le fabuleux destin de lü wendong

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UNIVERSITE DE PROVENCE AIX-MARSEILLE I DEPARTEMENT D’ETUDES CHINOISES 2004 Christiane ROLANDO Le fabuleux destin de Lü Wendong (Une approche du système des concours mandarinaux à partir d’un conte du XVIIe siècle) (extraits) “Les concours mandarinaux”, p. 66 - 138 “Annexes” (ext.), p. 149 - 171 & 181 - 185. “Bibliographie” (ext), p. 140 - 147 + “Complément bibliographique” (PK, 30/1/2005) Mémoire de Maîtrise de Langue et Civilisation Chinoises sous la direction de M. Pierre KASER SIND05/1 - SINZ22/2 • Complément, page 1 Christiane ROLANDO • “Le fabuleux destin de Lü Wendong” (Une approche du système des concours mandarinaux à partir d’un conte du XVIIe siècle) (extraits)

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Page 1: Le fabuleux destin de Lü Wendong

UNIVERSITE DE PROVENCE AIX-MARSEILLE IDEPARTEMENT D’ETUDES CHINOISES

2004

Christiane ROLANDO

Le fabuleux destin de Lü Wendong(Une approche du système des concours mandarinaux

à partir d’un conte du XVIIe siècle)

(extraits)

“Les concours mandarinaux”, p. 66 - 138“Annexes” (ext.), p. 149 - 171 & 181 - 185.

“Bibliographie” (ext), p. 140 - 147+

“Complément bibliographique” (PK, 30/1/2005)

Mémoire de Maîtrise de Langue et Civilisation Chinoisessous la direction de M. Pierre KASER

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Les concours mandarinaux 1

白 苧 千 袍 入 嫩 凉春 蚕 食 叶 响 长 廊禹 门 已 准 桃 花 浪月 殿 先 收 桂 子 香鹏 北 海 凤 朝 阳又 携 书 剑 路 茫 茫明 年 此 日 青 云 去却 笑 人 间 学 子 忙

Qin Qiji (1140-1207)

Toile blanche : mille tuniques en tendre fraîcheur entrant,Bruissement des vers à soie au printemps,Rongeant les feuilles par les longues galeries ;Aux portes de Yu on se prépare déjàPour les vagues chargées de fleurs de pêcher ;Au Palais de la Lune, par avance,On recueille le parfum du cannelier,L’oiseau Peng va vers le nord, 2 Le Phenix va vers le soleil, 3 Et une fois de plus les candidats,Avec livres et sabre, partent sur les routes.

1 Dans les traductions le terme d'examens mandarinaux est souvent rencontré ; étant données la sélectivité de ce type d'épreuve et l'existence de quotas, le terme de “concours” paraît beaucoup plus approprié. Les anglo-saxons parlent de “civil examination”.2 Un homme de talent ayant une magnifique carrière devant lui est assimilé à l’oiseau Peng déployant ses ailes.3 Oiseau Peng et Phenix désignent “la vertigineuse ascension des lauréats aux yeux du commun des mortels” (A. Lévy).

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L’an prochain en ce jour, ceux qui, nuages altiers,Auront choisi la solitude,Ceux-là riront de bon coeur, eux,De l’affairement des candidats ici-bas !

Ce poème de Qin Qiji (1140-1207) traduit par Jacques Dars dans les Contes de la Montagne sereine (op.cit.), résume en quelques vers le système des concours : l’ambiance fébrile, le bruissement des pinceaux sur les copies, l’espoir du succès, la solitude de la retraite de ceux qui renoncent...

Historique

Le système des concours mandarinaux (keju zhidu 科举制度) est fondé sur la double préoccupation moraliste confucéenne d’une part de permettre aux sages dispersés dans l'Empire d'apporter au Prince une contribution au bien général en lui soumettant des propositions de bon gouvernement et d’autre part, pour le Prince, de s'entourer des meilleurs éléments “sous le ciel”, fonctionnaires qui ne sauraient être issus nécessairement des classes supérieures. On ne peut d'ailleurs évoquer le système des concours mandarinaux sans faire mention de la puissance et du rôle du corps des fonctionnaires, les “mandarins” (guan 官).

Le système politique chinois s'appuie sur une hiérarchie de fonctionnaires choisis, rétribués et révocables, soumis au contrôle du pouvoir central. Dès l'Empire, l'Administration constituait un corps relativement autonome composé de l'élite intellectuelle de la société destiné à faire contrepoids aux factions qui se formaient à la cour (eunuques, familles des impératrices, généraux... ) ainsi qu'au pouvoir arbitraire des empereurs.

La question était de distinguer et de choisir les individus intellectuellement et moralement supérieurs. Confucius préconisait déjà de sélectionner les membres de la classe dirigeante sur la base de leur mérite individuel mais en offrant à tous la même opportunité d'éducation. Ce mérite individuel, comment l'évaluer ?

Sous les Han (206 BC-220 AD), le recrutement des fonctionnaires se faisait sur la base du système des recommandations d'hommes connus pour des qualités de quatre catégories :

- xiaoti litian (孝悌力田) : piété filiale, amour fraternel, zèle et compétences,

- xiaolian (孝廉) : piété filiale et incorruptibilité,

- xiucai (秀才) ou maocai (茂才) : talent inhabituel ou excellence,

- xianliang fangzheng (贤良方正) et wenxue (文学) : caractère honnête capable de remontrance candide ou homme de grand savoir.

Il apparaît donc sous les Han un nouveau type de fonctionnaire, le zhong zheng (中正), appointé pour chaque préfecture et dont la fonction est de contrôler les recommandations, d'examiner

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et de placer les hommes de valeur dans les neuf degrés du mandarinat (jiu pinguan 九品官). En fait, le système des recommandations permettait aux familles de lettrés déjà en poste et aux hauts fonctionnaires de contrôler la sélection. En outre, la noblesse maintenait son pouvoir en s'assurant que les candidats éligibles provenaient de l'aristocratie du cru. Ce système de recommandation aux mains des pouvoirs locaux constituait donc une menace pour le pouvoir central. Toutefois, sous les Han existait déjà un examen : pour être boshi (搏士) à l'Académie impériale (taixue 太学), il fallait se soumettre à un examen sur un Classique. L'Académie impériale, fondée pour assurer la transcription des textes orthodoxes, comportait un certain nombre d'érudits chacun étant spécialiste d'un Classique. Ces examens sur les Classiques ont débuté sous les Han occidentaux (xihan 西汉) en 134 BC sous

l'Empereur Yuanguang (元光) et se sont déroulés de façon irrégulière jusqu'en 36 AD. Auparavant, les empereurs interrogeaient fréquemment les candidats à l’Académie sur des questions politiques. Avec l'apparition d'un examen écrit, les questions sont notées sur des fiches de bambou (cewen 策问),

les candidats répondant également sur des fiches de bambou (duice 对策). Sous les Han, seulement trente-six lettrés réussirent cette épreuve. Ces questions de politique destinées à sélectionner les candidats à un poste de fonctionnaire furent reprises ultérieurement (dynasties Tang, Song, Yuan, Ming et Qing) lors du concours du Palais (tingshi 廷试 ou dianshi 殿试), dernière épreuve pour les

candidats au doctorat (jinshi 进试). Après 132 AD, c'est le système de recommandation officielle qui prévaut pour l'accès aux

postes de fonctionnaire. Le gouvernement central a donc peu de contrôle sur les candidats qualifiés, tendance qui s'accentue après la chute des Han en 220 du fait de la décentralisation du pouvoir.

C'est en 606, sous les Sui (589-618), ère daye (大业) de l'Empereur Yangdi (炀帝), qu’est institué le système des concours. Sous les Tang (618-907) et particulièrement sous les Empereurs Gaozu (高祖, règne 618-626) et Taizong (太宗, règne 627-650), le système est amélioré. A cette

époque, les deux grades importants sont le mingjing (明经) et le jinshi (进士). Le concours donnant

accès au mingjing exige une mémorisation extrêmement poussée 4 des Classiques et comporte une interprétation orale et des essais. On peut citer des exemples de sujets au concours de mingjing sous les Tang : tiejing (帖经) à partir d’une phrase extraite d'un Classique, on demande aux candidats soit de reconstituer le texte entier de mémoire, soit d'écrire les caractères manquants dans des blancs laissés dans le texte. On pouvait également demander de donner la phrase suivante à celle lue à haute voix, technique de test connue sous le nom de moyi (墨义). Outre les Classiques, le Daodejing était au programme des concours, mais les questions politiques sur le Taoïsme, apparues en 675, furent abrogées en 763. Le jinshi (进士) demande aux candidats un minimum de réflexion personnelle pour la rédaction des essais supplémentaires sur la politique ou l’administration, supprime l’oral, source de favoritisme, et introduit la poésie. Seul le jinshi va subsister, mais il est particulièrement sélectif (trente 4 A tel point que les lauréats du mingjing passaient pour des perroquets aux yeux de leurs contemporains.

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lauréats par an). Les candidats passent d'abord un examen de qualification (ju 举) qui exige des talents

littéraires. Il leur faut subir ensuite, pour intégrer la carrière officielle, une sélection (xuan 选) qui teste leur personnalité et détermine le niveau de leur recrutement. Le maintien, l'éloquence, la calligraphie et le savoir juridique sont des critères de sélection. Le terme de xuanju (选举) désigne le processus de qualification et de nomination.

L'Impératrice Wu Zetian (武则天, règne 684-704) a parfaitement perçu l’intérêt d'une bureaucratie recrutée grâce à des concours ouverts pour contrebalancer le pouvoir de l'aristocratie. Comme l'écrit Jacques Gernet (1980, op. cit.) : “Cette institution qui devait avoir dans le monde chinois une influence si considérable fut d'abord une arme politique aux mains de l'Impératrice Wu Zetian” (p. 225). Ainsi les concours, qui n'avaient jusqu'alors joué qu'un rôle secondaire dans le recrutement et la promotion des fonctionnaires, furent organisés de façon systématique à partir de 669. Il existait déjà à cette époque, nous l’avons vu plus haut, différents types de concours (érudition classique, droit, histoire de l'écriture, mathématiques, capacités militaires avec épreuves de tir et de force physique), mais le plus prestigieux et le plus couru était le jinshi, concours de culture générale et d'aptitude à la rédaction qui comportait également une épreuve de poésie. Après 690, quand le concours du Palais fut introduit officiellement par Wu Zetian, les questions reflétaient une tendance vers la Culture et les Belles Lettres (zawen 杂文) avec différents types de poésie (shi 诗, fu 赋, song

颂).Cependant, des relations de type “patron/client” s'établirent rapidement entre les examinateurs

et les diplômés susceptibles d'accéder à une fonction. Tant que les sélections et les nominations furent sous le contrôle du Ministère de la Fonction Publique (libu 吏部), les examinateurs furent très

puissants mais lorsqu'en 737 intervint un partage des responsabilités, le Ministère des Rites 5 (libu 礼

部) contrôlant la sélection tandis que le contrôle des nominations échut au Ministère de la Fonction Publique, les examinateurs ont vu leur pouvoir diminuer.

Sous les Song (960-1279), le système des concours est parvenu à sa plus grande perfection, à la faveur d'une part de la prospérité de l'Empire avec un système rationalisé d'enseignement et d'autre part de la diffusion du livre imprimé. A la fin du Xe siècle et durant le XIe siècle, des réformes sont mises en place. Elles visent à élargir le recrutement en instituant un seul type de concours se déroulant sur trois niveaux : à la préfecture, à la capitale provinciale et à la capitale de l’Empire, contrôlé par le Secrétariat impérial, puis au Palais en présence de l'Empereur. Au premier niveau, le concours de préfecture (deux fois en trois ans) confère le titre de xiucai (秀才 talent éminent, bachelier). Une fois xiucai, après un certain nombre d'examens intermédiaires, les candidats peuvent prendre part, au niveau de leur province, au dabi (大比, la grande épreuve, licence) permettant de devenir juren (举人, homme

présenté au prince) ou xiaolian (孝廉, fils pieux et homme intègre). Le dernier niveau se déroule à la

capitale et donne accès au titre de jinshi (进士, lettré accompli, docteur) en deux étapes : le huishi (会5 Le Ministère des Rites est également appelé “Bureau mandarinal céleste” (Tian guan, 天馆).

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试) et l'examen suprême du palais dianshi (殿试). En outre, le chaokao (朝考) permet aux lauréats

l'accès à l'Académie Hanlin 6 (Hanlinyuan, 翰林院). En 973, l'Empereur Taizu (太祖) décide que dorénavant l'Empereur administrera lui-même le concours final, testant en personne tous ceux qui se seront qualifiés aux concours de la capitale. En 992, des mesures viennent garantir l'anonymat des cahiers d’examen 7 pour les concours du palais, mesures étendues par la suite au niveau des préfectures. Il est en outre décidé que les cahiers seront recopiés par des scribes afin d’éviter que le correcteur ne reconnaisse l'écriture du candidat. Cette mesure prend effet en 1015 pour les concours de la capitale, puis en 1073 pour les concours de préfecture.

Les concours apparaissent alors comme une voie bureaucratique juste et impartiale pour choisir les fonctionnaires, concours théoriquement ouverts à toute la Chine indépendamment du contexte social et impliquant une loyauté inébranlable à la dynastie régnante. Toutefois, la réussite aux concours ne garantissait pas une nomination dans les cadres de l'administration impériale et seuls les premiers de liste faisaient une carrière prestigieuse.

Entre 750 et 1100, la composition de l'élite chinoise a changé de façon radicale : les lettrés ne sont plus des hommes de haute naissance, mais des hommes de culture. La rébellion d'An Lushan (安

禄山, 755-763) a entraîné le déclin des grands clans aristocratiques avec, en parallèle, l'émergence des lettrés du Sud dans la politique nationale. Des essais de réforme du système des concours par Wang Anshi (王安石) au XIe siècle, essentiellement entre 1069 et 1073, introduisent des disciplines telles que l’économie, le droit, la géographie dans les concours. Poésie et exercice de style sont remplacés par des sujets administratifs et pratiques ainsi que par des questions sur les classiques confucéens selon l’interprétation “correcte” (la sienne...). Wang Anshi envisage même la suppression du système des concours et la création d'écoles publiques au niveau des préfectures et des sous-préfectures. Sous les Liao (947-1125) et les Jin (1115-1234), dynasties non chinoises du nord, des concours spécifiques avaient été institués pour les non-Han, par exemple avec utilisation de la langue Jürchen en 1173. Dans leur souci de sinisation, Kitan et Jürchen adoptèrent le système de concours en vigueur sous les Song.

Sous les Yuan (1277-1367), après une interruption de 1281 à 1314, les concours reprennent avec adoption d'un système de quotas égaux Mongols+Semu 8 / chinois Han du Nord+chinois Han 6 Académie Hanlin (翰林院, forêt des pinceaux) :Cette Académie fut fondée à l’initiative de Li Shiming (李世民, 598-649), le futur empereur Taizong (太宗, règne 629-649). Il s’agissait d’un parc, situé près de la porte septentrionale du palais qui renfermait trois bâtiments où les personnalités distinguées par l’empereur pouvaient se réunir. Sous couvert d’une occupation anodine, celle de discuter les vieux écrits, Li Shimin s’était constitué un “Collège des études littéraires” (Wen xue guan, 文学馆), société purement savante en théorie, qui formait en fait un conseil privé et secret. L’empereur appelait, sans s’embarrasser de la hiérarchie officielle, qui bon lui semblait. Sous les Song, l’accès à l’Académie Hanlin était conditionné par le succès au chaokao (朝考), mais on pouvait être académicien (hanlin xueshi 翰林学士) sans être jinshi (进士). Les académiciens compilaient et éditaient des ouvrages, recueillaient et conservaient la correspondance de l’empereur, recevaient les édits, supervisaient la préparation des Annales et des ouvrages historiques relatifs aux règnes. 7 Par exemple, le nom du candidat est caché et remplacé par un numéro. Les cahiers ne seront décodés qu’après le classement final.8 Semu (色目, oeil coloré) : non mongols, non chinois Han.

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du sud, avec des épreuves spécifiques, plus faciles et plus courtes, pour les Mongols et Semu.Sous les Ming (1368-1644), le premier Empereur, Taizu (太祖 règne 1368-1398) déclare en

1369 que “l'éducation du peuple constitue un préalable à la mise en ordre de la nation et que les écoles sont la base de cette transformation” ; en conséquence, toutes les préfectures et districts seront pourvus d'écoles officielles. Mais les concours sont suspendus en 1373 : la base de la sélection des fonctionnaires sera la valeur et le talent, le comportement moral des candidats recommandés par des hauts fonctionnaires locaux ; les talents de lettrés seront alors considérés comme secondaires. Les concours furent restaurés en 1384, avec un recrutement massif en 1385, suite à l'exécution de milliers de fonctionnaires impliqués dans des complots (en particulier celui du premier ministre Hu Weiyung), mais la principale voie d’accès à la fonction publique reste la recommandation. Ce n'est qu'après 1450, lorsque des quotas régionaux sont mis en place, que le système des concours redevient prépondérant pour les recrutements.

Les quotas régionaux sont destinés à contrebalancer les disparités nord/sud. En effet, la domination des “sudistes” dans la compétition pour les concours constitue un problème constant sous les Ming. En fait, les gens du sud avaient généralement un niveau culturel plus élevé que ceux du nord, mais en revanche ils étaient plus nombreux et on arrive donc à des conditions de compétition exacerbée (1 contre 100 dans le sud-est, 1 contre 10 dans le nord-ouest). Le nombre de candidats admis au jinshi (进试) reflète les disparités de niveau nord/sud, illustrées par le tableau fourni par Benjamin Elman (op. cit.) (tableau 2.5, p. 655).

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Année Lauréats Nombre (%) Nombre (%) sud nord

1371 120 89 (74,2) 31 (25,8)1385 472 340 (72,0) 132 (28,0)1388 95 80 (84,2) 15 (15,8)1391 31 22 (71,0) 9 (29,0)1394 100 78 (78,0) 22 (22,0)13979 51 51 (45,5) 01397 61 0 61 (54,5)1400 110 96 (87,3) 14 (12,7)1404 470 427 (90,9) 43 (9,1)1406 219 195 (89,0) 24 (11,0)1411 84 79 (94,0) 5 (6,0)1412 106 96 (90,1) 10 (9,9)1415 351 311 (88,6) 40 (11,4)1418 250 207 (82,8) 43 (17,2)1421 201 170 (84,6) 31 (15,4)1424 148 133 (89,9) 15 (10,1)1427 101 70 (69,3) 31 (30,7)1430 100 72 (72,0) 28 (28,0)1433 99 67 (67,6) 32 (33,4)Total 3 169 2 583 (81,5) 586 (18,5)

En 1427, sous l’Empereur Xuanzong (宣宗, règne 1425-1435), les quotas régionaux (35 % pour le nord, 55 % pour le sud, 10 % pour le “centre”, zones marginales) sont institués pour les concours de jinshi ainsi que l'anonymat des cahiers d’examen ; toutefois, la mention bei juan (北卷)

et nan juan (南卷) selon l’origine géographique du candidat figure sur les cahiers. Comme on peut le vérifier dans le tableau ci-dessus (où les résultats du “centre” sont intégrés à ceux du sud), les quotas ne sont pas respectés. Quoi qu'il en soit, les lauréats des rangs les plus élevés étaient toujours ceux du sud et ce sont eux qui intégraient l'Académie Hanlin et les postes de fonctionnaires les plus prestigieux. A la même période, le dialecte de Pékin avait été décrété langue parlée officielle, avec quelques apports Mongols/Jürchen de telle sorte qu’après 1425, les valeurs, idées, questions et débats dominants à la Cour parmi les fonctionnaires se firent dans une langue classique dont la prononciation était celle de la capitale du nord. Cette mesure défavorisait quelque peu les “sudistes”.

A partir de 1487, l'institution de la composition en huit parties (baguwen 八股文) accentue, s'il

9 En 1397, il y eut deux sessions : à la session de printemps, l’Empereur Taizu découvrit que tous les lauréats étaient originaires du sud. Il demanda à l’Examinateur en Chef de l’Académie Hanlin de faire relire les cahiers de tous les candidats afin de mettre en évidence un éventuel favoritisme envers les sudistes. Mais la relecture s’avéra vaine et confirma le classement initial. L’Empereur irrité fit exécuter deux examinateurs et relut lui-même les compositions. Il décida de mettre en place une nouvelle session : les soixante-et-un lauréats furent alors tous nordistes.

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en était encore besoin, le caractère artificiel des épreuves. Il s'agissait de développer en huit paragraphes le sens d'une phrase tirée d'un classique, les formes et formules à observer étant extrêmement contraignantes (nous y reviendrons plus loin). Benjamin Elman (op. cit.), citant et traduisant le Rizhi lu de Gu Yanwu (1613-1682) donne un bon éclairage sur ce type d’épreuve : “The popular tradition of calling classical essays “eight-legged” probably began from the Ch’eng-hua emperor’s reign (1465-88). The term “leg” (ku 股, lit. “bone”) is the term for “parallel wording”

(dui-ou, 对偶). Before the T’ien-shun emperor’s reign (1457-65), writing in the classical essay was nothing more than an extension of classical scholia. They were sometimes parallel, sometimes varied, but without any fixed form... In the 1487 metropolitan examination, the essay topic was “He who delights in heaven will continue to possess the empire” (乐天者保天下). The essay for this

quotation began with three sentences on the topic (ch’i-chiang 起讲), which were followed by four legs on “delights in heaven”. The next four sentences served as a middle transition, while the final four legs dealt with “possess the empire”. Another four sentences recapitulated, and then the candidate wrote a conclusion (ta-chieh 大结)” (p. 384).

Après l'avènement des Qing, les concours officiels furent réouverts en 1656 afin de renouveler le personnel politique et administratif. Outre les concours périodiques réguliers (zhengke 正科)

apparurent, à partir de 1659, des enke (恩科), session accordée par faveur spéciale de l'Empereur à l'occasion de son intronisation, de son anniversaire ou celui de l'Impératrice douairière. L'Empereur Gaozong 高宗 (Qianlong 乾隆, règne 1736-1795) fut le “champion” de cette mesure avec sept enke en soixante ans de règne. Les enke pouvaient concerner non seulement les concours de la capitale, mais également ceux des provinces et des préfectures.

En dépit des demandes de réforme, le contenu des concours n'avait pas changé depuis 1384 ; il était de moins en moins adapté, en particulier à cause du baguwen et de la part prépondérante faite à la mémorisation des Classiques. Des tentatives de réforme tant sur le fond que sur la forme sont intervenues à l'occasion des concours de la capitale de 1664 et 1667 et des concours de province de 1666. L'Empereur Shengzu 圣祖 (Kangxi 康熙, règne 1662-1723) reconnaissait lui-même que les conditions de concours étaient inadéquates, mais avouait que des “circonstances au- delà de son contrôle (shi 势 )” empêchaient de se débarrasser complètement des concours. Quelques tentatives de

réforme, face à l'opposition des lettrés, firent long feu. Qianlong (乾隆) alla même jusqu'à demander aux candidats au concours du Palais s'ils pensaient irréaliste de s'attendre à ce que les auteurs des essais choisis comme les meilleurs soient les plus aptes à des carrières politiques, voulant avoir confirmation que la fonction publique et l'érudition n'étaient pas deux chemins séparés (fuzheng wu yu xuewen fei er tu 夫政务与学问非二途), (cité par B. Elman, op. cit., p. 540), mais il conclut qu'aucun ne lui a fourni des propositions utiles. Le débat, en fait, s'articule entre le maintien d'un concours basé uniquement sur une évaluation littéraire et des réformes visant à mieux tenir compte des aptitudes morales et pratiques des candidats par le biais des questions de politique. Finalement, alors que la

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plupart considérait le système des concours (keju zhidu 科举制度) comme une solution inadaptée pour sélectionner les candidats à la fonction publique, tous admettaient qu'il n'existait pas d'alternative crédible, le keju zhidu garantissant, par son anonymat, l'impartialité de la sélection.

Ce n'est que confronté à l'influence de l'Occident dans la deuxième moitié du XIXe siècle que le système va connaître son déclin et finalement être aboli en 1905. La révolte des Taiping (太平, 1850-1864) interrompt les concours mandarinaux, mais dans les zones sous contrôle Taiping se déroulent des examens civils et militaires. Dès 1851, les Taiping instaurent des concours locaux, provinciaux et métropolitains assez différents des précédents, en particulier par l'absence de quotas et un taux de réussite frôlant les 80 %. Il leur fallait, en fait, remplacer les fonctionnaires des Qing par leur propres fonctionnaires. Selon certaines sources, même les femmes pouvaient concourir, dans le cadre d'un effort des Taiping en faveur de l'éducation des filles. Si le baguwen est conservé, les sujets ne portent plus sur les Quatre Livres et les Cinq Classiques mais sur l'Ancien et le Nouveau Testament... ce qui ne teste pas mieux les aptitudes morales et pratiques des candidats à la fonction publique !

Après 1865, les contacts avec l'Occident et le Japon font apparaître la nécessité d'inclure mathématiques et sciences dans les cursus scolaires. Des lettrés réformistes, par exemple Feng Guifen (冯桂芬), proposent d'introduire, à côté du concours traditionnel, un concours basé sur des

connaissances techniques (zhiqi shangxiang 制器尚象). Ce n'est toutefois qu'en 1887 que des candidats spécialisés en mathématiques purent passer les concours provinciaux avec un quota spécial, tout en étant soumis en outre aux épreuves classiques. En cette période de fin du XIXe siècle, de nombreuses propositions de réforme ont vu le jour, mais restèrent pour la plupart lettre morte. Le Mouvement réformiste de 1898 (wuxu bianfa 戊戌变法) met en train, entre autres réformes, une modernisation des concours de recrutement. Après l'échec de ce Mouvement et la Révolte des Boxers en 1900, le traité de paix imposé à la Chine par les Puissances en septembre 1900 exige la suppression des examens pendant cinq ans dans les provinces où des violences ont été commises contre des étrangers. Le 29 août 1901 10 , le baguwen est aboli et remplacé par des dissertations faisant appel à la réflexion personnelle. En 1902 et 1904, les premiers statuts conférant un cadre institutionnel national aux écoles modernes sont publiés mais il s’agit en fait de demi-mesures car, si le pouvoir central donne son approbation à la création de ces écoles sur initiatives individuelles, rien n’assure leur financement et le savoir scientifique et technique est considéré uniquement comme l’auxiliaire du savoir classique. Le 2 septembre1905, c’est l'abrogation pure et simple du système des concours quelques années avant la fin des Qing en 1911.

Les modalités des concours au XIXe siècle

Après avoir dressé un historique du système des concours, il paraît opportun d'entrer dans le 10 NGUYEN TRI, Christine. Education chinoise et modèle occidental au tournant du siècle. Historiens et Géographes, Revue de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie, 340, 1993 : 185-192.

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détail et de préciser les différents degrés et leur contenu. Certes, comme nous l'avons vu plus haut, ce contenu a varié au cours des siècles et il serait fastidieux de remonter aux origines et d'en suivre l'évolution. La bibliographie est très riche en ce domaine et les auteurs, tant chinois et japonais qu'occidentaux, se sont attachés à présenter divers aspects du système. Toutefois, à notre connaissance, la description la plus complète et la plus détaillée en langue occidentale dont nous disposons est celle qu'Etienne Zi, père jésuite, a publiée à Shanghai en 1894 (op. cit.). Il s'agit donc de l'exposé d'un témoin direct des dernières années des Qing, exposé établi sur la base de l'observation personnelle et de témoignages oraux ou épistolaires de lettrés ayant eux-mêmes subi les concours. Toutefois, si pour certains aspects le document d’Etienne Zi fourmille de trop de détails (par exemple la dimension en centimètres des cahiers dont disposent les candidats), pour d'autres il reste vague et imprécis. Le document dont nous disposons est une photocopie ancienne, de qualité médiocre, sur laquelle les caractères chinois sont particulièrement difficiles à déchiffrer. En outre, le système de transcription utilisé par E. Zi, en principe celui de l'Ecole Française d'Extrême Orient (E.F.E.O.), est parfois assez fantaisiste. Dans le souci d'épargner à d'autres étudiants le travail de décriptage fastidieux auquel nous nous sommes livrée, nous avons établi en annexe un glossaire des termes les plus fréquemment utilisés concernant le système des examens, reprenant la plupart de ceux fournis par E. Zi mais en transcription pinyin et caractères simplifiés (Annexe IV).

Nous donnons également en annexe (Annexe V) le texte d’une correspondance d’Auguste François, Consul de France à Yunnanfu (Kunming) de 1899 à 1904. Il y raconte l’effervescence qui accompagne une des dernières sessions du concours.

Revenons au système des concours sous les Qing. Comme le souligne Etienne Zi, des variations régionales pouvaient exister dans le déroulement des concours, mais d'une manière générale “il y a accord dans les parties principales, malgré quelque diversité dans les détails” (datong xiaoyi 大

同小异). Pour cet exposé, nous suivrons le plan logique adopté par E. Zi, traitant successivement des

concours de xiucai (秀才), de juren (举人) et de jinshi (进士), que l'on assimile classiquement à nos Baccalauréat, Licence et Doctorat. Rappelons et insistons sur le fait que nous ne traiterons ci-après que des modalités de concours à la fin des Qing. Sous les dynasties antérieures, ces modalités ont pu être quelque peu différentes.

1 - Concours donnant accès au grade de xiucai

Ce concours, appelé xiaokao (小考), xiaoshi (小试) ou tongshi (童试), a lieu deux fois en

trois ans. Les candidats (kaotong 考童, kaosheng 考生 ou tongsheng 童生), auxquels n'est opposée aucune limite d'âge (Zi cite le cas de jeunes bacheliers de douze ans), se rendent à la Préfecture pour subir les épreuves qui se déroulent dans le bâtiment d’examen, le kaochang (考场). Il faut rappeler que le grade de xiucai n’est pas suffisant pour donner accès à la carrière mandarinale ; il est en revanche un préalable indispensable pour présenter les deux autres concours : licence et doctorat.

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Modalités d'examen

Les épreuves consistent en un wenzhang (文章), essai littéraire composé suivant les règles

strictes du baguwen (八股文) et une pièce de vers shi (诗) du genre wu yan liu yun (五言六韵, six vers rimés, de chacun deux hémistiches de cinq syllabes). “La dissertation à huit jambes avait ses règles très précises auxquelles il fallait scrupuleusement se conformer, mais qui, au cours des âges, subirent dans leur détail bien des modifications... Sa structure était faite de parties bien définies dans leur longueur, leur importance et leur traitement. On en comptait traditionnelement huit, quoique ce nombre ait fluctué avec le temps. La dissertation commençait par l’élucidation (poti 11 ) suivie de l’explication (chengti 12 ) où le candidat montrait en quelques phrases qu’il avait compris le sujet. Venait ensuite une troisième partie, plus longue, le développement préliminaire (qijiang 13 ), qui en marquait le véritable début. Puis on arrivait aux quatre parties 14 constituant le corps principal, chacune d’elles s’articulant en général autour de deux “jambes”, d’où l’appellation de prose à huit jambes (baguwen). La première jambe représentait en gros un paragraphe qui était suivi d’un autre paragraphe, la deuxième jambe, exactement parallèle au premier, c’est-à-dire lui correspondant caractère à caractère. Ce parallélisme atteignait sa pleine efficacité quand le candidat avait réussi à dégager du sujet deux thèmes qu’il traitait séparément et parallèlement dans l’une et l’autre jambe des parties principales ; en ce sens, la dissertation à huit jambes était un développement d’un genre très anciennement pratiqué, la prose parallèle. Elle s’achevait par quelques mots de conclusion (dajie 15)” (P.-H. Durand, op. cit., p. 79). Le sujet du wenzhang est toujours tiré des Quatre Livres (sishu 四书)

ou des Cinq Classiques (wujing 五经) 16.

Directeurs et examinateurs

Les Directeurs xuelaoshi (学老师) ou xuelao (学老), désignés dans les actes publics sous le

nom de jiaoguan (教官) ou jiaozhi (教职), appartiennent au moins à la classe des gongsheng 17 (贡

生). Leur mandat est de six ans et ils sont obligatoirement originaires de la province où ils exercent leur fonction.11 Poti 破提12 Chengti 承提13 Qijiang 起讲14 Qigu 起股, xugu 续股, zhonggu中股, hougu 后股15 Dajie 大结16 Rappelons pour mémoire que les Quatre Livres sont constitués par : Lunyu 论语 (Les Entretiens de Confucius), Zhongyong 中庸 (L’invariable milieu), Daxue 大学 (La Grande Etude), Mengzi 孟子 (l’oeuvre de Mencius). Les Cinq Classiques : Shijing 诗经 (Livre des Odes), Shujing 书经 (Annales ou Canon des Documents), Yijing 易经 (Livre des Mutations), Liji 礼记 (Mémoire sur les Rites), Chunqiu 春秋 (Printemps-Automnes, Chroniques de la Principauté de Lu).17 Gongsheng : Bacheliers présentés à l’entrée du Collège impérial en raison de leur mérite ou de leur savoir.

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Les examinateurs provinciaux xuezheng (学政) ou xuetai (学台), appelés encore wenzong (文

宗) ou zongshi (宗师) doivent, dans l'espace de trois ans, visiter deux fois chaque préfecture de leur province et y faire passer deux concours. Haut fonctionnaire du Ministère des Rites, l'examinateur provincial est spécialement affecté à l'organisation des concours et à la présidence des jurys.

Les épreuves

Le concours pour l'obtention du grade de xiucai comporte trois séries d'épreuves :- xiankao (县考) ou xianshi (县试) sous la présidence du Sous-préfet,

- fukao (府考) ou fushi (府试) sous la présidence du Préfet (zhifu 知府),

- yuankao (院考) ou yuanshi (院试) devant l'Examinateur provincial.

Pourquoi trois épreuves si l'obtention du grade ne dépend finalement que du yuankao (院考) ? Pour éliminer au maximum les supercheries comme par exemple une substitution de candidat (dingti 顶替) ou qiangshou (枪手).

La durée totale moyenne de l’ensemble de ces épreuves varie de quinze à vingt jours.

Les répondants

Petits fonctionnaires présents au moment de l’appel des candidats, ils attestent que celui qui répond correspond bien au candidat inscrit.

Il y a deux sortes de répondants linbao (廪保) :

- le renbao (认保), invité par le candidat,

- le paibao (派保), désigné par le Directeur des Lettrés.Les répondants doivent être les mêmes durant toute la série d'épreuves.

Déroulement des épreuves

Après proclamation de la date de réunion des candidats (quqi 取齐) et de celle de l'examen

(kaikao 开考), les candidats doivent se rendre au Bureau des Rites (lifang 礼房) du Tribunal du sous-

préfet pour se faire délivrer, moyennant finances, un certificat jiedan (结单). Ce jiedan sera rempli par le candidat et signé par le répondant invité et le répondant assigné ainsi que par cinq concurrents (hujie 互结). Pourquoi ces signatures ? Pour éviter les fraudes car il est stipulé : “Si l'on découvre quelque fraude, les répondants et les cinq candidats qui ont mutuellement souscrit s'engagent tous à subir la même peine. Lequel engagement est formel”. Le certificat, rempli, sera timbré au Bureau des Rites qui inscrit les candidats, au fur et à mesure de leur arrivée, sur des tableaux comportant chacun cinquante

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noms.

a) Le xiankao (县考)

Les candidats portant avec eux le “panier d'examen” (kaolan 考篮) contenant leur nécessaire à écriture et des provisions de bouche se rassemblent devant la porte du bâtiment d’examen (kaochang 考场) puis y pénètrent à la suite du Directeur des Lettrés. Tous sont en habit de cérémonie.

L'appel des candidats, dianming (点名) ou changming (唱名), est fait suivant l'ordre d'inscription au tableau évoqué plus haut. Pendant l'appel, les répondants doivent être présents afin de reconnaître si celui qui répond est le vrai candidat. A l'appel de son nom, chacun s'avance, remet son certificat et reçoit pour la composition un cahier shijuan (试卷) ou juanzi (卷子) puis s'installe à la place de son choix. Après la sortie des personnes extérieures au concours, le sous-préfet scelle la porte au moyen d'une bande de papier munie de son sceau et fait suspendre un tableau portant les sujets sur papier rouge. Deux sujets sont proposés, tous pris dans les Quatre Livres : l'un pour les candidats âgés de plus de vingt ans et l'autre pour les moins de vingt ans. Dans la salle, les candidats jouissent d'une certaine liberté de mouvement mais doivent, au bout d'une heure, avoir transcrit sur le cahier quelques lignes à la fin desquelles un employé appose un cachet. Au bout d'une heure ou deux, le deuxième sujet est affiché (citi 次题 ou houti 后题) tiré aussi des Quatre Livres, ainsi qu'un thème de vers

(tongchang shiti 通场 诗题). Dissertation et vers, une fois achevés, sont transcrits sur le cahier par le candidat d'abord en écriture régulière puis en cursive. Les deux transcriptions doivent être rigoureusement identiques, faute de quoi le cahier est rejeté.

Les résultats

Le sous-préfet assisté de quelques lettrés lit les compositions et prépare la liste des lauréats suivant leur ordre de mérite. La liste (tuan’an 团案) est promulguée (fa’an 发案 ou chu’an 出案), liste sur laquelle les noms des lauréats sont écrits en cercle (Fig. 2 ) par ordre de mérite, avec cinquante noms par cercle, les cercles étant eux-mêmes numérotés. Le lendemain de la promulgation des listes a lieu la répétition du concours (fushi 复试), correspondant donc à un deuxième concours (erchang 二

场). Il y aura en tout jusqu'à quatre répétitions, donc au total cinq épreuves. Les lauréats de la première épreuve ne sont pas obligés de subir ces répétitions mais les notes obtenues lors des répétitions sont prises en compte pour le classement définitif. Les sujets des dissertations sont tirés des Quatre Livres et des Cinq Classiques et la rédaction d'un poème sur un sujet donné figure également “au menu”. La dernière répétition comporte une épreuve où les candidats ont à écrire de mémoire un passage des Instructions Impériales 18 (shengyu guangxun 圣谕 广训).18 Rappelons que cette disposition a été instituée au début du XVIIIe siècle mais a cessé d’être obligatoire au début du XIXe (1809) puis est tombée en désuétude, laissée au bon vouloir du Président de l’examen.

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La liste générale (changan 长案 ou zhengan 正案) est publiée et les dix premiers lauréats font une visite de cérémonie chez le sous-préfet.

b) Concours devant le préfet (fukao 府考)

Tous les lauréats figurant sur la liste générale du concours de la sous-préfecture (xian kao 县

考) peuvent se présenter à ces épreuves, mais ils n'y sont pas obligés. Les formalités de délivrance du certificat par le Bureau des Rites, de délivrance du cahier à l'entrée de la salle ainsi que les modalités du concours de fukao sont sensiblement les mêmes que pour le xian kao. Il y a également des répétitions, la dernière portant aussi sur les Instructions Impériales.

c) Concours devant l'Examinateur provincial (yuankao 院考)

Il est intéressant de noter que l'Examinateur provincial (xuezheng 学政 ou xuetai 学台,

wenzong 文宗 ou zongshi 宗师) examine les Directeurs des Lettrés en les soumettant à deux dissertations sur les Classiques et à une épreuve de versification. Il est tenu de signaler à l'Empereur les noms des auteurs de copies mauvaises. L'examinateur provincial est assisté par sept ou huit assesseurs (muyou 幕友). Les examinateurs provinciaux qui seraient reconnus coupables de corruption sont passibles de la peine de mort.

A la porte principale du bâtiment des examens, les candidats reçoivent une fiche de bambou (qianzi 签子) qu'ils déposeront à l'entrée de la salle d'examen dans un étui (qiantong 签筒). Cette disposition est destinée à éviter la substitution de candidats. L'appel est fait devant les répondants, le candidat reçoit un cahier muni d'un feuillet mobile (fupiao 浮票). Le nom du candidat ne figure que sur le feuillet mobile (Fig. 3). Le tout est dûment revêtu de cachets. Sur le cahier est mentionné le numéro du siège du candidat (zuohao 坐号). Le candidat est soumis à une fouille (soujian 搜检).

Le premier sujet, tiré des Quatre Livres, est écrit sur une planchette fixée au bout d'une perche que des employés promènent le long de l'allée centrale de la salle d'examen. Des surveillants s'affairent, chargés de dénoncer à l'examinateur ceux qui s'autorisent quelque liberté avec la discipline par exemple quitter sa place (yixi 移席), changer son cahier (huanjuan 换卷), parler (shuohua 说话),

regarder par ci par là (gupan 顾盼), réciter en chantonnant (yin’e 吟哦), etc... Au bout de deux heures, on donne le deuxième sujet, tiré aussi des Quatre Livres, ainsi que le sujet de versification ; ces sujets sont, comme le premier, promenés par des employés dans l'allée centrale. Les candidats sont avertis du moment où ils doivent retranscrire leur dissertation, en écriture régulière puis en cursive, et de celui où ils doivent rendre leur cahier. Pour ce faire, ils enlèvent le feuillet mobile qu'ils conservent et mémorisent leur numéro avant de remettre leur cahier et de sortir.

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Ce sont les assesseurs qui lisent les compositions, sous le contrôle de l'Examinateur provincial. Une liste des lauréats (shuipai 水牌 ou fenpai 粉牌) est publiée ; elle ne comporte que des numéros. Mais rien n'est encore acquis du fait des quotas et le jour même les lauréats sont soumis à une première répétition (tifu 提复). Le lendemain, une “liste convoquant à la répétition” 19 (zhaofu’an 招

复案), dite aussi, en signe de joie, “liste rouge” (hong’an 红案), est publiée. Cette deuxième répétition est destinée essentiellement à assurer un classement puisque la hong’an comportait déjà le nombre de lauréats conforme au quota. Nouvelle répétition donc avec, cette fois, outre l'essai classique, une restitution de mémoire (moxie 默写) 20 d'un passage de leur propre dissertation lors du yuanshi et qui sera comparée avec l'original par l'Examinateur provincial. Nouveau classement et enfin dernière répétition (zongfu 总复), donc la troisième, avec un sujet tiré des Quatre Livres, un des Cinq Classiques et une pièce vers, plus éventuellement l'épreuve sur les Instructions Impériales.

La liste des lauréats est publiée et suspendue dans le Temple de Confucius dans la salle mingluntang (明伦堂) où une cérémonie se déroule sous la présidence de l'Examinateur provincial.

Examen triennal des bacheliers reçus (suikao 岁考)

Le suikao (岁考) est un examen destiné à pousser les bacheliers déjà reçus à poursuivre leurs études. Faute de s'y présenter, ils seront dégradés mais des dispenses existent, comme par exemple le deuil ou l'âge de soixante-dix ans. Ces concours ont lieu tous les trois ans avec toujours le même type de sujets (dissertations sur les Quatre Livres, les Cinq Classiques, un sujet de versification et, à certaines périodes, une épreuve sur les Instructions Impériales) et des cahiers anonymes. Les lauréats sont répartis en trois classes selon leur mérite : une vingtaine dans la première classe, trente à quarante dans la seconde, le reste des lauréats dans la troisième classe.

Les diverses catégories de bacheliers

Les premiers de la première classe yideng (一等) peuvent devenir linsheng (廪生, bachelier

subventionné par l’Etat). Les bacheliers de première classe suivants seront dits zengsheng (增生), suppléants des linsheng en cas de maladie, de décès ou de succès à la licence. Les autres bacheliers portent le nom de xiucai (ou fusheng 附生). Les gongsheng (élèves présentés à la Cour) sont des bacheliers présentés à l’entrée au Collège impérial en raison de leur mérite ou de leur science. En fait, les gongsheng ne sont pas soumis aux examens triennaux et à certaines périodes, par exemple à la fin du XIXe siècle, ce titre peut être acheté ; on parle alors de zhungong (准贡) ou de juangong (捐贡).

19 Il s’agit de la convocation à une deuxième répétition.20 Le moxie a été institué par l’Empereur Qianlong en 1788. Une tolérance de dix caractères différents de la première version est accordée.

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Parmi les gongsheng se distinguent- les yougong (优贡), en nombre très restreint,

- les bagong (拔贡) choisis parmi les linsheng et soumis à des concours complémentaires, ils recevront des emplois du septième degré, par exemple sous-préfet,

- les fugong (副贡), bacheliers ayant obtenu un accessit au concours de licence,

- les suigong (岁贡) ou aigong (挨贡), linsheng qui ont passé une dizaine de fois l’examen triennal,

- les engong (恩贡), gongsheng par faveur.

Le Collège des Fils de l'Etat Guozijian (国子监) ou Collège impérial

Institution ancienne, le Collège impérial était, à l'origine (des Sui aux Song), l'un des principaux organes de formation des élites destinées à la fonction publique. Ses élèves, pour la plupart fils de fonctionnaires, y étaient accueillis sur recommandation. Le Collège offrait aux étudiants, outre une bourse et des possibilités de logement, un enseignement fondé sur l’approfondissement des Classiques et sanctionné par de fréquents contrôles. Les étudiants bénéficiaient ainsi d’excellentes conditions pour la préparation aux concours. Venus de tout l’empire, ils y trouvaient de nombreuses opportunités de nouer des relations dans les milieux intellectuels et politiques de la capitale, relations qui pourraient s’avérer utiles dans le déroulement de leur carrière.

A partir des Song, à mesure que se développe le système des concours, le Guozijian perd de son importance en tant que vivier d'érudits pour le recrutement des cadres de l'empire. Sous les Ming, à partir de 1453, est institué un corps d'élèves payants (nagong 纳贡) : ces élèves, les jiansheng (监

生), peuvent acheter à la fois un titre de bachelier et leur entrée au Collège qui facilitera par la suite leur accès au titre de licencié. Cette ouverture du Collège impérial moyennant finances devient un moyen pour l'empire de renflouer une partie des déficits publics 21, mais les élites lettrées s'offusquent de ces pratiques. Alors que l'entrée au Collège était auparavant considérée comme enviable car elle offrait une voie rapide pour accéder à la carrière mandarinale, les meilleurs bacheliers (qui peuvent se prévaloir du titre de gongsheng 贡生 ou gongyuan 贡员) refusent désormais leur intégration au guozijian de

crainte d'être assimilés aux jiansheng (监生), “élèves à prix d’argent” du Collège impérial souvent même pas bacheliers. En outre, les fonctionnaires recrutés sur concours, opposés bien sûr à la vénalité des emplois publics, essaient par tous les moyens de saboter la carrière de leurs collègues issus du Collège impérial.

Le Collège impérial admet aussi un autre type d'élève, l'étudiant à privilège (guansheng 官生)

21 Entre 1545 et 1581, plus de 16 000 inscriptions au titre de jiansheng ont été mises en vente. Chiffre cité par CHAFFEE John W. The Thorny Gate of Learning in Sung China. A social history of examinations. New York : State Univ. of NY ed., 1995, 280 pp.

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ou étudiant à protection (yinzi 荫子). Il s'agit d'étudiants admis en vertu d'une recommandation, d'une protection ou de liens de famille avec un grand de l'empire. Les guansheng et yinzi peuvent exceptionnellement obtenir directement un poste dans l'administration sans passer de concours. Il n'est donc pas étonnant que, dans la littérature, l'élève du Collège impérial apparaisse comme un jeune homme riche, capricieux et sensuel qui hante les quartiers de courtisanes.

2 - Concours donnant accès au grade de juren (举人)

Les candidats reçoivent de leur sous-préfecture un pécule (binxingfei, 傧行费) couvrant leurs frais de déplacement jusqu’à la préfecture.

Examen préparatoire à la licence kekao (科考) ou keshi (科试)

Il comporte une dissertation sur un texte des Quatre Livres et une pièce de vers. En outre, les candidats, comme pour les épreuves précédentes, peuvent avoir à écrire de mémoire un passage des instructions impériales. Les cahiers sont anonymes. Les lauréats sont rangés en plusieurs classes et seuls ceux figurant dans la première, la deuxième et aux dix premiers rangs de la troisième classe sont dits you ke ju (有科举) et sont autorisés à se présenter directement à l’examen de licence. Les autres

doivent satisfaire à un examen complémentaire, le luyi (录遗) ou kaoyi (考遗), pour pouvoir concourir pour la licence.

La licence a connu des dénominations diverses : sous les Tang, xianggong (乡贡), sous les

Song, leishi (类试) ou jieshi (解试) et sous les Jin, fushi (府试). Depuis l’avènement des Yuan,

l’examen de licence s’appelle xiangshi (乡试), xiangwei (乡闱), qiuwei (秋闱) ou shengwei (省闱).

Outre le zhengke (正科), c’est-à-dire le “concours régulier”, se déroulant dans les années du

cycle correspondant aux caractères zi (子), mao (卯), wu (午), you (酉), des examens exceptionnels,

de faveur (enke 恩科) ou additionnels (jiake 加科) peuvent également se dérouler. Les concours ont

toujours lieu à la huitième lune (donc à l’automne) au sein du gongyuan (贡院) (Fig. 5 et 6 ). Le

bâtiment est très vaste, comportant de nombreuses cellules (haoshe 号舍, haozuo 号坐, haofang 号

房, haojian 号间). Etienne Zi cite l’exemple du gongyuan de Nanjing où, à la fin du XIXe siècle on comptait 20 646 cellules de 1,15 mètre sur 0,98 (Fig. 7 ). On surveille les cellules du haut du mingyuanlou (明远搂).

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Les examinateurs

Les examinateurs impériaux pour les examens du second degré sont nommés zhukao (主考),

zongcai (总裁) ou dianshi (典试). Ils sont docteurs et sont choisis par l’Empereur après avoir réussi

le kaoshichai (考试差). Ils sont assistés de tongkaoguan (同考官) dits aussi fangguan (房官) ou

fangkao (房考). D’autres fonctionnaires participent à l’encadrement de l’examen : le Gouverneur de

la province (futai 抚台), qui tient le rôle de Président général (jianlin 监临), est assisté par un vice-

président (titiao 提调), par un Surveillant en chef (jianshi 监试) et divers fonctionnaires chargés de la gestion des cahiers d’examen, en particulier des mesures garantissant l’anonymat (transcription et vérification de la conformité des copies). De nombreux fonctionnaires subalternes et une foule d’employés assurent le fonctionnement du système. Etienne Zi avance pour Nanjing le chiffre de dix mille personnes présentes dans les bâtiments d’examen lors des épreuves de licence, toutes catégories confondues (officiels, fonctionnaires, employés, domestiques) pour un effectif de vingt-quatre mille candidats.

Les candidats achètent trois cahiers de composition et écrivent sur le premier feuillet de chacun un certain nombre de renseignements d’état-civil ou morphologiques (taille, barbe... ) selon un modèle fourni avec les cahiers. Ils remettent ensuite ces cahiers, les font timbrer et reçoivent un certificat.

L’entrée des candidats dans la salle d’examen se fait après appel de leur nom et fouille minutieuse par des soldats 22 au seuil de la première porte. Le candidat reçoit une fiche de bambou et se présente à la deuxième porte pour une nouvelle fouille. On lui remet alors un cahier de composition et un livret où figurent les règles à suivre pour la transcription des compositions, le sanchang chengshi (三场程式). Il peut enfin accéder à la porte des concours (longmen 龙门) où, après un nouvel appel,

un appariteur le conduit à sa cellule. On compte un haojun (号军), mi-surveillant, mi-factotum, pour vingt cellules.

Première épreuve (le 8 de la huitième lune)

Les sujets ont été gravés et imprimés : trois thèmes de dissertation tirés des Quatre Livres et un sujet de poésie. Les candidats disposent de deux jours entiers pour rédiger et transcrire, en écriture régulière puis en écriture cursive, leurs compositions, chacune d’entre elles ne devant pas compter plus de sept cents caractères. L’épreuve de versification est du genre wuyan bayun (五言八韵: huit vers rimés, composés chacun de deux hémistiches de cinq syllabes). Durant le temps des épreuves les candidats recoivent deux repas de riz, mais ils peuvent préparer eux-même leur repas s’ils ont apporté avec eux le matériel nécessaire. A la fin du temps réglementaire, les candidats remettent leur cahier et reçoivent une fiche de bambou (zhaochuqian 照出签). Les shoujuanguan (受卷官) vérifient

22 Pour stimuler le zèle des soldats, une récompense leur est accordée s’ils trouvent sur un candidat quelque objet prohibé.

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l’absence de fautes susceptibles d’entrainer l’élimination de leur auteur (abandon d’un feuillet, tache, espace vide, trou... ). La liste des candidats coupables de telles fautes est appelée liste bleue (lanbang 蓝榜) ou liste violette (zibang 紫榜).

Deuxième épreuve (le 11 de la huitième lune)

Les conditions sont identiques à celles de la première épreuve, mais les candidats sont moins nombreux d’une part car certains ont été éliminés puisque figurant sur la liste bleue, d’autre part du fait que certains candidats sont malades ou morts. D’après Etienne Zi “...l’étroite réclusion que subit une telle multitude, l’insalubrité du local dans lequel elle se trouve parquée, l’infection de l’air qu’on y respire 23 , jointes à la surexcitation intellectuelle des candidats, ne peuvent manquer de faire un nombre relativement considérable de victimes” (op. cit., p. 142). Les examinateurs donnent à graver et imprimer cinq sujets pris dans les Cinq Livres. L’épreuve comporte aussi un moxie (默写), portion d’une composition de la première épreuve à retranscrire de mémoire.

Troisième épreuve (le 14 de la huitième lune) 24

Elle comporte cinq sujets (cewen 策问 ou ceti 策提) préparés par les Examinateurs impériaux ; ces sujets sont assez longs. Un moxie sur la première dissertation de la deuxième épreuve est également au programme. Les candidats disposent de deux jours, chaque dissertation doit comporter au moins trois cent et au plus deux mille caractères. Les dissertations hors sujet ou vides sont dites kongce (空策), celles jugées satisfaisantes shice (实策).

Une fois les cahiers rendus, des employés rabattent la partie portant le nom du candidat sur la

première page (cette opération est dite mifeng 弥封) et apposent un cachet rouge et un chiffre 25

(honghao 红号 ou neihao 内号). Les cahiers désormais anonymes sont remis aux copistes qui transcrivent les compositions à l’encre rouge. Le nombre de copistes est très élevé : Etienne Zi cite les chiffres de mille trois cent copistes à Pékin et plus de deux mille à Nankin. Les cahiers passent alors entre les mains des réviseurs ou correcteurs (duidusheng 对读生) qui corrigent les éventuelles erreurs de transcription à l’encre jaune. Réviseur et copiste signent au bas de la composition originale. Les copies sont alors transmises aux sous-examinateurs qui, réunis dans la salle dite hengjiantang (衡鉴23 D’après SHANG Yen-liu (Memories of the Chinese Imperial Civil service Examination System. Translated by Ellen Klempner. American Asian Review, 3, 1 (1985) : 48-83), pour les candidats dont les cellules étaient mitoyennes des latrines publiques, la puanteur ambiante était décrite comme l’une des six agonies ! (cité par B. Elman) 24 E. Zi note que la fête de la mi-automne (zhongqiujie 中秋节) tombe le 15 de la huitième lune ; nombre de candidats sortent de l’enceinte des concours le 15 pour participer à la fête et se trouvent, de ce fait, éliminés s’ils n’ont pas terminé ou bâclé leurs dissertations pour finir.25 Ce chiffre est en fait constitué d’une combinaison de caractères du qianzi wen (千字文) et d’un numéro d’ordre, chacun des mille caractères étant l’indicatif d’une série de cent.

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堂), y lisent les compositions. Celles jugées insuffisantes ou moyennes sont rejetées (luojuan 落卷).

Les sous-examinateurs qui jugent une composition acceptable inscrivent jian (荐 présenté) et signent. Seuls les cahiers jian sont soumis aux examinateurs impériaux qui choisissent les meilleurs après avoir annoté chacun d’eux. Une première liste des lauréats (caobang 草榜) est établie, comportant uniquement les numéros. On vérifie encore la conformité copie rouge/original et on procède à la levée d’anonymat des cahiers. La liste comportant le nom et le lieu d’origine des lauréats est alors établie. Traditionnellement, on commence par le sixième, en réservant la place pour les noms des cinq premiers lauréats qui seront inscrits en grande pompe. Ce tableau, dont l’une des extrémités porte un dragon et l’autre un tigre est dit longhubang (龙虎榜). Un second tableau est établi pour les accessits (fubang

副榜) ; les titulaires d’accessits, dits fugongsheng (副贡生), sont toujours considérés comme bacheliers et doivent repasser le concours de licence. Les tableaux de résultats sont publiés environ vingt jours après le dernier concours.

On peut ici revenir sur les dénominations spéciales de certains lauréats : le premier de la liste est dit jieyuan (解元), le second yayuan (亚元) ou yakui (亚魁). C’est par référence aux Cinq Livres

que les cinq premiers sont mentionnés séparément et sont dits jingkui (经魁). Dès la publication des résultats, les lauréats viennent saluer les examinateurs comme Maître, appelant l’Examinateur impérial zuoshi (座师) et les sous-examinateurs fangshi (房师). On se souvient qu’au niveau du baccalauréat

l’Examinateur provincial était appelé zongshi (宗师) et le Directeur laoshi (老师). Autre formalité : le nouveau juren doit se présenter au Bureau de l’Examinateur provincial et écrire de sa main une qingong (亲供), “déclaration personnelle” où figure son état-civil détaillé (nom, âge, taille, lieu d’origine, parents, aïeux et bisaïeux paternels). Faute d’avoir rempli une telle déclaration, le candidat ne pourra se présenter à aucun examen ultérieur.

3 - Concours donnant accès au grade de jinshi (进士)

Il comporte trois épreuves :- épreuve préalable : huishi (会试)

- examen du Palais : dianshi (殿试)

- examen de la Cour pour l’accès à l’Académie : chaokao (朝考)

Les candidats, munis d’un petit pécule (gongchefei 公车费) fourni par le sous-préfet de leur province d’origine, se rendent à la Capitale. Depuis 1843, ils sont obligatoirement soumis à une répétition de l’examen pour les licenciés, juren fushi (举人复试) préalable au huishi. Cette épreuve comporte une dissertation sur un thème tiré des Quatre Livres et un sujet de poésie. Les lauréats, répartis en trois classes, sont autorisés à passer le huishi. Une quatrième classe regroupe les candidats

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malheureux, exclus du huishi pour une ou plusieurs sessions (cette punition est dite fakao 罚考) ; les

autres (buliedeng 不列等) sont dégradés de leur titre de juren.

a) Le huishi

Ce concours s’appelait gongju (贡举) sous les Tang et shengshi (省试) sous les Song. En

termes littéraires, il est connu sous les noms de liwei (礼闱) ou chunwei (春闱). Il a lieu à la Capitale, dans le local des examens (gongyuan), les années suivant celles du concours de Licence les 9, 12 et 15 du troisième mois 26.

Sous les Qing, il y a deux présidents (zhigongju 知贡举), l’un mandchou, l’autre chinois,

nommés par l’Empereur qui désigne également un Examinateur en Chef (zhengkaoguan 正考官),

trois examinateurs en second (fukaoguan 副考官) et dix-huit sous-examinateurs (tongkaoguan 同考

官) ainsi qu’une série de fonctionnaires nécessaires au bon déroulement des épreuves.Les candidats subissent trois séries d’épreuves :- trois compositions sur des thèmes tirés des Quatre Livres et un sujet de poésie pour la

première série,- cinq compositions sur les Cinq Classiques pour la deuxième,- cinq dissertations pour la troisième.Les cahiers, rendus anonymes, sont corrigés selon le même processus que pour la Licence et

les résultats publiés selon le même rituel, mais il n’y a plus de tableau d’accessits depuis 1664. Les lauréats, dits gonshi (贡士), sont autorisés à se présenter au dianshi et se rendent au Ministère des

Rites écrire, comme pour la Licence, leur “déclaration personnelle” (qingong 亲供). Un banquet

(qionglinyan 琼林宴) est donné réunissant, outre le Président du Ministère des Rites, les lauréats et les divers fonctionnaires de haut rang ayant participé au bon déroulement des épreuves. Des candidats malheureux mais dont les compositions ont été jugées valables peuvent être choisis pour l’attribution de postes de fonctionnaires subalternes ; on peut aussi faire appel à eux pour collaborer à la rédaction de généalogies, biographies d’empereurs, voire même assurer la fonction de copiste.

b) Le dianshi, concours du Palais

Ce concours fut institué sous les Tang par Wu Zetian (武则天) en 690 sous le nom de zhiju

(制举), yushi (御试) ou zhike (制科). Il se nommera dianshi (殿试) ou tingshi (廷试) à partir des

Song. Le dianshi est précédé, à partir de 1788, par une répétition du huishi dite gongshi fushi (贡士覆

26 Jusqu’en 1745, il avait lieu durant le deuxième mois, mais il fut reporté au troisième mois par l’Empereur Qianlong.

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试) qui consiste en une dissertation sur un thème tiré des Quatre Livres et une pièce de vers. Les

examinateurs (yuejuan dachen 阅卷大臣), nommés par l’Empereur, lisent les compositions, les classent par ordre de mérite, présentent ces cahiers à l’Empereur qui les fait transmettre à des réviseurs (fukan dachen 覆勘大臣). Un décret impérial répartit les lauréats en quatre catégories : ceux figurant dans les trois premières sont admis à se présenter au dianshi, les autres devront se représenter à une session ultérieure.

Lors de l’épreuve du dianshi, les candidats ont deux cahiers à leur disposition, le zhengjuan (正卷) dont ils remplissent la première page selon un modèle officiel (état-civil, diplômes, ascendants)

et le caoben (草本) qui leur sert de brouillon et comporte les règles de transcription de la dissertation. Ces deux cahiers sont timbrés par le Ministère des Rites et signés par le Président de l’examen. Le sujet de dissertation proposé aux candidats est préparé par les examinateurs et soumis à l’Empereur. Il s’agit d’un texte assez long invitant les candidats à s’exprimer sur quatre questions générales d’administration publique posées par l’Empereur 27 . Tout un rituel, avec force prosternations, entoure la distribution des sujets que les candidats reçoivent à genoux. Ils composent dans deux grandes salles latérales du Palais et ne disposent, pour tout mobilier, que d’un tabouret. La composition doit suivre une présentation très rigoureuse, avec emploi obligatoire de formules, par exemple celle dont Etienne Zi donne une traduction “... D’où je conclus qu’ainsi, notre dynastie glorieusement régnante se verra confirmée dans l’ordre et l’harmonie pendant cent mille myriades d’années. Moi, le dernier des lettrés, le plus récemment promu, sans souci de la réserve dont j’aurais dû faire preuve et offensant par là grièvement Votre Majesté, tout tremblant et incapable de me soutenir, moi, votre serviteur, j’ai composé avec toute l’attention dont je suis capable la réponse qui précède.” (p. 197) et qui doit terminer la dissertation. Le texte du candidat doit comporter au moins mille caractères. L’épreuve se termine au coucher du soleil 28 . Le candidat remet son cahier zhengjuan aux Présidents qui apposent leur signature à la fin de la dissertation et sort du Palais, emportant son caoben qu’il remettra alors aux fonctionnaires du Ministère des Rites. Sur le zhengjuan, le nom du candidat est caché mais les copistes n’interviennent pas car, dans ce concours, on tient compte de la calligraphie et des talents littéraires du candidat. Ce sont donc les cahiers originaux qui sont transmis successivement à huit examinateurs, chacun attribuant une note. Les dix cahiers classés premiers, toujours anonymes, sont présentés à l’Empereur qui effectue son propre classement. Les trois premiers seront considérés 27 En 1709, le sujet proposé aux candidats par l’empereur Kangxi était : “Si l’on recherche son intérêt personnel pour nourrir son égoïsme, si l’on tourne le dos à l’intérêt général pour susciter des partis, que signifie une charge de ministre ? Ne pas tromper c’est être loyal ; ne pas être hypocrite c’est être sincère. Ce n’est qu’en combinant loyauté et sincérité que les ministres célèbres de l’Antiquité purent se maintenir droits, sans complaisances, et se dresser solitaires, sans appuis. Aujourd’hui, n’y aurait-il donc aucune voie pour prévenir la tromperie et chasser l’hypocrisie afin de stimuler l’union des coeurs et des vertus ? (...) Exposez vos idées en détail dans votre dissertation, Nous vous lirons en personne” (cité par P.-H. Durand, op. cit. p. 187)Quelques exemples fournis par E. Zi (1894) : “Soin de sa propre perfection, modération dans les dépenses, étude de l’art militaire, compassion dans l’emploi des châtiments” ou “Tenir le juste milieu, savoir choisir les hommes, estimer la littérature, s’appliquer à l’art militaire”.28 Rappelons que le dianshi a lieu le 21 de la quatrième lune, à une période où les jours ne sont pas particulièrement longs et que les sujets ont été distribués pratiquement dès l’aurore.

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comme de “première classe” et dits yijia sanming (一甲三名). Parmi eux, le premier est dit

zhuangyuan (状元), le second bangyan (榜元) et le troisième tanhua (探花). Les trois premiers, du fait de leur rang, deviennent membres de l’Académie impériale. Les sept autres des dix premiers lauréats constituent la “deuxième classe” et sont dits erjia qiming (二甲七名). Les noms de tous les

lauréats seront inscrits sur un tableau jaune huangbang (黄榜), appelé également jinbang (金榜) ou

jiabang (甲榜), revêtu du sceau impérial. Une cérémonie protocolaire, en présence de l’Empereur, a lieu le lendemain ; durant cette cérémonie les noms des lauréats sont proclamés en grande pompe.

c) Le chaokao (朝考)

Institué en 1723, ce nouveau concours qui se déroule aussitôt le dianshi achevé, a pour but de sélectionner les candidats à l’entrée à l’Académie Hanlin. Trois thèmes sont donnés par l’Empereur, pour une dissertation (lun 论), un mémoire (shu 疏) et une pièce de vers. Etienne Zi (op. cit.) signale (p. 208) les thèmes suivants proposés à la session de 1889 : “Dissertation : Détourner les mandarins vulgaires d’une administration hypocryte”, “Mémoire : Se dévouer aux intérêts du peuple, encourager l’agriculture”, “Poésie : Près d’un saule, une personne se repose en attendant le retour de la barque”. Comme pour la plupart des autres concours, les cahiers sont anonymes.

Les lauréats sont présentés à la Cour et l’Empereur les répartit en quatre catégories :- étudiants de l’Académie : shujishi (庶吉士), titre particulièrement ambitionné,

- secrétaires des six ministères (liubu 六部) de Pékin : zhushi (主事),

- secrétaires de la Chancellerie impériale (neige 内阁) : zhongshu (中书),

- sous-préfets : zhixian (知县).Les shujishi vont poursuivre pendant trois ans leurs études à l’Académie sous la direction de

maîtres (jiaoxi 29 教习). Au bout des trois années d’études à l’Académie, le shujishi passe un dernier

concours, le sanguan kaoshi (散馆考试) : le candidat dispose d’une journée pour composer une

description poétique (fu 赋) et une pièce de vers sur des thèmes donnés par l’Empereur. En fonction de leurs résultats à ce dernier concours, les Académiciens occuperont différentes fonctions, soit à l’Académie comme compilateurs de deuxième (bianxiu 编修) ou troisième (jiantao 检讨) classe, soit comme fonctionnaires dans les six grands ministères, soit enfin comme sous-préfets.

29 Sous les Qing, il y avait deux jiaoxi, l’un chinois, l’autre mandchou.

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Le système des concours a joué un rôle majeur dans la vie chinoise durant plusieurs siècles. Il procurait à l’Empire “une élite intellectuelle, un réservoir de fonctionnaires familiarisés avec les grandes questions politiques, possédant une culture générale commune, préparés aux tâches de l’administration et admirablement disciplinés par un long dressage uniforme” (E. Balazs 30 , p. 31). D’après une exposition sur le système des concours qui s’est tenue au Collège impérial durant l’été 2002 à Pékin, depuis la création du système en 606, il y aurait eu plus de dix millions de candidats. Dans la cour du Temple de Confucius contigu au Collège, des stèles portent la liste des 51 624 lettrés reçus au doctorat depuis les Yuan jusqu’aux Qing. Mais la sélection était féroce : Benjamin Elman avance le chiffre de 1/6 000 (soit 0,017 %), des candidats engagés dans le processus des concours qui terminèrent jinshi sous les Qing. On peut imaginer l’impact d’une telle mobilisation sur la vie quotidienne, l’éducation et la culture populaire.

Outre les concours mandarinaux “civils”, des concours militaires se déroulaient régulièrement. En fait, l’importance des premiers était telle que les examens militaires et leurs lauréats étaient sinon dédaignés, du moins peu considérés. Nous nous rangerons donc à cette tendance et nous les évoquerons en quelques mots dans cette étude. Disons simplement qu’ils comportaient des tests de maniement d’armes et de tir à l’arc à cheval plus diverses épreuves de force physique (bandage d’arcs de résistance croissante, lever de poids) ainsi que des épreuves écrites basées sur les Classiques militaires (Sunzi, Wuzi et Sima fa). Ces examens, à l’instar des examens civils, se déroulaient à trois niveaux.

Le traumatisme du concours

Que le candidat connaisse succès ou a fortiori échec, le concours lui fait subir un réel traumatisme. Physiquement, il s’agit d’une période particulièrement éprouvante qui nécessite, rapporte Ichisada Miyazaki (op. cit.), la résistance d’un âne, l’insensibilité d’un cloporte et l’endurance d’un chameau. La peur de l’échec mène certains au suicide tandis que d’autres constituent ce que l’on peut appeler “le front du refus”.

Par exemple- Wu Yubi (1381-1469), philosophe, fils d’un président de Collège impérial, décide, jeune, de

ne pas passer les concours et de gagner sa vie en labourant.- Xu Xiake (1587-1641) 31, lecteur assidu mais peu attiré par le rabâchage des Classiques et le

baguwen renonce sans regret aux concours littéraires et à une éventuelle charge de fonctionnaire, selon lui une vie de “faisan en cage”. Explorateur et géographe, il sillonne à pieds l’empire chinois et rédige ses carnets de voyage (Randonnées aux sites sublimes).

- Zhang Dai (1597-1681) (op. cit.) refuse de passer les examens officiels auxquels il s’était 30 BALAZS Etienne, La Bureaucratie céleste. Recherches sur l’économie et la société de la Chine traditionnelle. Paris : Gallimard éd., coll. TEL, 1988, 346 pp.31 XU Xiake, Randonnées aux sites sublimes, traduit du chinois, présenté et annoté par Jacques Dars. Paris : Gallimard éd., coll. “Connaissance de l’Orient”, 1993, 392 pp.

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préparé durant toute son enfance. Il se détourne de la carrière mandarinale pour mener une vie affranchie de toute contrainte.

Après avoir connu le succès aux concours et exercé quelque fonction officielle, certains lauréats se retirent finalement de la vie publique. On peut citer entre autres

- Feng Menlong (1574-1646), recalé plusieurs fois aux examens dans sa jeunesse, ne devient enfin gongsheng qu’à 57 ans. A 61 ans, il fut nommé sous-préfet de Shouning au Fujian et entame alors une carrière administrative de peu d’intérêt qu’il abandonne au bout de quatre ans.

- Li Yu (1611-1680), après qu’une succession d’épisodes malheureux l’eût empêché de se présenter à la licence, choisit d’abandonner ses espoirs de carrière mandarinale et les avantages et prestiges à la clé. Il écrit : “Je me souviens qu’à la chute de la dynastie des Ming, jusqu’à l’avènement des Grands Qing, j’avais abandonné l’idée de me faire un nom, et résolu de ne plus courir après les maigres émoluments de la charge officielle. Je m’étais retiré à la campagne, loin des désordres du monde. En été, j’avais pris la résolution de ne pas accueilir de visiteur, mais aucun de se présenta. Dégagé de l’obligation de porter turban, chaussures et chemise, il m’arrivait de m’ébattre en toute liberté, nu parmi les fleurs de lotus, assez loin des femmes et des enfants pour qu’ils ne me dérangent pas, et là, je m’étendais à loisir au pied d’un pin séculaire, sans plus prendre garde aux passages des grues et des gibbons. A la source jaillissante, il m’arrivait de laver ma pierre à encre, et de goûter un thé infusé dans la neige fondue. S’il me venait l’envie de manger une pastèque, il s’en trouvait de l’autre côté de la palissade ; si je voulais me régaler d’un fruit, il tombait de l’arbre... Pendant ces trois années, je connus la joie la plus vive de toute mon existence” 32 .

Certains encore obtiennent concours ou poste “à l’usure” ou par faveur exceptionnelle : Pu Songling (op. cit.) (1640-1715), reçu premier au concours de bachelier et qui, après

plusieurs échecs à la licence, obtient à l’âge de soixante-dix ans le grade de licencié “par le tribut”. Ses échecs répétés lui ont inspiré plusieurs de ses chroniques, parmi lesquelles par exemple “Poisse aux concours”.

Chaffee (op. cit.) rapporte l’exemple de Liu Shi (刘实) : ce Liu Shi avait “grown old in the examination hall” et il obtint enfin le jinshi en 1142, par faveur eu égard à son grand âge. Belle revanche sur les rieurs qui lui présentèrent leurs excuses. Il obtint enfin une charge mineure et se mit en route pour prendre son poste. En quittant sa demeure il s’écria : “Si seulement je peux obtenir un salaire, jamais plus je ne maudirai mon sort !”... mais le mauvais sort le poursuivait puisqu’il mourut en route.

On ne peut manquer de citer ici la biographie légendaire de Li Bai (701-762) présentée par Jacques Pimpaneau 33 (récit repris de Feng Menglong). Li Bai proclame : “Celui qui se fait recommander obtient un haut rang, celui qui donne de l’argent saisit la réussite. (...) C’est pourquoi je m’abandonne à la poésie et au vin et j’évite d’être en butte à l’humeur d’examinateurs aveugles”. Il cède malgré tout à la pression d’amis et se présente au concours, mais ayant refusé de verser des pots-de-vin, il est éliminé d’office par des examinateurs corrompus qui ne prennent même pas la peine de

32 Li Yu, Introduction de A mari jaloux, femme fidèle (op. cit.) p. 7.33 Biographie des Regrets éternels. Biographies de Chinois illustres traduites par Jacques Pimpaneau, Arles : Philippe Picquier éd., 1997, 228 pp.

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lire son texte. Un peu plus tard, l’Empereur Xuanzong, impressionné par ses talents, lui conféra le grade de Docteur puis le nomma membre de l’Académie Hanlin pour services rendus. En fait, né, selon la légende, en Asie centrale dans l’actuel Kirghizistan, il était le seul à connaître la “langue des barbares”. Il put ainsi lire puis faire réponse à un courrier comminatoire remis à l’Empereur par un émissaire des Khitan, ce qui impressionna grandement le Fils du Ciel et ses hauts fonctionnaires.

Mais il faut aussi évoquer les plus nombreux, la cohorte des candidats malheureux, ceux qui d’espoirs déçus en espoirs déçus ne renoncent toujours pas, tant leur existence a été et est toujours conditionnée par le rêve illusoire de la réussite.

Zhong Kui (钟馗), le pourfendeur de démons 34 , représente le type du candidat injustement éliminé aux examens. D’après la Biographie du pourfendeur de démons de Liu Zhang (dynastie Qing), Zhong Kui réussit premier aux examens, mais il était très laid et l’empereur le trouva trop repoussant pour exercer une charge importante. En conséquence, le Premier Ministre le fit rayer de la liste des lauréats. Zhong Kui, à l’annonce de cette décision, tira l’épée d’un officier du palais et se trancha la gorge devant les marches du trône. Selon une autre version, il se fracassa le crâne contre un pilier du palais.

Certains candidats contestent les résultats et leurs mouvements de protestation peuvent dégénérer en émeute. Ainsi, en 1000 à Kaifeng, se déroule le concours de la capitale sous la présidence de Chen Shu, directeur des examens. Sur les quatorze mille cinq cents juren qui se présentent, dans un premier temps mille cinq cents sont déclarés jinshi, mais ce chiffre est ramené à deux cent dix-huit. On imagine la colère des étudiants. Des effigies de Chen Shu sont barbouillées de sang, des placards portant son nom sont suspendus et conspués par les passants.

A Zhangzhou au Fujian, en 1210, seuls vingt-et-un candidats sont déclarés juren. Les exclus (poluo, 破落) armés de bambous et de bâtons envahissent le bâtiment des examens, bastonnent le superviseur, Yang Hongzhong, et blessent plusieurs examinateurs. Les habitants de la ville, à la fois impressionnés et terrorisés, refusent de divulguer l’identité des “insurgés” de telle sorte qu’il fut décidé en haut lieu de punir la préfecture : le préfet fut démis et tous les juren définitivement interdits d’examen.

En 1705, après la promulgation des résultats du concours de licence à Pékin des candidats malheureux crièrent à l’injustice, certains allant même jusqu’à décapiter sur la place publique des mannequins de paille portant les noms des deux examinateurs en chef. L’enquête qui fut ordonnée conclut qu’il y avait eu négligence et favoritisme, mais non point corruption. Les résultats de l’examen furent donc maintenus, tandis que les deux examinateurs étaient révoqués à vie de la fonction publique.

A l’automne 1711, à la proclamation des résultats du concours provincial de Jiangnan, “...nombre de candidats malheureux manifestèrent publiquement leur mécontentement, parlant d’impostures et d’irrégularités flagrantes, voire de corruption. Il s’en serait même trouvé d’assez effrontés pour maquiller le panneau “Salle des examens” en “Salle des ventes” (cité par P.-H.

34 ELIASBERG Danielle, Le roman du pourfendeur de démons. Paris : Mémoires de l’Institut des Hautes Etudes Chinoises, vol. IV, 1976, 425 pp.PIMPANEAU Jacques, Chine Mythes et dieux. Arles : Philippe Picquier éd., 1999, 357 pp.

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Durand, op. cit., p. 229). Après enquête, trois examinateurs et deux lauréats furent condamnés à mort.Des candidats malheureux, de dépit, rédigent des satires ou, plus grave, portent des accusations

mensongères contre les examinateurs, pouvant amener la condamnation de ces derniers, victimes innocentes d’attaques irresponsables. Par exemple, Li Fu qui, après les concours de jinshi de 1721, perdit sa charge d’examinateur en chef et fut condamné aux travaux forcés pour avoir soi-disant favorisé des candidats de familles lettrées du Jiangxi et du Jiangsu. Toutefois, une enquête ultérieure prouva qu’aucun favoritisme n’avait été exercé.

D’autres, finalement, se résignent. Rainier Lanselle, dans l’Introduction au Cheval de Jade (op. cit.), évoque “les troubles que provoquaient les étudiants malchanceux réduits en grand nombre au chômage... ; on les voit ici s’associer en une dérisoire fratrie de “vieux écoliers” dont les membres, qui auront passé toute leur jeunesse dans des livres au contenu peu concret, ne verront s’offrir que de rares débouchés pour échapper à la misère : l’enseignement comme petits professeurs de village 35 , ou, pour les plus ambitieux et les plus retors, la pratique du “charlatanisme lettré”. Les lettrés voyageurs (youke 游客) “parcourent le pays, menant une vie idéale d’indépendance et de voyages, et séjournant au gré de leurs déplacements chez les notables et mandarins locaux ; ces personnages avaient un statut un peu comparable à celui des cliens romains : commensaux du maître de maison, ils vivaient un temps à ses frais, mais en retour accroissaient son prestige - en mesure de leur célébrité - et lui faisaient bénéficier de leurs talents poétiques et artistiques. Si nombre de poètes fameux pratiquèrent de cette manière le voyage, des charlatans, faux lettrés et autres tartuffes n’hésitaient pas à profiter de l’ignorance et de la vanité des petits notables provinciaux pour faire ainsi du parasitisme et s’enrichir par la supercherie, usant parfois de violence. Il semble qu’au XVIIe siècle, époque d’instabilité et de troubles, cette pratique se soit beaucoup répandue parmi les anciens étudiants - de plus en plus nombreux - éternellement recalés aux examens...” (Le Cheval de Jade, note 12, p. 132).

Les dieux et l’au-delà sont sollicités pour aider les candidats :A l’approche des examens, on se presse dans les temples bouddhistes et taoïstes : les

candidats demandent aux dieux un rêve ou même posent une question à laquelle il leur sera répondu par un rêve. Comme l’écrit J.-W. Chaffee (op. cit.) : “One wonders whether the normal emptiness of the halls punctuated by the stressfulness of the examinations might not have made them appear particularly conductive to encounters with ghosts and spirits” (p. 179).

Des divinités plus spécifiques sont l’objet d’un culte. Ainsi, Zi Tongshen (梓潼神) :

initialement une divinité du tonnerre d’origine très ancienne, il fut associé au général Zhang Yazi (张亚

子), mort au combat sous les Jin, qui selon les mythes fut chargé par l’Empereur de Jade de tenir les registres des titres et dignités des hommes, de distinguer les bons et les mauvais lettrés en récompensant les premiers et poursuivant les seconds. Sous les Yuan, Zi Tongshen fut assimilé au dieu de la littérature (Wenchang dijun 文昌帝君) et, à ce titre, objet d’un culte de la part de lettrés espérant un succès aux examens.

35 Les précepteurs ou instituteurs des petites écoles de villages ont une carrière qualifiée de bigeng (笔耕) ou yantian (研田), c’est à dire labourer avec un pinceau ou une pierre à encre.

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Guandi (关帝), dieu de la guerre et parfois de la richesse apparaît dans les rêves, annonçant le succès, souvent en contrepartie d’une action pieuse.

Yu Qian 于谦 (1398-1457), personnage historique injustement accusé de trahison et exécuté, était l’objet d’un culte au Zhejiang ; à la fin des Ming et sous les Qing, les candidats aux examens venaient en pélerinage à Hangzhou sur son tombeau, le Yuzhong suci (于忠肃祠).

Les candidats, en situation de stress, sont à l’affut de signes, rêves prémonitoires ou présages. L’ensemble de la famille partage souvent leur anxiété et essaient de mettre dieux, esprits, ancêtres, à contribution pour apaiser leurs craintes et leurs angoisses. La divination par le Yijing (易经), la

physiognomie (kan xiang, 看相), le fuji (扶乩) 36 , l’interprétation de caractères (chaizi, 拆字), de rêves

(zhanmeng, 占梦), de présages (zhao, 兆), la géomancie (fengshui, 风水), tous les moyens sont bons pour recueillir le moindre indice. On raconte que lors de la fête du double-yang (neuvième jour du neuvième mois), la fête des lettrés par excellence, les étudiants évaluaient leurs chances de succès aux concours en fonction de l’altitude atteinte par leur cerf-volant.

Pour certains, le succès aux examens dépend entièrement des vertus secrètes du candidat et de ses ancêtres. Ils estimaient que leur niveau en littérature classique et leurs capacités de mémorisation étaient sensiblement équivalents à ceux des autres candidats et attribuaient donc succès ou échec à des facteurs religieux, à des mérites acquis au cours de vies antérieures.

Rêves de succès prédit par des ancêtres venus “donner un coup de main” à leurs descendants - tout en les enjoignant à respecter les rites - mais aussi d’enfants disparus venant consoler leurs parents en deuil en leur annonçant un succès futur, si ce n’est dans cette vie, tout au moins au cours d’une prochaine réincarnation.

Des voix de l’au-delà peuvent annoncer succès ou échec mais aussi conseiller sur la manière de préparer une épreuve : en quel Classique se spécialiser, quel type de poésie, quelle biographie étudier. Certaines conseillent au candidat de changer de nom. Mais gare à la mauvaise interprétation : J. W. Chaffee cite le cas d’un étudiant qui, dans un rêve, avait reçu le présage qu’il deviendrait fonctionnaire une fois qu’il aurait rencontré “trois Han” et voilà l’étudiant passant des années à rechercher tous les dénommés Han, mais en vain. Il se rend un jour en Corée où il apprend que ce pays est appelé “le pays des trois Han” 37. Il est alors reçu à l’examen suivant...

Parmi les présages de réussite relevés par J. W. Chaffee :- un tronc d’arbre abattu sur la souche duquel les cassures forment des caractères,- un tigre franchissant un mur et emportant un cochon,- la chute d’un gros rocher, - l’apparition d’une fleur insolite,- un morceau de papier écrit dont les caractères ont un sens caché,- l’apparition de dragons dans les pièces d’eau de l’école...

36 Fuji : Divination au moyen d’une baguette en forme de T : deux personnes tiennent les deux bouts de la barre transversale et un stylet, suspendu à la troisième extrémité, écrit sur le sable.37 Les trois Han coréens : Chunhan, Pyonhan et Mahan.

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Mais les esprits peuvent jouer des tours au candidat. Benjamin Elman (op. cit.) rapporte un certain nombre d’exemples (p. 309) : un esprit souffle à un candidat une mauvaise question afin de favoriser la réussite d’un autre. En 1657, un candidat après avoir terminé ses dissertations, attendait dans sa cellule le ramassage des copies. C’est alors que le dieu de la littérature 38 (Kui xing 魁星) se

met à danser devant ses yeux et lui demande d’écrire les deux caractères zhuanyuan 39 (状元) sur sa copie. Le candidat commence à écrire le premier caractère lorsque soudain le dieu s’empare de sa pierre à encre et disparaît. La copie est tachée et le candidat disqualifié. D’autres sont plus chanceux : Lors de l’examen provincial de 1618, un candidat, malade, s’endort et rend copie blanche. A sa grande surprise, il apprend qu’il est reçu ; lorsqu’il voit sa copie il s’aperçoit qu’elle a été rédigée, lui semble-t-il, par un esprit secourable.

Les esprits peuvent aussi influencer l’examinateur en lui indiquant en rêve quel candidat classer premier.

Tous ces exemples sont tirés de Qianming kechang yiwenlu (前明科场异闻录, Recording

unusual matters heard in the earlier Ming examination grounds) 40.On ne compte pas les effets néfastes d’excès de boisson, les promesses d’abandonner l’alcool

en cas de réussite, l’abstinence sexuelle récompensée, l’intervention de renardes qui mènent le candidat à sa perte.

Quelle que soit la créance que l’on porte à ces différents récits, ils apparaissent comme des contes moraux révélateurs, selon Benjamin Elman, d’une adhésion tant du peuple que de l’élite à l’idée que le système des examens participe pleinement à la vie sociale. L’intervention divine légitimise, s’il en était besoin, d’une part le système, d’autre part les angoisses des candidats et de leurs familles.

Il existe par ailleurs un certain nombre d’expressions ayant trait au système des concours :Cai lan (采兰) cueillir l’orchidée. Allusion tirée de la biographie de Huangfu Mi dans le

Jinshu (Histoire des Jin) : le recrutement de lettrés éminents par l’Empereur est comparée à la cueillette des orchidées. (Histoires d’amour et de mort de la Chine ancienne 41 , p. 62)

Briser la branche de cannelier : réussite aux concours mandarinaux (qui représente une garantie de mariage avantageux). Cueillir la fleur de cannelier : Le huitième mois, celui où fleurissent les canneliers est aussi celui où ont lieu les concours provinciaux ; cueillir la fleur de cannelier, c’est devenir lauréat (Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois, op. cit., p. 1815).

Le voeu du bachelier : “Du premier coup être tête de liste, dix ans plus tard arriver Premier Ministre” (L’Antre aux fantômes des Collines de l’Ouest, op. cit., p. 74). 38 Kui xing : L’étoile alpha de la Grande Ourse, vénéré comme dieu de la littérature.39 Zhuang yuan : Le premier à l’examen de l’Académie Hanlin.40 Ch’ien-Ming k’o-ch’ang i-wen-lu (前明 科场 异闻录, Recording unusual matters heard in the earlier Ming examination grounds), Canton : Wei-ching-t’ang shu-fang 味经堂 书坊 ed. ; reprint, Ch’ien-t’ang, 1873.41 Histoires d’amour et de mort de la Chine ancienne. Chefs d’oeuvre de la nouvelle (dynastie des Tang). Traduit et annoté par André Lévy. Paris : Aubier éd., 1992, 244 pp.

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Traditionnellement, le candidat reçu aux examens est comparé au poisson qui, remontant le courant au prix d’immenses efforts, se transforme tout à coup en dragon. On disait que les poissons du Fleuve Jaune pouvaient se métamorphoser en dragons s’ils franchissaient en les remontant les rapides de la Porte de Yu. Cet exploit inouï sert à qualifier les lauréats des concours mandarinaux, Dragons des Lettres ou Dragons de l’Administration. Pour Edouard Chavannes (1908), cité dans Le voyage en Chine 42 (p. 1024) : franchir la porte du dragon (long men, 龙门) : “La carpe a sauté au delà de la porte du dragon désigne la réussite aux examens littéraires car, entre un humble candidat et un fier bachelier, il n’y a pas moins de différence qu’entre la pauvre carpe et le majestueux dragon”.

Dans le roman de Li Ang, Le Jardin des Egarements 43 , un des protagonistes déclare : “Nos aïeux avaient planté des hêtres 44 , pour la consonnance de leur nom qui en chinois est homonyme du titre de licencié aux concours mandarinaux” (p. 91).

Traditionnellement, dans le trousseau des jeunes mariées figurait un miroir auspicieux dont le dos portait la mention “Cinq fils lauréats des concours” (cité par Ichisada Miyazaki, op. cit.). Dans le même esprit, les femmes enceintes des milieux lettrés occupaient leurs loisirs à écouter de la poésie ou les Classiques lus à haute voix pour, en quelque sorte, “imprégner” le foetus en espérant, bien sûr, que ce soit un garçon.

L’imagerie populaire est riche dans le domaine de la réussite aux concours. Quelques images particulièrement représentatives sont tirées d’un ouvrage consacré aux estampes du nouvel an 45 .

En revanche, dans l’imagerie populaire contemporaine, s’il nous est permis de qualifier ainsi le septième art, le candidat aux examens n’est pas toujours présenté sous le meilleur jour. Par exemple dans le film Green Snake (Tsui Hark, 1993) où Serpent vert et Serpent blanc, deux créatures serpents ont pris une apparence féminine, Serpent blanc s’éprend d’un jeune lettré, Hsui Xien qui s’apprête à passer les concours. Tsui Hark le présente comme un doux rêveur un peu benêt qui ânonne des poèmes classiques en compagnie de ses condisciples.

Pourquoi tant de stress ? Frustration et anxiété amènent parfois, nous l’avons vu, à des débordements d’une rare violence. On se bouscule à la porte du bâtiment des examens et, par exemple à Tanzhou en 1186 ou à Hengzhou en 1210, plusieurs candidats meurent piétinés (cité par J.W. Chaffee, op. cit.). Les titres de quelques ouvrages traitant du système des concours et publiés en langues occidentales sont suffisamment éloquents :

- The Thorny Gate of Learning (J.W. Chaffee) ,- The Ladder of Success in Imperial China (He Pingdi),- China’s Examination Hell (Miyazaki Ichisada).

42 BOOTHROYD Ninette, DETRIE Muriel. Le voyage en Chine. Paris : Robert Laffont, coll. Bouquins, 1997, 1509 pp.43 LI Ang, Le jardin des égarements. Arles : Philippe Picquier éd., 2003, 277 pp.44 Hêtre : ju 榉45 WANG Shucun, Le papier fétiche. Le culte des dieux à travers les estampes folkloriques. Beijing : Editions du Nouveau Monde éd., 1991, 191 pp.

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La réussite aux concours conférait au lauréat un prestige qui rejaillissait sur sa famille. Le fait d’avoir passé les concours, y compris avec une réussite partielle, donnait un statut dans la société locale. Le titre de jinshi plaçait automatiquement le lauréat dans la couche moyenne de la fonction publique. Même à la fin des Qing, alors qu’une bureaucratie pléthorique du fait de l’achat des charges encombrait l’administration, les jinshi avaient la priorité. On les appelait “le clan des tigres” (laohu ban 老虎班).

Jacques Gernet (1959, op. cit., p. 170) révèle qu’“Il arrivait souvent que des familles influentes de la ville [Hangzhou] fissent enlever de force les candidats qui étaient sortis en tête de liste aux concours officiels de la capitale pour le recrutement des fonctionnaires” afin de les prendre pour gendre.

D’ailleurs, la réussite aux examens conférait d’emblée aux parents du lauréat la dignité de fengjun (封君 homme vénérable) et toute la lignée ancestrale s’en trouvait rehaussée. On a vu dans le

conte “Le fabuleux destin de Lü Wendong” (Zhuo shusheng li dou deng gaodi 拙书生礼斗登高

第) traduit plus haut que le père de Zeng Jie est excessivement dépité de ne pouvoir accéder à cette dignité du fait de l’échec de son fils.

Mais l’origine familiale peut, au contraire, empêcher la participation aux concours, les interdits englobant tous les membres de la famille. Ainsi, les “gens vils” (jian min 贱民) ne peuvent concourir

: marchands et artisans, bouchers, coiffeurs, porteurs de palanquins, valets de l’administration (yayi 衙

役 : policiers, gardes, bourreaux, portiers, messagers de yamen), prostituées et artistes auxquels il faut ajouter les moines bouddhistes et les prêtres taoïstes. Cette mesure s’est appliquée de façon variable suivant les périodes. Ainsi les “déclassés” énumérés ci-dessus ont été “affranchis” par l’empereur Yongzheng (règne 1723-1735). Leurs descendants, trois générations après l’affranchissement, peuvent présenter les concours. En outre, J. W. Chaffee (op. cit.) précise que “if among the artists, merchants and clerks, there are those whose talent and conduct are unusual, who eminently stand out from the crowd, then they may qualify and be selected” (p. 55). Par ailleurs, les descendants impériaux furent un moment interdits de concours. Cette mesure fut abolie en 1595.

On prône le respect des différentes classes et réprime toute tentative d’échapper à son statut d’origine. La barrière à franchir, c’est celle entre “the ruling and the rulers” (He Pingdi), administrateurs et administrés, fonctionnaires et usagers ; elle ne peut être franchie que par des individus particulièrement capables et ambitieux.

Le système des concours représentait-il un “ascenseur social” ou constituait-il un outil de reproduction du statut de l’élite ?

La société chinoise traditionnelle considérait l’entrée dans la haute administration comme le but ultime de la mobilité sociale. L’idéal confucéen de l’égalité dans l’accès à l’éducation, ne fut, bien entendu, jamais atteint. Aux premiers temps de l’empire, l’éducation était essentiellement une affaire

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privée, dépendant presque entièrement du contexte familial et d’opportunités personnelles. Ce n’est que sous les Song que fut instaurée une politique d’instruction publique mettant en pratique l’idéal confucéen d’offrir à tous les mêmes opportunités d’éducation. Sous les Ming, des instructions impériales visant à créer une école publique dans chaque conté et préfecture et des écoles élémentaires de villages prises en charge par les communautés villageoises ainsi que le développement de l’imprimerie et la multiplication des académies privées permirent un accès plus large à l’éducation. Un accès plus large à l’éducation, certes, mais entraîna-t-il un accès plus large à la promotion sociale ?

Pour He Pingdi (op. cit.) ou E. A. Kracke (op. cit.), le système des concours représente un facteur de mobilité sociale. A l’appui de leur théorie, un examen de la filiation des lauréats au jinshi sous les Song (Kracke) et des jinshi et juren sous les Ming et les Qing (He). Ils en concluent que la majorité des lauréats n’avaient pas de “mandarin” parmi leurs ascendants et donc que leur succès et le poste de fonctionnaire qu’ils obtiennent représentent pour leur famille une promotion sociale. Pour d’autres auteurs, tant chinois qu’occidentaux, le système des concours a eu des conséquences négatives sur l’évolution de la société chinoise et a retardé les tentatives de modernisation des XIXe et XXe siècles.

A. Hummel 46 , cité par He Pingdi, donne des exemples de réussite de candidats d’extraction modeste, artisans de jour, étudiant la nuit :

- Wu Zhongliang, forgeron le jour, obtint le juren en 1593 et devint magistrat dans le Hunan.- Shang Luo qui fut classé premier aux examens provinciaux, de la capitale et du palais et finit

Premier Ministre était le petit fils d’un ramasseur de bois.- Wang Zhong (1745-1794) orphelin à sept ans, apprenti à dix ans dans une librairie fut classé

premier en 1769 à la licence et fut l’auteur d’une série d’essais sur les Classiques, la philosophie et l’étymologie.

- Wang Shiduo (1802-1889) de Nanjing, d’abord apprenti dans une fripperie puis une boulangerie, après avoir été précepteur, il obtint le juren et devint enseignant au Collège Impérial en 1885.

He Pingdi (op. cit.) présente une compilation de vingt-sept cas exemplaires de mobilité sociale durant les périodes Ming et Qing. Certes, il existait des aides publiques par des bourses, mais bien entendu les candidats des provinces les plus riches étaient mieux lotis. Des hôtels (huiguan, 会馆) gérés par les provinces étaient mis à la disposition de leurs ressortissants venus passer le concours de la capitale. Le clan familial entier participait aux frais éducatifs mais ce système d’“educational facilities and examination subsidies” bénéficiait surtout à ceux dont la famille avait un niveau économique au dessus de la moyenne, la priorité étant en principe donnée aux orphelins et à certains pauvres appartenant au clan. En fait, comme le souligne He Pingdi, “Before 1450, money could indirectly help its possessor to attain higher academic degrees and statuses ; after 1451, money could be directly translated into higher statuses through the purchase of studentships, offices, and official titles” (p. 256). En fait, combien fallait-il débourser ? Il faut rappeler que l’inscription et la participation aux concours se faisaient sans bourse délier, mais les frais annexes étaient importants. Ichisada Miyazaki (op. cit.) a tenté leur évaluation. Selon lui, à la fin des Ming, les dépenses afférentes

46 HUMMEL, Arthur (ed.), Eminent Chinese of the Ch’ing Period (1644-1912). Washington : Gov. Printing Office, 1942-1944 (2 vols), 1103 pp.

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au concours de la capitale et du palais (livres, matériel, voyage, hébergement, cadeaux, pourboires... ) atteindraient les six mille onces d’argent “converted into modern currency on the basis of the amount of rice that money would have bought, this sum today [1963] would enable a couple to take a trip around the world in comfort” (p. 118).

Certains ont une vision très réaliste. Ainsi celle de Fang Bao dans sa préface à La Montagne du Sud de Dai Mingshi (cité par P.-H. Durand, op. cit.) : “Depuis l’instauration des examens, si, à vingt ans vous n’avez pas rejoint les rangs des bacheliers, le chef de li 47 peut vous astreindre à la corvée et le fonctionnaire local vous faire marcher au fouet. A moins que vous n’apparteniez à une famille puissante, sans charge ni dignité officielles il vous faudra chercher (dans le métier) de maître ou d’écrivain public de quoi nourrir vos parents et faire vivre femmes et enfants. Misérable comme un prisonnier, vous n’aurez plus aucun repos de votre vie. Où trouver alors le temps d’étudier le savoir des anciens et (comment) espérer réussir ?” Et finalement comme le déplorait Gu Yanwu 48 (1613-1682) cité par P.-H. Durand (op. cit. p. 50) “la motivation de la majorité des bacheliers fût uniquement de protéger leur personne et leur famille et d’échapper au fouet”.

Pierre-Henri Durand note plus loin (p. 104) : “Le candidat retrouvait à cette occasion d’anciens amis, se faisait de nouvelles relations et, dans l’attente des épreuves, menait une vie très mondaine. Les examens terminés, on se séparait, mais les candidats malheureux seraient nombreux à se retrouver trois ans plus tard. Ainsi, le système des examens, tant décrié, avait cet effet accessoire et bénéfique de contribuer à la circulation des idées en faisant se rencontrer des lettrés d’horizons fort divers. Il concourait à la diffusion de l’information, donc à la formation d’une opinion publique”.

Existait-il en fait une mobilité sociale grâce au système des concours ? Dans le cursus honorum, la course au statut social, le mérite individuel peut-il rivaliser avec la naissance ? Certes des exceptions confirment la règle, mais l’exigence de la maîtrise de textes classiques en langue non vernaculaire et l’environnement culturel qu’elle sous-entend disqualifie la plupart des candidats issus des classes populaires. D’ailleurs, la réussite aux concours et un poste de fonctionnaire ne font pas entrer systématiquement leur auteur dans la classe dirigeante et l’élite sociale. C’est au contraire la propriété foncière et la fortune qui constituent l’apanage de cette classe dirigeante qui fonctionne en “auto-perpétuation” (qu’il nous soit permis ce néologisme) par des mariages, protections et recommandations et c’est de ses rangs qu’est issue la grande majorité des hauts fonctionnaires. En fait, la réussite aux concours ouvre souvent la porte à un riche mariage et c’est par ce biais que le succès permet une ascension sociale. De surcroît, les fils des familles de l’élite, en participant de plus en plus nombreux aux concours, augmentaient les opportunités pour leurs clans de prendre une part plus importante au gâteau du pouvoir politique. Le keju zhidu servait ainsi à perpétuer la domination de l’élite et renforçait l’ordre social par l’adhésion à une culture à base confucéenne partagée par tous et par l’acceptation d’une hiérarchie. Le mirage de participer à l’élite par l’éducation et le système des concours apparaît alors comme un mythe politiquement nécessaire et puissant, rarement remis en question. Citons à propos de cette “élite” une anecdote rapportée par Ichisada Miyazaki (op. cit.), cité par Benjamin Elman (p. 173) : “After an examination, while observing the splendid sight of the next 47 Li (里): Groupe qui comprend 110 foyers.48 GU Yanwu , Gu tinglin shi wen ji (Recueil en prose et en vers de Gu de Tinglin). Hongkong : Zhonghua shuju, 1976.

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chin-shih leaving the government building in a triumphant column, (T’ang) T’ai-tsung (r. 627-50) exclaimed “The heroes of the empire are all in my pocket !”... qui en dit long sur le mépris que l’empereur lui portait.

Pour Benjamin Elman 49 “A masterpiece of social, political and cultural reproduction, the civil examination system persuaded rulers, elites and commoners of the viability of the confucian dream of public success and social mobility, thereby including misrecognition at all levels of its objective consequences”. Il apparaît même comme un système d’auto-reproduction de l’élite lettrée sous le contrôle de la classe dominante. On peut se référer à Pierre Bourdieu 50 : “Une fois qu’un système de diplômes, titres et éducation a été établi, la classe dominante peut l’utiliser pour contrôler la reproduction politique, sociale et culturelle de la société”. Il note également qu’un système de concours destiné à sélectionner une élite implique “l’adhésion totale à la tradition, qui peut aller jusqu’à la révolte pour en imposer le respect, le recours à des tricheries et des subterfuges imposé par la recherche du succès à tout prix et surtout, peut-être, tous les signes d’un investissement total, absolu, comme la mort à la tâche ou les suicides consécutifs à l’échec”.

Le devenir des candidats est prévisible. Selon Jacques Dars (Introduction au Shui hu zhuan, op. cit.) “Les candidats assez heureux pour réussir aux concours se retrouvaient normalement nantis d’une charge de fonctionnaire et devenaient presque inmanquablement les défenseurs d’un ordre politique et social dont ils formaient la classe privilégiée. Gardiens de la tradition littéraire et se réclammant des modèles antiques, ils venaient grossir de leurs écrits la masse prodigieuse de la littérature académique... Pour un écrivain de valeur, combien de tâcherons, de démarqueurs, de compilateurs et commentateurs entassant les allusions et les citations !” Les autres, les recalés, “se détournaient fréquemment du monde et se consacraient à la religion, l’alchimie, l’alcool, la simple vie aux champs - et c’est souvent parmi eux que se perpétua à toutes les époques un courant anticonformiste et individualiste en réaction contre l’ordre et les conceptions de la tradition” (p. LXIII).

Certains vont même beaucoup plus loin. Ainsi, Huang Chao, cité par Pierre Ryckmans 51 : lettré frustré dans ses ambitions officielles, il se mit à la tête d’une révolte paysanne en 874, tint les forces impériales en échec, mit à feu et à sang la Chine orientale et méridionale et s’empara de la capitale. Il fut tué en 884 mais son aventure porta un coup fatal à la dynastie Tang. De même, parmi les leaders de la rebellion paysanne qui entraîna la chute des Ming en 1644, figuraient des candidats malheureux qui n’avaient alors plus rien à perdre.

Les lettrés sont réduits à “vendre de la prose et écrire des épitaphes” : ils se lancent dans la compilation de baguwen à l’intention des candidats, rédigent des anthologies, épitaphes, prières, poèmes, lettres et préfaces à la demande. Les anthologies constituent d’ailleurs un bon “filon” : il s’agit d’une collection des oeuvres des lauréats d’une même session de licence ou de doctorat, 49 ELMAN, Benjamin A., Political, social and cultural reproduction via civil service examinations in late imperial China. J. of Asian Studies, 50, 1991, 1 : 7-28.50 BOURDIEU, Pierre, La Noblesse d’Etat. Paris : Editions de Minuit, 1989, 568 pp.51 SHEN Fu, Six récits au fil inconstant des jours, traduits du chinois par Pierre Ryckmans, Paris : Christian Bourgois éd., 1983, 211 pp.

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compositions d’examen ou dissertations rédigées en dehors des épreuves. C’est un marché considérable 52 . En effet, la succession triennale des concours imposait le renouvellement de ces ouvrages que se procuraient des milliers de candidats au doctorat, des dizaines de milliers de candidats à la licence et une foule d’apprentis bacheliers. Les premières anthologies des compositions des lauréats sont parues vers 1600 et ce type de recueil a connu un essor spectaculaire. Ce succès ne se démentit pas puisqu’une compilation des quatre-vingt seize compositions écrites par les lauréats de promotion (zhuangyuan 状元, le premier à l’examen du palais) des Tang à la fin des Qing vient d’être

publiée en 1998 53. Y figurent les questions et réponses ainsi qu’une biographie des lauréats.

Critiques du keju zhidu

Si beaucoup s’accordent à reconnaître que le système des concours a représenté un carcan et a eu des conséquences négatives sur l’évolution de la société chinoise en retardant par exemple les tentatives de modernisation des XIXe et XXe siècles, son rôle prépondérant dans le recrutement des élites a été, finalement, peu remis en cause. La critique s’exprime essentiellement envers les tares qu’il peut générer. En outre, dans la littérature, l’opposition au système n’est jamais exprimée de front, mais souvent par le biais de personnages fictifs.

Que vise la critique ?- la corruption des examinateurs ou le favoritisme, - les tricheries,- les pertes de temps et d’énergie que représente la mémorisation des Classiques.Une estimation du temps passé à l’étude pour un candidat moyen est proposée par Jacques

Lemoine 54 : “On parvenait au baccalauréat vers 24 ans, après une jeunesse et une adolescence passée dans les Classiques ; on était licencié à 30 et avec un peu de chance docteur à 35 ans. Certains candidats malheureux continuaient à se présenter jusqu’à l’âge de 50 à 60 ans et devaient passer régulièrement les examens souei et k’o pour conserver leur rang ! Un homme qui parvint aux plus hautes fonctions évalua lui-même qu’il avait consacré 35 ans à l’étude et passé 160 jours dans les salles d’examen”.

Mémorisation d’expressions rebattues et plagiat sans vergogne accentuent la médiocrité ambiante. D’après Dai Mingshi (cité par P.-H. Durand, op. cit.), les écrits des candidats n’étaient que des “restes de crachats de vieux étudiants et de lettrés surannés”. La tâche des examinateurs était rendue difficile par le fait que les copies semblaient toutes sorties d’une même main. L’utilisation par 52 Dans la Chronique indiscrète des mandarins, un compilateur de Hangzhou se vante d’avoir produit à lui seul quatre-vingt quinze volumes d’anthologies en cinq ans.53 LI Weixin (李维新), JIA Bin (贾滨), ZHAO Xuewu (赵学武) eds. Tianxia diyice. Lidai zhuangyuan dianshi duice guanzhi (天下第一策 历代状元殿试对策观止). Zhengzhou : Zhongzhou guji chubanshe, 1998, 19 + 8 + 841 pp.54 Ethnologie régionale II, Encyclopédie La Pléiade, Paris : Gallimard éd., 1978 (Asie orientale, Jacques Lemoine).

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les candidats des jiangzhang (讲章, explication des paragraphes) sortes d’abrégés qui se proposaient

d’aider les candidats, rendaient la lecture des Classiques inutile 55 et finalement, les candidats firent des Classiques un simple moyen de promotion. Lin Yutang 56 (1895-1976), dans son ouvrage La Chine et les Chinois, cite les propos extrêmement sévères de Gu Yanwu (1613-1682) dans son Essai sur les étudiants : “Il doit certainement y avoir un demi million de ces étudiants dans les trois cents xian. On leur apprend à écrire en vue de l’examen, et il n’en est pas un parmi plusieurs dizaines d’entre eux qui soit capable d’écrire d’une façon acceptable. Je n’en vois pas un sur mille qui ait véritablement assimilé la culture classique et qui pourrait être de quelque utilité à l’Empereur. Ils sont dispensés du service officiel, non soumis à l’oppression du personnel des bureaux et, à la cour, exempts du châtiment de la fustigation... De ce fait, nombreux sont ceux qui convoitent l’état d’étudiant, non pas uniquement pour l’honneur du titre, mais en vue de leur propre sécurité et de celle de leur famille”. Plus loin, Lin Yutang parle des “instincts parasitaires” des lauréats aux concours, “propres-à-rien instruits” 57 .

Il est extrêmement rare que l’on demande la suppression du système qui représente une énorme force d’inertie et de stabilité, perpétuant la domination de la bureaucratie. Ce rôle n’est pas ou peu remis en cause. On souhaite en revanche sa réforme, car l’inadéquation de la forme avec le but recherché, la sélection d’une élite, est flagrante. Parmi l’élite sélectionnée, pas de spécialistes ou de techniciens, mais en revanche des individus manquant souvent d’esprit d’initiative, “admirablement disciplinés par un long dressage uniforme” (E. Balazs).

Su Dongpo (1036-1101) cité par He Pingdi (op. cit.), estimait quant à lui que “d’un point de vue strictement utilitaire, ni la prose, ni la poésie, ni quelque essai sur des problèmes de gestion de l’état ont quelque chose à voir avec une administration efficace, mais dans la tradition culturelle chinoise, le cursus des jinshi reste ce qui se fait de mieux car malgré son ancienneté et son manque d’adaptation avec les problèmes contemporains il s’est révélé adéquat pour sélectionner les élites étant donné le grand nombre de bons serviteurs de l’état qu’il a permis de recruter”.

On peut évoquer par ailleurs les “jugements de pureté”, inspirés du Donglin (Académie de la forêt de l’Est), mouvement de confucéens exigeants qui, à la fin des Ming, tentèrent de réformer la société. Ces “jugements de pureté”, dans le Collège impérial, sont nés de l’opposition d’une poignée d’étudiants à sa mainmise sur le système des concours de telle sorte qu’il n’y avait plus, selon eux, de réussite sans compromission. Se rapprocher des puissants, c’est risquer de se compromettre, mais comment faire carrière sans protecteur ? P.-H. Durand (op. cit.) cite le cas de Sun Rang, premier à la licence du Shandong de 1681, docteur quatre ans plus tard, qui ne reçut son premier poste qu’en 1709. Il fut envoyé aux confins de la Chine surveiller l’éducation dans la province de Guizhou. “Sa trop grande droiture aurait froissé quelques puissants personnages qui se seraient vengés de lui” (p. 55 On peut penser ici aux “Indispensables” dont la publicité est distribuée dans les facultés à nos étudiants, par exemple L’indispensable de la culture générale qui se propose, en 200 pages, d’apporter “les connaissances indispensables dans cinq grands domaines : philosophie, mythes et religions, esthétique, littérature, notions et figures”...56 LIN Yutang, La Chine et les Chinois. Traduit de l’anglais par S. et P. Bourgeois, Paris : Editions Payot et Rivages, Petite Bibliothèque Payot, (1937) 1997.57 Tout rapprochement avec la “guerre contre l’intelligence” en vigueur ces derniers temps (début 2004), est laissé à l’appréciation du lecteur.

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77). Des relations privilégiées s’établissent entre maîtres et disciples, l’esprit de clan et des réseaux se développent parmi les lauréats d’une même promotion, des factions se forment, factions dont on dénonce l’emprise sur certains secteurs du gouvernement et de la fonction publique.

On déplore aussi le snobisme du milieu estudiantin, les étudiants engoncés dans le lourd fatras d’une éducation qui a fort peu de rapport avec la réalité.

La fraude

Pour certains étudiants, confrontés à une compétition exacerbée dont l’enjeu est vital pour eux et leur parentèle, tous les moyens sont bons pour mettre le maximum de chances de leur côté malgré les risques encourus.

Sous les Tang, les candidats qui se rendaient à la capitale pour présenter l’examen du palais s’efforçaient de se faire connaître et reconnaître des examinateurs, puisqu’à l’époque les copies n’étaient pas encore anonymes. Un bon moyen consistait à faire circuler dans les milieux lettrés des oeuvres courtes et brillantes écrites de leur main et bien entendues signées. Les biographies d’hommes illustres s’y prêtaient tout à fait et nombre de candidats déployèrent ainsi leurs talents littéraires, contribuant à l’essor de ce genre. Cette manoeuvre semble bien anodine comparée à la corruption et aux pots-de-vin qui permettent d’acheter les sujets ou, mieux encore, les examinateurs. Certains étudiants se font remplacer par des individus plus brillants, d’autres disposent de sujets déjà rédigés, pour d’autres encore, des caractères distinctifs sont inscrits sur les copies, à l’intention d’examinateurs de connivence.

Des candidats ont par ailleurs recours à des aide-mémoire ingénieux. Ainsi dans l’exposition sur le Système des Concours qui se tenait au Collège impérial durant l’été 2002 nous avons pu voir par exemple :

- des microlivres format 6 x 8 cm où avaient été recopiés les Classiques,- une chemise de soie très fine entièrement couverte de très petits caractères. L’intégralité des

Quatre Livres était recopiée sur la chemise exposée.Dans l’imagination populaire et dans les contes, nouvelles, pièces de théâtre et romans, écrits

souvent par les recalés, la fraude est considérée comme un phénomène constant lors des épreuves des concours à tel point que, pour le peuple, le “héros” est celui qui, après maint échec, finit par tricher et réussit, le “méchant” étant l’examinateur.

Nous n’avons pas pu trouver de précision sur l’usage et la nature des excitants et autres améliorateurs de performances intellectuelles consommés par les candidats. Il y est fait plusieurs fois allusion dans le Rouputuan 58 ou le Jin Ping Mei où les substances aphrodisiaques sont mises en parallèle avec les “vitamines” que prennent les candidats aux concours, mais nous n’avons pu pousser plus loin, pour le moment, nos investigations.

58 LI Yu, Rouputuan (La chair comme tapis de prière, 1657). traduction P. Klossowski, Paris : J.J. Pauvert éd., (1962) 1979, 317 pp.

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Littérature et concours

Etant donnée la place prépondérante que tenait le système des concours dans la vie chinoise, il n’est pas étonnant que la littérature, en particulier la littérature narrative, contes et romans, y fasse fréquemment allusion. Nous avons, par curiosité, passé en revue les contes analysés dans les inventaires publiés par André Levy et Michel Cartier (op. cit.) (tomes VIII 1 à 4) : 36 % (122 sur 337) de ces contes ont un rapport avec le milieu lettré et le système des concours.

Les exemples, bien sûr, abondent. Nous nous bornerons à quelques citations.La légendaire histoire de Zhu Maizhen (mort en 109 BC) : sa femme, lassée de la pauvreté et

des échecs successifs de son époux demande le divorce. Après son succès aux examens, lorsque l’épouse le supplie d’être reprise, Zhu Maizhen renverse un seau d’eau (Han shu : Histoire des Han postérieurs).

Histoire du Pavillon de l’Ouest (Xixiang ji) 59 : Zhang Junrui est en route vers la capitale pour participer aux concours lorsqu’il aperçoit Cui Yingying et en tombe éperdument amoureux. Il sauve la vie de la jeune fille ainsi que celle de sa mère qui lui promet la main de Cui Yingying mais exige que, préalablement au mariage, il réussisse le concours de la capitale.

N’oublions pas bien sûr l’oeuvre de Tang Xianzu (汤显组), Le Pavillon aux Pivoines (Mudan

ting, 牡丹亭) dont le héros est un jeune lettré qui parvient aux sommets de la carrière mandarinale. Dans la nouvelle intitulée “La bague” du recueil Sept victimes pour un oiseau (op. cit.), pour

sa fille chérie, Chen Taicheng exige comme époux : 1) Le fils d’un fonctionnaire de haut rang ; 2) égal à elle en beauté ; 3) que son nom figure sur le papier jaune de la liste des premiers lauréats.

Chronique indiscrète des mandarins 60 : Fan Jin, quotidiennement maltraité par son beau-père boucher, est pratiquement vénéré lorsqu’on apprend sa réussite au juren. Son statut économique et social est transformé : un magistrat à la retraite lui offre une grande maison et des subsides. Beaucoup recherchent auprès de lui faveurs et protection, les plus humbles s’offrent à lui comme domestiques.

Le thème classique de “La belle et le lettré” est récurrent :Dans le recueil La coupe qui reflète le monde dont l’auteur n’est connu que sous le

pseudonyme de Zhuoyuanting zhuren (le Maître du pavillon où l’on discute des origines) figure le conte “Au jardin des sept pins, mensonge engendre vérité” (Qi song yuan nong jia cheng zhen) repris sous le titre “La belle et le lettré” dans le recueil Le cheval de jade (op. cit.). Un jeune lettré, Ruan Huan, amoureux de Wanniang subit le parcours éprouvant des concours et une fois reçu premier épouse sa belle. Dans le même recueil, la nouvelle intitulée “Le châtiment du parasite” met également en scène un étudiant, candidat multirécidiviste à la licence, adepte du charlatanisme lettré, grugé par un escroc femelle.

On peut aussi évoquer le héros du conte de Li Yu “Amour de scène” 61 , Tan Chuyu, qui, après avoir réussi le dianshi et obtenu une charge de préfet qu’il occupe pendant quelques années, se

59 WANG Shifu, Histoire du Pavillon d’Occident (Xixiang ji), traduit du chinois par Stanislas Julien, préface d’André Lévy. Genève : Slatkine éd., coll. Fleuron, 1997, 347 pp.60 WOU King-tseu, Chronique indiscrète des mandarins, traduit du chinois par Tchang Fou-jouei, introduction d’André Lévy. Paris : Gallimard éd. coll. Connaissance de l’Orient, 1976, 815 pp.61 Wushengxi, du volume VIII 5 de l’Inventaire analytique, à paraître.

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retire de la vie publique pour mener avec son épouse Liu Miaogu une vie paisible de pêcheurs.Le thème des concours est présent même chez les auteurs contemporains. Par exemple Yu Hua

62 (1960-), Un amour classique, dans un des petits romans met en scène un lettré candidat aux examens impériaux dans un épisode onirique et cauchemardesque de famine.

L’intervention divine dans la littératureLa difficulté des épreuves est telle que, dans de nombreux contes, c’est l’intervention divine

qui permet, comme dans le cas de notre Lü Wendong, l’accès aux sommets de la carrière, ou tout au moins le succès aux concours.

Deux exemples tirés des Contes de la Montagne sereine (op. cit.) : “A Kuiguan, Yao Bian honore la mémoire de Zhuge Liang” : Yao Bian, jeune lettré, voit en

rêve un émissaire de Zhuge Liang, auquel, la veille, il a rendu un culte. Cet émissaire lui révèle par avance le sujet de l’examen et à son réveil il rédige la composition sous l’effet d’une aide surnaturelle (p. 169 ).

“Li Yuan sauve un serpent rouge à Wujiang” : En récompense, la fille du roi-dragon, épouse surnaturelle de Li Yuan, lui révèle d’avance les sujets des examens. Bien entendu, il réussit parmi les meilleurs (p. 202 ).

On peut également citer le conte tiré du Pai’an jingqi “Les trois lettres de l’immortel” 63 : Un étudiant boit avec des hommes un soir de cafard. Quelques jours plus tard, il aide un ivrogne tombé dans un fossé à se relever. Cet homme, un de ses compagnons de beuverie, lui remet un petit paquet. Il s’agit de sujets pour les examens. Le héros prépare ces sujets et le jour de l’examen, il s’avère que ce sont les vrais sujets. En fait, l’homme ivre était un secrétaire du Président du jury qui avait, en cachette, recopié les sujets.

Les fantômes interviennent souvent. Ainsi, dans le conte “Le fantôme reconnaissant” tiré du recueil Shi dian tou 64 : Un lettré jusqu’alors malheureux aux examens réussit enfin en détournant à son propre avantage le stratagème convenu entre l’examinateur et un autre candidat. Un fantôme reconnaissant lui a révélé le stratagème.

Le succès aux concours peut-être aussi la récompense d’actes vertueux. Ainsi dans un des contes du recueil Huanxi yuanjia 65 : Liu Shengchun, qui a respecté une jeune femme rencontrée par hasard, est récompensé de sa conduite vertueuse. Lors du concours, un morceau d’encre à broyer lui donne assurance et rapidité pour la rédaction de sa dissertation.

Autre exemple, tiré du recueil Qing ye zhong 66 : Un candidat aux examens du doctorat, Zhou, doit sa brillante réussite à l’intervention du mort auquel, par bonté d’âme, il a assuré sépulture et culte.

Pu Songling (op. cit.) dans le conte “Incursion d’un griffon des montagnes” (septième conte du premier rouleau des Chroniques de l’étrange) narre la mésaventure d’un jeune candidat qui reçoit nuitamment la visite d’un monstre. André Lévy, le traducteur, suggère qu’il s’agit d’un démon suscité dans l’esprit du jeune candidat par la hantise de la solitude et du travail ingrat et intensif exigé par la 62 YU Hua, Un amour classique. Arles : Philippe Picquier éd., 2000, 260 pp.63 P I 40 du volume VIII 3 de l’Inventaire analytique64 D 7 du volume VIII 4 de l’Inventaire analytique.65 H 18 du volume VIII 4 de l’Inventaire analytique.66 Y 13 du volume VIII 4 de l’Inventaire analytique.

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préparation aux concours mandarinaux.

Un autre thème, celui du destin inéluctable : C’est ce qu’explique l’introduction du conte “Le fantôme reconnaissant” cité plus haut : “On étudie pour réussir, gongming (功名), mais il faut savoir que, si l’on est comptable de ses propres efforts, le succès dépend du décret du Ciel. La réussite aux examens découle autant des actes de vertu cachés, yinde (阴德), imputables aux ancêtres du candidat

que de sa propre application à l’étude”. Ou encore le commentaire d’un des contes du Xihu erji 67 : “D’une nullité rare, un lettré Zhuo Xiong passe les concours et parvient aux plus hauts degrés après avoir donné une sépulture à un cadavre abandonné”. Commentaire : “Aux examens, tout est affaire de mingyun (命运), le destin : même Confucius, ou Qu Yuan, ou Sima Xiangru seraient recalés si telle était leur destinée”.

Et la “moitié du ciel” ?

Tout de suite vient à l’esprit la célèbre poétesse Li Qingzhao (1084-1151) qui, issue d’une illustre famille de lettrés, reçut une éducation d’érudit et put vivre une existence libre et épanouie.

Malgré le fait que les jeunes filles n’aient, bien entendu, pas accès aux concours, la littérature est néanmoins riche d’histoires, souvent véridiques, de demoiselles cultivées ayant fait de sérieuses études et connaissant, à l’instar de leurs frères et cousins, les Classiques, les Cinq Livres et les poètes anciens et contemporains. Si la plupart bénéficiaient des leçons du précepteur appointé pour préparer aux concours les garçons de la famille, certaines purent fréquenter les écoles. Néanmoins, Pierre Ryckmans dans les notes illustrant sa traduction de l’ouvrage de Shen Fu Six récits au fil inconstant des jours (op. cit.) précise que “les filles de bonne famille étaient souvent presque illétrées ; l’ignorance étant considérée comme une vertu chez la femme, le savoir et la culture étaient plus généralement réservés aux courtisanes et aux femmes de moeurs libres” (p. 195).

Quelques exemples de femmes instruites recueillis au fil de nos lectures :En mouchant la chandelle (op. cit.) : L’héroïne décrite par Qu You, Liu Emeraude “Douée

d’une remarquable intelligence, elle posséda bientôt les Classiques des Poèmes et de l’Histoire, et ses parents, accédant à ses désirs, l’envoyèrent à l’école” (p. 119).

Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois (op. cit.) (conte XXXII : Lin Yunü, la fille du chef des mendiants de Hangzhou) : “Dès son plus jeune âge (son père) lui avait fait apprendre la lecture et l’écriture, à 15 ans elle savait composer dans les ordres poétiques, et son style comme sa calligraphie coulaient de sa main presque sans y songer” (p. 1328).

Des filles instruites sont mises en scène dans des contes (exemples relevés dans l’Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire ) :

Cao Wenji (曹文姬) courtisane de l’époque Tang, célèbre pour ses talents poétiques et sa calligraphie.67 X 4 du volume VIII 4 de l’Inventaire analytique.

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La calligraphe Weifuren (卫夫人) qui vécut de 272 à 349.

Quant à Xue Tao (薛涛), le roi Wei Gao (746-806) de Nankang (Jiangxi) l’avait fait nommer correctrice des documents militaires, junzhong jiaoshu. Elle eut d’illustres fréquentations, notamment Gao Bing, Yuan Zhen, Du Mu. Elle a fabriqué un papier à lettres précieux (jian 笺), qui a gardé son

nom par la suite (Conte 17 du recueil Erke Pai’an jingqi 68 ).Les filles de la province du Sichuan ont la réputation d’être pleines de talent, telles Zhuo

Wenjun (卓文君), Wang Zhaojun (王昭君) et surtout Huang Chonggu (黄崇嘏) (891-925) qui, déguisée en garçon, est devenue assistante du Premier Ministre.

Dans les Contes de la Montagne sereine (op. cit.) à propos de Zhuo Wenjun (卓文君), on peut lire “Elle était d’une intelligence et d’une pénétration hors du commun, d’une rare beauté. Poèmes réguliers, poèmes à chanter, petits airs ou élégies, luth, échecs, calligraphie, peinture, dessin de dragons ou broderies de phénix, travaux d’aiguille ou ouvrages de femmes, boissons et banquets, dans tous les domaines elle excellait” (p. 276).

Zhu Yingtai (朱英台) aime tant les lettres qu’à 16 ans elle s’habille en homme afin de

poursuivre des études à Yuhang, centre réputé (Conte 28 du Yushi mingyan 69 ). De même, la fille d’un fonctionnaire, Fei’e (蜚娥), réputée pour sa beauté et douée pour les arts martiaux, se déguise en garçon, fait de brillantes études et devient bachelier (conte PII 17).

Un conte du Xihu erji 70 met en scène une fille d’origine modeste mais qui se réfugie dans la poésie, Zhu Shuzhen.

Le recueil Pai’an jingqi 71 met en scène deux soeurs, “courtisanes indépendantes” célèbres pour leurs talents poétiques : Su Xinu et Su Xiaojuan. Cette dernière émeut par ses talents littéraires le juge qui l’autorise à quitter sa profession pour épouser un homme de son choix (Conte PI 25).

Dans les Contes de la Montagne sereine encore, l’évocation de la nouvelle mariée volubile, Li Cuilan : “Elle était d’une beauté peu commune et, depuis les travaux d’aiguille et la broderie jusqu’aux Classiques, aux Livres Canoniques et aux Cent Philosophes, il n’était pas de domaine où elle n’excellât”(p. 296).

On peut évoquer aussi Chen Yun, l’épouse célébrée par Shen Fu “Dès sa plus tendre enfance, elle avait manifesté une vive intelligence ; ainsi, à l’âge où l’on commence à peine à parler, elle se fit enseigner la Ballade de la Guitare, qu’elle sut bientôt réciter par coeur, en entier” 72 (p. 16).

On est bien loin de l’image occidentale de l’intello bas-bleu... mais une phrase de Lin Yutang (1895-1976) (op. cit.) à propos de l’éducation des filles nous ramène bien vite à la dure réalité du machisme ordinaire : “J’estime sans hésitation qu’elles prépareront toujours des soupes meilleures que leurs poésies et qu’un bébé joufflu venu d’elles sera préférable à leurs chefs d’oeuvre” (p. 167).68 P II 17 du volume VIII 3 de l’Inventaire analytique. 69 SI 28 du volume VIII 1 de l’Inventaire analytique. 70 X 16 du volume VIII 4 de l’Inventaire analytique. 71 P I 25 du volume VIII 3 de l’Inventaire analytique. 72 Rappelons que ce poème de Bai Juyi comporte quatre-vingt-dix-huit vers ! Belle performance pour un jeune enfant.

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Le système des concours en Asie

D’autres pays d’Asie ont utilisé le système des concours pour sélectionner leur élite ; parmi eux, la Corée et le Viet-Nam.

Corée 73 : Les coréens connaissaient l’écriture chinoise dès l’époque dite des Trois Royaumes 74. En 372 une université où l’on enseignait les classiques chinois avait été créée à Koguryo. Le confucianisme fut adopté comme idéologie nationale et une université confucianiste (kukhak) fut fondée en 682. En 788, le roi Wonsong instaura un système d’examen de recrutement des fonctionnaires, l’”examen des trois degrés de lecture de textes” avec au programme les Cinq Classiques, les Trois Histoires (Mémoires Historiques de Sima Qian, Chroniques des Han antérieurs et Chroniques des Han postérieurs) et, bien entendu, les Entretiens de Confucius. A partir de 958, le royaume de Koryo adopte le système du kwago, concours d’Etat pour le recrutement des fonctionnaires, au cours duquel les candidats devaient faire preuve d’une grande connaissance des classiques chinois et savoir composer dans leur propre langue. Le chinois, après l’invention et l’utilisation de l’écriture coréenne à partir de 1446, continue à être utilisé pour les documents historiques, histoires dynastiques, etc...

Le film coréen Le chant de la fidèle Chunhyang de Im Kwon Taek (2000) montre un jeune noble lors du concours au XIIIe siècle. Les candidats composent assis à même le sol dans une grande cour en plein air. Le sujet de la composition est déployé sur une banderolle : “Le printemps dans ce jardin est identique au précédent”.

Les examens seront définitivement supprimés en 1894 à l’occasion d’une réforme imposée par l’occupant japonais.

Au Viet-Nam, en 1076, la dynastie des Ly instaure les concours avec épreuves sur les trois religions (confucianisme, bouddhisme, taoïsme), composition littéraire et poétique après la fondation en 1070 d’une Académie nationale. Ces concours furent abolis en 1919 après des réformes importantes en 1898.

Au Japon en revanche, le système des concours pour le recrutement des fonctionnaires n’aurait pas existé. D’après nos informateurs (étudiants japonais), la sélection des hauts fonctionnaires, issus de la noblesse, se faisait sur la base de la recommandation familiale.

Et maintenant ?

Suite à l’abolition du système des concours en 1905, un système éducatif de type occidental

73 FABRE André, La grande histoire de la Corée. Lausanne : Favre éd., 1988, 380 pp.74 Les Trois Royaumes, (dits aussi Les trois Han : Chunhan, Pyonhan, Mahan) : Koguryo (37 BC-668), Baekjae (18 BC-661), Silla (57 BC-676), soit une période s’étendant du Ier siècle BC au VIIe siècle de notre ère.

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fut mis progressivement en place en Chine. Comme le résume Kao Chung Ju 75 : “Le nouveau système pédagogique était assis sur quelques principes : démocratisation, substitution au système d’éducation purement littéraire et livresque d’un enseignement scientifique technique et dynamique ; accession des femmes à tous les degrés de l’enseignement ; envoi massif d’étudiants à l’étranger” (p. 71). Après la fondation de la RPC en octobre 1949, le système éducatif chinois a connu, en 1950, la nationalisation des établissements d’enseignement puis, durant treize ans, l’apprentissage auprès du “grand-frère soviétique” et, à partir de 1966, la grande révolution culturelle prolétarienne au cours de laquelle écoles et universités ont été fermées plusieurs années. Les réformes et la politique d’ouverture restructurent l’éducation à partir de 1978 avec par exemple en 1986, la “loi de l’obligation scolaire” (neuf ans) qui, théoriquement, doit s’appliquer à tous les jeunes de six à quinze ans 76 . Actuellement, ces neuf ans représentent, selon les régions, six ans (ou cinq ans) pour l’école primaire plus trois ans (ou quatre ans) pour le collège (formation générale ou technique) et le taux de scolarisation serait de l’ordre de 97 %. Quoi qu’il en soit, après que l’éducation obligatoire pendant neuf ans ait été instituée, selon la revue The China Quarterly 77 (Review of Government work : Summary of the annual work report of Zhu Rongji, march 5), le taux d’illétrisme des jeunes et des adultes d’âge moyen en Chine est passé de 35 % à 9 % (1997-2002). Le taux d’illétrisme de la population totale était en fait de 18,4 % autour de l’an 2000 (T. Pairault 78).

Au niveau du lycée, deux filières sont ouvertes :- La filière technique assurée par

. les lycées professionnels (zhongdeng zhiye xuexiao, 中等职业学校)

. les lycées techniques (zhongdeng zhuanye xuexiao, 中等专业学校)

- La filière généraliste assurée par les lycée généraux (putong gaoji zhongxue, 普通高级中学)

dont la fonction principale est de préparer les élèves au gaokao (高考), concours national d’entrée à l’Université.

Les filières technniques offrent très peu d’opportunités de passage à l’enseignement supérieur.

Le gaokao, très sélectif, comporte actuellement trois matières obligatoires (chinois, mathématiques, anglais) et une, deux ou même trois matières en fonction de la province, de l’établissement ou des voeux du candidat. D’après Marianne Bastid-Brugière 79 , citant un communiqué du Ministère de l’Education chinois, le nombre de places offertes au concours est en augmentation et attendrait 1 800 000 en 2000. Le taux d’entrée dans l’enseignement supérieur est variable selon les provinces : il est, par exemple, de presque 70 % des candidats à Pékin mais 75 KAO Chung Ju, Le mouvement intellectuel en Chine et son rôle dans la révolution chinoise. Aix : St-Thomas éd., 1957 , 210 pp.7 6 Mais le décret d’application n’a été promulgué qu’en 1992 !77 Quarterly Chronicle and Documentation. The China Quarterly, an international Journal for the Study of China, 174, 2003.78 PAIRAULT, Thierry, Formation initiale et développement économique, Perspectives chinoises, 65, 2001 : 5-16.79 BASTID-BRUGIERE, Marianne, Les offres de formation du système scolaire chinois. Perspectives chinoises, 65, 2001 : 17-27.

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seulement de 4 % dans le Guizhou et en moyenne nationale 10 % seulement d’une classe d’âge y accède. Un extrait du Renmin Ribao du 8 juin 2004 (Fig. 11) illustre le déroulement du gaokao cette année. On peut juger de l’importance de ce concours : une municipalité du Jiangxi met des taxis gratuits à la disposition des élèves pour se rendre sur le lieu des épreuves (photo 1), dans le Guizhou c’est plus de 140 000 élèves qui participent à l’examen (photo 2), dans le Fujian, la surveillance se fait par l’intermédiaire d’un système video (photo 3), dans le Zhejiang, c’est un candidat de soixante-trois ans qui franchit les grilles du centre d’examen (photo 4) tandis que, dans le Hunan, c’est en plein air qu’est distribué le règlement (photo 5).

L’enseignement supérieur offre deux types de cursus- cursus principal (benke, 本科), quatre à sept ans selon les disciplines,

- cursus court ou spécial (zhuanke, 专科) deux ou trois ans.Cursus principaux et cursus spéciaux existent dans la plupart des disciplines et la plupart des

établissements d’enseignement supérieur proposent les deux cursus, “la différence réside surtout dans le fait que le cursus spécial, en principe tourné vers les applications pratiques d’une discipline, inclut moins d’apprentissages généraux et de connaissances fondamentales ; il donne une formation plus étroite et ciblée. Le diplôme qu’il délivre n’autorise pas généralement à continuer par une formation à la recherche en maîtrise, puis éventuellement au doctorat, ni à postuler une bourse officielle d’études à l’étranger” (Marianne Bastid-Brugière, op. cit., p. 23).

A propos du gaokao, Michel Grenie, attaché à la coopération universitaire à l’Ambassade de France en Chine, souligne l’un des effets pervers du système : “Chaque étudiant exprime trois voeux (de filière et d’université) qui seront exaucés ou non en fonction du score obtenu à l’examen national. Il va sans dire que plus les formations visées sont côtées, plus le score exigé pour y accéder est élevé. Le droit à l’erreur n’est donc pas permis et la plupart des étudiants préfèrent exprimer leurs voeux à la baisse plutôt que de prendre le risque de se voir fermer les portes de l’enseignement supérieur. Aussi, rares sont ceux qui étudient la filière de leur choix dans l’université de leur choix.... ” 80

La non-admission à l’université équivaut à un déshonneur familial. L’inscription à l’une des universités privées destinées à accueillir les étudiants refusés par les universités d’Etat ou le départ à l’étranger constituent une alternative pour les candidats malheureux, à condition que les moyens financiers de leur famille soient suffisants.

On peut noter que le China Daily du 2 mai 1994 dans un article intitulé “Exams are bane of school life” déplorait que les élèves se focalisent sur l’entrée à l’Université au détriment de la culture et qu’il en résulte que “Schools as a result educate students poorly, leaving youths undeveloped intellectually, physically and mentally” (cité par J.W. Chaffee, op. cit., p. XXI)

La Revue Bibliographique de Sinologie (R.B.S.), année 2000, (p. 125) signale la parution en 1999 d’un ouvrage présentant plusieurs contributions à propos des problèmes de l’éducation et du système chinois d’enseignement 81. Les différents auteurs sont unanimes pour admettre que l’éducation chinoise a besoin d’une révolution car elle traverse une crise grave :

- Les doléances des parents, des élèves et des enseignants relatives aux programmes et aux 80 Entretien publié dans http://unmondeapenser.free.fr/rencontres_mg.htm, consulté le 10 juin 2004.81 YANG Dongping (杨 东平) ed. Jiaoyu : women youhua yaoshuo (教育 我们 有话 要说) . Beijing : Zhongguo shehui kexue chubanshe, 1999, 459 pp.

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méthodes pédagogiques se multiplient. On y dénonce la corruption, l’archaïsme et le bureaucratisme souverains dans les établissements scolaires.

- Les défauts de la formation actuelle sont multiples :. absence d’esprit créatif,. façonnage pur et simple de machines à passer des examens,. inadaptation des méthodes et des objectifs aux besoins de la société moderne.

- On note un dégoût croissant des études chez les jeunes, l’exacerbation des tensions enseignants/élèves et parents/enfants. Une recrudescence des suicides est observée, en partie à cause de la pression, de la multiplication des contrôles, de l’inadaptation des programmes et de la compétition entre les élèves imposée par l’administration.

- L’ouvrage présente également des propositions concrètes sur la refonte profonde du système actuel par des intellectuels, des éducateurs et des spécialistes. Ils suggèrent en particulier de réformer les modalités des examens et d’abolir le système des établissements de pointe (zhongdian xuexiao, 重

点 学校). Ils souhaitent également libéraliser l’enseignement supérieur et préserver l’esprit de l’Université.

A titre d’épilogue

Une anecdote parue dans Libération, le 19 décembre 2001 :

“Analphabète diplômé”

“Admis il y a une semaine à l'examen d'entrée de la Faculté de Droit d'une grande université privée de Rio de Janeiro, Severino da Silva vient d'être reçu à la Faculté des Lettres d'une autre grande université, également privée. Tout cela serait bien banal si ce boulanger de 27 ans n'était quasi analphabète. Un reportage de TV Globo a montré qu'il avait passé les épreuves en cochant au hasard des réponses sur des questionnaires à choix multiples. Le nombre de ses bonnes réponses l'avait dispensé des épreuves de rédaction. Une polémique sur le laxisme de l'enseignement privé au Brésil a aussitôt éclaté. Après la première réussite aux examens du boulanger analphabète, des responsables du Ministère de l'Education et de la Culture avaient minimisé l'affaire, affirmant que c'est comme “gagner un gros lot à la loterie et que cela ne veut rien dire”. Son deuxième succès montre qu'il y a quand même un problème. Le Ministre de l'Education, Paulo Renato, promet des inspections dans les universités en question et des changements dans l'examen d'entrée où notamment une note en rédaction sera éliminatoire. L'idée de faire passer l'examen à un analphabète est venue d'un étudiant en journalisme qui voulait démontrer le mercantilisme à tous crins de l'enseignement privé brésilien.”

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ANNEXE IZHANG Dai, Souvenirs rêvés de Tao’an, traduit du chinois, présenté et annoté par Brigitte Teboul-Wang, Paris : Gallimard, collection “Connaissance de l’Orient”, 1995, 183 pp.

Zhang Dai (1597-1689), dans ses souvenirs, évoque Liu Jinting, un conteur illustre de sa jeunesse : “Liu-le-grêlé de Nanjing avait le teint noiraud, le visage ravagé de marques de variole, l’air désinvolte, négligé et mal fagoté. Il excellait dans l’art de conter. Chaque jour, il racontait une histoire, au prix fixé d’un taël d’argent ; on lui envoyait un carton avec acompte, une dizaine de jours à l’avance, pour prendre date et souvent il n’était pas libre. Il y avait alors à Nanjing deux professionnels qui soulevaient les passions, c’était Wang Yuesheng et Liu-le-grêlé. J’entendis ce dernier raconter en pur conteur l’histoire de “Wu Song terrasse le tigre au col de Jingyang” dans une version très différente de l’originale. Il décrivait et peignait chaque scène avec la finesse d’un cheveu. Mais, en même temps, on retrouvait toutes les étapes de l’histoire et il ne se perdait pas en bavardages. Sa voix retentissait comme le son d’une cloche géante. Au point culminant de l’action, elle éclatait comme un déferlement de vagues fracassant la pièce. Wu Song entre dans une échoppe pour acheter du vin ; ne voyant personne, il pousse des cris perçants qui fusent à travers la boutique et résonnent jusqu’au fond des jarres et des pots vides... Il émaillait ainsi son récit de détails subtils. Il fallait que le maître de maison, assis en silence, retînt sa respiration et tendît l’oreille pour que le conteur se décidât à remuer la langue. Si, parmi l’auditoire, il surprenait quelqu’un en train de chuchoter à l’oreille de son voisin, ou qui s’étirait en bâillant de fatigue, il s’interrompait aussitôt, et il était vain d’insister pour qu’il reprît. Dès que sonnait la troisième veille de nuit, on venait essuyer sa table, moucher les chandelles et, sans bruit, on faisait glisser sa tasse de thé avec quelques mots attentionnés. Sur un rythme rapide ou lent, un ton léger ou insistant, avec des sons aspirés ou soufflés, une voix haute ou basse, il pénétrait les sentiments et l’intelligence de l’histoire, il entrait dans la chair et les os de l’intrigue. Si l’on avait attiré là les oreilles de tous les conteurs, nul doute qu’ils s’en fussent mordu la langue à en mourir. Liu-le-grêlé était extraordinairement laid, pourtant il parlait avec éclat et distinction, ses yeux étaient vifs et expressifs, son costume sans prétention ; il avait vraiment autant de charme que Wang Yuesheng. Aussi leur renommée était-elle comparable” (p. 95-96).

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Extrait de L’Oeil du Consul. Auguste François en Chine (1896-1904). Présenté par Dominique Liabeuf et Jorge Svartzman.

Textes d’Auguste François rassemblés par Pierre Seydoux. Sté Nlle des Editions du Chêne/Musée Guimet ed., Paris, 1989, 216 pp.

L’extrait ci-dessous est une correspondance d’Auguste François, Consul de France à Yunnanfu (Kunming) de 1899 à 1904, figurant dans le chapitre Souvenirs

d’Indochine et de Chine sous le titre “Examens des lettrés”.

Yunnansen, 28 octobre 1901

Maintenant je voudrais vous conter des affaires intéressantes de ce pays-ci. La chronique locale doit en fournir ; mais je suis à l’attache. Pourtant j’ai eu, durant ces dernières semaines, le spectacle d’un Yunnansen universitaire des plus curieux. Une dizaine de milliers de candidats à la licence est accourue de tous les coins du pays pour décrocher l’un des cent quarante-deux diplômes faisant l’enjeu de ce tournoi au pinceau. Notre Moyen Age devait offrir de ces tableaux lorsque les gentils escholiers, les clercs de la basoche s’en venaient ès capitale ouïr les bons maîtres ou disputer de leurs thèses dans les bonnes universités.

Ce monde s’entasse dans les hôtelleries ; on arrive par tous les moyens de locomotion permis par les diverses conditions sociales ; les fils de famille se font porter en chaise, d’autres vont à cheval, juchés sur des harnachements rutilants, suivis de coffres, de bagages de gens chics ; d’autres sont modestement accroupis sur de lamentables rosses de caravanes, faisant porter par le même animal, outre leur maigre personne, leur science et leur fortune, le matelas sur lequel ils coucheront n’importe où et leurs frusques.

On voit arriver des théories de candidats, convergeant de toutes les routes vers les portes de la grande ville ; ils sont des milliers en quête de logement ; trainant leurs biquets de porte en porte, débattant les prix d’un

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logis et d’une pension chez les particuliers. On remarque des groupes de domestiques provinciaux ahuris, suivant leur jeune maître ou gardant les paquets au milieu des rues, en attendant la découverte d’un gite. Il y en a partout ; on descend chez les parents, des amis, à l’hôtellerie chic du “Bonheur-Céleste”. Les plus miséreux se contentent simplement de la belle étoile, arrivant pédestrement, leurs bouquins graisseux noués dans un turban, soutenus par l’espoir de repartir couronnés membres de la “Forêt des pinceaux”, après s’être assis vainqueurs au banquet impérial présidé par le vice-roi.

Les rue ont pris un aspect bien particulier. Mon quartier surtout, qui est précisément comme le Quartier latin, étant voisin du palais des examens, le “Hangar de la littérature”, et du yamen du grand examinateur. Je suis environné de quelque chose comme les galeries de l’Odéon. Les bouquinistes, les marcahnds d’encre (de Chine), de pinceaux, de papiers - toutes les fournitures de l’étudiant - installés sous des parapluies géants, forment comme une suite de galeries couvertes. Et puis, c’est la foule des concurrents, encombrant les ruelles, allant en monômes naturels, rendus obligatoires par l’étroitesse des rues. Les gommeux de province, étalant des élégances de robes de soie qui marquent bien leurs plis, s’attablent sous les auvents des maisons de thé, consomment de l’eau-de-vie de riz, dans des petits pots d’étain, sur des tables de cabarets très moyenâgeux. Et puis il font du boucan et courent les mauvais lieux. La ville leur appartient, et dans la foule on voit passer des chaises hermétiquement clôturées, comme c’est l’usage, où l’on distingue des têtes de demoiselles, peintes comme des poupées de modistes, des têtes à cheveux lustrés, piqués d’épingles d’argent, et un petit parterre de fleurettes en rond autour de chaque oreille. Et les beaux habits ! Que c’est comme un bouquet de fleurs.

Aussi les monts-de-piété ne désemplissent-ils pas. On vient y laisser des bibelots paternels, on met sa garde-robe au vestiaire de sa tante. Tel qui est venu sur une bête de prix s’en ira porté à sa famille par deux coolies, assis entre deux bambous et sans excédent de bagages. J’ai les yeux sur un étalon noir qu’un candidat militaire de Yan-Lin-tcheou cherche à placer. On me dit que c’est la plus belle bête du Yunnan. Je souhaite que les demoiselles peintes mettent à pied ce saint-cyrien céleste. A cent taëls, je conclus le marché.

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Beaucoup sont venus, comme chez nous, passer des examens uniquement pour manger l’argent des inscriptions, et mènent une vie de bâton de chaise, jusqu’au jour de l’entrée en loge qui se pratique avec solennité.

L’examen des lettrés, c’est un des fondements de l’organisation sociale chinoise. C’est de là que va sortir le classement d’une foule d’individus. C’est de là que va se former l’aristocratie de l’empire. C’est du troupeau des candidats que s’élèveront les illustrations, les administrateurs qui vont faire le bonheur ou le malheur du peuple ou la gloire de l’empire. Le peuple les suit avec un intérêt, un respect religieux. On les entoure du plus haut appareil des cérémonies officielles. Tout le monde gouvernemental y prend part ; les plus hauts mandarins y pontifient. C’est une des fonctions les plus graves pour eux. Ils y président comme à l’enfantement de la portée nationale qui doit assurer le gouvernement et la bonne administration de l’empire. Ils préparent leur descendance officielle, la transmission de leur pouvoir, la continuation des traditions sur lesquelles vit le peuple chinois depuis des milliers d’années.

Et le peuple accourt sur le passage du cortège de ses mandarins ; la foule, qui s’écrase dans les ruelles, assiste, remuée, attendrie, à ces solennités, pénétrée de la gravité de l’acte qu’ils vont accomplir et d’où elle sent que dépend son propre avenir, l’écoulement paisible de son existence sociale, le maintien de ses coutumes, la garantie de justice et de bonne direction de ses affaires. C’est quelque chose comme les sentiments qui devraient pénétrer la masse de nos populations, à la veille de nos grandes élections, si nous avions encore des traditions et la perception d’idées de gouvernement. Le peuple chinois sent ce que nos électeurs ne sentent pas, alors cependant qu’ils vont par eux-mêmes procéder à la préparation de leur avenir, et qu’ils devraient être pénétrés à un plus haut degré de la gravité d’une fonction dont ils ont seuls la responsabilité.

Le Chinois, lui, s’en remet à ses mandarins pour un choix qui est entouré de toutes les garanties et de toutes les précautions d’impartialité pour les candidats et de sécurité pour les administrés de ces futurs détenteurs du pouvoir ; et il assiste avec un recueillement religieux à ces cérémonies où tous les représentants, tous les éléments de la nation contribuent. Ce moment des examens est comme celui de la conception

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d’un être, où tous les organes concourent et pendant lequel toutes les autres fonctions, toutes les autres préoccupations s’arrêtent ou s’effacent. C’est l’apothéose du mandarin, que l’on voit passer en pompe, sanctifié par tous les appels aux génies, aux divinités protectrices et qui s’en va s’enfermer dans l’enceinte des examens pour vingt jours, ne communiquant avec personne, gardé extérieurement par une ceinture de troupes campées sous des tentes, observant les rites anciens, les règlements minutieux, enfin opérant dans toute sa gloire, avec des honneurs exceptionnels qui ne lui sont rendus que là, pour choisir parmi toutes les classes du peuple, sans distinction, les sujets les plus dignes de commander aux autres. Je disais à mon lettré, en lui parlant de cette sorte d’incarcération de vingt jours du gouverneur, dans ce camp de lettrés, qu’il devait bien s’ennuyer. “Comment, me dit M. Touan-Mou, s’ennuyer ?” Et il me contemplait d’un air évidemment méprisant. “Mais on lui tire trois fois des pétards”. Et M. Touan-Mou pensa m’avoir cloué par son raisonnement auquel je crus devoir répondre admirativement : “Ah, vous m’en direz tant !”

En temps ordinaire, lorsque le gouverneur franchit sa porte, on lui tire une salve de trois pétards. Au moment où il passe le seuil du palais des examens, on lui tire trois salves : une première au moment où il va passer la porte, une deuxième au moment où il la passe, et une troisième lorsqu’il a pénétré dans l’enclos sacré. Comment voulez-vous qu’un homme ainsi salué puisse s’ennuyer ? C’est la dernière expression du respect qui s’attache à son mandat, l’honneur suprême rendu à sa personne ainsi exaltée. “On lui tire trois fois des pétards” - il fallait voir l’expression de M. Touan-Mou en prononçant cette phrase - et j’avais l’incongruité de supposer un instant qu’un tel homme pouvait s’ennuyer !

Vous allez me trouver gogo, bien gobeur. Tout cela, direz-vous, d’élucubrations pédantes et indigestes au sujet d’un examen chinois ? Rassurez-vous, nous rirons plus tard des drôleries qu’un esprit européen peut récolter dans des cérémonies de ce genre. Vous pouvez vous en remettre à moi pour cela et il y a là-dedans des symboles qui se manifestent par des formes désopilantes. Mais vous m’avez dit que, dans mes récits, vous vous intéressiez aussi à des aperçus philosophiques et alors je ne me suis pas seulement borné à noter les apparences réjouissantes. Je vous donne les pantins avec l’explication de leurs ressorts ; suivant vos goûts, vous vous

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amuserez de leurs grimaces, ou sous vous intéresserez au mécanisme. Pour moi, je m’arrête aux deux. Je m’emplis les yeux de scènes et de décors étrangers, et puis j’ai cette chance de vivre dans une ville non ouverte, non encore contaminée par l’Europe autrement que par ce que j’en apporte et que par conséquent, je ne vois pas ; je suis un spectateur de l’existence chinoise dans ce qu’elle peut avoir de plus parfait. Je tâche d’y pénétrer un peu et de recueillir quelques idées. Je crois qu’il n’y aura pas eu d’empire ayant duré aussi longtemps et demeurant moins connu. Je ne vois aucune publication qui me satisfasse, pour représenter ce pays sous son véritable jour. Je l’entrevois à peine, dans beaucoup de brouillard. J’aperçois des formes, confusément, mais assez pour me convaincre que tous ceux qui ont écrit, même après avoir résidé longtemps dans les villes ouvertes, n’ont rien pénétré de ce monde. Il en est comme de ces magnifiques poissons, qui perdent leurs couleurs instantanément au contact de l’air ; ils conservent leurs formes, des nuances étranges encore, mais ce n’est plus cela. Et ce vieux monde se transformera sans qu’on l’ait pu sérieusement étudier. Il en restera des traductions. Oh certes, les sinologues de l’avenir ont de la paperasse sur la planche, mais saura-t-on quelque chose de l’esprit qui animait ce corps, des idées qui le faisaient mourir ? J’en doute fort. La transformation va être trop rapide ; et c’était un mécanisme trop différent du nôtre pour que l’adjonction du moindre de nos rouages ne fausse pas tout le reste.

Ces examens que je viens de voir seront les derniers. Déjà on annonce que ceux qui les suivront (ils ont lieu tous les six ans), comporteront des programmes suivant un esprit moderne. Ils amèneront une révolution dans les vieux principes qui immobilisaient cette société. Cette boule qui tournait sur elle-même, et sans cesse dans le même sens, va entrer dans la danse générale et participer au mouvement des autres. Les habitants en seront-ils plus heureux, et nous-mêmes, qu’y gagnerons-nous ? Quien sabe !

Maintenant, chère Madame, je ferme le robinet de ma philosophie et je reviens au genre descriptif pour ne rien vous laisser ignorer des choses importantes qui constituent mon milieu.

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WOU King-tseu, Chronique indiscrète des mandarins, traduit du chinois par Tchang Fou-jouei, introduction d’André Lévy. Paris : Gallimard, coll. “Connaissance de l’Orient”, 1976, 815 pp.

XU Xiake, Randonnées aux sites sublimes, traduit du chinois, présenté et annoté par Jacques Dars. Paris : Gallimard, coll. “Connaissance de l’Orient”, 1993, 392 pp, 15 cartes ht.

YANG Dongping (杨 东平) (ed.) Jiaoyu : women youhua yaoshuo 教育我们有话要说. Beijing : Zhongguo shehui kexue chubanshe, 1999, 459 pp.

YANG Xuewei (杨学为) et al., Zhongguo kaoshi zhidu shi ziliao xuanbian (中国考试制度史资料选编 Selected Sources on the History of the Chinese Civil Service Examination System). Ho-fei, An-hui : Huang-shan shu-she, 1992.

YU Hua, Un amour classique. Arles : Philippe Picquier, 2000, 260 pp.

ZHANG Dai, Souvenirs rêvés de Tao’an, traduit du chinois, présenté et annoté par Brigitte Teboul-Wang, Paris : Gallimard, collection “Connaissance de l’Orient”, 1995, 183 pp.

ZI, Etienne, Pratique des examens littéraires en Chine. “Variétés sinologiques” , n° 5, 1894, Shanghai : Imprimerie de la Mission catholique, reprinted by Ch’eng Wen Publishing Company, Taipei, 1971, 279 pp.

ZHONG Guangjun (仲光军) et al., Lidai jindian dianshi dingjia zhujuan (历代金殿殿

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Christiane ROLANDO • “Le fabuleux destin de Lü Wendong”(Une approche du système des concours mandarinaux à partir d’un conte du XVIIe siècle) (extraits)

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试鼎甲朱卷 Examination Essais of the Top Three Graduates of Civil and Palace Examinations of Several Dynasties) , 2 vols., Shih-chia-chuang : Hua-shan Arts Press, 1995.

Zhongguo wenhua cidian 中国文化辞典, Shanghai : Shehui kexueyuan, 1987,1392 pp.

SIND05/1 - SINZ22/2 • Complément, page 59

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Complément bibliographique (PK).

NGUYEN TRI, Christine, DESPEUX, Catherine (eds.), Education et instruction en Chine.

I. L’éducation élémentaire.Paris - Louvain : Centre d’Etudes Chinoises/Editions Peeters, 2003, “Bibliothèque de l’INALCO, n° 4, 229 p.

Les études regroupées dans ce volume, premier de trois ouvrages traitant de l'éducation en Chine, portent sur la période de l'enfance. Si toutes les époques ne sont pas traitées, l'espace de temps couvert, de l'Antiquité au XXe siècle, est suffisamment étendu pour rendre compte des évolutions ou des constantes dans la manière d'aborder l'éducation enfantine, que ce soit en matière d'apprentissage, de pédagogie ou de contenu de l'enseignement. L'ouvrage s'ouvre sur un tableau des premières années telles qu'elles furent conçues et traitées entre les XIe et XVIIe siècles. L'homme de bien se distinguait du vulgaire par une bonne éducation basée sur une morale de comportement et la connaissance des rites. Pour de nombreux auteurs, l'éducation et l'instruction avaient un rôle capital à jouer soit pour favoriser le plein épanouissement des bons côtés de la nature, soit pour corriger les mauvais penchants. Reprise et développée au fil des siècles, cette idée a pour corollaire celle de l'extraordinaire réceptivité de l'enfant. Pour une certaine catégorie de la population, l'éducation commence dès les origines de la vie, au moment de la conception; elle s'adresse tout d'abord à la mère avant de prendre en considération la grossesse dans son ensemble. Quant à l'acquisition des connaissances, à l'apprentissage de l'écriture et de la lecture, ces thèmes sont abordés dans plusieurs articles qui permettent d'aller des premiers manuels de caractères sous les Han, aux manuels scolaires modernes de la fin du XIXe siècle, en passant par les exercises d'écriture découverts à Dunhuang et datant des IXe et Xe siècles, pour aboutir à la vogue actuelle (au moins éditoriale) du fameux «Classique en trois caractères». Si ces divers «manuels» semble de prime abord destinés à maîtriser l'écriture, le public visé n'est pas forcément le même au fil des siècles, et il est parfois difficile voire impossible de tracer une ligne de démarcation nette entre le contenu et son support, entre acquisition de connaissances générales et formation morale. Enfin, au début du XXe siècle, à travers l'apparition d'une littérature enfantine, nous pouvons suivre la transformation de l'idée d'enfance.

II. Les formations spécialisées.Paris - Louvain : Centre d’Etudes Chinoises/Editions Peeters, 2003, “Bibliothèque de l’INALCO, n° 5, 258 p.

Ce deuxième volume d'Éducation et instruction en Chine traite de l'acquisition des connaissances sous des angles divers et à travers des spécialisations. Que ce soit en tant que fonctionnaires confrontés à des problèmes concrets, comme les questions hydrauliques et fiscales, ou en tant que savants se passionnant pour les mathématiques, la médécine, les sciences, leur culture classique et poétique n'a pas empêché les lettrés chinois de se montrer curieux des choses concrètes et d'être compétents dans des domaines variés. Ainsi, les connaissances techniques de certains fonctionnaires, acquises par d'autres voies que celle des examens, leur ont permis de faire tourner un système administratif d'une extrême complexité. Sous les Song, les académies eurent un rôle important dans la transmission du savoir mathématique ainsi que dans la réflexion sur les méthodes d'enseignement et d'apprentissage. Durant l'ère Kangxi, l'empereur lui-même manifeste un interêt certain pour les mathématiques occidentales et c'est sous ses auspices qu'un enseignement des sciences est ouvert à la Cour impériale. Sous les dynasties Ming et Qing, des lettrés se sont intéressés à la médecine et ont contribué à l'établissement d'une nouvelle tradition médicale lettrée qui a débouché sur un programme d'enseignement et favorisé l'édition d'un nombre croissant de manuels. La description de la formation des forces navales chinoises sous la dernière dynastie offre l'exemple du mode d'acquisition de connaissances pratiques. Pour certains auteurs, en Chine, l'enseignement juridique n'aurait vraiment commencé qu'avec l'apparition de sociétés de juristes et la création d'écoles de droit et d'administration à partir de 1905; en réalité, les emprunts faits au droit occidental au tournant du XXe siècle ont été étroitement associés à la reconversion d'une tradition juridique chinoise bien vivante, tant sur les plans théorique que pratique. À la même époque, l'influence japonaise s'est exercée dans les réformes juridiques chinoises au travers des nombreuses traductions d'ouvrages japonais et avec le recrutement de juristes japonias. Les acteurs de cette influence sont entre autres des étudiants chinois formés en droit et en sciences politiques au Japon; à leur retour, ils ont contribué à diffuser les conceptions occidentales du droit revisitées par les Japonais. En Chine même, l'Université de Pékin s'est très tôt ouverte à l'enseignement des sciences, critère essentiel de l'accès à la modernité; dès sa création pendant la réforme des Cent jours en 1898, cette université a servi de cadre à une réflexion théorique sur la nécessaire transformation de l'étude, aussi bien le système des connaissances que la méthode de formation.

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III. Aux marges de l’orthodoxie.Paris - Louvain : Centre d’Etudes Chinoises/Editions Peeters, 2004, “Bibliothèque de l’INALCO, n° 6. 246 p.

Troisième et dernier volume d'une série consacrée à l'instruction en Chine, «Aux marges de l'orthodoxie» regroupe huit études qui rappellent, pour des périodes allants des Royaumes Combattants au début du XXe siècle que, si la littérature écrite classique a prédominé dans la formation du lettré, elle ne fut pas son seul moyen d'éducation. Avant que l'enseignement ne trouve un cadre figé à partir des Han, Confucius, le maître par excellence, a pratiqué un enseignement itinérant dans une vie marquée par l'errance, faisant du voyage et de la mobilité le coeur de la formation «lettrée». Une étude sur l'art de la cithare «qin» souligne toute l'importance des formations artistiques. Une autre révèle l'existence d'un enseignement privé de tradition érémitique notamment avec le développement des communautés bouddhistes sous les Six Dynasties, au sein desquelles se côtoyèrent érudition classique et bouddhique. L'instruction d'une certaine éthique occupe une place importante dans ce volume, que ce soit à travers l'analyse d'un roman didactique des Ming, le «Roman de la conversion de l'Orient», ou du discours édifiant comme élément majeur des récits en langue vulgaire au XVIIe siècle. Il est rappelé que l'autorité du lettré ne passe pas uniquement par le discours, mais s'exerce aussi en dehors de toute leçon explicite, par une conduite idéale, par une attitude libre, dégagée des opinions. Enfin, une place a été accordée à la catégorie marginale par excellence dans un milieu lettré essentiellement masculin: les femmes. Dans la Chine traditionnelle, elles apparaissent comme des êtres qu'il fallait discipliner, éduquer par des histoires édifiantes, des réprimandes, comme le démontre l'analyse de nombreux récits des Six Dynasties consacrés à la jalousie féminine, présentée comme une des émotions les plus caractéristiques des femmes. Un inventaire des manuels féminins du début du XXe siècle met en évidence les conceptions de la femme propres à la Chine pour cette période, ainsi que la perpétuation ou la remise en question de la tradition en la matière.

Bibliographie sur l’histoire de l’éducation en Chine au 20ème sièclehttp://www.ciep.fr/bibliographie/chine_histeduc.htm

UNIVERSITE PARIS 8, “Regards autres sur l’éducation en Chine” Pratiques de formation, déc. 2003, n° 45-46, 169 p.

Les communications au 2e colloque sino-chinois, rassemblées par René Barbier, portent sur la culture chinoise et sa rencontre avec les cultures occidentales. L’éducation y occupe une place de choix entre esprit critique, éducation politique, pensée traditionnelle et modernisation. (Résumé de l’éditeur)

WANG Xiufang, Education in China since 1976. Jefferson, N.C. : McFarland & Co Inc Pub, 2003, 288 p.

This work examines the education system in post–Mao China from 1976 to the present. It explores how the Chinese government sees the development of its educational practices within the nation’s broader social, economic, political, and cultural contexts; how it identifies new issues that emerge in the process of what might be called educational globalization; how it translates these issues into specific educational policies, activities, and goals; how the education reforms fit China’s social and political realities and objectives; how the new policies affect foreign student affairs and Chinese students studying abroad; the ways in which the government promotes international educational cooperation and exchange; the opportunities for Western institutions to introduce programs in China; and current trends and their effect on the internationalization of education. (Résumé de l’éditeur)

THOGERSEN, S., A county of culture : Twentieth-Century China Seen from the Village Schools of Zouping, Shandong Michigan : University of Michigan Press, 2002, 288 p.

PETERSON, Glen, HAYHOE, Ruth, LU Yongling. Education, culture and identity in twentieth-century China. Michigan : University of Michigan Press, 2001, 432 p.

Cet ouvrage retrace l'histoire de l'éducation en Chine au cours du XXe siècle, de la fondation du premier système scolaire moderne, à la fin de la dynastie des Qing, jusqu'à l'actuelle République populaire de Chine. Il tente d'expliquer comment les développements de l'éducation influent sur les schémas culturels, mais aussi sur la quête identitaire personnelle, collective et politique, et réciproquement. Les seize contributions explorent trois thèmes : les interactions entre la Chine et l'étranger, les relations État-société et l'identification qu'ont les individus par rapport à leur sexe.

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XIAO-PLANES Xiaohong. Éducation et politique en Chine : le rôle des élites du Jiangsu 1905-1914. Paris : Écoles des hautes Études en Sciences Sociales, 2001, 438 p.

L'ouvrage s'intéresse à l'histoire des élites locales de la province du Jiangsu, au début du XXe siècle. Dans une Chine imprégnée de ses traditions, les nouveaux dirigeants vont tenter d'imposer la mise en jeu conjointe d'une réforme éducative et d'une réforme politique.

C.R. de Marianne Bastid-Bruguière, Perspectives chinoise, n° 74, novembre - décembre 2002, p.73De nombreux travaux chinois et étrangers ont été consacrés depuis trente ans à l’activité réformatrice des notables des diverses provinces chinoises au cours du dernier demi-siècle de la dynastie des Qing, en particulier dans les années 1901-1912, ainsi qu’aux formes variées d’associations grâce auxquelles ils s’étaient organisés pour accroître l’efficacité de leur action comme leur capacité de négociation avec l’administration impériale. Dans l’effervescence générale qui porte les élites provinciales au changement intellectuel, politique et social après les Boxeurs, les notables et lettrés du Jiangsu occupent une place éminente, tant par leur nombre relatif que par les moyens matériels et surtout l’abondance des organes de presse et de diffusion imprimée dont ils disposaient, et qui ont laissé ample matière aux études historiques.On connaissait bien dans ses grandes lignes le rôle joué alors par la Société générale d’éducation du Jiangsu, créée en 1905 par plusieurs personnalités éminentes de cette province et présidée par l’illustre homme d’affaires Zhang Jian, cacique au doctorat. Elle devint la matrice d’un véritable parti constitutionnel, l’Association préparatoire au régime constitutionnel, qui fut au premier plan de la vie politique dans les dernières années de la monarchie et assura une transition plutôt pacifique vers le régime républicain lors de la révolution de 1911. La monographie de Xiaohong Xiao-Planès nous relate en détail l’histoire de cette société de 1905 à 1914, grâce à la collection complète des publications de cet organisme et des institutions locales qui l’étayaient, à laquelle l’auteur a eu accès à Shanghai et Nankin, ainsi qu’à une remarquable abondance de matériaux et travaux récemment édités sur le continent chinois et à Taiwan. Elle analyse en même temps cette histoire comme l’exemple modèle de l’évolution des représentations collectives et de l’action publique des élites locales jusqu’au moment où le coup de force de Yuan Shikai, en 1913-1914, dépouille ces dernières du pouvoir provincial légal que leur avait enfin conquis leur engagement au service d’une reconstruction politique de l’État impérial après l’écrasement des Taiping.Le livre retrace les innovations introduites dans l’enseignement au Jiangsu entre 1860 et 1900, sous l’impulsion alternée des autorités et de lettrés locaux ; puis l’application après 1901 de la « Nouvelle Politique » (xinzheng) impériale de réforme, relayée par l’initiative zélée de notables, de jeunes lettrés, de marchands et même de catégories sociales méprisées, telles prostituées, chanteurs d’opéra ou coiffeurs, en faveur d’une éducation rénovée. La Société générale d’éducation du Jiangsu est fondée en octobre 1905, au lendemain de l’abolition des examens mandarinaux, dans le contexte des multiples problèmes et conflits liés à la réforme : reconversion des lauréats et candidats des anciens concours, financement et gestion administrative des nouveaux établissements, anarchie pédagogique. Ses membres réunissent lettrés traditionnels et jeunes progressistes, notables provinciaux et hommes de Shanghai ; le siège est fixé dans cette ville, foyer et phare de la modernité. L’organisation copie celle de la Chambre de commerce de Shanghai, elle-même inspirée des statuts « démocratiques » du Conseil municipal de la concession internationale. En instituant officiellement des sociétés d’éducation dans chaque sous-préfecture pour aider l’administration de l’enseignement, les règlements impériaux de 1906 permettent à la Société du Jiangsu de s’adjoindre un réseau d’antennes locales gros de plus de 5 000 adhérents en 1908.La société s’emploie à jouer le rôle d’un centre d’animation et de médiation entre l’administration provinciale, les communautés locales et les établissements scolaires. Son activité très soutenue et régulière est conduite par un petit noyau de jeunes lettrés installés à Shanghai. La nouvelle administration de l’enseignement organisée en 1906 inaugure un partage des fonctions entre fonctionnaires et notables lettrés, appelés à leurs côtés comme « conseillers ». A défaut d’obtenir l’élection locale de ces « conseillers », la Société d’éducation du Jiangsu saisit ce moyen pour placer ses membres dans les nouveaux services à tous les échelons. Elle supplée les cadres administratifs pour apaiser les conflits scolaires, former des enseignants, patronner la jeunesse étudiante, relancer l’enseignement élémentaire, promouvoir l’enseignement technique, collecter et gérer des financements pour l’éducation, voire même coordonner et intégrer les milieux éducatifs à l’échelle nationale. Dans ces activités se profile, avec un pragmatisme prudent, la mise en place d’un « pouvoir professionnel » et l’usage de règles démocratiques au sein des élites.La dernière partie de l’ouvrage examine les organisations et entreprises politiques auxquels furent mêlés les membres de la Société : développement de l’instruction civique, élection et travaux de l’assemblée provinciale et des conseils locaux, pétitions pour la convocation immédiate d’un parlement et la désignation d’un cabinet responsable, ralliement à la révolution républicaine, soutien à Yuan Shikai.Au terme de ce cheminement, parfois touffu, mais foisonnant d’informations précises, à travers la politique locale du temps, l’auteur récuse toute pertinence aux notions de « sphère publique » et de « société civile » pour interpréter l’évolution des élites locales chinoises à la fin de l’empire et au début de la république. En effet, malgré sa spontanéité, l’activisme des élites locales recherche l’appui du pouvoir, il n’essaie pas de s’opposer à lui ou de s’organiser en dehors de lui. Il vise à « prolonger une démarche officielle de constitutionnalisation du régime ». La souveraineté populaire que les activistes réclament de l’administration trouve son fondement dans la doctrine confucéenne du minben, selon laquelle le peuple est la raison d’être

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de l’État. Elle implique, à leurs yeux, des liens organiques entre localités, élites locales et peuple, d’où découle la « filière pédagogique » de participation politique qu’ils défendent. Investis de responsabilités nouvelles dans leur localité, les plus instruits initieront le peuple, grâce à celles-ci, au sens de l’intérêt général pour qu’il puisse à son tour participer aux affaires publiques : le pouvoir des notables engendrera celui du peuple. Mme Xiao-Planès souligne cependant que si ce projet politique s’inscrit dans ce que P. A. Kuhn a appelé le « programme constitutionnel » historique de l’État chinois, à savoir le recours à la décentralisation administrative et à la participation politique de la base pour enrayer la dégradation chronique de l’appareil gouvernemental, l’autonomie locale (difang zizhi) que revendiquent et pratiquent les élites du Jiangsu au début du XXe siècle conduit à une pluralité d’entités politiques indépendantes et au rejet d’une conception monolithique de l’autocratie centrale. Elle présage, à terme, une définition foncièrement différente des rapports entre l’État et le corps social, dans laquelle au lieu de fonctionner en intégrant le dynamisme du corps social, l’organisation politique arbitre entre des intérêts. Une faiblesse de l’ouvrage est sans doute de ne pas peser exactement ce que représentent dans l’ensemble des élites du Jiangsu ceux que l’auteur nomme « les activistes » et qui sont l’objet particulier de son enquête. Cependant, munie d’un remarquable appareil critique et bibliographique, cette étude érudite des ressorts de la modernité provinciale au début du siècle dernier mérite de nourrir la réflexion présente sur ce sujet.

GU Mingyuan, HAYHOE, Ruth, Education in China and Abroad. New-York : Comparative Education Research Centre, 2001, 272 p.

Gu Mingyuan, longtemps président de la Société d’éducation comparée en Chine au cours des vingt dernières années, présente un état actuel des recherches en éducation comparée en Chine au cours des vingt dernières années, période décisive pour l’évolution actuelle de la Chine. Plusieurs chapitres relèvent de la mise en pratique de la comparaison entre la Chine, l’ex-URSS, les États-Unis, le Japon. (Résumé de l’éditeur)

BASTID-BRUGUIERE Marianne. “L’école moderne en Chine”, Pour, mars 2000, n° 165, p. 43-49

PEPPER, Suzanne, Radicalism and Educational Reform in Twentieth Century China : The Search for an Ideal Development Model. New York : Cambridge University Press, 2000, 622 p., bibliogr.

In 1976, China’s “education revolution” was being hailed by foreign observers as an inspiration for all low-income countries. By 1980, the Chinese themselves had disavowed the experience, declaring it devoid of even a single redeeming virtue. This is the first comprehensive book to cover the whole sweep of twentieth-century Chinese education, and in particular to provide a detailed study of what occurred in the countryside under the radical Maoist education experiments of the Cultural Revolution. (Résumé de l’éditeur)

ZHU Muju, “L’éducation des enfants en Chine : les points de vue et le rôle des parents”, Perspectives, juin 1999, vol. XXIX, n° 2, p. 261-269

LIU Judith, ROSS, Heidi A., KELLY Donald P.The Ethnographic Eye : Interpretive Studies of Education in China. New-York : Garland Publishing, 1999, 210 p.

This book, a collection of ethnographic studies of Chinese schooling aims to take the reader into Chinese schools and provide a picture of students and teachers as actors who practice culture. The case studies also provide a means by which ethnography, both in describing Chinese schools and in the broader context of the defined purposes and practices of research. This self-reflexive approach to school ethnography in China includes issues of cultural translation and the connections between the process of ethnographic work, the emergence of a text, and the construction of a theory. (Résumé de l’éditeur)

LE Than Khoi, Éducation et civilisations : sociétés d’hie. Paris : Nathan, 1995, 704 p., bibliogr. Cet ouvrage retrace l'histoire des relations entre l'éducation et la société dans les différentes civilisations du passé. Il aborde successivement l'histoire de l'éducation : dans les sociétés communautaires d'Afrique ; au sein des cultures hindoue et bouddhique d'Asie ; dans la société mandarinale et féodale de Chine et du Japon ; en Europe, de la Grèce antique à la chrétienté médiévale et dans le monde islamique.

PEPPER, Suzanne,China’s Education Reform in the 1980s : Policies, Issues, and Historical PerspectivesBerkeley : Institute of East Asian Studies, 1990, 196 p.

XING Kechao, Moralisante et moralisée, politisante et politisée : l’éducation traditionnelle en Chine s.d., 7 p. téléchargées le 25 mai 2004 du site : www.barbier-rd.nom.fr/edutradXingChine.pdf

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