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  • 7/21/2019 Rapport du CIDE sur la pdocriminalit.pdf

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    Le rapport exclusif du CIDE (Suisse) sur la

    pdocriminalit,

    notamment en France

    Le document ci-aprs a t ralis sur mandat du Comit international pour la dignit de lenfant

    (C.I.D.E.) Lausanne, entre mai et novembre 2012, sur la base des archives du comit et dun

    certain nombre douvrages consacrs aux rseaux pdocriminels en Europe, tout particulirement

    en France et en Belgique, partir des annes 1990. Il montre lampleur du phnomne, les

    connaissances quen ont aujourdhui tous ceux qui ont enqut sur cette question, et propose uncertain nombre de pistes et dexplications pour mieux comprendre pourquoi une chape de plomb

    recouvre encore et toujours ces affaires et comment les acteurs, auteurs de faits criminels de la

    plus haute gravit, chappent la plupart du temps toute condamnation.

    Laffaire Dutroux, du rseau international au prdateur isol

    Le 17 juin 2004, aprs un procs de quatre mois et presque trois jours de dlibrations, les douzejurs chargs de se prononcer sur la culpabilit des quatre accuss de lAffaire Dutroux rendent

    leur verdict devant la cour dassises dArlon en Belgique: Marc Dutroux est jug coupable de

    toutes les charges retenues contre lui. Il tait le chef dune association de malfaiteurs lorigine

    des enlvements, squestrations et viols de six fillettes, du meurtre de quatre dentre elles, ainsi

    que dautres enlvements, squestrations et du meurtre de son complice Bernard Weinstein. Le

    jury parle de Marc Dutroux comme dun provocateur ou chef de bande ayant particip ce

    titre une

    association implique notamment dans les enlvements et squestrations

    des jeunesfilles. Il sera condamn quelques jours plus tard la rclusion perptuit.

    Sa bande? Deux membres (les seuls?) taient galement sur le banc des accuss: son pouse

    Michelle Martin, condamne 30 ans de rclusion, et Michel Lelivre, condamn, lui, 25 ans.

    De terribles malfaiteurs, mais une bien modeste association

    Et lhomme daffaires escroc Michel Nihoul dans tout a?Dutroux dnonait ce grand

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    organisateur de partouzes pour le gratin belge (Nihoul la reconnu) comme le commanditaire des

    enlvements pour un rseau pdophile, loppos de la thorie du prdateur isol Marc

    Dutroux. Aprs de difficiles dlibrations, les jurs lacquittent de toute participation ou

    complicit dans ces enlvements faute dune majorit suffisante: sept en faveur de sa

    culpabilit (une majorit, donc!) et cinq contre. Cest finalement le ralliement des trois magistrats

    aux jurs minoritaires qui fera pencher la balance de la justice de lautre ct: huit

    contre sept! Nihoul sera certes condamn cinq ans de prison pour sa responsabilit dans un

    trafic de stupfiants, de faux papiers, de vhicules et mme dtres humains, (cest bien peu pour

    1

    tout cela, non?) mais ce verdict est un vritable coup dassommoir ou un enterrement de

    premire classe, si lon peut dire pour la thse du rseau.

    Dutroux le monstre de Charleroi, comme lavait surnomm la presse belge, finira donc ses

    jours en prison. Cest le moindre des soulagements pour les familles des victimes et les

    survivantes de ses atrocits. Mais aprs huit annes dinstruction houleuses, lentire vrit nest

    pas sortie du procs, loin sen faut. Le grand quotidien francophone Le Soir, qui titre au

    lendemain de lpilogue Le jury a dout avec les Belges, souligne que ce verdict ne referme

    pas laffaire Dutroux. Et lheure des peines prononces, cest bien celle dont cope Nihoul qui

    retient lattention de la presse. Dans une dition spciale, le quotidien francophone La Dernire

    Heure titre ainsi: Nihoul sauve sa peau. A contre-courant tout de mme, La Libre Belgique

    estime, elle, que toute la lumire a t faite et voque un verdict sans zones dombres On

    croit rver. Ses journalistes avaient-ils vraiment suivi le procs? Et le dossier?

    Michel Nihoul bnficie donc du doute, et cest toute la thse des

    croyants

    qui svapore. Lescroyants? Ceux qui sont persuads que Dutroux nest quun maillon dune organisation

    beaucoup plus vaste, un vritable rseau avec Michel Nihoul pour chef dorchestre et passeur de

    commandes, destin fournir des jeunes filles pour satisfaire les pulsions de personnalits haut,

    parfois trs haut places au sein de la classe politique, judiciaire, du monde des affaires ou

    encore de la noblesse du Royaume. A loppos: les incroyants, incrdules jusquau bout face

    ce qui nest leurs yeux que du ressort de la rumeur, labsence de preuve formelle ou daveux lors

    du procs venant encore renforcer leur sentiment.

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    Bref, il ny a pas de rseau pdophile.

    Vraiment? Aujourdhui, chacun peut se faire une ide prcise et se forger une opinion taye la

    seule lecture dune synthse des auditions ralises par les enquteurs belges tout au long de leurs

    recherches. Synthse mise en ligne en 2011 sur le web par Wikileaks et largement rediffuse sur

    la toile. A vrai dire, ces documents (prs de 1100 pages au total) pouvaient dj tre obtenus via

    Internet, de manire plus ou moins confidentielle, au dbut des annes 2000 (le C.I.D.E. les a eu

    en sa possession ds cette poque) Une premire chose frappe: le nombre de personnes

    auditionnes, le nombre de perquisitions, de vrifications au fil des pages Un travail de police

    colossal, quel quen soit le rsultat final, quels que soient les btons dans les roues, les

    empcheurs de suivre les pistes, les mutations des plus zls des enquteurs dont plusieurs,

    clbres, ont fini par poser les plaques coeurs. Lun deux fera mme une grve de la faim

    Le lecteur courageux (il faut un peu de persvrance car ce nest pas exactement de la

    littrature) assiste alors un impressionnant dfil de tmoins auditionns, dont les fameux

    tmoins X, ces victimes avres ou supposes de rseaux pdocriminels, que lanonymat devait

    protger mais dont on dcouvrira finalement quelques noms et visages dont celui de la plus

    clbre: X1!alias Rgina Louf.

    2

    Le lecteur assiste surtout un incroyable dballage de noms, des accuss cette fois, des

    abuseurs, tortionnaires, ou meurtriers supposs. Et cest tout le gratin, le gotha belge qui dfile

    lcran, des personnalits actuelles ou passes du monde politique (jusquau plus haut niveau delEtat!), du monde judiciaire (jusquaux plus hautes instances), du monde des affaires (les plus

    grandes socits du Royaume sont concernes), de la noblesse enfin (jusquau plus haut niveau

    une fois encore) Ils sont tous l ou presque

    Mais trop, cest trop, justement Comment y croire? Le premier sentiment, prcisment, est

    celui des incroyants. Cest tout simplement inimaginable De telles personnalits, respectables

    et respectes pour la plupart, auteurs de pareilles ignominies? Balivernes, racontars,

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    mdisances Des folles! On tentera den faire passer certaines pour telles, prcisment Un

    procd parfaitement rd, comme on le verra dans un autre chapitre.

    Trop, vraiment? On peut retourner la situation de 180 degrs. Comment autant de tmoignages

    concordants sur autant de personnes? Comment imaginer que tous ces tmoins X se soient ce

    point concerts mme si certains se connaissent? Tant de noms, tant de lieux, tant de scnes,

    de gestes dont les descriptions se recoupent

    A leur propos, bien plus prcis que les synthses dauditions, les procs-verbaux des auditions

    des tmoins X sont une descente hallucinante vers les enfers des rseaux, des partouzes, des

    chasses lenfant, des tortures, des meurtres dans de merveilleux chteaux ou proprits du

    Royaume. A lui seul, le recueil des procs-verbaux originaux des auditions de Rgina Louf

    (X1), publi par Jean Nicolas et LInvestigateur sous le titre Lhorreur de la pdophilie est un

    panorama difiant et complet de ltat de dliquescence du Royaume.

    Mais soit. Tout cela est tellement incroyable Laissons ces tmoignages de ct. Y en a-t-il

    dautres? Y a-t-il dautres traces de lexistence de tels actes de barbarie jusquaux rituels

    sataniques parfois en Belgique? Par le pass peut-tre?

    Les synthses des PV denqute du dossier Dutroux ont prcisment aussi remont le fil de

    lHistoire. On y retrouve les heures sombres de lpoque des Tueurs du Brabant, qui ont sem

    mort, terreur et zizanie dans la premire partie des annes 1980, ou de laffaire Pinon du nom

    dun psychiatre bruxellois qui a dnonc la mme priode une vaste affaire de ballets roses

    impliquant encore une fois ministres, magistrats, avocats, policiers, noblesse Jusqu Albert II

    (prince lpoque). Rumeurs infondes, dira la justice plusieurs reprises (le dossier a t

    littralement scell, enterr lpoque dans le coffre-fort du Procureur du Roi de Nivelles, JeanDeprtre. Mais le magazine LInvestigateur en a publi un extrait difiant: la retranscription

    dun enregistrement sonore). De fait, et malgr les nombreux efforts des touffeurs, laffaire

    Pinon ne cessera au fil des annes de ressortir de son carton et de rebondir. Les synthses des

    PV de laffaire Dutroux montrent que les enqutes autour du monstre de Charleroi ont rouvert

    tous les placards des affaires Pinon et Tueurs du Brabant Et voil que le lon retrouve un

    certain nombre un nombre certain, plutt de mmes personnages, de mmes personnalits,

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    la croise des chemins de ces trois dossiers. Et dfilent dautres enlvements, disparitions,

    tortures, morts, dont celle de Christine Van Hees dans laffaire dite de la Champignonnire.

    Au-del de ces PV policiers, tout avait t crit, publi, tay, prouv, bien avant le procs de

    2004. Il suffit pour sen convaincre de lire ou relire louvrage Dossier Pdophilie Le scandale

    de laffaire Dutroux de Jean Nicolas et Frdric Lavachery, dit chez Flammarion en 2001. Ils

    crivent dans leur avant-propos:

    On verra que laffaire Dutroux, mme si son closion ne pouvait trouver terrain plus favorable

    que celui dune Belgique au pouvoir politique vermoulu, dispose de ramifications

    internationales, notamment slovaque, franaise et allemande. Et quelle se rvle symptomatique

    de lchec du systme belge.

    Car quand la loi est paralyse parce que le nom du Roi, sacr et inviolable, est voqu, tort ou

    raison, dans plusieurs affaires criminelles devenues des scandales dEtat, rumeurs dont il

    faudra bien un jour ou lautre explorer le fondement; quand des enquteurs bloquent parce

    que certains membres de leur hirarchie envoient des messages clairs; quand des faux en

    criture et des falsifications de disques durs se produisent, il faut prendre conscience quune

    certaine ide de la dmocratie est en pril.

    A se demander mme si les fameux dysfonctionnements de cette affaire sont forcment toujours

    fortuits.

    Pas de doute, le dossier Dutroux semble aller beaucoup plus loin quon la dabord cru: cest une

    affaire dEtat.

    Trois ans avant le verdict dArlon, la cause semble dj entendue. La vrit ne sortira pas

    Et les deux auteurs de mentionner et dcrire notamment, dans leur livre, la piste europenne, les

    liens tablis entre Dutroux et certains pays, ses dplacements.

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    Certaines de ces informations, et dautres, sont parvenues galement et collatralement au

    C.I.D.E. au dtour de dossiers a priori sans lien entre eux ni avec laffaire Dutroux (les analyses

    du C.I.D.E. montreront prcisment le contraire) Il sagissait pour lessentiel de mres

    franaises (et dun ou deux pres) demandant laide du C.I.D.E. dans leur affaire mlant

    systmatiquement sparation, divorce, garde du ou des enfants et abus sur mineurs par un groupe

    de personnes autour du pre (ou de la mre) accus(e). Voir ce propos le chapitre Laffaire des

    mres franaises.

    Or, le nom de Marc Dutroux apparat dans plusieurs dossiers du C.I.D.E., en lien avec un rseau

    pdocriminel composante sataniste.

    4

    Ainsi F. M., mre de S. et R., affirme que Marc Dutroux sest rendu son domicile parisien

    plusieurs reprises entre juin 1993 et 1995. R. a reconnu par ailleurs lappartement de Nihoul,

    comparse de Dutroux, dans un reportage TV de Canal+ sur Dutroux. La description faite a t

    confirme par Frdric Lacroix, journaliste de Canal +.

    Dans laffaire D.-A., O. voque parmi les lieux o elle tait emmene avec son frre J. pour y

    subir de nombreux outrages un endroit la campagne, une grande maison dans une proprit.

    Elle dit y avoir vu notamment Dutroux.

    N. M. (dossier en Ardche) affirme avoir rencontr Dutroux deux reprises en prsence de son

    pre et de deux autres hommes quelle ne connat pas. Elle la reconnu tout de suite la

    tlvision au moment o laffaire a clat en Belgique.

    En fait, il existe nombre de traces du passage de Dutroux en Ardche, dans le sud de la France et

    jusque dans les Pyrnes comme le montrent les recherches (non ralises par le C.I.D.E. mais

    transmises celui-ci) autour de laffaire S. B., une adolescente petit rat de lopra de Toulon,

    littralement dchiquete dans un accident de la route qui na de toute vidence jamais eu lieu,

    Albertville, en 1995) Le jeune homme responsable de ce pseudo-accident, C. M. C., fait partie

    de la famille M. C. (Albertville et Privas) en lien avec laffaire M., mais aussi C. Nice. Il est

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    notamment tabli quentre 1987 et 1994, Dutroux voyageait entre la France et la Belgique,

    particulirement Privas o M. M. et lui taient trs amis avec A. L. M. (tmoignage dA. L. M.

    elle-mme). Cette dernire a confirm X. B. (pre de S., qui sest battu jusquau bout en vain -

    pour faire clater la vrit sur la mort de sa fille) les relations entre les C. et Dutroux.

    Un procureur de Privas, dont le fils serait handicap, aurait eu lui-mme faire Dutroux. Son

    fils avait t viol et des rapports de police avaient t faits sur des accusations de torture, et de

    pdophilie envers des mineurs de lhpital psychiatrique de Sainte-Marie Privas. Dutroux et

    dautres personnes auraient t impliques. Affaires touffes.

    Laissons lex-pouse de Michel Nihoul, Annie Bouty, le soin de conclure ce chapitre, par la

    plume de Jean Nicolas et Frdric Lavachery. Ces derniers relvent (p. 132) de leur livre que

    reste nigmatique le fait quon nait gure cherch franchir les frontires de la Belgique pour

    enquter sur les rseaux amicaux de Dutroux and Co. Or Annie Bouty, lex-femme de Nihoul, a

    dclar aux enquteurs que deux Franais, un certain Guy et un certain Michel,

    5

    travaillaient avec son mari et maquillaient des voitures. Elle a mme prcis que son ancien

    compagnon avait accompagn le Michel en question en Normandie et avait peur de lui parce

    quil avait dj t arrt pour meurtre. Nihoul, de son ct, avait reconnu connatre depuis

    1992-1993 un autre Franais, n Belfort, hronomane ami dun certain Caspar Flier, citoyen

    hollandais, omniprsent dans les dossiers de Neufchteau (ndlr: les dossiers denqute sur

    Dutroux et les prcdentes affaires), et de Michel Lelivre, li aussi Michal Diakostavrianos.Autant dintervenants que lon retrouve au coeur de ce quon pourrait appeler LEurope de Marc

    Dutroux.

    Dutroux, ce prdateur isol

    Laffaire des CD-ROM de Zandvoort

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    Cette affaire, comme dautres avant elle, a t mise au jour par le Belge Marcel Vervloesem et

    son quipe de lassociation Morkhoven la fin des annes 1990.

    Point de dpart: un pdocriminel nerlandais domicili Zandvoort, Gerrit Ulrich. Cest lui qui

    remettra une partie du matriel Marcel Vervloesem, puis qui lui indiquera o se trouve cach le

    reste des documents dans son appartement, avant dtre assassin Pise par son amant

    Le matriel se compose pour lessentiel de CD-ROM contenant des dizaines de milliers de

    fichiers pdocriminels montrant des enfants nus (du nourrisson ladolescent), seuls ou abuss

    par des adultes, ainsi que du carnet dadresses de Gerrit Ulrich. La police nerlandaise a ralis

    partir de matriel image (que lui a remis lpoque Marcel Vervloesem) un recueil de 570

    visages denfants et de 17 visages dadultes, sorte de rpertoire photographique des personnes

    figurant sur une partie du matriel reu.

    En France, deux journalistes ont russi un temps mdiatiser cette affaire: Serge Garde dans

    LHumanit (ds le 24 fvrier 2000) puis Laurence Beneux dans Le Parisien. Ils ont -

    ensemble poursuivi et synthtis leur enqute dans un ouvrage, Le livre de la honte les

    rseaux pdophiles (le Cherche Midi diteur, 2001).

    Ils nous donnent une petite ide du contenu de ces CD-ROM (un seul tait voqu au dpart, il y

    en aura finalement une vingtaine, comptabilisant des dizaines de milliers de fichiers

    pdopornographiques):

    6

    Ce CD-ROM est abject. Une coeurante collection dimages souvent insoutenables. () Nous

    avons souffert de ces images, jusqu la nause. Derrire chaque image, nous savions un enfant

    en pril. Un enfant de chair, qui souffre et na rien de virtuel.

    Mais avant tout, lhistoire de ce CD-ROM nous semble emblmatique. Le rseau de Zandvoort

    nest probablement pas pire que dautres. Mais cette affaire rvle le degr dindiffrence de

    lEtat face ce type de criminalit. A ce stade, la passivit et les lourdeurs institutionnelles

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    confinent la complicit de fait.

    Lassociation Morkhoven a fait parvenir le matriel (CD-ROM plus divers autres documents)

    INTERPOL ainsi qu tous les chefs dEtat europens. Ainsi en France, LElyse en a accus

    rception en avril 1999. La chancellerie la alors transmis au parquet gnral de Paris, le 14 mai

    1999, afin quune enqute soit diligente par le procureur de Paris. La Brigade des mineurs de

    Paris est alors saisie et rend le rsultat de son enqute un mois plus tard au parquet qui classe la

    procdure le 7 juillet 1999 en labsence dinfraction pnale, relatent Laurence Beneux et Serge

    Garde

    Interview sur France 2 le 16 mai 2000, le procureur Yvon Tallec tiendra ces propos

    hallucinants: Les photos sont anciennes, la plupart des enfants ne sont pas franais et les

    enfants taient consentants, ou ctait avec le consentement de leurs parents

    Ds la publication du premier article de Serge Garde, de nombreux appels parviennent au journal

    LHumanit, de personnes qui demandent pouvoir visionner le CD-ROM

    Paralllement, le C.I.D.E., qui a eu vent de cette affaire et qui a dj une ide assez prcise de

    lampleur du phnomne des rseaux pdocriminels grce un magistrat franais avec lequel il

    est en contact troit, est mis en relation avec une membre de lassociation Morkhoven en

    Belgique, Gina Bernaer. Une rencontre a lieu avec le prsident du comit, Georges Glatz,

    Bruxelles. Il est convenu que Gina Bernaer fasse parvenir une copie des CD-ROM au C.I.D.E.

    par courrier postal.

    Ce sera fait environ un mois plus tard, en novembre 1998, mais le colis ne parvient pas destination. Nouvel envoi, nouvel chec Il est alors convenu dagir dans la discrtion la plus

    totale, via une adresse de rception secrte. Le colis parvient cette fois destination. Mais

    quelques heures plus tard, Georges Glatz apprend le dcs de Gina Bernaer dans un accident de

    la circulation. Seule au volant de sa voiture, sur une route rectiligne, de nuit, elle est venue

    scraser contre un pont La gendarmerie belge ne russira pas expliquer pourquoi elle a

    subitement dvi de sa trajectoire (elle venait de prendre la route, elle ntait pas fatigue).

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    On peut noter que Serge Garde a vcu exactement la mme msaventure que Gina Bernaer et

    le C.I.D.E. en matire de courrier postal: Par deux fois, des courriers contenant une copie du

    7

    CD-ROM se sont gars sans que nous puissions obtenir dexplication satisfaisante de leur

    perte. Cela nous est apparu comme un simple hasard et nous avons fini par nous le faire porter

    et remettre Paris, crit-il.

    Ct suisse, les documents informatiques reus par le C.I.D.E sont transmis tant la Sret du

    canton de Vaud qu la police fdrale Berne, qui les transmettra INTERPOL. Alors que le

    CD-ROM reste inaccessible aux familles en France, cest finalement Genve, grce au

    procureur Bernard Bertossa sollicit par le C.I.D.E., que certaines familles vont enfin pouvoir

    avoir accs ce matriel et le visionner. Le 14 juillet 2000, une dizaine de parents se rendent

    ainsi la police genevoise qui a amnag une salle pour la consultation et mis sur pied une

    cellule daccueil et de soutien. Serge Garde, parmi dautres journalistes, est prsent. Mais tous

    sont videmment tenus lcart de cette sance qui va durer toute la journe.

    Parmi les familles convies Genve, plusieurs vont reconnatre des enfants et notamment:

    1) Les grands-parents paternels dA. D. Ils reconnaissent A. sur un total de 14 photos.

    Lessentiel est constitu de prises de vues dA. nu ou avec ses couches. Sur deux

    autres, on voit A. dans un appartement, debout, en compagnie dune personne dont on ne

    voit que le bas du corps. Il sagirait de sa nounou C A. est habill dun jean, dun polo

    et dune paire de tennis blanches avec une figurine de Mickey sur le ct extrieur et deslignes jaunes le long des lacets et sur la bordure suprieure.

    2) Le 15 mai 2000, F. N. consulte le fichier de portraits tirs du CD-ROM de Zandvoort

    tabli par la police nerlandaise, dans les bureaux du C.I.D.E. Lausanne. Elle reconnat

    - D., photo 57, spcial 2.

    - A., demi-sur de D., photo 5, spcial 2 et photo 4, spcial.

    - C., demi-frre de D., photo 234, spcial.

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    Le couple N. participe ensuite la sance avec la police genevoise. F. reconnat D. et sa

    grande sur A. plusieurs reprises.

    3) Mme F. K. a aussi particip au visionnement la police genevoise. Elle a reconnu des

    personnes sur plusieurs photos. Elle a reconnu les enfants de P. G., ainsi quun de ses

    amis.

    4) Lors de la publication du fameux article de Serge Garde dans LHumanit du 24

    fvrier 2000, C. L. reconnat son fils sur une planche photographique en partie caviarde.

    Elle contacte le journaliste qui lui montre les photos du CD-ROM. Elle reconnat son fils

    plusieurs reprises, notamment sur des photos portant les numros 79, 80 et 301. Il existe

    en fait toute une srie de 26 photos dA. ayant pour cote A. suivi de numros (A.21,

    8

    etc) A. a galement t reconnu par Serge Garde et dautres personnes , notamment le

    docteur Christian Spitz, pdiatre Paris (cf attestation du 11.03.2000).

    Ces informations sont transmises la juge dinstruction Ringot, en charge des dossiers lis au

    CD-ROM.

    Les 18 et 20 juillet 2000, C. L. participe au visionnement du CD-ROM la police genevoise.

    Elle reconnat A. sur deux photographies ayant pour cotes: news-boys-summ.tree,jpg et boys-

    extra-vesica-07-jpg

    .

    Les policiers genevois ont pris la dposition de toutes les personnes pensant avoir reconnu des

    enfants. Les procs-verbaux sont transmis au procureur Bertossa et rejoindront, plusieurs mois

    plus tard, le dossier dinstruction ouvert en France. Puis: plus rien

    Laffaire des CD-ROM de Zandvoort et le travail denqute de Serge Garde donneront lieu

    galement une grande runion dassociations de dfense de lenfance le 26 mai 2000 dans les

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    locaux de LHumanit Saint-Denis, prs de Paris. Y participent 14 associations, dont le

    C.I.D.E. reprsent par Georges Glatz. Avec elles: des professionnels de lenfance en danger, des

    pdopsychiatres, des psychiatres, des avocats, quelques politiques et des journalistes.

    Comme le souligne Serge Garde dans Le livre de la honte, la rencontre a permis de tisser des

    liens entre les participants. Elle conduira plusieurs collaborations entre ces associations ainsi

    quentre elles et certains journalistes. Mais gure plus

    Quant lissue judiciaire du dossier des CD-ROM, elle est navrante mais sans surprise. Dans leur

    conclusion, Laurence Beneux et Serge Garde crivent:

    Face aux huit mille cinq cents photos, aux quatre cent soixante-dix portraits denfants du fichier

    Ulrich, les pouvoirs publics sont rests fidles leur habitude. Etouffer ou amortir. Loreiller ou

    ldredon. On ouvre des instructions judiciaires lorsque lon ne peut plus faire autrement, en

    sachant pertinemment que lon dispose de diffrents moyens pour dulcorer ou enterrer la

    procdure. Des moyens qui ont largement fait la preuve de leur efficacit, y compris dans les

    affaires politico-financires qui en ont largement bnfici. Soit on saucissonne laffaire en de

    multiples procdures qui ne permettront jamais de rendre compte de la magouille dans son

    ensemble. Ou bien linverse. On concentre toutes les plaintes entre les mains dun unique

    magistrat instructeur, qui se retrouve investi dun pouvoir crasant et considrable sur un

    dossier monstrueux

    9

    Laffaire des mres franaises rfugies en Suisse

    Le C.I.D.E. na pas cherch enquter sur les rseaux pdophiles. Ce sont eux qui sont venus

    lui, ds le milieu des annes 1990, avec notamment plusieurs affaires dans la rgion de Nice-

    Monaco. Elles concernaient au moins trois enfants victimes dun important et puissant rseau

    pdophile bas principalement dans le sud de la France. Lune de ces affaires, laffaire Kamal,

    a dfray la chronique et a t largement mdiatise lpoque.

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    Le parcours de ce pre, Karim Kamal, est exceptionnel plus dun titre. Dabord par

    lacharnement et le courage de cet homme dans son combat pour extirper sa fille embrigade par

    la mre dans un rseau pdocriminel sur la Cte dAzur. Malgr de nombreuses expertises et

    certificats mdicaux, Karim Kamal nobtiendra jamais laide de la justice franaise. Bien au

    contraire, il subira pressions, menaces, garde vue arbitraire Son avocat lui-mme, Me Miguel

    Grattirola, sera en butte aux plus incroyables pressions pour lcher le dossier.

    Face une situation sans issue en France, Karim Kamal senvole avec sa fille destination des

    Etats-Unis, en 1994, pour la mettre labri. Il demande ds son arrive lasile politique pour sa

    fille (ge alors de cinq ans) et pour lui. Mais la mre, aide du vice-consul de France, va russir

    en deux temps (la premire tentative chouera de justesse) un contre-enlvement de la petite,

    via le Mexique o elle russit senfuir.

    Karim Kamal a t spar de son enfant depuis lors, sans plus aucune possibilit de la protger

    du pire Pitre consolation et fait tout fait exceptionnel bas sur les pices du dossier franais:

    il obtiendra lasile aux Etats-Unis en 2001.

    Cest lavocat de Karim Kamal, Me Miguel Grattirola, qui prend contact avec le C.I.D.E. vers

    1995. Constatant notamment des blocages au sein de la presse franaise (qui peine aborder ce

    dossier), lhomme de loi a lespoir de faire bouger les choses par la Suisse. Le C.I.D.E. empoigne

    le dossier et mobilise ses enquteurs et experts. La presse suisse est alerte. Un article du

    Journal de Genve (trs lu dans certains cercles en France) va notamment recevoir un cho

    certain dans lHexagone.

    Des tmoignages de mres franaises qui se disent prises au mme pige pour avoir vouludnoncer des abus commis sur leur(s) enfant(s) parviennent aux bureaux du comit

    Lausanne. Certaines, dsespres, demandent mme la protection du C.I.D.E. pour elles et

    leur(s) enfant(s). Compte-tenu de certains dossiers, il semble effectivement urgent et vident de

    mettre labri quelques-unes dentre elles et les enfants victimes. Le comit sy emploie, leur

    trouve toit et protection.

    Mais cest lemballement. Le bouche--oreille fait son oeuvre, certaines associations franaises

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    vont aiguiller elles aussi certaines mres vers Lausanne. Dautres mamans dbarqueront sans

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    mme avertir, avec enfant(s) et bagages. Les mdias semparent du phnomne, la situation est

    politiquement dlicate (une mre dposera mme une demande dasile officielle), le dossier

    remonte jusquau gouvernement suisse Berne et le tout devient laffaire des mres franaises

    (rfugies en Suisse).

    Le prsident du C.I.D.E., Georges Glatz, qui a par ailleurs cette poque des fonctions

    officielles en matire de protection de lenfance au sein de ladministration du canton de Vaud et

    qui est galement dput vaudois, est sous pression.

    Dans un article du quotidien 24 Heures (15.08.2002), Anne Giroud, cheffe du Service de la

    protection de la jeunesse (SPJ) du canton de Vaud, raconte: Au dbut, M. Glatz les hbergeait

    chez des amis lui et chez des militants de son organisation. Mais ils ont t rapidement

    dbords par le nombre de femmes qui arrivaient accompagnes de leurs enfants. Il a alors

    commenc crire beaucoup de monde pour trouver des solutions.

    Et le journal dexpliquer que Le canton de Vaud a mis en place un groupe de travail. Le SPJ est

    intervenu et a demand aux femmes de se signaler. Il a dbloqu une aide financire ponctuelle.

    Loptique tait quelles repartent. La justice de paix a aussi dsign un curateur responsable

    pour dfendre les intrts des enfants. Jusquici, une dizaine de cas ont t signals au SPJ. Mais

    les associations qui les dfendent estiment que plus dune vingtaine de mres sont actuellement

    en Suisse.

    Au coeur de cette affaire des mres franaises, il y a systmatiquement les mmes

    ingrdients: une mre (parfois un pre) qui met en vidence des abus sexuels commis sur son

    (ses) enfant(s), des procdures judiciaires qui ne permettent pas dassurer la protection des

    enfants concerns mais qui, au contraire, maintient le droit de visite, voire donne la garde au pre

    (parfois une mre) abuseur et se retourne contre la parent dnonciateur.

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    Et pourtant, les nombreux dossiers reus et examins au C.I.D.E. le prouvent: derrire un certain

    nombre de ces drames se trouve un groupe de personnes en lien avec une structure

    pdocriminelle. Lanalyse transversale des principaux dossiers ralise par le C.I.D.E. en 2002 la

    montr (lire au chapitre suivant), de mme que lavait dj prouv lidentification dun certain

    nombre denfants sur les CD-ROM de Zandvoort, lors de la sance mise sur pied la police

    genevoise en 2000.

    De fait, le C.I.D.E. qui na toujours eu quun seul souci, celui de protger des enfants a permis

    un certain nombre dentre eux, en organisant leur hbergement en Suisse, dchapper aux

    svices, souvent innommables, subis au sein dun groupe pdocriminel. Certains, devenus

    adultes, sont toujours en Suisse lgalement en 2012.

    11

    Dans leur livre Le livre de la honte les rseaux pdophiles Laurence Beneux et Serge Garde

    racontent (p. 89) comment ils ont t confronts aux mmes situations, au fil des nombreux

    dossiers tudis:

    Certaines dcisions (ndlr: de justice) ne sexpliquent pas.

    Comment justifier que, face un enfant qui fait un rcit circonstanci, qui prsente de nombreux

    signes cliniques voquant lagression sexuelle (), des juridictions civiles prennent le risque de

    transfrer le droit de garde du parent protecteur (qui nest pas toujours la mre, prcisions-le)

    vers le parent suspect? Sans mme attendre la fin de lenqute pnale, drogeant ainsi au

    principe que

    le pnal tienne le civil en ltat

    ? La justification est toujours la mme: le parentprotecteur donnerait une mauvaise image de lautre parent, il serait hystrique et cela nuirait

    lintrt de lenfant. Dans quelle mesure la justice nuit-elle lintrt de lenfant si ce dernier

    dit vrai? Si le parent qui dnonce a raison?

    Des dossiers instruits entirement dcharge, avec des expertises qui se perdent, des pices qui

    disparaissent, des juges qui sajustent une casquette de psychologue, nous en avons trop vu.

    Parfois, on constate simplement de la ngligence ou de lindiffrence de la part de magistrats

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    surchargs de travail dans des tribunaux sinistrs. Les dgts sont considrables .

    Et rien na chang depuis le dbut des annes 2000, comme le dmontrent, ici ou l, des affaires

    mdiatises ces dernires annes sur Internet, mais surtout les tmoignages recueillis tout

    rcemment encore par le journaliste franais Jacques Thomet, qui sest intress

    particulirement laffaire dOutreau (voir plus bas). Il crit sur son blog:

    (http://www.jacquesthomet.com/):

    En pleine criture de mon livre sur les consquences funestes dOutreau pour les enfants

    victimes de svices sexuels en France, je suis submerg de tmoignages sur les scandaleux refus

    par des juges de poursuivre les violeurs prsums de mineurs, preuves lappui, et je les

    dnoncerai un un, comme jai commenc le faire, pour avoir dans certains cas remis lenfant

    victime son prdateur. (15.04.2012).

    Trois jours plus tt, il publiait le tmoignage dune mre baptise Marianne, qui se termine par

    cette conclusion dsespre:

    Tant que je ne serai pas morte, il continuera nous faire du mal. Je demande une seule chose,

    quil me tue et quil cesse de faire du mal mes enfants. Je pense qu ce moment-l, la France

    sera mme de protger mes enfants.

    On pourrait citer encore dautres exemples rcents, dont un dossier parvenu au C.I.D.E. en 2011,

    celui dun jeune mannequin employ dans une grande agence parisienne. Un tmoignage qui,

    sous rserve de sa vracit, nous replonge dans le monde des groupes sectaires satanistes.

    12Dautres affaires dnonces sur Internet dmontrent que ces pratiques se perptuent sans rien

    pour les empcher.

    Peut-on tablir des liens entre les nombreux dossiers?

    Cest la question que se pose le C.I.D.E. en 2002, face lamoncellement des affaires qui

    parviennent sur ses bureaux Lausanne. Il dcide alors de mandater un journaliste pour tenter

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    dy rpondre. Objectif vis: tablir si des liens peuvent tre confirms entre ces diffrents

    dossiers par des analyses transversales. Le but est dtayer la thse de lexistence de rseaux

    pdocriminels franais (avec connections internationales) caractre commercial et/ou

    satanique, de mieux les cerner, mais aussi dapporter (si possible) des lments permettant de

    soutenir des procdures en cours ou venir dans certains des dossiers examins.

    Lenquteur ralise dans un premier temps un travail de synthse informatique de ces dossiers,

    base indispensable aux analyses venir. Il entreprend ensuite une opration de recoupement

    entre les diffrents dossiers, recueille des tmoignages complmentaires en collaboration,

    notamment, avec un commissaire franais la retraite, mne certaines investigations pour tenter

    didentifier des lieux dcrits par les enfants. Une partie de ce travail a t faite dans la rgion

    parisienne fin juin 2002.

    Aprs plusieurs mois de travail, lenquteur remet un rapport au comit le 15.07.2002.

    Il a pu tablir une liste prcise de plusieurs dizaines de liens entre des affaires qui, lorigine, ne

    semblaient nen avoir aucun ne serait-ce que par les rgions parfois trs loignes dans

    lesquelles elles ont vue le jour. Ces liens sont tablis par un certain nombre de faits, mais

    surtout par de nombreux tmoignages (denfants abuss ou dadultes qui les dfendent) tendant

    confirmer trs clairement lexistence de connections entre la plupart des dossiers.

    Mais force est de constater quil nest toujours pas possible de pouvoir prouver de manire

    irrfutable les liens entre ces diffrents dossiers (hormis les certitudes quant lutilisation dun

    certain nombre denfants dans des filires de pdophilie caractre commercial), tout comme il

    nest pas possible (malgr les nombreux tmoignages concordants des enfants) dapporter lapreuve de lexistence de pratiques sataniques avec tortures et sacrifices denfants. Il manque des

    preuves irrfutables, qui pourraient tre notamment du matriel photo et vido, que certains

    tmoins ont promis mais jamais transmis

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    Cela ncessiterait un travail denqute supplmentaire important, que le C.I.D.E. nest pas en

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    mesure de raliser, et pour cause: il sagit dun travail de police. Celui, prcisment, que la police

    na pas fait (ou mal) quelle(s) quen soi(en)t la ou les raison(s). En fait, seule une structure

    policire serait mme dapporter les preuves, sur la base dinformations comme celles qui sont

    cette poque en main du C.I.D.E. et dautres organisations.

    Laffaire Algre, ouragan sur Toulouse

    Plus personne, aujourdhui en 2012, ne parle de laffaire Algre, ou affaire Algre-Baudis,

    devenue un temps laffaire Baudis.

    Laffaire Algre devient laffaire Baudis le 18 mai 2003 20h00, sur TF1. Alors que personne

    ne sait encore que son nom est ml laffaire Algre, Dominique Baudis, prsident du Conseil

    Suprieur de lAudiovisuel (CSA) cette poque, voque en sueur et face Claire Chazal une

    effarante machination monte de toutes pices contre lui.

    La France entire apprend alors que le nom de lancien maire de Toulouse est associ celui qui

    est connu pour tre un tueur en srie jug et condamn en 2002: Patrice Algre, et que des

    prostitues le mettent en cause dans des soires sadomasochistes de la Ville Rose o il est

    question de viols de mineurs, de meurtres, de trafic de cocane et de valises dargent.

    La bombe lche sur Dominique Baudis va entraner un dchanement mdiatique et une

    course au scoop conduisant parfois la dontologie journalistique sur dtonnants chemins de

    traverse, parfaitement dcrits par Gilles Souills, journaliste La Dpche du Midi, dans son

    livre-enqute Affaire Algre La vrit assassine (ditions Hugo & Compagnie, 2007.)

    En fait, tout est parti du travail denqute dun gendarme, Michel Roussel, la tte de la celluleHomicide 31!cre en 2000 pour tenter dlucider un certain nombre de crimes impunis (une

    partie des 191 recenss ultrieurement par une association!) et potentiellement lis dans le

    dpartement. Il va se plonger dans ce maquis denqutes enterres, ou sabotes, comme lcrit

    Gilles Souills. Peu peu, un autre visage du tueur en srie se dessine. Via le profil des

    victimes, on saperoit que Patrice Algre a effectivement t trs proche des milieux de la

    prostitution. Et notamment du proxnte Lakhdar Messaoudne, pour qui Algre joue,

    notamment, le rle de fournisseur de drogue et de

    correcteur

    des prostitues rebelles.

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    Progressivement, Algre va ainsi passer du psychopathe solitaire lhomme de main (sous-

    titre de lun des chapitres de louvrage). En fvrier 2002, le procs avait laiss de lui limage

    14

    dun psychopathe solitaire livr ses dmons. Les rponses biaises de laccus, certes, mais

    aussi lorganisation des dbats avaient contribu entretenir ce mythe .

    Laffaire va basculer ct enquteurs dbut 2003, lorsque deux anciennes prostitues (qui

    seront ultrieurement baptises Patricia et Fanny dans les mdias) sont retrouves par les

    gendarmes et parlent. Lune delles dit avoir assist au meurtre dune collgue et voque

    lexistence dun systme de protection policire en vigueur sur les trottoirs toulousains et

    bnficiant directement Lakhdar Messaoudne et Patrice Algre. Elle dnonce certains

    policiers venant rgulirement chercher des enveloppes de liquide. Lautre explique quelle a t

    abuse plusieurs reprises par des magistrats dont lun est prsent comme son amant rgulier.

    Plus encore, les deux femmes voquent des soires spciales, raconte Gilles Souills. En

    termes clairs, des partouzes connotation sadomasochistes saupoudres de cocane, organises

    pour une bonne socit toulousaine en qute de sensations fortes, et pour lesquelles le tueur en

    srie aurait servi de pourvoyeur.

    Et des noms commencent merger au fil des tmoignages dont celui, prcisment, de

    Dominique Baudis mais aussi de lancien substitut toulousain Marc Bourragu (alors

    Montauban) ou du procureur gnral de la cour dappel Jean Volff.

    Aucun nom ne sort encore dans les mdias, mais tout le monde sait dj Le dossier senrichit

    de nouveaux patronymes, mais la justice naffecte pourtant pas deffectifs supplmentaires la

    cellule Homicide 31!qui en aurait grand besoin.

    Cest ce moment-l que tombe lintervention tlvise de Dominique Baudis

    Les mdias se dchanent, les informations, dtails, nouveaux tmoignages sadditionnent dans la

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    plus grande confusion. Un travesti surnomm Jamel apparat sur TF1 puis France 2,

    confirmant tout et rajoutant au passage dautres dtails, dautres noms. Il est dsormais question

    denfants enlevs et abuss, de cassettes vido pour faire chanter des personnalits.

    Depuis sa cellule, Patrice Algre sy met son tour: dans une lettre Karl Zro, (Vrai journal

    sur Canal+), il reconnat les meurtres de la prostitue Line Galbardi (dont parlait Patricia) et

    dun travesti dnomm Claude Martinez (qui filmait les bats de ses partenaires) Il nomme un

    policier comme tant le commanditaire du premier homicide et cite Marc Bourragu et

    Dominique Baudis comme les personnes qui lui auraient demand de faire taire le travesti

    Claude Martinez.

    15

    De pripties en rebondissements, daffirmations en dngations, laffaire part dans tous les sens.

    Mais, comme lcrit Gilles Souills, les mensonges et les exagrations dlirantes du jeune

    travesti (Djamel) vont atomiser lenqute. Il finit par affirmer avoir tout invent Du coup, la

    parole des ex-prostitues est, elle aussi, mise en doute, et partant, toute laffaire vacille.

    Mais le journaliste sinterroge: Le travesti a-t-il pu tre manipul pour faire diversion? Et par

    qui? Sil sagit dun stratagme, il a parfaitement fonctionn. Djamel mourra peu aprs en

    prison dans des conditions trs particulires Son avocat naura droit aucune information

    prcise et aucune autopsie ne sera effectue.

    De fil en aiguille, darticle en article, on en apprend tout de mme toujours plus sur les

    nombreuses dfaillances de la police et de la justice toulousaine au fil des ans et des meurtres.Ainsi, Le Figaro du 18 juin 2003 crit: En pluchant les dossiers des homicides commis par

    Algre, apparat une succession de fautes professionnelles des policiers, derreurs flagrantes des

    magistrats et de disparition de pices cruciales pour lenqute .

    Gilles Souills, lui, constate: Complot, manipulation, montage, rglement de compte: pour

    Dominique Baudis, Marc Bourragu et Jean Volff, lapparition de leurs noms respectifs dans le

    dossier rsulte dune gigantesque conspiration complaisamment relaye par un ou des mdias.

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    Mais si leurs avocats dnoncent labsence de matrialit des faits qui salissent lhonneur de leurs

    clients, la matrialit du complot brandi comme explication tarde aussi se faire jour. Par

    ailleurs, laffaire Algre est bien relle dans les faits: des meurtres non lucids par la police,

    des autopsies bcles, des suicides qui se rvlent tre des meurtres, des viols sans auteur, et un

    tueur en srie qui vole des voitures, trafique de la came, porte des armes, castagne sa concubine

    sans jamais tre inquit. Autant de questions qui nont toujours pas de rponse.

    Et plus loin (p. 223): Comment peut-on expliquer lapathie de la justice toulousaine pendant

    toutes ces annes sinon par la connivence de certains acteurs? () Alors justice sous influence?

    Cest toute cette omerta, ce monde de connivences et darrangements qui remontent aujourdhui

    la surface avec laffaire Algre et son cortge de dysfonctionnements. Peut-on attendre de cette

    justice-l quelle aille jusquau bout dans lexhumation dun pass aussi encombrant?.

    Pour constater finalement (p. 265): Mais la justice est passe. Sans rpondre. Fin 2005, la

    chambre de linstruction de la cour dappel de Toulouse a confirm le non-lieu gnral ordonn

    par le juge Perriquet, dans le volet viols et proxntisme de laffaire Algre.

    (p. 271): Le tourbillon mdiatico-judiciaire apais, une lourde chape de plomb est retombe sur

    le dossier. ()

    Comme le souligne lditeur en prambule, le livre-enqute de Gilles Souills dborde largement

    sur un ensemble de faits qui, au cours des annes, a impliqu normment dacteurs rgionaux et

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    nationaux. () Le livre soulve un nombre important dinterrogations auxquelles la justice na

    pas pu pour le moment apporter de rponses satisfaisantes et repose toutes les questions

    restes sans rponse.

    Depuis 2007, notre connaissance, la justice franaise na plus progress sur ce dossier. Patrice

    Algre est toujours derrire les barreaux, mais est redevenu un tueur en srie isol. Malgr son

    rle central dmontr dans le milieu des

    nuits toulousaines

    et ses accointances avec les milieux

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    policiers, judiciaires et politiques.

    Il est intressant de souligner ici que le nom de Dominique Baudis est parvenu jusquau C.I.D.E.

    en 2002 (donc avant que son nom et les accusations contre lui napparaissent dans le dossier

    Algre en 2003) via laffaire A. M. (D.), du nom dun enfant de 11 ans lpoque, victime dabus

    de la part de son pre et dautres personnes au sein dun groupe.

    A. a t reconnu par sa mre sur le fichier de visages tir des CD-ROM de Zandvoort consult

    auprs de la gendarmerie franaise en juillet 2000, puis par ses grands-parents maternels sur 14

    photos des CD-ROM visionns lors de la sance avec la police genevoise. Il est donc avr quA.

    a bel et bien t abus, et que le/les abuseurs sont ou ont t en contact avec une organisation

    pdocriminelle.

    Or, selon les tmoignages de la mre et des grands-parents maternels dA., recueillis au C.I.D.E.,

    le pre de lenfant aurait dit un jour sa belle-mre quelle ne pourrait de toute faon rien faire

    contre lui parce quil tait protg par Dominique Baudis. Mais pourquoi donc celui qui nest

    quun simple voyageur de commerce bnficierait-il de la protection du maire de Toulouse? Et

    pourquoi en aurait-il besoin?

    Outreau et la parole des enfants

    Aujourdhui, laffaire dite dOutreau rsonne comme lune des erreurs judiciaires majeures que

    la France ait connues.

    Comme le rsumait lpoque le quotidien La Voix du Nord, tout dbute en mai 2001 aveclarrestation de dix personnes, mais elle clatera vritablement dans la presse rgionale en

    novembre 2001 et dans le reste de la presse au tout dbut 2002.

    Elle a pour cadre un quartier de la localit dOutreau, prs de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-

    Calais, et plus prcisment, un complexe locatif baptis La Tour du Renard. Au dernier tage,

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    une famille dont les parents sont en dtention depuis mai 2001. Les quatre enfants ont t placs.

    Le pre, homme violent, est aussi collectionneur dossements. Il avait fouill, il y a quelques

    annes, la fosse commune du cimetire de lEst. Les faits ont dbut chez cette famille. Ils

    filmaient leurs propres enfants, le mari proposait mme des cassettes X aux voisins. Il y avait

    beaucoup dalles et venues chez eux. La famille sentendait bien avec son voisin de palier,

    dcrit comme zoophile, et un couple du 4e, galement en prison, dont les quatre enfants ont aussi

    t placs. Au 3e, encore des amis dont les quatre enfants ont t retirs leurs parents. Le

    premier tage tait aussi un lieu de rendez-vous, chez une dame seule. L, des hommes, qui

    seront galement emprisonns, abusaient de ses enfants. Mais il y avait dautres choses

    curieuses, comme ce chauffeur de taxi qui stationnait souvent au bas de limmeuble. On sait

    aujourdhui quil venait gnralement au moment des allocations, et embarquait la famille du

    5e et leurs enfants pour la Belgique On parle aussi de cette voiture dune boulangre de

    larrire-pays, qui frquentait le dernier tage Il y avait aussi le prtre, lhuissier

    Laffaire a clat grce lalerte donne par un enseignant dune cole du quartier, dbut 2001.

    Des lves de maternelle ont un comportement bizarre. Les services sociaux vont alors enquter.

    Quelques semaines plus tard, six enfants de deux familles du quartier sont retirs leurs parents.

    Ils commenceront parler, au dbut de lt.

    Une information judiciaire a t ouverte le 22 fvrier 2001. Au total, seize personnes seront

    mises en examen. Et la garde de 24 enfants entre quatre et douze ans a t retire cinq familles

    plus ou moins impliques dans laffaire.

    Le journal La Voix du Nord crit alors que

    tout semble indiquer que cette vaguedarrestations ne constitue que la partie visible de liceberg.

    Le rseau fonctionnait depuis quatre ou cinq ans, selon les enquteurs. Les enfants auraient

    notamment servi de monnaie dchange pour annuler des dettes. Et laffaire, crit le quotidien,

    pourrait prendre encore de lampleur, stendre toute la rgion et la Belgique. Elle pourrait

    aussi concerner le milieu mdical.

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    Depuis lclatement de cette affaire, des dizaines de personnes ont t cites et impliques dans

    ce qui est prsent alors comme lune des plus importantes affaires de pdophilie jamais connues

    en France. Au final, dix-huit personnes sont accuses, lune dentre elles se suicidera pendant son

    incarcration prventive. Toutes les affirmations des enfants concordent, le dossier judiciaire

    semble parfaitement solide. On se dirige vers un procs qui ne peut aboutir qu de svres

    condamnations des principaux protagonistes.

    Ce procs se droule devant la Cour dassises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai au 2 juillet

    2004. 17 personnes se retrouvent donc sur le banc des accuss.

    18

    Mais le 18 mai, coup de thtre devant le tribunal: laccuse principale, Myriam Badaoui, met

    hors de cause les quatorze accuss clamant leur innocence, alors quelle les impliquait

    inlassablement et avec force depuis le dbut de laffaire en 2001. Elle fond en larmes en

    sadressant Roselyne G., une boulangre quelle accusait jusqualors: Tu nas rien fait, lui

    crie-t-elle. Je suis une malade, une menteuse. Jai menti sur tout . Dans la foule, Myriam

    Badaoui disculpe les autres accuss, hormis son mari et un couple de voisins qui reconnaissent

    les faits de viols et violences sur les enfants des deux couples.

    Du coup, une autre accusatrice, Aurlie Grenon, appele la barre, fait elle aussi son mea culpa:

    Ben en fait quand jai accus ces personnes cest parce que jai entendu Myriam les citer et je

    sais que cest pas bien. Ctait sur sa demande , dclare-t-elle

    Or linstruction du dossier, mene par le juge Burgaud, reposait essentiellement sur lesaccusations avances par le duo Myriam Badaoui et Aurlie Grenon, ainsi que sur la parole

    apporte par dix-huit enfants.

    Le verdict est rendu le 2 juillet 2004. Sept personnes sont dfinitivement reconnues innocentes

    des faits qui leur taient reprochs. Grald Lesigne, procureur de la Rpublique de Boulogne-sur-

    Mer et avocat gnral Saint-Omer, avait requis leurs acquittements, reconnaissant quil stait

    lourdement tromp dans ce dossier.

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    Quatre des 13 accuss qui proclamaient leur innocence sont condamns des peines couvrant la

    dtention provisoire quils avaient dj effectue, et deux dentre eux seront emmens en prison

    pour effectuer le solde des peines qui avaient t prononces par cette cour dassises. Mais

    quelques jours plus tard, ils retrouveront leurs familles, aprs une ultime demande de remise en

    libert. Six condamns tort feront appel de la dcision rendue Saint-Omer.

    Les quatre accuss qui avaient reconnu leur culpabilit sont condamns: 15 et 20 ans de

    rclusion criminelle pour le couple Badaoui-Delay (les principaux accusateurs) pour viols,

    agressions sexuelles, proxntisme et corruption de mineurs; et 4 et 6 ans de dtention pour le

    couple de voisins.

    Le procs en appel de six des dix personnes condamnes en premire instance se droule la

    Cour dassises de Paris en novembre 2005. Ds les premiers jours, laccusation seffondre suite

    aux aveux de la principale accusatrice, Myriam Badaoui. Celle-ci dclare le 18 novembre que les

    six appelants navaient strictement rien fait et quelle avait menti. Son ex-mari, Thierry Delay,

    soutient ses dclarations.

    Le 1er dcembre 2005, cest un verdict dacquittement gnral qui est rendu pour lensemble des

    six accuss.

    19

    Le scandale est tel que certains mdias voqueront un Tchernobyl judiciaire Les acteurs

    judiciaires, avec en tte le juge dinstruction Burgaud, sont clous au pilori, tout comme lesexperts, mais aussi les mdias et certains politiques.

    Une commission denqute parlementaire est mandate en dcembre 2005 pour analyser les

    causes des dysfonctionnements de la justice et envisager des rformes du fonctionnement de

    celle-ci. Elle naboutira vrai dire qu des rsultats fort modestes.

    Reste donc limage de malheureux adultes innocents qui ont vcu le martyre, de magistrats et

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    dexperts scandaleusement incapables et de 18 enfants qui ont donc tous menti sur lessentiel

    des faits et accusations ( lexception des faits pour lesquels quatre accuss ont t condamns.

    Point final. Le silence retombe sur Outreau. Jusquen 2011

    Alors quune fiction la gloire des malheureux adultes innocents, victimes dune machination

    infernale, sort sur les crans, les choses commencent frmir sur Internet.

    Des voix se lvent enfin pour dnoncer. Dnoncer quoi? Un invraisemblable enterrement: celui

    de la parole des enfants.

    En 2011, le journaliste franais Jacques Thomet, ancien de lAFP, longtemps correspondant en

    Amrique latine et clbre, notamment, pour ses enqutes autour de laffaire Ingrid Betancourt en

    Colombie, reprend toute laffaire zro, autour des enfants et de leurs tmoignages, prcisment.

    Il conte au fil des mois lvolution de son enqute sur son blog, http://www.jacquesthomet.com/

    En novembre 2011, alors que Myriam Badaoui vient dtre libre aprs avoir purg dix de ses

    quinze annes de condamnation, il crit:

    Le scandale de pdophilie Outreau va rebondir et frapper tous les pouvoirs pour leur appui

    aux prdateurs.

    Je prends date ici solennellement (ce qui nest pas dans mon habitude) pour vous assurer dun

    imminent coup de thtre dans laffaire des enfants viols Outreau. Je nen dis pas plus, si ce

    nest que tous les pouvoirs franais vont en subir les consquences, toutes couleurs politiquesconfondues. () Les procs dOutreau en 2004-2005 ont permis, via une presse complice des

    avocats de la dfense, dacquitter 13 des 17 accuss. Ils ont t acquitts, mais non pas

    innocents, sous la pression mdiatique de journalistes quil conviendra, le jour voulu, de

    remettre leur place, qui ne vaut pas bien cher.

    20

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    Sur son blog et dans lattente de la publication du livre quil crit sur laffaire dOutreau, Jacques

    Thomet dresse un effrayant bilan bas notamment sur ltude des 3.000 cotes (plus de 10.000

    pages) du dossier judiciaire.

    Les dtails de cette horreur cache seront rvls dans mon livre venir sur les consquences

    de ce procs inique conclu au profit de prdateurs, aux dpens des mineurs viols, avec pour

    rsultat, depuis 2005, la ngation de la parole des enfants victimes dans les prtoires en France.

    Au moins 53 enfants ont t la proie dadultes Outreau avant les procs de 2004 et 2005 aux

    Assises (Saint-Omer, puis Paris en appel). Seuls 12 de ces martyrs ont t reconnus comme

    victimes et indemniss, hauteur de 30.000 euros chacun, contre 240.000 euros en moyenne

    pour les 13 accuss finalement acquitts. Seuls 4 adultes ont t condamns des peines de

    prison, dont Myriam Badaoui-Delay, libre en septembre 2012.

    A cause de ce dni de justice, les drames se sont multiplis en France depuis Outreau, avec des

    mres dsormais prives de leurs enfants viols, que les autorits remettent leurs prdateurs

    aprs leurs plaintes. Il est temps que prenne fin un tel scandale. Ce sera laxe de mon livre.

    Le journaliste qui prcise quil ne remet pas en cause des jugements rendus nest pas seul se

    lancer dans cette rhabilitation de la vrit judiciaire.

    Une experte au procs dOutreau, (elle a suivi 15 des 17 enfants reconnus victimes dans un

    premier temps) Marie-Christine Gryson, fait entendre sa voix depuis quelque temps dj pour

    dfendre celle des enfants dOutreau (voir son blog: http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-

    christine-gryson ). Elle a crit un livre en 2009,

    Outreau, la vrit abuse 12 enfants reconnusvictimes, aux ditions Hugo & Cie.

    Serge Garde, le grand enquteur de laffaire des CD-ROM de Zandvoort, a recueilli de son ct

    le tmoignage de lune des victimes dOutreau, Chrif Delay, aujourdhui adulte qui maintient et

    prcise ses accusations. Jaurais pu sauver mes frres et les autres enfants si javais parl plus

    tt, mais jtais menac de mort. Jai t lche, crie celui qui avait 15 ans lorsquil a tmoign

    la barre et a t trait de menteur aprs le procs.

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    Le tmoignage de Chrif (il sappelait Kevin lpoque mais a souhait changer de prnom) a

    donn lieu un ouvrage commun, Je suis debout: Lan des enfants dOutreau sort du silence,

    publi par Le Cherche Midi au printemps 2011. Il est galement la trame dun film (avec Jean-

    Marie Garcia), Outreau, lautre vrit, prsent en avant-premire dbut 2012, mais toujours

    pas sorti dans les salles, notre connaissance, en octobre de la mme anne.

    Jacques Thomet, lui, esprait publier son livre dans le courant de lanne 2012. Ctait compter

    sans le lchage de son diteur franais, puis de lditeur suisse qui staient dit prts le

    21

    publier. A chaque fois, ce sont des avis de droit pris auprs davocats qui ont fait reculer les

    diteurs.

    Laffaire dOutreau a eu des consquences incommensurables. Mais la pire est bien la

    dcrdibilisation de la parole des enfants. Pendant des dizaines dannes, de gros efforts avaient

    t raliss dans la prise en charge et lcoute des enfants victimes dabus sexuels. Aujourdhui,

    tout semble reconstruire. Mais ressort surtout limpression dune gigantesque manipulation. On

    aurait voulu en arriver ce rsultat rduire dfinitivement nant la parole des enfants abuss -

    quon naurait pas pu russir de plus belle manire. Mais quels sont ceux qui auraient eu intrt

    cela? Et comment y seraient-ils parvenus? Ce nest quune hypothse: une gigantesque

    machination.

    Les dossiers du C.I.D.E., en tout cas, permettent desquisser une liste de ceux (magistrats,avocats, pdopsychiatres, politiques, etc) qui, au fil des annes, au fil des affaires, oeuvrent

    inlassablement minimiser, touffer, enterrer; victimiser les criminels et criminaliser les

    parents dfenseurs; dcrdibiliser ou carter la parole des enfants. Pour qui? Pourquoi?

    Un dtail encore, dans toute cette affaire dOutreau: deux des acquitts, le couple Franck et

    Sandrine Lavier, ont t condamns en fvrier 2012 dix et huit mois de prison avec sursis pour

    violences habituelles sur deux de leurs enfants

    . Ils ont t en revanche relaxs du chef de

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    corruption de mineurs pour lequel ils taient galement poursuivis. Le tribunal correctionnel de

    Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a jug que ces faits de corruption taient moralement

    rprhensibles, mais quil ny avait pas dinfraction pnale. Une vido diffuse au cours du

    procs montrait notamment des scnes dactes sexuels mims en prsence denfants

    Lhorreur au quotidien: cest quoi la pdophilie dont on parle?

    Dans son ouvrage Viol danges Pdophilie: un magistrat contre la loi du silence (Calmann-

    Lvy), la substitut du Procureur franaise Martine Bouillon prcise demble ceci (p 16): La

    dfinition du pdophile recouvre en ralit une multitude de personnes extrmement diffrentes,

    confrontes des situations trs dissemblables. Si certains vont directement, ds quils

    reconnaissent avoir des tendances, consulter un psychiatre ou tout autre thrapeute, dautres,

    sans doute les plus nombreux, ne sont recenss nulle part. Ils passent travers les mailles de

    tous les filets sociaux, ne sont jamais dmasqus, et par dfinition, on ne saurait dire combien ils

    sont. En droit, nous appelons cela le chiffre noir.

    22

    Le tonton qui samuse touche-pipi, le moniteur scout ou lentraneur de foot qui profitent des

    douches pour faire des choses avec des adolescents Pour la plupart dentre nous, la

    pdophilie cest a et cest dj inexcusable. Mais, bon an mal an, la justice soccupe plutt bien

    de ces affaires et condamne les coupables.

    Ce dont on parle ici (depuis le dbut de ce rcit) na rien voir. On parle de victimes de tous

    ges, ds les premiers mois, les premires annes de vie On parle dabus sexuels les plusextrmes (comment donc violer un(e) gosse de trois ans? Et pourtant), on parle de vritables

    objets sexuels embrigads, parfois durant toute leur enfance, dans des rseaux, on parle de

    tortures, de sadisme, de croyances et donc de rituels sataniques, on parle de sang humain, on

    parle de meurtres, de sacrifices

    Un exemple, parmi tant dautres:

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    En mars 1988, lindustriel italien Alessandro Moncini, membre important de la fameuse loge

    maonnique P2 de Licio Gelli, est arrt en Californie. Il avait t mis sur coute par le FBI et

    laudition dun extrait dune conversation tlphonique entre Moncini et un interlocuteur non

    identifi fut demande par le juge lors de son procs:

    - Moncini : Que puis-je faire ce petit animal (il voque une fillette mexicaine)?

    - Interlocuteur: Tout.

    - Moncini: Je peux lenchaner?

    - Interlocuteur: Bien sr.

    - Moncini: La fouetter?

    - Interlocuteur: Oui.

    - Moncini: Je peux lui faire bouffer de la m?

    - Interlocuteur: Je ne sais pas

    - Moncini: Pisser dans sa bouche?

    - Interlocuteur: Oui, je pense

    - Moncini: Enfoncer des aiguilles dans ses mamelons?

    - Interlocuteur: Oui

    - Moncini: Et si le petit animal vient tre cass Je veux dire bless?

    - Interlocuteur: Faites disparatre le corps

    - Moncini: Et cela va coter combien?

    - Interlocuteur: 5000 dollars.

    Alessandro Moncini encourait une peine de prison de trente ans. Il fut condamn trois mois

    fermes pour avoir import du matriel pdopornographique.

    Pourtant daprs les informations reues par le quotidien italien La Repubblica, laffaire

    impliquait un rseau mondial, comme le rappelle un bloggeur belge

    23

    (http://intrgalaktiklyon.wordpress.com/2011/07/19/la-franc-maconnerie-a-interet-a-nettoyer-les-

    ecuries-daugias-maintenant/):

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    Laffaire Moncini savra impliquer un rseau mondial desclavage et de meurtres denfants,

    au service dune aile ouvertement satanique de la jet set aristocratique transatlantique. Au

    moins lune de ses conversations sest droule avec Anthony Crowley, un magnat amricain du

    porno. Lon pouvait y entendre Moncini ngocier lacquisition de jeunes filles destines tre

    fouettes, enchanes, sodomises avant dtre assassines, durant ce que La Repubblica a

    dcrit sous le doux euphmisme de nuit satanique.

    Richard Lew, le juge qui instruisit le procs, a refus que ces conversations enregistres soient

    admises comme preuves. Une condamnation de Moncini sous le sceau du U.S. Child Protection

    Act [loi anti-pdophilie amricaine] et pourtant valu celui-ci une peine de prison ferme

    pouvant aller jusqu 30 ans, ainsi quune amende dun million de dollars. Peut-tre le juge Lew

    a-t-il t sensible aux lettres de recommandation en faveur de Moncini qui lui sont parvenues de

    prs de 40 membres prominents de lestablishment triestin, et ce compris lvque catholique

    de Trieste et le vice-prsident de la rgion de Trieste.

    Nullement dpits par la faible rprimande adresse Moncini par les tribunaux US, deux

    policiers dlite de Trieste auraient travers lAtlantique la recherche de preuves dun cercle

    extrmement ferm de pdophiles internationaux, rput protg par des loges secrtes dans les

    plus hautes branches de la franc-maonnerie internationale (soit les ordres chevaleresques).

    Autre exemple: dans le cadre de laffaire Dutroux, le dtective priv belge Michel Thirion est

    charg par les parents de Julie et Mlissa (alors portes disparues) de retrouver leur piste. Ses

    enqutes (qui se poursuivront aprs la mort avre des filles) vont le mener vers une filire de

    snuff movies

    (films avec mort relle denfants) aux Pays-Bas. Il a racont Jean Nicolas etFrdric Lavachery (Dossier pdophilie, le scandale de laffaire Dutroux) sa rencontre avec un

    Anglais propritaire dune pniche Amsterdam (p 49):

    LAnglais me propose alors ce quil a de meilleur: la mise mort denfants. Il sagit

    dembarquer plusieurs sur sa pniche, de prendre la mer et de se satisfaire sexuellement avec

    un gosse avant que ce dernier ne soit jet leau, mexplique lAnglais .

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    Acheter un enfant, le violer, le torturer, lassassiner Pour la plupart dentre nous, et mme si

    nous parvenons nous faire lide que cela existe, cest une barbarie incommensurable qui dfie

    toute explication. Dans son livre, Martine Bouillon avance une piste, une tentative dexplication

    (p 52): Maintenant, on soffre une extase avec linterdit des interdits, le tabou des tabous, le viol

    puis le meurtre de lenfant. Aprs avoir connu cela, on peut mourir, on a vcu une vie bien

    remplie, on a tout essay, y compris limpensable, lindicible, linsurmontable.

    24

    Dans les dossiers du C.I.D.E. relatant des faits lis des pratiques et rituels sataniques, les

    descriptions sont tout aussi difiantes, si ce nest plus

    O., lors des auditions puis devant les camras de FR3 (mission Paroles denfants mars

    1999, voir plus bas), voque notamment des ttes denfants sur des piques, des bras et des mains

    coupes

    Parmi de nombreuses descriptions en tout genre faites par V. L., qui a pass toute son enfance

    dans ce milieu, on peut noter par exemple ceci:

    Les enfants taient aspergs avec le sang dun chat gorg, sang mis dans un ciboire sur un

    autel recouvert dune nappe. Ils ont coup les pieds dun petit enfant au couteau, puis les doigts,

    et lont gorg. Une autre fois, ils ont arrach le tibia dune petite fille pour la violer avec et

    lont tue ensuite. Ils faisaient disparatre les corps en les mettant dans de lacide et en les

    brlant. A la fin des crmonies, les enfants taient rveills coup de seau deau.

    D. N., dbut 2002, voque les sacrifices denfants et dcrit les mains et les pieds coups, puis

    un tibia arrach et enfonc dans lanus de lenfant

    Ardche: dans la Maison-Rouge, V. se souvient de pots avec des mains coupes (mains

    denfants dans du liquide transparent), sur les tagres dans le souterrain de la maison

    Dans chaque dossier, les actes les plus inimaginables, lhorreur la plus incommensurable, les faits

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    les plus indicibles, les plus incroyables Incroyables: la fameuse opposition entre croyants et

    incroyants, entre ceux qui finissent par se faire lide que tout cela existe bel et bien et ceux

    qui ny parviennent pas ou sy refusent

    La filire sectaire sataniste

    Dans LEnfant sacrifi Satan (Filipacchi, 1997), Bruno Fouchereau raconte lhistoire de

    Samir Aouchiche, enfant survivant dun mouvement satanique doubl dun rseau pdophile

    international, dont tombe amoureux un homosexuel et pdophile nomm Willy Marceau. Tous

    deux (et dautres victimes) tmoignent de leurs annes noires, le second tentant, mais vainement,

    pendant toutes ces annes et au pril de sa (leur) vie, de sauver et protger le premier.

    25

    Il sagit de lAlliance Kripten, alias lInstitut Abrasax, alias Plante Uranus ( moins que ces trois

    appellations recouvrent plutt diffrentes manations dune entit suprieure (certains voquent

    la Golden Dawn (ou Aube dore), lOrdo Templi Orientis ou les Illuminati).

    Rapide descente vers lhorreur:

    De 1985 1988, Michel et quelques-uns de ses camarades, tous dbiles lgers ou autistes,

    eurent subir les tortures les plus infmes que des adultes puissent infliger des enfants . ()

    Lors de ces orgies sadiques () On les obligeait boire un liquide rouge qui leur faisait

    tourner la tte. () Michel affirme avoir assist un rituel au cours duquel une petite fille de

    huit ans aurait t sacrifie par le feu aprs avoir t viole

    . (p.15).

    Mais lorsque Willy Marceau commence voquer Bruno Fouchereau les liens entre Kripten et

    certains membres de la brigade des mineurs et de la magistrature parisienne (p 22-23), je ne pus

    mempcher dtre un peu sceptique, crit lauteur. Plus tard, lorsque je rencontrai enfin Samir

    Aouchiche et quil me confirma ces accusations, jhsitai encore le croire Ce sont trois autres

    affaires de pdophilie rvles par la presse en janvier 1996 et ltude prcise que jen fis par

    la suite, qui vinrent corroborer les conjectures que seul le tmoignage de Samir mavait permis

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    dlaborer. Lexprience de Samir ntait pas la seule rvler cette terrible ralit de notre

    socit. Dsabus et inquiet pour notre dmocratie, je balayai alors tous mes doutes.

    Voil les faits qui me firent ragir ainsi: en septembre 1995, le Comit international pour la

    dignit de lenfant se vit contraint de dnoncer publiquement le systme judiciaire franais et

    plus prcisment encore un parquet de la rgion nioise. Le C.I.D.E. venait denquter sur

    plusieurs cas denfants victimes dabus sexuels. () Les tmoignages de trois dentre eux,

    Florian, Laurianne et Aurore, entendus pour des affaires diffrentes, faisaient tat de runions

    trs similaires o de nombreux adultes venaient pour abuser deux sexuellement. () Le petit

    Florian raconta que, dans des villas de Paris et de Nice () les adultes tout nus et masqus

    mobligeraient boire un liquide rouge qui me faisait tourner la tte puis prendre le zizi des

    grandes personnes dans la bouche

    Samir Aouchiche (p 131-133) ne cesse de se repasser encore et encore les scnes de violence

    dont il a t tmoin pendant les jours et les nuits quil a passs dans cette glise dsaffecte et

    profane. Le visage de cette petite fille de onze ans, par exemple. () Puis lhomme grim se

    jette sur lenfant et, laide dun petit scalpel, entreprend de lui lacrer le dos. Des fines et

    longues blessures au moins cinq ou six -, le sang ruisselle sur la table, puis dans des rigoles

    prvues cet effet. Deux assesseurs recueillent le liquide encore chaud dans des calices pendant

    que lhomme grim, aprs lavoir saigne, viole la fillette. () La grande prtresse, surnomme

    LEmpereur, boit alors une gorge puis la coupe est prsente au pre de lenfant qui boit lui

    aussi. Enfin, tous les autres font de mme.

    26

    Ce rituel fut donn au cours de la premire nuit, et chacune des suivantes fut loccasion dun

    autre du mme genre. Le second soir, on touffa rituellement un petit garon avant de le

    sodomiser. () Au cours de la troisime soire, une petite fille dut satisfaire lapptit sexuel dun

    chien Toutes les crmonies donnrent lieu dimmondes parties de dbauche. () Pendant

    ces trois jours, Ondathom narrta pas de filmer et de prendre des photos. Il ntait pas le seul.

    Un homme brun, barbu, dune quarantaine dannes, filma tout particulirement Samir .

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    Des dossiers dans lesquels les enfants dcrivent des rituels, le C.I.D.E. en a vu passer un certain

    nombre, effectivement. Cest le cas de laffaire en Ardche, dj mentionne plus haut. Ce vaste

    rseau (en lien notamment avec le rseau de V. L. et en relation avec Marc Dutroux) avait deux

    faces: la premire tait un circuit commercial de prostitution et vente denfants (voire dorganes),

    et de production de matriel pdopornographique. Lautre tait un mouvement satanique avec

    rituels, sacrifices, magie noire, dans lequel tait impliqu un personnage bien plac dans la

    hirarchie de lEglise catholique.

    Des enfants vols, de toutes origines, taient ainsi cachs dans des souterrains sillonnant les

    sous-sols du village (en fait, le systme ancestral dadduction deau), o ils subissaient des

    violences sexuelles, taient battus et torturs, mis mort. Il est fait tat de rcupration

    dorganes. Les restes taient enfouis dans divers lieux, notamment en fort.

    Concernant les rituels sataniques, les rcits des enfants (dont les tmoignages ont t recueillis

    alors quils taient jeunes adultes) sont prcis et dtaills.

    dessins gomtriques, de bougies noires. Ils avaient des robes blanches. Il y avait une statue

    avec trois corps mls et trois ttes en bois noir. Cest ces statues que lon sacrifiait les bbs

    et qui on faisait des prires, genoux, sur des tapis, et on se prosternait trois fois le front

    contre le sol.

    Les sept prtres sont entrs dans la salle basse avec C. et A., et on a commenc faire la prire

    pour Satan. Nous tions sur des tapis et nous avons pri. Quand la prire a t finie, nous

    sommes alls danser autour dune table en bois recouverte dune nappe aux dessins

    gomtriques rouges et blancs. Il y avait une grande statue, deux plus petites, et de la poudredos du nouveau-n sacrifi. Nous avons dans, chant dans la salle basse qui nous servait

    dglise.

    Ce ne sont que quelques exemples, parmi les trs nombreux, recueillis au fil des dossiers du

    C.I.D.E.

    Et lAffaire Dutroux ne fait pas exception, loin sen faut. Les policiers belges ont beaucoup

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    enqut, justement, sur la composante satanique Abrasax/Kripten, comme le confirment les

    synthses des PV denqute. Les tmoins X lvoquent galement avec force dtails.

    27

    On peut relire encore larticle (cit par Bruno Fouchereau dans son livre p 146) du journaliste

    belge Alain Guillaume dans le quotidien Le Soir du 25 dcembre 1996 et intitul Dutroux :

    des victimes sacrifies sur lautel du Dmon?: Les enquteurs de Neufchteau ont bascul

    dans un univers peupl de pervers, de sadiques et de psychopathes () qui voluent impunment

    depuis des dizaines dannes, expliquent les tmoins, de beuveries snobs en partouzes, de villes

    en tortures, de sabbats en assassinats On sen rendra compte: les dossiers des juges Langlois

    et Grard sont dj bien plus lourds que ce que lon dcouvre maintenant. Les chocs venir

    seront dautant plus surprenants.

    Alain Guillaume pensait dtenir et dtenait de fait des informations prcises et concordantes,

    des tmoignages suffisants pour oser affirmer que les masques allaient tomber. On sait

    aujourdhui quil nen a rien t.

    Lexistence dAbrasax (ou parfois Abraxas), o Samir Aouchiche sest de toute vidence rendu

    dans ses prgrinations forces, est rvle la Belgique lors de la perquisition effectue par les

    policiers et les gendarmes belges le 21 dcembre 1996 dans le petit village de Forchies-la-

    Marche, prs de Charleroi. Cette perquisition dans les locaux de lordre dAbrasax tait

    commandite par la cellule denqute de Neufchteau charge de lenqute Dutroux.

    Les policiers, crit Bruno Fouchereau dans son livre (p 151), disposaient de nombreuxtmoignages prcis et concordants faisant tat de svices sexuels infligs de jeunes enfants

    loccasion de crmonies sataniques; certains signalaient mme des meurtres rituels

    Les informations apparues dans la presse belge sont reprises et dcrites dans un article du

    quotidien franais Le Midi Libre, cit dans son livre par Bruno Fouchereau (p 151). Larticle

    est titr Lhypothse sataniste horrifie la Belgique. On peut y lire: La presse a ainsi voqu

    lexistence en Belgique dune nbuleuse de voleurs denfants loeuvre depuis de nombreuses

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    annes. Ces enfants seraient soit vols leurs parents, soit fabriqus sur commande par des

    familles bien slectionnes qui les vendraient, ds leur naissance et sans jamais les dclarer,

    des sectes sataniques.

    Toute horrifie quelle ft sans doute ce moment-l, la Belgique et ses mdias oublieront trs

    vite

    On peut encore lire dans larticle du Midi Libre: Des dizaines de victimes sont tombes dans

    les filets de ces rseaux, plusieurs sont mortes mais trois autres sont vivantes et tmoignent. Les

    noms de ces victimes, qui ont reu des menaces de mort tout comme des enquteurs et certains

    journalistes, sont gards secrets. Certains journaux dclarent les avoir rencontres, terrorises

    parce quelles avaient vcu. Ces victimes ont t entendues fin novembre 2012 par le procureur

    charg du dossier Dutroux. Elles lui ont confi quelles avaient subi les pires svices au cours de

    ces crmonies secrtes et quelles avaient t contraintes de torturer de jeunes enfants

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    Le grand public est videmment largement dubitatif et on le comprend lvocation de sectes

    sataniques pratiquant des rituels et des sacrifices. On se croit plongs en pleine fiction (et elles

    sont nombreuses sur le sujet!)

    Pourtant, toute la hirarchie catholique bruisse de rumeurs satanistes, jusquau Vatican.

    En 2010, le Pre Gabriele Amorth, exorciste en chef du Vatican, publie les Confessions-

    Mmoires de lexorciste officiel du Vatican

    , entretiens avec le journaliste Marco Tosatti, auxEditions Michel Lafon. Possessions et rites sataniques, confrontations directes avec les dmons,

    sectes du Mal implantes au coeur de Rome le pre Gabriele Amorth raconte ses annes de

    combat avec les puissances infernales.

    Un vaticaniste italien clbre, Paolo Rodari, avait dj publi, quelques mois plus tt, un article

    sur la prsence de satanistes au coeur mme du Vatican, sur la base du tmoignage de ce mme

    Pre Gabriele Amorth.

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    Je sais bien que certains lecteurs vont penser que tout cela est du sensationnalisme , mais

    ces rvlations viennent de lun des meilleurs spcialistes mondiaux du dmon, Don Gabriele

    Amorth, lexorciste de Rome, crivait-il alors.

    Dans cet entretien lexorciste confirme: oui, des sectes sataniques sont implantes jusquau

    Vatican. Oui, il y a des prtres, des prlats et mme des cardinaux qui en font partie. Oui, le pape

    est au courant

    Dans un message post sur le site Internet de lOsservatore Romano en avril 2012 et relatant

    les dclarations du pre Gabriele Amorth, Guillaume de Thieulloy sinterroge:

    Lune des raisons de lomerta par laquelle les plus hautes autorits de lEglise ont trop souvent

    trait les scandales pdrastiques ou pdophiliques tient peut-tre aussi ce que certains

    prlats pratiquant eux-mmes le satanisme ont partie lie avec ces rseaux sordides

    Et une nouvelle affaire fait lobjet, depuis lt 2012, dun blog dtaill et particulirement srieux

    dans le rcit et la chronologie des faits, entre Lyon et le Var, entre pdophilie, satanisme et (peut-

    tre) pratiques vaudoues:

    http://secte-vaudou-satanique-lyon.overblog.com/

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    On y retrouve dtranges similitudes avec plusieurs affaires du C.I.D.E., tant dans les faits dcritspar les enfants, quau travers de la descente aux enfers policire et judiciaire dont sont victimes

    les deux parents qui tentent vainement de soustraire deux enfants (mais il semble y en avoir

    beaucoup dautres) des griffes de ce groupe criminel.

    Une chose est sre: dans pratiquement tous les rcits revient la prsence de personnes qui filment

    et/ou photographient. Pour satisfaire ultrieurement les participants, sans doute, mais galement

    dans un but clairement financier, commercial, bien souvent. La composante satanique, rituelle,

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    est trs rgulirement double dune composante pdopornographique. Le supplice des victimes,

    dj abuses, tortures, dtruites dans leur chair et leur me, est ainsi prolong, grav pour

    longtemps sur des supports qui passeront sous combien de regards, qui gnreront combien de

    centaines de milliers deuros, de dollars ou de francs suisses?

    A la lecture de nombreux rcits similaires, et compte tenu de cette composante commerciale,

    on en vient se demander si les rituels sataniques (ou pseudo-sataniques dans certains cas), ne

    sont pas simplement destins au dcorum et rpondent avant tout des pulsions qui bien au-

    del du sexe relvent frquemment du sadisme le plus coeurant, voire de la torture ou de la

    barbarie les plus cruelles. Nest-ce pas cela avant tout et comme le pense Martine Bouillon -

    que recherchent les participants? Des motions fortes, toujours plus fortes, par lassitude des

    prcdentes et nombreuses expriences, par une sorte de ncessaire progression pour satisfaire

    leurs pulsions bien plus que par des croyances qui nous semblent dun autre temps?

    Bruno Fouchereau nous met en garde (p 154): Juger cette interactivit entre satanistes

    occultistes et pdophiles aussi simplement serait une erreur. Les sectes offrent bien plus quun

    dcorum aux bats de leurs membres: elles justifient leur perversit par un discours et une

    idologie qui relve de la mystique. () Les sectes aident les pervers criminels non seulement

    assouvir leurs dsirs, mais surtout saccepter et se revendiquer comme tels. Ainsi

    sorganisent des rseaux puissants dhommes et de femmes souds autour dune mme mystique

    de la perversion et du mal.

    Dans sa conclusion, et au travers dun rapide mais prcis historique du satanisme, Bruno

    Fouchereau donne son explication ce quil dsigne comme le nosatanisme et sa

    dmocratisation (p 193):

    Avec cette dmocratisation du nosatanisme, on constate un phnomne de perversion de la

    sexualit. On voit apparatre comme une doctrine de la salissure qui semble viser maintenir la

    sexualit dans une sorte dinsatisfaction permanente. Une doctrine qui fait le bonheur de la

    pornographie. Car il sagit dexprimenter et dexplorer systmatiquement toute perversit et

    anormalit. Cette espce de politique de la surenchre dans la perversion conduit naturellement

    lhorreur, au cannibalisme, au meurtre, la pdophilie Ce que lon peut appeler une

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    satanisation de la sexualit, et qui passe par une publicit et un discours qui vante ces pratiques,

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    vise dprcier tout ce que lhomme considre en bien de son intimit et de ses qualits

    humaines, jusqu lannihiler en tant quindividu. Cette dshumanisation de lacte sexuel ()

    remplace lamour que lon peut prouver pour lautre par une recherche obsessionnelle de la

    satisfaction par la ralisation de fantasmes de plus en plus extrmes. Dans ce contexte, on

    comprend toute lutilit des jeux de rle comme ceux auxquels tait contraint de participer

    Samir: ils permettaient une dshumanisation totale des perversions sexuelles mises en scne. Ce

    ntait plus lindividu mais le personnage invent pour le jeu qui agissait.

    Des rseaux ancestraux

    Ce monde parallle, ces pratiques secrtes, ces rituels barbares, ces orgies sexuelles existent au

    moins depuis de nombreux sicles, comme le montrent les enqutes de ceux qui se sont essays

    cette remonte du courant historique.

    On retrouve Bruno Fouchereau (p 154 et suivantes), dont lenqute a permis de dterminer que

    ces structures taient parfois trs anciennes.

    Et de remonter le courant belge: le Club Eukaristia une organisation nomme Kumris dans les

    annes 1940, manation du plus ancien Club Eukaristia, qui se revendiquait de lOrdre du

    Temple et qui organisait des sances de magie sexuelle pour la haute socit du royaume ainsi

    que pour de nombreux collaborateurs et S.S. belges.

    Sans entrer ici dans des dtails inutiles, Bruno Fouchereau rappelle deux grandes priodes du

    satanisme: le Moyen-ge, o les textes fondateurs ont t rdigs par des prtres franciscains et

    dominicains chargs de lInquisition; et la fin du XIXe et le dbut du XXe sicle, lorsque Paris

    fourmillait de socits secrtes, doccultistes et de lucifriens comme Grard Encausse, alias

    Papus, mdecin et occultiste franais cofondateur de lOrdre Martiniste, dont certaines branches,

    au moins, pratiquent des rituels sexuels avec tortures et sacrifices denfants, et dont certaines

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    investigations du C.I.D.E. laissent penser que plusieurs enfants ont sans doute t victimes.

    Ainsi, V. L., lune de victimes prises en charge par le C.I.D.E. au dbut des annes 2000, est de

    toute vidence de par lampleur du rseau quelle dcrit, les liens quelle tablit avec de

    nombreux autres dossiers, les faits dont elle parle (filire pdophile commerciale et mouvance

    sataniste) au cur dune sorte de vaste toile daraigne en France, et plus largement dans une

    partie de lEurope. Elle parle elle-mme spontanment de sa secte en voquant les Martinistes.

    Il savre effectivement, aprs enqute, recoupements, recueil de tmoignages, quil sagit

    vraisemblablement de lune des branches des Martinistes, mouvement issu et inspir de la franc-

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    maonnerie et des Rose-croix, qui sest structur la fin du XIXme sicle avant de se scinder en

    diffrents courants, dont certains caractre clairement satanique. Dautres enfants dont sest

    occup le C.I.D.E. et dont V. L. a du reste crois la route, ont eux aussi, visiblement, t les

    victimes des Martinistes.

    Le curieux triangle de lYonne

    Un autre regard h