le rapport du cide sur les réseaux pédocriminels en france et ailleurs

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    LES RESEAUX PEDOCRIMINELS N'EXISTENT PAS... VRAIMENT?

    Le document ci-aprs a t ralis sur mandat du Comit international pour la dignit de l'enfant(C.I.D.E.) Lausanne, entre mai et novembre 2012, sur la base des archives du comit et d'uncertain nombre d'ouvrages consacrs aux rseaux pdocriminels en Europe, tout particulirementen France et en Belgique, partir des annes 1990. Il montre l'ampleur du phnomne, lesconnaissances qu'en ont aujourd'hui tous ceux qui ont enqut sur cette question, et propose uncertain nombre de pistes et d'explications pour mieux comprendre pourquoi une chape de plombrecouvre encore et toujours ces affaires et comment les acteurs, auteurs de faits criminels de laplus haute gravit, chappent la plupart du temps toute condamnation.

    L'affaire Dutroux, du rseau international au prdateur isol...

    Le 17 juin 2004, aprs un procs de quatre mois et presque trois jours de dlibrations, les douzejurs chargs de se prononcer sur la culpabilit des quatre accuss de "l'Affaire Dutroux" rendentleur verdict devant la cour d'assises d'Arlon en Belgique: Marc Dutroux est jug coupable detoutes les charges retenues contre lui. Il tait le chef d'une association de malfaiteurs l'originedes enlvements, squestrations et viols de six fillettes, du meurtre de quatre d'entre elles, ainsique d'autres enlvements, squestrations et du meurtre de son complice Bernard Weinstein. Le

    jury parle de Marc Dutroux comme d'un "provocateur" ou "chef de bande" ayant particip cetitre une "association implique notamment dans les enlvements et squestrations" des jeunesfilles. Il sera condamn quelques jours plus tard la rclusion perptuit.

    Sa bande? Deux membres (les seuls?) taient galement sur le banc des accuss: son pouse

    Michelle Martin, condamne 30 ans de rclusion, et Michel Lelivre, condamn, lui, 25 ans.De terribles malfaiteurs, mais une bien modeste association...

    Et l'homme d'affaires escroc Michel Nihoul dans tout a? Dutroux dnonait ce grandorganisateur de partouzes pour le gratin belge (Nihoul l'a reconnu) comme le commanditaire desenlvements pour un rseau pdophile, l'oppos de la thorie du "prdateur isol" MarcDutroux. Aprs de difficiles dlibrations, les jurs l'acquittent de toute participation oucomplicit dans ces enlvements faute d'une majorit suffisante: sept en faveur de saculpabilit (une majorit, donc!) et cinq contre. C'est finalement le ralliement des trois magistratsaux jurs minoritaires qui fera pencher la balance de la justice de l'autre ct: huitcontre sept! Nihoul sera certes condamn cinq ans de prison pour sa responsabilit dans untrafic de stupfiants, de faux papiers, de vhicules et mme d'tres humains, (c'est bien peu pour

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    tout cela, non?) mais ce verdict est un vritable coup d'assommoir - ou un enterrement depremire classe, si l'on peut dire - pour la thse du rseau.

    Dutroux le "monstre de Charleroi", comme l'avait surnomm la presse belge, finira donc sesjours en prison. C'est le moindre des soulagements pour les familles des victimes et lessurvivantes de ses atrocits. Mais aprs huit annes d'instruction houleuses, l'entire vrit n'estpas sortie du procs, loin s'en faut. Le grand quotidien francophone Le Soir, qui titre au

    lendemain de l'pilogue "Le jury a dout avec les Belges", souligne que ce verdict "ne refermepas" l'affaire Dutroux. Et l'heure des peines prononces, c'est bien celle dont cope Nihoul quiretient l'attention de la presse. Dans une dition spciale, le quotidien francophone La DernireHeure titre ainsi: "Nihoul sauve sa peau". A contre-courant tout de mme, La Libre Belgiqueestime, elle, que toute la lumire a t faite et voque "un verdict sans zones d'ombres"... Oncroit rver. Ses journalistes avaient-ils vraiment suivi le procs? Et le dossier?Michel Nihoul bnficie donc du doute, et c'est toute la thse des "croyants" qui s'vapore. Les"croyants"? Ceux qui sont persuads que Dutroux n'est qu'un maillon d'une organisationbeaucoup plus vaste, un vritable rseau avec Michel Nihoul pour chef d'orchestre et passeur decommandes, destin fournir des jeunes filles pour satisfaire les pulsions de personnalits haut,parfois trs haut places au sein de la classe politique, judiciaire, du monde des affaires ouencore de la noblesse du Royaume. A l'oppos: les "incroyants", incrdules jusqu'au bout face ce qui n'est leurs yeux que du ressort de la rumeur, l'absence de preuve formelle ou d'aveux lorsdu procs venant encore renforcer leur sentiment.

    Bref, il n'y a pas de rseau pdophile.

    Vraiment? Aujourd'hui, chacun peut se faire une ide prcise et se forger une opinion taye laseule lecture d'une synthse des auditions ralises par les enquteurs belges tout au long de leursrecherches. Synthse mise en ligne en 2011 sur le web par Wikileaks et largement rediffuse surla toile. A vrai dire, ces documents (prs de 1100 pages au total) pouvaient dj tre obtenus via

    Internet, de manire plus ou moins confidentielle, au dbut des annes 2000 (le C.I.D.E. les a euen sa possession ds cette poque...) Une premire chose frappe: le nombre de personnesauditionnes, le nombre de perquisitions, de vrifications au fil des pages... Un travail de policecolossal, quel qu'en soit le rsultat final, quels que soient les btons dans les roues, lesempcheurs de suivre les pistes, les mutations des plus zls des enquteurs dont plusieurs,clbres, ont fini par poser les plaques coeurs. L'un d'eux fera mme une grve de la faim...

    Le lecteur courageux (il faut un peu de persvrance car ce n'est pas exactement de lalittrature...) assiste alors un impressionnant dfil de tmoins auditionns, dont les fameux"tmoins X", ces victimes avres ou supposes de rseaux pdocriminels, que l'anonymat devaitprotger mais dont on dcouvrira finalement quelques noms et visages dont celui de la plus

    clbre: "X1" alias Rgina Louf.

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    Le lecteur assiste surtout un incroyable "dballage" de noms, des accuss cette fois, desabuseurs, tortionnaires, ou meurtriers supposs. Et c'est tout le gratin, le gotha belge qui dfile l'cran, des personnalits actuelles ou passes du monde politique (jusqu'au plus haut niveau del'Etat!), du monde judiciaire (jusqu'aux plus hautes instances), du monde des affaires (les plusgrandes socits du Royaume sont concernes), de la noblesse enfin (jusqu'au plus haut niveauune fois encore...) Ils sont tous l ou presque...

    Mais trop, c'est trop, justement... Comment y croire? Le premier sentiment, prcisment, estcelui des "incroyants". C'est tout simplement inimaginable... De telles personnalits, respectableset respectes pour la plupart, auteurs de pareilles ignominies? Balivernes, racontars,mdisances... Des folles! On tentera d'en faire passer certaines pour telles, prcisment... Unprocd parfaitement rd, comme on le verra dans un autre chapitre.Trop, vraiment? On peut retourner la situation de 180 degrs. Comment autant de tmoignagesconcordants sur autant de personnes? Comment imaginer que tous ces tmoins X se soient cepoint concerts - mme si certains se connaissent? - Tant de noms, tant de lieux, tant de scnes,de gestes dont les descriptions se recoupent...

    A leur propos, bien plus prcis que les synthses d'auditions, les procs-verbaux des auditionsdes tmoins "X" sont une descente hallucinante vers les enfers des rseaux, des partouzes, deschasses l'enfant, des tortures, des meurtres dans de merveilleux chteaux ou proprits duRoyaume. A lui seul, le recueil des procs-verbaux originaux des auditions de Rgina Louf(X1), publi par Jean Nicolas et L'Investigateur sous le titre "L'horreur de la pdophilie" est unpanorama difiant et complet de l'tat de dliquescence du Royaume.

    Mais soit. Tout cela est tellement incroyable... Laissons ces tmoignages de ct. Y en a-t-ild'autres? Y a-t-il d'autres traces de l'existence de tels actes de barbarie - jusqu'aux rituelssataniques parfois - en Belgique? Par le pass peut-tre?

    Les synthses des PV d'enqute du dossier Dutroux ont prcisment aussi remont le fil del'Histoire. On y retrouve les heures sombres de l'poque des "Tueurs du Brabant", qui ont semmort, terreur et zizanie dans la premire partie des annes 1980, ou de "l'affaire Pinon" - du nomd'un psychiatre bruxellois qui a dnonc la mme priode une vaste affaire de "ballets roses"impliquant encore une fois ministres, magistrats, avocats, policiers, noblesse... Jusqu' Albert II(prince l'poque). - Rumeurs infondes, dira la justice plusieurs reprises (le dossier a tlittralement scell, enterr l'poque dans le coffre-fort du Procureur du Roi de Nivelles, JeanDeprtre. Mais le magazine L'Investigateur en a publi un extrait difiant: la retranscriptiond'un enregistrement sonore). De fait, et malgr les nombreux efforts des "touffeurs", l'affairePinon ne cessera au fil des annes de ressortir de son carton et de rebondir. Les synthses desPV de l'affaire Dutroux montrent que les enqutes autour du "monstre de Charleroi" ont rouvert

    tous les placards des affaires Pinon et "Tueurs du Brabant"... Et voil que le l'on retrouve uncertain nombre - un nombre certain, plutt - de mmes personnages, de mmes personnalits,

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    la croise des chemins de ces trois dossiers. Et dfilent d'autres enlvements, disparitions,tortures, morts, dont celle de Christine Van Hees dans l'affaire dite "de la Champignonnire".

    Au-del de ces PV policiers, tout avait t crit, publi, tay, prouv, bien avant le procs de2004. Il suffit pour s'en convaincre de lire ou relire l'ouvrage "Dossier Pdophilie - Le scandalede l'affaire Dutroux" de Jean Nicolas et Frdric Lavachery, dit chez Flammarion en 2001. Ilscrivent dans leur avant-propos:

    "On verra que l'affaire Dutroux, mme si son closion ne pouvait trouver terrain plus favorableque celui d'une Belgique au pouvoir politique vermoulu, dispose de ramifications

    internationales, notamment slovaque, franaise et allemande. Et qu'elle se rvle symptomatique

    de l'chec du systme belge.

    Car quand la loi est paralyse parce que le nom du Roi, sacr et inviolable, est voqu, tort ou

    raison, dans plusieurs affaires criminelles devenues des scandales d'Etat, rumeurs dont il

    faudra bien un jour ou l'autre explorer le fondement; quand des enquteurs bloquent parce

    que certains membres de leur hirarchie envoient des messages clairs; quand des faux en

    criture et des falsifications de disques durs se produisent, il faut prendre conscience qu'une

    certaine ide de la dmocratie est en pril.

    A se demander mme si les fameux "dysfonctionnements" de cette affaire sont forcment toujours

    fortuits.

    Pas de doute, le dossier Dutroux semble aller beaucoup plus loin qu'on l'a d'abord cru: c'est une

    affaire d'Etat."

    Trois ans avant le verdict d'Arlon, la cause semble dj entendue. La vrit ne sortira pas...Et les deux auteurs de mentionner et dcrire notamment, dans leur livre, la piste europenne, les

    liens tablis entre Dutroux et certains pays, ses dplacements.Certaines de ces informations, et d'autres, sont parvenues galement et "collatralement" auC.I.D.E. - au dtour de dossiers a priori sans lien entre eux ni avec l'affaire Dutroux (les analysesdu C.I.D.E. montreront prcisment le contraire...) Il s'agissait pour l'essentiel de mresfranaises (et d'un ou deux pres...) demandant l'aide du C.I.D.E. dans leur affaire mlantsystmatiquement sparation, divorce, garde du ou des enfants et abus sur mineurs par un groupede personnes autour du pre (ou de la mre) accus(e). Voir ce propos le chapitre "L'affaire desmres franaises".

    Or, le nom de Marc Dutroux apparat dans plusieurs dossiers du C.I.D.E., en lien avec un rseau

    pdocriminel composante sataniste.

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    travaillaient avec son mari et maquillaient des voitures. Elle a mme prcis que son ancien

    compagnon avait accompagn le Michel en question en Normandie et avait peur de lui parce

    qu'il avait dj t arrt pour meurtre. Nihoul, de son ct, avait reconnu connatre depuis

    1992-1993 un autre Franais, n Belfort, hronomane ami d'un certain Caspar Flier, citoyen

    hollandais, omniprsent dans les dossiers de Neufchteau (ndlr: les dossiers d'enqute sur

    Dutroux et les prcdentes affaires), et de Michel Lelivre, li aussi Michal Diakostavrianos.

    Autant d'intervenants que l'on retrouve au coeur de ce qu'on pourrait appeler L'Europe de Marc

    Dutroux".

    Dutroux, ce prdateur isol...

    L'affaire des CD-ROM de Zandvoort

    Cette affaire, comme d'autres avant elle, a t mise au jour par le Belge Marcel Vervloesem etson quipe de l'association Morkhoven la fin des annes 1990.

    Point de dpart: un pdocriminel nerlandais domicili Zandvoort, Gerrit Ulrich. C'est lui quiremettra une partie du matriel Marcel Vervloesem, puis qui lui indiquera o se trouve cach lereste des documents dans son appartement, avant d'tre assassin Pise par son amant...

    Le "matriel" se compose pour l'essentiel de CD-ROM contenant des dizaines de milliers defichiers pdocriminels montrant des enfants nus (du nourrisson l'adolescent), seuls ou abusspar des adultes, ainsi que du carnet d'adresses de Gerrit Ulrich. La police nerlandaise a ralis partir de matriel image (que lui a remis l'poque Marcel Vervloesem) un recueil de 570

    visages d'enfants et de 17 visages d'adultes, sorte de rpertoire photographique des personnesfigurant sur une partie du matriel reu.

    En France, deux journalistes ont russi - un temps - mdiatiser cette affaire: Serge Garde dansL'Humanit (ds le 24 fvrier 2000) puis Laurence Beneux dans Le Parisien. Ils ont -ensemble - poursuivi et synthtis leur enqute dans un ouvrage, "Le livre de la honte - lesrseaux pdophiles" (le Cherche Midi diteur, 2001).

    Ils nous donnent une petite ide du contenu de ces CD-ROM (un seul tait voqu au dpart, il yen aura finalement une vingtaine, comptabilisant des dizaines de milliers de fichierspdopornographiques):

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    "Ce CD-ROM est abject. Une coeurante collection d'images souvent insoutenables. (...) Nous

    avons souffert de ces images, jusqu' la nause. Derrire chaque image, nous savions un enfant

    en pril. Un enfant de chair, qui souffre et n'a rien de virtuel.

    Mais avant tout, l'histoire de ce CD-ROM nous semble emblmatique. Le rseau de Zandvoort

    n'est probablement pas pire que d'autres. Mais cette affaire rvle le degr d'indiffrence de

    l'Etat face ce type de criminalit. A ce stade, la passivit et les lourdeurs institutionnelles

    confinent la complicit de fait."

    L'association Morkhoven a fait parvenir le matriel (CD-ROM plus divers autres documents) INTERPOL ainsi qu' tous les chefs d'Etat europens. Ainsi en France, L'Elyse en a accusrception en avril 1999. La chancellerie l'a alors transmis au parquet gnral de Paris, le 14 mai1999, afin qu'une enqute soit diligente par le procureur de Paris. La Brigade des mineurs deParis est alors saisie et rend le rsultat de son enqute un mois plus tard au parquet qui... classe laprocdure le 7 juillet 1999 "en l'absence d'infraction pnale", relatent Laurence Beneux et SergeGarde...

    Interview sur France 2 le 16 mai 2000, le procureur Yvon Tallec tiendra ces proposhallucinants: "Les photos sont anciennes", "la plupart des enfants ne sont pas franais" et "lesenfants taient consentants, ou c'tait avec le consentement de leurs parents"...

    Ds la publication du premier article de Serge Garde, de nombreux appels parviennent au journalL'Humanit, de personnes qui demandent pouvoir visionner le CD-ROM...

    Paralllement, le C.I.D.E., qui a eu vent de cette affaire et qui a dj une ide assez prcise del'ampleur du phnomne des rseaux pdocriminels grce un magistrat franais avec lequel ilest en contact troit, est mis en relation avec une membre de l'association Morkhoven enBelgique, Gina Bernaer. Une rencontre a lieu avec le prsident du comit, Georges Glatz,

    Bruxelles. Il est convenu que Gina Bernaer fasse parvenir une copie des CD-ROM au C.I.D.E.par courrier postal.

    Ce sera fait environ un mois plus tard, en novembre 1998, mais le colis ne parvient pas destination. Nouvel envoi, nouvel chec... Il est alors convenu d'agir dans la discrtion la plustotale, via une adresse de rception secrte. Le colis parvient cette fois destination. Maisquelques heures plus tard, Georges Glatz apprend le dcs de Gina Bernaer dans un accident dela circulation. Seule au volant de sa voiture, sur une route rectiligne, de nuit, elle est venues'craser contre un pont... La gendarmerie belge ne russira pas expliquer pourquoi elle asubitement dvi de sa trajectoire (elle venait de prendre la route, elle n'tait pas fatigue).

    On peut noter que Serge Garde a vcu exactement la mme "msaventure" que Gina Bernaer etle C.I.D.E. en matire de courrier postal: "Par deux fois, des courriers contenant une copie du

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    CD-ROM se sont gars sans que nous puissions obtenir d'explication satisfaisante de leur

    perte. Cela nous est apparu comme un simple hasard et nous avons fini par nous le faire porter

    et remettre Paris", crit-il.

    Ct suisse, les documents informatiques reus par le C.I.D.E sont transmis tant la Sret ducanton de Vaud qu' la police fdrale Berne, qui les transmettra INTERPOL. Alors que leCD-ROM reste inaccessible aux familles en France, c'est finalement Genve, grce au

    procureur Bernard Bertossa sollicit par le C.I.D.E., que certaines familles vont enfin pouvoiravoir accs ce matriel et le visionner. Le 14 juillet 2000, une dizaine de parents se rendentainsi la police genevoise qui a amnag une salle pour la consultation et mis sur pied unecellule d'accueil et de soutien. Serge Garde, parmi d'autres journalistes, est prsent. Mais toussont videmment tenus l'cart de cette sance qui va durer toute la journe.

    Parmi les familles convies Genve, plusieurs vont reconnatre des enfants et notamment:

    1) Les grands-parents paternels d'A. D. Ils reconnaissent A. sur un total de 14 photos.Lessentiel est constitu de prises de vues dA. nu ou avec ses couches. Sur deuxautres, on voit A. dans un appartement, debout, en compagnie dune personne dont on nevoit que le bas du corps. Il sagirait de sa nounou C... A. est habill dun jean, dun poloet dune paire de tennis blanches avec une figurine de Mickey sur le ct extrieur et deslignes jaunes le long des lacets et sur la bordure suprieure.

    2) Le 15 mai 2000, F. N. consulte le fichier de portraits tirs du CD-ROM de Zandvoorttabli par la police nerlandaise, dans les bureaux du C.I.D.E. Lausanne. Elle reconnat- D., photo 57, spcial 2.- A., demi-sur de D., photo 5, spcial 2 et photo 4, spcial.- C., demi-frre de D., photo 234, spcial.

    Le couple N. participe ensuite la sance avec la police genevoise. F. reconnat D. et sagrande sur A. plusieurs reprises.

    3) Mme F. K. a aussi particip au visionnement la police genevoise. Elle a reconnu despersonnes sur plusieurs photos. Elle a reconnu les enfants de P. G., ainsi quun de sesamis.

    4) Lors de la publication du fameux article de Serge Garde dans LHumanit du 24fvrier 2000, C. L. reconnat son fils sur une planche photographique en partie caviarde.Elle contacte le journaliste qui lui montre les photos du CD-ROM. Elle reconnat son fils plusieurs reprises, notamment sur des photos portant les numros 79, 80 et 301. Il existe

    en fait toute une srie de 26 photos dA. ayant pour cote "A." suivi de numros (A.21,

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    etc...) A. a galement t reconnu par Serge Garde et dautres personnes , notamment ledocteur Christian Spitz, pdiatre Paris (cf attestation du 11.03.2000).

    Ces informations sont transmises la juge dinstruction Ringot, en charge des dossiers lis auCD-ROM.

    Les 18 et 20 juillet 2000, C. L. participe au visionnement du CD-ROM la police genevoise.

    Elle reconnat A. sur deux photographies ayant pour cotes: "news-boys-summ.tree,jpg" et "boys-extra-vesica-07-jpg".

    Les policiers genevois ont pris la dposition de toutes les personnes pensant avoir reconnu desenfants. Les procs-verbaux sont transmis au procureur Bertossa et rejoindront, plusieurs moisplus tard, le dossier d'instruction ouvert en France. Puis: plus rien...

    L'affaire des CD-ROM de Zandvoort et le travail d'enqute de Serge Garde donneront lieugalement une grande runion d'associations de dfense de l'enfance le 26 mai 2000 dans leslocaux de L'Humanit Saint-Denis, prs de Paris. Y participent 14 associations, dont leC.I.D.E. reprsent par Georges Glatz. Avec elles: des professionnels de l'enfance en danger, despdopsychiatres, des psychiatres, des avocats, quelques politiques et des journalistes.

    Comme le souligne Serge Garde dans "Le livre de la honte", la rencontre a permis de tisser desliens entre les participants. Elle conduira plusieurs collaborations entre ces associations ainsiqu'entre elles et certains journalistes. Mais gure plus...

    Quant l'issue judiciaire du dossier des CD-ROM, elle est navrante mais sans surprise. Dans leurconclusion, Laurence Beneux et Serge Garde crivent:

    "Face aux huit mille cinq cents photos, aux quatre cent soixante-dix portraits d'enfants du fichier

    Ulrich, les pouvoirs publics sont rests fidles leur habitude. Etouffer ou amortir. L'oreiller oul'dredon. On ouvre des instructions judiciaires lorsque l'on ne peut plus faire autrement, en

    sachant pertinemment que l'on dispose de diffrents moyens pour dulcorer ou enterrer la

    procdure. Des moyens qui ont largement fait la preuve de leur efficacit, y compris dans lesaffaires politico-financires qui en ont largement bnfici. Soit on saucissonne l'affaire en de

    multiples procdures qui ne permettront jamais de rendre compte de la magouille dans son

    ensemble. Ou bien l'inverse. On concentre toutes les plaintes entre les mains d'un unique

    magistrat instructeur, qui se retrouve investi d'un pouvoir crasant et considrable sur undossier monstrueux..."

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    L'affaire des mres franaises rfugies en Suisse

    Le C.I.D.E. n'a pas cherch enquter sur les rseaux pdophiles. Ce sont eux qui sont venus lui, ds le milieu des annes 1990, avec notamment plusieurs affaires dans la rgion de Nice-Monaco. Elles concernaient au moins trois enfants victimes d'un important et puissant rseaupdophile bas principalement dans le sud de la France. L'une de ces affaires, l'affaire "Kamal",a dfray la chronique et a t largement mdiatise l'poque.

    Le parcours de ce pre, Karim Kamal, est exceptionnel plus d'un titre. D'abord parl'acharnement et le courage de cet homme dans son combat pour extirper sa fille embrigade parla mre dans un rseau pdocriminel sur la Cte d'Azur. Malgr de nombreuses expertises etcertificats mdicaux, Karim Kamal n'obtiendra jamais l'aide de la justice franaise. Bien aucontraire, il subira pressions, menaces, garde vue arbitraire... Son avocat lui-mme, Me MiguelGrattirola, sera en butte aux plus incroyables pressions pour "lcher" le dossier.

    Face une situation sans issue en France, Karim Kamal s'envole avec sa fille destination desEtats-Unis, en 1994, pour la mettre l'abri. Il demande ds son arrive l'asile politique pour sa

    fille (ge alors de cinq ans) et pour lui. Mais la mre, aide du vice-consul de France, va russiren deux temps (la premire tentative chouera de justesse) un "contre-enlvement" de la petite,via le Mexique o elle russit s'enfuir.

    Karim Kamal a t spar de son enfant depuis lors, sans plus aucune possibilit de la protgerdu pire... Pitre consolation et fait tout fait exceptionnel bas sur les pices du dossier franais:il obtiendra l'asile aux Etats-Unis en 2001.

    C'est l'avocat de Karim Kamal, Me Miguel Grattirola, qui prend contact avec le C.I.D.E. vers1995. Constatant notamment des blocages au sein de la presse franaise (qui peine aborder cedossier), l'homme de loi a l'espoir de faire bouger les choses par la Suisse. Le C.I.D.E. empoigne

    le dossier et mobilise ses enquteurs et experts. La presse suisse est alerte. Un article duJournal de Genve (trs lu dans certains cercles en France) va notamment recevoir un chocertain dans l'Hexagone.

    Des tmoignages de mres franaises qui se disent prises au mme pige pour avoir vouludnoncer des abus commis sur leur(s) enfant(s) parviennent aux bureaux du comit Lausanne. Certaines, dsespres, demandent mme la protection du C.I.D.E. pour elles etleur(s) enfant(s). Compte-tenu de certains dossiers, il semble effectivement urgent et vident de"mettre l'abri" quelques-unes d'entre elles et les enfants victimes. Le comit s'y emploie, leurtrouve toit et protection.

    Mais c'est l'emballement. Le bouche--oreille fait son oeuvre, certaines associations franaisesvont aiguiller elles aussi certaines mres vers Lausanne. D'autres mamans dbarqueront sans

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    mme avertir, avec enfant(s) et bagages. Les mdias s'emparent du phnomne, la situation estpolitiquement dlicate (une mre dposera mme une demande d'asile officielle), le dossierremonte jusqu'au gouvernement suisse Berne et le tout devient "l'affaire des mres franaises(rfugies en Suisse)".

    Le prsident du C.I.D.E., Georges Glatz, qui a par ailleurs cette poque des fonctionsofficielles en matire de protection de l'enfance au sein de l'administration du canton de Vaud et

    qui est galement dput vaudois, est sous pression.

    Dans un article du quotidien 24 Heures (15.08.2002), Anne Giroud, cheffe du Service de laprotection de la jeunesse (SPJ) du canton de Vaud, raconte: "Au dbut, M. Glatz les hbergeaitchez des amis lui et chez des militants de son organisation. Mais ils ont t rapidement

    dbords par le nombre de femmes qui arrivaient accompagnes de leurs enfants. Il a alors

    commenc crire beaucoup de monde pour trouver des solutions".

    Et le journal d'expliquer que "Le canton de Vaud a mis en place un groupe de travail. Le SPJ estintervenu et a demand aux femmes de se signaler. Il a dbloqu une aide financire ponctuelle.

    L'optique tait qu'elles repartent. La justice de paix a aussi dsign un curateur responsable

    pour dfendre les intrts des enfants. Jusqu'ici, une dizaine de cas ont t signals au SPJ. Mais

    les associations qui les dfendent estiment que plus d'une vingtaine de mres sont actuellement

    en Suisse."

    Au coeur de cette "affaire des mres franaises", il y a systmatiquement les mmes"ingrdients": une mre (parfois un pre) qui met en vidence des abus sexuels commis sur son(ses) enfant(s), des procdures judiciaires qui ne permettent pas d'assurer la protection desenfants concerns mais qui, au contraire, maintient le droit de visite, voire donne la garde au pre(parfois une mre) abuseur et se retourne contre la parent dnonciateur.

    Et pourtant, les nombreux dossiers reus et examins au C.I.D.E. le prouvent: derrire un certainnombre de ces drames se trouve un groupe de personnes en lien avec une structurepdocriminelle. L'analyse transversale des principaux dossiers ralise par le C.I.D.E. en 2002 l'amontr (lire au chapitre suivant), de mme que l'avait dj prouv l'identification d'un certainnombre d'enfants sur les CD-ROM de Zandvoort, lors de la sance mise sur pied la policegenevoise en 2000.

    De fait, le C.I.D.E. - qui n'a toujours eu qu'un seul souci, celui de protger des enfants - a permis un certain nombre d'entre eux, en organisant leur hbergement en Suisse, d'chapper auxsvices, souvent innommables, subis au sein d'un groupe pdocriminel. Certains, devenusadultes, sont toujours en Suisse - lgalement - en 2012.

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    Dans leur livre "Le livre de la honte - les rseaux pdophiles" Laurence Beneux et Serge Garderacontent (p. 89) comment ils ont t confronts aux mmes situations, au fil des nombreuxdossiers tudis:

    "Certaines dcisions (ndlr: de justice) ne s'expliquent pas.

    Comment justifier que, face un enfant qui fait un rcit circonstanci, qui prsente de nombreux

    signes cliniques voquant l'agression sexuelle (...), des juridictions civiles prennent le risque detransfrer le droit de garde du parent protecteur (qui n'est pas toujours la mre, prcisions-le)vers le parent suspect? Sans mme attendre la fin de l'enqute pnale, drogeant ainsi au

    principe que "le pnal tienne le civil en l'tat"? La justification est toujours la mme: le parent

    protecteur donnerait une mauvaise image de l'autre parent, il serait hystrique... et cela nuirait

    l'intrt de l'enfant. Dans quelle mesure la justice nuit-elle l'intrt de l'enfant si ce dernier

    dit vrai? Si le parent qui dnonce a raison?

    Des dossiers instruits entirement dcharge, avec des expertises qui se perdent, des pices qui

    disparaissent, des juges qui s'ajustent une casquette de psychologue, nous en avons trop vu.

    Parfois, on constate simplement de la ngligence ou de l'indiffrence de la part de magistrats

    surchargs de travail dans des tribunaux sinistrs. Les dgts sont considrables".

    Et rien n'a chang depuis le dbut des annes 2000, comme le dmontrent, ici ou l, des affairesmdiatises ces dernires annes sur Internet, mais surtout les tmoignages recueillis toutrcemment encore par le journaliste franais Jacques Thomet, qui s'est intressparticulirement l'affaire d'Outreau (voir plus bas). Il crit sur son blog:(http://www.jacquesthomet.com/):

    "En pleine criture de mon livre sur les consquences funestes dOutreau pour les enfants

    victimes de svices sexuels en France, je suis submerg de tmoignages sur les scandaleux refus

    par des juges de poursuivre les violeurs prsums de mineurs, preuves lappui, et je lesdnoncerai un un, comme jai commenc le faire, pour avoir dans certains cas remis lenfant

    victime son prdateur." (15.04.2012).Trois jours plus tt, il publiait le tmoignage d'une mre baptise "Marianne", qui se termine parcette conclusion dsespre:

    "Tant que je ne serai pas morte, il continuera nous faire du mal. Je demande une seule chose,

    quil me tue et quil cesse de faire du mal mes enfants. Je pense qu ce moment-l, la Francesera mme de protger mes enfants."

    On pourrait citer encore d'autres exemples rcents, dont un dossier parvenu au C.I.D.E. en 2011,

    celui d'un jeune mannequin employ dans une grande agence parisienne. Un tmoignage qui,sous rserve de sa vracit, nous replonge dans le monde des groupes sectaires satanistes.

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    D'autres affaires dnonces sur Internet dmontrent que ces pratiques se perptuent sans rienpour les empcher.

    Peut-on tablir des liens entre les nombreux dossiers?

    C'est la question que se pose le C.I.D.E. en 2002, face l'amoncellement des affaires quiparviennent sur ses bureaux Lausanne. Il dcide alors de mandater un journaliste pour tenterd'y rpondre. Objectif vis: tablir si des liens peuvent tre confirms entre ces diffrentsdossiers par des analyses transversales. Le but est dtayer la thse de lexistence de rseauxpdocriminels franais (avec connections internationales) caractre commercial et/ousatanique, de mieux les cerner, mais aussi dapporter (si possible) des lments permettant desoutenir des procdures en cours ou venir dans certains des dossiers examins.

    L'enquteur ralise dans un premier temps un travail de synthse informatique de ces dossiers,base indispensable aux analyses venir. Il entreprend ensuite une opration de recoupemententre les diffrents dossiers, recueille des tmoignages complmentaires en collaboration,notamment, avec un commissaire franais la retraite, mne certaines investigations pour tenterdidentifier des lieux dcrits par les enfants. Une partie de ce travail a t faite dans la rgionparisienne fin juin 2002.

    Aprs plusieurs mois de travail, l'enquteur remet un rapport au comit le 15.07.2002.

    Il a pu tablir une liste prcise de plusieurs dizaines de liens entre des affaires qui, l'origine, nesemblaient n'en avoir aucun - ne serait-ce que par les rgions parfois trs loignes dans

    lesquelles elles ont vue le jour. - Ces liens sont tablis par un certain nombre de faits, maissurtout par de nombreux tmoignages (denfants abuss ou dadultes qui les dfendent) tendant confirmer trs clairement lexistence de connections entre la plupart des dossiers.

    Mais force est de constater quil nest toujours pas possible de pouvoir prouver de manireirrfutable les liens entre ces diffrents dossiers (hormis les certitudes quant lutilisation duncertain nombre denfants dans des filires de pdophilie caractre commercial), tout comme ilnest pas possible (malgr les nombreux tmoignages concordants des enfants) dapporter lapreuve de lexistence de pratiques sataniques avec tortures et sacrifices denfants. Il manque despreuves irrfutables, qui pourraient tre notamment du matriel photo et vido, que certainstmoins ont promis mais jamais transmis...

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    Cela ncessiterait un travail denqute supplmentaire important, que le C.I.D.E. n'est pas enmesure de raliser, et pour cause: il s'agit d'un travail de police. Celui, prcisment, que la policen'a pas fait (ou mal) - quelle(s) qu'en soi(en)t la ou les raison(s). - En fait, seule une structurepolicire serait mme d'apporter les preuves, sur la base d'informations comme celles qui sont cette poque en main du C.I.D.E. et d'autres organisations.

    L'affaire Algre, ouragan sur Toulouse

    Plus personne, aujourd'hui en 2012, ne parle de l'affaire Algre, ou affaire Algre-Baudis,devenue un temps l'affaire Baudis.

    L'affaire Algre devient l'affaire Baudis le 18 mai 2003 20h00, sur TF1. Alors que personnene sait encore que son nom est ml l'affaire Algre, Dominique Baudis, prsident du ConseilSuprieur de l'Audiovisuel (CSA) cette poque, voque en sueur et face Claire Chazal "uneeffarante machination monte de toutes pices" contre lui.

    La France entire apprend alors que le nom de l'ancien maire de Toulouse est associ celui quiest connu pour tre un tueur en srie jug et condamn en 2002: Patrice Algre, et que desprostitues le mettent en cause dans des soires sadomasochistes de la Ville Rose o il estquestion de viols de mineurs, de meurtres, de trafic de cocane et de valises d'argent.

    La "bombe" lche sur Dominique Baudis va entraner un dchanement mdiatique et unecourse au "scoop" conduisant parfois la dontologie journalistique sur d'tonnants chemins detraverse, parfaitement dcrits par Gilles Souills, journaliste La Dpche du Midi, dans son

    livre-enqute "Affaire Algre - La vrit assassine" (ditions Hugo & Compagnie, 2007.)En fait, tout est parti du travail d'enqute d'un gendarme, Michel Roussel, la tte de la cellule"Homicide 31" cre en 2000 pour tenter d'lucider un certain nombre de crimes impunis (unepartie des 191 recenss ultrieurement par une association!) et potentiellement lis dans ledpartement. Il va se plonger dans "ce maquis d'enqutes enterres, ou sabotes", comme l'critGilles Souills. "Peu peu, un autre visage du tueur en srie se dessine. Via le profil desvictimes, on s'aperoit que Patrice Algre a effectivement t trs proche des milieux de la

    prostitution". Et notamment du proxnte Lakhdar Messaoudne, pour qui Algre joue,notamment, le rle de fournisseur de drogue et de "correcteur" des prostitues rebelles.

    Progressivement, Algre va ainsi passer "du psychopathe solitaire l'homme de main" (sous-

    titre de l'un des chapitres de l'ouvrage). "En fvrier 2002, le procs avait laiss de lui l'image

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    d'un psychopathe solitaire livr ses dmons. Les rponses biaises de l'accus, certes, mais

    aussi l'organisation des dbats avaient contribu entretenir ce mythe".

    L'affaire va basculer - ct enquteurs - dbut 2003, lorsque deux anciennes prostitues (quiseront ultrieurement baptises "Patricia" et "Fanny" dans les mdias) sont retrouves par lesgendarmes et parlent. L'une d'elles dit avoir assist au meurtre d'une collgue et voquel'existence d'un systme de protection policire en vigueur sur les trottoirs toulousains et

    bnficiant directement Lakhdar Messaoudne et Patrice Algre. Elle dnonce certainspoliciers venant rgulirement chercher des enveloppes de liquide. L'autre explique qu'elle a tabuse plusieurs reprises par des magistrats dont l'un est prsent comme son amant rgulier.Plus encore, les deux femmes voquent des "soires spciales", raconte Gilles Souills. Entermes clairs, des partouzes connotation sadomasochistes saupoudres de cocane, organisespour une bonne socit toulousaine en qute de sensations fortes, et pour lesquelles le tueur ensrie aurait servi de pourvoyeur.

    Et des noms commencent merger au fil des tmoignages - dont celui, prcisment, deDominique Baudis - mais aussi de l'ancien substitut toulousain Marc Bourragu (alors Montauban) ou du procureur gnral de la cour d'appel Jean Volff.

    Aucun nom ne sort encore dans les mdias, mais tout le monde sait dj Le dossier s'enrichitde nouveaux patronymes, mais la justice n'affecte pourtant pas d'effectifs supplmentaires lacellule Homicide 31 qui en aurait grand besoin.

    C'est ce moment-l que tombe l'intervention tlvise de Dominique Baudis

    Les mdias se dchanent, les informations, dtails, nouveaux tmoignages s'additionnent dans laplus grande confusion. Un travesti surnomm "Jamel" apparat sur TF1 puis France 2,confirmant tout et rajoutant au passage d'autres dtails, d'autres noms. Il est dsormais question

    d'enfants enlevs et abuss, de cassettes vido pour faire chanter des personnalits.Depuis sa cellule, Patrice Algre s'y met son tour: dans une lettre Karl Zro, (Vrai journalsur Canal+), il reconnat les meurtres de la prostitue Line Galbardi (dont parlait Patricia) etd'un travesti dnomm Claude Martinez (qui filmait les bats de ses partenaires) Il nomme unpolicier comme tant le commanditaire du premier homicide et cite Marc Bourragu etDominique Baudis comme les personnes qui lui auraient demand de "faire taire" le travestiClaude Martinez.

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    De pripties en rebondissements, d'affirmations en dngations, l'affaire part dans tous les sens.Mais, comme l'crit Gilles Souills, "les mensonges et les exagrations dlirantes du jeunetravesti (Djamel) vont atomiser l'enqute". Il finit par affirmer avoir tout invent Du coup, laparole des ex-prostitues est, elle aussi, mise en doute, "et partant, toute l'affaire vacille".

    Mais le journaliste s'interroge: "Le travesti a-t-il pu tre manipul pour faire diversion? Et parqui? S'il s'agit d'un stratagme, il a parfaitement fonctionn". Djamel mourra peu aprs en

    prison "dans des conditions trs particulires" Son avocat n'aura droit aucune informationprcise et aucune autopsie ne sera effectue.

    De fil en aiguille, d'article en article, on en apprend tout de mme toujours plus sur lesnombreuses dfaillances de la police et de la justice toulousaine au fil des ans et des meurtres.Ainsi, Le Figaro du 18 juin 2003 crit: "En pluchant les dossiers des homicides commis par

    Algre, apparat une succession de fautes professionnelles des policiers, d'erreurs flagrantes des

    magistrats et de disparition de pices cruciales pour l'enqute".

    Gilles Souills, lui, constate: "Complot, manipulation, montage, rglement de compte: pourDominique Baudis, Marc Bourragu et Jean Volff, l'apparition de leurs noms respectifs dans le

    dossier rsulte d'une gigantesque conspiration complaisamment relaye par un ou des mdias.

    Mais si leurs avocats dnoncent l'absence de matrialit des faits qui salissent l'honneur de leurs

    clients, la matrialit du complot brandi comme explication tarde aussi se faire jour. Par

    ailleurs, l'affaire Algre est bien relle dans les faits: des meurtres non lucids par la police,

    des autopsies bcles, des suicides qui se rvlent tre des meurtres, des viols sans auteur, et un

    tueur en srie qui vole des voitures, trafique de la came, porte des armes, castagne sa concubine

    sans jamais tre inquit. Autant de questions qui n'ont toujours pas de rponse."

    Et plus loin (p. 223): "Comment peut-on expliquer l'apathie de la justice toulousaine pendanttoutes ces annes sinon par la connivence de certains acteurs? (...) Alors justice sous influence?

    C'est toute cette omerta, ce monde de connivences et d'arrangements qui remontent aujourd'hui la surface avec l'affaire Algre et son cortge de dysfonctionnements. Peut-on attendre de cette

    justice-l qu'elle aille jusqu'au bout dans l'exhumation d'un pass aussi encombrant?".

    Pour constater finalement (p. 265): "Mais la justice est passe. Sans rpondre. Fin 2005, lachambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a confirm le non-lieu gnral ordonn

    par le juge Perriquet, dans le volet "viols et proxntisme" de l'affaire Algre".

    (p. 271): "Le tourbillon mdiatico-judiciaire apais, une lourde chape de plomb est retombe surle dossier. (...)

    Comme le souligne l'diteur en prambule, le livre-enqute de Gilles Souills dborde largementsur un ensemble de faits qui, au cours des annes, a impliqu normment d'acteurs rgionaux et

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    nationaux. () Le livre "soulve un nombre important d'interrogations auxquelles la justice n'apas pu pour le moment apporter de rponses satisfaisantes" et repose "toutes les questionsrestes sans rponse".

    Depuis 2007, notre connaissance, la justice franaise n'a plus progress sur ce dossier. PatriceAlgre est toujours derrire les barreaux, mais est redevenu un "tueur en srie" isol. Malgr sonrle central dmontr dans le milieu des "nuits toulousaines" et ses accointances avec les milieux

    policiers, judiciaires et politiques.

    Il est intressant de souligner ici que le nom de Dominique Baudis est parvenu jusqu'au C.I.D.E.en 2002 (donc avant que son nom et les accusations contre lui n'apparaissent dans le dossierAlgre en 2003) via l'affaire A. M. (D.), du nom d'un enfant de 11 ans l'poque, victime d'abusde la part de son pre et d'autres personnes au sein d'un groupe.

    A. a t reconnu par sa mre sur le fichier de visages tir des CD-ROM de Zandvoort consultauprs de la gendarmerie franaise en juillet 2000, puis par ses grands-parents maternels sur 14photos des CD-ROM visionns lors de la sance avec la police genevoise. Il est donc avr qu'A.a bel et bien t abus, et que le/les abuseurs sont ou ont t en contact avec une organisationpdocriminelle.

    Or, selon les tmoignages de la mre et des grands-parents maternels d'A., recueillis au C.I.D.E.,le pre de l'enfant aurait dit un jour sa belle-mre quelle ne pourrait de toute faon rien fairecontre lui parce quil tait protg par Dominique Baudis. Mais pourquoi donc celui qui n'estqu'un "simple" voyageur de commerce bnficierait-il de la protection du maire de Toulouse? Etpourquoi en aurait-il besoin?

    Outreau et la parole des enfants

    Aujourd'hui, l'affaire dite "d'Outreau" rsonne comme l'une des erreurs judiciaires majeures quela France ait connues.

    Comme le rsumait l'poque le quotidien La Voix du Nord, tout dbute en mai 2001 aveclarrestation de dix personnes, mais elle "clatera" vritablement dans la presse rgionale ennovembre 2001 et dans le reste de la presse au tout dbut 2002.

    Elle a pour cadre un quartier de la localit dOutreau, prs de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, et plus prcisment, un complexe locatif baptis "La Tour du Renard". Au dernier tage,

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    une famille dont les parents sont en dtention depuis mai 2001. Les quatre enfants ont t placs.Le pre, homme violent, est aussi collectionneur dossements. Il avait fouill, il y a quelquesannes, la fosse commune du cimetire de lEst. Les faits ont dbut chez cette famille. Ilsfilmaient leurs propres enfants, le mari proposait mme des cassettes X aux voisins. Il y avaitbeaucoup dalles et venues chez eux. La famille sentendait bien avec son voisin de palier,dcrit comme zoophile, et un couple du 4e, galement en prison, dont les quatre enfants ont aussit placs. Au 3e, encore des "amis" dont les quatre enfants ont t retirs leurs parents. Le

    premier tage tait aussi un lieu de rendez-vous, chez une dame seule. L, des hommes, quiseront galement emprisonns, abusaient de ses enfants. Mais il y avait dautres chosescurieuses, comme ce chauffeur de taxi qui stationnait souvent au bas de limmeuble. On saitaujourdhui quil venait gnralement "au moment des allocations", et embarquait la famille du5e et leurs enfants pour la Belgique On parle aussi de cette voiture dune boulangre delarrire-pays, qui frquentait le dernier tage Il y avait aussi le prtre, lhuissier

    Laffaire a clat grce lalerte donne par un enseignant dune cole du quartier, dbut 2001.Des lves de maternelle ont un comportement bizarre. Les services sociaux vont alors enquter.Quelques semaines plus tard, six enfants de deux familles du quartier sont retirs leurs parents.Ils commenceront parler, au dbut de lt.

    Une information judiciaire a t ouverte le 22 fvrier 2001. Au total, seize personnes serontmises en examen. Et la garde de 24 enfants entre quatre et douze ans a t retire cinq famillesplus ou moins impliques dans laffaire.

    Le journal La Voix du Nord crit alors que "tout semble indiquer que cette vaguedarrestations ne constitue que la partie visible de liceberg."

    Le rseau fonctionnait depuis quatre ou cinq ans, selon les enquteurs. Les enfants auraientnotamment servi de "monnaie dchange" pour annuler des dettes. Et laffaire, crit le quotidien,

    pourrait prendre encore de lampleur, stendre toute la rgion et la Belgique. Elle pourraitaussi concerner le milieu mdical.

    Depuis lclatement de cette affaire, des dizaines de personnes ont t cites et impliques dansce qui est prsent alors comme lune des plus importantes affaires de pdophilie jamais connuesen France. Au final, dix-huit personnes sont accuses, l'une d'entre elles se suicidera pendant sonincarcration prventive. Toutes les affirmations des enfants concordent, le dossier judiciairesemble parfaitement solide. On se dirige vers un procs qui ne peut aboutir qu' de svrescondamnations des principaux protagonistes.

    Ce procs se droule devant la Cour d'assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai au 2 juillet

    2004. 17 personnes se retrouvent donc sur le banc des accuss.

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    Mais le 18 mai, coup de thtre devant le tribunal: laccuse principale, Myriam Badaoui, methors de cause les quatorze accuss clamant leur innocence, alors quelle les impliquaitinlassablement et avec force depuis le dbut de l'affaire en 2001. Elle fond en larmes ensadressant Roselyne G., une boulangre quelle accusait jusqualors: "Tu nas rien fait", luicrie-t-elle. "Je suis une malade, une menteuse. Jai menti sur tout". Dans la foule, MyriamBadaoui disculpe les autres accuss, hormis son mari et un couple de voisins qui reconnaissentles faits de viols et violences sur les enfants des deux couples.

    Du coup, une autre accusatrice, Aurlie Grenon, appele la barre, fait elle aussi son mea culpa:"Ben en fait... quand jai accus ces personnes cest parce que jai entendu Myriam les citer et jesais que cest pas bien. Ctait sur sa demande", dclare-t-elle...

    Or linstruction du dossier, mene par le juge Burgaud, reposait essentiellement sur lesaccusations avances par le duo Myriam Badaoui et Aurlie Grenon, ainsi que sur la paroleapporte par dix-huit enfants.

    Le verdict est rendu le 2 juillet 2004. Sept personnes sont dfinitivement reconnues innocentesdes faits qui leur taient reprochs. Grald Lesigne, procureur de la Rpublique de Boulogne-sur-Mer et avocat gnral Saint-Omer, avait requis leurs acquittements, reconnaissant qu'il s'taitlourdement tromp dans ce dossier.

    Quatre des 13 accuss qui proclamaient leur innocence sont condamns des peines couvrant ladtention provisoire qu'ils avaient dj effectue, et deux d'entre eux seront emmens en prisonpour effectuer le solde des peines qui avaient t prononces par cette cour d'assises. Maisquelques jours plus tard, ils retrouveront leurs familles, aprs une ultime demande de remise enlibert. Six condamns tort feront appel de la dcision rendue Saint-Omer.

    Les quatre accuss qui avaient reconnu leur culpabilit sont condamns: 15 et 20 ans de

    rclusion criminelle pour le couple Badaoui-Delay (les principaux accusateurs) pour viols,agressions sexuelles, proxntisme et corruption de mineurs; et 4 et 6 ans de dtention pour lecouple de voisins.

    Le procs en appel de six des dix personnes condamnes en premire instance se droule laCour d'assises de Paris en novembre 2005. Ds les premiers jours, l'accusation s'effondre suiteaux aveux de la principale accusatrice, Myriam Badaoui. Celle-ci dclare le 18 novembre que lessix appelants "n'avaient strictement rien fait" et qu'elle avait menti. Son ex-mari, Thierry Delay,soutient ses dclarations.

    Le 1er dcembre 2005, c'est un verdict d'acquittement gnral qui est rendu pour l'ensemble des

    six accuss.

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    Sur son blog et dans l'attente de la publication du livre qu'il crit sur l'affaire d'Outreau, JacquesThomet dresse un "effrayant bilan" bas notamment sur l'tude des 3.000 cotes (plus de 10.000pages) du dossier judiciaire.

    "Les dtails de cette horreur cache seront rvls dans mon livre venir sur les consquences

    de ce procs inique conclu au profit de prdateurs, aux dpens des mineurs viols, avec pour

    rsultat, depuis 2005, la ngation de la parole des enfants victimes dans les prtoires en France.

    Au moins 53 enfants ont t la proie dadultes Outreau avant les procs de 2004 et 2005 auxAssises (Saint-Omer, puis Paris en appel). Seuls 12 de ces martyrs ont t reconnus comme

    victimes et indemniss, hauteur de 30.000 euros chacun, contre 240.000 euros en moyenne

    pour les 13 accuss finalement acquitts. Seuls 4 adultes ont t condamns des peines de

    prison, dont Myriam Badaoui-Delay, libre en septembre 2012.

    A cause de ce dni de justice, les drames se sont multiplis en France depuis Outreau, avec des

    mres dsormais prives de leurs enfants viols, que les autorits remettent leurs prdateurs

    aprs leurs plaintes. Il est temps que prenne fin un tel scandale. Ce sera laxe de mon livre."

    Le journaliste - qui prcise qu'il ne remet pas en cause des jugements rendus - n'est pas seul selancer dans cette rhabilitation de la vrit judiciaire.

    Une experte au procs d'Outreau, (elle a suivi 15 des 17 enfants reconnus victimes dans unpremier temps) Marie-Christine Gryson, fait entendre sa voix depuis quelque temps dj pourdfendre celle des enfants d'Outreau (voir son blog: http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-christine-gryson ). Elle a crit un livre en 2009, "Outreau, la vrit abuse - 12 enfants reconnusvictimes", aux ditions Hugo & Cie.

    Serge Garde, le grand enquteur de l'affaire des CD-ROM de Zandvoort, a recueilli de son ct

    le tmoignage de l'une des victimes d'Outreau, Chrif Delay, aujourd'hui adulte - qui maintient etprcise ses accusations. - "J'aurais pu sauver mes frres et les autres enfants si j'avais parl plustt, mais j'tais menac de mort. J'ai t lche", crie celui qui avait 15 ans lorsqu'il a tmoign la barre et a t trait de menteur aprs le procs.

    Le tmoignage de Chrif (il s'appelait Kevin l'poque mais a souhait changer de prnom) adonn lieu un ouvrage commun, "Je suis debout: L'an des enfants d'Outreau sort du silence",publi par Le Cherche Midi au printemps 2011. Il est galement la trame d'un film (avec Jean-Marie Garcia), "Outreau, l'autre vrit", prsent en avant-premire dbut 2012, mais toujourspas sorti dans les salles, notre connaissance, en octobre de la mme anne.

    Jacques Thomet, lui, esprait publier son livre dans le courant de l'anne 2012. C'tait comptersans le "lchage" de son diteur franais, puis de l'diteur suisse qui s'taient dit prts le

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    publier. A chaque fois, ce sont des avis de droit pris auprs d'avocats qui ont fait reculer lesditeurs.

    L'affaire d'Outreau a eu des consquences incommensurables. Mais la pire est bien ladcrdibilisation de la parole des enfants. Pendant des dizaines d'annes, de gros efforts avaientt raliss dans la prise en charge et l'coute des enfants victimes d'abus sexuels. Aujourd'hui,tout semble reconstruire. Mais ressort surtout l'impression d'une gigantesque manipulation. On

    aurait voulu en arriver ce rsultat - rduire dfinitivement nant la parole des enfants abuss -qu'on n'aurait pas pu russir de plus belle manire. Mais quels sont ceux qui auraient eu intrt cela? Et comment y seraient-ils parvenus? Ce n'est qu'une hypothse: une gigantesquemachination.

    Les dossiers du C.I.D.E., en tout cas, permettent d'esquisser une liste de ceux (magistrats,avocats, pdopsychiatres, politiques, etc...) qui, au fil des annes, au fil des affaires, oeuvrentinlassablement minimiser, touffer, enterrer; victimiser les criminels et criminaliser lesparents dfenseurs; dcrdibiliser ou carter la parole des enfants. Pour qui? Pourquoi?

    Un "dtail" encore, dans toute cette affaire d'Outreau: deux des acquitts, le couple Franck etSandrine Lavier, ont t condamns en fvrier 2012 dix et huit mois de prison avec sursis pour"violences habituelles sur deux de leurs enfants". Ils ont t en revanche relaxs du chef decorruption de mineurs pour lequel ils taient galement poursuivis. Le tribunal correctionnel deBoulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a jug que ces faits de corruption taient "moralementrprhensibles", mais qu'il n'y avait pas d'infraction pnale. Une vido diffuse au cours duprocs montrait notamment des scnes d'actes sexuels mims en prsence d'enfants...

    L'horreur au quotidien: c'est quoi la pdophilie dont on parle?

    Dans son ouvrage "Viol d'anges - Pdophilie: un magistrat contre la loi du silence" (Calmann-Lvy), la substitut du Procureur franaise Martine Bouillon prcise d'emble ceci (p 16): "Ladfinition du pdophile recouvre en ralit une multitude de personnes extrmement diffrentes,

    confrontes des situations trs dissemblables. Si certains vont directement, ds qu'ils

    reconnaissent avoir des "tendances", consulter un psychiatre ou tout autre thrapeute, d'autres,

    sans doute les plus nombreux, ne sont recenss nulle part. Ils passent travers les mailles de

    tous les filets sociaux, ne sont jamais dmasqus, et par dfinition, on ne saurait dire combien ils

    sont. En droit, nous appelons cela le "chiffre noir".

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    Le tonton qui s'amuse touche-pipi, le moniteur scout ou l'entraneur de foot qui profitent desdouches pour "faire des choses" avec des adolescents... Pour la plupart d'entre nous, lapdophilie c'est a et c'est dj inexcusable. Mais, bon an mal an, la justice s'occupe plutt biende ces affaires et condamne les coupables.

    Ce dont on parle ici (depuis le dbut de ce rcit) n'a rien voir. On parle de victimes de tousges, ds les premiers mois, les premires annes de vie... On parle d'abus sexuels les plus

    extrmes (comment donc violer un(e) gosse de trois ans? Et pourtant...), on parle de vritablesobjets sexuels embrigads, parfois durant toute leur enfance, dans des rseaux, on parle detortures, de sadisme, de croyances et donc de rituels sataniques, on parle de sang humain, onparle de meurtres, de sacrifices...

    Un exemple, parmi tant d'autres:

    En mars 1988, l'industriel italien Alessandro Moncini, membre important de la fameuse logemaonnique P2 de Licio Gelli, est arrt en Californie. Il avait t mis sur coute par le FBI etl'audition d'un extrait d'une conversation tlphonique entre Moncini et un interlocuteur nonidentifi fut demande par le juge lors de son procs:

    - Moncini : Que puis-je faire ce petit animal (il voque une fillette mexicaine)?- Interlocuteur: Tout.- Moncini:Je peux l'enchaner?- Interlocuteur:Bien sr.- Moncini:La fouetter?- Interlocuteur: Oui.- Moncini:Je peux lui faire bouffer de la m...?- Interlocuteur:Je ne sais pas...- Moncini: Pisser dans sa bouche?

    - Interlocuteur: Oui, je pense...- Moncini:Enfoncer des aiguilles dans ses mamelons?- Interlocuteur: Oui...- Moncini:Et si le petit animal vient tre cass... Je veux dire bless...?- Interlocuteur: Faites disparatre le corps...- Moncini:Et cela va coter combien?- Interlocuteur: 5'000 dollars.

    Alessandro Moncini encourait une peine de prison de trente ans. Il fut condamn ... trois moisfermes pour avoir import du matriel pdopornographique.

    Pourtant d'aprs les informations reues par le quotidien italien La Repubblica, l'affaireimpliquait un rseau mondial, comme le rappelle un bloggeur belge

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    (http://intrgalaktiklyon.wordpress.com/2011/07/19/la-franc-maconnerie-a-interet-a-nettoyer-les-ecuries-daugias-maintenant/):

    "Laffaire Moncini savra impliquer un rseau mondial desclavage et de meurtres denfants,

    au service dune aile ouvertement satanique de la jet set aristocratique transatlantique. Au

    moins lune de ses conversations sest droule avec Anthony Crowley, un magnat amricain du

    porno. Lon pouvait y entendre Moncini ngocier lacquisition de jeunes filles destines tre

    fouettes, enchanes, sodomises avant dtre assassines, durant ce que La Repubblica adcrit sous le doux euphmisme de "nuit satanique".

    Richard Lew, le juge qui instruisit le procs, a refus que ces conversations enregistres soient

    admises comme preuves. Une condamnation de Moncini sous le sceau du U.S. Child Protection

    Act [loi anti-pdophilie amricaine] et pourtant valu celui-ci une peine de prison ferme

    pouvant aller jusqu 30 ans, ainsi quune amende dun million de dollars. Peut-tre le juge Lew

    a-t-il t sensible aux lettres de recommandation en faveur de Moncini qui lui sont parvenues de

    prs de 40 membres prominents de lestablishment triestin, et ce compris lvque catholique

    de Trieste et le vice-prsident de la rgion de Trieste.

    Nullement dpits par la faible rprimande adresse Moncini par les tribunaux US, deux

    policiers dlite de Trieste auraient travers lAtlantique la recherche de preuves dun cercle

    extrmement ferm de pdophiles internationaux, rput protg par des loges secrtes dans les

    plus hautes branches de la franc-maonnerie internationale (soit les ordres chevaleresques).

    Autre exemple: dans le cadre de l'affaire Dutroux, le dtective priv belge Michel Thirion estcharg par les parents de Julie et Mlissa (alors portes disparues) de retrouver leur piste. Sesenqutes (qui se poursuivront aprs la mort avre des filles) vont le mener vers une filire de"snuff movies" (films avec mort relle d'enfants) aux Pays-Bas. Il a racont Jean Nicolas etFrdric Lavachery ("Dossier pdophilie, le scandale de l'affaire Dutroux") sa rencontre avec un

    Anglais propritaire d'une pniche Amsterdam (p 49):"L'Anglais me propose alors ce qu'il a de meilleur: la mise mort d'enfants. Il s'agit

    d'embarquer plusieurs sur sa pniche, de prendre la mer et de se satisfaire sexuellement avecun gosse avant que ce dernier ne soit jet l'eau, m'explique l'Anglais".

    Acheter un enfant, le violer, le torturer, l'assassiner... Pour la plupart d'entre nous, et mme sinous parvenons nous faire l'ide que cela existe, c'est une barbarie incommensurable qui dfietoute explication. Dans son livre, Martine Bouillon avance une piste, une tentative d'explication(p 52): "Maintenant, on s'offre une extase avec l'interdit des interdits, le tabou des tabous, le viol

    puis le meurtre de l'enfant. Aprs avoir connu cela, on peut mourir, on a vcu une vie "bien

    remplie", on a "tout essay", y compris l'impensable, l'indicible, l'insurmontable."

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    Dans les dossiers du C.I.D.E. relatant des faits lis des pratiques et rituels sataniques, lesdescriptions sont tout aussi difiantes, si ce n'est plus...

    O., lors des auditions puis devant les camras de FR3 (mission "Paroles d'enfants" mars1999, voir plus bas), voque notamment des ttes d'enfants sur des piques, des bras et des mainscoupes...

    Parmi de nombreuses descriptions en tout genre faites par V. L., qui a pass toute son enfancedans ce milieu, on peut noter par exemple ceci:

    "Les enfants taient aspergs avec le sang dun chat gorg, sang mis dans un ciboire sur un

    autel recouvert dune nappe. Ils ont coup les pieds dun petit enfant au couteau, puis les doigts,

    et lont gorg. Une autre fois, ils ont arrach le tibia dune petite fille pour la violer avec et

    lont tue ensuite. Ils faisaient disparatre les corps en les mettant dans de lacide et en les

    brlant. A la fin des crmonies, les enfants taient rveills coup de seau deau."

    D. N., dbut 2002, voque les sacrifices denfants et dcrit "les mains et les pieds coups", puis"un tibia arrach et enfonc dans lanus de lenfant"...

    Ardche: dans la "Maison-Rouge", V. se souvient de pots avec des mains coupes (mainsdenfants dans du liquide transparent), sur les tagres dans le souterrain de la maison...

    Dans chaque dossier, les actes les plus inimaginables, l'horreur la plus incommensurable, les faitsles plus indicibles, les plus incroyables... Incroyables: la fameuse opposition entre "croyants" etincroyants", entre ceux qui finissent par se faire l'ide que tout cela existe bel et bien et ceuxqui n'y parviennent pas ou s'y refusent...

    La filire sectaire sataniste

    Dans "L'Enfant sacrifi Satan" (Filipacchi, 1997), Bruno Fouchereau raconte l'histoire deSamir Aouchiche, enfant "survivant" d'un mouvement satanique doubl d'un rseau pdophileinternational, dont tombe amoureux un homosexuel et pdophile nomm Willy Marceau. Tousdeux (et d'autres victimes) tmoignent de leurs annes noires, le second tentant, mais vainement,pendant toutes ces annes et au pril de sa (leur) vie, de sauver et protger le premier.

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    Il s'agit de l'Alliance Kripten, alias l'Institut Abrasax, alias Plante Uranus ( moins que ces troisappellations recouvrent plutt diffrentes manations d'une entit suprieure (certains voquentla Golden Dawn (ou Aube dore), l'Ordo Templi Orientis ou les Illuminati).

    Rapide descente vers l'horreur:

    "De 1985 1988, Michel et quelques-uns de ses camarades, tous dbiles lgers ou autistes,

    eurent subir les tortures les plus infmes que des adultes puissent infliger des enfants"." (...)"Lors de ces orgies sadiques (...) On les obligeait boire un liquide rouge qui leur faisaittourner la tte. (...) Michel affirme avoir assist un rituel au cours duquel une petite fille de

    huit ans aurait t sacrifie par le feu aprs avoir t viole". (p.15).

    Mais lorsque Willy Marceau commence voquer Bruno Fouchereau les liens entre Kripten etcertains membres de la brigade des mineurs et de la magistrature parisienne (p 22-23), "je ne pusm'empcher d'tre un peu sceptique", crit l'auteur. "Plus tard, lorsque je rencontrai enfin Samir

    Aouchiche et qu'il me confirma ces accusations, j'hsitai encore le croire... Ce sont trois autres

    affaires de pdophilie - rvles par la presse en janvier 1996 - et l'tude prcise que j'en fis par

    la suite, qui vinrent corroborer les conjectures que seul le tmoignage de Samir m'avait permis

    d'laborer. L'exprience de Samir n'tait pas la seule rvler cette terrible ralit de notre

    socit. Dsabus et inquiet pour notre dmocratie, je balayai alors tous mes doutes.

    Voil les faits qui me firent ragir ainsi: en septembre 1995, le Comit international pour la

    dignit de l'enfant se vit contraint de dnoncer publiquement le systme judiciaire franais et

    plus prcisment encore un parquet de la rgion nioise. Le C.I.D.E. venait d'enquter sur

    plusieurs cas d'enfants victimes d'abus sexuels. (...) Les tmoignages de trois d'entre eux,

    Florian, Laurianne et Aurore, entendus pour des affaires diffrentes, faisaient tat de runions

    trs similaires o de nombreux adultes venaient pour abuser d'eux sexuellement. (...) Le petit

    Florian raconta que, dans des villas de Paris et de Nice (...) les adultes tout nus et masqus

    m'obligeraient boire un liquide rouge qui me faisait tourner la tte... puis prendre le zizi desgrandes personnes dans la bouche... "

    Samir Aouchiche (p 131-133) "ne cesse de se repasser encore et encore les scnes de violencedont il a t tmoin pendant les jours et les nuits qu'il a passs dans cette glise dsaffecte et

    profane. Le visage de cette petite fille de onze ans, par exemple. (...) Puis l'homme grim se

    jette sur l'enfant et, l'aide d'un petit scalpel, entreprend de lui lacrer le dos. Des fines et

    longues blessures - au moins cinq ou six -, le sang ruisselle sur la table, puis dans des rigolesprvues cet effet. Deux assesseurs recueillent le liquide encore chaud dans des calices pendant

    que l'homme grim, aprs l'avoir saigne, viole la fillette. (...)" La grande prtresse, surnomme"L'Empereur", boit alors une gorge puis la coupe est prsente au pre de l'enfant qui boit lui

    aussi. Enfin, tous les autres font de mme".

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    "Ce rituel fut donn au cours de la premire nuit, et chacune des suivantes fut l'occasion d'un

    autre du mme genre. Le second soir, on touffa rituellement un petit garon avant de le

    sodomiser. (...) Au cours de la troisime soire, une petite fille dut satisfaire l'apptit sexuel d'un

    chien... Toutes les crmonies donnrent lieu d'immondes parties de dbauche. (...) Pendant

    ces trois jours, Ondathom n'arrta pas de filmer et de prendre des photos. Il n'tait pas le seul.

    Un homme brun, barbu, d'une quarantaine d'annes, filma tout particulirement Samir".

    Des dossiers dans lesquels les enfants dcrivent des rituels, le C.I.D.E. en a vu passer un certainnombre, effectivement. C'est le cas de l'affaire en Ardche, dj mentionne plus haut. Ce vasterseau (en lien notamment avec le rseau de V. L. et en relation avec Marc Dutroux) avait deuxfaces: la premire tait un circuit commercial de prostitution et vente d'enfants (voire d'organes),et de production de matriel pdopornographique. L'autre tait un mouvement satanique avecrituels, sacrifices, magie noire, dans lequel tait impliqu un personnage bien plac dans lahirarchie de l'Eglise catholique.

    Des enfants vols, de toutes origines, taient ainsi cachs dans des souterrains sillonnant lessous-sols du village (en fait, le systme ancestral d'adduction d'eau), o ils subissaient desviolences sexuelles, taient battus et torturs, mis mort. Il est fait tat de rcuprationdorganes. Les restes taient enfouis dans divers lieux, notamment en fort.

    Concernant les rituels sataniques, les rcits des enfants (dont les tmoignages ont t recueillisalors qu'ils taient jeunes adultes) sont prcis et dtaills.

    dessins gomtriques, de bougies noires. Ils avaient des robes blanches. Il y avait une statue

    avec trois corps mls et trois ttes en bois noir. Cest ces statues que lon sacrifiait les bbs

    et qui on faisait des prires, genoux, sur des tapis, et on se prosternait trois fois le front

    contre le sol."

    "Les sept prtres sont entrs dans la salle basse avec C. et A., et on a commenc faire la prirepour Satan. Nous tions sur des tapis et nous avons pri. Quand la prire a t finie, nous

    sommes alls danser autour dune table en bois recouverte dune nappe aux dessins

    gomtriques rouges et blancs. Il y avait une grande statue, deux plus petites, et de la poudredos du nouveau-n sacrifi. Nous avons dans, chant dans la salle basse qui nous servait

    dglise."

    Ce ne sont que quelques exemples, parmi les trs nombreux, recueillis au fil des dossiers duC.I.D.E.

    Et l'Affaire Dutroux ne fait pas exception, loin s'en faut. Les policiers belges ont beaucoup

    enqut, justement, sur la composante satanique Abrasax/Kripten, comme le confirment lessynthses des PV d'enqute. Les tmoins "X" l'voquent galement avec force dtails.

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    On peut relire encore l'article (cit par Bruno Fouchereau dans son livre p 146) du journalistebelge Alain Guillaume dans le quotidien Le Soir du 25 dcembre 1996 et intitul "Dutroux :des victimes sacrifies sur l'autel du Dmon?":"Les enquteurs de Neufchteau ont basculdans un univers peupl de pervers, de sadiques et de psychopathes (...) qui voluent impunment

    depuis des dizaines d'annes, expliquent les tmoins, de beuveries snobs en partouzes, de villes

    en tortures, de sabbats en assassinats... On s'en rendra compte: les dossiers des juges Langlois

    et Grard sont - dj - bien plus lourds que ce que l'on dcouvre maintenant. Les chocs venir

    seront d'autant plus surprenants".

    Alain Guillaume pensait dtenir - et dtenait de fait - des informations prcises et concordantes,des tmoignages suffisants pour oser affirmer que les masques allaient tomber. On saitaujourd'hui qu'il n'en a rien t.

    L'existence d'Abrasax (ou parfois Abraxas), o Samir Aouchiche s'est de toute vidence rendudans ses prgrinations forces, est rvle la Belgique lors de la perquisition effectue par lespoliciers et les gendarmes belges le 21 dcembre 1996 dans le petit village de Forchies-la-Marche, prs de Charleroi. Cette perquisition dans les locaux de l'ordre d'Abrasax taitcommandite par la cellule d'enqute de Neufchteau charge de l'enqute Dutroux.

    Les policiers, crit Bruno Fouchereau dans son livre (p 151), disposaient de nombreuxtmoignages prcis et concordants faisant tat de svices sexuels infligs de jeunes enfants

    l'occasion de crmonies sataniques; certains signalaient mme des meurtres rituels..."

    Les informations apparues dans la presse belge sont reprises et dcrites dans un article duquotidien franais Le Midi Libre, cit dans son livre par Bruno Fouchereau (p 151). L'articleest titr "L'hypothse sataniste horrifie la Belgique". On peut y lire: "La presse a ainsi voqul'existence en Belgique d'une nbuleuse de voleurs d'enfants l'oeuvre depuis de nombreuses

    annes. Ces enfants seraient soit vols leurs parents, soit fabriqus sur commande par des

    familles bien slectionnes qui les vendraient, ds leur naissance et sans jamais les dclarer, des sectes sataniques".

    Toute "horrifie" qu'elle ft sans doute ce moment-l, la Belgique et ses mdias oublieront trsvite...

    On peut encore lire dans l'article du Midi Libre: "Des dizaines de victimes sont tombes dansles filets de ces rseaux, plusieurs sont mortes mais trois autres sont vivantes et tmoignent. Lesnoms de ces victimes, qui ont reu des menaces de mort tout comme des enquteurs et certains

    journalistes, sont gards secrets. Certains journaux dclarent les avoir rencontres, terrorises

    parce qu'elles avaient vcu. Ces victimes ont t entendues fin novembre 2012 par le procureur

    charg du dossier Dutroux. Elles lui ont confi qu'elles avaient subi les pires svices au cours deces crmonies secrtes et qu'elles avaient t contraintes de torturer de jeunes enfants..."

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    Le grand public est videmment largement dubitatif - et on le comprend - l'vocation de sectessataniques pratiquant des rituels et des sacrifices. On se croit plongs en pleine fiction (et ellessont nombreuses sur le sujet!)

    Pourtant, toute la hirarchie catholique bruisse de rumeurs satanistes, jusqu'au Vatican.

    En 2010, le Pre Gabriele Amorth, exorciste en chef du Vatican, publie les "Confessions-

    Mmoires de l'exorciste officiel du Vatican", entretiens avec le journaliste Marco Tosatti, auxEditions Michel Lafon. Possessions et rites sataniques, confrontations directes avec les dmons,sectes du Mal implantes au coeur de Rome... le pre Gabriele Amorth raconte ses annes decombat avec les puissances infernales.

    Un vaticaniste italien clbre, Paolo Rodari, avait dj publi, quelques mois plus tt, un articlesur la prsence de satanistes au coeur mme du Vatican, sur la base du tmoignage de ce mmePre Gabriele Amorth.

    "Je sais bien que certains lecteurs vont penser que tout cela est du sensationnalisme , maisces rvlations viennent de lun des meilleurs spcialistes mondiaux du dmon, Don Gabriele

    Amorth, lexorciste de Rome", crivait-il alors.

    Dans cet entretien l'exorciste confirme: oui, des sectes sataniques sont implantes jusqu'auVatican. Oui, il y a des prtres, des prlats et mme des cardinaux qui en font partie. Oui, le papeest au courant...

    Dans un message post sur le site Internet de l'Osservatore Romano en avril 2012 et relatantles dclarations du pre Gabriele Amorth, Guillaume de Thieulloy s'interroge:

    "Lune des raisons de lomerta par laquelle les plus hautes autorits de lEglise ont trop souvent

    trait les scandales pdrastiques ou pdophiliques tient peut-tre aussi ce que certainsprlats pratiquant eux-mmes le satanisme ont partie lie avec ces rseaux sordides"

    Et une nouvelle affaire fait l'objet, depuis l't 2012, d'un blog dtaill et particulirement srieuxdans le rcit et la chronologie des faits, entre Lyon et le Var, entre pdophilie, satanisme et (peut-tre) pratiques vaudoues:

    http://secte-vaudou-satanique-lyon.overblog.com/

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    On y retrouve d'tranges similitudes avec plusieurs affaires du C.I.D.E., tant dans les faits dcritspar les enfants, qu'au travers de la descente aux enfers policire et judiciaire dont sont victimesles deux parents qui tentent - vainement - de soustraire deux enfants (mais il semble y en avoirbeaucoup d'autres) des griffes de ce groupe criminel.

    Une chose est sre: dans pratiquement tous les rcits revient la prsence de personnes qui filmentet/ou photographient. Pour satisfaire ultrieurement les participants, sans doute, mais galement

    dans un but clairement financier, commercial, bien souvent. La composante satanique, rituelle,est trs rgulirement double d'une composante pdopornographique. Le supplice des victimes,dj abuses, tortures, dtruites dans leur chair et leur me, est ainsi prolong, "grav" pourlongtemps sur des supports qui passeront sous combien de regards, qui gnreront combien decentaines de milliers d'euros, de dollars ou de francs suisses?

    A la lecture de nombreux rcits similaires, et compte tenu de cette composante "commerciale",on en vient se demander si les rituels sataniques (ou pseudo-sataniques dans certains cas), nesont pas simplement destins au "dcorum" et rpondent avant tout des pulsions qui - bien au-del du sexe - relvent frquemment du sadisme le plus coeurant, voire de la torture ou de labarbarie les plus cruelles. N'est-ce pas cela avant tout - et comme le pense Martine Bouillon -que recherchent les participants? Des "motions fortes", toujours plus fortes, par lassitude desprcdentes et nombreuses expriences, par une sorte de ncessaire progression pour satisfaireleurs pulsions bien plus que par des croyances qui nous semblent d'un autre temps?

    Bruno Fouchereau nous met en garde (p 154): "Juger cette interactivit entre satanistesoccultistes et pdophiles aussi simplement serait une erreur. Les sectes offrent bien plus qu'un

    dcorum aux bats de leurs membres: elles justifient leur perversit par un discours et une

    idologie qui relve de la mystique. (...) Les sectes aident les pervers criminels non seulement

    assouvir leurs dsirs, mais surtout s'accepter et se revendiquer comme tels. Ainsi

    s'organisent des rseaux puissants d'hommes et de femmes souds autour d'une mme mystique

    de la perversion et du mal".Dans sa conclusion, et au travers d'un rapide mais prcis historique du satanisme, BrunoFouchereau donne son explication ce qu'il dsigne comme le "nosatanisme" et sadmocratisation (p 193):

    "Avec cette dmocratisation du nosatanisme, on constate un phnomne de perversion de la

    sexualit. On voit apparatre comme une doctrine de la salissure qui semble viser maintenir lasexualit dans une sorte d'insatisfaction permanente. Une doctrine qui fait le bonheur de la

    pornographie. Car il s'agit d'exprimenter et d'explorer systmatiquement toute perversit et

    anormalit. Cette espce de politique de la surenchre dans la perversion conduit naturellement

    l'horreur, au cannibalisme, au meurtre, la pdophilie... Ce que l'on peut appeler unesatanisation de la sexualit, et qui passe par une publicit et un discours qui vante ces pratiques,

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    vise dprcier tout ce que l'homme considre en bien de son intimit et de ses qualits

    humaines, jusqu' l'annihiler en tant qu'individu. Cette dshumanisation de l'acte sexuel (...)

    remplace l'amour que l'on peut prouver pour l'autre par une recherche obsessionnelle de la

    satisfaction par la ralisation de fantasmes de plus en plus extrmes. Dans ce contexte, on

    comprend toute l'utilit des jeux de rle comme ceux auxquels tait contraint de participer

    Samir: ils permettaient une dshumanisation totale des perversions sexuelles mises en scne. Ce

    n'tait plus l'individu mais le personnage invent pour le jeu qui agissait."

    Des rseaux ancestraux

    Ce monde parallle, ces pratiques secrtes, ces rituels barbares, ces orgies sexuelles existent aumoins depuis de nombreux sicles, comme le montrent les enqutes de ceux qui se sont essays cette "remonte du courant" historique.

    On retrouve Bruno Fouchereau (p 154 et suivantes), dont l'enqute "a permis de dterminer queces structures taient parfois trs anciennes."

    Et de remonter le "courant" belge: le Club Eukaristia une organisation nomme Kumris dans lesannes 1940, manation du plus ancien Club Eukaristia, qui se revendiquait de l'Ordre duTemple et qui organisait des sances de magie sexuelle pour la haute socit du royaume ainsique pour de nombreux collaborateurs et S.S. belges.

    Sans entrer ici dans des dtails inutiles, Bruno Fouchereau rappelle deux grandes priodes dusatanisme: le Moyen-ge, o les textes fondateurs ont t rdigs par des prtres franciscains et

    dominicains chargs de l'Inquisition; et la fin du XIXe et le dbut du XXe sicle, lorsque Parisfourmillait de socits secrtes, d'occultistes et de lucifriens comme Grard Encausse, aliasPapus, mdecin et occultiste franais cofondateur de l'Ordre Martiniste, dont certaines branches,au moins, pratiquent des rituels sexuels avec tortures et sacrifices d'enfants, et dont certainesinvestigations du C.I.D.E. laissent penser que plusieurs enfants ont sans doute t victimes.

    Ainsi, V. L., lune de victimes prises en charge par le C.I.D.E. au dbut des annes 2000, est detoute vidence - de par lampleur du rseau quelle dcrit, les liens quelle tablit avec denombreux autres dossiers, les faits dont elle parle (filire pdophile commerciale et mouvancesataniste) - au "cur" dune sorte de vaste toile daraigne en France, et plus largement dans unepartie de lEurope. Elle parle elle-mme spontanment de sa "secte" en voquant les Martinistes.

    Il s'avre effectivement, aprs enqute, recoupements, recueil de tmoignages, qu'il s'agitvraisemblablement de lune des branches des Martinistes, mouvement issu et inspir de la franc-

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    Et de rappeler paralllement (sur la base de l'ouvrage de Philippe Erlanger, "Monsieur, frre deLouis XIV", Perrin, 1998) que sous Louis XIV dj, alors que rgnaient dbauche et pdophilie la cour, le roi instaure - dans la foule de l'affaire des poisons en 1667 - la lieutenance de police,qui constitue un important dossier sur de nombreux membres de la haute aristocratie, toutparticulirement sur l'entourage de Monsieur, frre du roi.

    On y apprend ainsi que Mme de Montespan tait accuse d'tre devenue la matresse du roi en

    rcompense des messes noires et autres sorcelleries auxquelles elle s'tait livre: "L'entourage deMonsieur vcut des heures d'angoisse, dans la crainte que, dveloppant l'instruction sur lesmesses noires, l'occasion desquelles de jeunes enfants peuvent, parfois, tre sacrifis, la

    Chambre ne s'intresst de plus prs aux amateurs de parties fines".

    Le Roi-Soleil fut effray de voir sa cour "devenue une petite Sodome", comme l'crivit dans sesmmoires le marquis de Sourches.

    Or les luttes de pouvoir sans merci qu'abrite Versailles passent par tous les chantages, complots,mensonges et pressions possibles. Et ceux qui s'adonnent aux dbauches de toutes sortes sont, l'poque comme aujourd'hui, des proies faciles et prcieuses dont on ne manque pas de seservir...

    On apprend encore par Philippe Erlanger que, dans l'organisation de ces dbauches, se trouvenotamment Antoine Morel de Volonne, matre d'htel de Son Altesse, "qui, selon la Palatine,tait athe et sodomite, en tenait cole, vendant garons comme des chevaux, et allait au

    parterre de l'Opra pour faire ses marchs".

    Lorsqu'on connat le rle d'intermdiaire jou par le comte de Beuvron (capitaine des gardes,issu de la famille normande d'Harcourt, troitement lie Pontigny et Seignelay) dansl'organisation de la dbauche dans l'entourage du frre de Louis XIV et la vie de garnison,

    comment ne pas s'imaginer, crivent Catherine Derivery et Philippe Bernardet, "que cette rgionde Seignelay a pu, cette poque, servir de vivier pour fournir la cour en jeunes etadolescents?"

    Et de conclure: "Toute l'affaire des disparues d'Auxerre et du pavillon d'Appoigny se situe ainsisur les terres de l'ancien marquisat de Seignelay, intrinsquement li aux principaux

    personnages de l'Etat, de Charles VI Louis XIV. Curieusement, ce site se trouve troitement

    ml l'entourage douteux du frre du Roi-Soleil, souvent compos de membres des gardes

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    du corps du roi et autres cadets; entourage qui organisa la corruption du pouvoir central en

    usant de poisons, messes noires, rglant orgies et dbauches sur fond de pdophilie, corrompant

    ainsi le pouvoir par le sexe dans ce qu'il a de plus sordide."

    Ces pratiques en matire de corruption, l'efficacit prouve, font visiblement toujours recetteaujourd'hui

    On peut noter au passage, comme le relve Sophie Coignard dans "Le rapport omert 2002"(Editions Albin Michel 2002), que Marylise Lebranchu, frachement nomme garde des Sceauxen 2000, diligente une enqute sur les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire desdisparues de l'Yonne. Mais la ministre, " peine le rapport rendu, a pris une dcision trop peucommente: elle l'a class sans suite".

    Police et justice savent

    On l'a vu dans le chapitre consacr l'affaire Dutroux-Nihoul, certaines autorits belges ont toutfait pour que la thse du rseau pdocriminel soit balaye. Les personnes qui s'y sont employesn'ont pas mnag leurs efforts, rcompenss in fine par le verdict au procs d'Arlon. Pourtant, onl'a vu aussi, les policiers et magistrats qui on travaill honntement et srieusement ont pudessiner les contours d'une vaste nbuleuse, s'tendant bien au-del du Royaume. Mais on les abillonns, on les a carts...

    Un haut responsable policier franais dnonce du reste "leur incapacit remplir leurs missions"en prface du livre "L'histoire vraie des tueurs fous du Brabant" paru en octobre 2012 (La

    Manufacture de Livres.), consacr cette affaire qui a dfray la chronique dans les annes 80 etdont on a beaucoup reparl en marge de l'affaire Dutroux.

    "La lgitimit d'un Etat se mesure sa capacit d'assumer avec efficacit ses missions

    rgaliennes", crit Julien Sapori, commissaire central de Maubeuge (nord), cit par l'AFP.

    "Or, depuis une trentaine d'annes, l'histoire judiciaire de la Belgique est une succession

    d'checs", ajoute le commissaire citant cette affaire mais aussi celle du Belge Marc Dutroux.

    Julien Sapori stigmatise "l'incapacit des forces de l'ordre et de la justice du plat pays remplir convenablement leurs missions", la qualifiant de "consternante".

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    En France aussi, malgr - l-aussi - tous les efforts (souvent efficaces) de certaines autorits, decertains reprsentants de la magistrature, de certains politiques, on sait parfaitement que police et

    justice... savent!

    Dans son livre publi en 1997, Bruno Fouchereau cite (p 146) le juge Cochard, ancien directeurde la gendarmerie nationale, ancien magistrat de la Cour de cassation de Paris, ancien secrtaire

    du Procureur de la Rpublique de Paris, qui "a, de son propre aveu, fait rcemment uneconfrence rserve aux magistrats pour les mettre en garde contre l'influence croissante desrseaux de pdophiles en France. Une confrence qui fut reue avec une aimable indiffrence".

    Dans l'mission "Paroles d'enfants" de mars 1999 (FR3), la substitut du Procureur MartineBouillon aura cette phrase qui va faire du bruit (et qui sera officiellement dmentie par la suite!):"Je sais et je peux vous dire qu'en rgion parisienne, j'ai effectivement eu connaissance de

    charniers d'enfants. Je pse mes mots. Je n'en dirai pas plus parce que qu'il y a une instruction

    en cours".

    Plusieurs associations et personnalits engages dans la lutte contre la pdophilie se retrouvent,en mai 1997, au sige principal d'INTERPOL Lyon, pour une sance de coordination. Au coursde celle-ci, les interlocuteurs de l'organisation de coopration policire internationalereconnaissent clairement tre au courant de l'existence de rseaux pdophiles en Europe. Lesdeux reprsentants du C.I.D.E. prsents cette runion en tmoignent...

    On peut noter, propos d'INTERPOL, que l'organisation a jou, au moins plusieurs reprises, lerle de "courroie de transmission" au niveau europen en matire d'alerte face aux crimesd'origine satanique. Ainsi Bruno Fouchereau cite dans son ouvrage "L'Enfant sacrifi Satan":

    "Scotland Yard a fait encore rcemment, en janvier 1996 Lyon, une confrence dans les locaux

    d'INTERPOL, visant alerter les polices europennes de la multiplication des crimes rituels. Lejuge Sengelin, doyen des juges d'instruction de Mulhouse enqutant sur l'enlvement d'une petite

    fille en 1990, a t inform par ces mmes policiers de Scotland Yard, qu'ils avaient saisi un lot

    de snuff movies dans lesquels on assistait des meurtres d'enfants. Ces enfants, dont au moinsquinze d'origine europenne, ont t tus devant la camra aprs avoir subi viols et tortures".

    (p. 21).

    On peut souligner au passage que le juge Sengelin a troitement collabor avec le C.I.D.E. surcertaines affaires entre la fin des annes 1990 et le dbut des annes 2000. Son point de vue etses informations ont t prcieux.

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    La loi du silence ou omerta

    "Il exis