergie est sujette à la création de "conditions cadres adéquates pour les investissements et les activités des compagnies d'énergie, en coopérant pour créer les conditions permettant à ces compagnies d'étendre les réseaux énergétiques et de promouvoir les interconnexions"90.

On doit se demander bien évidemment pourquoi l'Algérie met-

elle en place une aussi ambitieuse politique énergétique? Les raisons de ce choix sont multiples mais la plus importante

semble être liée au programme, non moins ambitieux, de développement futur du pays. Les responsables de l'économie semblent beaucoup tabler sur le secteur énergétique qui devrait servir de courroie de transmission en matière de partenariat entre les entreprises nationales et les investisseurs étrangers. Les multiples blocages auxquels est confrontée l'économie ainsi que les déséquilibres nés de l'expérience antérieure de développement nécessitent en effet d'importants investissements que ne peut plus supporter l'Etat à lui seul. " Les investissements considérables qu'impliquent les programmes d'infrastructures publiques, rapidement et incomplètement esquissés, excluent totalement la possibilité pour l'Etat, de continuer à prendre en charge les financements impliqués"91 relèvent les rédacteurs du document du MPAT.

Quels sont donc les grands axes de la nouvelle politique de

développement que tentent de mettre en place les décideurs? Cette politique est résumée dans le passage suivant du Ministre de l'Equipement et de l'Aménagement du Territoire :

"L'asphyxie des grandes villes, la crise de l'habitat, l'absence de

services de proximité, la dévitalisation des zones montagneuses et rurales, la dégradation des zones steppiques et sahariennes sont autant de

90- Déclaration de Barcelone ou encore Déclaration des ministres des affaires étrangères des pays de l'Union européenne et des PTM. 91- MPAT : Demain l'Algérie, op cité, p191.

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Page 143: Réformes économiques et agriculture en Algérie

symptômes révélateurs de ce que sera l'Algérie, demain, si nous ne réagissons pas.

"Face au défi le plus singulier de son histoire,... l'Algérie doit également muer et être présente dans le Monde qui inscrit radicalement sa marche dans une rupture par rapport à la période antérieure.

"Face à cette nouvelle donne internationale caractérisée par une économie globale, dominée par un consommateur mondial et arbitrée par les marchés financiers, l'Algérie doit saisir cette opportunité pour s'intégrer à la grande marche du 21ème siècle. Dans ce nouveau Monde où l'avantage technologique occidental est grignoté par les pays émergents du Pacifique, l'Algérie doit non seulement articuler son nouveau dessein, mais doit également s'interroger sur ses véritables atouts et l'attractivité de son territoire".92

En clair, le développement futur de l'Algérie ne peut se faire en

marge du marché mondial, ni se passer de l'avantage technologique occidental ou même être à l'abri de la concurrence et de la compétition internationales. Cette idée est également partagée par plusieurs économistes93 dont SID AHMED Abdelkader pour lequel : «le sous-développement résultat de la rupture historique" entre "le centre et la périphérie"94 du système économique mondial. Aussi, pour cet auteur, comme pour les responsables de l'économie algérienne, la solution à la question du développement consisterait-elle dans le rétablissement des relations entre pays développés et pays en voie de développement. Pour le cas de l'Algérie, la solution est d'autant facile que, à nous fier au courant de pensée précité, ce pays se situerait aujourd'hui à un stade de développement supérieur à celui des pays du sud asiatique au moment de leur "démarrage économique" : l'existence d'une infrastructure économique importante, d'une base industrielle non 92- MEAT : "Prologue au débat national sur l'aménagement du territoire" in Demain l'Algérie, pV. 93- Se reférer en particulier à Arghiri Emmanuel (Technologie appropriée ou technologie sous-développée, 1981) qui démontre que la résorption du phénomène du sous-développement passe, quoiqu'en pensent les marxistes tiers-mondistes, par l'adoption par les pays sous développés de technologies "capital intensive". Cet auteur montre que si l'objectif recherché par les dirigeants des PVD est l'accroissement du revenu des habitants et l'amélioration de leur niveau de vie, alors seules les sociétés multinationales sont en mesure de parvenir à la réalisation de cet objectif. Sa démonstration est illustrée par le cas particulier des pays du sud de l'Asie qui, s'étant ouvertes sur l'extérieur, ont pu rompre avec le cercle vicieux du sous-développement. 94 - SID AHMED Abdelkader : "Un projet pour l'Algérie : éléments pour un réel partenariat euro-méditerranéen", Editions Publisud, 1995, 95 p.

143

Page 144: Réformes économiques et agriculture en Algérie

négligeable et d'un secteur exportateur des hydrocarbures permettent à eux seuls d'assurer la relance, voire de servir, à en croire Sid Ahmed Abdelkader, de "locomotive" au développement des pays de la rive sud de la Méditerranée occidentale.

Comme il ressort de ce qui précède, l'ouverture de l'économie

nationale sur son extérieur est préconisée comme solution à la crise. L'ouverture ne se fait pas seulement en terme de suppression des barrières douanières mais aussi comme rupture totale avec les méthodes de gestion antérieures de l'économie et comme redéploiement de l'économie nationale sur son environnement. Dans cette optique, l'Algérie semble avoir adopté tous les moyens nécessaires à l'attrait des capitaux étrangers de même qu'elle circonscrit son développement futur dans l'un des plus grands espaces économiques mondiaux : l'Euro Méditerranée. De ce point de vue, l'Algérie réalise depuis une dizaine d'années déjà l'essentiel de ses transactions commerciales et économiques avec les pays de l'Union Européenne dont particulièrement ceux de la rive nord de la Méditerranée. Il faut préciser que ce pays compte tirer avantage de sa nouvelle politique de coopération en dynamisant son secteur exportateur qui se résume pour l'instant à celui des hydrocarbures.

Ces nouveaux engagements de l'Algérie sont-ils les garants d'un

développement effectif comme le préconisent les responsables de l'économie nationale et les experts des institutions financières internationales ou sont-ils les indices d'une extraversion plus poussée de l'économie nationale? C'est la question à laquelle nous tenterons de répondre à présent en essayant d'identifier quelques difficultés d'intégration de l'Algérie en particulier et des pays en voie de développement au marché mondial dominé de plus en plus par la loi de la concurrence.

II - Difficultés et conséquences d'une politique de développement axée sur l'extérieur :

cas du projet de la ZLE euro méditerranéenne. L'Algérie, comme l'ensemble des pays du pourtour

méditerranéen et de la Communauté Européenne comptent tirer avantage de l'ouverture de leurs frontières économiques et commerciales sur l'extérieur, du moins de leur inclusion au nouvel espace économique euro méditerranéen. Les justificatifs de la politique d'intégration sont, ainsi que nous l'avons souligné ci-dessus pour le cas

144

Page 145: Réformes économiques et agriculture en Algérie

de l'Algérie, nombreuses. Vue de la rive sud de la Méditerranée, la mise en place d'un partenariat euro méditerranéen a pour objectif premier d'atténuer les écarts de développement économique entre les deux rives, autrement dit d'apporter une solution au problème du sous-développement.

Cette analyse se fonde sur au moins deux hypothèses. La première consiste à affirmer qu'il est possible de généraliser

les expériences de développement des pays qui ont pu se développer grâce au partenariat aux pays encore actuellement sous-développés. Plusieurs exemples peuvent être cités à cet effet. Le premier et le plus important est sans doute le cas de la Communauté Economique Européenne qui, par étapes successives, est parvenue à développer non seulement les pays fondateurs de cette Communauté mais aussi à entraîner plusieurs autres pays, récemment encore sous-développés. Aujourd'hui, l'intégration des économies européennes est un fait irréversible et la Communauté devient un pôle régional autour duquel gravite plusieurs dizaines de pays sous-développés.

Dans le même ordre d'idée favorable à la mise en place d'un

partenariat Nord-Sud, le cas des NPI est également cité en exemple : le Brésil, l'Argentine et le Chili en Amérique latine, la Chine, la Corée du Sud, Hongkong et Taiwan dans le Sud-est asiatique connaissent des taux de croissance économique remarquables grâce à leur ouverture sur l'extérieur et au développement du partenariat avec les investisseurs étrangers. Ainsi et en conformité à ce cadre de référence, les pays de l'Euro Méditerranée gagneraient à promouvoir un co-développement.

La seconde hypothèse sur laquelle se fonde l'analyse en faveur

d'une intégration pays développés -pays en développement est que le retard accumulé par les derniers cités est dû à leur fermeture sur eux-mêmes. C'est du moins ce que l'on retient de la proposition d'une plus grande ouverture des pays en développement sur leur environnement.

Bien qu'une hypothèse n'a de validité que si elle est mise en

application, il est cependant possible de montrer que les deux hypothèses précédentes simplifient quelque peu la complexité du problème abordé. Plusieurs questions méritent d'être posées à la lumière de la décision de mise en place à l'horizon 2010, d'une zone de libre échange euro méditerranéenne.

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Page 146: Réformes économiques et agriculture en Algérie

21 - L'Euro Méditerranée : intégration ou absorption des PTM? Les expériences de développement en partenariat à travers le

monde montrent que celles-ci ont eu des résultats différenciés. En effet, selon que l’expérience a ou non bénéficié de l'aide économique désirée et de l'apport technologique nécessaire, ses résultats ont été probants (cas de la CEE qui s'est mue en Union Européenne intégrant à chaque fois de nouveaux pays) ou catastrophiques (cas du COMECON qui s'est effritée et faisant depuis l'objet d'une absorption lente par la Communauté Européenne).

Le projet d'intégration euro méditerranéenne rendu officiel

depuis novembre 1995 par la Conférence des ministres des affaires étrangères des pays participants n'échappe pas à cette logique d'extension des "frontières économiques de la Communauté Européenne"95 et au "jeu des blocs"96.

"La globalisation et la régionalisation, écrit G. KEBABDJIAN, resteront dans les vingt prochaines années deux caractéristiques marquantes de l'économie mondiale. dans un contexte d'interdépendances croissantes et généralisées, l'économie monde renforcera son organisation autour des trois grands blocs déjà constitués : l'un centré sur l'Union européenne, l'autre sur les Etats-Unis avec 95- Se reférer au travail de synthèse de Catherine BOEMARE : * "Les frontières de l'Europe des douze : Maghreb, Europe Centrale et Orientale. Politiques d'échanges et de Coopération en agriculture", communication au Séminaire SOLAGRAL-IAM, Montpellier, Sept. 1993. ** "La coopération entre l'Union Européenne et les pays du Maghreb. Implications pour le développement au Sud", mémoire de DEA, EHESS, Paris VI, 1993-1994, 113 pages. 96- La négociation des accords du GATT, lit-on dans CdP, a duré huit ans, au cours desquelles les pays négociateurs se sont aussi engagés, à un rythme sans précédent, dans la création ou le renforcement d'accords régionaux, marchés communs, unions douanières, etc. Encore aujourd'hui, alors que l'accord de Marrakech est signé depuis un an, la négociation des zones de libre-échange se poursuit comme si le cadre multilatéral ne pouvait répondre aux problèmes posés par la mondialisation. Ainsi l'Union européenne a ouvert des négociations avec les pays du Maghreb et du Moyen Orient, avec les pays du Marché commun du Cône Sud (Mercosur), avec les signataires de l'Association de libre échange nord-américain (Aléna). Les Etats-Unis proposent une zone de libre échange à l'ensemble des pays latino américains et à l'Europe. L'Association des Nations de l'Asie du sud-est s'adjoint un volet économique avec la création de l'Asian Free Trade Area... Ce mouvement de régionalisation témoigne des tensions produites par la réorganisation de l'économie mondiale. Depuis la fin de l'hégémonie américaine, elle est le théâtre de l'affrontement de diverses versions du capitalisme", tiré de Courrier de la Planète, n° 28, mai-juin 1995, SOLAGRAL, Paris.

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Page 147: Réformes économiques et agriculture en Algérie

l'ALENA, le dernier sur le Japon avec les diverses zones d'intégration et de coopération qui se mettent en place en Asie/pacifique.

" Les pays méditerranéens, poursuit l'auteur précité, qui ne pourront pas accéder au statut de membre de l'Europe communautaire, devront se positionner dans le nouvel ordre économique mondial en gestation. Ils risquent de devenir des laissés-pour-compte de la mondialisation si n'est pas mise sur pied une forme d'association qui leur soit naturel : l'Europe97"

Cette longue citation ne laisse aucune équivoque quant au

devenir futur des Pays Tiers Méditerranéens qui doivent faire le choix entre leur inclusion plus ou moins négociée dans le nouvel espace économique régional en formation ou a en être exclus et ce, avec tous les risques de dégradation de leurs structures économiques nationales.

A vrai dire, le choix d'une intégration des PTM à l'Euro

Méditerranée n'est que formel. Ces premiers dépendent entièrement, comme nous l'avons souligné pour le cas de l'Algérie, de l'Union Européenne aussi bien pour l'écoulement de leurs produits que pour leurs approvisionnements. Dans ce sens, P. COULOMB et F. JACQUET relèvent que les relations qui s'établissent entre l'Union Européenne et les pays du Maghreb sont des relations qui témoignent "de la dépendance évidente des économies maghrébines aux économies européennes98".

Dans le même sens d'observation, Laure de CENIVAL qui

circonscrit son analyse aux échanges agro-alimentaires entre l'Europe, d'un coté et les pays du Maghreb et l'Egypte de l'autre, constate que : " Du point de vue spécifiquement agricole, l'Europe absorbe 80 % des exportations du Maghreb et 27 % de celles de l'Egypte. Ces pays achètent principalement des produits de base (céréales, produits laitiers, oléagineux et sucre), tandis qu'ils vendent sur le marché communautaire des produits alimentaires "secondaires" (fruits et légumes), notamment agrumes, tomates, légumes secs et oignons, huile d'olive)99" .

97- Gérard KEBABDJIAN : "Eléments d'une prospective euro-méditerranéenne", Séminaire Méditerranée-Monde Arabe-Europe, Paris, Juillet 1996. 98- Pierre COULOMB et Florence JACQUET : Les relations CEE-Maghreb, deux années cruciales : 1986-1996", Options Méditerranéennes, Série B, n°8, IAM, 1994. 99- Laure de CENIVAL : Vers un espace agricole euro-méditerranéen? Séminaire SFER, Paris, 16-17/10/1995.

147

Page 148: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Enfin, on doit retenir que les liens étroits qui existent entre les pays de l'Union Européenne et les PTM (du moins en ce qui concerne les pays de la rive sud) laissent peu, sinon aucun choix quant à leur inclusion de fait à l'Euro Méditerranée : toute résistance au processus d'élargissement des frontières économiques de l'Union Européenne semble avoir peu d'influence sur le fonctionnement global de cette région économique. Doit-on rappeler que malgré la tendance à l'augmentation des quantités échangées entre l'UE et les PTM (les exportations totales de l'UE vers les PTM se sont élevées en 1993 à 45,6 Mécus contre 32,6 en 1990 alors que les importations de la première des seconds furent aux dates respectives de 33,2 et 34,5 Mécus), celles-ci demeurent négligeables dans le commerce extérieur de l'Union Européenne. En pourcentages, les exportations de l'UE vers les PTM représentent 4 % seulement des exportations totales de l'Union et les importations en provenance des PTM ne s'élèvent qu'à 2 % à peine des importations de l'UE !..

Ces quelques indications suffisent pour retenir qu'en matière

d'intégration euro méditerranéenne :"le chef d'orchestre ne peut être qu'européen car l'Europe a la seule puissance nécessaire pour jouer le rôle de leader en raison des pouvoirs de plus en plus importants qui lui seront dévolus. Même si les vieilles relations bilatérales ont encore un bel avenir, elles seront, qu'on le veuille ou non, appelées à se réinscrire dans la dimension européenne par le jeu des transferts de souveraineté et des réorientations de politiques nationales notamment des politiques économiques, qu'impose la construction de l'Europe..." Donc autant conclure que les PTM sont mis aujourd'hui face au géant européen et que désormais "Tout se passe comme si les PTM étaient poussés dans une ère nouvelle, l'ère de la fin des préférences acquises100".

22 - L'Euro Méditerranée : espace de développement ou marché captif ?

Les PTM, particulièrement ceux du Maghreb, ont pu bénéficié

dans le cadre du système de préférences généralisées (SPG) mis en place par la CEE, en juillet 1971, de concessions commerciales et ce, en vue de favoriser leur industrialisation. Les accords de coopération autorisent en effet le libre accès des produits industriels méditerranéens au marché européen de même que ces contrats

100- G. KEBABDJIAN, op cité.

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Page 149: Réformes économiques et agriculture en Algérie

bannissent la restriction des quantités et exemptent les produits des droits de douane. Les produits agricoles méditerranéens bénéficient eux aussi de réductions tarifaires variant, selon les produits, de 20 à 80 % . Les pays du Maghreb ayant le plus bénéficié de ces concessions commerciales sont le Maroc et la Tunisie qui ont mis en application leur contrat de coopération au milieu des années soixante-dix.

L'Algérie, qui est liée à la CEE par un contrat de coopération

de même nature et signé en 1976, n'a jamais mis en exécution ce premier. Il lui a fallu être confrontée à la crise financière de 1986 pour s'apercevoir que les revenus pétroliers, aussi importants soient -ils, ne sont jamais suffisants pour couvrir les dépenses extérieures. En sus, ne pas avoir mis en exécution ce contrat de coopération, l'a privée d'une expérience : l'apprentissage de la conquête des marchés extérieurs. C'est pourquoi elle tente aujourd'hui, même avec retard, de combler ce vide en faisant semblant d'oublier que les conditions et les règles d'insertion au marché européen ont changé pour l'ensemble des pays de la Méditerranée. "Ces pays, mentionnent A. CHEVALLIER et I. BENSIDOUN, ne peuvent durablement rester dans le statut actuel, il leur faudra, à terme plus ou moins rapproché, introduire la réciprocité vis à vis de l'Europe. Par ailleurs, les avancées de la libéralisation multilatérale ont des répercussions importantes sur les conditions d'accès au marché européen. La baisse générale des tarifs et l'élimination des barrières non tarifaires, prévues dans le cadre de l'OMC, vont réduire les marges préférentielles dont les pays méditerranéens bénéficient"101.

L'adhésion de l'Algérie à l'Euro-Méditerranée dont l'objectif de

long terme est la mise en place d'une ZLE, c'est-à-dire une zone de libre circulation des facteurs de production et des marchandises dans le nouvel espace, contribuera-t-elle réellement au développement de son économie? La décision de suppression "des obstacles tarifaires et non tarifaires aux échanges des produits manufacturés...102" de même que la décision de libéralisation progressive du commerce agricole euro-méditerranéen apportent-elles quelque chose de nouveau à l'économie algérienne? L'Algérie ne serait-elle pas tentée seulement par les avantages financiers que procurerait la ZLE euro-méditerranéenne quoiqu'il est précisé que celle-ci sera soutenue "à la

101- Agnès CHEVALLIER et Isabelle BENSIDOUN : "Euro-Méditerranée : le pari de l'ouverture", Séminaire Méditerranée-Monde arabe-Europe, Paris, Juillet 1996. 102- Extrait de la Déclaration de Barcelone, 27 et 28/11/1995.

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Page 150: Réformes économiques et agriculture en Algérie

fois par l'épargne interne, base de l'investissement et par des investissements étrangers directs"16 ?

A moins que des événements importants ne viennent mettre en

cause le cadre qui commence à prendre forme, on est en droit de penser que les PTM sont un vaste marché, un marché déjà réservé à la Communauté européenne. Car dans le domaine de la coopération et de l'intégration économique, le jeu semble être déjà fait.

Premièrement, l'Union européenne en tant que pivot du futur

espace économique régional sera confrontée au problème d'arbitrage entre les PTM d'une part et les PECO d'autre part. "Indépendamment de l'argument des ressources limitées qui condamnent l'Europe à effectuer un arbitrage financier entre l'Est et le Sud, le problème est essentiellement de nature économique. Les PECO, poursuit G. KEBABDJIAN, constitueront pour des raisons historiques et politiques évidentes un espace d'expansion régional prioritaire. En même temps, ces pays se caractérisent par une spécialisation dans les secteurs où les PTM sont susceptibles de chercher à s'industrialiser rendant ainsi incompatibles sur le plan économique les deux processus d'extension de l'Europe aux frontières, les PTM ayant peu d'atouts face aux accroissements probables de compétitivité dans les PECO103".

Mais supposons que pour des raisons de stratégie interne, les

pays de l'Union européenne parviennent à mettre en place un système de sous spécialisation régionale qui confirmerait les tendances actuelles selon lesquelles les pays méditerranéens de l'Union se tourneraient davantage vers le Bassin alors que ceux du nord seraient chargés d'intégrer les PECO104. Si cette hypothèse se réalise, ce qui est fort probable, alors se pose une autre question, celle de savoir en quoi le projet euro-méditerranéen n'est-il pas, du moins "Comment peut-il dissiper les craintes d'une reconduction du pacte colonial?"105 . 103- G. KEBABDJIAN, op cité, pp. 67-68. 104- C'est ce que constate l'auteur cité ci-dessus en soulignant le quasi-partage des PECO et des PTM entre les pays du nord (l'Allemagne qui "a rapidement saisi la chance d'expansion régionale que représente la transition à l'économie de marché dans les ex-pays communistes...") et les pays du sud de l'Europe. "Une sorte de consensus a donc été trouvée. La convergence est à construire à l'égard de la Méditerranée, une région qui présente une zone d'intérêts directs pour les pays du Sud de l'Europe en raison des pressions migratoires". 105- A. Chevallier et I. Bensidoun, op citées, p2.

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Page 151: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Deuxièmement, il est utile de relever que la question de

l'industrialisation des PTM, qui demeure préoccupante pour ceux qui l'ont initiée, ne bénéficie d'aucun traitement particulier dans le cadre de l'Euro-Méditerranée. Le secteur industriel des PTM est souvent assimilé au secteur manufacturier, voire tout simplement au secteur des textiles. L'abstraction est due probablement au fait que le secteur industriel des PTM est peu performant alors que " les pays du Maghreb... sont bien placés et disposent même d'avantages comparatifs par rapport aux PECO dans le secteur de l'habillement en raison de leur plus grande capacité à réagir sur des productions à flux tendu"106.

Et si toute la question industrielle des PTM devait être réduite

au développement du seul secteur du textile? 23 - L'Euro-Méditerranée : quelle place pour les PTM? La Méditerranée est une "région économique" fortement

contrastée. Le contraste économique s'exprime d'abord dans les niveaux de développement des différents pays et corollairement dans les niveaux de vie et de revenu de leurs populations respectives107.

Dire que les pays de l'Union Européenne sont des pays

industriels développés et les PTM des "pays en voie de développement" est une redondance. Mais souligner que les pays industriels sont également les grands pays agricoles laisse peu de perspectives à une intégration euro-méditerranéenne future, suscite du moins l'interrogation de savoir qu'elle sera alors la place des PTM dans le futur espace économique régional? Dans ce sens, l'objet assigné à ce dernier paragraphe est de montrer que la possibilité d'intégration des PTM à l'Euro-Méditerranée par le biais du secteur agricole est un nouveau mythe. De façon implicite, le but recherché ici est de prouver que l'économie des pays en voie de développement en général et celle de l'Algérie en particulier sont des économies ouvertes sur l'extérieur. Notre démonstration s'appuiera sur une étude récente portant sur

106- G. KEBABDJIAN, op cité, p 71. 107- En 1992, le PIB/hab s'est élevé à 1589 $ dans les PTM contre 19242 $ dans l'UE soit un rapport de 1 à 12.

151

Page 152: Réformes économiques et agriculture en Algérie

"Les contradictions des politiques européennes à l'égard des pays en développement"108.

Les pays en développement notamment les PTM se

caractérisent globalement par un déficit alimentaire chronique et par des importations alimentaires de plus en plus croissantes109. Les causes explicatives de cette situation sont partiellement mais directement imputables aux politiques agricoles et aux politiques d'exportation des pays développés.

Prenons le cas des produits agricoles et alimentaires de base

(céréales, pommes de terre, huiles, viandes, lait, pommes de terre, etc...) produits et exportés par les pays européens vers les pays africains et du Bassin méditerranéen. Chacun de ces produits bénéficie au niveau de son pays de production de plusieurs aides et subventions (aides à la production, subventions aux exportations). Ces aides et subventions avaient pour objectif initial d'augmenter chacune des productions et par conséquent de faire face à des déficits structurels dans la Communauté européenne. Les résultats obtenus par la mise en application de ces moyens d'incitation ont permis de dépasser les prévisions puisqu'ils ont même pu générer d'importants excédents de production. "Faute de débouchés sur le marché européen, les producteurs exportent alors sur des marchés tiers des produits dont la compétitivité est directement liée au niveau de subvention interne, et qui entrent donc, de façon déloyale, en concurrence avec des productions locales équivalentes"110.

Les auteurs de cette citation montrent en effet l'existence d'une

corrélation directe entre les exportations européennes, produit par produit, et la stagnation, voire le recul de la production des mêmes spéculations dans les pays en développement.

108- Etude réalisée par SOLAGRAL et sous la coordination de Yannick JADOT et de Jean Pierre ROLLAND, SOLAGRAL Collection, Montpellier, 1996. - 118 p 109- L'aide alimentaire s'élèvera, selon certaines estimations, entre 27 et 30 millions de tonnes en 2005. A l'horizon 2020, les PED auraient à importer entre 160 et 210 millions de tonnes de céréales par an. Tiré de "Politiques de sécurité alimentaire. Prospectives alimentaires", Séminaire Communauté Economique-SOLAGRAL, Bruxelles, Avril 1996. 110- SOLAGRAL : Les contradictions des politiques européennes à l'égard des PED, op cité, p15.

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Page 153: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Quoique chacun des cas mérite d'être longuement cité, l'attention doit être particulièrement retenue par la politique céréalière de l' UE. "Les prix garantis aux producteurs (à un niveau très supérieur aux cours mondiaux) et la protection vis à vis des importations constituent les principaux instruments qui ont permis le succès de la politique européenne d'appui au secteur céréalier. Ce succès a également généré des surplus croissants que les exportations vers les pays tiers (par l'octroi des subventions aux exportations) ne sont plus parvenues à résorber... La pénétration des céréales européennes sur les marchés des pays en développement, grâce à ces mécanismes de subvention, a eu des effets dépressifs sur la production locale en exerçant une concurrence sur les prix et en modifiant les habitudes alimentaires des consommateurs..."111.

On relèvera en ce qui concerne les importateurs de blé et de

farine de blé européens, identifiés en 1993-94, que l'Algérie intervient en tête de liste : 14 % des exportations européennes contre 11 % pour l'ex-URSS, 6 % pour le Maroc, 5% pour l'Egypte, 5% pour Cuba et 4 % pour la Libye. Quatre pays de la rive sud de la Méditerranée absorbent à eux seuls 1/3 des exportations européennes.

Cette remarque prévaut pour l'ensemble des autres produits et

on relèvera qu'en matière de viande bovine, un autre produit alimentaire également importé par l'Algérie et les autres pays de la rive sud, l'Union Européenne, faisant face à des stocks croissants (400 000 tonnes en 1980 et 1 100 000 tonnes en 1992) a dû mettre en place dès le début des années quatre-vingt une politique commerciale offensive. C'est ainsi que les exportations de viande bovine de l'UE passent de 650 000 tonnes en 1980 à 1 300 000 tonnes en 1992. En 1994, les pays du Maghreb et du Moyen Orient ont été destinataires de 54 % des exportations totales de viande de l'UE.

Comme pour les céréales et les viandes, le lait européen a

également conquis les marchés d'Afrique noire et du Maghreb. En 1992, 25 % des exportations européennes de poudre de lait et 33 % de poudre de lait entier ont été écoulés en Afrique. La pomme de terre, le concentré de tomate sont eux aussi écoulés en partie sur les marchés maghrébins et du Moyen Orient.

Ces quelques exemples montrent bien qu'il sera très difficile

aux PTM de s'intégrer au futur espace euro-méditerranéen par le 111- SOLAGRAL, idem que 24, p65.

153

Page 154: Réformes économiques et agriculture en Algérie

biais du secteur agricole. Cette intégration s'avère d'autant impossible que des pays comme l'Espagne et le Portugal, qui viennent d'être intégrés à l'Union Européenne, développent des spécialisations identiques (maraîchage, fruits) à celles de plusieurs PTM. Mais en supposant que cette concurrence est à la portée de plusieurs pays de la rive sud, alors doit-on lier l'avenir de toute une sous région à des écarts de calendrier de six à sept jours seulement?

A l'arrière plan de ces interrogations, se pose l'autre question,

celle de savoir quelle est la place des PTM dans l'Euro-Méditerranée? Conclusion : Pour résorber la contrainte extérieure, les responsables de

l'économie algérienne ont fait le choix d'ouvrir d'avantage cette dernière aux capitaux étrangers. L'ouverture des économies nationales à l'investissement étranger est une exigence de la nouvelle économie mondiale qui évolue vers la formation de trois grands espaces économiques régionaux, c'est-à-dire vers la globalisation. Le Japon devient le pivot autour duquel gravitent désormais les pays de l'Asie du Sud, les Etats-Unis d'Amérique s'étendent vers leur sud et intègrent progressivement les pays latino-américains alors que l'Union Européenne voit ses frontières économiques s'étendre à l'Est et au Sud par l' "intégration" des PECO et des PTM.

De par sa proximité géographique et culturelle ainsi que par ses

traditions commerciales, l'Algérie est forcément un pays "euro-méditerranéen" qui tente de s'intégrer et de tirer avantage de cette nouvelle aire de coopération en axant l'essentiel de ses échanges commerciaux extérieurs sur les pays de l'Union Européenne. Il s'agit ici d'un engagement qui témoigne des orientations globales et de l'attachement de ce pays à se développer dans le nouvel espace économique régional.

Mais à analyser de près la situation économique de l'Algérie

ainsi que les efforts qu'elle tente de développer pour résorber la contrainte extérieure, on se rend compte que celle-ci à tendance à s'aggraver. Les indices de l'aggravation de cette contrainte sont la focalisation de plus en plus accentuée des échanges extérieurs, la dépendance accrue du secteur des hydrocarbures qui nécessite des investissements de plus en plus importants, l'absence de compétitivité des autres secteurs économiques et enfin la lenteur, voire l'absence

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Page 155: Réformes économiques et agriculture en Algérie

d'attrait des capitaux étrangers. L'Euro Méditerranée serait- elle alors une zone de prospérité partagée , un marché pour les pays développés ou encore une "région économique" dans laquelle "... aucun projet économique régional ne se fera sans l'accord et la contribution de Washington" et notamment d'autres puissances économiques extérieures à la région?

La question est posée et mérite nécessairement des engagements

qui soient à la hauteur des aspirations au développement exprimées par les différentes parties. Mais la hâte avec laquelle l'Algérie a focalisé la totalité de ses engagements de développement futur dans cette région lui donne-t-elle des chances de négociation de son "intégration" future à cet espace. Lui permet-elle d'éviter de devenir un marché captif? L’Algérie dispose-t-elle d'autres cartes qui lui permettraient de mieux négocier sa place dans cet ensemble ou doit-elle se résigner à jouer son rôle traditionnel de pays pourvoyeur d'hydrocarbures? Sa dépendance vis à vis de l'extérieur ne risque-t-elle pas de s'aggraver et son économie de subir d'autres récessions? A ce propos, les réformes mises en place et qui tardent à se finaliser ont-elles généré les progrès nécessaires à la jugulation de la dépendance vis à vis de l'extérieur?

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Page 156: Réformes économiques et agriculture en Algérie

DEUXIEME PARTIE

Effets des réformes sur le développement du secteur agricole : les premiers résultats.

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Page 157: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre VIII : Performances récentes et insuffisances du secteur agricole

Contrairement au reste de l'économie et particulièrement au

secteur industriel, le secteur agricole a enregistré, conséquemment aux réformes qui lui ont été appliquées depuis 1987, quelques améliorations. Celles-ci consistent- le fait est rarissime- en la tendance à l'augmentation de certaines productions mais aussi et surtout en la participation accrue de l'agriculture dans la richesse nationale.

Cependant, bien que le secteur agricole semble entamer une

phase de distinction positive du reste des secteurs économiques, plusieurs insuffisances continuent à le caractériser. Ces dernières sont d'ordre structurel et liées à la difficulté de transformation, en un laps de temps relativement court, des tendances lourdes de ce secteur.

Dans ce cadre, l'objet de ce chapitre est de présenter d'une part

les performances et insuffisances récentes du secteur agricole et de tenter d'appréhender d'autre part, les tendances lourdes de ce secteur que nous illustrerons par le cas de la céréaliculture.

I- En situation de "crise", le secteur agricole est plus "performant" que le secteur industriel.

Les performances du secteur agricole se mesurent d'une part

par rapport à celles réalisées dans d'autres secteurs, particulièrement dans le secteur industriel et d'autre part, par rapport à l'évolution interne de ce même secteur.

11- Croissance de l'agriculture et récession de l'industrie La crise de l'économie algérienne affecte différemment les

secteurs d'activité qui la composent. Elle a pour premier effet une plus grande participation du secteur agricole à la création de nouvelles richesses et une diminution de la part relative de l'industrie dans ces richesses.

C'est ce que l'on peut constater en effet dans le tableau suivant

dans lequel sont indiquées les parts relatives de la Valeur Ajoutée (VA)

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Page 158: Réformes économiques et agriculture en Algérie

agricole et industrielle dans le PIB et d'autre part les indices d'évolution de cette VA depuis 1987.

Tab48 : Evolution de la part relative de la VA Agricole et de la VA Industrielle dans le PIB (1984-1993): indice 100 en 1987.

Année V.A Agricole V.A Industrielle en % du

PIB Indice en % du

PIB Indice

1984 8,7 69 16,0 119 1985 11,2 89 15,9 119 1986 13,0 103 18,8 140 1987 12,6 100 13,4 100 1988 11,5 91 13,6 101 1989 12,8 102 11,4 85 1990 11,1 88 10,3 76 1991 10,8 86 9,6 72 1992 12,0 95 10,1 75 1993 12,8 102 10,5 78

Source: BM, doc 3, Ext p 78 Alors que la VA agricole ne représentait, en pourcentage, que la

moitié de la VA industrielle dans le même agrégat en 1984, la part de cette première (dans le PIB) est légèrement supérieure à la part de la seconde en 1993: elles sont respectivement de 12,8 et 10,5% contre successivement 8,7 et 16% en 1984.

Comparées à la date de démarrage des réformes économiques

(fin 1987 début 1988), il faut retenir que: - la valeur ajoutée agricole s'est caractérisée par une forte

augmentation de sa part relative dans le PIB de 1984 à 1987 puis, par un ralentissement de cette part entre 1987 et 1993. L'indice de la part relative de la VA A (valeur ajoutée agricole) dans le PIB passe de 69 en 1984 à 100 en 1987 et à 102 en 1993: une sensible diminution a caractérisé les années 1990 à 1992.

- la valeur ajoutée industrielle (VAI) s'est également caractérisée par une forte hausse de sa part dans le PIB de 1984 à 1986 et ensuite par une diminution régulière de cette dernière date à 1993. L'indice de cette variable passe de 119 en 1984 à 140 en 1986 (100 en 1987) à 78 en 1993.

L'écart favorable enregistré par le secteur agricole ne se mesure

pas seulement en valeur relative mais aussi en valeur absolue.

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Page 159: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En dinars courants, la VAA a été multipliée par 3,6 en 1993 par rapport à 1987: elle passe de 41,1 milliards de DA en 1987 à 147 milliards de DA en 1993. En outre, la VAA évolue à un rythme plus rapide que la VAI. De l'indice 100 en 1987, cette première passe à l'indice 358 en 1993 et la VAI à l'indice 275 soit un écart de 83 points. Ceci est à souligner, d'autant que l'écart indiciaire était en faveur de l'Industrie en 1984 (+32 points).

Enfin, on retiendra que, toutes choses égales par ailleurs, le

rythme d'évolution de la VAA tend à se rapprocher de celui de la VATotale : l'écart en points indiciaires entre la seconde et la première n'est que de 11 points en 1993 contre 41 points en 1984. C'est souligner la participation grandissante de l'agriculture à la création des richesses nationales.

Tab49 : Evolution de la VA agricole, industrielle et totale de 1984

à 1993 (en 109 DA)

Année VAA VAI VAT Valeur Indice Valeu

r Indice Valeu

r Indice

1984 18,3 45 33,6 77 210 86 1985 25,9 63 36,7 84 231,4 94 1986 29,7 72 42,9 98 228,8 93 1987 41,1 100 43,7 100 244,9 100 1988 40,3 98 47,6 109 264,8 108 1989 54,0 131 48,1 110 325,9 133 1990 59,4 145 55,4 127 420,5 172 1991 85,9 209 76,0 174 623,0 254 1992 118,8 289 99,4 227 781,6 319 1993 147,0 358 120,3 275 904,0 369

Source: BM, Doc 3, Ext p 46.

12- Le secteur agricole, plus apte à résorber le chômage Les performances récentes du secteur agricole peuvent être

également appréciées dans le domaine de la création de l'emploi. En effet, bien que la création de nouveaux emplois au niveau de l'économie entière fut faible entre 1987 et 1993, le secteur agricole demeure l'un des rares secteurs économiques où le nombre moyen annuel d'emplois crées entre 1988 et 1993 est supérieur au même nombre moyen entre 1984 et 1987.

Mis de côté le secteur de la "Construction et du BTP" dont

l'élasticité de l'offre d'emploi a atteint la valeur de 330% entre 1988 et 1993 comparativement à la période 1984-1987, le secteur agricole est

159

Page 160: Réformes économiques et agriculture en Algérie

celui qui a enregistré le plus fort taux d'élasticité en matière de création d'emploi durant les deux phases de référence.

Tab 50: Nbre moyen annuel d'emplois crées par les différents

secteurs entre 1984-1987 et 1988-1993.

Désignation Offre d'emploi (moyenne

annuelle) Elasticité

1984-1987 1988-1993 en % Agriculture 14 300 15 400 + 7,7 Industrie 10 000 3 000 - 70 Construction 2 000 8 600 + 330 Commerce et Sces

15 300 16 200 + 5,9

Administration 45 300 30 400 - 32,9 Total 86 900 73 600 - 15,4

Source: Construit à l'aide des données du CNP.

Bien que le secteur des Administrations soit le secteur où a été créé le plus grand nombre d'emplois entre 1988 et 1993 (environ 40% de l'emploi total), il faut relever qu'il a été :

- plus difficile de créer de nouveaux emplois au niveau de ce

secteur, - ainsi qu'au niveau du secteur industriel (élasticité négative et

respectivement égale à -32,9 et -70 % : -15,4 % au niveau de toute l'économie).

- plus aisé de créer de nouveaux emplois dans le secteur du BTP premièrement (e = +7,7 %) et dans le secteur du commerce et des services ensuite (e = +5,9 %).

Mais si on doit rappeler que le secteur de la Construction et du BTP sont les secteurs où la crise de récession a le plus d'effet et dont l'une des manifestations est leur incapacité à pourvoir au paiement des salaires des ouvriers qu'ils emploient, et si on doit souligner avec Slimane BEDRANI, en ce qui concerne l'emploi administratif que "des dizaines de milliers (peut-être des centaines de milliers) de fonctionnaires ne travaillent réellement, en moyenne, qu'une ou deux heures, quotidiennement tout en percevant des salaires relativement confortables pour un pays en développement" 112, il faut alors conclure que le secteur agricole est, malgré la crise qui le caractérise lui aussi, le

112- S. BEDRANI: l'intervention de l'Etat dans l'agriculture en Algérie: constat et propositions pour un débat, options Méditerranéennes, Série B, n°14, CLHEAM, 1995, p 87.

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Page 161: Réformes économiques et agriculture en Algérie

secteur le plus performant en matière de création d'emploi depuis le lancement des réformes de 1987-1988.

En plus de ces améliorations, on relèvera également la hausse

du niveau général de la production physique:

13- Une production agricole en hausse mais toujours fluctuante La crise de récession qui affecte l'économie depuis 1985-1986,

les réformes, auxquelles fait face cette dernière, semblent opérer des changements appréciables dans la tendance générale de la production agricole. Cette dernière se caractérise, malgré les fluctuations, par une hausse.

Si on prend en effet comme année de base, les années de

lancement des réformes dans le secteur agricole c'est-à-dire 1987 et 1988, nous pouvons constater, comme le montre le tableau suivant, l'augmentation jusqu'en 1991 et 1992, de l'ensemble des productions à l'exception de celle des viandes blanches et des produits de la pêche.

Avec l'indice 100 en 1987 et 1988, les céréales passent à l'indice

217 en 1991-92, les fourrages à 137, les légumes secs à 126, les cultures industrielles à 163, les maraîchages à 117, les fruits à 127, les agrumes à 117 et les viandes rouges à 127.

Tab 51 : Evolution indiciaire des principales productions agricoles physiques(1987 et 1988=100)

Spéculations 1985-86 1987-88 1989-90 1991-92 1993-94 Céréales 172 30963 117 217 78 Fourrages 139 15887 87 137 55 Légumes secs 123 1010 82 126 86 Cult industrielles 93 3330 95 163 299 Maraîchage 91 47754 101 117 116 Oléiculture 103 hl 116 3111 68 74 108 Fruits frais 94 3684 103 127 153 Agrumes 85 5838 93 117 126 Viandes rouges 76 17602 123 127 136 Viandes blanches 83 4500 117 96 93 Poissons 92 1701 96 93 140

Sources: Données MA et BM - Doc 1, Ext p 44

-L''agriculture par les chiffres, 1993 et 1994. Dans le même sens d'évolution, plusieurs cultures et

spéculations ont vu leur production augmenter en 1993 et 1994. C'est notamment le cas des cultures industrielles (indice 299), des fruits

161

Page 162: Réformes économiques et agriculture en Algérie

(153), des viandes rouges (136), des agrumes (126), du maraîchage (116) et de l'oléiculture (108).

D'autres cultures par contre, celles classées stratégiques par le

ministère de l'agriculture, ont vu leur production diminuer en 1993 et 1994 par rapport à 1987 et 1988, de 15% pour les légumes secs, de 25% les céréales et voire même de moitié en matière de fourrages. Nous devons remarquer qu'en ce qui concerne ces trois dernières spéculations, les fluctuations sont très importantes et peuvent varier du simple au triple (céréales: 1993-94 par rapport à 1991-92 fourrages: 1993-94 par rapport à 1985-86) et du simple pratiquement au double (légumes secs: 1993-94 par rapport à 1991-92 ou 1985-86).

En procédant de la même façon, c'est-à-dire en calculant des

moyennes biennales entre 1981 et 1982 et 1993 et 1994, puis en rapportant ces chiffres à 1987 et 1988 (année de base), on constate que, hormis l'élevage ovin et caprin, tous les autres types d'élevage (bovin, équin et camelin) ont connu durant les dix dernières années une baisse importante de leurs effectifs.

Tab 52 : Evolution indiciaire des effectifs des différents types d'élevage (1987-88=100).

Désignation (moyenne)

Bovin Ovin Caprin Equin Camelin

1981-1982 101 90 117 98 124 1983-1984 107 104 120 104 111 1985-1986 97 90 108 101 102

1 425 000 16 288 000 2 400 000 85 000 124 000 1989-1990 98 107 102 99 98 1991-1992 93 110 113 82 113 1993-1994 91 112 109 82 92

1987-1988

Sources: Données 1)MA-BM, Doc 3, Ext p 62- 2)MA: L'agr par les chiffres: 1993 et 1994.

Le tableau précédent indique en effet une baisse : - de 9% de l'effectif des bovins entre 1987-88 et 1993-94 mais

une baisse de 16% entre 1983-84 et cette dernière date; - de 18 à 23% de l'effectif équin selon que l'on prenne comme

années de base 1987-88 ou 1983-84. - de 8 à 32% de l'effectif camelin (1993-94 par rapport

respectivement à 1987-88 et à 1981-82). Ces données sur l'élevage nous éloignent, peu à peu, des

performances récentes du secteur agricole.

162

Page 163: Réformes économiques et agriculture en Algérie

II- Les insuffisances : persistance des tendances

traditionnelles. L'une des faiblesses, sinon la faiblesse la plus importante du

secteur agricole est son incapacité à auto suffire la population en produits agricoles et alimentaires. Les améliorations constatées au niveau de la production sont-elles synonymes de réduction de la dépendance alimentaire de l'Algérie et d'une plus grande intégration agro-industrielle?

21- Une réorganisation sans effet sur les importations alimentaires

Les "performances" récentes enregistrées par le secteur

agricole ne signifient pas cependant une plus grande indépendance alimentaire du pays. Mesurée en termes d'importations alimentaires, celle-ci est moindre après les réformes de 1987-1988.

Tab 53 : Evolution des importations totales et alimentaires de l'Algérie (moyennes biennales de 1985 à 1992)

( Valeur: en millions de $)

1984 1985-86 1987-88 1989-90 1991-92

1993

Importations Valeur 12 646 11 805 9 587 11 408 9 798 9 458 totales Indice 134 123 100 119 102 99 Importations Valeur 3 230 3 351 3 249 3 023 3 064 de produits en % 25,5 28,4 33,9 34,7 30,9 32,4 alimentaires indice 99 103 100 122 93 94

Source: BM, Extrait Doc 1 p 4.

Ce tableau montre en effet que même si les importations alimentaires tendent à diminuer en valeur (indice 94 en 1993 et 100 en 1987-88), leur part dans les importations totales tend, au contraire, à augmenter. Elle passe de 25,5% en 1984 à 33,9% en 1987-88 et à 32,4% en 1993.

L'augmentation de la part alimentaire dans les importations totales signifie que l'Algérie, étant en situation de crise de paiement extérieur (diminution des importations totales), se voit contrainte d'éliminer l'importation de produits de consommation "ostentatoires" et de n'importer que les produits alimentaires "stratégiques" : c'est la phase dite des "importations incompressibles" et de gestion rigoureuse de la contrainte financière extérieure.

163

Page 164: Réformes économiques et agriculture en Algérie

A ce dernier propos, il est utile de relever que parmi les

importations incompressibles, les céréales et les produits laitiers continuent à voir, comme on le constate ci-dessous, leurs volumes augmenter à l'importation.

Sauf années exceptionnelles, la production nationale des

céréales ne couvre que les 3/10 environ des besoins nationaux en ce même produit. La même remarque prévaut pour la couverture des besoins en lait dont le taux d'auto-suffisance ne s'élève qu' à 40% environ.

Tab 54 : Evolution des importations céréalières et des produits

laitiers ( en volume)

Céréales Lait en poudre

103 tonnes en % la cons° totale

Tonnes en % de la cons° totale

1983-84 2 500 65 76 675 64 1985-86 2 800 52 81 600 65 1987-1988 2 375 61 101 500 63

4 760 72 128 500 61 1991-1992 3 865 52 131 108 62

1989-1990

Sources: Construit à l'aide des données tirées de - S. BEDRANI: CREAD, 1993. - R. AMELLAL: OM, n° 14, 1995.

22- Une autosuffisance alimentaire incertaine.

Les potentialités agricoles de l'Algérie sont, à nous fier aux études113 récentes de la Banque Mondiale, inestimables. L'Algérie, grâce à sa vaste étendue (2,4 millions de km² environ, ce qui la classe, en terme de superficie, second de l'Afrique et dixième dans le monde), à la diversité de ses zones climatiques (humide sur la bande du littoral, sub-humide dans la zone des hautes plaines de l'intérieur et sec en zones steppique et saharienne) et enfin à ses potentialités hydriques superficielles et souterraines, est considérée comme un pays où il ne peut y avoir de rupture de cycle naturel de plusieurs spéculations. Le Sahara qui offre la possibilité de produire deux fois durant la même année des céréales et des légumes frais durant la période de froid dans

113- BM: Review of agricultural policies and agricultural services: 1987-1993, Déc 1994.

164

Page 165: Réformes économiques et agriculture en Algérie

le nord, est considéré par plusieurs agronomes comme une "serre à ciel ouvert". Mais en dépit de cette richesse naturelle, l'agriculture nationale ne couvre que 24% 114environ des besoins alimentaires nationaux.

Néanmoins, on peut remarquer dans le tableau qui suit, que si

l'autosuffisance alimentaire demeure incertaine, des progrès appréciables ont été enregistrés ces dix dernières années notamment en ce qui concerne les légumes verts, les viandes rouges, les viandes blanches et les oeufs de consommation, même si pour certains de ces produits l'autosuffisance est loin d'être atteinte.

Tab 55 : Evolution du taux d'autosuffisance alimentaire de certains produits agricoles (1981-1990).

Désignation 1981 1983 1985 1987 1989 1990 Céréales et dérivés

48 82 70 48 51 33

14 20 21 Légumes verts 61 49 60 99 91 89 Fruits 117 86 73 77 74 65 Viandes rouges 68 60 65 80 74 74

68 85 71 99 113 99 Oeufs de consom- 31 52 69 111 119 110 Lait - - 35 39 - 40

Légumes secs 10 23 11

Viandes blanches

Sources: Données de: S. BEDRANI, CIHEAM, 1993. R. AMELLAL, CIHEAM, 1995.

En effet, l'autosuffisance est pratiquement atteinte pour les

légumes verts (89% en 1990 contre cependant 99% en 1987), les viandes blanches (99%) et les oeufs de consommation. Mais atteindre l'autosuffisance alimentaire en ces produits n'a pas grande signification pour le consommateur algérien dont le modèle de consommation est avant tout à base de céréales et de lait.

A ce sujet, on doit retenir avec R. AMELLAL qu' "en Algérie, le lait occupe une place importante dans la ration alimentaire de chacun, quel que soit son revenu. Ainsi, pour 1990, on estime que la lait a compté

114- Estimation de la FAO; citée par: O. BESSAOUD et M. TOUNSI: "Les stratégies agricoles et agro-alimentaires de l'Algérie et les défis de l'an 2000", O.M, n°14, 1995.

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Page 166: Réformes économiques et agriculture en Algérie

pour 65,5% de la consommation de protéines d'origine animale, devançant largement la viande (24,4%) et les oeufs (12,1%)"115.

S'agissant des céréales, on n'omettra pas de souligner qu' "elles sont la source principale des calories alimentaires et la base commune de tous les régimes alimentaires (urbains et ruraux et pour les différents strates de revenus)"116.

Compte donc tenu de ces précisions, force est de conclure que l'autosuffisance alimentaire de l'Algérie est, aux conditions actuelles de production, incertaine. C'est ce que nous pouvons en effet constater à l'analyse des tendances lourdes du secteur qui seront illustrées par le cas particulier des céréales qui revêtent un statut spécifique dans le système de production agricole mais aussi dans le modèle de consommation algérien.

III- Une agriculture empreinte d'immobilisme : cas de la céréaliculture.

Les réformes économiques se sont soldées, ainsi que nous

l'avons vu dans le paragraphe I, par la hausse conséquente des productions de plusieurs spéculations mais aussi par la stagnation, voire, par la baisse de quelques autres après, cependant, une augmentation substantielle sur deux à trois campagnes.

Cette constatation, fondée sur l'analyse de la courte période, peut être à l'origine de plusieurs erreurs d'appréciation de l'évolution récente du secteur agricole. Dans le souci d'éviter cet écueil, l'objet assigné à ce paragraphe est de tenter de dégager, sur la base des résultats de production des cinquante dernières années, la ou les tendances lourdes de la céréaliculture. Nous appréhenderons ces tendances par rapport à :

115- Rachid AMELLAL: "La filière lait en Algérie: entre l'objectif de la sécurité alimentaire et la réalité de la dépendance" in OM, Série B, n°14, CIHEAM, 1995, p 230. 116- A.M JOUVE, S. BENGHAZI et Y. KHEFFACHE: "La filière des céréales dans les pays du Maghreb. Constante des enjeux, évolution des politiques" in OM, Série B, n°14, CIHEAM, 1995, p 170.

166

Page 167: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- l'évolution des superficies consacrées annuellement aux céréales,

- l'évolution des résultats de la production et enfin, - la structure des superficies céréalières et ce, afin de tenter de

cerner les grandes phases d'évolution de la culture des différentes espèces.

31- Une superficie céréalière limitée. La céréaliculture est, vu sous une optique de longue période,

une céréaliculture fortement stable, autrement dit peu évolutive. La stabilité de cette spéculation peut être perçue aussi bien au niveau des superficies qui lui sont annuellement consacrées qu'au niveau des résultats de la production, qui ne connaissent pas de changement appréciable depuis un siècle et demi.

En effet, les superficies réservées à la culture des céréales s'élèvent en moyenne (moyenne décennale) à 2,5 millions d'ha. La superficie céréalière peut cependant connaître par moment des baisses très importantes (1,25 millions d'ha en 1851-1860) et par autre moment des hausses de plus d'un demi million d'ha (3,07 millions d'ha en 1950-1959). C'est ce que montre le tableau ci-après dans lequel nous avons reconstitué, en empruntant des données à Pierre LAUMONT117 et aux institutions administratives118 qui se sont succédé de 1940 à nos jours, l'évolution des superficies de cette culture.

Tab 56 : Evolution de la superficie céréalière totale (moins l'avoine) de l'Algérie de 1851 à 1993 (moyennes décennales).

Phase Superficie

103 ha Indice Phase Superficie

103 ha Indice

1851-1860 1 522 40,6 2 526 1940-1949 82,2 1861-1870 2 117 68,9 1950-1959 3 072 100 1871-1880 2 519 82,0 1960-1969 2 698 87,8 1881-1890 2 753 89,6 1970-1979 2 971 96,7 1891-1900 2 765 90,0 1980-1989 2 542 82,7 1901-1910 2 932 95,4 1990-1993 2 701 87,9 1911-1914 2 896 94,3 moy 1851-93 2 544 - 1915-1924 1 522 49,5 max 1851-93 3 072 - 1925-1934 2 910 94,7 min 1851-93 1 249 -

Sources : -P. LAUMONT (1851-1939),-GGA (1940-1960)-et MA (1960-1993). 117Pierre Laumont : La céréaliculture algérienne, Document ronéoté, 1937, INA El Harrach. 118- GGA : Renseignements statistiques agricoles, Série B, (1940-1960), - Ministère de l'Agriculture : Statistiques agricoles, Série B, (1964-1993).

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Page 168: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Considérée par rapport aux superficies, la culture des céréales a atteint son summum en 1950-59 : l'indice décennal qui atteint la valeur 100 (phase de base) à cette époque n'est réalisé ni avant, ni après cette date. Durant la période d'indépendance nationale et particulièrement durant la décade 1970-1979, considérée comme la phase des choix stratégiques, l'indice des superficies atteint la valeur de 96,7 contre 82,7 en 1980-1989 et 87,9 en 1990-93.

Du point de vue localisation géographique, il faut relever que l'espace céréalier a connu peu de changement depuis la réintroduction, en 1900 - 1915, de la technique du dry-farming qui, tout en ayant permis de gagner de nouvelles superficies céréalières dans les zones sèches des hautes plaines (200 000 nouveaux ha dans les seules régions d'Oran et de Constantine), les a quasi-définitivement circonscrites aux zones à faible pluviométrie. En effet, il semble être admis depuis le début de ce siècle que ce sont les plaines de l'intérieur du pays, recevant entre 250 et 500 mm d'eau par an, qui sont à vocation céréalière119. Les autres zones agricoles, les plaines côtières, sont réservées aux cultures ne pouvant supporter l'aridité du climat des hautes plaines (maraîchage, agrumes, vignoble).

Ainsi, la céréaliculture algérienne a, au fil du temps, développé une autre tendance lourde qui est sa dépendance de la pluviométrie. C'est pourquoi on utilise, pour mieux la caractériser, la notion de céréaliculture pluviale (notion que nous développerons dans le chapitre 10 ) dont les niveaux de production et de rendement sont souvent bas et quasi-stables.

32 - Des rendements fixes. Comme pour les superficies, le meilleur niveau de production

décennal de la production céréalière a été atteint en 1950-1959. La production annuelle moyenne s'est élevée, durant cette phase, à 19 millions de quintaux. En prenant 1950-1959 = 100, la production moyenne décennale est de 85,1 en 1960-69, de 80,6 en 1980-89 et de 95,4 en 1990-93. Il est utile de relever que le niveau de production réalisé en 1980-89 est légèrement inférieur à celui obtenu en 1891-1900.

119Se conférer à Ghislaine MOLLARD : L'évolution de la culture et de la production de blé en Algérie de 1830 à 1939, Editions Larose, Alger, 1950.

168

Page 169: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 57 : Evolution de la production totale des céréales (moins l'avoine) en Algérie de 1851-1860 à 1989-1993 (moyennes décennales).

Phase Prod

(103 qx) Indice Phase Prod

(103 qx) Indice

1851-1860 6239 31,4 1940-1949 12603 63,4 1861-1870 9687 48,7 1950-1959 19872 100 1871-1880 13328 67,0 1960-1969 16911 85,1 1881-1890 14624 73,6 1970-1979 17864 89,9 1891-1900 16274 81,9 1980-1989 16024 80,6 1901-1910 18511 93,2 1990-1993 18949 95,4 1911-1914 16742 84,2 moy 1851-93 15271 - 1915-1924 14952 75,2 max 1851-93 19872 - 1925-1934 16493 83,0 min 1981-93 6239 -

Source : idem que tab précédent. En termes de rendement, ces derniers sont extrêmement bas. Le

rendement moyen réalisé de 1851 à 1993 ne s'élève guère qu'à 6,04 qx/ha seulement. Le rendement le plus élevé, 982 kg/ha, a été obtenu durant la décade 1915-1924.

Dans l'ensemble, les rendements céréaliers décrivent deux

phases distinctes, soit de 1851/60 à 1915/24 et de 1925/34 à 1990/93. Durant la première phase, on assiste à une hausse régulière des

rendements qui passent de 4,99 qx/ha en 1851-1860 à 9,82 qx/ha en 1915-1924. C'est donc durant la phase de la Première Guerre mondiale (on peut penser que la métropole étant en guerre, l'effort de développement des céréales est porté sur les colonies dont l'Algérie) que l'on obtient paradoxalement le rendement le plus élevé, jamais réalisé ni durant le reste de la période coloniale ni après celle-là.

Tab 58 : Evolution du rendement moyen décennal des céréales (moins l'avoine) de 1851-1860 à 1990-93.

Phase qx/ha phase qx/ha

1851-1860 4,99 1940-1949 4,98 1861-1870 4,57 1950-1959 6,46 1871-1880 5,59 1960-1969 6,26 1881-1890 5,31 1970-1979 6,01 1891-1900 5,88 1980-1989 6,30 1901-1910 6,31 1990-1993 7,01 1911-1914 5,78 moy 1851-1993 6,04 1915-1924 9,82 max 1851-1993 9,82 1925-1934 5,66 min 1851-1993 4,57

Source: tiré des deux tab. Précédents.

169

Page 170: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Durant la seconde phase, c'est-à-dire de 1925/34 à 1990/93, les rendements enregistrent une chute brutale en début de période (4,98 qx/ha en 1940-49) et entament ensuite une nouvelle ère de croissance lente : en 1990/93, on parvient enfin à arracher quelques 700 kg à l'ha cultivé.

Ainsi, force est de souligner qu'il faut disposer du même laps de

temps (70 à 75 ans) pour combler la chute d'un rendement obtenu durant autant d'années d'effort. En effet, il a fallu plus de soixante-dix ans (1851-1924) pour accroître le rendement moyen de 6,6 kg/ha/an et soixante dix autres années se sont déjà écoulées depuis, sans que l'on soit encore parvenu à combler l'écart : de 1925 à 1993, le rendement moyen n'a cru qu'au rythme de 1,98 kg/ha/an et de 1,42 kg/ha/an entre 1851/60 et 1990/93 (pour l'évolution annuelle du rendement se conférer à la partie annexe dans laquelle ce propos est illustré par le cas de la wilaya de Sétif de 1940 à 1996).

Donc autant dire que les rendements céréaliers algériens sont

fixes et qu'il est trés difficile de les améliorer sans la révision de la politique céréalière dans laquelle la question de savoir s'il faut produire pour une autosuffisance ou pour assurer juste une sécurité céréalière devient inévitable.

33 - Des politiques céréalières spontanées. La culture des céréales en Algérie est également dépendante de

l'évolution de la politique économique globale c'est-à-dire des changements institutionnels et structurels.

L'analyse de l'évolution des superficies céréalières selon la

destination finale des production qu'elles génèrent, permet de déceler pour les cinq dernières décennies au moins trois phases d'évolution de la politique céréalière.

Tab 59 : Evolution de la structure des superficies céréalières de

l'Algérie selon la finalité de la production. Phase BD BT BD+BT Orge Avoine Orge+avoine

1940-49 40 16 56 37 7 44 1950-59 43 13 56 40 4 44 1960-69 54 14 1 71 28 29

47 24 71 26 3 29 1980-89 38 20 58 37 5 42 1990-93 39 14 53 42 5 47

1970-79

Sources : GGA et Ministère Agriculture.

170

Page 171: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La première phase, correspondant à la fin de l'ère coloniale

(1940-1960), se caractérise par un quasi-équilibre entre les superficies des céréales destinées à la consommation humaine (56 %) et celles réservées à l'alimentation animale (44 %).

La seconde phase, couvrant les vingt premières années de

l'indépendance nationale (1960-1979), c'est-à-dire la phase de gestion centralisée de l'économie, se distingue par la priorité accordée au développement des blés. Les superficies qui leur sont consacrées représentent les 7/10 des superficies céréalières nationales. L'augmentation de la part des blés dans les superficies totales est due essentiellement, du moins durant la première décennie de l'indépendance nationale, à l'augmentation de prés de 12 % du total des superficies du blé tendre.

Les superficies réservées aux blés de 1960 à 1979 ont connu une

hausse brutale de 15 %. Le même changement brutal caractérise la troisième phase qui s'ouvre avec la réduction des superficies des deux spéculations précédemment citées.

La troisième phase (1980-1993), phase dite d'ouverture au

libéralisme mais aussi de début d'application de l'ajustement structurel, semble vouloir rétablir et même surpasser les équilibres d'avant l'indépendance nationale. En moins de quinze ans, les superficies réservées à l'orge et à l'avoine augmentent de 18 % par rapport à 1970-1979. Elles passent de 29 % en 1960-79 à 47 % en 1990-93.

Conclusion : Ces changements d'orientation, sinon de redéfinition de la

politique céréalière sont souvent à l'origine de l'annihilation, comme nous le verrons plus loin, de tout effort de développement céréalier : aussitôt qu'une nouvelle expérience commence à laisser poindre quelques résultats positifs que celle-ci est interrompue et qu'une autre est mise en place. Dans ces conditions, la céréaliculture ne peut connaître d'évolution positive. Elle est nécessairement stable dans une situation de faiblesse de ses résultats.

La phase actuelle n'échappe pas à cette tendance générale et on

ne peut que confirmer la remarque de Y. GUILLERMOU qui,

171

Page 172: Réformes économiques et agriculture en Algérie

évoquant les changements technico-économiques de l'agriculture algérienne, écrit : "Ces tendances contradictoires ne peuvent que se renforcer avec la nouvelle politique mise en oeuvre à partir des années 80 : la liquidation du secteur étatique, l'attribution de terres à des particuliers et les diverses mesures en faveur des producteurs "dynamiques" favorisent l'émergence de nouvelles catégories d'agriculteurs, parfois étrangers au milieu rural, et dont la coexistence avec la petite paysannerie ne va pas sans soulever des problèmes complexes..."120.

La tendance globale enregistrée par la production, notamment

la production des céréales et de lait incite à conclure que la réorganisation du secteur agricole, qui est considérée par certains comme un grand bond en avant, a échoué dans son objectif de réduction de la dépendance alimentaire qui, mesurée aux volumes importés, devient de plus en plus forte.

L'échec de la réforme est palpable notamment en matière de

céréaliculture qui se caractérise par sa tendance à la stabilité et à la constance aussi bien des superficies qui lui sont consacrées depuis plus d'un siècle que par sa productivité qui demeure trés faible, sinon trés insuffisante au vu des niveaux de productivité réalisés dans les pays voisins (voir chap 11).

La céréaliculture nationale est certes une céréaliculture pluviale

donc fortement dépendante des conditions climatiques, globalement défavorables (ce qui peut expliquer en partie la stabilité des résultats obtenus) mais cela ne constitue pas la seule cause de la faiblesse de ses résultats, de même que la dépendance des conditions climatiques ne doit plus servir de justification à une situation de non performance. En effet, des pays subissant le même aléa climatique (le Maroc, la Tunisie, voire même l'ensemble des pays bordant la mer Méditerranée) ont pu, certes à des degrés différents, améliorer, quand même, les niveaux de production et de productivité de leur agriculture respective. Ceci n'a cependant été possible qu'après transformation de leurs structures agraires (programmes d'ajustement structurel dans les pays de la rive sud, politique agricole commune dans le nord de la Méditerranée) et après une définition claire des objectifs assignés au secteur agricole. En 120Yves GUILLERMOU : Changements technico-économiques et formes de différenciation de la paysannerie : cas de l'Algérie, Université de Toulouse, communication au séminaire "Agriculture paysanne et question alimentaire", Paris, 20-23 février 1996.

172

Page 173: Réformes économiques et agriculture en Algérie

effet, si au Maroc, par exemple, ou encore en Tunisie des résultats substantiels ont été réalisés, c'est parce que des moyens adaptés ont été clairement définis (grande hydraulique au Maroc) en conformité à la stratégie d'insertion dans les marchés agricoles et alimentaires extérieurs.

L'Algérie, vivant dans le mythe d'un développement autocentré

et d'une rente pétrolière pouvant couvrir l'ensemble des dépenses à l'extérieur dont les dépenses alimentaires, a accordé peu d'intérêt à la compétitivité de son agriculture, voire au développement de celle-ci. C'est aujourd'hui l'agriculture méditerranéenne la moins développée, du moins, comme nous le verrons dans le chapitre 10, la plus vulnérable.

173

Page 174: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre IX - Tentative d'explication des insuffisances du secteur agricole réorganisé : le désengagement de l'Etat.

Dans le chapitre VIII précédent, nous avons pu repérer deux

principales tendances de la production agricole ou, ce qui revient au même, l'existence de deux groupes de spéculations.

En effet, un premier groupe se caractérise par l'augmentation, depuis le lancement des réformes en 1987-88, de sa production alors que le second voit la sienne stagner, voire baisser. Le maraîchage, l'arboriculture fruitière et les viandes appartiennent au premier groupe, les céréales et le lait au second.

Les céréales, le lait et les légumes secs sont, pour reprendre la terminologie et la classification officielle, des produits alimentaires stratégiques121. Bien que nécessaires et utiles à la réalisation de l'équilibre alimentaire, les légumes frais, les fruits et les viandes ne représentent pas la principale source calorique du consommateur algérien moyen. De ce fait, ils ne revêtent pas dans la classification des pouvoirs publics le même statut que les précédents et ne sont donc pas classés dans le groupe des produits alimentaires de base ou de consommation de masse122.

Ce sont pourtant ces derniers évoqués qui voient, pour le

souligner une fois de plus, leur production baisser, du moins stagner. Les causes explicatives de cette situation sont multiples.

Il y a celles que l'on impute et comme le mentionne le Pr Slimane BEDRANI à la concurrence internationale et aux politiques de subvention à l'exportation des produits mises en oeuvre dans les pays développés. "Les produits à taux annuels de croissance relativement forts sont, écrit-il, ceux qui n'ont pas (ou peu) subi la concurrence des importations et qui ont bénéficié d'une demande solvable forte (maraîchage, fourrages artificiels, viandes rouges, oeufs). Les produits

121- Se reférer à S. BEDRANI: les produits alimentaires stratégiques en Algérie: situation et politiques, CREAD, Alger, Août 1989, 42p. 122- Idem que ci-dessus.

174

Page 175: Réformes économiques et agriculture en Algérie

fortement importés (céréales, lait, huiles,...) ont vu leur production stagner, faiblement augmenter ou même stagner"123

Il y a ensuite, pour revenir aux causes explicatives, celles que l'on impute, comme nous l'avons fait dans le chapitre précédent, aux lourds héritages structurels et organisationnels du secteur agricole; héritages ne pouvant être facilement effacés en un laps de temps relativement court.

Il y a enfin des causes techniques et économiques imputables à

l'arbitrage et à la prise de décision quotidienne des hommes, c'est-à-dire à la politique agricole sous-tendant les transformations récentes du secteur agricole. C'est cet aspect que nous développerons dans le présent chapitre en tentant de montrer que le désengagement de l'Etat du secteur agricole permet le développement des activités spéculatives au sein de celui-ci124.

Plus précisément, nous voulons montrer que les moyens de

régulation mis en place dans le cadre de la politique de désengagement ne permettent pas, du moins pour l'instant, d'avoir des effets positifs sur le développement des "produits agricoles stratégiques".

Dans ce sens, nous tenterons d'analyser la politique de

désengagement de l'Etat sous les trois aspects suivants : 1- Politique des prix et des subventions. 2- Investissement et intensification. 3- Politique de financement et de crédit.

I - La politique des prix et des subventions : un système sans effet

sur le développement de la céréaliculture. L'idée généralement admise dans la théorie économique est que

l'augmentation des prix s'accompagne, toutes choses égales par ailleurs, par l'augmentation de la production. C'est cette idée qui 123- S. BEDRANI : Agriculture et alimentation en Algérie : faiblesses du passé et politiques actuelles, CREAD-INA, Alger, Avril 1993.- 70 pages. Pour de plus amples informations se conférer au chapitre 6 dans lequel est montré l'effet exercé par les exportations agro-alimentaires européennes sur le secteur agricole des PED. 124- Se conférer à l'article de H. AIT AMARA : La productivité des sols et le paradigme du blé, Communication au séminaire Agriculture paysanne et question alimentaire, Paris, 20-23 février 1996.

175

Page 176: Réformes économiques et agriculture en Algérie

semble être à la base de la décision de changer le système des prix agricoles en 1989, changement se caractérisant par la suppression de la subvention aux produits agricoles et aux intrants.

Dans ce sens, nous voulons montrer pour notre part que le

nouveau système des prix accorde la priorité au développement des cultures spéculatives c'est-à-dire, pour reprendre la terminologie du Pr. BEDRANI, aux cultures protégées de la concurrence internationale.

11- Evolution du système des prix agricoles: de la progression

arithmétique à la progression géométrique.

Les prix des produits agricoles, inputs et outputs, ont connu durant les vingt dernières années deux grandes phases d’évolution125.

La première couvre la phase 1973-1984 et se caractérise par le

blocage de l'ensemble des prix des produits agricoles à l'exception cependant de ceux de quelques produits stratégiques tels que les céréales et les légumes secs. A titre d'exemple, les prix des céréales et des légumes secs de consommation passent de l'indice 100 en 1973 à l'indice 251 pour le blé dur, 256 pour le blé tendre et l'avoine, 246 pour l'orge, 367 pour les pois chiches et les pois ronds, 358 pour les lentilles et 500 pour les fèves.

La seconde phase s'étend de 1984 à nos jours et se caractérise

par l'augmentation généralisée des prix des produits agricoles. Mais on peut remarquer que l'augmentation des prix est, de

1984 à 1989, du type arithmétique et de 1989 à 1993 du type géométrique. Mais les rythmes de croissance sont différents d'un groupe de produits à un autre.

En effet, les décideurs semblent tenir compte de la finalité du

produit lorsqu'il s'agit des intrants (pour les grandes cultures, pour les cultures maraîchères ou pour les activités d'élevage) et de la nature du produit agricole lui-même lorsqu'il s'agit de l'output.

125- Le présent paragraphe traitant des prix et subventions s'appuie essentiellement sur notre texte intitulé:"Prix, subventions et fiscalité agricoles en Algérie: illustration par le cas de la wilaya de Sétif", Séminaire RAFAC, Adana , Sept 1993.

176

Page 177: Réformes économiques et agriculture en Algérie

C'est ce que nous avons tenté de synthétiser dans le tableau suivant, en faisant des regroupements par familles de produits, les augmentations des différents prix agricoles à partir de 1984.

Tab 60 : Résumé de l'évolution synthétique des prix des produits agricoles (inputs et outputs)

de 1984 à 1993. Ainsi, le tableau ci-contre fait ressortir que l'évolution des prix

des produits agricoles s'est caractérisée de 1984 à 1993 par : - une progression de type arithmétique de 1984 à 1989 et de

type géométrique de 1989 à 1993; - une augmentation plus importante des prix des intrants des

produits stratégiques comparativement à ceux des autres produits; - une augmentation simultanée des prix à la production des

produits stratégiques et ceux de leurs inputs. Ceci n'est pas le cas des prix des autres produits dont

l'augmentation précède d'une année ou deux celle des prix des inputs entrant dans leur production.

Prenons à titre d'illustration le prix des matériels des grandes

cultures et le prix des aliments de bétail et avicoles. Dans le premier groupe, sont inclus les prix de onze produits et dans le second, sept.

On remarque que le prix moyen des matériels agricoles, dont

l'indice est de 100 en 1986, a augmenté de 25 points annuellement de 1986 à 1989. A partir de cette dernière date, date de début de la suppression des subventions aux facteurs de production, le prix est désormais multiplié par 3,5.

Ainsi en 1993, le prix indiciaire moyen des matériels servant à

la production des grandes cultures est multiplié par 6,5 en 1993 par rapport à 1986. Les intrants servant à la production de viandes rouges et blanches ne sont multipliés de 1984 à 1992, soit durant neuf années contre huit pour le premier groupe, que par 3,7 seulement.

Dans le même sens, on peut remarquer, en ce qui concerne les

cultures stratégiques, que leurs prix de cession (cas des céréales) ont augmenté moins vite que ceux des inputs entrant dans leur fabrication. Ils ont été multipliés, en ce qui concerne les céréales et leurs inputs, successivement par 5,7 et 6,5 sur une période de référence de 10 années pour les premières et de 8 années pour les seconds.

177

Page 178: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Ces quelques exemples confirment bien l'idée selon laquelle le système des prix adopté depuis 1989 est défavorable aux cultures céréalières.

12 - Un système des prix défavorable aux cultures céréalières. Dans l'économie de marché, les prix ont pour fonctions

essentielles la récupération du capital dépensé, la rentabilisation de celui-ci et l'accumulation d'un nouveau capital.

La structure des prix, c'est-à-dire le coût de production et le

profit, rend compte de la répartition de la valeur produite entre les différents agents de la production et par conséquent la possibilité offerte au propriétaire des moyens de production de renouveler et d'accroître son capital et sa capacité à se reproduire en tant que propriétaire.

Mais il arrive qu'un processus d'accumulation soit

momentanément bloqué. Selon que ce procès d'accumulation revêt ou non une importance sociale, l'Etat intervient ou non pour résorber cette crise et assurer la reproduction des rapports sociaux dominants.

Dans le cas de l'Algérie, la culture des céréales revêt, à cause de

sa prépondérance dans le système de production agricole, à cause du nombre de personnes qu'elle emploie et à cause aussi de sa prépondérance dans le système alimentaire, un caractère stratégique.

Mais avoir un statut "de culture stratégique" ne signifie pas

bénéficier automatiquement de l'appui de l'Etat. Le retrait de l'Etat du secteur de la production s'est accompagné par la mise en place de nouveaux moyens de régulation mais aussi par le retrait progressif aux exploitations agricoles des subventions à la production qui leur furent accordées : à présent, seul le système fiscal n'a pas encore connu de changement.

Sous cet angle d'analyse, la culture du blé dur ne bénéficie plus

de la même attention particulière de l'Etat et ce, malgré les traditions séculaires céréalières et alimentaires de l'Algérie. On doit rappeler, qu'en termes de consommation, le blé dur représente 71 % de la ration

178

Page 179: Réformes économiques et agriculture en Algérie

alimentaire céréalière consommée par le citoyen algérien en 1988 en termes de production, cette culture continue à être dominante dans plusieurs régions du pays.

Pour revenir donc au prix de production du BD, celui-ci est passé de 160 DA/q en 1984 à 1025 DA en 1992 et à 1900 en 1995 soit un accroissement de 1087,5 %, en l'espace de onze années.

126 et

Dans la wilaya de Sétif par exemple, le blé dur a occupé en 1992, 50 % environ des superficies céréalières et 22 % des superficies agricoles127.

Le sextuplement du prix entre 1984 et 1992 n'a pas cependant

grande signification en termes économiques. En effet, le prix relatif du BD est moins élevé en 1992 qu'il ne l’a été en 1984. Alors que la quantité de 1175 qx de BD s'échangeaient en 1984 contre 1 tracteur à roues de 60 cv, 30 qx d'engrais (respectivement 10 qx de TSP, 10 qx d'ammonitrate 33,5 % et 10 qx de NPK), 1 moissonneuse batteuse, 1 semoir, 1 cover-crop, 1 presse ramasseuse, 10 qx de BT et 10 qx d'orge, il faut disposer en 1992 de 1480 qx c'est-à-dire d'une quantité supplémentaire de 305 qx pour acheter la même quantité de marchandises. L'obtention des 305 qx supplémentaires ne peut se faire, aux conditions actuelles de la production, que par l'extension des superficies céréalières soit l'équivalent de 50 ha supplémentaires.

Cet exemple nous permet de mieux comprendre comment

l'augmentation des prix nominaux, qui signifie concrètement détérioration du pouvoir d'achat et paupérisation des agriculteurs céréaliers, peut être à l'origine de la recherche de la diversification, voire de la reconversion des systèmes de culture.

Dans le même sens, les dévaluations progressives de la valeur

du dinar, rapprochent, de plus en plus, le prix payé par l'Etat aux producteurs directs de celui auquel il paie les céréales sur le marché extérieur.

126- Chiffre emprunté à C. CHAULET, Y. BAZIZI et H. BENCHARIF : "Consommation des produits céréaliers : dynamique et comportements des consommateurs", Etude SEFCA, tome VI, ENIAL-AGROPOLIS, Alger-Montpellier, Juin 1993, 258 pages. 127F. CHEHAT, A. DJENANE et A-M JOUVE : "Production et mise en marché des céréales dans la région de Sétif", Etude SEFCA, tome III, ENIAL-AGROPOLIS, Alger-Montpellier, Juin 1993, 350 pages.

179

Page 180: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Si on prend comme cas d'illustration les céréales achetées par la

CCLS (coopérative des céréales et légumes secs) de Sétif en 1994 et en 1995, on s'apercevra que l'écart, qui représentait 50 % du prix interne moyen (le prix interne étant supérieur au prix sur le marché mondial) représente moins d'un quart de ce même prix en 1995.

C'est ce que montre en effet le tableau suivant dans lequel sont indiqués les prix d'un quintal des différentes espèces céréalières provenant de la collecte locale ou de l'importation (l'importation signifie ici que la source d'approvisionnement se situe à l'extérieur des frontières administratives de la wilaya : cette source peut être représentée soit par une autre CCLS soit, et c'est souvent le cas, par l'UCCA (union des coopératives céréalières d'Algérie qui ont leur siège dans les principaux ports du pays soit à Skikda, Bejaia, Alger,...)

Tab 61 : Evolution du prix d'achat moyen des céréales (rendu à la CCLS de Sétif).

Unité : Dinar/quintal.

Désignation

1994-1995 1995-1996

Collecte locale

Importation

Ecart Collecte locale

Importation Ecart

Blé dur 995,80 446,50 549,30 1 862,00 1 323,80 538,20 Blé tendre 884,70 352,80 531,90 1 657,10 823,00 834,10 Orge 567,70 982,80 -415,10 966,90 1 641,00 -

674,10 Avoine 629,90 - - 1 070,10 - - Moyennes 946,70 477,60 469,10 1 727,90 1 320 407,90

Source : CCLS de Sétif : tiré des Bilans d'activité.

On fera remarquer au passage, que le seul prix d'importation

supérieur au prix domestique est celui de l'orge (l'écart est de 415,1DA en 1994-95 et de 674,1 DA en 1995-96). Cet "avantage" voudrait-il dire que l'Algérie gagnerait à se spécialiser dans la production de viande et délaisser la production de céréales destinées à la consommation humaine? (Voir plus loin).

Pour atténuer les changements brusques des systèmes de

culture, du moins pour empêcher le développement rapide de la jachère nue (pâturages), l'Etat a-t-il mis en place depuis 1989, plusieurs moyens de régulation dont les subventions aux cultures stratégiques et un système fiscal souple.

180

Page 181: Réformes économiques et agriculture en Algérie

13 - Un système de subvention dégressif et un système

fiscal fictif. L'analyse de l'évolution de la structure des prix des produits

subventionnés permet de constater, malgré une diminution drastique, l'importance des subventions dans les prix de production.

Prenons à titre d'exemple et pour les raisons déjà évoquées, le

cas du prix de cession d'un quintal de BD. Celui-ci se compose depuis 1989 de trois éléments qui sont le prix garanti à la production (PMGP), la prime incitative de production (PIP) et l'indemnité de subvention (IS).

En revenant à la définition précédente du prix (= coût de

production + profit), on remarque que les deux derniers composants sont des variables exogènes et représentent la part du revenu versé par l'Etat aux producteurs au titre de la subvention à la production. Cette part est passée de 35 % en 1983-84 à 82 % en 1990-91 et à 46 % en 1993-94 mais à 27 % seulement en 1995-96.

Tab 62 : Evolution de la structure du prix de production d'un quintal de BD de 1979-80 à 1992-93 (en DA)

Campagne

PMGP PIP IS PP PIP+IS/PP (%)

1979-80 47,92 77,08 125 62 1980-81 64,32 75,68 140 54 1981-82 83,12 76,88 160 48 1982-83 33,80 126,2 160 79 1983-84 129,38 70,62 160 35 1985-86 148,38 71,62 220 33 1986-87 198,38 71,62 270 27 1987-88 198,38 71,62 270 27 1988-89 187,38 82,62 270 31 1989-90 125,82 80 194,18 400 69 1990-91 91,41 80 328,59 500 82 1991-92 111,41 80 348,59 540 80 1992-93 556,41 80 388,59 1025 46 1993-94 556,41 80 388,59 1025 46 1995-96 1384 - 516 1900 27

Source: JORA, divers n°s

Ainsi si on revient à notre exemple d'illustration précédent

relatif au pouvoir d'achat d'un producteur céréalier imaginaire, on aboutit à la conclusion que pour la même quantité de produits achetés en 1984 et en 1993, ce producteur devra donner en échange

181

Page 182: Réformes économiques et agriculture en Algérie

respectivement 765 et 800 qx de blé dur, le reste étant financé au titre de la subvention par l'Etat.

D'une façon générale, on peut conclure que les conditions de

production céréalières en Algérie connaissent une détérioration dont les causes ne sont pas à lier aux seuls effets de l'augmentation des prix

L'impôt indirect ou TVA touche de son côté un nombre réduit d'agriculteurs et permet des évasions fiscales importantes.

Mais on doit remarquer que, malgré ce soutien (quoique en

diminution) de l'Etat aux céréales, le pouvoir d'achat des producteurs de cette denrée s'est détérioré. Dans notre exemple d'illustration, le producteur doit verser une quantité additionnelle de 35 qx de blé dur, résultat de son propre effort de production.

128. On peut également remarquer que la détérioration des

conditions de production des céréales intervient en même temps que la mise en place d'un système fiscal extrêmement favorable à l'investissement agricole.

En effet, après l'institution par la loi 83-19 du 18-12-1983 portant loi de finances pour l'année 1984 de la Contribution Unique Agricole (CUA) qui se caractérise par son extrême souplesse129, le système fiscal agricole connaît quelques modifications encore plus favorables à l'investissement. Les activités agricoles et d'élevage réalisées sur les terres nouvellement mises en valeur, la mise en valeur de nouvelles terres, la mobilisation des ressources hydrauliques, les grandes cultures industrielles, les plantations rustiques et les palmeraies, les infrastructures et bâtiments d'équipement rural liés à la production agricole, etc...sont exempts d'impôts directs.

Dans la pratique et surtout suite aux recommandations des participants à la Consultation Nationale sur l'Agriculture dont "une partie de ces revendications a été déjà entendue par le Gouvernement qui, pour réduire les coûts de production, outre le maintien de la parité du

128- Se conférer à A-. M. DJENANE: "Quelques résultats du programme d'intensification céréalière dans la région des HPS", OM, Série. 129- Se conférer à A.M DJENANE: "Prix, subvention et fiscalité agricoles en Algérie, op cité".

182

Page 183: Réformes économiques et agriculture en Algérie

dinar, a réduit les taux de TVA et de droits de douane et a bonifié les taux d'intérêt sur les emprunts des agriculteurs"130, le système fiscal agricole revêt un caractère fictif.

A ce propos, on n'omettra pas de relever que la constatation fiscale est passée dans certaines riches zones agricoles du pays de l'indice 100 en 1985 à l'indice 43 en 1988, 20 en 1990 et 0 en 1992 131.

La souplesse du système fiscal, sinon son existence formelle seulement a-t-elle contribué au développement de l'investissement agricole depuis la libéralisation de l'activité agricole?

II- Investissement et intensification: Les réformes de l'économie et par surcroît de l'agriculture ont

été induites par l'incapacité de l'Etat à faire face à la totalité des dépenses, considérées jusque là comme étant d'intérêt général. Dans ce sens, il a été estimé utile de ne léguer à l'Etat que les investissements lourds, c'est-à-dire ceux nécessitant à la fois la mobilisation d'importants capitaux nationaux et étrangers et un haut niveau de technicité mais aussi de circonscrire ces investissements à des domaines d'activité ne pouvant pas être, pour l'instant, pris en charge par l'investisseur privé.

Cette politique, quoique conforme à l'esprit de libération des

initiatives et d'une utilisation rationnelle des moyens de développement, se caractérise depuis sa mise en application par quelques effets négatifs notamment en ce qui concerne le développement de la technicité agricole, l'intensification, etc.

21- L'investissement agricole: vers la spécification des créneaux.

130- S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p44. Ces revendications portent notamment comme le mentionne l'auteur précité sur "Le recueil d'exonération de l'impôt sur l'IRG qui doit passer de 60 000 à 150 000 DA. - porter à 10 ans les exonérations de l'IRG dans les zones de mise en valeur, les zones de montagne et les zones à promouvoir (au lieu de 3 à 5 ans actuellement) - exonérer de tout impôt les nouveaux agriculteurs - exonérer de tout impôt les productions stratégiques (céréales, légumes secs) - exonérer de droits de douane les facteurs de production destinés à l'agriculture. 131- Il s'agit des chiffres relatifs à la circonscription fiscale de Ain- Arnat dans la wilaya de Sétif (se conférer à A.M DJENANE: Prix, subventions et fiscalités agricoles, op cité).

183

Page 184: Réformes économiques et agriculture en Algérie

L'investissement agricole total a connu depuis 1980 deux principales phases d'évolution.La première est antérieure à la restructuration du secteur agricole, phase durant laquelle et l'investissement agricole représente moins de 10 % de l'investissement total. La seconde démarre en 1986 et voit le taux précédent dépasser les 10 % : 12,1 % de 1986 à 1988, 10,3 % entre 1989 et 1991.

Tab 63 : Evolution du montant global de l'investissement agricole

et de l'investissement total (en valeur et en indice).

Désignation 1980-82 1983-85 1986-88 1989-91 1992-93 Invest agricole (A) 4290 7156 8659 10 236 21 183 Invest total (T) 64 125 76 480 71 602 98 969 - A/ T (en %) 6,7 9,4 12,1 10,3 - Indice A 50 83 100 118 245 Indice T 90 107 100 138 -

Source: CNP, cité par BEDRANI tab 14 (1993) ONS. La phase des réformes semble être décisive en matière

d'investissement agricole. En effet de l'indice 100 en 1986-88, on passe à l'indice 245 en 1992-93 contre l'indice 50 en 1980-82.

Autrement dit, il a fallu une période de six années avant les

réformes pour que l'investissement agricole double et autant d'années après le lancement de celles-ci pour qu' il soit multiplié par 2,5.

Les raisons explicatives de cette situation sont, au moins, au

nombre de deux : La première, même peu significative, consiste dans "l'aide

publique au développement" octroyée par les pays de l'OCDE à l'Algérie. A titre d'exemple, le montant de cette aide s'est élevé, de 1989 à 1992, à 1,35 milliards de DA et la part revenant à l'agriculture, plus précisément à la foresterie et aux pêches, est de 25 millions de $. Mais en ajoutant à ce chiffre le montant, malheureusement non spécifié, de l'aide au développement des ressources naturelles, la part revenant au secteur agricole devient plus importante.

184

Page 185: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 64 : Evolution du montant de l'aide extérieure octroyée par

les pays de l'OCDE à l'Algérie de 1989 à 1993.

(En millions de $ US) Désignation 1989 1990 1991 1992 1993 (*) total Aide totale 179 324 310 171 387 810 457 545 59 271 1 394 121dont Ressources naturelles 3 216 2 794 5 024 23 298 3 424 37 756 Classification inconnue 135 941 159 725 221 922 224 424 - 742 012 Agriculture, forêts et pêches

1 593 10 251 2 549 10 547 4 148 29 088

*: prévisions Sources: PNUD, RapportAnnuel,Juillet 1994.

La seconde raison explicative de l'augmentation de

l'investissement agricole est l'apport du secteur privé. En effet, de 1989 à 1993, la part du secteur privé dans l'investissement agricole total est plus importante que celle du secteur public. Elle s'est élevée pour la période indiquée à 58% et a même dépassé les 60% en 1991 et 1992.

Tab 65 : Evolution de l'investissement total agricole et de la part

du secteur privé de 1989 à 1993.

Désignation 1989 1990 1991 1992 1993 total Inv. Total en 106 DA 8 970 9 548 13 313 17 860 24 506 74 197 Part du sect. privé(%)

56 57 61 60 56 58

Source: Données de l'ONS.

Il est utile de souligner enfin la complémentarité des

investissements agricoles réalisés par l'Etat et ceux qui le sont par le secteur privé.

A ce propos, on relève que la totalité des investissements

réalisés entre 1990 et 1993 dans les secteurs de l'Hydraulique et des Forêts soit 43,91 milliards de DA l'ont été exclusivement par l'Etat. A l'opposé, le secteur privé investit en particulier dans le secteur agricole et des pêches : il a réalisé 81% de l'investissement total dans ces deux secteurs entre 1990 et 1993.

185

Page 186: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 66 : Evolution et structure des investissements agricoles.

( en milliards de DA).

Désignation 1990 1991 1992 1993 total Invest. Total Public 41,21 51,52 72,27 109,00 274,00 Invest. Total Privé 54,27 81,61 106,23 136,06 378,17 Agricult et Pêche dont Secteur Privé

3,41 2,67

5,18 4,19

5,45 4,44

7,74 6,10

21,78 17,40

Hydraulique et Forêt dont Secteur Public

5,44 5,39

7,20 7,20

9,27 9,27

16,6 16,6

38,51 38,46

Source: Données ONS, Extrait.

Comme il ressort de ce tableau, secteur public et secteur privé, loin de promouvoir la compétition entre eux, semblent s'entendre sur la délimitation des domaines de compétences. Mais il est vrai que l'Hydraulique et les Forêts continuent à relever pour l'instant du domaine public et le système des concessions n'est pas encore mis en application.

22- L'intensification agricole: la détérioration des conditions de

production. L'agriculture algérienne se caractérise, comme déjà montré

pour le cas de la céréaliculture, par la lourdeur de ses tendances qui font d'elle une agriculture quasiment stable en matière de résultats de la production.

C'est une agriculture qui se caractérise par un taux de risque

élevé132. C'est une agriculture extrêmement délicate et aux résultats aléatoires.

Aussi pour parer à l'aléa et à la délicatesse de l'agriculture en sec, faudrait-il mettre en place les moyens appropriés qui permettent d'augmenter les productions et rendements.

Dans le cas algérien, comme d'ailleurs à travers l'ensemble des

pays du Maghreb, ces moyens consistent dans la définition d'une politique d'intensification adéquate entendue comme l'accroissement des quantités d'inputs consommés à l'unité de terre cultivée, 132- "La production agricole, écrit S. BEDRANI, continue de dépendre encore très fortement des conditions climatiques, particulièrement de la pluviométrie. Ces conditions semblent avoir été très défavorables depuis le début des années soixante dix. Un indice des mauvaises conditions climatiques est donné par le rapport des superficies récoltées aux superficies emblavées. Ce rapport peut descendre jusqu' à 50%" S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p 16.

186

Page 187: Réformes économiques et agriculture en Algérie

l'extension des superficies irriguées et le développement de la technicité. Qu’en est-il concrètement de ces trois variables?

221- Fertilisation et mécanisation: des évolutions en ciseaux.

La consommation des engrais a connu une diminution de 50% en 1992-94 (moyenne triennale) par rapport à 1986-88. Elle a diminué dans la même proportion pour l'ammonitrate 33,5% (-46%) et dans une proportion plus forte (-75%) pour l'engrais TSP.

En termes de quantité consommée à l'ha cultivé (quantité totale

engrais / superficie cultivée), on assiste également à une diminution continue puisque de 126,2 kg/ha en 1986-88, on passe à 85 kg/ha en 1992-94, soit le plus bas niveau jamais atteint depuis 1980-82. Cette remarque vaut également pour la fertilisation des céréales.

Les quantités d'engrais consommées (Am 33,5% + TSP) sont passées de 123 kg/ha en 1986-88 à 46,1 kg/ha en 1989-91 et à 75,7 kg en 1992-94.

Tab 67 : Evolution des quantités d'engrais consommées (moyennes triennales).

Désignation

Am 33,5% TSP Tous types d' engrais

confondus

Qté consommée à l'ha

86-88 = 100 86-88 = 100 cultivé 86-88 = 100 de céréale

1980-82 77 75 94,4 81,2 76 1983-85 93 80 99,7 84 97,7 1986-88 * 170 370 132 510 529 300 126,2 122,9 1989-91 49 35 53 64,7 46,1 1992-94 53 24 50 85,0 75,7

Sources: Données ONS + MA.

* pour donner un ordre de grandeur sur les quantités consommées, ces dernières sont indiquées en valeur absolue pour la phase de base.

En matière de consommation des produits phytosanitaires, la

situation n'est pas différente de celle précédemment décrite. En effet, les quantités consommées passent de l'indice 188 en 1980-82 (PPS solides) à l'indice 100 en 1989-91 puis à l'indice 46 seulement en 1992-94.

187

Page 188: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En termes de consommation des PPS solides par ha cultivé, le rapport qui s'élevait à 5,7 kg/ha en 1980-82 n'est plus que de 1,9 kg/ha en 1992-94.

Tab 68 : Evolution des quantités de PPS consommés de 1980-82 à 1992-94.

Désignation Solides Liquides Qté consommée par ha

cultivé 1986-88 = 100 1986-88 = 100 Kg l 1980-82 188 86 5,7 0,40 1983-85 124 112 3,7 0,50 1986-88 * 13 000 1 870 3,1 0,45 1989-91 83 73 2,5 0,30 1992-94 46 - 1,9 -

Sources: ONS, MA

* les quantités sont, pour les solides en tonnes et pour les liquides en hl.

Les statistiques disponibles en matière de parc de matériel, notamment en matériels lourds (tracteurs et moissonneuses batteuses), montrent que ceux-ci n'ont pas cessé d'augmenter en nombre depuis 1981. L'effectif des tracteurs et des moissonneuses batteuses a été multiplié par 2 entre 1981 et 1989.

Tab 69 : Evolution indiciaire de l'effectif de tracteurs et de moissonneuses batteuses de 1981 à 1989.

Effectif

tracteurs ha cult / tract

Effectif M.Bat.

ha céréale / MB

1981 48 000 71 4 590 580 1982 49 200 63 4 720 520 1983 50 279 58 4 857 437 1984 61 319 56 5 693

75 310 56 7 012 436 1986 82 271 45 8 208 332 1987 89 271 40 8 628 300 1988 94 000 28 9 000 190 1989 98 000 34 9 400 268

446 1985

Sources: Données F.A.O. et MA. De ce fait, le rapport superficie cultivée / tracteur passe de 71

ha en 1981 à 34 ha en 1989 et le rapport superficie céréalière / M.B passe de 580 ha en 1981 à 190 ha seulement en 1988. C'est dire que l'agriculture algérienne a connu un développement important de sa mécanisation depuis le début des années 1980. En 1990, elle est considérée, à nous limiter au rapport superficie cultivée /tracteur, comme l'une des agricultures, sinon l'agriculture la plus mécanisée du

188

Page 189: Réformes économiques et agriculture en Algérie

bassin méditerranéen. Ce rapport est, à nous fier aux données collectées dans le document MEDAGRIde 13 pour la France, de 27 pour l'Espagne, de 177 pour la Tunisie et de 238 pour le Maroc.

133de 8 pour l'Algérie et l'Italie,

Cependant l'évolution du taux de mécanisation de l'agriculture

algérienne peut prêter à confusion, en ce sens, plus la valeur de ce premier baisse (sup/tracteur), plus on est à même de penser à une plus grande intensification agricole autrement dit à une plus grande activité de travail des sols et donc à une plus grande sédentarisation des agriculteurs.

A vrai dire, l'évolution du taux de mécanisation de l'agriculture algérienne ne reflète ni la situation réelle du parc de matériel agricole, ni l'état de l'intensification agricole. En matière de l'état du matériel, les statistiques disponibles montrent que ce premier est globalement vétuste. En effet, 49 % des tracteurs avaient en 1991-92 leur âge supérieur à 9 ans. Ce taux est de 57 % pour les moissonneuses-batteuses et de 40 % pour le matériel de fanage. A l'opposé, 61 % du parc de matériel de préparation du sol avait, à la même époque, son âge inférieur à 9 ans. Pour le matériel de protection des plantes, ce taux s'élevait à 75 %.

En matière d'intensification, la question peut être appréhendée

à l'observation des transformations opérées de 1980 à 1990 (même période d'observation que précédemment) dans les systèmes de cultures.

La structure de ces derniers n'a pas connu de changements

significatifs qui puissent justifier l'évolution constatée du taux de mécanisation. En effet, si on se situe en début et en fin de période, on remarquera que la céréaliculture représente dix années après, 38% de la SAU (contre 38% auparavant), les fourrages 7% (contre 5%), les cultures industrielles 11% (sans changement) et la jachère 44%. La SAU est passée, quant à elle, de 7,508 à 7,730 millions d'ha.

Ceci nous permet de conclure en définitive que le tracteur n'a

plus dans le secteur agricole sa vocation initiale: il est devenu un moyen de transport qui commence à envahir, depuis le lancement des

133- Données empruntées à MEDAGRI (Méditerranée Agriculture); statistiques agricoles réunies sous la direction de M. ALLAYA, CIHEAM-IAM, Montpellier, 1995.

189

Page 190: Réformes économiques et agriculture en Algérie

programmes d'auto construction de logements, même les centres urbains.

L'évolution contradictoire des taux de fertilisation et de

mécanisation des sols d'une part et la constance de la structure du système de culture d'autre part, permettent l'introduction du doute quant à la politique d'intensification agricole mise en place depuis le début des années quatre vingt.

222- L'irrigation, en extension mais encore insuffisante: Le développement de l'irrigation permet de lutter contre l'aléa

pluviométrique et d'élever le niveau des productions et rendements. En Algérie, ce problème a constamment préoccupé les autorités

et même l'existence de quelques 100 barrages réalisés en grand nombre de 1980 à nos jours, ne permet pas encore d'irriguer d'importantes superficies quoique des efforts appréciables ont été réalisés durant les cinq dernières années.

Tab 70 : Evolution et répartition des superficies irriguées par

groupe de spéculation (1990 et 1994).

En milliers d'ha. Désignation 1990 1993 1994 Tx d'accrois.

1994/1990 en % Céréales 26 32,7 43,39 + 67 Arbo fruit 151 140,1 144,41 - 4,5

2,45 4,08 - 32 Maraîchage 173 184,09 172,72 0 Cult. industrielle 10 21,39 17,13 + 71 Autres 20 34,42 25,88 + 29 Total 386 415,15 407,61 + 6

Vignoble 6

Source: MA, Séries statistiques La superficie irriguée totale a été accrue de 6% entre 1990 et

1994 en passant de 386 000 à 408 000 ha. Les efforts les plus importants sont enregistrés dans le domaine de l'irrigation des céréales (+ 67%) et des cultures industrielles (+ 71%). L'arboriculture fruitière et le vignoble se voient par contre enregistrer des taux de croissance négatifs (respectivement -4,5 et -32%).

Mais il faut souligner aussi que quels que soient les efforts

réalisés en matière d'irrigation, ceux-ci demeurent modestes quant à l'étendue des superficies.

190

Page 191: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 71 : Importance des superficies irriguées par rapport aux superficies cultivées (1994).

Désignation Superficie

cultivée ( C) Superficie irriguée I

I / C en % en % du total irrigué

Céréales 1 286,33 43,39 3,4 10,6 Légumes secs 111,23 - - - Arbo fruitière 450,00 144,41 32,1

6,0 Maraîchage 279,15 172,72 62 42,4 Cult. industrielles 36,08 17,13 47,5 4,2 Fourrages 389,98 - - - Autres - 25,88 - 6,4 Total 2 621,77 407,61 15,5

35,4 Vignoble 69 4,08 1,0

100 Source: MA, stat. Agricoles.

Les superficies irriguées en 1994 ne représentaient en effet que 15,5% seulement des terres cultivées. Ce taux est de 10,1% pour l'année 1990. Comme on le remarque dans ce même tableau, l'essentiel des superficies cultivées concerne le maraîchage (42,4%) et l'arboriculture fruitière (35,4%). Les céréales ne s'accaparent hélas que 10,6% des superficies irriguées. Il faut aussi relever que sur les 43 400 ha de céréales irriguées en 1994, 40 000 soit 92% se situent dans le Sud du pays (Gassi- Touil, Timimoun) et sont irriguées à partir de l'albien.

En conclusion, on soulignera que malgré les efforts déployés en

matière d'irrigation, ceux-ci demeurent insuffisants pour faire face à la demande en produits agricoles, du moins à la demande solvable.

223- La technicité : la faible compétence des agriculteurs et des encadreurs

Durant la phase antérieure aux réformes, l'allocation des

ressources notamment humaines, la définition des objectifs et moyens de production, ainsi que les méthodes de travail étaient définis pour le secteur agricole aussi par les structures spécialisées de l'Etat.

Les réformes initiées par la loi 87-19 furent comprises, avant

d'être un guide de réorganisation du secteur agricole, comme l'interdiction faite aux structures de l'Etat d'intervenir et d'interférer dans l'organisation du procès de production agricole.

Par ailleurs, la même loi 87-19 étant le premier texte législatif et

réglementaire qui témoigne de la volonté des réformateurs à

191

Page 192: Réformes économiques et agriculture en Algérie

promouvoir le libéralisme économique et social en Algérie, reconnaît aux producteurs directs du secteur agricole de s'organiser dans les nouvelles exploitations selon leurs affinités personnelles.

Ces deux éléments d'appréciation ont vite conduit à un

retournement de situation dans le secteur agricole, notamment en ce qui concerne la maîtrise des techniques agricoles.

En effet alors que les exploitations agricoles du secteur privé,

durant les dernières années du "développement centralisé" encadrées par les "Secteurs de Développement Agricole" (SDA) et celles du secteur public gérées par des ingénieurs et techniciens agricoles formés à cette fin, la réorganisation du secteur agricole s'est soldée par :

- la suppression des SDA qui ne parviennent pas à être relayés

par les coopératives et associations des agriculteurs, et par - le regroupement des anciens gestionnaires des DAS dans des

exploitations de type corporatiste134. Le résultat final de toutes ces transformations et, également, des

insuffisances accumulées antérieurement est le peu d'influence qu’exerce la technique sur la croissance de la production agricole. Dans ce sens nous retiendrons avec S. BEDRANI et en ce qui concerne en particulier la formation et l'efficacité des ingénieurs agronomes ce qui suit: "par ailleurs, écrit-il, la politique de formation a opté pour une formation quantitativement massive d'ingénieurs agronomes sans fournir aux institutions de formation les moyens suffisants nécessaires à une formation de qualité. Ces institutions ont toujours manqué d'enseignants et de techniciens de laboratoires correctement formés, de moyens pédagogiques, de matériels scientifiques, de produits pour les laboratoires,...

La qualité des ingénieurs sortants, et dans une moindre mesure des techniciens agricoles, a donc beaucoup baissé en moyenne tant du point de vue des connaissances agricoles proprement dites que "l'opérationnalité effective de ces ingénieurs et de ces techniciens".

Toujours dans le même sens, nous retiendrons avec le même auteur, que: "La vulgarisation agricole a été quasi-inexistante du fait de

134- C'est du moins ce que nous avons pu constater dans la région de Sétif. Se conférer à A.M DJENANE "L'exploitation agricole familiale comme modèle de réorganisation des exploitations publiques en Algérie: cas de la wilaya de Sétif", Séminaire RAFAC, Montpellier, 1991.

192

Page 193: Réformes économiques et agriculture en Algérie

la faiblesse des résultats de la recherche et de la modicité des crédits qui lui sont consacrés. L'absence d'un corps de vulgarisateurs chevronnés, motivés et socialement acceptés par les agriculteurs, l'absence d'associations professionnelles capables d'orienter les programmes de vulgarisation en fonction des besoins réels de leurs adhérents, l'absence de priorité accordée à la vulgarisation de la part de l'administration agricole, tout ceci a fait que le progrès technique et agronomique s'est faiblement diffusé *dans le secteur agricole privé et mal diffusé dans le secteur agricole public"135.

Le problème de la technicité agricole en Algérie est abordé dans

des termes aussi saillants par F. CHAUME qui impute la faiblesse de la production agricole de ce pays, en sus de l'irrégularité du climat, à deux causes essentielles. Ce sont :

- le niveau de technicité des exploitants, lesquels ne savent ou ne peuvent programmer et réaliser à temps voulu les opérations culturales;

- la responsabilité dans la gestion et le choix des investissements au sein d'une exploitation136.

Devenu un problème préoccupant, la technicité et le savoir faire

des agriculteurs algériens suscitent des interrogations au plus haut niveau des sphères de décision. C'est ce qui ressort en effet du programme de coopération agricole algéro-française élaboré au début de l'année 1992. Outre que ce programme prévoit une coopération intense entre les deux pays pour la mise en valeur et le développement de l'agriculture saharienne, notamment dans la région d'Adrar, son objet explicite est de :

- entreprendre des programmes de réhabilitation de l'hydraulique agricole dans le nord;

- définir et mettre en place des systèmes de production adéquats et de fournir des éléments d'itinéraires techniques;

- collaborer à la production de semences; - mettre en place des plans de formation et de vulgarisation; - établir des relations de partenariat interentreprises et

améliorer l'élevage de bovins, dans le secteur agro-alimentaire; - mettre en place un système de crédit agricole inexistant en

Algérie, et enfin

135- S. BEDRANI: Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p20. * souligné par nous, A-M.D. 136F. CHAUME : Agriculture et réforme agraire en Algérie in BIE du 03/04/91.

193

Page 194: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- aider au fonctionnement des organismes professionnels et des chambres d'agriculture137.

Comme pour les autres domaines et secteurs d'activité, cet

accord de coopération algéro-française n'a pas connu, à cause d'une part de la crise politique et sociale que connaît le pays et à cause probablement d'autre part de la restructuration du commerce agricole mondial (libéralisation des échanges), de début d'application. Aussi, les agriculteurs algériens se voient-ils obligés de compter sur leurs propres moyens et de développer des techniques appropriées.

III- Le crédit bancaire : une politique sélective et une bancarisation

négligeable. La politique du crédit bancaire adoptée par l'Algérie depuis la

mise en application, en 1989, du principe de la commercialité bancaire et en 1990 du principe de restriction du crédit a conduit à une chute du montant du crédit octroyé par le secteur bancaire aux exploitations agricoles.

En effet, les principales sources de financement agricole ne sont

plus, comme il y a une dizaine d'années, des sources publiques. Le financement par les tiers et les exploitations agricoles elles-mêmes semblent progressivement relayer le crédit et le financement assurés autrefois, du moins pour le secteur public, par la BADR qui bénéficiait, elle-même, de la garantie de remboursement par le Trésor Public des dettes octroyées auprès d'elles par les exploitations.

Mais le principe de l'autonomie et de la commercialité adopté,

la BADR, qui détient une créance de 8 milliards de DA sur les exploitations agricoles, développe une politique de crédit de plus en plus préventive, sinon plus sélective vis à vis des exploitations agricoles.

137- Il s'agit des orientations données par le Président feu Mohamed BOUDIAF à l'occasion de la visite du ministre français de l'agriculture en Algérie en 1992. Le lecteur trouvera de menus détails de ce programme dans "Afrique Agriculture, n° 194, Juin 1992".

194

Page 195: Réformes économiques et agriculture en Algérie

31 - La BADR: une banque de moins en moins impliquée dans le

crédit agricole.

Les résultats de cette politique en sont une diminution drastique du crédit et du financement bancaire. C'est ce que l'on peut en effet constater à travers le tableau suivant relatif aux montants octroyés par la BADR au secteur agricole de 1984 à 1991.

Tab 72 : Evolution des crédits alloués par la BADR au secteur agricole (1984-1991)

Total

Equipement Fonctionnement en 106 DA Indice 6 DA en 106 DA Indice

1984 7 260 73 1 628 68 8 888 72 6 692 67 2 106 88 8 798 71

1986 9 473 95 2 453 102 11 926 97 1987 9 953 100 2 394 100 12 347 100 1988 5 530 56 - nd nd - 1989 7 480 75 850 36 8 330 67 1990 4 060 41 312 13 4 372 35 1991 1 126 11 503 21 1 629 13

en 10 Indice

1985

Source: BADR- BM, Ext p 60.

Ainsi, le montant total des crédits alloués par la BADR en 1991 au secteur agricole ne représente plus que 13% seulement de celui octroyé en 1987. Les montants alloués ne s'élèvent plus qu'à à 1,629 milliards de DA contre 12,347 milliards DA en 1987...

De même, on relève que les crédits de fonctionnement (crédit de

campagne) ont baissé plus vite que les crédits d'investissement : on passe respectivement des indices 36 et 75 en 1989, à 13 et 41 en 1990 et à 21 et 11 en 1991.

Mais pourquoi une telle diminution?

32 - Un système de crédit agricole sans rééchelonnement... Il y a premièrement le souci de recouvrement des dettes

antérieures qui s'élevaient en 1993 à 8 milliards de DA (27 milliards de DA en septembre 1996 : voir chap 7) que, l'esprit des réformes aidant, l'Etat ne désire pas procéder à leur prise en charge. Les réformes signifient en effet la progression vers la fin des subventions au secteur agricole. Cette politique, quoique fondée au plan des principes monétaristes adoptés, est critiquable, car partiale, au plan politique.

195

Page 196: Réformes économiques et agriculture en Algérie

C'est le même Etat qui refuse en effet au secteur agricole l'annulation de la dette octroyée depuis le lancement des réformes mais c'est lui aussi qui continue à subventionner après ces réformes le secteur industriel!...

Doit-on rappeler que les entreprises industrielles du secteur

public ont bénéficié de 1992 à 1994 d'une subvention s'élevant à quelques 550 milliards de DA et que celles-ci s'élèveront à près de 350 milliards de DA entre 1995 et 1997? Cela ne représente même pas 1% du montant des subventions dont ont bénéficié les entreprises industrielles.

La seconde cause ayant conduit à la baisse des crédits agricoles

est la hausse subite des taux d'intérêt. Celui-ci est en effet passé de 5-6% avant les réformes à 10 puis à 22% (tous types de crédits confondus) après celles-ci. Aussi pour faire face à la baisse des crédits alloués (25% seulement des montants ont été consommés en 1993) l'Etat fut-il amené à subventionner de nouveau les taux d'intérêt en les fixant aux alentours de 6-8%.

Le budget de la BADR est renfloué d'un montant de 1 milliard

de DA en 1993 dont 700 millions de DA destinés au fonctionnement et au taux d'intérêt de 8% et 300 millions de DA à l'investissement et au taux d'intérêt de 5-6%. Cette subvention de 1 milliard de DA couvre la différence des prêts interbancaires dont le taux d'intérêt est de 20%.

Mais on doit relever que même subventionné, le taux d'intérêt

ne profite qu'à à un petit nombre d'agriculteurs. La bancarisation ne bénéficie qu'à moins de 100 000 agriculteurs seulement...

Quelles sont alors les sources de financement de la grande

majorité des producteurs? Les agriculteurs font recours, comme le montrent les résultats

d'une enquête que nous avons réalisée auprès d'un échantillon de 180 exploitations du sud de la wilaya de Mila en 1992-93, à l'autofinancement. L'autofinancement représente en effet 77% du financement total contre 19% pour le financement bancaire et 4% pour le financement par les tiers.

196

Page 197: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 73 : Structure du financement des investissements réalisés

par un échantillon de 180 exploitations durant les dix dernières années précédant l'enquête (cas du matériel agricole et du cheptel)

Désignation Autofinan. % BADR % Tiers % Mt total 103 DA Petites 80 10 10 6 400

78,2 15,2 6,6 10 784 Grandes 73,2 36,8 - 11 476 Ensemble 76,6 18,7 4,7 28 660

Moyennes

Source : Enquête138 Ce tableau montre que plus la taille de l'exploitation est

importante, plus il est aisé à cette exploitation d'accéder au crédit bancaire. En effet, les grandes exploitations, celles dont la superficie est supérieure à 50 ha, trouvent 37% de leur financement auprès de la BADR contre 10% seulement pour les petites exploitations (superficie inférieure à 20 ha).

Autrement dit, la politique du financement et du crédit mise en application par la BADR, après les réformes, est d'essence sélective. C'est ce que relève également S. BEDRANI qui écrit: "En matière d'avantages financiers, il serait plus réaliste de différencier entre les agriculteurs. Il s'agit d'aider, pour un temps limité, ceux qui sont effectivement dans le besoin (jeunes agriculteurs nouvellement installés, certaines nouvelles exploitations agricoles issues du partage des exploitations autogérées). Le gouvernement résistera-t-il aux pressions des grands agriculteurs désormais maîtres des associations agricoles et de l'essentiel des coopératives agricoles? C'est peu probable et cela se fera, puisque les ressources disponibles sont limitées, aux dépens des agriculteurs les plus démunis"139.

Conclusion : L'analyse des causes, du moins les plus importantes, qui ont

négativement agi sur le développement du secteur agricole nous enseigne que les insuffisances enregistrées depuis le lancement des 138- S. BEDRANI et A-M DJENANE : Efftets de la politique des prix, des subventions et de la fiscalité sur le développement des exploitations agricoles : cas du périmètre de mise en valeur de Mila, article à paraitre dans Options méditerranéennes, courant 1996. 139S. BEDRANI : Agriculture et alimentation en Algérie, op cité, p45.

197

Page 198: Réformes économiques et agriculture en Algérie

réformes en 1987-88 sont à imputer, en grande partie, à la politique de désengagement de l'Etat. Bien des précipitations sont faites dans le secteur agricole qui semble être, par ailleurs, le champ expérimental de toutes les réformes. En effet, alors que la réforme du secteur industriel et du reste de l'économie n'a commencé qu'en 1991, de même qu'elle a été soutenue par l'Etat qui a octroyé et qui octroie encore des subventions importantes aux entreprises, le secteur agricole est soumis aux lois du marché depuis une dizaine d'années déjà et ne bénéficie pas des mêmes avantages que le reste de l'économie.

Avoir soumis le fonctionnement du secteur agricole aux lois du

marché, c'est faire preuve de la volonté de promouvoir l'initiative privée et la libéralisation qui sont supposées mettre en compétition les exploitations agricoles, donc développer leurs performances. Mais le désengagement de l'Etat du secteur agricole a conduit, comme nous allons tenté de le montrer dans le chapitre suivant, à des effets néfastes au niveau de l'agriculture locale de certaines zones agricoles considérées comme stratégiques pour le développement de l'agriculture nationale.

La question de savoir si la réalisation de la suffisance

alimentaire pourrait être obtenue par un désengagement de l'Etat mérite d’être soulevée et on doit se demander s'il n'y a pas confusion au niveau de la prise de décision entre les notions de privatisation et de désengagement de l'Etat.

198

Page 199: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre X - Effets de la politique du désengagement de l'Etat sur l'agriculture locale : le cas des hautes plaines

sétifiennes. Les effets induits par la politique du désengagement de l'Etat

du secteur agricole sont multiples. Nous les avons répartis, pour la clarté de l'exposé, en deux séries. Ceux qui rendent compte de l'évolution globale de l'activité agricole, c'est-à-dire des résultats de la production (chap 8) et ceux qui ont pour finalité de transformer les structures productives du secteur agricole.

C'est parce que la décision de démanteler le secteur agricole

public n’a pas tenu compte de la diversité des situations qui caractérisent ce dernier (spécialisation relative, implantation géographique, dotation en facteurs de production, situation économique, etc.) qu'elle a induit des situations différenciées au niveau du secteur productif. Dans ce sens, l'objet de ce chapitre est de tenter de rendre compte des principales transformations opérées par la politique du désengagement sur l'agriculture locale. Nous prendrons à cet effet pour exemple le cas spécifique des hautes plaines sétifiennes (HPS). Les raisons de ce choix sont au nombre de deux. Premièrement, nous voudrions montrer que la politique du désengagement poursuivie par l'Etat depuis le début des années quatre-vingts et particulièrement depuis 1987 est à même de changer la spécialisation de cette région agricole, pourtant à "vocation céréalière" depuis plusieurs siècles. En second lieu, nous soulignerons l'écart qui caractérise le discours officiel en matière d'intensification et de développement des cultures stratégiques et la situation effective des conditions de production de ces mêmes cultures qui seront illustrées, une fois de plus, par le cas des céréales.

Aussi, pour parvenir à ces résultats l'analyse sera axée sur les trois points suivants :

1- le problème foncier, 2- les systèmes de culture et choix des agriculteurs et, 3- les conditions de production de la céréaliculture.

199

Page 200: Réformes économiques et agriculture en Algérie

I - Le problème foncier

La terre constitue un enjeu. Elle est convoitée, comme l'ont révélé les médias au début de la décennie quatre-vingt-dix, même par de hauts fonctionnaires de l'Etat, qui, se remémorant probablement le statut des hauts dignitaires de l'Etat turc ou de l'Etat colonial, se sont octroyé le droit de s'approprier les terres des DAS dissous140. Le démantèlement du secteur agricole public a donné lieu à des situations confuses et difficilement contrôlables.

"Qui contrôle aujourd'hui la situation, s'interroge Jean Claude Brûlé? Et d'abord quel est le nombre exact de ces EAC, de ces EAI qui se sont multipliées au delà de toute attente, et pour cause, puisque débordant largement le seul intérêt agricole? A vrai dire, personne n'en sait rien : sous couvert de démocratie, les textes limitent le droit d'intervention des autorités, ce qui a pour effet d'encourager les membres des coopératives dans une attitude de non transparence qui occulte grandement les conflits nés de l'infinie variété des rapports de force, et les inégalités qui en découlent... Car l'incapacité de l'Etat à définir clairement un droit foncier est parfaitement perçue par une opinion déjà perturbée par trente années d'interventions incessantes"141.

Essayons donc d'apporter quelques éléments de réponse à ces

questions en faisant un inventaire du remembrement foncier dans la wilaya de Sétif.

Bien que le discours dominant soit celui de la sauvegarde du

patrimoine foncier agricole, de la mise en place des exploitations techniquement viables et "économiquement gérables" et de la résolution des différends juridiques, la réorganisation du secteur agricole n'a pu apporter une solution à ces problèmes. C'est ce que l'on peut constater à l'analyse des points suivants :

- l'évolution du patrimoine foncier;

140- En effet, même intervenant dans un contexte de neutralisation de ses adversaires politiques, l'ancien chef du gouvernement des réformateurs a dû rendre publique et par voie de presse, la liste des dignitaires du système qui se sont approprié, sans justification, les terres des exploitations publiques à l'occasion de la réorganisation de ce secteur entre 1987 et 1990. Néanmoins, il faut signaler que ces listes qui n'indiquaient pas quelle fut la superficie accaparée par chacun, ont été vite interrompues de parution. 141- Jean Claude BRULE : Attentisme et spéculation dans les campagnes algériennes, Revue Maghreb-Machrek, n°139, janvier-mars 1993, p50.

200

Page 201: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- l'évolution de la structure de l'exploitation agricole, et

- l'irruption de différends fonciers.

11- Evolution du patrimoine foncier agricole : Le patrimoine foncier agricole n'est qu'approximativement

connu. En effet, exceptée une partie des superficies de l'ancien secteur public, qui ont pu être délimitées au moyen de la photo aériennereste des superficies, même lorsqu'elles ont pu être planimétrées, résultent de déclarations d'emblavement. Les terres du secteur privé sont dans la même situation que la catégorie des terres du secteur public ci dessus évoquée.

142, le

Mais si on admet que la technique d'estimation des superficies

est la même aussi bien en secteur public qu'en secteur privé et surtout que cette technique n'a pas connu d'évolution appréciable durant les dernières années, on doit alors déduire que le patrimoine foncier agricole de la wilaya de Sétif a été réduit de plus de 20 000 ha durant les quinze dernières années.

En effet avec une superficie totale de 156 400 ha en 1980, le

secteur agricole public de la wilaya de Sétif ne s'étend plus que sur une superficie de 116 000 ha environ en 1992, soit une diminution de plus de 25% de la superficie de ce secteur en l'espace de douze années.

Le secteur public de la wilaya de Sétif s'étendait à la veille de la

restructuration de 1980 sur une superficie de 156 430 ha que se répartissaient 69 domaines autogérés (80% de la superficie totale) et 120 CAPRA (32 976 ha).

En 1986, soit trois années après la clôture officielle de

l'Opération de restructuration qui avait donné naissance à 77 D.A.S, 16 AIRA et 22 "lots marginaux", le secteur public s'étendait encore sur une superficie de 156 100 ha, soit 300 ha de moins qu'à la date précédente.

142- Dans la wilaya de Sétif, seules les terres se situant dans la zone cartographique de Kherrata, de Sétif (1/3 des exploitations) de Mezloug (partie nord) et d'El Eulma (2/3 des exploitations) sont couvertes par photo aérienne. Le reste des terres du secteur public (Ain Roua, Djemila, Bousselam, Bir El Arch, Ain Azal, Ain Lahdjar échappent à une délimitation précise et leur planimétrage résulte des déclarations d'emblavement. Se conférer à DAW Sétif: la restructuration des domaines autogérés de la commune de Ain Abassa, Oct 1983, 60p.

201

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En 1988, c'est-à-dire après la clôture de "l'Opération de

réorganisation" des DAS, la superficie du secteur public de la wilaya de Sétif n'est plus que de 132 126 ha (on peut penser que cette diminution importante est due au transfert des terres agricoles de la commune de Ain Taghrout à la wilaya de BBA, créée en 1985).

Une seconde diminution importante de la superficie du secteur

public est, à nouveau, enregistrée en 1990 à la suite de l'Opération de restitution des terres nationalisées à leurs anciens propriétaires. Ensemble, l'opération de restitution des terres nationalisées et les services administratifs amputent ce secteur, de 1990 à 1992, de près de 18 000 ha : sa superficie n'est plus que de 116 000 ha en 1992.

Tab 74 : Evolution de la superficie du secteur agricole public de

la wilaya de Sétif (1980-1992).

1980 1986 1988 1992 Sect

autogéré 123 455 Sup en

1980 156 431 Sup en

1986 156 102 Sup en

1988 132 126

SRA 32 976 DAS 150 851 EAC 116 339 EAC + EAI + FP

114 472

Tot wilaya 156 431 AIRA 2 842 EAI 3 291 Tot wilaya 114 472 Lots

marg. 2 409 F. Pilotes 11 014 Ecart /

1988 17 654

Tot wilaya

156 102 Terres excédenta

ire

1 482 dont haras national

1 654

Ecart / 1980

- 329 Tot wilaya

132 126 Terres restituées

16 000

Ecart / 1986

- 23 976

Sources : DSA et DRA de Sétif (tiré des différents bilans de remembrement). S'agissant des terres du secteur privé, leur superficie ne peut

être, eu égard au problème de planimétrie, déterminée que par soustraction. Si on retient le chiffre de 466 450 ha de superficie utilisée par l'agriculture en 1990, on déduit alors que la superficie agricole du secteur privé s'élevait en 1992, "terres restituées" à leurs anciens propriétaires comprises, à 352 000 ha, soit trois fois environ la superficie du secteur public. La superficie du secteur privé est, contrairement à celle du dernier cité, en hausse. Elle passe, selon les bilans établis par la DSA, de 321 000 ha en 1987 à 337 000 ha en 1990 et à 352 000 ha en 1992.

C'est dire que les secteurs non agricoles se sont accaparé de

1980 à 1992 près de 26 000 ha et que ce transfert a été exclusivement

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opéré sur les terres publiques (330 ha entre 1980 et 1986, 23 980 ha entre 1986 et 1988 et 1 650 ha entre 1988 et 1992)143.

La ponction sur les terres du domaine public n'est pas un

phénomène spécifique à la wilaya de Sétif. Dans la wilaya d'Alger, pour prendre cet autre exemple, le développement urbain menace durant ces cinq dernières années plus de 2 000 ha de terres cultivées. En effet, le PDAU de cette importante agglomération s'est accaparé, récemment encore, 2 142 ha soit 24 % de la SAU de la wilaya. La superficie prélevée concerne l'extension de l'aéroport (1 200 ha) et l'urbanisation (942 ha). En termes de capacités de production, cela représente la disparition de 187 exploitations regroupant 540 familles d'agriculteurs et une perte de production de l'ordre de 30 % des rendements actuels.

Enfin, on notera en guise de conclusion qu’en attendant la

réalisation du cadastre de l'ensemble des terres, prévu pour la phase 1993-96, la diminution des capacités de production agricoles ne concerne pas seulement le foncier mais aussi les immobilisations c'est-à-dire le bâti. A ce propos doit-on rappeler, pour citer cet autre exemple, que sur les 2 800 caves dont disposait le pays au lendemain de son accès à l'indépendance nationale, il n’en reste plus aujourd'hui que 600 opérationnelles seulement? Il apparaît dès lors que la relance de l'activité agricole et les chances d'insertion de l'Algérie dans le marché international sont nécessairement fort coûteuses : les avantages dont pouvait bénéficier l'économie vitivinicole en ce moment de déficit d'offre de vins sur le marché mondial (déficit estimé à 15 millions d'hl environ) sont à réacquérir.

12- Evolution de la structure des exploitations : l'uniformisation par le bas .

La réorganisation du secteur agricole public est sous-entendue

par la loi 87-19. Cette dernière est d'essence libérale. En effet, elle autorise d'une part, le partage des terres entre les producteurs auxquels elle reconnaît par ailleurs le droit de se regrouper par

143- Les ponctions sur les terres agricoles ont été faites au profit: des plans d'urbanisation, de l'habitat rural, de la construction de nouvelles routes, de la construction du barrage de Ain Zada et des retenues collinaires (une quinzaine), du CALPI, du champ de courses hippiques, etc...

203

Page 204: Réformes économiques et agriculture en Algérie

cooptation et interdit d'autre part, aux institutions de l'Etat de s'immiscer dans le remembrement des unités de production.

L'un des effets de cette démarche est, contrairement, aux restructurations antérieures, l'absence d'un modèle technique de réorganisation préalablement défini. Aussi cette insuffisance a-t-elle conduit les producteurs directs à copier le schéma foncier en présence dans le secteur privé144.

L'exploitation agricole privée du sétifois est de petite taille et du type familial. C'est pourquoi l'opération de réorganisation des DAS, réalisée entre 1987 et 1992 (cette dernière date clôt l'opération de réorganisation à la suite de l'opération de restitution des terres nationalisées à leurs anciens propriétaires), doit être considérée comme une opération d'émiettement des DAS. Ce phénomène s'est généralisé et a été accéléré depuis le mois de juillet 1990, c'est-à-dire depuis la décision de restitution des terres nationalisées à leurs anciens propriétaires. Dans la wilaya de Sétif, le nombre de ces derniers s'élève à 634 et les superficies, objet de la restitution, sont évaluées à 16 000 ha prélevés sur le patrimoine foncier de 105 EAC (8842 ha), 16 EAI (335 ha) et 997 AIRA et lots marginaux (6000 ha) : six (06) EAC ont été définitivement dissoutes pour cause d'absence d'assise foncière.

Tab 75 : Bilan partiel des terres restituées à leurs anciens

propriétaires : répartition par daira. Situation au mois de février 1992.

Daira Exploitations donatrices Superficie totale

Nbre de parcelles

Effectif Superficie restituée restituées El Eulma 24 9334,82 1479,05 34 Ain Arnat 29 8521,36 969,10 38

Bougâa 05 1262,70 105,00 05 Ain Oulmane 09 3704,77 701,87 11 Ain El Kebira 01 290,24 06,00 02

Ain Azal 10 4514,02 443,05 16 Total wilaya 78 27 627,91 3704,07 106

Source: DRA de Sétif, listing Exploit.

Nous avons noté ci dessus que le phénomène de l'émiettement des exploitations publiques s'est particulièrement développé à partir de 1990. Loin d'être freiné, ni même d'être contrôlé, ce phénomène, connu -lorsqu' il est désapprouvé par les responsables du secteur agricole- 144- Voir notre communication au séminaire RAFAC: DJENANE A-M: "L'exploitation agricole familiale comme modèle de restructuration des exploitations du secteur public : cas du sétifois", Montpellier, Oct 1991, article à paraitre dans O.M, 1996.

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Page 205: Réformes économiques et agriculture en Algérie

sous les vocables de "réorganisation interne", semble n'épargner aucune exploitation agricole et ce, quelles que soient la taille et la vocation de cette dernière.

En effet, une étude réalisée en 1992145 et portant sur quatre anciens DAS de la wilaya de Sétif, montre que les EAC étaient déjà à leur troisième génération malgré la jeunesse de leur âge. Dans l'un des DAS (A. SALHI), réorganisé en février 1988 et ayant donné naissance alors à 3 EAC (1ère génération), on se retrouve en mars 1991 avec 8 EAC et 6 EAI (2ème génération) et en mars 1992 avec 6 EAC seulement et 14 EAI (3ème génération). En mars 1996, il n'existe plus aucune EAC et l'effectif des EAI s'élève à 25. Le même processus de décomposition caractérise les trois autres domaines dont l'un était déjà parvenu à l'individualisation de la quasi totalité de ses terres au mois d'octobre 1992 (15 EAI contre 3 EAC en 1987).

Le problème de l'émiettement des DAS et, à leur suite, des EAC a plusieurs causes. Il y a premièrement la spécialisation antérieure des exploitations mères. Les exploitations se situant dans la zone sud de la wilaya, c'est-à-dire dans la zone où les possibilités d'irrigation sont importantes, sont plus friables que le reste des exploitations146. Il y a deuxièmement les différends nés de l'égalitarisme du nouveau système de gestion qui attribue les mêmes droits et soumet aux mêmes devoirs les membres des EAC et ce, indépendamment de leur qualification, de leur ancienneté, etc.147. Il y a enfin, le désir des producteurs à contourner la loi 87-19, notamment en ce concerne le droit de succession sur les terres publiques. Les producteurs ayant un penchant à assurer le droit de succession à la totalité de leurs enfants et non à un seul comme le prévoit la loi, optent pour l'individualisation des terres, formule qui leur parait plus appropriée pour réaliser cet objectif.

Compte tenu de ces remarques, il est indéniable que le modèle

de référence en matière de remembrement foncier est celui en présence dans le secteur privé agricole. A ce dernier propos, il y a peu de crédit

145- Benoît VERGRIETTE: La réorganisation de l'agriculture dans la wilaya de Sétif (Algérie). Evolution des exploitations issues de quatre DAS, Mémoire de DESS, Université de Paris I - Panthéon -Sorbonne, Sept 1992, 100p + annexes. 146- Se conférer à A-M. DJENANE: l'exploitation agricole familiale comme modèle de restructuration des exploitations du secteur public, op cité. 147- Se conférer également à A-M. DJENANE: la restructuration foncière des exploitations du Secteur d'Etat de la wilaya de Sétif, cahiers du CREAD, 1990.

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Page 206: Réformes économiques et agriculture en Algérie

à accorder aux statistiques agricoles officielles qui font apparaître, pour l'année 1995, et pour la wilaya de Sétif l'existence de 520 EAC et de 462 EAI. Ces chiffres, même s'ils s'avèrent vérifiés, n'ont d'autre valeur que juridique. Les exploitations issues de l'opération de réorganisation, ne s'étant pas encore acquittées des patrimoines dont elles ont hérités, sont collectivement et solidairement responsables devant la loi.

En attendant donc l'établissement d'un cadastre des terres et le

recensement général agricole, dont le dernier remonte aux années soixante, nous nous contenterons de la répartition suivante des exploitations agricoles de la wilaya de Sétif.

Tab 76 : Répartition des exploitations agricoles de la wilaya de Sétif selon le statut juridique des terres et les classes de superficie (Mai

1996).

Classe (ha) Exp Privées

EAC EAI Fer.pilotes Total

- de 1 3744 3 3 747 1 à 5 14 426 5 81 14 512 5 à 10 8 173 12 98 8 283 10 à 20 1 427 9 132 1 568 20 à 50 295 46 131 472 50 à 100 255 98 17 370 100 à 200 160 160 200 à 500 148 148 500 à 1000 42 2 44 1000 à 2000 3 3 2000 et plus 2 2 Total 28 320 520 462 7 29 309

Source : DSA de Sétif, Sce Statistiques.

13- L'irruption de différends fonciers: L'opération de réorganisation du secteur agricole public a aussi

fait émerger plusieurs différends liés au foncier. Ces problèmes, quoique posés avant l'opération de réorganisation, sont désormais à la seule charge des exploitations agricoles. Certains sont cependant liés au potentiel de production des exploitations et d'autres aux rapports de production au sein de celles-ci.

113- Un remembrement inéquitable :

En matière de potentiel de production, il faut certainement

évoquer le principe de création des "exploitations économiquement

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Page 207: Réformes économiques et agriculture en Algérie

viables et humainement gérables". On se rappelle en effet148que l'une des causes ayant conduit, selon l'analyse officielle, à la sous utilisation du potentiel de production agricole, est la trop grande taille des exploitations. Aussi pour résoudre ce problème, le législateur a-t-il introduit en 1987, des instruments de correction en permettant, d'une part, aux producteurs de créer des EAC d'au moins trois membres et d'autre part, des EAI, là où ne peuvent pas être mises en place des EAC.

La mise en application de cette loi, qui ne définit aucune

fourchette d'attribution, a conduit à une répartition inégale des terres entre les producteurs mais aussi à la diminution de la part revenant à chacun.

Tab 77 : Evolution de la fourchette d'attribution des terres du

secteur public de la wilaya de Sétif ( échantillons)*

Fourchettes

Juin 1988 Février 1991 Septembre 1992

d'attribution

Effect Expl = 354 Effect attrib= 2942

Effect Expl = 427 Effect attrib = 1922

Effect Expl = 612 Effect attrib = 1985

en ha Sup moy par

attributaires

% cumulé des

attributaires

Sup moy par

attributaires

% cumulé des

attributaires

Sup moy par

attributaires

% cumulé

des attribut.

- de 10 ha 2,7 1,4 8,9 10,7 6,9 11,4 10 - 20 15,2 07,9 - - 16,6 21,1 20 - 30 24,5 30,7 24,9 39,8 26,8 51,6 30 - 40 32,8 57,3 33,3 71,6 37,1 78,5 40 - 50 45,5 78,1 40,7 94,4 43,0 95,2 50 - 60 58,4 90,1 51,2 98,5 52,7 100 60 - 70 67,3 97,0 - - - - 70 - 80 72,8 98,7 - - - -

+ de 80 ha 84,5 100 82,4 100 - - moy. 39,5 - 31,6 - 30,3 -

Source: Données de la DRA de Sétif, listing Exploitations (*) Les échantillons représentent . 88,5% de l'effectif total des exploitations en 1988 . 53,4% de l'effectif total des exploitations en 1991 . 66,9% de l'effectif total des exploitations en 1992 Il ressort de ce tableau que : - la superficie moyenne par attributaire passe de 39,5 ha en

1988 à 30,3 ha en 1992 soit une diminution de plus de 9 ha en quatre années; 148- Voir notamment A-M. DJENANE: la restructuration du secteur agricole d'Etat : discours et pratiques, mémoire de Magister, ISE, Alger, 1985.

207

Page 208: Réformes économiques et agriculture en Algérie

- alors que l'effectif des attributaires possédant moins de 20 ha

ne s'élevait qu'à 7,9% de l'effectif total des attributaires en 1988, il s'élève à 21,1% en 1992 pour une superficie moyenne par attributaire restée quasiment identique (successivement 15,2 et 16,6 ha);

- l'existence d'un écart important entre les superficies moyennes

allouées aux producteurs. En 1992, l'écart entre la plus grande propriété et la plus petite est de 45,8 ha. Cet écart rend compte d'une certaine manière des rapports de force en présence dans le secteur agricole public à la veille de son démantèlement; rapports de force ayant suscité l'apparition de conflits et l'éclatement des collectifs des travailleurs.

132- Un remembrement réfuté par la majorité des exploitations Quoique réalisé par un Comité interne de réorganisation

présidé par l'Ingénieur gestionnaire, le remembrement foncier des DAS est réfuté par au moins la moitié des exploitations qui en sont issues.

En effet, 50% des exploitations créées au mois de juillet 1988

avaient introduit un recours quant aux méthodes de partage du patrimoine des DAS entre les EAC et EAI. Le dépouillement des correspondances parvenues au Bureau de la Restructuration de la Wilaya de Sétif nous a permis, en effet, de dénombrer 403 requêtes provenant de 201 EAC et EAI sur les 400 créées à cette date.

Les litiges soulevés par ces nouvelles exploitations sont résumés

dans le tableau suivant.

208

Page 209: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 78 : Répartition des litiges et contentieux induits par

l'opération de remembrement des DAS de la wilaya de Sétif ( situation 07/88).

Nature du

contentieux Nombre

de requêtes %

Bornage 13 Foncier Superficie 95 30 Plantations 12 Matériel 69 Bâtiments 46 Logements 29 Autres Cheptel 40 70 Cultures en

rapport 52

Stocks 29 Finances 18

Effectif total des requêtes

403 100

Effectif exploitations plaignantes

201 50

Source : données DSA Sétif. Ainsi, 30 % des litiges opposant les exploitations entre-elles,

sont directement liés au foncier, contre 17 % au matériel et 11 % aux bâtiments d'exploitation.

Mais comme on le sait déjà, les litiges et conflits au sein du

secteur agricole n'ont pas surgi de façon spontanée et ce, suite au lancement de l'opération de réorganisation. Ils lui sont antérieurs et l'Etat, n'ayant pu les résoudre, les a transférés aux exploitations.

133 - l'indue occupation ou un problème de société transféré aux exploitations

Le secteur agricole public a toujours fait l'objet d'appropriation

privative d'une partie de ses moyens de production. Cette appropriation a été cependant toujours considérée comme illégale car ne trouvant pas sa justification dans la sphère de production. C'est pourquoi, elle est désignée dans le discours officiel sous les vocables d' "indue occupation".

L'indue occupation concerne particulièrement les biens

immobiliers appartenant dans les textes aux exploitations agricoles et appropriés dans les faits par des personnes n'ayant généralement pas de lien avec lesdites exploitations.

209

Page 210: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Dans la wilaya de Sétif, ce phénomène est très répandu. L'enquête menée à l'effet de recenser les biens immeubles indûment occupés149 montrent que prés de 3 000 logements appartenant aux exploitations sont dans cette situation : les dairate de Ain El Kebira et de Ain Arnat totalisent, à elles seules, plus de la moitié des logements déclarés indûment occupés à travers cette wilaya.

Le phénomène de l'indue occupation qui a toujours préoccupé les pouvoirs publics qui avaient envisagé en 1987 son éradication au moyen de la promotion du logement rural150, est désormais transféré, suite à la dissolution du secteur agricole public, aux exploitations agricoles.

Tab 79 : Répartition des logements des exploitations agricoles indûment occupés des dairate de Ain El Kebira et de Ain Arnat.

Répartition selon la fonction du chef de ménage au moment de l'enquête (1988).

Secteur d'appartenance

de l'indu occupant Ain El Kebira Ain Arnat Ensemble

Agri Sect public 17 397 414 culture Sect privé 19 10 29

Industrie 32 214 246 Professions libérales 11 45 56 Retraités DAS 14 104 118

155 203 Emigration 15 20 35 Chômeurs 34 162 196 Non identifiés 00 145 145 Autres secteurs 07 100 107 Total 197 1352 1549 Nbre agglomérations indûment occupées

16 60 76

Temporaires 48

Source : Délégations deDaira Ainsi, en situation de faiblesse et d'incapacité de l'Etat à

résorber des problèmes pour lesquels il devait mobiliser d'importants moyens financiers, c'est finalement à l'exploitation agricole, plusieurs fois démembrée, qu’incombe la résolution de cette épineuse question!...

149- Instruction ministérielle n° 244/SM du 01/03/1986. 150- Voir Instruction interministériel (Intérieur, Agriculture, Finances et Planification) n°11/I/SPM/4 du 16/02/87.

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Page 211: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En conclusion, on fera constater que le désengagement de l'Etat du secteur agricole a non seulement conduit à la réduction du patrimoine foncier mais aussi à l'émergence de plusieurs autres problèmes fonciers qui limitent à terme les potentialités productives des exploitations. Il en est ainsi du phénomène de l'émiettement des exploitations qui tendent à adopter le modèle existant dans le secteur privé, de l'irruption de litiges au sein des collectifs et qui par conséquent conduisent à une utilisation non optimale des facteurs de production, etc. L'option pour la petite exploitation familiale permet certes de résorber pour l'instant les problèmes d'organisation du secteur agricole mais une solution non favorable au développement des cultures stratégiques qui enregistrent déjà un recul palpable dans les HPS.

II- Les conversions culturales des HPS: la spécialisation céréalière en question?

La libéralisation partielle des prix entamée au début des années

quatre-vingt s'est vite manifestée dans la région de Sétif et ce, notamment par l'abandon progressif de certaines cultures traditionnelles et l'adoption de nouvelles. Les agriculteurs semblent mettre en effet des stratégies de production qui leurs permettent de maximiser leur revenu, du moins de tirer meilleur parti du marché.

Quelle est donc la tendance générale du système de culture

adopté durant les vingt dernières années par les wilayate du sétifois (les wilayate prises en considération sont Sétif, Bordj-Bou-Arréridj, M'Sila et Béjaia quoique le sétifois inclut également la wilaya de Mila pour laquelle nous n'avons pas pu réunir les données nécessaires) et quelles sont les causes objectives et explicatives de cette évolution?

21- La céréaliculture, toujours dominante mais tournée vers la production de viande

Bien que les superficies cultivées du sétifois aient, durant les

vingt cinq dernières années, tendance à se stabiliser autour de 450 000 ha, des mutations importantes sont enregistrées en matière de répartition des superficies cultivées par type de culture.

211

Page 212: Réformes économiques et agriculture en Algérie

En effet, alors que les superficies réservées à la culture des céréales151représentaient 96 % des superficies cultivées en 1971 et 87 % en 1980, elles ne représentent plus que 80 % seulement de ces mêmes superficies cultivées en 1990. Les Hautes Plaines Sétifiennes sont donc sujettes à une diversification, de plus en plus affirmée, de leur système de culture.

Les superficies réservées aux légumes secs ont, après avoir

doublé entre 1970 et 1980 (2 200 et 4 290 ha aux dates respectives), été maintenues de 1980 à 1990 aux alentours de 4 000 ha.

Ceci n'est cependant pas le cas des cultures industrielles dont la

superficie est passée de 630 ha en 1970 à 3 400 ha en 1980 et à 650 ha en 1990 (440 ha en 1988).

Contrairement aux deux tendances précédentes, les wilayate du

sétifois se distinguent de 1980 à 1990 par une hausse continue de leurs superficies réservées aux cultures maraîchères et aux fourrages.

La superficie des fourrages est passée, pour commencer par cet

exemple, de 4 200 ha en 1970 à 20 700 ha en 1980 et à 55 000 ha en 1990 soit un quasi-triplement des superficies entre 1980 et 1990 mais une augmentation de plus de 1 200% entre 1970 et 1990.

Dans le même sillage, le maraîchage est une activité qui

s'affirme également. Ses superficies ont été soumises à une progression de type géométrique dont la raison est de 2,5. En effet de 5 000 ha en 1970, elles passent à 12 170 ha en 1980 et à 32 400 ha en 1990.

Cela ne constitue pas les seules mutations culturales constatées

durant les dix dernières années dans les hautes plaines "céréalières" du sétifois.

A ce propos, l'on se doit de souligner que la culture des céréales

est de, plus en plus, tournée vers l'activité d'élevage. Ceci est aisé à

151- Les données citées à ce niveau sont tirées de la revue "statistique agricole" éditée par le Ministère de l'Agriculture. Cette revue a connu une interruption de publication au début des années 90 et des publications partielles ont eu lieu en 1994 et concerne les campagnes 1991-92 et 93. Mais comme cette nouvelle publication ne porte que sur la "campagne agricole de printemps", nous nous contenterons donc des données antérieures à 1991.

212

Page 213: Réformes économiques et agriculture en Algérie

montrer en analysant l'évolution des superficies céréalières par type de spéculation.

En opérant la distinction entre les différentes espèces

céréalières c'est-à-dire selon qu'elles soient destinées à la consommation humaine (blés dur et tendre) ou à la consommation animale (orge et avoine), on déduit que les superficies réservées aux blés n'ont pas cessé de décroître depuis 1970 alors que celles réservées à l'orge et à l'avoine ont connu une évolution inverse.

Tab 80 : Evolution de la structure des superficies céréalières des

wilayate du sétifois (1965-1994). Répartition selon l'usage (moyennes quinquennales).

Phase Consommation humaine

(blés) Elevage (orge et avoine)

Ha % Ha % 1965 - 69 191 200 70 82 600 30 1970 - 74 242 300 73 91 200 27 1975 - 79 237 000 69 107 900 31 1980 - 84 180 000 60 122 000 40 1985 - 89 162 400 44 206 300 56 1990 - 93 209 300 52 190 700 48

Sources: Statistiques Agricoles Série B et A, M Agricult.

Les superficies consacrées à l'élevage sont en réalité plus

importantes que ne l'indique le tableau précédent. En effet, si on ajoute aux superficies réservées à l'orge celles des fourrages, les superficies consacrées à l'élevage s'élèvent alors à 99 000 ha en moyenne de 1970 à 1974, 124 000 ha de 1975 à 1979, 157 900 ha de 1980 à 1984 et à 261 000 ha de 1985 à 1989.

Ainsi, on remarque que le développement de la culture de l'orge

et de l'avoine en particulier, celle de ces deux dernières cultures et du fourrage en général, se font au détriment de celle des blés. La superficie des premières spéculations citées passe de 69 % des superficies céréalières des quatre wilayate du sétifois en 1975/ 79 à 44 % en 1985/ 89, pour remonter à 52 % durant la phase 1990/ 93.

Cette corrélation négative, mise en évidence par le graphe ci-

contre, est aggravée par l'accroissement, toujours important, des superficies arboricoles fruitières et de la jachère.

Les superficies arboricoles fruitières passent de 45 000 ha en 1970 à 74 000 en 1980 et à 90 000 en 1990. De l'autre côté, les terres laissées en

213

Page 214: Réformes économiques et agriculture en Algérie

jachère et qui représentaient l'équivalent de la superficie des cultures herbacées en 1970 (340 000 ha environ), s'élèvent au double de celles-ci en 1980 (627 000 ha de jachère pour 350 000 ha de cultures herbacées) et une fois et demie en 1988 (respectivement 352 000 et 530 000 ha).

En conclusion, l'analyse des systèmes de cultures pratiqués durant les vingt dernières années dans le sétifois permet de faire au moins deux remarques.

1) - La première a trait au recul amorcé de la spécialisation des

HPS dans la culture des céréales. Plus précisément des mutations profondes caractérisent le système céréalier qui s'oriente de plus en plus vers la production de viande. De ce point de vue, la politique d'indépendance céréalière prônée par les pouvoirs publics n'est que discours.

2) - La seconde remarque est que la diminution des superficies

céréalières destinées à la consommation humaine se fait au profit de la production maraîchère, fruitière et des viandes. Il s'agit, compte tenu du modèle de consommation dominant en Algérie, de cultures destinées à satisfaire la demande d'un modèle de "consommation supérieure" c'est-à-dire la demande exprimée par les couches sociales moyennes et aisées.

Bien que produire pour toutes les couches sociales soit

nécessaire, il ne faudrait pas cependant que cela se fasse au détriment d'une couche déterminée. Dans le cas contraire, il se pose un problème d'arbitrage et c'est ce dernier qui semble être partial dans la politique agricole mise en place dans les années quatre - vingts.

22- Les avantages comparatifs à l'origine des mutations culturales.

Dans le chapitre (VIII) précédent, nous avons pu constater que

l'Etat continue, en dépit de la rareté des ressources auxquelles il continue à faire face, à octroyer des subventions en baisse aux céréales dont, depuis 1993, aux blés, à l'orge et aux légumes secs. Les subventions accordées ne parviennent pas, même lorsqu' elles représentent plus de la moitié du prix d'achat du produit considéré, à changer de façon significative les tendances de la production. La céréaliculture dépend en effet de la quantité des pluies et des

214

Page 215: Réformes économiques et agriculture en Algérie

superficies qui lui sont réservées. Dit autrement, quel que soit le niveau des prix fixés à la production, les rendements demeureront inchangés.

Tenant compte de cette contrainte de base et des possibilités de

maximisation de son revenu, l'agriculteur du sétifois opère des choix de production. Il met en place une stratégie de production.

Dans ce cadre, on soulignera que l'un des éléments de cette

stratégie de production est l'avantage relatif que procure chacune des cultures ou chacun des groupes de spéculations.

A cet effet, une enquête que nous avons réalisée auprès de 41 exploitations du sétifois durant la campagne agricole 1990 - 91, montre qu'une unité monétaire dépensée à la production de maraîchage ou de l'élevage avicole procure le plus grand revenu annuel relatif.

Tab 81 : Revenus annuels relatifs procurés par l'investissement d'une unité monétaire dans les différents groupes de spéculation - (Camp

1990 - 91).

Spéculation Revenu net en DA Blé dur 3,42 Blé tendre 4,23

3,34 Ovin 3,30 Bovin 3,45 Aviculture de chair 6,26 Maraîchage 9,85

Orge

Source: Enquête Exploitations.

Aux conditions de marché de 1990 - 91, il ressort que la péréquation du taux de profit est quasiment établie pour les cinq premiers produits cités et que le profit demeure relativement élevé dans la filière de l'aviculture de chair et dans le maraîchage.

Ces taux de profit, obtenus dans l'aviculture de chair et le

maraîchage, sont à expliquer par les barrières qui s'établissent à l'amont des deux filières. A titre d'illustration, la reconversion d'un ha de culture sèche en culture maraîchère nécessitait, en 1990 - 91 et dans la zone sud de la wilaya de Sétif, un investissement initial de 400 000 DA soit l'équivalent des dépenses d'entretien, à la même époque, de 200 ha de céréaliculture.

Dans l'aviculture de chair, la mise en place d'une batterie de 2000 à 5000 sujets coûtait 500 000 DA environ152.

215

Page 216: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Cela signifie que dans la logique du système des prix céréaliers,

l'avantage comparatif est en faveur de la culture de l'orge. C'est ce que montre en effet, pour la région de Sétif, une étude consacrée à la mise en marché des céréales dans cette région

S'agissant enfin des mutations constatées au sein du système céréalier, mutations favorables à la culture de l'orge et de l'avoine, il faut retenir avec J- P. BOUTONNET que: "la spéculation ovine en Algérie [est] un produit - clé de la céréaliculture"153.

154. Cependant malgré les conditions de marché favorables au

développement de la culture de l'orge et par suite, de la production de viande, la viande ovine algérienne est comme le relève J.P BOUTONNET dans le document précité, l'une des plus chères du monde. Comparé en temps de travail, un kilogramme de viande ovine algérienne est 17 fois plus coûteux que le même kilogramme produit en France et 76 fois plus que celui produit en Australie à la fin de la décennie quatre - vingt. Ces données contredisent donc l'idée soulignée dans le chapitre précédent et selon laquelle l'Algérie aurait des prédispositions à l'élevage et non à la production de céréales pour la consommation humaine.

Cette situation est due à la dégradation des conditions de

production des céréales. Mais avant d'aborder ce point, il faut remarquer que la politique agricole adoptée durant les quinze dernières années a conduit à une mutation profonde du système de culture du sétifois. Cette politique est appréciable quant aux conversions culturales qu'elle a engendrées ce qui permet de faire face à la demande en produits agricoles exprimée par les diverses couches sociales, notamment les plus aisées, mais appréhensible quant au recul de la culture des céréales qui demeurent l'alimentation de base de la population.

152- NOUIRI. M, FARRAH. A et KACI. A: Essai d'approche des performances zootechniques des ateliers de poulet de chair en Algérie (1987 - 1992), ITPE, Alger, 1993. 153- Jean- Pierre BOUTONNET: la spéculation ovine en Algérie: un produit - clé de la céréaliculture, ENSA, Montpellier, 1989. 154- Etude réalisée par F. CHEHAT, A. DJENANE et A-M. JOUVE: la mise en marché des céréales dans la région de Sétif, op. cité.

216

Page 217: Réformes économiques et agriculture en Algérie

III- Une réforme qui annihile la vulgarisation agricole: Le recul de la culture des céréales dans la région de Sétif ne

signifie pas seulement baisse relative des superficies mais aussi détérioration des conditions de production de cette spéculation.

Il est en effet aisé de montrer que: - les rendements de cette culture dépendent plus aujourd'hui

des aléas climatiques qu'il n' y a une trentaine d'années, et que

- les efforts "d'intensification céréalière", entendus comme meilleure conduite de l'itinéraire technique et enregistrés avant la réforme ont été entièrement annihilés dès le lancement de celle-ci.

31- L'impérativité d'une irrigation d'appoint ou l'incapacité de la vulgarisation à mettre en place un itinéraire spécifique:

Continuer à souligner que les rendements céréaliers en Algérie en général, et dans le sétifois en particulier dépendent des quantités de pluie enregistrées chaque année, c'est mettre l'accent sur la nécessité de ne plus faire dépendre les résultats de cette culture de l'aléa climatique mais c'est également souligner la régression enregistrée en matière de résultats obtenus durant une phase récente de l'histoire céréalière de l'Algérie155.

155- C'est de façon à peine voilée que AIT AMARA Hamid semble répondre à nos résultats collectifs de recherche présentés dans l'étude intitulée " la mise en marché des céréales dans la région de Sétif". Il rappelle, à juste titre d'ailleurs, que la dépendance des rendements de la pluviométrie n'est ni récente, ni spécifique à l'Algérie en tant que pays méditerranéen. L'invasion romaine, la colonisation française ensuite ont imposé dans un premier temps, souligne-t-il, le modèle céréalier "blé-jachère travaillée" pour réduire l'influence de l'aléa climatique sur les rendements. Ceci est effectivement une vérité que d'aucun ne conteste et que la méthode statistique est venue quantifier et confirmer. Ce que l'on doit par contre contester et que ne fait pas l'auteur, c'est que cette culture continue à dépandre de la pluviométrie. Aussi commet-il la grave erreur de proposer à la place du modèle céréalier actuel (blé - jachère), le modèle (céréale - élevage). Mais en quoi ce modèle peut -il accroître l'indépendance céréalière du pays? L'Algérie a-t-elle réellement avantage à délaisser la culture des céréales (blés) au profit de l'élevage (orge, avoine), comme le souligne cet auteur, "pourtant, les importations en blé ne représentent que 40% de la valeur totale des importations agro-alimentaires (500 millions de $) se plaçant, les dernières années, en deuxième position derrière les produits laitiers (600 millions de $)? Se conférer à H.AIT. AMARA "La productivité des sols et le paradigme du blé", op. cité.

217

Page 218: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Nous avons pu montrer en effet dans le chapitre VIII que les meilleurs rendements céréaliers ont été enregistrés au début de ce siècle (9,82 qx/ ha en moyenne de 1915 à 1924).

D'un autre côté, les données relatives au climat de l'Algérie

depuis 1938, conjuguées à celles des rendements dans la région de Sétif, nous ont permis d'établir une corrélation significative entre les deux variables de 1938 à 1991. Le taux de corrélation linéaire durant cette phase d'observation a une valeur égale à 71 %.

En faisant également la distinction entre la période coloniale (1938 - 1962) et la période suivante (1962 - 1991), la valeur de ce taux est respectivement de 61% et 82%156.

Ces valeurs, significatives pour le moins en analyse statistique,

permettent de souligner : - d'une part le caractère pluvial de la céréaliculture des Hautes

Plaines Sétifiennes, et - d'autre part la dépendance, de plus en plus accrue, des

rendements de la pluviométrie. Dit autrement, les trente dernières années se caractérisent par la régression enregistrée par rapport à la phase précédente en matière de culture des céréales : au lieu de l'intensification, c'est l'extensification qui caractérise la politique céréalière de l'Algérie de 1962 à 1991.

L'affinement de ces résultats de recherche permet de considérer pour la région de Sétif que les rendements céréaliers ne dépendent pas désormais de la pluviométrie en général mais de la pluviosité des mois de mars à mai.

Il est en effet à présent établi que lorsque la pluviométrie

annuelle avoisine les 500 mm et que lorsque 25 à 40 % des pluies tombent entre mars et mai, le rendement moyen des céréales, toutes espèces confondues, varie entre 8 et 10,3 qx / ha, et peut atteindre et même dépasser les 14 qx / ha pour quelques espèces prises individuellement.

Tab 82 : Rendements et pluviométrie dans la région de Sétif (1982 - 1995).

156- Se conférer à A-M. DJENANE: Quelques résultats du programme de la vulgarisation de l'intensification céréalière dans la région des Hautes Plaines Sétifiennes, Cahiers du CREAD n° du et Options Méditerrnéennes n° du

218

Page 219: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Pluviométrie Rendement annuell

e (1) printaniè

re (2) (2) / (1) en %

B D B T Orge Avoine moyen

1982 533,9 231,6 10,0 43 8,3 10,9 12,0 9,8 1983 286,0 21 5,0 60,8 4,7 5,3 5,6 4,2 1984 365,2 95,5 26 3,9 3,4 4,5 3,9 4,0 1985 480,9 185,3 39 9,6 9,5 11,2 14,0 10,3 1986 377,5 127,2 34 6,9 8,2 6,7 6,6 7,0 1987 408,1 72,7 18 7,3 8,4 7,9 6,4 7,6 1988 326,6 136,3 42 6,7 7,3 5,9 3,5 6,5 1989 509,4 137,8 27 8,6 9,5 10,0 7,2 9,1 1990 329,1 138,8 58 4,5 5,9 5,2 4,7 5,0 1991 403,7 165,3 41 9,5 14,7 11,0 8,0 10,6 1992 465,3 172,1 37 8,0 8,5 7,6 8,0 7,9 1993 336,6 103,2 31 6,5 5,6 5,3 4,4

246,9 47,6 19 4,0 2,3 3,0 3,6 1995 447,4 108,6 24 6,0 5,4 4,0 4,4 5,3, moyenne

396,2 127,3 32 6,7 7,5 7,1 6,3 7,0

5,9 1994 3,0

Source: DSA de Sétif (Bilans de campagne).

Néanmoins, la représentation graphique des rendements selon les niveaux pluviométriques enregistrés montre que ces premiers baissent dès lors que les quantités de pluie dépassent les 480 mm par an. Ce résultat est également, du moins en théorie, fort appréciable en ce sens qu'il illustre bien la loi des rendements décroissants (voir graphe ci-contre).

Ce schéma peut être interprété comme la possibilité

d'augmenter les rendements au delà du seuil atteint avec la quantité de 480 mm de pluie. Ainsi pour maintenir la courbe ascendante au delà des 480 mm d'eau, l'augmentation des rendements ne peut se faire qu'au moyen d'autres facteurs d'intensification. Dans la région qui retient notre attention ici, on peut penser que l'augmentation des rendements se fera au moyen d'une meilleure conduite de l'itinéraire technique.

32- L'annihilation des résultats de l'expérience de vulgarisation. La wilaya de Sétif a été érigée au début des années quatre-vingt

en wilaya pilote en matière de maîtrise des conditions de production des céréales au moyen de l'intensification et d'une meilleure conduite de l'itinéraire technique des céréales.

Le programme dit de l'intensification céréalière a été

prometteur d'autant que les expériences de vulgarisation lancées à

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Page 220: Réformes économiques et agriculture en Algérie

travers la wilaya de Sétif par l'ITGC donnaient des résultats encourageants. En effet, "les rendements du blé dur pouvaient augmenter de 2,5 à 5 qx/ha, ceux du blé tendre de 3 à 3,5 qx/ha et ceux de l'orge de 0,5 à 3 qx/ha"157 à la condition cependant de se conformer aux normes de fertilisation spécifiques à cette région céréalière.

La mise en application du programme d'intensification

céréalière avait alors mobilisé d'importants moyens is d'améliorer sensiblement les résultats, du moins, les conditions de production des céréales

158 et a perm

159. Les améliorations ont été soutenues jusqu' en 1987, date du

démarrage de la réforme. Pour ne pas faire redondance à nos travaux de recherche antérieurs, nous nous limiterons aux données contenues dans le tableau suivant :

Tab 83 : Evolution des résultats de l'expéreince de vulgarisation de la culture des céréales dans la wilaya de Sétif.

Désignation 1984-85 1991-92 Qté d'engrais util. par ha cult. en céréales (qx)

0,38 0,16

38 24

Superficie recroisée / Superf. labourée en % 94 74 Superf. fertilisée / Superf. labourée en % 50 12 Semis en ligne des céréales en % 74 45 Rdt des moissonneuses batteuses en ha 398 263

Labour de printemps / Superf. labourée en %

Source : DSA de Sétif, tiré des bilans de campagnes Le programme d'intensification céréalière, lancée en 1984 et

abandonné en 1987 à la suite de la mise en application de l'opération 157- ITGC: les engrais azotés, Sétif, Mars 1992. 158- Les moyens matériels et humains mis en oeuvre pour la reussite de cette opération sont: - les structures d'encadrement ayant fonction de vulgarisation: une ferme expérimentale de l'ITGC, un ITMA, un CFVA et 5 fermes expérimentales spécialisées dans la production de semences. - les moyens humains englobaient quelques 500 cadres se répartissant en 70 ingénieurs et 200 techniciens agricoles, 130 comptables et agents comptables, 25 chefs de culture (grandes cultures), 50 chefs de chantiers et 3 spécialistes de la protection des végétaux. 159- Se conférer à F-CHEHAT, A-M. DJENANE et A-M. JOUVE: la mise en marché des céréales dans la région de Sétif, op. cité.

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Page 221: Réformes économiques et agriculture en Algérie

de réorganisation du secteur public, est remis en application en 1995-96. L'Etat a-t-il alors aujourd'hui les moyens de la réalisation et de la réussite de ce nouveau programme, lorsqu'on sait qu'il a perdu d'une part son assise foncière et que d'autre part, le système coopératif ne parvient pas encore à émerger?

Conclusion : Les effets de la politique du désengagement de l'Etat sur

l'agriculture locale sont multiples. Le premier peut être illustré par l'émergence enfin de stratégies

de production différentes des agriculteurs et de l'Etat. Alors que ce dernier, qui a la charge d'assurer la sécurité alimentaire de la population, développait dans le passé un discours en faveur de l'intensification céréalière, les agriculteurs sont, quant à eux, intéressés par la maximisation de leurs revenus.

On peut penser alors que les objectifs d'orientation

contradictoire de la production des uns et de l'autre ont conduit à l'inévitable réorganisation du secteur public qui, en peu de temps, a pu instituer le modèle d'exploitation agricole en présence dans le secteur privé. Ceci constitue le second effet.

Le troisième effet est relatif aux mutations culturales constatées

durant les quinze dernières années, mutations se faisant, dans les régions "céréalières" notamment, en faveur des cultures à forte valeur ajoutée, et abandonnant de plus en plus à l'Etat la lourde charge de la sécurité alimentaire.

Le problème de la sécurité alimentaire et céréalière est d'autant

inquiétant que l'un des effets induits, entre autres, par l'opération de réorganisation est la détérioration généralisée des conditions de production. La détérioration des conditions de production est constatée en matière de foncier, de répartition des patrimoines entre les nouvelles exploitations et en matière d'effort d'intensification céréalière, etc.

Au bout de ce processus, l'agriculture algérienne, déjà

vulnérable, devient l'agriculture la moins performante du Bassin méditerranéen, du moins de la Méditerranée occidentale.

221

Page 222: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Chapitre XI - Existe-t-il des agricultures performantes sans le soutien de l'Etat? Cas des agricultures de la Méditerranée

occidentale.

Les relations commerciales internationales contemporaines reposent, ainsi que le consacre de façon définitive la Conférence du GATT (Marakech, 1994) sur la compétition et les avantages comparatifs qu'ont les pays à se spécialiser dans la production d'un bien donné160.

La concurrence commerciale internationale ne ménage

désormais, selon les termes des accords précités, aucun produit qu'il soit d'origine industrielle, agricole ou tertiaire. Les marchés nationaux et régionaux fusionnent et la libre circulation, du moins en théorie, des facteurs de production et des marchandises permet désormais l'établissement d'une péréquation des taux de profits à l'échelle planétaire. Le corollaire du nouveau cadre de reproduction du capital à l'échelle mondiale est, malgré les conflits qui caractérisent les relations commerciales euro américaines, l'abolition des barrières douanières et des législations protectionnistes. Ceci devrait conduire, toujours du point de vue théorique, à l'utilisation optimale des ressources (rares) à l'échelle planétaire, d'une part, et à une plus grande spécialisation internationale des pays (économies d'échelle), d'autre part. Les pays et les secteurs économiques qui sont appelés à développer cette compétition et à en tirer meilleur parti sont ceux qui seront les plus performants.

A ce dernier propos, nous voulons tenter de répondre dans ce

dernier chapitre et, en restant dans le domaine de l'agriculture, à deux questions.

La première est relative au souci de savoir s'il existe

aujourd'hui des agricultures performantes sans l'intervention et le soutien de l'Etat. Cette question devient inévitable du fait même que le retrait des subventions au secteur agricole algérien est, au nom de l'utilisation rationnelle des moyens et au nom de la nécessaire

160-Se conférer à SOLAGRAL : Du GATT à l'Organisation Mondiale du Commerce, Dossier pédagogique réalisé sous la coordination de J-M. BRUN et Y. JADOT, Solagral, Paris, 1995.

222

Page 223: Réformes économiques et agriculture en Algérie

suppression du déficit budgétaire, un objectif draconien imposée à l'économie nationale. Mais on doit comprendre que l'aide qu'apporte tout Etat à son agriculture nationale a au moins deux causes objectives.

La première est, en attendant la mise en place et le fonctionnement réel des grands espaces économiques régionaux desquels seront bannies les idées économiques nationalistes et que jouera effectivement l'esprit de solidarité et de complémentarité économique internationale161, d'ordre stratégique. Elle permet à la communauté nationale de se développer à l'abri des défis et chantages alimentaires extérieurs162. Un pays prospère au plan économique en général et au plan agricole en particulier est un pays en mesure d'assurer facilement sa cohésion sociale et politique interne. La seconde raison est d'ordre économique et permet de nourrir la population nationale au moindre coût ce qui se traduit par des gains de développement et permet une meilleure accumulation du capital national, d'où sa facilité relative à s'insérer bénéfiquement dans les marchés extérieurs et même contribuer utilement à la réalisation du nouveau système économique mondial qui sera probablement construit autour de trois grands pôles. C'est pourquoi, il apparaît alors que le désengagement de l'Etat du secteur agricole dans les pays de la rive sud de la Méditerranée est un double leurre qui affecte d'une part leur développement national et diminue d'autre part les chances d'un développement équilibré au sein du futur espace euro méditerranéen.

161- Le nationalisme économique n'est pas, comme on a souvent tendance à le croire, le propre des pays en développement dont la plupart ont adopté des modèles d'industrialisation "autocentrés", donc tournés vers les besoins d'une croissance interne. C'est un outil de gestion macro-économique qui permet de protéger de la concurrence internationale une activité ou un secteur économique national donné. Les pays de la CCE n'auraient probablement jamais développé leurs agricultures respectives s'ils les avaient soumises à la concurrence agricole américaine. Aujourd'hui, alors que la libre circulation des facteurs et des marchandises est érigée en régle de conduite commerciale internationale, les pays de l'Union Européenne qui parrainent le projet de mise en place d'une "économie euro-méditerranéenne" affichent, de façon à peine voilée, leur crainte à ouvrir leur marché aux PTM (les échanges agricoles seront progressivement libéralisés). Cette crainte semble se justifier par le besoin de consolidation des agricultures espagnole et portugaise qui sont, à leur tour, concurrentes de plusieurs produits et spéculations de l'agriculture française notamment. 162 - La formule de "pétrole contre nourriture" appliquée par la communauté internationale à l'Irak illustre parfaitement les nouveaux enjeux et chantages internationaux.

223

Page 224: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La seconde préoccupation est en relation avec les perspectives de développement et d'orientation de l'agriculture algérienne. Notre souci est de savoir si les transformations opérées dans le secteur agricole visent au développement de l'agriculture vivrière ou des cultures d'exportation? Cette question peut paraître et est même prématurée au vu de la jeunesse de l'expérience algérienne dans ce domaine. Elle aura cependant le mérite de recenser les tentatives faites en matière de compétition internationale et d'essayer également de nous renseigner sur les avantages et les limites qu'a l'Algérie à développer son secteur d'exportation agricole. Développer le secteur agro exportateur permet de réduire, selon la vision officielle dominante, la dépendance extérieure du pays des seuls hydrocarbures mais aussi de permettre à l'économie nationale de s'insérer autrement à l'économie euro méditerranéenne...

On doit cependant faire préalablement une brève présentation

chiffrée des principales caractéristiques des agricultures méditerranéennes que nous illustrerons, pour la raison évidente d'appartenance de l'Algérie à cette région, par le cas spécifique de la Méditerranée occidentale. La Méditerranée occidentale est désormais, comme nous l'avons vu dans le chapitre VI, le principal partenaire économique et commercial de l'Algérie durant les dix dernières années mais c'est aussi l'espace de reproduction future qui semble lui être fixé dans le schéma d'expansion des frontières économiques de l'Union européenne.

Connaître ce nouveau cadre, c'est mesurer les "performances"

relatives actuelles du secteur agricole national. C'est aussi montrer les chances réduites d'une insertion future de l'agriculture nationale, sans un changement radical de comportement à son égard, dans l'agriculture de la Méditerranée occidentale.

Ainsi, ce dernier chapitre a pour objet de montrer d'une part le

peu de performance de l'agriculture algérienne comparativement à celles des pays de la Méditerranée occidentale : de ce point de vue, elle apparaît comme une agriculture naturelle qui nécessite d'intenses efforts pour son développement futur. Mais le développement ne peut se faire sans l'application de la politique actuelle qui se caractérise par la suppression des subventions à l'économie dont l'agriculture : il n'existe pas d'agriculture performante sans le soutien de l'Etat!

224

Page 225: Réformes économiques et agriculture en Algérie

I- L'agriculture algérienne ou l'agriculture la moins performante de la Méditerranée occidentale.

L'agriculture algérienne est, son incapacité structurelle à faire

face aux besoins essentiels de la population faisant foi, la moins performante de la Méditerranée occidentale. La performance ne sera pas mesurée ici par rapport à cette insuffisance, étant donné qu'aucun pays ne s'auto suffit, mais par rapport à son niveau de développement que l'on tentera de comparer à celui atteint par les agricultures de la Méditerranée occidentale notamment dans les domaines des niveaux de production et de productivité et dans celui de la dotation en facteurs d'intensification. La comparaison s'avère nécessaire d'autant que la dualité Nord-Sud soit s'effacer progressivement au profit d'une complémentarité entre les différents pays.

11- Productions et productivité : La productivité est, comme on s'y attend, plus élevée sur la rive

nord. Prenons le cas du PIBA par actif agricole; il varie de 1429 $ au Maroc à 25 043 $ en France en 1990, soit un rapport de 1 à 18 environ. En Algérie, ce ratio était à la date indiquée de 3940 $ . Ceci lui confère le quatrième rang au classement des sept pays considérés ici.

Pris dans l'optique de longue période, le PIBA / actif agricole

connaît, sauf pour le cas du Portugal et du Maroc, une forte croissance entre 1965 et 1990. Il est multiplié par 4,3 et 4,7 respectivement pour le Maroc et le Portugal mais par 11,3 pour la France, 12,9 pour l'Italie, 14,7 pour la Tunisie et 22,4 pour l'Algérie. De ce point de vue, l'Algérie a également enregistré des résultats trés appréciables qui la placent en tête de liste des pays considérés et à s'en tenir à cette première donnée, c'est conclure hâtivement sur un processus de développement accéléré de l'agriculture de ce pays durant les vingt dernières années. Mais ne faudrait-il pas rappeler que le PIBA n'inclut pas seulement la Valeur Ajoutée et la TVA grevant les produits locaux, mais aussi les droits de douane sur les produits importés, qu'ils soient destinés à la consommation finale (produits alimentaires et agricoles) ou à être utilisés dans la production agricole (facteurs d'intensification)? Ne faudrait-il pas aussi préciser que le PIBA est ici calculé en prix courants et que l'Algérie connaît depuis 1984-1985 une forte augmentation de ses prix agricoles?

225

Page 226: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 84 : PIBA et PIBA / actif agricole des pays de la Méditerranée Occidentale.

PIBA (millions $ courants) PIBA /actif agricole (milliers

$) 1965 1990 accrois. 1965 1990 accrois. Italie 7 337 32 576 4,4 1 517 19 600 12,9 France 7 944 33 582 4,2 2 207 25 043 11,3 Espagne 3 563 19 868 5,6 854 12 728 14,9 Portugal 860 2 184 2,5 610 2 859 4,7 Maroc 679 5,9 1 429 4 035 333 4,3 Algérie 476 5 480 11,5 176 3 940 10 Tunisie 194 1 773 9,1 184 2 707 14,7

Source: MEDAGRI 1995 (Extrait).

En termes de productivité physique, on ne relèvera pas de différence par rapport à la situation précédente à savoir la supériorité de la rive nord sur la rive sud. Cette première participe à concurrence de 87% environ à la production totale des céréales de cette région de la Méditerranée et la France assure, à elle seule, plus de la moitié de la production céréalière de la région (52%) et 60% de la rive nord.

Les rendements se caractérisent, eux aussi, par des écarts

importants selon que l'on soit sur une rive ou sur une autre : en 1991, le rendement des céréales en Algérie s'est élevé à 11 qx / ha (année exceptionnelle) contre 67 qx / ha en France. La différence de rendements caractérise également les pays limitrophes pris deux à deux. La France et l'Espagne par exemple dont le rapport des rendements est de 2,8 ou le Maroc et l'Algérie dont la valeur du rapport précédent s'est élevé à 1,8 en 1991. L'Algérie réalise, malgré les bonnes conditions climatiques ayant caractérisé cette année de référence, le plus faible rendement céréalier de la Méditerranée occidentale : 11 qx /ha contre 13 au Portugal, 17 en Tunisie et 67 en France.

Tab 85 : Production des principales céréales de la Méditerranée occidentale en 1991 (en millions de tonnes)

Blé Orge Maïs Céréales

totales Rdt qx/

ha Rdt BD /

ha Italie 9,3 1,8 6,2 19,0 35 28 France 34,5 10,6 12,8 59,1 67 60 Espagne 5,4 9,1 3,1 18,8 24 25 Portugal 0,3 0,1 0,7 1,3 13 16 Maroc 4,9 3,3 0,3 8,6 19 10 Algérie 1,7 1,7 - 3,6 11 7 Tunisie 1,8 0,7 - 2,5 17 12

226

Page 227: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Source: MEDAGRI 1995 (Extrait)

Enfin et s'agissant toujours de la production physique, on relèvera des taux de croissance annuels différenciés selon les rives, les pays et les produits. La production de céréales a enregistré les plus forts taux de croissance en France et au Maroc (3,4%) suivis de l'Italie (3%) : les plus faibles taux sont enregistrés en Algérie (1,7%) et au Portugal (1%).

Le Maroc et la Tunisie bénéficiant de protocoles d'accords

d'exportation vers la CEE et ce, depuis 1976, sont ceux qui ont enregistré les plus forts taux de croissance de la production de légumes (Maroc : 8,3%, Tunisie : 5%) de tomates (respectivement 3,9 et 4,7% : ils sont cependant devancés par l'Italie : 6%) et des fruits (5,8% au Maroc et 2,4% en Tunisie). Les taux de croissance les plus bas pour ces trois produits sont enregistrés en France (légumes : 0%, les tomates : 1,5% et les fruits : - 0,7%). Cette évolution est probablement due à la saturation du marché agricole interne français ou encore à une stratégie de spécialisation dans le cadre du marché communautaire.

Avec des taux de croissance de la production physique compris

entre 0,9 % pour les fruits et 5,5 % pour la viande de volaille, l'Algérie semble se disputer la dernière place avec le Portugal en matière de croissance agricole réalisée entre 1963 et 1988.

Tab 86 : Croissance annuelle moyenne de quelques productions de 1963 à 1988 des pays de la Méditerranée occidentale (taux).

Céréale

s Légume

s Tomate

s Fruits Viandes

ovine et caprine

Lait de vache

Viande de

volaille Italie 3,0 4,0 6,0 1,6 1,2 0,6 4,3 France 3,4 0 1,5 -0,7 1,4 0,3 3,5 Espagne

2,2 2,1 3,0 2,0 2,4 2,5 6,6

Portugal

1,0 1,4 2,4 0,4 0,5 4,0 6,3

Maroc 3,4 8,3 3,9 5,8 1,0 4,1 6,3 Algérie 1,7 1,5 1,7 0,9 4,2 4,8 Tunisie 3,1 5,0 4,7 2,4 2,2 4,8 7,3

5,5

Source: MEDAGRI, 1995 (Extrait). Enfin, on peut remarquer que la production animale,

particulièrement la production de viande de volaille et du lait de vache, a connu des taux de croissance appréciables pour l'ensemble des pays de la région, à l'exception cependant de la France et de l'Italie, c'est-à-

227

Page 228: Réformes économiques et agriculture en Algérie

dire des pays ayant participé en tant que co-fondateurs du marché commun agricole en 1961.

1.2- L'intensification Les efforts d'intensification des agricultures de la Méditerranée

occidentale peuvent être appréhendés par rapport à l'effort de mécanisation, de fertilisation et d'irrigation des terres agricoles.

Exceptée la France dont la mécanisation optimale a été déjà

réalisée dans les années soixante-dix, des efforts appréciables ont été réalisés par l'ensemble des pays de la région entre 1970 et 1990. Néanmoins, malgré ces efforts, des écarts importants continuent à caractériser les différentes agricultures. Citons, à titre d'illustration, le cas de la mécanisation lourde qui sera appréciée par la superficie agricole affectée à chaque tracteur.

Hormis le Maroc et la Tunisie qui continuent encore à associer

l'attelage au tracteur, l'ensemble des autres pays ont considérablement diminué le rapport de superficie par tracteur durant les vingt dernières années.

Tab 87 : Evolution de la densité des tracteurs des pays

de la Méditerranée Occidentale ( ha de SAU par tracteur).

Pays 1970 1990 Italie 24 8 France 16 13 Espagne 79 27 Portugal 141 23 Maroc 625 238 Algérie 469 8 Tunisie 213 177

SourceMEDAGRI, 1995 (Extrait).

Le taux de mécanisation, au sens qui lui est attribué ci-dessus, passe de 24 à 8 pour l'Italie, de 79 à 27 pour l'Espagne, de 141 à 23 pour le Portugal et de 169 à 8 pour l'Algérie. On peut donc dire que ces deux derniers pays ont réalisé un bouleversement total de leurs

228

Page 229: Réformes économiques et agriculture en Algérie

méthodes de travail du sol. Mais, il faut ajouter pour le cas de l'Algérie que cette dernière a enregistré durant ce laps de temps une augmentation sensible de ses superficies laissées en jachère.

S'agissant de la fertilisation, c'est, comme presque pour tous les

autres postes, la France qui occupe le premier rang et ce, quelle que soit l'année de référence considérée. Les quantités d'engrais (kg / ha de SAU) utilisés par ce pays, passent de 113 kg en 1961 à 295 kg en 1990. Le niveau de fertilisation atteint par la France en 1961 est loin d'être réalisé, trente années plus tard, par la totalité des autres pays, sauf l'Italie. En 1990, ce dernier pays utilisait en effet 148 kg d'engrais par ha de SAU contre 97 kg pour l'Espagne, 88 kg pour le Portugal et 33 kg pour le Maroc. La Tunisie et l'Algérie se classent, avec respectivement 18 et 17 kg par ha de SAU, en fin de liste.

Le développement de la fertilisation dans la Méditerranée

occidentale, dans les pays de la rive nord particulièrement, est facilité par, au moins, deux facteurs favorables. La pluviosité qui est nettement meilleure en Europe qu'au Maghreb (quoique le pourtour de la Méditerranée soit globalement uniforme sur une profondeur de 40 à 50 km environ à partir de la mer) et le développement de l'irrigation.

Tab 88 : Evolution des superficies irriguées des pays de la

Méditerranée Occidentale.

Pays Surfaces irriguées 103 ha % des terres irriguées / sup. cultivées

1961 1970 1990 1961 1970 1990 Italie 2 380 17 2 561 3 100 15 26 France 660 750 1 170 03 04 06 Espagne 1 950 2 379 3 370 09 12 17 Portugal 620 622 631 15 16 20 Maroc 875 920 1 270 13 12 14

229 238 330 03 04 04 Tunisie 65 90 280 02 02 06 Algérie

Source: MEDAGRI, 1995 ( Extrait).

Les pays de la rive nord totalisent, à eux seuls, 8 271 000 ha sur les 10 157 000 ha de superficie irriguée en 1990 dans la région. Ensemble, l'Espagne et l'Italie concentrent 64% des superficies irriguées de la Méditerranée occidentale et 78% de la rive nord de cette région. En Italie, les superficies irriguées représentaient 26% des superficies cultivées en 1990 : ce rapport est de 1/5 au Portugal et de 17/100 en Espagne. En Algérie, 4 % seulement des superficies cultivées

229

Page 230: Réformes économiques et agriculture en Algérie

sont irriguées contre 6 % en Tunisie et 14 % au Maroc. L'Algérie se classe là aussi en fin de liste.

Enfin, il est presque tentant de souligner qu'à niveau différent

de développement des forces productives agricoles, on obtient des résultats de production différents mais proportionnels aux efforts de développement consentis. Ne faudrait-il pas mentionner que lorsque le rendement moyen du blé passe de 41qx/ha de 1970 - 1975 à 60 qx/ha de 1985 -1990 en France, de 13 à 25 en Espagne, de 25 à 28 en Italie et 12 à 16 au Portugal, il enregistre des variations insignifiantes dans les pays de la rive sud. Le Maroc, malgré les efforts déployés en matière d'irrigation, ne fait subir aucun changement de rendement à son blé (10 qx/ha en 1975 - 1980 et 1985 - 1990), la Tunisie les augmente de 3 qx (respectivement 9 et 12) et l'Algérie d'un quintal seulement (6 et 7 qx).

Ce qui est vrai pour les blés, l'est également pour les cultures

maraîchères et industrielles. Le rendement de la tomate passe de 27 tonnes par ha en 1970 - 1975 à 56 t / ha en 1985 - 1990 en France, de 27 à 43 en Espagne et en Italie, de 15 à 23 en Tunisie et de 9 à 12 seulement en Algérie. Ce sont ici quelques indications qui caractérisent les performances, à la veille de leur entrée en compétition, des agricultures de la Méditerranée occidentale. Comment être tenté par ce duel, lorsqu'on sait que peu de chance de réussite de la compétition se présente à l'Algérie? Quel(s) produit(s) lui permettrai (en) t- elle de s'insérer bénéfiquement à cet espace? L'adhésion de l'Algérie au projet euro méditerranéen de création d'une ZLE signifie-t-elle réellement pour elle compétition ou affiche-t-elle simplement sa volonté de faire ensemble, auquel cas il s'agira de définir clairement les objectifs de la nouvelle politique agricole et de considérer que la priorité est à la recherche de la sécurité alimentaire?

Revenons au cas plus général de l'agriculture des pays de la

Méditerranée occidentale. Bien que chacune de ces agricultures ait ses propres conditions de reproduction interne de même qu'elle bénéficie de conditions naturelles qui lui sont spécifiques, il faut pourtant mentionner que les performances de chacune des agricultures évoquées sont à chercher dans la politique agricole propre à son pays et à son espace économique d'appartenance. De prime abord, on peut constater que la politique agricole des pays de la rive nord de la Méditerranée se caractérise par la trés forte intervention de l'Etat dans ce secteur et c'est osé de ne pas considérer que cet interventionnisme est direct. La réforme de la politique agricole est ici

230

Page 231: Réformes économiques et agriculture en Algérie

synonyme de fortes subventions au secteur agricole alors que dans les pays de la rive sud, elle est accompagnée par la suppression du concours de l'Etat au développement agricole. Les résultats sont nécessairement différents et les chances d'insertion au futur espace économique inégales, voire inverses.

Le cas français est, à ce titre, attrayant tant par ses

performances récentes qui le classent désormais à la tête des grands pays exportateurs de produits agro-alimentaires que par son organisation interne qui se distingue par une définition claire de la place et des fonctions du secteur agricole par rapport au reste de l'économie.

II- Les performances du secteur agricole des pays du Nord , résultat d'un soutien public accru.

Le secteur agricole des pays développés bénéficie d'un appui

quasi-illimité de l'Etat. Cet appui peut être perçu à différents niveaux. Le secteur agricole est en effet:

- un secteur protégé de la concurrence internationale, - un secteur de solidarité nationale et transnationale, et - un secteur de régulation sociale et territoriale. 21- Un secteur protégé de la concurrence internationale La protection des marchés agricoles nationaux résulte du souci

stratégique d'assurer la sécurité alimentaire aux populations. Les mesures de protection des marchés intérieurs de produits agricoles sont, lit-on dans un document de SOLAGRAL, anciennes.

On en retrouve aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis dès le XIXe siècle et avant la seconde guerre mondiale. Les enjeux représentés par le secteur agricole, notamment en terme de sécurité alimentaire, justifie les politiques de préférence nationales. Aussi, le protectionnisme agricole va-t-il perdurer après guerre, bien qu'il soit en contradiction avec les principes fondateurs du GATT : les politiques agricoles font l'objet de dérogations aux règles du commerce international dès 1951163.

163- SOLAGRAL : Du GATT à l'Organisation mondiale du commerce, Op cité, Fiche C2.

231

Page 232: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Que l'on s'intéresse en effet de près à l'évolution de la politique commerciale de cette organisation durant ses cinquante années d'existence (1947 - 1994) et malgré l'effectif toujours croissant de ses adhérents (23 en 1947 et 123 en 1994), on ne s'étonnera pas de constater sa constance en matière agricole. Bien que tous les produits faisant l'objet du commerce mondial soient soumis, durant les différentes phases de l'évolution du GATT, à la concurrence internationale, les produits agricoles en font exception et sont même au coeur des conflits commerciaux des principaux partenaires à ce commerce, c'est-à-dire les pays développés dont en particulier les Etats-Unis et la CEE.

Les débats autour des questions agricoles, bien qu'ils ne

concernent avant tout que les pays autosuffisants et exportateurs nets (les Etats-Unis et la CEE dans un premier temps auxquels sont venus s'ajouter plus tard les pays agro exportateurs soutenant peu leur agriculture : Australie, Argentine, Nouvelle - Zélande), ne concernent que quelques produits (alternativement les céréales, le soja, le maïs, le lait, etc.) et presque jamais les politiques agricoles, qui relèvent du domaine de la souveraineté nationale. Ainsi et en fonction des conjonctures du marché mondial des produits agricoles, on décide de l'ouverture ou non des marchés nationaux ou régionaux aux produits agricoles d'autres contrées.

Récemment encore, durant la phase dite de l'Uraguay Round

(1986 - 1994), on pouvait recenser plusieurs controverses liées aux questions agricoles nationales et mondiales. Les positions des uns et des autres sont loin de relever de la trêve sur laquelle il y a désir de fonder les nouvelles relations économiques internationales.

Certains, les Etats-Unis, l'Australie, l'Argentine et la Nouvelle-

Zélande sont partisans de la suppression du soutien interne à l'agriculture et de l'instauration du libre échangisme international alors que d'autres tiennent, selon qu'ils soient agro exportateur net (l'Europe) ou agro importateur net (le Japon) à conserver la spécificité de leurs agricultures ou encore à continuer à protéger fortement leur secteur agricole.

Une meilleure compréhension des différentes positions peut être

perçue à travers les données du tableau suivant relatif à l'aide apportée par les différents pays à leurs agricultures respectives.

232

Page 233: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Tab 89 : Transferts totaux au titre des politiques agricoles dans les pays de l'OCDE, 1992 (en $ US)

Pays

Montant (milliards)

Par

habitant

Par agriculteur

(à temps plein)

Par ha de terre

agricole

Part des transferts

dans le PIB (en %)

Australie 1,6 89 4 200 3 0,5 Canada 9,1 330 20 400 123 1,6 Union Europe. 155,9 450 17 700 1 120 2,0 Japon 74 600 31 300 14 120 2,0 Etats-Unis 91,1 360 36 100 210 1,5

Source: ODCE (1993), cité par SOLAGRAL: Du GATT à l'OMC.

Des études récentes montrent que les négociations du GATT de 1994 ne font que confirmer les tendances antérieures en matière de soutien des Etats à leurs agricultures. En effet, l'aide aux agriculteurs, loin de diminuer, a été augmentée de 30 milliards de $ annuellement de 1992 à 1995164.

Aussi avant de nous intéresser de près à cette question de l'aide à l'agriculture, que l'on s'imprègne un instant de la philosophie qui anime les politiques agricoles des pays, hier encore déficitaires. "L'interrogation de ce jour, souligne Edgard PISANI, est toute entière tournée autour du problème de la sécurité alimentaire dont la définition est : la capacité offerte à toute femme, tout homme, tout enfant, de trouver assez pour se nourrir. Assez, c'est-à-dire, de quoi vivre et non survivre; c'est-à-dire, de quoi s'épanouir sans avoir à être obsédé par le pain quotidien de nos prières d'enfant. Or nous en sommes très loin"165.

22- Un secteur fortement subventionné Le secteur agricole des pays développés bénéficie, au vu du

reste de l'économie, d'un statut privilégié. Des aides multiformes et de diverses origines lui sont octroyées et la quasi-totalité des exploitations en bénéficie.

Aux Etats-Unis, par exemple, les aides directes à l'agriculture

s'élevaient en 1994 à 16% du résultat brut d'exploitation. En France, elles en représentaient, à la même date, 38%. 164- Se conférer à Luis Portugal: Le rôle des paiements directs dans la réforme des politiques agricoles, SFER, INAPG, Novembre 1995. 165- E. PISANI: "La sécurité alimentaire à l'échelle mondiale", in Options Méditerranéennes, n°26, CIHEAM - IAM, 1995.

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Page 234: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Toujours aux Etats-Unis, l'aide directe au maintien de la

jachère représente 12,5% des aides versées à l'agriculture et les débats actuels des centres de décision officiels (Sénat et Chambre des Représentants) portent sur la question de savoir si l'aide directe doit concerner 85 ou 70% seulement des superficies agricoles. C'est à ce dernier prix là que l'Etat reconnaîtrait alors le droit aux agriculteurs de faire un libre choix de culture sur les 30% des terres qui ne toucheraient pas d'aide...

Nous avons mentionné précédemment que l'agriculture des

pays développés dont le caractère stratégique n'est plus à démontrer, bénéficie d'un statut privilégié. Illustrons notre démonstration par le cas de l'agriculture française.

L'aide accordée aux agriculteurs provient de deux origines :

une source nationale et une source communautaire. Bien qu'il soit difficile de se ranger d'un côté comme d'un autre en matière de débat sur la légitimité de l'aide octroyée à l'agriculture, on peut cependant se permettre de recenser quelles sont les principales causes qui ont conduit à la mise en place d'une politique de subvention conséquente. Elles sont, au moins, au nombre de deux.

La première est que le secteur agricole représente un intérêt majeur de ce pays industriel à l'exportation. L'intérêt agricole a commencé à être acquis depuis le choc pétrolier des années soixante dix, qui a poussé à la mise en place d'une politique de subventions conséquentes au secteur agricole166.

Entamé dans une situation de crise des relations économiques

internationales, le développement de l'agriculture française - une agriculture à présent extrêmement performante - débouche sur une crise des relations commerciales agricoles internationales. La France est devenue en effet, grâce au dynamisme de ses agriculteurs et à sa

166- Se conférer notamment à Michel BOURDON qui écrit: "les grandes masses budgétaires qui représentent l'ampleur des transferts réalisés au profit de la sphère économique des entreprises et ménages, avoisine de nos jours les 200 millions de francs soit les 2/3 environ de l'effort de la puissance publique consacré au financement des régimes de protection sociale. La montée en puissance des aides de nature économique s'est effectuée lors du déclenchement de la crise pétrolière et s'est fortement accentuée après l'arrivée au pouvoir de F. Mittérand...", extrait de l'article: Evaluation des concours budgétaires au système productif : aides directes à l'agriculture et à l'économie non - agricole", colloque SFER du 20 XI 95, INA PG.

234

Page 235: Réformes économiques et agriculture en Algérie

stratégie économique d'ensemble notamment agricole, un pays agro - exportateur après avoir été dans les années soixante déficitaire au plan agro-alimentaire. Ainsi, on peut dire que les controverses qui opposent les Etats-Unis à la CEE en matière agricole sont, en grande partie, des controverses américano - françaises. Ne faudrait-il pas alors chercher à poser la question de savoir comment un pays qui mène le conflit commercial mondial pour l'écoulement de ses produits éviterait de rentrer dans le même conflit commercial avec d’autres pays, même moins puissant?

La seconde raison qui justifie l'octroi des aides à l'agriculture est d'ordre historique ou cherche, du moins, à réparer et à atténuer les inégalités induites par le développement historique du capitalisme. L'aide octroyée à ce titre prend la forme d'une aide de "mise à niveau" des "zones marginales". Cette forme d'aide est essentiellement supportée par l'Union Européenne167 qui s'attache de plus en plus à résorber les "poches de misère" ou "tiers monde" du Nord.

Mais là aussi on doit se résigner à souligner que la nature des

défis à relever a fortement influencé la politique des Etats en matière d'aide à apporter à l’agriculture.

Ainsi les données du tableau suivant montrent que :

- les aides octroyées au secteur agricole (aide directe) ont sextuplé en l'espace de dix années, passant de 7 milliards de francs en 1984 à 44 milliards de francs en 1994. L'aide directe dont bénéficient les exploitants doublent en 1994 par rapport à 1992, année de la

167- Se conférer à Bernard ROUX qui mentionne: "Après le premier choc pétrolier, la convergence a cessé; les écarts régionaux sont restés stationnaires en termes de revenus et se sont même aggravés pour ce qui est du chômage. La CEE a pris acte de cette situation après les deux élargissements méditerranéens et a réformé sa politique régionale, à la fin des années 1980, donnant la priorité aux régions méditerranéennes (et à l'Irlande) dans l'affectation des fonds structurels. Des régions dites "en retard de développement" ont été désignées: la majorité d'entre elles recouvre la zone MEDEF et, au sein de celles-ci, seules la catalogues, le sud est de la France et le centre de l'Italie ne sont pas concernés. Ainsi, l'histoire économique de l'Europe qui a provoqué de considérables inégalités de développement entre les territoires des régions est à l'origine de la politique actuelle de l'U.E; qui s'efforce de rétablir les équilibres interrégionaux" (souligné par nous, AM- D). Extrait de l'article: Le développement rural dans les zones marginales du sud de l'Europe: existe-t-il un paradigme méditerranéen? Colloque IRMC, Tunisie, 27 - 29 avril 1995.

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Page 236: Réformes économiques et agriculture en Algérie

réforme de la PAC (politique agricole communautaire)168. Cet engagement de la CEE dans la refonte de la PAC va permettre d'influencer, deux années plus tard et comme nous l'avons souligné plus haut, les négociations en matière agricole au sein de l'Uruguay round. La partie américaine et le groupe de CAIRNS, ne parvenant pas à faire valoir leur point de vue auprès de la CEE, semblent se rabattre sur les pays sous-développés (P.A.S et P.A.S.A).

Tab 90 : Evolution de l'aide directe au secteur agricole français (1984 - 1994).

Année Millions de

francs Indice

1984=100 Part de l'agri. Dans les aides directes à l'éco.

1984 7 041 100 28,10 1985 7 247 103 26,74 1986 9 507 131 30,86 1987 10 541 150 32,25 1988 10 113 144 32,20 1989 10 211 145 31,47 1990 13 375 190 37,10

12 927 184 33,53 1992 18 176 258 39,52 1993 37 122 527 56,89 1994 44 133 609 64,32

1991

Source: Michel Bourdon, Op cité.

- La seconde remarque relative au tableau précédent est que l'aide directe en faveur des agriculteurs passe de 28,10% de l'aide directe totale octroyée à l'ensemble de l'économie en 1984 à 64,32% en 1994 (les aides indirectes se sont élevées à 82,26% de l'aide totale en 1984 et à 65,39% en 1994). Cela témoigne d'une part, du caractère prioritaire qu'accorde un pays industriel à son agriculture : "la paysannerie est, relève Michel BOURDON, aujourd'hui presque deux fois moins nombreuse que la légion des petits patrons mais elle touche trois fois plus de paiements directs. Notre agriculture, poursuit-il, demeure l'une des branches les plus tributaires des fonds publics; il est à peine exagéré de penser qu'elle deviendra bientôt peut être notre dixième grande entreprise nationale"169. 168- Voir en particulier A. BLOGOWSKI et M. DEHAUDT: L'évolution des dépenses agricoles de l'Union Européenne, SFER, Novembre 1995, INAPG.

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Page 237: Réformes économiques et agriculture en Algérie

D'autre part, ceci rend compte de l'intérêt qu'accorde une

nation à ses agriculteurs en leur distribuant, non pas de façon anonyme des aides, mais en ciblant chacun d'eux, c'est-à-dire en agissant directement sur leur système de production et en accordant la priorité à telle ou à telle autre spéculation. Ainsi, il y a lieu de retenir que promouvoir l'initiative privée et le développement du capitalisme dans l'agriculture ne doit surtout pas signifier, ici, absence de régulation, voire même absence de dirigisme. Il ne peut y avoir d'agriculture performante, d'agriculture cherchant à se faire une place dans le commerce mondial, sans le soutien de l'Etat170.

III : Faut-il en Algérie un secteur agro exportateur ou produire pour le marché domestique?

L'expérience algérienne d'insertion à l'amont du marché agricole mondial est toujours à ses premiers balbutiements, bien que le problème soit posé depuis une décennie déjà171.

Cela signifie que les résultats de cette expérience sont, malgré l'insistance des institutions monétaires et financières internationales à vouloir développer un secteur agricole d'exportation dans les pays périphériques en général et en Algérie en particulier, encore modestes, sinon inexistantes au vu des niveaux atteints dans les pays développés.

169- M. BOURDON: Op. cité. 170- "Les pays du Maghreb, écrit Catherine BOEMARE, ne peuvent plus se plaindre de l'élargissement de l'U.E. Ils doivent répondre à de graves défis qui les obligent à réexaminer en profondeur leurs stratégies de développement, sans la fuite en avant dans une illusoire ou utopique transformation de l'ordre économique international... "Il n' y a plus, poursuit-elle, qu'un marché mondial, celui qui obéit aux dures lois du libéralisme, même si les accords de coopération permettent d'amortir certains chocs et de faire face momentanément à certaines difficultés". Catherine BOEMARE: La coopération entre l'Union Européenne et les pays du Maghreb, op. cité. 171- En effet, les réflexions sur la question agricole menées au sein de l'ancien Parti unique, le F.L.N., débouche au milieu des années quatre-vingt sur l'idée selon laquelle l'avenir de l'Algérie au sein du marché mondial ne doit pas être seulement pétrolier. L'insertion par l'agriculture est aussi nécessaire. Se conférer à P. F.L.N.: "Agro - dollars et dépendance alimentaire", Constantine, Mars 1984.

237

Page 238: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Dès lors, il se pose la question de savoir s'il y a lieu de développer en Algérie une agriculture vivrière et autosuffisante ou s'il faut, au contraire, développer les cultures d'exportation?

21- Une insertion en amont du marché mondial quasiment nulle. Les liens entre le secteur agricole algérien et le marché mondial

se focalisent en totalité à l'aval de ce dernier. Les relations d'amont sont nulles, voire inexistantes. Que l'on prenne connaissance des volumes exportés - volumes n'ayant jamais dépassé le seuil des 123 000 tonnes (1988) pour régresser ensuite jusqu'à 7 000 tonnes (1993) - et la conclusion est aussitôt faite en matière de promotion des exportations agro-alimentaires algériennes. Mais conclure aussi précipitamment, c'est accepter l'idée d'une mono exportation, c'est ne pas tirer les enseignements qui s'imposent de l'expérience des autres.

Le premier indice d'une évolution positive des exportations

agricoles algériennes est, malgré la diminution du volume modeste exporté et malgré l'érosion de la parité de la monnaie nationale, l'augmentation en valeur de ses exportations. Les exportations agro-alimentaires sont passées de 43 millions de FF en 1984 à 225 millions de FF en 1994, soit une augmentation de 400 % environ en l'espace de dix années. Le pic a cependant était atteint en 1992, avec une valeur totale de 632 millions de FF.

Tab 91 : Evolution des exportations agricoles et agro -

industrielles de l'Algérie (en valeur).

Année 1984 1988 1992 1993 1994 en 106 DA 26 334 2 633 3 105 2 247

6 F 42,9 334 631,9 621 224,7 en 10 F Sources: - DGD, MA pour les valeurs en DA.

- CFCE pour les valeurs en FF (chp III). Le second indice qui milite en faveur du développement des

exportations agricoles de l'Algérie est, malgré la baisse drastique de leur valeur en 1994, la structure même de ces exportations. La structure des exportations montre que l'Algérie tente de s'insérer dans un marché non concurrentiel c'est-à-dire dans un marché de produits exotiques : tel est le cas des fruits comestibles (frais et secs) dont 99,4 % des valeurs ont été procurées par la vente de dattes. C'est aussi le cas de la préparation de quelques fruits et légumes.

Tab 92 : Structure des exportations agricoles de l'Algérie (moyenne 1992 - 1993 - 1994).

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Page 239: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Produit Valeur en 106 DA

%

Fruits comestibles (frais et secs) 1000 37,6 Engrais 570 21,5 Boissons, liquides alcooliques et vinaigres 105 4,0 Liège 112 4,3 Préparation ou conserves de légumes et de fruits

458 17,2

Peaux et cuirs 64 2,4 Sous total 2 309 87 Autres produits 353 13 Total général 2 662 100

Source: MA, DSAEE, Commerce extérieur agricole, 1995.

Le troisième facteur qui semble agir en faveur de la mise en place d'un secteur agricole exportateur est induit par la crise et la restructuration de l'économie. Il est en relation avec la compétitivité des prix. En effet, les dévaluations successives du dinar permettent aux produits agricoles d'origine algérienne de se vendre sur les marchés européens à des prix très concurrentiels. A titre d'indication, le prix d'un kilogramme de tomate de consommation s'élevait au début du mois de mai 1995 sur le marché de gros de Béjaïa, à 0,375 équivalent FF.

Ce sont donc ici les premiers éléments qui tentent de fonder une

politique du commerce extérieur agricole et la mise en place d'un "secteur agricole exportateur". C'est comme s'il fallait un commencement à tout.

22- Premières assises du "secteur agro exportateur".

Les indices qui laissent penser à la mise en place et au

développement d'un secteur agro exportateur en Algérie se résument pour l'instant à quelques tentatives de partenariat agro-industriel amorcées par des entreprises nationales et étrangères, en plus des expériences de coopération pour la maîtrise et le développement de quelques spéculations particulières. D'une façon générale, on peut recenser deux séries d'actions qui visent au développement des exportations agricoles, du moins d'un secteur agricole moderne et le bilan peut être rapidement fait.

221- La mise en valeur des terres sahariennes . Le projet de mise en valeur des terres sahariennes répond à

deux soucis majeurs. Le premier est en relation avec l'aménagement du territoire qui doit aboutir à un déplacement massif de la population

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Page 240: Réformes économiques et agriculture en Algérie

des régions du nord les plus peuplées vers les régions du sud du pays (Chap VI). Le second vise l'augmentation de la production agricole par le développement de l'irrigation et surtout une meilleure disponibilité des produits agricoles durant les périodes fastes (gains qui seraient procurés par les décalages de calendrier entre les zones du sud et du nord du pays et entre ces premières et les marchés extérieurs, d'autre part).

La mise en valeur des terres sahariennes donnant droit à l'accès

à la propriété foncière (loi 83-18 dite également loi APFA) semble privilégier pour l'instant les exploitants nationaux : les sociétés agro-industrielles et les particuliers. S'agissant des sociétés agro-industrielles, on enregistre au moins quatre expériences lancées en des zones différentes dans le sud du pays.

La première a été réalisée au début des années quatre vingt par

la société pétrolière SONATRACH dans la région de Gassi-Touil, au sud de la ville de Hassi - Messaoud. Bien que cette expérience ait dû s'étendre pour recouvrir une superficie supérieure aux 2 000 ha actuels, elle a été stoppée par les problèmes de restructuration organique auxquels a dû faire face cette entreprise. Les résultats économiques auxquels a abouti cette expérience sont, d'après les compte rendus de presse, "un échec à peine voilé".

La seconde expérience, probablement la plus importante, est

l'oeuvre de l'OAIC qui a bénéficié d'une partie des terres céréalières de la plaine de Abadla, au sud de la ville de Béchar. Cette expérience qui s'inscrit dans la politique de développement d'un partenariat agro-industriel national est une réponse à l'échec de la tentative de la mise en valeur des terres sahariennes lancée dans les années soixante-dix par l'Etat (construction d'un important barrage, équipement d'un grand périmètre, mise en place de domaines autogérés agricoles, etc. L'OAIC qui devient aujourd'hui propriétaire d'une partie des terres de la plaine de Abadla, se donne pour objectif de réduire la dépendance céréalière du pays.

La troisième, lancée en même temps que la seconde, a lieu dans

la région de Ouargla et est l'oeuvre de l'ERIAD de Sétif qui ignore toutefois quelles spéculations développer?.

La quatrième et dernière a lieu en région steppique, c'est-à-dire

dans la wilaya de M'Sila - Elle date de l'année 1995 et est développée par l'entreprise "geni-sider".

240

Page 241: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Les périmètres agricoles, créés par l'ensemble de ces

entreprises, ont la caractéristique commune d'être à vocation céréalière. Mais on peut penser que les céréales n'occupant pas toutes les superficies, une partie de ces dernières sera consacrée au développement des cultures d'exportation.

La mise en valeur des terres sahariennes par l'accès à la

propriété foncière est également l'oeuvre de particuliers, c'est-à-dire d'investisseurs privés. La région qui attire pour l'instant le plus "grand nombre" d'investisseurs est le sud-ouest du pays c'est-à-dire Adrar et Timimoun bien que plusieurs autres attributions ont été octroyées à des particuliers dans la région de Tamanrasset.

Dans l'objectif d'éviter le problème de la concentration de la

population comme c'est le cas dans le nord du pays, l'Etat tente de créer d'autres périmètres agricoles se situant entre El-Oued, au sud-est, et Adrar, au sud-ouest. A cet effet, des projets de création de périmètres agricoles irrigués dans les wilayate d'Adrar, Biskra, Ghardaïa, Ouargla et El Oued sont mis en chantiers : quelques 5 000 exploitations familiales de 2 ha chacune seront créées à la fin du programme qui prévoit le recrutement de 5 000 permanents et de 7 500 saisonniers.

Les travaux envisagés portent notamment sur l'électrification et

l'équipement de 250 forages (albien), l'étude et la réalisation de 500 kms de voie d'accès, l'aménagement des périmètres ainsi que la fourniture de "djebbars" (plants de palmiers dattiers) et serres en plastique, à raison de 120 plants et 4 serres par exploitation. Le système de production retenu est de type "oasien évolué", basé essentiellement sur la phonéiculture avec comme support, les cultures protégées et vivrières à forte valeur ajoutée.

Dans la wilaya d'Adrar où les premiers "agriculteurs" venus du

nord se sont installés, il est déjà réalisé quelques 180 pivots dont 150 fonctionnels, pour une superficie de 32 000 ha cultivés, particulièrement en céréales. Les rendements moyens varient entre 25 et 30 qx/ha, avec des pointes de 50 qx/ha.

Compte tenu des efforts d'investissement déjà réalisés dans

cette région, la vallée du Touat se donne déjà une destinée d'importante région agro-alimentaire. Cela nous amène à aborder la

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Page 242: Réformes économiques et agriculture en Algérie

seconde série d'actions mises en place en vue du développement du secteur exportateur.

22- Le partenariat agro-industriel, un autre moyen de

développement du "secteur agro - exportateur"? Dans la vallée du Touat, la réussite relative de l'expérience

entamée avec quelques dizaines d'ha au démarrage, plus de 30 000 actuellement, se donne pour objectif d'étendre la superficie agricole de cette région. Elle devrait être portée à quelques 100 000 ha vers l'an 2005. Les 60 à 70 000 ha supplémentaires seront irrigués à partir de la nappe phréatique peu profonde et dont le débit est de 36 m3/s : 13 m3/s sont utilisés actuellement pour l'industrie de transformation et la consommation.

La mise en valeur de ces terres n'est pas l'oeuvre des seuls

partenaires algériens. Le mérite revient également au groupement agro-alimentaire FEEBESA, créé dans le cadre du partenariat algéro-espagnol et bénéficie d'une ligne de crédit intergouvernementale de 149 M $.

Ce projet de partenariat, lancé en 1993, doit se développer sur une superficie de 7 000 ha dont 3 000 réservés à la culture de la tomate industrielle et 3 000 autres ha au maraîchage. En plus de ces deux principales cultures, il est également prévu de planter 10 000 palmiers dattiers. Aussi pour faire face aux aléas du marché, est-il programmé la création d'une conserverie de tomates d'une capacité de 1200 t/j pour passer à 1200 t/h en phase de pleine production.

L'avenir agricole de la wilaya d'Adrar ne se limite pas à

quelques projets de partenariat mais s'inscrit dans un vaste programme de création de 5 000 pivots de céréales, de 40 ha chacun qui devront aboutir à terme à l'implantation d'un complexe agro-alimentaire (minoterie, sucreries, etc.).

Une expérience similaire en matière de partenariat avec les

sociétés étrangères a lieu dans le nord du sétifois, c'est-à-dire dans le Golf de Béjaïa (plaine de Souk-El-Tenine - Aokas). Ce projet qui regroupe, du côté algérien, l'OREVIC (office régional des viandes du centre) et du côté italien, le groupement agro-alimentaire GI-GI tente de développer deux spéculations différentes : la production de viande rouge et le lait de vache et accessoirement, le maraîchage dont la tomate de consommation. Le projet, lancé en 1993, sur une superficie initiale de 620 ha irrigables dont 120 ha irrigués est déjà entièrement

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Page 243: Réformes économiques et agriculture en Algérie

amorti pour la partie maraîchage (120 ha) alors que la partie élevage doit rentrer en production au mois de juin 1996.

Ce sont donc ici les quelques efforts déployés ces dernières

années pour la mise en place d'un secteur d'exportation qui semble prendre forme malgré la situation politique interne peu favorable à l'investissement, particulièrement étranger.

Cet effort d'investissement risque cependant d'être ralenti en l'absence de débouchés. Ne doit-on pas rappeler à ce propos que des agricultures comme celles du Maroc ou de la Tunisie, qui ont déjà derrière eux une expérience d'exportation d'une vingtaine d'années, voient leurs volumes et quotas diminuer depuis l'entrée dans l'Union Européenne en 1994 de l'Espagne et du Portugal? Doit-on continuer à ignorer que l'Algérie fera face à de puissants producteurs agro-alimentaires et que les possibilités de mise en place d'un secteur agro exportateur s'amenuisent avec l'entrée en vigueur des accords du GATT? L'Algérie est-elle réellement en mesure de mettre en place un secteur agro exportateur lorsqu'elle se voit obligée par ailleurs de réduire les subventions à son agriculture et que son seul secteur exportateur performant, le secteur des hydrocarbures, est si vulnérable? Alors se pose déjà la question de savoir s'il existerait demain une agriculture en Algérie?

Conclusion : La rigueur de la gestion financière qui caractérise le secteur

agricole algérien depuis 1987-1988 a conduit au désengagement de l'Etat de ce secteur. Le désengagement est entamé dans le cadre de la mise en application du PAS et caractérise l'ensemble des pays de la rive sud de la Méditerranée occidentale dans laquelle s'intègre l'agriculture algérienne.

Or à nous intéresser de prés aux agricultures nationales de cette

région, on s'aperçoit qu'elles sont inégalement développées et inégalement performantes alors qu'elles sont appelées à évoluer dans un même espace économique, l'Euro méditerranée, qui, depuis la disparition du GATT en 1994, doit se soumettre progressivement à la concurrence internationale.

Dès lors se posent deux questions.

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Page 244: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La première est relative au souci de savoir s'il existe des agricultures performantes sans le soutien de l'Etat. La réponse est négative puisque les agricultures les plus performantes, dans la Méditerranée occidentale notamment, sont celles qui ont bénéficié depuis une longue date du soutien de leurs Etats respectifs. Comment peut-on alors rendre performantes les agricultures du Sud en leur retirant les soutiens prodigués par l'Etat? C'est une situation paradoxale.

La seconde question est liée, quant à elle, aux chances qu'à

l'Algérie à développer un secteur agro exportateur qui est l'objectif même des PAS prônés par les institutions financières internationales. Ces chances sont minimes à cause, d'une part de l'inexistence actuelle d'un secteur agro exportateur donc d'un secteur qu'il y a lieu de construire et d'autre part, à cause de la faible performance de l'agriculture nationale comparativement à celle des agricultures voisines. Le seul avantage qui semble jouer en faveur de celle-ci est d'ordre naturel. Il lui permet d'une part le développement de quelques cultures exotiques et d'autre part de faire des gains de quelques journées sur les calendriers de production et de livraison des pays concurrentiels. A moins de révolutionner les modèles de consommation dominants, cela ne suffit pas pour promouvoir, plutôt cela n'est pas suffisant pour induire le développement d'un secteur agro exportateur.

La question de savoir s'il faut produire pour l'exportation ne se

pose plus dans un cadre d'ouverture sur l'extérieur. Ne faudrait-il pas plutôt poser la question : existera-t-il demain, sans une remise en cause totale de la politique agricole actuelle, une agriculture algérienne?

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Page 245: Réformes économiques et agriculture en Algérie

Conclusion générale : La réforme de l'économie algérienne rentre dans sa dixième

année. Les objectifs qui lui ont été assignés, c’est-à-dire la mise en place d’une économie dynamique et performante, ne sont pas encore atteints.

Le taux de croissance économique global continue en effet à être

négligeable, le chômage à toucher des franges de plus en plus importantes de la population active, les subventions aux entreprises à représenter une part non négligeable des dépenses de l’Etat, l’intégration intersectorielle à demeurer faible, l’endettement extérieur à augmenter et la liberté de décision des pouvoirs publics à se restreindre.

• une rigueur budgétaire et une austérité imposées à l’économie et à la population limitant pour la première les dépenses de l’Etat et érodant pour la seconde son pouvoir d’achat,

Ces résultats, toujours les mêmes depuis dix ans déjà, tendent à

s’aggraver malgré :

• les différents accords de reprofilage et de rééchelonnement de la dette extérieure et l’obtention auprès des bailleurs de fonds de nouveaux crédits nécessaires au fonctionnement de l’économie et le triple report du paiement de la dette parvenue à maturité en 1989, 1992 et 1994,

• la mise de l’économie nationale sous ajustement structurel depuis le mois d’avril 1994 et les prévisions de la relance devant accompagner le programme de stabilisation macro-économique globale,

• l’instauration d’une réglementation favorable à la libre entrée en Algérie des facteurs de production et des marchandises et au développement du partenariat avec les investisseurs étrangers et malgré enfin,

• la mise en place d’un cadre juridique favorable à l’émergence d’un nouveau mode de gestion des entreprises du secteur public économique.

En dépit de toutes ces mesures, la réforme piétine. De même, les responsables de l’économie dont le champ de décision se voit se

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Page 246: Réformes économiques et agriculture en Algérie

restreindre au fil du temps, à cause des engagements pris auprès des institutions financières internationales, des mauvais résultats obtenus durant cette décennie et des difficultés de la relance et à cause enfin de la concurrence internationale qui affecte le système productif, sont appelés à ouvrir davantage l’économie nationale sur l’extérieur.

Cette dernière subit, pour le rappeler, les effets de la contrainte extérieure. Au niveau macro-économique, pour nous limiter à celui-ci, la dépendance vis à vis de l’extérieur la rend vulnérable. L’économie algérienne est dépendante de l’extérieur tant par ses approvisionnements de base (alimentation, consommations intermédiaires, biens d’équipement et services) que par sa mono exportation des hydrocarbures. Pays ayant tenté dans les années soixante-dix de diversifier ses échanges extérieurs pour échapper à la dépendance vis à vis d’un nombre restreint de partenaires, il se caractérise aujourd’hui par une forte concentration de ses relations commerciales et économiques : la dépendance vis à vis des pays de l’Union Européenne, notamment de ceux de la rive nord de la Méditerranée occidentale est une donnée qui ne peut être négligée. La dépendance de ce dernier groupe de pays ne peut pas être considéré comme fruit de la seule appartenance à la même région géographique mais semble être le produit du schéma d’expansion des frontières économiques de l’Europe occidentale.

En effet, sans même qu’un quelconque protocole de coopération régionale ne soit mis en pratique ou, pour être plus concis, au moment où les auteurs du schéma de construction à long terme d’une zone de libre échange euro méditerranéenne entament la réflexion sur l’éventualité d’une « intégration » des économies voisines de l’Europe centrale et orientale et de la rive sud et est de la Méditerranée, l’avenir de l’économie algérienne se trouve prédéterminé sur une période de plusieurs décennies et semble même se focaliser sur les pays industriels de l’Europe du sud.

Subissant la contrainte de la dette extérieure et de la baisse de ses revenus pétroliers, l’Algérie voit s’accroître sa soumission au capital financier international. Mais sa dépendance financière d’un groupe de pays de l’OCDE et sa dépendance commerciale évidente de la France, de l’Italie et de l’Espagne sont une donnée nouvelle qui témoigne de la restriction du champ d’action de ce pays. Aussi pour juguler la restriction de leur liberté d’action, les responsables de l’économie ont-ils été amenés à mettre en place depuis le début des années quatre-vingt-dix une politique de redéploiement économique

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Page 247: Réformes économiques et agriculture en Algérie

orienté, inévitablement et une fois de plus, vers le secteur des hydrocarbures? L’objectif assigné à cette politique est de parvenir à accroître à moyen terme les revenus extérieurs du pays et d’amortir ainsi les contraintes liées à la mise sous ajustement structurel de l’économie nationale.

Concrètement, la politique mise en place affiche la volonté d’une grande ouverture de l’économie aux investisseurs étrangers. Dans ce sens, des investissements sont réalisés dans le secteur des hydrocarbures au moyen du système de concessions faites à plusieurs sociétés multinationales : des investissements d’exploration, d’exploitation et de transport de gaz sont réalisés et ce, au détriment des autres secteurs de l’économie.

Mais à présent que les projets d’approvisionnement à moyen

terme de la communauté internationale en hydrocarbures algériens sont réalisés, on constate que la coopération internationale attendue dans les autres secteurs de l’économie reste à son point de départ, c’est-à-dire à l’état de déclarations d’intention. Ainsi il apparaît déjà que les responsables de l’économie ont pris le risque de la concentration des ressources financières du pays au profit de la relance par le secteur des hydrocarbures dont les réserves tendent, il faut le souligner, à s’épuiser sans que le capital étranger ne vienne s’investir dans les autres secteurs de l’économie.

Ainsi, on retiendra à ce niveau que la solution rentière envisagée

par les décideurs ne représente pas la condition suffisante de résorption de la contrainte extérieure donc le moyen qui permet d’alléger les contraintes véhiculées par le programme d’ajustement structurel.

L’Ajustement Structurel en tant que nouvelle « doctrine de

développement » ne consiste pas dans la seule disponibilité des ressources financières. Il se caractérise également par son aspect organisationnel.

Dans le domaine de l’économie, l’ajustement structurel ne signifie pas seulement la recherche d’un équilibre macro-économique interne par la suppression des subventions aux entreprises du secteur public, la liquidation des entreprises les moins ou peu performantes, la privatisation du secteur public économique, la compression des effectifs du secteur productif et administratif, la suppression des subventions aux produits de consommation, le blocage des salaires, la fin et l’éradication des politiques sociales, la diminution des dépenses publiques, en peu de mots le désengagement de l’Etat. L’ajustement

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Page 248: Réformes économiques et agriculture en Algérie

structurel signifie aussi la suppression du monopole du commerce extérieur, l’ajustement de la monnaie nationale, l’acquittement aux échéances indiquées de la dette extérieure, l’adoption des nouvelles règles commerciales internationales, l’abolition des particularismes économiques. Il signifie aussi et surtout : ouverture de l’économie sur son environnement international et la recherche d’une intégration active et permanente au système économique mondial, dynamique ne pouvant être construite sur l’exportation d’un seul produit ou s’accommoder de l’avancée à petits pas des réformes.

« Désengagement de l’Etat » et « ouverture sur l’extérieur » sont donc les deux principaux axes de la nouvelle politique de développement économique prônée par les bailleurs de fonds que les institutions financières internationales, le FMI et la BM, sont chargées de mettre rigoureusement en application dans l’ensemble des pays sollicitant leur aide, particulièrement en cette phase de rareté internationale de capitaux. L’Algérie n’échappe pas à la règle.

En matière d’

ouverture sur l’extérieur de l’économie nationale, l’objectif recherché est celui de la spécialisation internationale sur la base des avantages comparatifs. Ceci devrait permettre en principe la ré allocation des facteurs de production et la génération d’un surplus qui pourrait, en étant réinvesti, assurer le développement des performances et de la compétition internationale des différents secteurs productifs de l’économie.

Dans la limite de ces hypothèses, du moins compte tenu du

mouvement actuel du capital international s’investissant en Algérie, tout laisse croire que ce pays présenterait des avantages comparatifs dans le secteur des hydrocarbures. Il se voit en effet hissé au rang de « grand » fournisseur d’énergie à la communauté internationale dont en particulier les pays de l’Union Européenne.

Mais il faut peut être précisé que la spécialisation internationale

de l’Algérie dans les hydrocarbures ne résulte pas pourtant d’un avantage comparatif. Elle est le résultat d’un avantage naturel que ne possèdent pas tous les pays. C’est une ressource naturelle existant en quantité limitée et devenant de plus en plus rare. Le pétrole et le gaz comme d’autres sources d’énergie constituent de fait l’objet d’un enjeu international : sans le pétrole et le gaz, sans le désir d’un contrôle international des principales sources d’énergie, il n’y aurait jamais de lutte d’influence au sein de la Méditerranée. Il n’existerait probablement aucune « frontière économique » entre les « nouveaux

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Page 249: Réformes économiques et agriculture en Algérie

blocs », constitués de pays développés, c’est-à-dire des pays de l’Union Européenne, des Etats-Unis d’Amérique et du Japon et autour desquels gravitent, dans l’espoir d’une future insertion ou absorption(?) les pays périphériques. Ces derniers sont, comme ceux de la rive sud de la Méditerranée, en situation d’attente et se voient par conséquent obligés de se soumettre aux règles du jeux initiées par ces groupes de pays.

C’est, pour revenir à l’Algérie, à cause de son pétrole et de son

gaz que ce pays se trouve relié, dans la perspective d’un développement régional, au continent européen par deux gazoducs dont les itinéraires traversent, par mesure de sécurité et non d’économie, le territoire de plusieurs pays voisins. Le rétablissement des relations nord-sud ou encore la rupture des relations sud-sud s’avère être une nécessité pour l’émergence du nouvel ordre économique mondial.

De ce point de vue, la question pétrolière et gazière de l’Algérie est désormais internationalisée : l’UMA, le fameux Traité de coopération Sud-Sud, n’aura servi que pour le règlement des différends internationaux qui auraient pu surgir à l’occasion de la réalisation des infrastructures gazières qui relient l’Algérie au continent européen. L’Algérie ne possède ni les moyens financiers, ni la technologie nécessaire qui lui permettraient d’exercer un quelconque contrôle sur « ses » hydrocarbures. Les recettes financières qu’elle en tire servent au financement de l’expansion de ce même secteur et au remboursement de la dette extérieure. Faut-il rappeler que plus de 80 % des recettes procurées par la vente du gaz et du pétrole sont absorbées par le service de la dette? Faut-il rappeler que l’Algérie paie toutes les trois années environ sous forme du service de la dette l’équivalent de sa dette extérieure? Faut-il aussi relever qu’aux prix de 1994, les recettes additionnelles qui seront tirées des nouveaux investissements dans le secteur des hydrocarbures procureraient au pays, entre 1994 et 2010, quelques 14,4 milliards de $ et que les investissements nécessaires à la génération de cette production supplémentaire s’élèveront, quant à eux, à 14,2 milliards de $? 200 millions de $ supplémentaires en l’espace d’une quinzaine d’années tel est le résultat de l’avantage comparatif dont on gratifie le secteur des hydrocarbures.

En écartant donc de façon définitive l’illusion d’un développement futur au moyen de la rente pétrolière et gazière,

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Page 250: Réformes économiques et agriculture en Algérie

qu’apporte alors l’ouverture illimitée de l’économie nationale au marché extérieur?

L’économie algérienne est, contrairement à plusieurs économies

des pays du pourtour méditerranéen, insérée au marché mondial par la demande. C’est parce qu’elle est peu performante et ne parvenant pas à assurer la couverture des principaux besoins de ses secteurs et de la population que le taux de couverture des besoins alimentaires de la population est passé de 93 % en 1969 à moins de 25 % en 1995 que le taux d’intégration de l’industrie n’est que de 50 % et que la quasi-totalité des produits chimiques tirés de l’industrie pétrolière sont importés.

Cette situation de dépendance de l’extérieur pourrait pourtant,

font observer les responsables de l’économie, constituer, si elle est contrôlée, maîtrisée et négociée dans le cadre de la mise en place de la zone de libre échange algéro-européenne, l’un des atouts du développement futur de l’économie nationale.

Contrainte par le remboursement de la dette extérieure,

l’Algérie ne semble pas avoir d’autre solution que de persister dans le développement du scénario actuel, c’est-à-dire réserver les recettes extérieures au remboursement de la dette et accorder la priorité au développement des secteurs de base(agriculture, tourisme, industrie). Le développement de ces secteurs de l’économie peut se faire, non pas en cherchant à conquérir dans l’immédiat les marchés extérieurs pour lesquels il n’existe pas dans l’état actuel de l’économie nationale d’avantages comparatifs mais dans une optique de production pour le marché intérieur. Des accords de protection partielle et limitée dans le temps pourraient faire l’objet de la politique de mise à niveau de l’économie algérienne.

En supposant que cette éventualité relève du domaine du possible puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de la politique rénovée de l’Union Européenne et que l’Algérie se doit en tous les cas de continuer à importer, autrement dit à être un marché potentiel pour les économies qui sont affrontées au problème d’écoulement de leurs produits, l’Union Européenne accepterait-elle alors de supporter toute seule les coûts de cette mise à niveau sachant que les avantages qu’elle en tirerait sont peut être moindres à ceux qu’elle obtiendrait dans d’autres zones d’investissement? Accepter l’idée d’une mise à niveau, c’est-à-dire d’un développement économique qui sera l’œuvre des puissances extérieures ne restreint-il pas le champ d’action

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Page 251: Réformes économiques et agriculture en Algérie

économique et politique du pays? La mise à niveau de l’économie nationale dans la perspective de la construction d’une économie régionale ne sera-t-elle pas synonyme de la réalisation d’infrastructures économiques qui ne profiteraient pas dans tous les cas aux populations locales?

Produire pour le marché local est également possible dans la

mesure où il ne s’agira pas pour l’Algérie d’acquérir, comme cela fût le cas dans les années soixante-dix, l’ensemble des procédés industriels, c’est-à-dire toute l’infrastructure industrielle mais seulement d’optimiser les installations existantes et de mieux gérer les ressources disponibles. Cette idée recevra-t-elle alors l’aval des bailleurs de fonds qui, eux, agissent dans un cadre d’intégration globale et de concurrence internationale? Va-t-elle dans le sens d’une délocalisation internationale des activités ou réactive-t-elle le désir de construction d’une économie nationale autocentrée?

Produire pour le marché local qu’il faudrait encore et

temporairement protéger relève-t-il du domaine de l’acceptable? Protéger un marché signifie le promouvoir, c’est-à-dire accepter un coût élevé de développement de ce marché. Ceci ne peut être fait qu’au moyen de l’octroi d’un soutien et de subventions publics. Les ressources financières actuelles du pays permettent-elles la réalisation de cette politique? Les pays de l’Union Européenne qui restent préoccupés par l’écoulement de leur propre production accepteraient-ils de subventionner des produits pour lesquels ils enregistrent des excédents? Quelles productions réserver alors pour l’Algérie?

En supposant que des segments de production peuvent faire

effectivement l’ossature de cette nouvelle politique, cela exige cependant, non pas un désengagement de l’Etat comme il est fait actuellement mais un retour, même temporaire, de celui-ci dans le secteur de la production. L’Algérie qui a, comme plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée, exclusivement axé son développement économique en lui donnant une assise publique, ne possède pas encore les « avantages comparatifs » qui lui permettraient de mener à bien son expérience d’insertion au marché euro méditerranéen. Elle est de fait en position de demander un sursis en contrepartie de l’accélération de l’exécution de son programme des réformes. Mais pour cela, est-il nécessaire de définir ce que pourrait être une politique de désengagement de l’Etat?

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Page 252: Réformes économiques et agriculture en Algérie

La notion de désengagement de l’Etat est confuse et donne lieu à des interprétations différentes, voire contradictoires selon les acteurs économiques qui la mettent en application.

Bien que cette notion signifie libéralisation de l’activité

économique et privatisation de la propriété des moyens de production, dans les pays développés, elle semble revêtir une autre signification. Le « désengagement de l’Etat » est synonyme, comme nous l’avons vu pour les pays de l’Union Européenne en ce qui concerne le secteur agricole, d’une forte présence et d’un engagement de plus en plus important de l’Etat dans ce secteur. Le secteur agricole est non seulement protégé de la concurrence internationale, « planifié » et orienté quant aux choix des productions mais bénéficie également d’un soutien financier accru des Etats respectifs et de la Communauté elle-même. C’est un secteur enrobé de particularisme qui le protège de la concurrence internationale.

Le secteur agricole revêt pour l’ensemble des pays développés le

statut de secteur stratégique. Il n’est pas, faudrait-il le rappeler pour la cause, l’unique secteur d’activité qui bénéficie du soutien de l’Etat.

En France, pour citer le cas de ce pays qui a toujours inspiré le

législateur algérien, du moins en ce qui concerne le nouveau code de commerce, plusieurs sociétés ayant souvent statut de filiale ou de branche auxquelles elles appartiennent sont dans la même situation de protection et de soutien public. L’attention et les subventions que leur accorde l’Etat n’ont d’autre objectif que d’améliorer leurs performances et compétitivité sur les marchés extérieurs. L’enjeu est simple. Il s’agit de faire face à la globalisation de l’économie tout en cherchant à la rendre profitable à l’économie nationale.

Dans les pays en développement, dans ceux ayant mis leurs

économies sous ajustement structurel dont l’Algérie en particulier, le désengagement de l’Etat revêt une autre signification.

Il ne se limite pas à la libéralisation de l’économie et par

conséquent à l’évolution vers un mode de gestion qui accorde plus de liberté d’action au manager. Il signifie aussi démantèlement et privatisation du secteur public économique. L’Etat ne doit pas être, selon cette compréhension, propriétaire de moyens de production même si ceux-ci ne résultent pas d’une expropriation mais d’un processus d’accumulation antérieur. La rationalité doit être recherchée dans le seul secteur privé.

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Cette idée qui ne fait pas encore l’unanimité dans les pays

avancés doit être soumise à la critique et montrer que la privatisation du secteur public des pays en développement est effectivement en mesure de promouvoir le développement économique et social. Que dire des nouveaux entrepreneurs dont la soif d’accumuler dans des délais relativement courts détermine leurs préférences aux opérations de spéculation commerciale? Que dire de leur compétitivité internationale lorsque leur champ d’action se limite bien souvent aux activités d’import-export? La mondialisation de l’économie repose-t-elle sur des opérations de spéculation commerciale ou est-elle synonyme de délocalisation des industries et des activités? Comment peut-on donc faire une délocalisation industrielle donc promouvoir un développement économique local avec les seules opérations de spéculation commerciale sur les marchés internes?

La privatisation est une notion infiniment plus complexe. Elle

signifie « esprit d’entreprise » donc de prise de risque. Prendre un risque, c’est prévoir, faire face à un aléa, un danger, un rival, un concurrent. C’est inventer, surpasser l’autre auquel il faut arracher des parts de marché et non lui être soumis, lui offrir, lui élargir le marché. Prendre le risque, c’est accepter un combat même si celui-ci est périlleux. C’est persister, persévérer dans la voie de la création et de l’invention. C’est innover, c’est projeter et tenter de s’approprier l’avenir avec un présent désavantageux.

La privatisation ne signifie pas et ne doit surtout pas signifier

recherche de la facilité. C’est convaincre l’autre. C’est lui montrer son aptitude à changer, sa capacité à s’adapter et à faire face aux nouvelles situations. C’est partager avec lui le risque lié à l’investissement et aux aléas du marché. Mais c’est le refouler, c’est créer en lui un sentiment de crainte en lui affichant les seules aptitudes à répartir et à consommer. C’est pourquoi l’existence d’un marché s’avère insuffisante pour amener les investisseurs étrangers à se délocaliser.

La délocalisation ne peut être que l’œuvre de grandes sociétés et

celles-ci sont, en Algérie, publiques. En Chine où l’afflux de capitaux étrangers est actuellement des plus importants au monde, l’hôte est l’entreprise d’Etat. Le développement du partenariat avec les investisseurs étrangers semble bien s’accommoder de cette forme de propriété des moyens de production.

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En Algérie, doit-on alors persévérer dans la logique actuelle de démantèlement systématique du secteur public ou doit-on, au contraire, chercher à le protéger de la concurrence internationale? Dans un cas comme dans l’autre, la réponse ne peut être que la résultante des rapports de force qui opposent entre eux les acteurs économiques.

Pour les uns, le désengagement de l’Etat est rendu nécessaire

par la faillite des entreprises publiques qui ont toujours bénéficié des subventions de l’Etat mais qui ne parviennent pas à assurer leur propre relance. C’est pourquoi, la recherche de la rationalisation des dépenses publiques ainsi que la réduction de ces dernières doit l’emporter sur le souci de la préservation d’un équilibre social précaire. La diminution des dépenses budgétaires permettrait, selon cette vision, de rétablir l’équilibre financier et même de dégager à terme de nouvelles ressources financières qui pourraient être investies dans les secteurs productifs de l’économie.

Pour d’autres, c’est la discipline budgétaire qui doit être de

rigueur à tous les niveaux des structures de l’Etat car elle permet de mettre fin dans l’immédiat au gaspillage des deniers publics et permet surtout d’éviter le démantèlement de l’entreprise publique économique qui d’ailleurs ne trouve pas acquéreur. La discipline budgétaire ne doit pas cependant signifier sclérose du service public et allocation des ressources financières.

Bien que l’idée de discipline budgétaire, donc d’austérité

économique soit celle qui permet de rassembler le plus d’adeptes, celle-ci nécessite cependant une clarification. En Algérie, la concentration des dépenses publiques donc des revenus indirects qui en sont générés, est tel que certains secteurs se trouvent fortement pénalisés et leur productivité baisser. Dans bien des cas la règle de la restriction budgétaire observée par les centres de décision met les structures de l’Etat dans une position de faiblesse et de discrédit total vis à vis des entreprises du secteur productif.

En admettant donc qu’une période d’austérité est nécessaire

pour le redéploiement des services et de l’entreprise publics, il faut alors que l’ajustement structurel soit un sacrifice équitablement supporté par l’ensemble des couches sociales et des secteurs. Il ne doit pas être le moyen d’émergence de nouveaux riches dont le seul mérite revient à leur positionnement dans des réseaux de captage des nouvelles rentes créées par la déstructuration du secteur public.

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L’ajustement structurel doit signifier la recherche de la relance économique par la promotion de la production qui ne peut se faire sans une protection même partielle du marché national. Il y a des secteurs d’intérêt stratégique qui ne peuvent se développer qu’en bénéficiant du soutien de l’Etat.

Enfin, nous voulons rappeler en guise de conclusion que l’application des deux principes, l’ouverture illimitée de l’économie sur l’extérieur et le désengagement de l’Etat, ont eu des résultats différenciés selon les pays et les régions. Nous ne citerons que le cas défavorable de l’Afrique subsaharienne qui, même en bénéficiant dans un passé récent des politiques préférentielles des pays développés, connaissent des taux de croissance négatifs, une diminution importante de leur PIB (de l’ordre de 10 %) , une récession généralisée de leurs économies et rentrent dans le cycle de la guerre civile et de la violence interétatique.

En Algérie, la mise sous ajustement structurel de l’économie

conjuguée au paiement de la dette extérieure et à la déstructuration continuelle du secteur public ne peuvent conduire qu’à l’aggravation de la situation actuelle. A terme, le peu de performance de l’économie nationale se soldera par l’arrêt de la production, la fermeture en série des unités de production publiques et privées, la baisse du revenu national, en un mot par le rétrécissement du marché.

Se posera alors la question de savoir quel est le rôle de l’Etat en

situation de crise? Mais le rôle de l’Etat doit-il être dissocié de la nature de ce dernier? Or c’est, en Algérie, la nature même de l’Etat qui ne parvient pas à être clairement définie et acceptée par l’ensemble des classes et couches sociales.

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