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REJOIGNEZ-NOUS METTONS FIN AUX EXPULSIONS FORCÉES DES ROMS EN EUROPE POUR TOUS CEUX QUI PRENNENT LES DROITS HUMAINS À CŒUR SEPTEMBRE/OCTOBRE 2012 VOLUME 42 N° 005

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Le magazine d'Amnesty International en français. Pour tous ceux qui ont la passion des droits humains.

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Page 1: LE FIL. Septembre / Octobre 2012

REJOIGNEZ-NOUSMETTONS FIN AUX EXPULSIONS FORCÉESDES ROMS EN EUROPE

POUR TOUS CEUX QUI PRENNENT LES DROITS HUMAINS À CŒURSEPTEMBRE/OCTOBRE 2012 VOLUME 42 N° 005

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SUIVEZLE FIL...

© Amnesty International Ltdwww.amnesty.orgIndex : NWS 21/005/2012ISSN : 1472-443XAILRC-FR pour la version française47, rue de Paradis - 75010 Paris Imprimé sur papier recycléBanbury Litho - Oxon - Royaume-Uni.

Tous droits de reproductionréservés. Cette publication ne peutfaire l’objet, en tout ou en partie,d’aucune forme de reproduction,d’archivage ou de transmission, quels que soient les moyens utilisés(électroniques, mécaniques, parphotocopie, par enregistrement ou autres), sans l’accord préalable des éditeurs.

WIRE, Editorial and PublishingProgramme, Amnesty International,International Secretariat, PeterBenenson House, 1 Easton StreetLondon WC1X 0DW, Royaume-Uni

Photo de couverture :© Amnesty International (photo : Fernando Vasco Chironda)

EN COUVERTUREManifestation pour appeler les autorités locales à ne pas fermer le camp rom de Tor de’ Cenci, à Rome (Italie), en juillet 2012. Lors de cet événement, des acteurs et des musiciens ont prononcédes discours et joué de la musique, des danseurs roms se sontproduits sur scène et des militants ont fait signer une pétition contre la fermeture du site.

« QUEL MESSAGE TRANSMETTONS-NOUS À NOS ENFANTS ?Faites la connaissance de Roms sur le point d’être expulsés de force en Italie, puis signez et envoyez notre carte postaleadressée au président du Conseil italien. PAGE 4

UNE TENDANCE AU DÉCLIN« Avec l'éradication de la peine de mort notre société sera bienmeilleure », nous dit CARMELO CAMPOS-CRUZ, qui milite depuis de nombreuses années contre la peine de mort. Il s’est entretenuavec LE FIL à l’occasion du 10e anniversaire de la Journée mondialecontre la peine de mort. PAGE 8

« LA MER EST UN CIMETIÈRE »Beaucoup de jeunes Tunisiens disparaissent en mer en essayantd’atteindre l’Europe. Les politiques migratoires actuellescontribuent-elles à aggraver la situation ? PAGE 12

LA VÉRITÉ NE MOURRA PASIl y a 30 ans, 200 personnes ont été tuées lors du massacre d’El Calabozo, au Salvador. Les familles et les survivants n’onttoujours pas obtenu justice. Apportez-leur votre soutien en signantet en envoyant notre carte postale adressée au président MauricioFunes. PAGE 14

PRIVÉS DE TOUT AU KOWEÏTDepuis 50 ans, le Koweït se désintéresse de la situation des bidun.Mais aujourd’hui, ces personnes apatrides se battent pour êtrereconnues en tant que citoyens koweïtiens. PAGE 16

TIRER LE SIGNAL D’ALARME À L’ÈRE DU NUMÉRIQUELes nouvelles technologies peuvent permettre de protéger les défenseurs des droits humains. PAGE 19

ET PUIS ENCORE ?Bonnes nouvelles et faits nouveaux (PAGE 20), lettres de réfugiés et de demandeurs d’asile détenus à Chypre (PAGE 18) et notreactualité (PAGE 2).

APPELS MONDIAUX - LISEZ, DIFFUSEZ, AGISSEZVOIR L’ENCART

Recevoir LE FILLE FIL peut être téléchargé à cette adresse : www.amnesty.org

Les institutions le souhaitant sont invitéesà acheter des exemplaires.Pour six numéros annuels, elles devront payer 35 livres sterling, 54 dollars des États-Unis ou 41 euros. Les sections d’Amnesty Internationalpeuvent acquérir des exemplaires pour leurs membres.Contactez-nous par [email protected] ou partéléphone : + 44 207 413 5814/5507.

Pour rejoindre Amnesty Internationalrendez-vous surhttp://www.amnesty.org/fr/join

Des militants et militantes d’Amnestyinternational lors de la Bologna Pride, en Italie, en juin 2012. Dans la bulle de droite on peut lire « Libera di esserelesbica » (Libre d’être lesbienne).

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© Amnesty International

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Au Brésil, la communauté peutrester… pour l’instantBonnes nouvelles pour la communautéLaranjeira Nhanderu au Brésil, qui aété autorisée à demeurer sur ses terresancestrales. Un tribunal a récemmentsuspendu une ordonnance d’expulsionjusqu’à ce que des anthropologuesaient vérifié le bien-fondé de sesrevendications concernant l’exploitationagricole Santo Antônio de Nova Esperança.Des quatre coins du globe, des militantsont envoyé des lettres pour soutenir la communauté après la publication l’an dernier par Amnesty d’une Actionurgente concernant leur procès.

« Mon cœur saignepour mes amis »Moon Myung-jin (Appels mondiauxmars-avril 2012, et photo ci-dessus) a été libéré le 29 juin. Il était incarcéréen Corée du Sud.

« J’ai reçu de nombreux messagesde solidarité de membres d’AmnestyInternational, a-t-il indiqué. Je ne les ai pas rencontrés personnellement, mais

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ils m’ont envoyé des messages comme“Je vous soutiens. J’œuvrerai en faveurde votre libération. Je soutiens votrecause.” Ces mots m’ont beaucouptouché et je les remercie. Cependant,mon cœur saigne pour mes amis quisont toujours en prison parce qu’ilssont objecteurs de conscience. »

Pour savoir comment envoyer desappels en faveur d’autres personnes en danger, voir la double page centrale.

Une agression contre les droitssexuels et reproductifsLors de Rio+20, Conférence desNations unies sur le développementdurable, le Saint-Siège (ou Vatican) a mené une attaque contre les droitssexuels et reproductifs, en bénéficiantdu soutien du G77, une organisationcomposée de pays en développement.Aux côtés du Canada et des États-Unis,le G77 s’est opposé à ce que le projetde document final comporte l’obligationde respecter les droits qui incombe aux entreprises. Certains États ontégalement rayé les mentions de laliberté d’association et de réunion.Pour en savoir plus : bit.ly/Rioplus20-rights

(« J’ai rejoint AmnestyInternational pour profiter d’une offrepromotionnelle : un d’acheté, un de libéré. »Gary Delaney - humoriste)

© Amnesty International Korea

« Arrêton peintures dans le c contre la

Nouvelles des équipes et campagnes régionales d’Amnesty International

ActualitéNotre

L’heure de la fin de la peinede mort se rapprocheLe Connecticut pourrait devenir le 17e État des États-Unis d’Amérique à abolir la peine de mort, après un récentvote du Sénat de l’État en faveur de sonabrogation. La loi nécessite encorel’approbation de la Chambre desreprésentants et la signature de Dannel

P. Malloy, le gouverneur. « Les législateursdu Connecticut ont fait le bon choix et ontpris une belle initiative qui fait progresserles droits humains », a déclaré SuzanneNossel, membre d’Amnesty InternationalÉtats-Unis. Parmi ceux qui ont soutenu la loi, on comptait les prochesde 179 victimes de meurtres.bit.ly/Connecticut-deathpenalty

© Amnesty International (Photo: M

anuel Finol)

(« Je suis fier d’avoir agi. Un simple clic de souris a fait la différence ! »

Vladimir Leonov a participé à notre action Faxjam en faveur de la liberté d’expression )

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NOTRE ACTUALITÉ

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En première ligneUne vie à l’isolementTessa Murphy, chercheuse pour Amnesty International, a récemment eu un aperçu de la vie des détenus maintenusà l’isolement dans une prisonde haute sécurité aux États-Unis.

CourrierVous souhaitez quevos opinions et vos

commentaires soientpubliés sur cette page ?Adressez un courriel à[email protected]

Ma première impression, en découvrant la prison d’Étatcalifornienne de Pelican Bay, a été le contraste sinistre entre la beauté de la campagne environnante et les bâtiments austèresde la prison. En entrant dans les quartiers de haute sécurité, j’ai d’abord été frappée par l’odeur de l’air vicié, puis par lecalme qui y régnait. Le silence étouffé a ensuite été brisé par un cri nous avertissant que des gardes passaient avec un détenu qui avait les poignets et les chevilles menottés.

Pelican Bay est connue pour ses dures conditions de vie et parce qu’elle accueille plus de mille prisonniers placés dans lesquartiers d’isolement de longue durée. Elle est normalement ferméeau monde extérieur mais, à la suite de deux grèves de la faim,une délégation d’Amnesty International a été autorisée à y entrer.

À l’intérieur des quartiers de haute sécurité, les détenus sont logés dans de minuscules cellules sans fenêtres contenantquelques objets indispensables et une télévision – s’ils ont lesmoyens de s’en offrir une. Nous avons discuté avec Victor, qui est enfermé dans ce bâtiment depuis plus de deux décennies, à travers la porte de sa cellule. « Vous êtes les premièrespersonnes extérieures que je vois depuis des années », nous a-t-il dit en plissant les yeux pour regarder par les orificespercés dans la porte d’acier massif. Ces quartiers sont conçus pour priver les prisonniers de tout contact humain normal.

Il est impossible pour les détenus d’avoir entre eux descontacts sociaux. Ils n’ont pas accès au téléphone, et PelicanBay est tellement isolée que de nombreux détenus ne reçoiventaucune visite. La famille d’un des hommes que nous avonsrencontrés vit à plus de 1 000 km de la prison, et ce type desituation est fréquent. Quand les prisonniers reçoivent desvisites, ils sont séparés des visiteurs par une vitre et sont obligés de parler dans un combiné.

Les hommes avec lesquels nous avons discuté s’intéressaientau travail d’Amnesty. Nombre d’entre eux se réjouissaient d’avoirune possibilité de conversation. Tous étaient conscients qu’au-delàdes murs de la prison, une communauté tenace de défenseursdes prisonniers, dont Amnesty International fait partie, soutenaitleur lutte pour l’amélioration de leurs conditions de détention.Rédigez une lettre demandant aux autorités de limiter l’utilisation des quartiers d’isolement dans les prisons californiennes et d’améliorer les conditions de détention de tous les prisonniers placés dans les quartiers de haute sécurité. Envoyez votre lettre à :Secretary Matthew Cate - California Department of Corrections and Rehabilitation - 1515 S Street - Sacramento, CA 95814 - États-Unis

rrêtons les balles » : une des nombreusesntures murales réalisées à Caracas, au Venezuela,s le cadre d’une semaine d’action d’Amnestytre la violence par arme à feu (juin 2012).

Depuis 2009, plus de

600étudiantset professeurs d’université ont été

arrêtés en Iranen raison de leurs activités politiques.

(« Moi. Mon ordinateur. Le site Internet d’Amnesty.Et 14 lettres. »Jonn Kmech, militant d’Amnesty au Canada, a participé à notre campagne Écrire pour les droits)

Justice pour lessurvivantes de violencessexuelles en ColombieUne équipe d’Amnesty a rencontrérécemment des femmes ayant subi desviolences sexuelles au cours du conflitarmé en Colombie, ainsi que des prochesde victimes et des membres d’organisationslocales. Ce voyage avait pour but de prévoirla prochaine étape d’une campagneexigeant que justice soit rendue auxfemmes à qui des violences sexuelles ontété infligées pendant ce conflit. Ouvrezl’œil pour en savoir plus sur nos futuresactivités de campagne. En attendant,vous pouvez exprimer votre solidarité sur :facebook.com/solidaridadcolombia

Bhopal, un silence éloquentAu cours des Jeux olympiques de 2012 à Londres, des militants du monde entieront braqué les projecteurs sur une despires catastrophes industrielles del’histoire. Par exemple, l’artiste indienSamar Jodha a organisé avec AmnestyInternational Royaume-Uni une installationartistique composée de photos de l’usinede pesticides Union Carbide, aujourd’huidésaffectée. En 1984, une fuite de gaztoxiques provenant de cette usine a tuédes milliers de personnes à Bhopal, enInde. La société Dow Chemical, propriétaireactuel de l’entreprise, a été chargée deréaliser l’écran textile qui ceinture le stadeolympique. Nous sommes intervenus avecforce pour que les organisateurs des Jeuxcessent de nier tout rapport entre Dow etla tragédie de Bhopal, pour que le siteindustriel soit nettoyé et pour que justicesoit rendue aux rescapés. Pour voir les photos de Samar Jodha, rendez-vous sur bhopalasilentpicture.com

EN SEULEMENT…. . . 1 m i n u t eDétachez et affichez notre poster contre la peine de mort en pp. 10-11. . . 2 m i n u t e sAjoutez votre nom à l’une de nos campagnessur amnesty.org/fr/activism-center. . . 5 m i n u t e sSignez et envoyez l’une de nos cartes postales (ou les trois – voir l’encart). . . 1 0 m i n u t e s

Rédigez un appel pour une personne en danger – pour savoir comment faire, reportez-vous à notre encart central

© Amnesty International

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ITALIE

Une institutrice italienne m’a confié un jourla tristesse qu’elle avait ressentie en voyant des familles roms de sa région forcées

de quitter leurs foyers. Elle m’a raconté avoir vu des représentants de l’État détruire négligemment des cahiers d’enfants au cours de ces expulsions.Des cahiers qui contenaient des mots écrits avecapplication et des dessins colorés, que les élèves etleurs parents s’étaient efforcés de conserver propreset en bon état pour l’école. « Quel messagetransmettons-nous à nos enfants en laissant ce genre de chose arriver ? », m’a-t-elle demandé.

Cette anecdote est un exemple frappant de laviolence qui accompagne les expulsions forcées.Partout en Europe, la police et les bulldozers peuventse présenter brusquement et sans avertissementdevant un campement « informel », pour en expulserles habitants et raser leurs cabanes. D’énormescamions s’arrêtent devant les campements pouremmener vêtements, ustensiles de cuisine, meubles,jouets et tous les objets personnels qu’on ne leur a pas donné le temps d’emballer et qui finissent par se perdre dans le chaos ou par être détruits.

Ensuite, les gens se voient simplement intimerl’ordre de partir, souvent sans qu’il y ait eu deconsultation ou d’avertissement préalable, sanscompensation pour leurs pertes et sans nulle part oùaller. Beaucoup deviennent des sans-abri. Même les

personnes vivant dans des campements « tolérés »ou « autorisés », mis en place à l’origine par les autorités locales, peuvent être victimesd’expulsions forcées. Parfois, ils sont relogés dans des campements isolés, prévus à cet effet. Cela débouche sur leur ségrégation pure et simple.

Au début de l’année, j’ai visité Tor de’ Cenci, uncampement rom situé dans la banlieue sud de Rome,en Italie, et érigé non loin d’un quartier résidentiel. Il y a une quinzaine d’années, à l’initiative desautorités locales, des conteneurs en métal avaient été installés et les gens avaient été autorisés à y vivre.Un système d’évacuation des eaux usées avait étémis en place. Un nouveau panneau avait été installépour indiquer l’existence du campement.

La communauté de presque 400 personnes qui y vit est principalement originaire de Bosnie ou deMacédoine. Les enfants, dont beaucoup sont nés enItalie, ont fréquenté des écoles de la région et sontsocialement intégrés – comme c’est rarement le casdes Roms. Ils ont apprécié le fait de disposer deservices de base, comme d’un supermarché et decabinets médicaux situés à proximité.

Mais en 2008, la politique locale et nationale a changé. Le gouvernement de Silvio Berlusconi a déclaré un « état d’urgence Nomades » et a investicertains représentants de l’État de pouvoirs spéciauxafin qu’ils se penchent sur la question des

campements roms. Peu après, la nouvelleadministration romaine a annoncé qu’elle allait fermerTor de’ Cenci, conformément au nouveau « PlanNomades », et qu’elle déplacerait les habitants versun nouveau campement appelé La Barbuta.

Ouvert en juin 2012, La Barbuta est entièremententouré de grillages et de caméras. Fait troublant, il estsitué très près des pistes de l’aéroport de Ciampino, en dehors de la ville, et ceux qui se rendent à Romeen avion peuvent l’apercevoir depuis leur hublot.

Les habitants de Tor de’ Cenci vivent sous lamenace d’une expulsion forcée depuis le lancementdu Plan Nomades. Désormais, La Barbuta est prêt et les autorités locales sont pressées de le remplir. La plupart des personnes que j’ai rencontrées m’ontdit qu’elles ne voulaient pas s’y rendre. Cela lescouperait de la vie normale, des services locaux, desécoles, des systèmes de transports et des magasins.

L’une des solutions consisterait à remettre en étatl’ancien campement, mais les autorités n’ont pasmême envisagé la question. Tor de’ Cenci est dansun état lamentable. Les conteneurs sont vieillissantset le système d’évacuation des eaux a besoin d’êtremodernisé. Partout, le sol est jonché d’ordures. Lesautorités locales s’appuient sur l’hygiène et la sécuritédéplorables du campement pour justifier safermeture, alors même que la responsabilité de sonentretien leur incombe. « Ce campement a étéabandonné par le gouvernement depuis 2009 »,raconte Dijana, une résidente de Tor de’ Cenci.

Pas une seule des personnes que j’ai rencontréesà Tor de’ Cenci ne m’a dit vouloir vivre dans uncampement. « Il faut en finir avec les campements,

Les Roms d’Europe sont forcés de vivre dans des campements isolés. MATTEO DE BELLIS, chargé de campagne, raconte l’histoire d’une communautéen Italie qui vit en permanence sous la menace d’une expulsion.

« QUEL MESSAGE TRANSMETTONS-NOUS À NOS ENFANTS ? »

© Amnesty International (photo : Fernando Vasco Chironda)

© Amnesty International (photo : Fernando Vasco Chironda)

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EXPULSIONS FORCÉES

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ces maudits campements », m’a dit un homme. Maisc’est la seule solution qui est actuellement proposéeet ils n’ont pas le choix. Nombre d’entre euxpréféreraient de loin un appartement et être intégrésau reste de la société. Certains affirment qu’ils sontinscrits sur les listes d’attente pour un logementsocial depuis des années.

Les autorités continuent de prétendre qu’elles ne disposent pas de suffisamment d’argent pourconstruire des logements sociaux à Rome. Mais,étrangement, elles sont parvenues à rassembler 10 millions d’euros pour construire La Barbuta. Qui plus est, des centaines de milliers d’euros ont étédépensés pour l’installation de caméras de sécuritédans les seuls campements de Rome et de Milan,une somme qui aurait suffi à payer le loyer denombreuses familles pendant des années.

Ostraciser les Roms en les installant dans descampements isolés est une entreprise coûteuse, de même que les expulsions forcées. Depuis 2007, à Milan et à Rome, environ 1 000 campements romsauraient été frappés par des expulsions forcées.Selon certaines sources, chaque expulsion coûteraitentre 10 000 et 20 000 euros. Pourquoi cet argentn’est-il pas plutôt investi pour construire deslogements décents pour les Roms ?

La réponse à cette question est probablement liéeà des préjugés et à des stéréotypes. Dans toutel’Europe, les Roms sont encore perçus comme desnomades qui refusent la sédentarité. Ils sont traitéscomme des étrangers indésirables qui ne méritentpas d’avoir leur mot à dire quant à leur propre avenir.En réalité, 97 % des 170 000 Roms qui vivent

« QUEL MESSAGE TRANSMETTONS-NOUS À NOS ENFANTS ? »

À gauche : Le quotidien à Tor de’ Cenci,un camp rom situé en périphérie de la capitale italienne (juillet 2012).À droite : Le nouveau camp de LaBarbuta, construit pour accueillir desfamilles roms. Il est entouré de camérasde surveillance et borde les pistes de l'aéroport de Ciampino, à Rome.Ci-dessous : Un enfant assiste à la destruction par les autorités locales des conteneurs à Tor de’ Cenci (juillet 2012).

© Amnesty International

© Private

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n Plus de 10 millions de Roms vivent en Europe. Ils représententla plus vaste et la plus désavantagée des minorités.

n Les Roms ont généralement des revenus plus faibles, unmoins bon état de santé, des logements plus précaires, untaux d’alphabétisation plus faible et ils ont plus de risques dese retrouver sans emploi que les autres habitants d’Europe.

n Des dizaines de milliers d’entre eux vivent dans desbidonvilles isolés, souvent sans eau ni électricité.

n Les personnes qui vivent dans des campements sontsouvent victimes d’expulsions forcées, parfois à plusieursreprises. Les autorités locales leur proposent rarement dessolutions de relogement adaptées. En conséquence, nombred’entre elles finissent par devenir des sans-abri ou viventdans des habitats improvisés pendant des années.

n Quand ils se voient offrir des solutions de relogement, il s’agit souvent de zones précaires et isolées, situées près de décharges, d’usines de traitement des eaux usées ou dansdes zones industrielles à la périphérie des villes.

n La discrimination dans la loi et dans la pratique empêchesouvent les communautés roms de jouir de leur droit aulogement, à la santé, à l’éducation et au travail.

n Amnesty International demande qu’il soit mis fin à ladiscrimination contre les Roms en Europe. Les gouvernementseuropéens se doivent notamment de mettre un terme auxexpulsions forcées et de permettre aux communautés romsd’influer sur les décisions qui ont un impact sur leurs vies.

EXPULSIONS FORCÉES

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en Italie ne sont pas des nomades et la plupartmènent ou tentent de mener une vie sédentaire. La moitié d’entre eux sont des citoyens italiens.

L’Italie ne remplit pas ses obligations en tant quemembre de l’UE, aux termes de la Directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité entre les personnes sans distinction de race ou d’origineethnique, datée de 2000, qui interdit la discriminationenvers les Roms ou tout autre groupe ethnique. En 2011, la Commission européenne a demandé aux pays membres de mettre au point des stratégiespermettant aux Roms de bénéficier d’un meilleuraccès au logement, à l’éducation et aux services de santé. Plus tôt dans l’année, l’Italie a soumis sapropre Stratégie nationale relative à l’intégration desRoms à l’UE en promettant d’empêcher qu’ils soientparqués dans des campements isolés.

Mais la situation actuelle en Italie, comme dansd’autres pays d’Europe, s’inscrit en complètecontradiction avec cette stratégie. Des communautésentières se retrouvent à la rue ou sont forcées devivre dans des ghettos construits à cet effet sans avoirété consultées quant au type de logement qu’ellessouhaiteraient, et sans même avoir été averties del’arrivée des bulldozers.

En juillet et en août, après des mois d’incertitude,près de 200 habitants de Tor de’ Cenci se sontrésignés à aller s’installer à La Barbuta. Les autoritéslocales ont vite détruit leurs anciens conteneurs. Le maire de Rome, Giovanni Alemanno, a ensuitesigné le 28 août une ordonnance de fermeture ducampement. Pour ceux qui vivent encore là, mis à part La Barbuta, Castel Romano, un autrecampement isolé situé dans la banlieue de Rome, VOILÀ À QUOI RESSEMBLE UNE EXPULSION FORCÉE

constitue la seule autre possibilité de relogement. ll n’est même pas desservi par le bus.

Le 4 août, le tribunal civil de Rome a acceptéd’examiner une requête présentée par une ONGlocale en vue de suspendre les transferts d’autrespersonnes vers La Barbuta jusqu’à ce qu’il soit statuésur la légalité de ces transferts dans le cadre d’uneaction en justice contre la discrimination.

Pendant ce temps, les enfants qui continuent devivre à Tor de’ Cenci attendent de savoir quelle écoleils fréquenteront cet automne. La décision a été prisede les déplacer vers La Barbuta, sans tenir comptede leurs souhaits. Quel message cela envoie-t-il auxenfants roms concernant leur place dans la société ?

Amnesty International milite en vue de mettre finaux expulsions forcées des Roms vivant dans descampements et de mettre un terme à la ségrégation.De nouvelles lois et de nouvelles lignes directricesdoivent être mises en place pour les policiers et lesautres représentants de l’État impliqués dans lesexpulsions. Les plans de fermeture des campementsautorisés ou tolérés doivent être repensés après unevéritable concertation avec les familles concernées. Et il faut que les Roms se voient offrir des solutionsde relogement qui ne se limitent pas simplement à des campements.

Cela permettra d’adresser un message clair : les Roms, comme leurs voisins européens, disposenteux aussi de droits, y compris du droit à un avenir.

AGISSEZSignez et envoyez notre carte postale demandant au présidentdu Conseil italien de mettre un terme aux expulsions forcées et à la ségrégation des Roms.

DISCRIMINATION CONTRE LES ROMS D’EUROPE : LES FAITS

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JUSTICE INTERNATIONALE

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Des Roms sont expulsés de force de Via Severini, un autre campde la ville de Rome, le 26 mars 2012. Les familles n’ont eu quequelques heures pour rassembler leurs affaires avant l’arrivée des bulldozers.Toutes les photos © Amnesty International

DÉNONCER LES INJUSTICES SUR LA SCÈNE INTERNATIONALELES PERSONNES VIVANT DANS LA PAUVRETÉ ONT DÉSORMAISPLUS DE CHANCES D’OBTENIR JUSTICE AU NIVEAU INTERNATIONALQUAND LEURS DROITS SONT BAFOUÉS DANS LEUR PAYS.

D es familles se retrouvent sans ressources ni domicile à la suite d’expulsionsforcées menées sans préavis. Des gouvernements permettent à desentreprises d’extraction minière de réaliser leurs activités sur les terres

ancestrales de peuples indigènes sans avoir obtenu le consentement de cesderniers. Un demi-million de femmes meurent chaque année des suites d’unecomplication de grossesse qui aurait pu être évitée.

Ce ne sont là que quelques exemples illustrant le fait que les gouvernementscontinuent de porter atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels de leurscitoyens, chaque jour et dans le monde entier. Jusqu’à présent, il était difficile de les obliger à rendre des comptes et d’obtenir justice pour certaines despopulations les plus vulnérables de la planète. Mais plus maintenant.

En effet, un nouveau traité est sur le point de voir le jour, qui donnera auxpersonnes la possibilité d’obtenir justice auprès des Nations unies lorsque leurgouvernement manquera à ses obligations envers elles. Nous faisons campagnedepuis des années en faveur de ce nouveau mécanisme international habilité à recevoir des plaintes : le Protocole facultatif au Pacte international relatif auxdroits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

La justice est vitale pour toutes lespersonnes, tous les groupes et toutes les communautés dont les droits ont été bafoués. Ils ont besoin d’avoir accès à un recours effectif pour compenser lesdommages qu'ils ont subis. Cela peutimpliquer, par exemple, le fait de restituer à quelqu’un son logement après uneexpulsion forcée, en lui apportant lagarantie juridique que cela ne sereproduira pas.

Les violations des droits humains ontlieu lorsqu'un gouvernement n'a mis enplace ni la législation, ni la politique, ni les pratiques nécessaires pour les faire cesser, du fait de sa négligence, de ladiscrimination qu'il pratique à l'égard de certains groupes de personnes ou,simplement, de sa décision de ne prendreaucune mesure pour protéger ces droits.

Or, dès lors qu’un pays adhère au Protocole facultatif, les violations des droitshumains qui y sont commises peuvent commencer à être dénoncées sur la scèneinternationale. Cette attention embarrassante contraindra les gouvernements à dépasser le simple engagement de pure forme qu’ils manifestent pour les droits,par exemple, des habitants des bidonvilles ou des femmes qui n’ont pas lesmoyens de recevoir des soins de santé appropriés.

En août 2012, huit pays avaient déjà adhéré au traité : l'Argentine, la Bolivie,la Bosnie-Herzégovine, l'Équateur, l’Espagne, la Mongolie, le Salvador et laSlovaquie. Il ne manque plus que deux pays pour qu'il puisse entrer en vigueur.Nous appelons donc maintenant tous les autres pays du monde à y adhérerégalement afin que les droits humains bénéficient d'une meilleure protection.

AGISSEZVeuillez signer et envoyer notre carte postale appelant l’Afrique du Sud à devenir partie au PIDESC et à son protocole facultatif. Veuillez également signer nos pétitions en ligne sur tinyurl.com/SA-demand-protection et tinyurl.com/Senegal-OP-petition.

VOILÀ À QUOI RESSEMBLE UNE EXPULSION FORCÉE

Bos, le village où vivait Hoy Mai, a été rasé au bulldozer avant d’être incendié, en 2009. « Ma maison, mes affaires, mes vêtements, tout est parti en fumée »,explique-t-elle. Après s’être rendue à Phnom Penh, la capitale du Cambodge,pour se plaindre de cette expulsion, elle a été emprisonnée. Elle n’a été relâchéequ’après avoir signé une renonciation à ses droits sur ses terres.

© Amnesty International

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INTERVIEW

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DES PROGRÈS CONSIDÉRABLES ONT ÉTÉ RÉALISÉS

«I l est vraiment difficile de continuer d’opposer une résistance forteà la peine de mort alors que le nombre d’homicides et la cruauté aveclaquelle ils sont commis atteignent des sommets. Pourtant, des progrès

considérables ont été réalisés en vue de son abolition au niveau international. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les exécutions et les condamnations à mortdiminuent de manière constante, de même que le nombre de pays appliquant la peine capitale. Néanmoins, certains cas restent alarmants, comme celui de l’Iran, qui a procédé à plus de 360 exécutions en 2011.

« Le mouvement mondial en faveur de l’abolition est mieux organisé et pluscohérent qu’il y a plusieurs années. Nous comptons maintenant parmi nous despersonnes qui ont traditionnellement toujours été considérées comme favorablesaux exécutions judiciaires, telles que des proches de victimes de meurtre, desagents de police, des procureurs et des membres d'organisations conservatrices.Ceci a aidé dans une très large mesure à écorner certains des mythes servant à justifier les homicides commis par les États.

EN PREMIÈRE LIGNE« En tant que défenseur des droits humains, vous devez défendre votre causeclairement. Il faut être en première ligne quand les temps sont difficiles. Vous avezégalement une multitude de tâches différentes à réaliser : rédiger des communiquésde presse, organiser des conférences, collecter des fonds, faire pression surles responsables politiques et mener des recherches sur différents sujets.

« J’ai commencé à travailler contre la peine de mort en 1998, presque par hasard. On m’a demandé de représenter la section portoricaine d'AmnestyInternational lors d’une réunion convoquée pour former l’organisation Citoyenscontre la peine de mort. Avec d’autres organisations, j’ai créé la Coalitionportoricaine contre la peine de mort (PRCADP) en 2005. Le but était de rassembler différentes sections de la société portoricaine – églises,syndicats et communautés, ainsi que des organisations étudiantes, politiques et professionnelles. Aujourd’hui, la Coalition regroupe 40 membres et fait elle-même partie de la Coalition mondiale contre la peine de mort.

« La Coalition portoricaine contre la peine de mort s’inscrit dans unmouvement mondial, mais, depuis 2007, elle concentre ses efforts sur l’abolitionde la peine capitale dans les Caraïbes, où le soutien en faveur de ce châtiment est très fort. Dans de nombreux États de la région, le taux de criminalité est élevé,mais il est prouvé que l'application de la peine de mort dans un pays donné n'a aucune influence sur le nombre de crimes qui y sont commis.

JETER DES PONTS POUR MIEUX SE COMPRENDRE« La région des Caraïbes est confrontée à des barrières linguistiques et à des relations fragmentées entre les pays. Depuis 2011, un groupe depersonnes et d’organisations travaillent ensemble pour former The GreaterCaribbean for Life (« Les Grandes Caraïbes pour la vie »), une organisation quimilitera contre la peine de mort en tirant parti de nos similitudes. Le nom de ceréseau met en avant le respect du droit à la vie dans la lutte contre la peine capitale.

« Le fait de travailler au sein de coalitions est une manière efficace etgratifiante de traiter la plupart des sujets relatifs aux droits humains.

UNE TENDANCE AU DÉCLINÀ l’occasion de la 10e Journée mondiale contre la peine de mort, le 10 octobre, nous nous sommes entretenus avecun éminent militant des Caraïbes, Carmelo Campos-Cruz,qui nous a parlé de son combat pour l’abolition de la peinecapitale dans cette région et dans le monde entier.

© Carmelo Campos-Cruz

© Amnesty International

© Amnesty International

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N’ayez pas peur d'échanger vos opinions avec des personnes ayant des idéesdifférentes. C’est seulement en jetant des ponts pour mieux se comprendre quenous progresserons et harmoniserons nos sociétés.

LE TRAVAIL DE CAMPAGNE EST DIFFÉRENT À L’ÉCHELLE LOCALE ET À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE« Le travail de campagne est différent à l’échelle locale et à l’échelle internationale,mais des similitudes existent entre les deux. Lorsque vous ciblez un pays ou unerégion, il est toujours primordial d'examiner ses particularités. Ainsi, les États-Uniss’intéressent au coût financier des exécutions, alors que cet aspect n'est pas siimportant en Chine, par exemple.

« À l’échelle locale, il est important pour un chargé de campagne de partager les stratégies et les moyens avec d’autres organisations ; mais un soutien internationalest également nécessaire pour les actions à mettre en œuvre au niveau national.

« Dans un pays comme Porto Rico, les contacts avec la communautéinternationale qui s’oppose à la peine de mort ont été fondamentaux pour nous aiderà faire comprendre la particularité de notre situation. En effet, le cas de Porto Rico estunique au monde. Alors que la peine capitale a étéabolie en 1929 (bien avant qu’elle ne le soit dans laplupart des autres pays abolitionnistes) et que laConstitution de 1952 l’interdit, elle peut toujoursêtre prononcée par une juridiction fédérale des États-Unis pour des crimes commis à Porto Rico.

IL EST ESSENTIEL DE FAIRE ÉVOLUER LA SITUATION« Il est inimaginable pour moi de ne pas militer, surtout dans un monde où les inégalités sont si nombreuses et les attentes si peu comblées. Il estessentiel de faire évoluer la situation de manière humble et réaliste. Une fois que vous avez commencé à y consacrer une grande partie de votre vie, vous vous battrez toujours contre l’injustice d’une manière ou d’une autre.

« La motivation vient surtout du fait de savoir que l’on fait ce qui est juste, quela majorité des gens soit d’accord ou pas. En ce qui me concerne, elle vient ausside la ferme conviction qu’avec l'éradication de la peine de mort, notre société serabien meilleure. Elle vient, enfin, de l’implication d’autres personnes dans cette lutte,telles que les personnes innocentes qui ont été libérées des couloirs de la mort ou les proches des victimes de meurtres qui se battent contre la peine capitale.»

Carmelo Campos-Cruz a cofondé la Coalition portoricaine contre la peine de mort et a été président du conseil exécutif de la section portoricained’Amnesty International. Il est juriste et enseignant et prépare actuellement un doctorat en droit international.

IL FAUT ÉLIMINER LES LACUNES DANS LALÉGISLATION SUR LES DÉCHETS TOXIQUES« LES DÉCHETS ONT ÉTÉ DÉVERSÉS AUX ALENTOURS DE 20 HEURES.L’ODEUR NOUS A FAIT SUFFOQUER ET ON N’ARRIVAIT PLUS À RESPIRER. »UN HABITANT D'ABIDJAN, EN CÔTE D'IVOIRE

I l y a six ans, les habitants d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, ontdécouvert à leur réveil que des déchets toxiques avaient étédéversés autour de leur ville – à proximité de leurs maisons, de

leurs lieux de travail, de leurs écoles et de leurs champs. Un nouveaurapport d'Amnesty International et de Greenpeace détaille aujourd'huicomment cette catastrophe provoquée par l'homme a pu se produire.

Les déchets venaient d'Europe et appartenaient à une grandecompagnie pétrolière, Trafigura. Celle-ci a affrété un cargo, le ProboKoala, qui les a transportés jusqu'en Côte d'Ivoire en août 2006.Trafigura a passé un contrat avec une petite entreprise locale pourqu'elle transfère les déchets dans une décharge municipale à Akouédo,un quartier résidentiel de la capitale, Abidjan. Pendant la nuit, cetteentreprise nouvellement agréée a déversé plusieurs camions de déchetsdans la décharge, ainsi qu'à de nombreux autres endroits de la ville.

La population locale a souffert de symptômes comme des nausées,des maux de tête, des vomissements, des douleurs abdominales et desirritations cutanées et oculaires. Les hôpitaux et les centres médicauxont été envahis par des dizaines de milliers de personnes cherchant del'aide. Un médecin nous a déclaré que c'était « la plus grandecatastrophe sanitaire que la Côte d’Ivoire ait jamais connue. »

Récemment, Trafigura a été reconnue coupable d'exportation illégalede déchets dangereux vers la Côte d'Ivoire par un tribunal néerlandais.Elle a interjeté appel. Aucune enquête ni poursuites satisfaisantes n'ontjamais été menées contre Trafigura pour le déversement des déchetstoxiques à Abidjan. La compagnie pétrolière a conclu un accord financieravec le gouvernement ivoirien en échange de son immunité. Elle a aussitrouvé un accord à l'amiable, quelques semaines avant la tenue duprocès, dans un recours collectif déposé devant les tribunauxbritanniques. Les victimes ne disposent toujours d'aucune informationscientifique ni médicale sur les déchets et leurs conséquences.

Notre nouveau rapport montre comment les entreprises peuventencore échapper à l'obligation de rendre des comptes pour descrimes commis sur plusieurs territoires différents, comme c'est lecas dans cette affaire, et appelle les États à éliminer les faillesjuridiques qui permettent ce type de situation.

AGISSEZLisez notre nouveau rapport sur tinyurl.com/trafigura-report.

À gauche, de haut en bas : Carmelo Campos-Cruz et Helen Prejean, auteure de La Dernière Marche. Images du film sur la peine de mort réalisé en « animation de sable » par la sectioncoréenne d’Amnesty International, à voir sur tinyurl.com/death-penalty-film.

Une femme manifeste devant le palais de justice à Abidjan (septembre 2008).

© REUTERS/Thierry Goeugnon

Le 10 octobre 2012 sera la 10e Journée mondiale contre la peine de mort. Cette année,nous nous concentrerons sur les progrès accomplis dans le monde ces dix dernières annéesen vue de l’abolition de ce châtiment et sur les défis à relever. Nous exhorterons également lesgouvernements à faire un pas de plus en direction de son abolition en votant en faveur de laquatrième résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire surl’application de la peine de mort.

Amnesty International mène campagne en faveur de l’abolition de la peine de mort dans le monde depuis 1977. Depuis, de nombreux pays ont aboli la peine capitale et le nombre d'États

procédant à des exécutions a fortement diminué. Mais il reste encore beaucoup à faire. Pour savoir comment participer le 10 octobre, rendez-vous sur amnesty.org/fr/death-penalty.

Nous nous trouvons face à une situation extraordinaire, où l’État procède à des exécutionscontre la volonté du peuple.

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© 2010 Poster for Tomorrow (conception : Onish Aminelahi)

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TUNISIE

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La population de Zarzis, petite ville côtière du sud de la Tunisie, refuse de manger du poisson, affirme Nesrine Mbarka Hassan,

défenseure tunisienne des droits humains.Beaucoup de jeunes du pays ont perdu la vie

en essayant de traverser la mer Méditerranée pourrejoindre l'Europe. Les habitants pensent que lespoissons se nourrissent de leurs enfants. « À leursyeux, la mer Méditerranée est devenue un cimetière,explique Nesrine. Certaines mères ne veulent mêmepas s’approcher de la plage. D’autres y vont pourparler à leurs enfants. »

J’ai rencontré Nesrine à Lampedusa, lorsque des militants d’Amnesty International s’y sont réunis à l’occasion d’un camp international sur les droitshumains, en juillet. En 2011, les 6 000 habitants de cette petite île italienne ont vu arriver jusqu’à 1 000 migrants chaque nuit.

La même année, au moins 1 500 personnes sont mortes en mer en essayant d'atteindre l'Europedepuis l'Afrique du Nord, selon le HCR, l’agence desNations unies pour les réfugiés. Certains d'entre euxétaient apparemment des demandeurs d'asile et desréfugiés fuyant le conflit en Libye. D’autres étaientde jeunes Tunisiens souhaitant désespérémentéchapper à une vie faite de misère et de pauvreté.

Chaque année, des milliers de migrants mettent le cap sur l’Europe à bord d’embarcationsbondées et précaires, la plupart du temps sanséquipage professionnel ni équipement de sécurité, et beaucoup se perdent en mer.

L’aide aux personnes en détresse, quels quesoient leur nationalité, leur statut ou leur situation, est un principe fondamental du droit international de la mer. Or, des pays européens se sont parfoisabstenus de porter secours à des personnes ayantquitté la côte du nord de l'Afrique, ce qui semblaits’apparenter à une tentative de leur part de ne pasendosser de responsabilité vis-à-vis des migrants et des réfugiés.

Malte et l’Italie ont refusé plusieurs foisd’autoriser des personnes secourues dans les eauxinternationales par des navires privés à débarquer sur leur territoire. Dans certains cas, les autorités ont refusé de répondre à des appels de détresse et se sont transféré la responsabilité les unes auxautres, les gouvernements se perdant ainsi dans desdébats pendant que les passagers des embarcationsmouraient de soif ou se noyaient.

La plupart des migrants tunisiens sont de jeuneshommes venant du sud du pays, de zones

«LA MER EST UN CIMETIÈRE»De nombreux jeunes Tunisiens sans ressources meurent en mer en tentant désespérément d’entrer en Europe par la petite île italienne de Lampedusa. CATHERINE PELLEGRINO,chargée de campagne, en explique les raisons avec NESRINEMBARKA HASSAN, défenseure tunisienne des droits humains.

© Pieter Stockmans –Tussen Vrijheid en Geluk

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RÉFUGIÉS ET MIGRANTS

« Des voisins et des proches partent en groupe. Ils font passer le message lorsqu’une embarcations’apprête à prendre le large pour l’Europe et font le voyage ensemble, raconte Nesrine. Les famillestrouvent du réconfort dans l’idée que leurs fils ne font pas seuls la traversée. Elles éprouvent un réel sentiment de foi partagée. »

Lorsqu’un bateau ne parvient pas à destination, des villes tout entières sont en deuil. « Des funérailles ont parfois lieu pourdouze ou treize personnes de la même ville, voire du même immeuble. Quand une embarcationfait naufrage, cela peut affecter toute lacommunauté. » Des familles ignorent si leurs fils qui sont partis sont morts ou vivants. Certaines d’entre elles ont été mises en relation par Nesrine avec un collègue en Italie qui se rend dans les centres de détention avec une liste de noms, dans l'espoir de retrouver leursproches vivants.

Elle doute que les jeunes Tunisiens cessent de tenter d’atteindre l’Europe en bateau : « Nousdevons exhorter les pays européens à modifier leurspolitiques migratoires, déclare-t-elle. Pour l'instant, ils semblent plus préoccupés par la manièred’empêcher les migrants de franchir leurs frontièresque par la volonté de sauver des vies. »

AGISSEZParticipez à notre campagne pour la défense des droits humains des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés en Europe et à ses frontières sur whenyoudontexist.eu.

marginalisées sous le régime de l’ancien présidentZine El Abidine Ben Ali, explique Nesrine. « Il n’y apas d’industrie dans ces régions de Tunisie. Ce sontdes étendues désertiques, où il n’y a donc pasd’agriculture. Les jeunes ont peu d’espoir d’y trouverun emploi. Ils n’ont pas d’autre choix que de partirvers le nord, à Tunis, ou d’essayer d’atteindrel’Europe. Ils pensent : "Mieux vaut mourir en tentantsa chance que rester ici." »

Après le renversement du président Ben Ali, le 14 janvier 2011, lors des manifestations qui ontsecoué le pays, des Tunisiens ont continué de partirpour l’Europe, ajoute-t-elle. « Les jeunes ont toujoursle sentiment de ne pas avoir d’avenir en Tunisie. De fait, le flux de migrants illégaux s’est considérablementintensifié après le soulèvement. Après le départ de Ben Ali, migrer vers l’Europe est devenu unemanière d’affirmer sa liberté. »

La culture de la migration est maintenantprofondément enracinée dans la société tunisienne.

Ci-dessus, en partant de la page de gauche :Les restes d’une embarcation à Lampedusa ; photosque des migrants avaient emportées avec eux au coursde leur traversée, trouvées abandonnées dans desbateaux ; Nesrine Mbarka Hassan.

© Xander Stockmans –Tussen Vrijheid en Geluk

© Judith Quax

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SALVADOR

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Des témoins racontent que l’armée salvadoriennea assassiné de sang-froid plus de 200 civils nonarmés, ce jour-là. Les soldats ont violé plusieursfemmes et jeunes filles avant de les tuer. La Commissionvérité de l’ONU, mise en place après le conflit, a rassemblé des informations sur ce massacre. Mais malgré les éléments de preuve qui ont étéréunis, personne n’a été inculpé, jugé ou condamné.

Le conflit interne entre la junte militaire quigouvernait le Salvador et le Front Farabundo Martì de libération nationale (FMLN), une coalition degroupes de guérilleros d’extrême gauche, a débuté en 1980 et a duré 12 ans. Tandis que la répressions’intensifiait, les actes de violence se sont multipliéset de nombreux massacres ont eu lieu. Les habitantsdu département de San Vicente, comme Jesús, ontrapidement appris à craindre les militaires.

Au milieu du mois d’août 1982, l’armée a lancé une opération soigneusement préparée dansle département. À l’époque, les villages de la régionétaient principalement peuplés par des femmes, de jeunes enfants et des personnes âgées, qui étaientrestés pour s’occuper des cultures.

Après plusieurs jours et plusieurs nuits de bombarde-ments, les villageois ont entendu des rumeurs selonlesquelles des troupes terrestres allaient arriver. Desmilliers de personnes ont fui leurs maisons sous un violentorage. Les familles se sont frayé un chemin à travers la densevégétation, portant ceux qui ne pouvaient pas marcher.

« Les forces armées ont appelé cette opérationTerre brûlée parce qu’elles voulaient tout exterminer,

«Je n’avais pas conscience que je pleurais la nuit, mais ils me disaient que je pleurais.Ça m’a pris des années et des années

pour commencer à m’en remettre. Je marchais dans la rue en pleurant ; je mangeais en pleurant ; je dînais en pleurant ; je pleurais à tous les repas. »

Voilà ce que nous a dit Jesús, une femme âgée,quand nous l’avons rencontrée, en avril 2012. Sa mère,son père, son frère et son petit garçon de quatre ans ontété assassinés au cours du massacre qui a eu lieu à ElCalabozo le 22 août 1982. Elle a survécu. Aujourd’hui,elle fait partie d’un groupe qui continue de se battrepour obtenir justice de la part de l’État salvadorien.

LA VÉRITÉ NE MOURRA

PASLES SURVIVANTS ET LES FAMILLES DE VICTIMES DESMASSACRES QUI ONT EU LIEU AU SALVADOR, IL Y A 30 ANS,

REFUSENT D’ÊTRE RÉDUITS AU SILENCE ET RÉCLAMENT JUSTICE.

© Amnesty International

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IMPUNITÉ

les gens comme les animaux, nous a raconté Felicita,une autre survivante. Ils tuaient toutes les vachesqu’ils voyaient. Les chevaux, les poulets, les chiens,les chats : ils n’ont rien laissé aux habitants. Ils incendiaient les maisons, ils brûlaient tout. »

Dans la soirée du 21 août, plusieurs centaines de personnes, pour la plupart des femmes et desenfants, sont enfin arrivées sur les berges de la rivière Amatitán, qui était en crue, à l’endroitappelé El Calabozo. Elles avaient prévu de continuerleur périple après que les enfants se seraient reposés.Mais au lever du jour, l’armée est arrivée. Felicita, qui s’était cachée dans les sous-bois avec l’un de ses enfants, a décrit ce qui est alors arrivé :

« Les soldats étaient sur les hauteurs et encontrebas, pour que personne ne puisse s’enfuir, et ils ont commencé à se rapprocher. Ils n’ont pas agide telle manière que les gens puissent penser qu’ilsallaient les tuer ; ils ont simplement dit aux gens dese mettre en ligne. Certains se sont mis à hurler enleur demandant de ne pas les tuer à cause desenfants. Mais le commandant a donné l’ordre de lesabattre et j’ai entendu les cris de ces pauvres gens. »

Il est difficile de savoir combien de personnessont mortes. Selon des témoignages, les soldats

auraient versé de l’acide sur des corps et le fleuveaurait emporté de nombreux cadavres. Les survivantset les familles des victimes ont dressé une liste de200 personnes portées disparues, parmi lesquellesdes nourrissons et des grands-parents.

À la fin du conflit, en 1992, les personnes quiavaient fui leur foyer ont commencé à retourner à San Vicente. Les survivants et les familles, avecl’aide des autorités, ont monté un dossier, espérantque justice soit rendue aux victimes. Mais malgré les éléments de preuve et les témoignages directs, les tribunaux ont classé l’affaire en 1993.

Depuis, les familles des victimes et les survivantsse battent pour que la justice se penche sur cetteaffaire. À chaque fois que le dossier a été rouvert, il s’est heurté à de nouveaux obstacles juridiques.Certains ne peuvent plus attendre. « Certainespersonnes sont déjà mortes de vieillesse, a déclaréleur avocate, Claudia Interiano. C’est comme s’ilsattendaient que les survivants des massacresmeurent pour que le problème disparaisse. »

Le passé est toujours extrêmement présent au Salvador. Des personnes accusées d’avoir étéimpliquées dans des massacres comme celui d’El Calabozo occupent encore des postes influents. Et les affaires traînent inexplicablement en longueurpendant des décennies dans le contexte d’unsystème judiciaire qui a, à maintes reprises, faitdéfaut aux victimes. Presque aucun de ceux qui ont ordonné ou perpétré les tueries, les actes de torture et les agressions sexuelles ayant fait environ 75 000 morts au cours de ce conflit n’a eu à répondre de ses crimes.

Selon Carolina Constanza, directrice du Centrepour la promotion des droits humains MadeleineLagadec, l’absence totale de reconnaissance par l’État de la tuerie d’El Calabozo ainsi que l’absenced’engagement envers les survivants et les familles

des victimes sont le signe de l’indifférence du gouvernement : « Personne ne se souvient des victimes ; elles ne sont pas à l’ordre du jour du gouvernement. »

« Les familles et les communautés demandentjustice et réclament la vérité. Ceux qui, comme nous, les accompagnent demandent à l’État de reconnaître lavérité et de trouver un moyen d’apporter réparation auxvictimes », nous a-t-elle dit. Le fait que le gouvernementactuel ait officiellement endossé la responsabilité d’unautre massacre, perpétré dans le village d’El Mozote, et lancé un programme pour dédommager lacommunauté touchée a fait naître une lueur d’espoir.

Les personnes assassinées à El Calabozo netomberont pas dans l’oubli. Le 22 août dernier, desproches de victimes, des survivants, ainsi que descentaines d’autres personnes se sont réunis denouveau dans une église située non loin du lieu dumassacre. Chaque année, ils parcourent le cheminardu pris par les victimes en cette nuit de désespoir il y a 30 ans, pour arriver au mémorial érigé sur lesberges de la rivière.

Les noms des victimes y sont gravés en témoignage du combat contre l’impunité. Ce monument rappelle à ceux qui ont organisé,commis ou tenté de dissimuler les meurtres quele temps n’effacera pas leurs actes. Les survivants ne seront pas réduits au silence. La vérité ne mourra pas.

Comme le souligne Felicita : « Nous luttons etnous travaillons depuis longtemps, inlassablement.Nous ne nous arrêterons que lorsque justice aura été rendue aux victimes. »

AGISSEZSignez et envoyez la carte postale en encart demandant au président du Salvador de traduire en justice les responsablesdu massacre d’El Calabozo.

Page de gauche : Des survivants et des proches desvictimes sur le chemin désormais très fréquenté quimène à l’endroit, au bord de la rivière, où a eu lieu le massacre en 1982.Ci-dessous, de gauche à droite :Le monument commémoratif du massacre d’ElCalabozo. Trente ans après les faits, les proches etsurvivants maintenant âgés, comme ces quatre femmes,poursuivent leur combat pour la justice ; Jesús avec un portrait de son père, tué par l’armée à El Calabozo.

© Amnesty International

© Amnesty International

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KOWEÏT

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«L e terme bidun vient de bidūn jinsiyya, qui signifie « sans nationalité » en arabe.Les bidun sont, presque littéralement, les

« démunis » du Koweït, où ils n’ont pas accès auxservices de base alors que la richesse par habitant dupays est l’une des plus élevées au monde. Ils doiventvivre, pour ainsi dire, comme s’ils n’existaient pas.

Nawaf est apatride, bien que sa famille vive au Koweït depuis trois générations. Nous l’avonsrencontré à l’occasion d'une visite dont le but étaitd’enquêter sur des violations des droits humainscommises au début de l’année dans le pays. Il faitpartie de la Société koweïtienne des droits humainset il est un membre international d’AmnestyInternational.

Depuis peu, la voix des bidun se fait entendreplus vivement. Lassés de vivre dans la pauvreté sanspouvoir en sortir, ils organisent des manifestationsmassives depuis février 2011, inspirées du « printempsarabe ». Des milliers d’hommes et de femmes exigentde devenir des citoyens koweïtiens. Ils veulent êtreintégrés dans la seule société qu’ils connaissent, et qui est la leur depuis si longtemps.

Les forces de sécurité du gouvernement ontréprimé leurs manifestations et ont procédé à desarrestations. Abdullah Atallah Daham, 25 ans, nous araconté qu'à l’issue d’une manifestation, l’an dernier,il avait été frappé et suspendu dans une positiondouloureuse. Il a été maintenu en détention à la prisoncentrale du Koweït pendant 75 jours avant d’êtrelibéré sous caution en mars, avec 32 autres personnes.Ils ont été accusés notamment de participation à un « rassemblement illégal » et leur procès est en cours.

Bandar al Fadhli, 30 ans, m'a déclaré avoir étéarrêté six fois, dont une où il a été battu et roué decoups pieds. Lorsqu'il a demandé à aller aux toilettes,on lui a dit de souiller ses vêtements. De touteévidence, les autorités koweïtiennes ont voulu punirces hommes pour l’exemple, mais aucune enquêten'a encore été menée sur leurs allégations de torture.

Les tenants et les aboutissants de l’histoire des

bidun sont complexes. Un grand nombre d’entre euxsont les descendants de tribus nomades de Bédouinsqui se déplaçaient librement d’un pays du Golfe àl’autre. Leurs ancêtres n’ont pas demandé leurnaturalisation lorsque le Koweït est devenu indépendantde la Grande-Bretagne, en 1961. Certains d’entre euxétaient illettrés ou ne comprenaient pas le concept denationalité. D’autres refusaient d’abandonner leur modede vie séculaire pour appartenir à un pays, quel qu’il soit.

Dans les années 1980, les bidun ont été tenuspour responsables d'une série d’attentats, ce qui leur a valu d’être expulsés des écoles publiques, de sevoir refuser l’accès gratuit aux services de santé etd’être interdits de certains postes de la fonctionpublique. Ils ont été déclarés « résidents illégaux », lesresponsables du gouvernement affirmant que la plupartd'entre eux étaient des ressortissants des pays voisinsqui avaient détruit leurs papiers pour revendiquer la nationalité koweïtienne et ses avantages.

À la libération du Koweït, après l’occupationirakienne de 1990-1991, de nombreux bidun ontété soupçonnés d’avoir collaboré avec l’ennemi.Ceux d'entre eux qui travaillaient dans l'armée, lapolice ou la fonction publique ont alors perdu leuremploi. Bien souvent, ils se sont retrouvés à vivredans des conditions misérables, dans desbidonvilles, en marge de la société.

Les bidun voient dans la nationalité koweïtienne laclé d’une vie meilleure, en ce qu’elle leur permettraitde bénéficier de la gratuité de l’éducation et des soinsmédicaux et d’un accès au marché du travail. Bushayer,jeune femme bidun, nous a confié, en larmes,qu’elle avait abandonné tout espoir de faire des études supérieures. Elle avait été admise à l’université et avait fait des économies pour payer les frais élevés de scolarité, mais la pièced’identité délivrée par le gouvernement est ensuitearrivée à expiration. Sa vie a alors été mise entreparenthèses, car elle ne sait pas quand le gouvernementrenouvellera ses papiers, ni même s'il le fera.

Tous les bidun doivent avoir une pièce

d’identité pour obtenir leur permis de conduire, faire un emprunt, passer un examen médical ou aller à l’école, entre autres besoins élémentaires. Or, ces documents sont provisoires et lorsqu’ilsarrivent à expiration, au bout de deux ans, rien ne garantit qu’ils soient renouvelés. Un grandnombre des personnes déposant une demande de renouvellement se heurtent à un « blocage de sécurité » défini en termes vagues, sansexplication. Beaucoup disent que l’institutionresponsable, l’agence centrale en charge de remédier à la situation des résidents illégaux, ne fait qu’étouffer leurs espoirs au lieu de les aider à résoudre leurs problèmes.

Les femmes bidun ressentent très fortementcette discrimination. Les familles n’ayant pas lesmoyens d’envoyer tous leurs enfants à l’écolechoisissent d’éduquer leurs fils et scolarisent leursfilles tour à tour, une année sur deux. Enferméeschez elles, sans éducation ou presque, ces jeunesfilles ont peu de perspectives sur le marché dutravail. Se marier avec un homme riche est pourelles le seul moyen d’échapper à la pauvreté etd’éviter de devenir un fardeau. Bushayer et sonamie, Nadia, nous ont affirmé que certainesfemmes choisissent maintenant de ne pas se marieret de ne pas avoir d'enfants, uniquement pouréviter que ce cycle du désespoir ne se répète.

« Nos maisons sont petites et les filles finissentsouvent par dormir sur le sol de la cuisine, expliqueNadia. Nous n’exprimons pas réellement notrecolère face à cette situation. Nous avons appris à espérer peu et à n’aspirer à rien. On nous dit de nous contenter de ce que nous avons. » Elle et Bushayer ont le sentiment de ne pas pouvoir,en tant que femmes, participer aux manifestations.« Mais grâce à Twitter, après 50 ans de silence,nous pouvons crier, maintenant », souligne Nadia.

Jusqu’à présent, les dirigeants du Koweït ontfait la sourde oreille aux appels à la justice desbidun. Plus de 100 000 bidun vivent au Koweït

PRIVÉS DE TOUT AU KOWEÏTAPRÈS 50 ANS DE SILENCE, LES BIDUN RÉCLAMENT HAUT ET FORT LEUR DROIT À LA NATIONALITÉ KOWEÏTIENNE. PAR SIMA WATLING, CHARGÉE DE CAMPAGNE

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KOWEÏT

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PRIVÉS DE TOUT AU KOWEÏT

Ci-dessus : Certificat de naissanceappartenant à une jeune fille bidun.Comme tous les papiers d’identitédes bidun, il n’a de valeur juridiqueque s’il est approuvé par uneinstance gouvernementale centrale,à l’issue d’une procédure arbitrairepouvant donner lieu à tous les abus.

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© Ilenia Piccioni | Molo7 Photo Agency

Ci-contre : L’athlète sourd Ali Shamkhi Al Fadly, un bidunde 24 ans, pose sur la place de la Liberté à Taima. Il a représenté le Koweït lors d’un championnat des pays arabes pour les personnes malentendantes,organisé en Tunisie en mars 2011. Son équipe y a remporté 20 médailles. Mais parce qu’il est bidun, Ali n’a pas accès aux services qui l’aideraient dans sa carrière d’athlète, et il ne peut pas se faire enregistrercomme personne handicapée. On ne lui accorde unpasseport que pour concourir dans des événementssportifs à l'étranger ; les autorités koweïtiennes le lui confisquent le reste du temps.

mais le gouvernement affirme que seuls 34 000d'entre eux peuvent espérer obtenir la nationalité.

Dans le même temps, la barre est placée de plus en plus haut pour ceux qui demandent à être naturalisés. Les familles doivent prouverqu’elles étaient au Koweït lors du recensement de 1965, qu’elles ont vécu dans le pays de façonininterrompue ou que leurs proches ont fait leurservice militaire ou civil. Ces derniers temps, lescritères de décision semblent souvent se réduire auxcontacts et à l’influence personnelle des candidats.

Depuis un demi-siècle, les bidun sont plongés dansl’incertitude. Le seul moyen d’en sortir serait que lesautorités manifestent la volonté politique de résoudreleur situation une bonne fois pour toutes. Pour ce faire,elles pourraient simplifier dans une large mesure lescritères d’attribution de la nationalité et les rendre plus équitables, et protéger tous les droits humains des bidun sans aucune discrimination, en particulierleurs droits à la santé, à l´éducation et au travail. Ellesdevraient également permettre à des personnes commeNawaf, Bushayer et Nadia de contester leur statutd’apatride devant les tribunaux, au lieu de les laisser se heurter au refus aléatoire d’une institutionimpersonnelle, pour des motifs inconnus.

Le Koweït dispose des spécialistes juridiques et des défenseurs des droits humains nécessairespour que les bidun cessent d’être privés de tout.Les bidun ne peuvent pas attendre encore 50 anset leurs appels au changement sont de plus en pluspressants.

AGISSEZPour en savoir plus sur les bidun, rendez-vous sur http://tinyurl.com/kuwait-bidun

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CHYPRE

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«I ls nous traitent comme les pires descriminels. » Voilà ce qu’indique l'une des nombreuses lettres que nous ont

remises il y a peu des personnes détenues au poste de police de Lakatamia et dans la section 10 de laprison centrale de Nicosie, à Chypre. « On ne nousgarde ici que pour des questions de visas, noussommes des demandeurs d'asiles et des réfugiés. »

Ils sont plusieurs centaines à être détenus dansces lieux sans avoir commis aucun crime, pour laseule raison qu’il n’existe à Chypre aucun autre lieude détention pour migrants. La plupart de cesdétenus sont en attente d'une expulsion. D'autres,comme les ressortissants syriens, attendent toutcourt, les troubles actuels en Syrie ayant entraîné lasuspension des expulsions vers ce pays.

Les personnes que nous avons rencontrées ontfui la guerre, les persécutions ou la misère dans leurpays ; elles viennent notamment d'Iran ou des quatrecoins de l'Afrique et de l’Asie. Cela fait des mois, voiredes années, qu’elles sont détenues là. Dans leurscellules sales et exiguës, certains prisonniers ontentamé une grève de la faim ou tenté de se suicider.

L’un d’entre eux écrit qu’ils n’ont « aucun moyend’avoir de l’air frais ou de faire de l’exercice, pas de lumièredirecte du soleil, ni télévision ni radio et aucun moyen delaver [leurs] vêtements ». Les familles sont souventséparées : « Mon fils souffre de dépression et ma femmed’un stress insupportable », écrit l’un des prisonniers.

Chypre enfreint le droit international relatif auxdroits humains, qui stipule que les migrants ensituation irrégulière ne doivent être détenus qu’endernier recours. L’assistance juridique gratuite esttrès difficile à obtenir et rares sont les personnes quiparviennent à contester la légalité de leur détention. Il existe même des cas où des personnes n’ont pasété libérées alors que la Cour suprême a jugé leurdétention illégale.

Cette situation est tout simplement inacceptable.« Je suis un être humain et j’ai des droits », écritl’auteur d’une de ces lettres.

AGISSEZDemandez aux autorités chypriotes de cesser de traiter les migrants en situation irrégulière comme des criminels, et exhortez-les à :n mettre en place des lieux de détention adaptés ;n respecter les normes internationales relatives aux droits humains en ne recourant à la détention qu’en dernier ressort ;n respecter toujours les décisions de la Cour suprême ordonnant la libération de détenus.

Envoyez vos appels à : Eleni MavrouMinister of InteriorMinistry of InteriorDimostheni Severi Avenue 1453 Nicosia - Chypre

Lettre adressée à Amnesty Internationalpar un homme détenu à Chypre, quidénonce sa situation et ses conditionsde détention.

© Amne

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CHYPRE : CHÂTIMENT SANS CRIME

TIRER LE SIGNAD’ LARMÀ L’ÈRE DNUMÉRIQ

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LA TECHNOLOGIE ET LES DROITS HUMAINS

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LES NOUVELLES TECHNOLOGIES, UTILISÉES DE MANIÈRE CRÉATIVE, PEUVENT PERMETTRE DE PROTÉGER LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

V ous écrivez un blog dans lequel vous critiquezla police et les forces de sécurité de votre pays,qui s’en prennent aux défenseurs des droits

humains et les arrêtent. Des personnes que vousconnaissez personnellement ont été emmenées parces services, n’ont pas eu droit à un procèséquitable et ont parfois été torturées. Leurs famillesn’ont plus de nouvelles d’elles depuis des semaineset ne savent même pas si elles sont en vie. Cesderniers temps, les services de sécurité surveillentvos moindres mouvements. Vous craignez qu’ilsviennent vous chercher, vous aussi. Le cas échéant,vous voulez avertir les gens rapidement etfacilement, tant que vous pouvez encore le faire.

Pour nombre de personnes qui défendent lesdroits humains, ce scénario est on ne peut plusréel. C’est pourquoi Amnesty International pilote unprojet visant à élaborer de nouveaux outilsnumériques pour protéger les militants. Au débutde l’année, nous avons co-organisé un « hackathon »avec IDEO, une importante société de conseil endesign et innovation. Un hackathon permet à desconcepteurs de sites et de logiciels de collaboreravec des spécialistes de domaines donnés pourrésoudre des problèmes spécifiques.

Leur mission : utiliser la technologie pour aiderles militants des droits humains qui risquent d’êtreillégalement placés en détention. Neuf concepts ontété retenus sur plus de 320 propositions. L'une dessolutions sur lesquelles travaille actuellement AmnestyInternational est une application pour téléphoneportable que les personnes peuvent activer d’unseul clic en cas de risque d’arrestation imminente.

L’application permettra d’envoyer d’urgence desinformations aux amis, à la famille et aux contactsimportants en tapotant simplement l’écran de sontéléphone portable. À l’avenir, il sera certainementpossible de déclencher toute une chaîned’événements de cette manière, y compris d’envoyersa position GPS à ses contacts, de leur demanderd’effacer ses fichiers informatiques ou de publier des messages prérédigés sur Twitter et Facebook.

« Ce sont les avantages du développement deslogiciels libres, explique Tanya O’Carroll, chargée de projet Technologie et droits humains, qui dirigel’initiative d’Amnesty International avec notredirecteur du programme Communicationsnumériques, Owen Pringle. Quand l’application"alerte" sera disponible, elle pourra en effet êtrereprise par d’autres et modifiée afin de créer unemultitude de nouvelles variantes adaptées à larégion, aux problèmes et aux besoins. De cettemanière, la surveillance exercée par les autoritésest rendue plus difficile et les militants disposentdirectement d’un moyen d’action. »

Ces idées s’inscrivent dans une tendancecroissante qui consiste à associer les nouvellestechnologies et le militantisme. Ainsi, l’organisationkenyane Ushahidi (qui signifie « témoignage » enswahili), contribue à diffuser des témoignages visuelsauprès de très nombreuses personnes. Pour ce faire,

elle utilise un service qui relie les informationscommuniquées en temps réel à une localisation surGoogle Maps, au moyen d’un SMS ou du web. Celapermet en soi d'améliorer la surveillance de la partdu public, mais aussi d’indiquer aux autres militantsles secteurs sur lesquels concentrer leurs efforts ou même ceux à éviter, pour leur sécurité.

Des concepts identiques sont largement utiliséspour protéger les droits humains. Au Burundi, auKirghizistan et au Mexique, Ushahidi a signalé desfraudes électorales. Au Bangladesh, Bijoya rassembledes informations sur les agressions contre desfemmes. Au Nigeria, le Security Tracker dénonce lescrimes de toutes sortes. Le projet eyesonsyria.org dela section des États-Unis d’Amnesty Internationalenregistre les violations des droits humainscommises en Syrie. Le LRA Crisis Tracker, enfin,fournit des informations sur les attaques et lesviolences perpétrées par l’Armée de résistance duSeigneur (LRA) en Afrique centrale depuis 2009.

Les réseaux numériques offrent de nouvellespossibilités mais ils créent aussi de nouveaux risques.« Les personnes en danger ne doivent pas êtreexposées à des risques supplémentaires à cause destechnologies numériques, qui peuvent être utiliséespour les identifier ou les retrouver », explique SherifElsayed Ali, responsable du programme Droits desréfugiés et des migrants à Amnesty International.

Par conséquent, la sécurité et la confidentialitédes données constituent l’une des grandes lignesdirectrices du projet, et un élément essentiel pris encompte par les participants du hackathon organiséen juin 2012 par Random Hacks of Kindness(RHoK) à Berlin et San Francisco, entre autres. Toutela difficulté consistait à trouver un moyen d’utiliserla technologie pour surveiller les atteintes auxlibertés fondamentales des réfugiés et des migrantssans compromettre leur sécurité ou leur identité.

À San Francisco, des militants ont mis au pointun réseau en ligne permettant aux migrantsd'envoyer des messages à leurs amis et à leurfamille, où qu'ils se trouvent. Une variante est déjàen train d’être créée pour les migrants qui passentpar les refuges du Mexique. Ils disposeront ainsid’un espace en ligne sécurisé pour rester en contactavec leurs proches. Cet outil peut également servirà échanger des informations précieuses sur lestrajets qui sont sûrs et ceux qui ne le sont pas etsur les endroits où trouver facilement de l'eau sur le chemin ; il permet aussi de savoir où et quand un migrant s’est connecté pour la dernière fois s’il est porté disparu.

Nous espérons que les premiers prototypespourront bientôt être testés dans des conditionsréelles. L’utilisation créative des nouvellestechnologies peut permettre de sauver la vie de personnes menacées d’atteintes à leurs droitsfondamentaux. Cela représente en outre pourAmnesty International la première étape d’unerévolution dans la manière d’utiliser la technologieafin de protéger les droits humains.

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AVEZ-VOUS REÇU UNE RÉPONSE DE LA PART D’UNGOUVERNEMENT OU D’UNE PERSONNE EN DANGER ?Si vous recevez une réponse à un appel publié dans Le Fil veuilleznous en faire part. Envoyez votre récit et des photocopies ou scansde toute correspondance à [email protected] ou à l’adresseindiquée en deuxième de couverture.

Ronak Safazadeh, qui appartient à la minorité kurded’Iran, a été libérée le 10 mai 2012. Elle avait été arrêtéele 9 octobre 2007, le lendemain du jour où elle avaitrecueilli des signatures pour la campagne Un million designatures (également appelée Campagne pour l’égalité)visant à mettre fin à la discrimination à l’égard desfemmes dans le droit iranien. Nous l’avons considéréecomme une prisonnière d’opinion car elle était détenueuniquement à cause de son travail en faveur des droitsdes femmes et du peuple kurde en Iran.

Même s’il est prévu qu’elle passe les cinq prochainesannées sous le régime de la mise à l'épreuve, RonakSafazadeh poursuit ses études universitaires commencéesen prison. Sa mère a adressé ses remerciements à nosmembres pour le soutien apporté à sa fille.

Narayana Reddy, un militant indien, a été libéré sous caution après cinq moisd’emprisonnement. Il participe à une campagne contre le projet d’acquisitionpar l’entreprise sud-coréenne POSCO des terres collectives exploitées par lesagriculteurs de la région, dans l’État d’Orissa en Inde ; la société prévoit d’yconstruire une aciérie. Nous sommes convaincus que les éléments à chargequi pèsent sur lui ont été fabriqués de toutes pièces pour réduire au silencela campagne en cours.

« Des milliers de gens m’ont écrit. Ça a été extrêmement important, nonseulement pour mon moral, mais aussi pour me tenir au courant des questionsrelatives aux droits humains dans le monde entier. Le fait de dire que j’ai étéinjustement incarcéré a été très important. J’ai reçu de très nombreuseslettres. Je recevais plus de courrier que l’ensemble des autres détenus. »

Binayak Sen, militant et ancien prisonnier d’opinion, s’adressant aupersonnel d’Amnesty en juin 2012. Il a été condamné à la réclusion àperpétuité pour des motifs politiques en décembre 2010 et libéré sous cautionen avril 2011. La justice n’a pas encore rendu de décision à son sujet.

Wenceslao Mansogo Alo, qui avait été condamné à trois ans d’emprisonnementpour négligence professionnelle, venait de passer plusieurs semaines enprison en Guinée équatoriale quand il a été libéré, le 6 juin, à la suite d’une« grâce » présidentielle. Les charges retenues contre lui ont manifestementété motivées par des considérations politiques. Ce médecin est un éminentdéfenseur des droits humains et est membre du seul parti d’oppositionindépendant de Guinée équatoriale.

La « grâce » ne porte pas sur la partie de la condamnation qui l’obligeà payer des dommages et intérêts ainsi qu’une amende, et qui lui interdit depratiquer la médecine pendant cinq ans.

Wenceslao Mansogo Alo a fait appel devant la Cour suprême de sacondamnation et de la peine qui l’accompagne, après le procès. Il a décidé depoursuivre son appel malgré la « grâce ». Il adresse ses remerciements auxmilitants d’Amnesty pour les actions qu’ils ont menées en sa faveur, parmilesquelles une campagne de rédaction de lettres. Nous continuons dedemander que les peines restantes soient levées.

Khun Kawrio (voir les appels mondiauxde mars/avril 2012) fait partie de lavingtaine de prisonniers politiques quiont été libérés au Myanmar le 3 juillet2012. Ce jeune militant avait été torturéet s’était vu refuser des soins médicauxau cours de son interrogatoire.

Des centaines d’autres prisonnierspolitiques sont toujours incarcérés auMyanmar. Nous estimons que nombred’entre eux sont des prisonniersd’opinion qui doivent par conséquentêtre libérés immédiatement et sanscondition. Tous les autres prisonnierspolitiques doivent pouvoir être jugésdans le cadre d’un procès équitablepour une infraction internationalementreconnue ou, à défaut, être relâchés.

UN MILITANTOPPOSÉ À UN PROJET D’ACIÉRIE LIBÉRÉ SOUS CAUTION LIBÉRATION DE KHUN KAWRIO

L’IRAN LIBÈRE UNE MILITANTE DES DROITS DES FEMMES

« DE TRÈS NOMBREUSES LETTRES »

UN MÉDECIN LIBÉRÉ

VOS LETTRES CHANGENT DES VIES

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Generation Youth (KNGY)

BONNES NOUVELLES & FAITSNOUVEAUX

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Des militants du monde entier ont fait campagne avecdétermination en faveur d’un traité sur le commercedes armes (TCA) cette année. Alors qu’un tel accordaurait représenté une étape charnière pour le contrôledu commerce des armes, il a été repoussé par laRussie, la Chine et les États-Unis en juillet 2012. Mais cet objectif reste atteignable. Le texte du projetde traité sera probablement renvoyé devant l’Assembléegénérale des Nations unies en octobre.Grande photo : Action de rue organisée à Berne par la section suisse d’Amnesty International en juin 2012,dans le cadre de la campagne Contrôlez des armes.Ci-dessus : Militants de la coalition de la campagneContrôlez des armes allongés dans de faux sacsmortuaires devant le siège des Nations unies à New York, aux États-Unis, le 2 juillet 2012. À gauche : La créatrice de mode Vivienne Westwood.

© Valérie Chételat

© Reuben Steains/Amnesty International

© Control Arm

s Coalition/And

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«UNE PETITE TOUCHE DEGENTILLESSE SUFFIT

À SOULAGER UN CŒUR LOURD. LA GENTILLESSEPEUT CHANGER

LA VIE DES PERSONNES.»AUNG SAN SUU KYI

DISCOURS D'ACCEPTATION DU PRIXNOBEL DE LA PAIX 2012

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