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23 Le broutement - causes et remèdes o. Prof. Dr.-Ing. Albert Albers Dipl.-Ing. Daniel Herbst La définition du broutement On entend par “broutement“ des vibrations générées dans la zone de l’embrayage et se manifestant dans la chaîne cinématique d’un véhicule lors de la phase de glissement de l’embrayage. Cette définition reste volontairement générale et ne tient pas compte des causes de ces vibrations. C’est ainsi qu’elle est généralement comprise dans d’autres publications portant sur le sujet (1). La chaîne cinématique peut aussi entrer en vibration lorsque l’embrayage est fermé, et ce dans une gamme de fréquences similaire à celle du véritable broutement. Ce “pseudo-broutement” se manifeste par exemple à un régime moteur très bas, lorsque les paliers-moteur sont défectueux ou lors d’un embrayage trop brutal. On confond souvent le „pseudo- broutement“ avec le vrai broutement. Ce qui génère le broutement et comment il se manifeste L’apparition du broutement est due à des variations périodiques de couples générées pendant la phase de glissement de l’embrayage et se situant dans la gamme de fréquences de la chaîne cinématique, celle-ci étant interrompue, d’un point de vue dynamique, par l’embrayage. La fréquence propre la plus basse enregistrée sur des chaînes cinématiques de voitures particulières se situe alors entre 8 et 12 Hz pour un régime moteur d’environ 480 à 720 tr/min (cas d’une excitation de 1er ordre).

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Le broutement - causes et remèdes o. Prof. Dr.-Ing. Albert Albers

Dipl.-Ing. Daniel Herbst

La définition du broutement On entend par “broutement“ des vibrations générées dans la zone de l’embrayage et se manifestant dans la chaîne cinématique d’un véhicule lors de la phase de glissement de l’embrayage. Cette définition reste volontairement générale et ne tient pas compte des causes de ces vibrations. C’est ainsi qu’elle est généralement comprise dans d’autres publications portant sur le sujet (1).

La chaîne cinématique peut aussi entrer en vibration lorsque l’embrayage est fermé, et ce dans une gamme de fréquences similaire à celle du véritable broutement. Ce “pseudo-broutement” se manifeste par exemple à un régime moteur très bas, lorsque les paliers-moteur sont défectueux ou lors d’un embrayage trop brutal. On confond souvent le „pseudo-broutement“ avec le vrai broutement.

Ce qui génère le broutement et comment il se manifeste L’apparition du broutement est due à des variations périodiques de couples générées pendant la phase de glissement de l’embrayage et se situant dans la gamme de fréquences de la chaîne cinématique, celle-ci étant interrompue, d’un point de vue dynamique, par l’embrayage. La fréquence propre la plus basse enregistrée sur des chaînes cinématiques de voitures particulières se situe alors entre 8 et 12 Hz pour un régime moteur d’environ 480 à 720 tr/min (cas d’une excitation de 1er ordre).

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Figure 1: Génération et manifestations du broutement

Les roues motrices convertissent les vibrations torsionnelles de la chaîne cinématique en une vibration axiale du véhicule. Le broutement se manifeste alors sous forme d’une vibration se propageant dans le sens de la longueur du véhicule, et se transmet au pilote par l’intermédiaire des mécanismes de commande et du siège-conducteur. Il s’agit de vibrations et oscillations désagréables (cf figure 1) auxquelles s’associent éventuellement des phénomènes sonores.

Pour peu qu’elles se produisent dans la zone de résonance du système, des excitations vibratoires de très faible amplitude suffisent à générer des oscillations dans la chaîne cinématique. Dans le cas par exemple de certaines chaînes cinématiques dont l’embrayage peut transmettre au maximum un couple de 500 Nm, des amplitudes de 1 Nm, donc de 0,2 % (!), peuvent générer des oscillations et provoquer un broutement parfaitement perceptible.

Principes physiques des différents types de broutement Les vibrations de broutement peuvent être générées de deux manières différentes. On distingue:

• Le broutement par auto-excitation (vibrations de frottement)

• Le broutement provoqué

Le broutement par auto-excitation est dû à une variation du coefficient de frottement en fonction de la vitesse de glissement. Pour illustrer ce

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phénomène, la figure 2 propose un modèle de substitution. Un objet exerce sur un tapis roulant une pression équivalente à son poids. De ce fait, un frottement se produit entre l’objet et le tapis. Ce dernier se mettant en mouvement, il entraîne l’objet avec lui, du fait de l’adhérence, et provoque ainsi l’extension du ressort. A un certain degré d’extension du ressort, l’objet s’immobilise, car l’effort ressort est équivalent à la force d’adhérence. Il s’ensuit un mouvement relatif entre l’objet et le tapis roulant. Si alors le coefficient de glissement au point de contact est plus faible que le coefficient d’adhérence, le frottement diminue brusquement et le ressort ramène l’objet vers son point de départ, et ce jusqu’à ce que ce dernier, du fait de l’adhérence, soit de nouveau entraîné par le tapis roulant. Le même processus se répète - l’objet entre en vibration.

μ (v)

Figure 2: Modèle de substitution représentant l’effet de vibrations par auto-excitation

Une oscillation n’est donc possible que lorsque le coefficient de glissement est plus faible que le coefficient d’adhérence, en l’occurrence quand le coefficient de glissement diminue avec l’augmentation de la vitesse, car sinon un équilibre stationnaire s’établit. Lorsque le coefficient de glissement diminue avec l’augmentation de la vitesse, le frottement au point de contact devient un facteur d’excitation supplémentaire, car la force de frottement qui s’oppose à l’effort ressort diminue au moment où s’amorce le glissement, et l’objet subit une accélération d’autant plus forte sous l’effet du ressort qui le retient.

C’est le gradient du coefficient de frottement qui constitue en l’occurrence la valeur caractéristique. Il est défini par l’augmentation du coefficient de frottement sur la vitesse de glissement:

μ' = vd

dΔμ

On distingue trois cas de figure (cf figure 3):

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1. Le coefficient de frottement diminue au fur et à mesure que la vitesse augmente: Le système, du fait d’un apport supplémentaire d’énergie au moment du couplage, subit une excitation vibratoire. C’est le cas que nous venons d’étudier.

2. Le coefficient de frottement est indépendant de la vitesse de glissement: le frottement au point de contact se comporte de façon neutre, et l’objet trouve immédiatement une position d’équilibre stationnaire.

3. Le coefficient de frottement augmente avec la vitesse: Le frottement au point de contact amortit l’effet ainsi produit, car lors du retour au point de départ par effet ressort, la vitesse de glissement augmente, et avec elle la force de frottement, laquelle à son tour freine l’objet. Le système perd ainsi de l’énergie. Dans ce cas également, l’objet se stabilise en position d’équilibre stationnaire.

μ' > 0

μ' = 0

μ' < 0

amortissant

neutre

exitant !

vitesse de glissement Δv

coef

fici

ent

de f

rott

emen

t

Figure 3: Profils de base des coefficients de frottement

Le broutement provoqué provient d’une source extérieure d’excitation périodique. Là encore le modèle du tapis roulant permet de comprendre le mécanisme d’excitation (cf Figure 4). Une force normale s’exerçant sur l’objet ainsi représenté subit des variations périodiques. La force de frottement s’exerçant entre l’objet et le tapis s’en trouve modifiée, ainsi que du même coup l’effort ressort au même moment et donc la position d’équilibre de l’objet sur le tapis. L’objet entre en vibration sur le tapis à une

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fréquence égale à celle de la source d’excitation. Si cette dernière est égale à la fréquence propre du système objet-ressort, cela provoque un peak de fréquences par effet de résonance et l’objet subit des oscillations de fortes amplitudes. Bien évidemmment, le broutement provoqué peut également se manifester pour un coefficient de frottement constant, le phénomène de broutement étant excité dans ce cas par une modulation d’effort extérieure au système. On retrouve aussi l’effet amortisseur du coefficient de frottement augmentant avec la vitesse, lequel empêche l’augmentation des amplitudes d’oscillation dans la zone de résonance.

F(t) ≈ F·sin(ωt)

Figure 4: Modèle de substitution représentant l’effet de vibrations provoquées

Le broutement tel qu’il se manifeste dans le véhicule

Mesure et évaluation du broutement Il y a deux façons d’appréhender les phénomènes de broutement: au moyen de mesures et par évaluation subjective.

Dans le premier cas, on place à proximité du conducteur (sur le rail du siège par exemple), un capteur d’accélération qui enregistre les accélérations vibratoires longitudinales du véhicule (figure 5 en haut). Il convient en même temps de mesurer le régime à l’entrée de la boîte de vitesses et le régime moteur (figure 5 en bas). L’avantage de ce procédé réside dans le fait que les mesures sont indépendantes des sensations du conducteur.

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Figure 5: Accélération longitudinale du véhicule (en haut), régime moteur et régime de la boîte de vitesses (en bas)

On ne peut cependant pas faire l’économie de l’évaluation subjective du broutement par un conducteur expérimenté. Ce dernier dispose d’une échelle de cotation allant par exemple de 1 à 10, la note 10 correspondant à un véhicule exempt de tout phénomène de broutement. L’avantage de ce mode d’évaluation subjective réside dans le fait que le conducteur lui-même traduit les sensations de vibrations et de bruits telles qu’ils les perçoit. C’est cette perception subjective des phénomènes, et elle seule, qui est importante vis à vis de la clientèle. Cette dernière étant d’une manière générale de plus en plus exigeante en matière de confort, et du fait des améliorations importantes survenues ces dernières années pour tout ce qui concerne la sensibilité des véhicules aux vibrations et aux bruits, le broutement est critiqué de plus en plus sévèrement. L’échelle d’évaluation s’est décalée vers le haut. Dans le cas de l’évaluation subjective, il faut bien sûr tenir compte de la difficulté qu’il y a à délimiter strictement les différents degrés de cotation, ainsi que de la relative subjectivité de la personne qui évalue. Il convient donc, dans le cadre d’études préalables, d’avoir recours, pour l’exploitation des réponses

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recueillies, à une méthode statistique rigoureuse. Il est possible, jusqu’à un certain point, d’opérer une corrélation entre les mesures d’accélération et l’évaluation subjective. Mais nous n’avons pas encore tout à fait les moyens, à l’heure actuelle, d’établir pour les vibrations de broutement une véritable corrélation entre des mesures effectuées indépendamment du véhicule, pouvant faire l’objet de comparaisons objectives, et les sensations subjectives du conducteur.

Modélisation: On peut représenter la chaîne cinématique d’un véhicule sous forme d’une chaîne d’éléments vibratoires torsionnels constituée de masses tournantes et de liaisons de couplage (ressorts, éléments amortisseurs et frottements). Partant de là, il est possible de construire un modèle de substitution composé de six masses tournantes et permettant de procéder à des simulations.

Les principaux paramètres à retenir sont les suivants:

• le moteur (vibrations axiales du vilebrequin)

• l’embrayage et le mécanisme de commande

• l’amortissement de la chaîne cinématique

• l’ensemble des éléments susceptibles de transmettre des vibrations entre la chaîne cinématique et le véhicule (pneus, suspensions des roues, ...)

• la caisse du véhicule (en tant que masse inerte)

• les éléments susceptibles de transmettre des vibrations du véhicule au conducteur (siège, ...)

moteur friction B.V. roue véhicule

mécanismeamortisseurde torsion

chaînecinématique

pneumatiquetrain siège

chauffeur

Figure 6 Modèle à six masses tournantes

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Les simulations dont il est question dans les chapitres qui suivent ont été réalisées à l’aide du programme “TORS”[3] développé par LuK. Il s’agit en l’occurrence de constituer une chaîne composée de masses tournantes reliées entre elles par des éléments de couplages tels que les ressorts, l’amortissement et le frottement de Coulomb. Les modèles de simulation permettent d’identifier, dans la zone de l’embrayage, les mécanismes d‘excitation générateurs de broutement, de représenter les fréquences propres de la chaîne cinématique et de visualiser son comportement en termes d’effets ressort et d’amortissement. On peut ainsi procéder à des variations paramétriques fines de l’embrayage et de la chaîne cinématique, l’absence d’influences extérieures parasites permettant une modulation précise et fiable des différents paramètres. Les figure 9 et 10 montrent la concordance entre mesures et simulation.

Le broutement par auto-excitation Ainsi que nous l’avons expliqué, on parle de vibrations par auto-excitation lorsqu’au moment du réembrayage, pendant la phase de glissement, le coefficient de frottement au point de contact diminue au fur et à mesure que la vitesse augmente, donc lorsque le gradient de ce même coefficient est négatif.

Pour les garnitures habituellement utilisées, les gradients des coefficients de frottement se situent entre μ’= 0 s/m et μ’ = - 0,015 s/m. La figure 7 montre les profils réels des coefficients de frottement de garnitures d’embrayages. Il apparaît clairement que les gradients de coefficients de frottement qui nous intéressent ici sont très faibles et n’ont rien à voir avec les valeurs excessives fréquemment utilisées dans les schémas de principe (cf figure 3).

Certaines garnitures de développement récent présentent d’ores et déjà des gradients positifs. Mais en pratique même les garnitures réputées insensibles au broutement ont un coefficient de frottement qui diminue dans certains contextes de fonctionnement et constituent ainsi un potentiel d’excitation vibratoire. En revanche, il n’existe pas de chaînes cinématiques dépourvues d’éléments amortisseurs, si bien qu’il reste toujours une marge d’amortissement disponible, et qu’on peut aboutir à un véhicule globalement exempt de tout broutement pour peu que le coefficient de frottement de la garniture ne diminue que très légèrement. L’amortissement des chaînes cinématiques des véhicules actuels permet d’admettre un gradient de coefficient de frottement légèrement négatif, jusqu’à μ’ = - 0,002 s/m (cf figure 7). Si, dans la zone critique de la vitesse de glissement, le coefficient de frottement augmente fortement, il s’ensuit un effet d’amortissement qui peut même éliminer le broutement provoqué. C’est

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pourquoi il convient de chercher à obtenir un gradient positif du coefficient de frottement.

Mais même dans ce cas le comportement du système peut s’inverser d’un seul coup pour peu que de l’huile, de la graisse ou de l’eau pénètre jusqu’au point de contact. L’effet de l’humidité s’explique ainsi: A vitesse de glissement élevée, le frottement produit plus de chaleur au point de contact. Des bulles de vapeur se forment, provoquant un flottement vibratoire des éléments couplés. Le coefficient de frottement s’en trouve diminué. Le traitement antirouille au nitrite de sodium qu’on appliquait dans le passé empêche bien sûr le bloquage des pièces par la rouille, mais il est hygroscopique. Si bien qu’après une période prolongée d’immobilisation du véhicule par temps humide, il est possible qu’un broutement se produise sous l’effet de l’eau de cristallisation soudain libérée. Le broutement disparaît de nouveau après quelques décollages, l’eau s’étant évaporée. Le nitrite de sodium n’étant appliqué qu’en surface, l’effet décrit ne se produit plus à partir d’un certain degré d’usure des garnitures. On peut en revanche s’attendre à un effet similaire à celui produit par l’eau, dans le cas de garnitures ayant reçu de l’huile ou de la graisse.

coef

fici

ent

de f

rott

emen

t μ

[-]

0,00

0,20

0,40

vitesse de glissement Δv[m/s]

‘μ = -0,008

μ‘ = 0

0 2 4 6 8 10

Figure 7: Profils du coefficient de frottement

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-0,002

μ' [s / m]

garniture A

garniture Bgarniture C

-0,007

non critique

risque debroutement

fort broutement

0garniture D

Figure 8: Gradients du coefficient de frottement pour différentes garnitures

µ´ = - 0,010 s/m

µ´ = - 0,005 s/m

moteur

B.V.

temps

régi

me

Figure 9: Broutement de garniture - simulation -

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moteur

B.V.

temps

régi

me

Figure 10: Broutement de garniture - mesures

La figure 9 montre les vibrations torsionnelles simulées à l’entrée de la boîte de vitesses pour des variations de coefficients de frottement de μ’ = - 0,010 s/m et μ’ = - 0,005 s/m. Dans le premier cas, on voit que l’amplitude continue à augmenter jusqu’à ce qu’elle soit limitée par le régime moteur. Dans le cas d’un gradient de μ’ = - 0,005 s/m, l’amortissement de la chaîne cinématique et l’excitation vibratoire provenant des garnitures s’équilibrent à peu près. On peut observer, figure 10, qu’en mesurant des vibrations de broutement induites par le coefficient de frottement, on obtient sensiblement le même résultat.

Le broutement provoqué Les dispersions de pièces composantes ainsi que les vibrations axiales du vilebrequin entraînent des variations périodiques de l’effort de pression et donc des variations périodiques de couples, celles-ci génèrant à leur tour des vibrations dites provoquées.

Une vibration de ce type ne se produit que s’il y a conjonction d’au moins deux dispersions.

Nous proposons pour l’expliquer un modèle simple représenté figure 11. Un écart au niveau d’un composant - en l’occurrence un défaut de forme du plateau - qui tourne au régime d’entraînement n1 et glisse à une vitesse relative sur le disque de l’embrayage (cf figure 11 “en haut” et “en bas”) ne provoque pas de variations de l’effort de pression. Si l’on y ajoute un

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second écart - ici un défaut angulaire - l’effort de pression varie pendant la phase de glissement en fonction de la position du plateau par rapport au disque d’embrayage, provoquant l’acyclisme du régime de sortie.

un défaut...

... ne génère pas debroutement

deux défauts...

... génèrent dubroutement

n2 n2n1 n1

“haut“ “haut“

n1

“bas“ “bas“

n2n1 n2

Figure 11: Représentation schématique du broutement provoqué

En fonction de la manière dont se combinent les différents défauts géométriques, on distingue trois types de broutement:

• Le broutement directement relatif au régime moteur

• Le broutement relatif à la différence de régime

• Le broutement relatif au régime de la boîte de vitesses

Le broutement relatif au régime moteur peut-être provoqué, par exemple, par des vibrations axiales du vilebrequin, un défaut angulaire de positionnement du plateau lors de la manoeuvre de la commande ou une mauvaise planeité de l’appui de diaphragme (cf figure 12). La fréquence de la vibration ainsi provoquée est directement fonction du régime moteur.

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Une course de butée de Δs = 0,01mm entraîne pour un embrayage transmettant un couple maximum de Mmax = 500 Nm une variation de couple d’environ 1 Nm (cf figure 13). Celle-ci est encore plus importante dans le cas d’une variation dans la course du plateau (figure 14). A défaut géométrique égal, l’excitation de broutement augmente en fonction du couple transmis par l’embrayage. Les véhicules à motorisation puissante sont donc par principe plus exposés aux phénomènes de broutement.

Le broutement relatif au régime moteur est susceptible de se produire durant toute la durée du décollage (cf figure 15).

Figure 12: Défauts géométriques du système d’embrayage et du mécanisme de commande

• Vibrations axiales du plateau (en jaune)

• Mouvements périodiques des becs du diaphragme (en bleu)

• Appui sur la butée (en vert)

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• Levée différentielle du plateau (en jaune)

• Levée différentielle du disque d’embrayage (en rouge)

• Ecarts de coaxialité des axes de rotation.

course butée

coup

le t

rans

mis

500 Nm ⇒ Δs= 0,01 mm ≅ ΔM = 1 Nm

5 mm0 mm

250 Nm ⇒ Δs= 0,01 mm ≅ ΔM = 0,5 Nm

Figure 13: Relation entre le couple transmis par l’embrayage et la course de butée

c ou rse p la tea u

500 Nm

1 m m

250 Nm

coup

le t

rans

mis

0 m m

Figure 14: Relation entre le couple transmis par l’embrayage et la course du plateau

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Le broutement relatif à la différence de régime est provoqué par des défauts de parallélisme du plateau d’embrayage, d’écarts au niveau du disque d’embrayage et un décalage angulaire entre le vilebrequin et l’arbre d’entrée de boîte de vitesses (figure 12). Dans ce cas, lors du réembrayage, le broutement se manifeste uniquement tant que la différence de régime entre le disque d’embrayage et le plateau se situe dans la zone de résonance (cf. figure 16).

Le broutement relatif au régime de la boîte de vitesses n’apparaît que dans le cas d’une conjonction de dispersions relatives au régime moteur et au différentiel de régime. Des trois types de broutement provoqués, c’est le moins gênant, car on traverse la zone de résonance juste avant que l’embrayage ne se ferme, alors que l’écart de régime est déjà très faible (figure 17).

Ces dispersions se répartissent en une distribution statistique et s’influencent réciproquement, tout en restant normalement comprises entre les limites de tolérance - parfois très strictes - définies par les cahiers des charges.

C’est pourquoi le broutement provoqué doit être considéré avant tout comme un problème statistique, ce qu’on peut illustrer au moyen de deux cas extrêmes théoriquement possibles:

• Les composants pris dans leur ensemble ne s’écartent que très faiblement de la valeur idéale. Mais il se trouve que la somme des dispersions entraîne un broutement particulièrement important.

• Quelques unes des dispersions sont proches de la limite de tolérance. Mais, leurs effets s’annulent réciproquement et aucun broutement ne se produit.

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n ≈ nres

± 1Nm!

moteur

B.V.

temps

régi

me

Figure 15: Broutement relatif au régime moteur (mesures)

ndiff ≈ nres

± 1Nm!

moteur

B.V.

temps

régi

me

Figure 16: Broutement relatif à la différence de régime (mesures)

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B.V.

moteur

nGetr. ≈ nres

temps

régi

me

Figure 17: Broutement relatif au régime de la boîte de vitesses (simulation)

L’influence de l’amortissement de la chaîne cinématique Un effet d’amortissement important dans la chaîne cinématique réduit les amplitudes vibratoires dans le cas d’un broutement provoqué, et peut aller jusqu’à faire complètement disparaître le broutement de garniture (cf figure 18) quand le coefficient d’amortissement est supérieur à l’excitation provenant des garnitures. L’amortissement de la chaîne cinématique se situe sur les véhicules actuels entre 0,05 et 0,10 Nms. Il consiste cependant pour l’essentiel en des frottements s’exerçant aux différents niveaux de la chaîne cinématique (boîte de vitesses, paliers, joints d’étanchéité,...), si bien que les pertes de frottement sont également relativement importantes. Et du fait qu’à l’heure actuelle on tend de plus en plus à vouloir augmenter le rendement du véhicule tout en diminuant sa consommation, l’amortissement de la chaîne cinématique est de moins en moins important et du même coup la sensibilité au broutement augmente. A titre d’exemple, la figure 19 donne les notes attribuées à deux véhicules haut de gamme de même type, mais de deux années différentes, sur lesquels le système présentait la même excitation de broutement. Le mauvais résultat du véhicule le plus récent, sanctionnant d’une part la sensation de broutement et d’autre part la vibration longitudinale mesurée dans le véhicule, indique clairement que la sensibilité au broutement augmente.

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Voilà une donnée supplémentaire à prendre en compte lors de l’établissement du cahier des charges de nouveaux modèles de véhicules. Il convient surtout de chercher la meilleure solution en procédant au préalable à une approche conceptuelle globale du véhicule et de sa chaîne cinématique, car l’optimisation de l’embrayage ne permet pas à elle seule d’obtenir un résultat satisfaisant à la fois sur le plan technique et économique.

D = 0,10 Nms

D = 0,05 Nms

moteur

B.V.

temps

régi

me

Figure 18: Effets de l’amortissement de la chaîne cinématique pour différentes valeurs, dans le cas d’un broutement de garniture de μ’ = - 0,010 s/m (simulation)

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0

1

2

3

4

5

6

7

note broutement [-] balancement [m/s²]

ancien nouveau

ancien nouveau

Figure 19: Comparaison entre un modèle ancien et un modèle récent de même type

La transmission des vibrations à la carosserie Les vibrations de la chaîne cinématique se transmettent à la caisse du véhicule. Si l’on suit leur parcours, les éléments de transmission entrant en ligne de compte sont les suivants:

• les supports du moteur

• les supports de la boîte de vitesse

• les supports de l’arbre de transmission

• les pneumatiques

• les suspensions d’essieux

Plusieurs mesures ont permis de déterminer le comportement de différents véhicules pour ce qui est de la transmission des vibrations de la chaîne cinématique à la caisse. Manifestement, la transmission s’effectue en fonction du poids du véhicule. Elle est en outre influencée par les éléments cités précédemment, lesquels se composent habituellement tous de dérivés du caoutchouc. La fonction de transfert est donc de ce fait non-linéaire.

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Des paliers défectueux, notamment les paliers du moteur et de l’arbre de transmission, renforcent considérablement le phénomène de broutement.

Pour le pneumatique (cf figure 21), il faut tenir compte en plus d’un autre paramètre important qui est le contact avec la chaussée tel qu’il s’effectue au niveau de la surface d’appui du pneu. Jusqu’à maintenant, ce dernier paramètre a souvent été insuffisamment pris en compte dans l’étude des vibrations torsionnelles et longitudinales de la chaîne cinématique. La recherche devra s’intéresser à ce problème dans les années qui viennent. Des travaux actuellement en cours à l’Institut de Construction Mécanique et Automobile y sont consacrés.

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Figure 20: Eléments susceptibles de transmettre des vibrations entre la chaîne cinématique et la caisse du véhicule

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Figure 21: Transmission des vibrations au niveau du pneumatique

Pour terminer, les sièges des conducteurs jouent également un rôle important du fait qu’ils amortissent plus ou moins les vibrations, et influent donc sur la perception subjective de ces dernières par le conducteur.

Une connaissance parfaite du broutement et de ses effets sur le conducteur n’est possible que si l’on améliore encore les modèles de simulation et que l’on étudie “l’homme” et sa fonction en tant qu’élément transmetteur de vibrations.

Les solutions possibles et leurs limites

Coefficient de frottement Une garniture présentant un profil de coefficient de frottement augmentant avec la vitesse amortit les vibrations. Mais il se trouve que les garnitures fabriquées en série n’ont pas ce comportement à toutes les températures.

Si le gradient du coefficient de friction présente un profil positif s’élevant nettement dans la zone critique de la vitesse de glissement, il est possible d’éliminer complètement le phénomène de broutement. En admettant qu’on réussisse à développer une garniture de ce type, on pourrait réduire également les vibrations provoquées. Il n’y aurait donc plus de broutement perceptible.

Il faudrait donc insister davantage sur le développement de garnitures d’embrayages à sec présentant des gradients de coefficient de frottement

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légèrement positifs. Il est nécessaire pour cela de mieux maîtriser les phénomènes combinatoires, physiques et chimiques, au niveau de l’embrayage.

La réduction des marges de tolérance à la fabrication Une définition plus sévère des marges de tolérance permet seulement de réduire les vibrations excitées par dispersions géométriques des composants de la chaîne. Cette méthode augmente les coûts de fabrication car elle suppose, si l’on veut parvenir au résultat recherché, que l’on resserre considérablement une multitude de tolérances liées aux phénomènes de broutement. Etant donné qu’on ne peut réduire ainsi que le broutement provoqué, on réussira tout au plus, pour peu qu’on soit en présence d’une garniture sensible au broutement, à atténuer celui-ci sans pouvoir le faire disparaître complètement.

Sur les embrayages actuels, la linéarité périphérique de la surface de contact du plateau est normalement de 0,1 mm. Une réduction de cette valeur impliquerait un alourdissement considérable du processus de fabrication, puisqu’il faudrait par exemple rectifier les surfaces.

Les effets d’une caractéristique plus souple de la progressivité Une caractéristique plus souple de la progressivité au niveau du disque d’embrayage a pour effet d’atténuer les variations de l’effort de pression survenant dans le cas d’écarts géométriques entre les deux pièces en contact, ainsi que les variations du couple transmis par l’embrayage (Figure 22). Il est donc possible, pour des écarts géométriques donnés, de réduire l’excitation de broutement qu’ils génèrent. La réalisation d’une caractéristique de progressivité plus souple, pour laquelle il faut aussi tenir compte des données géométriques et de l’effort de pression à absorber, n’est pas possible sur tout le profil de la courbe. Il convient également de tenir compte des conséquences que cette nouvelle caractéristique peut avoir sur le comportement général de l’embrayage en tant que système.

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course

effo

rt

tendue

souple

Δs

Δ F

2

Δ F

1

Figure 22: Caractéristiques de progressivités

L’amortissement de la chaîne cinématique Si l’amortissement de la chaîne cinématique est particulièrement efficace, il peut permettre d’éliminer complètement le broutement de garniture et d’atténuer le broutement entretenu. On pourrait, dans le but d’augmenter l’effet d’amortissement, utiliser par exemple des lubrifiants de boîte de vitesse plus visqueux, mais on ne le fait pas en raison des conséquences négatives que cela aurait sur le rendement.

Les vibrations de broutement se produisent uniquement pendant la phase de glissement de l’embrayage. On pourrait donc envisager d’intégrer au système un amortisseur de vibrations asservi, par exemple un freinage par courants de Foucault piloté électroniquement. Mais les contraintes imposées par le cahier des charges (encombrement, poids, coût) ne facilitent pas le développement d’un tel système.

Solutions envisageables en phase de conception Une commande de débrayage articulée peut compenser la position relative oblique du tube-guide de la butée. Cette solution permet seulement de remédier au broutement relatif au régime moteur.

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Le volant amortisseur à moteur électrique n’a aucun impact sur les phénomènes de broutement du fait que pendant la phase de glissement il est isolé des vibrations de la chaîne cinématique par l’embrayage.

On peut également envisager d’avoir recours à un damper de vibrations torsionnelles.

Solutions envisageables au montage En phase de montage, il est possible de réduire efficacement le broutement provoqué. Il convient à ce niveau d’envisager toutes les dispositions permettant d’éviter les contraintes propres et les déformations des composants concernés par les tolérances. La fixation sans effort du plateau permet, ainsi que cela s’est avéré dans de nombreuses applications, de remédier efficacement aux défauts géométriques apparaissant dans le système d’embrayage après montage.

Résumé Le broutement se manifeste uniquement durant la phase de glissement de l’embrayage et se répartit en deux catégories selon son origine:

• Le broutement de garniture, généré par le système lui-même en fonction du coefficient de frottement.

• Le broutement provoqué par les dispersions de pièces composantes et les vibrations axiales.

Le broutement de garniture aurait plutôt tendance à diminuer du fait de l’amélioration de la qualité des garnitures. Le broutement provoqué, en revanche, se manifeste d’autant plus que, pour améliorer le rendement, on s’efforce pour chaque nouveau modèle de réduire encore l’amortissement de la chaîne cinématique, ce qui fait que, de plus en plus, de très faibles variations de couple au niveau de l’embrayage suffisent à générer les phénomènes de broutement. Notons également que, les moteurs étant de plus en plus puissants, les embrayages sont appelés à transmettre des couples de plus en plus élevés, ce qui entraîne des variations de couples de plus en plus importantes. Enfin, la clientèle étant d’une manière générale de plus en plus exigeante en matière de confort, et du fait des améliorations importantes survenues ces dernières années pour tout ce qui concerne la sensibilité des véhicules aux vibrations et aux bruits, le moindre broutement même sporadique est à prendre en considération.

Les vibrations de broutement ne proviennent pas uniquement de l’embrayage et du système de commande, mais également du moteur, de la chaîne cinématique, des roues motrices, de la suspension des essieux et

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de la caisse du véhicule. Tous les éléments transmetteurs de vibrations ont un impact sur la sensibilité du véhicule au broutement et doivent être pris en compte.

En l’état actuel des connaissances, les conditions à réunir pour réaliser, sans composant ou dispositif supplémentaire, un embrayage insensible au broutement, sont les suivantes:

• une garniture présentant un coefficient de frottement à gradient ascendant

• une progressivité à caractéristique plus souple

• le resserrement, dans des limites raisonnables, des marges de tolérance

• des dispositions préventives au montage visant à éviter les contraintes propres des composants

Il conviendra encore de mener les travaux de recherches nécessaires afin de mieux maîtriser les causes des vibrations de broutement, leur mode de transmission et leurs effets, en relation avec l’ensemble du véhicule conçu en tant que système, l’objectif étant d’éviter autant que possible le broutement ou d’y remédier dès la phase de conception des nouveaux véhicules.

Soulignons en conclusion qu’il n’est pas possible d’éliminer le broutement par des interventions limitées à tel ou tel composant du système pris isolément, comme l’embrayage par exemple. Seule une approche globale et une mise au point de l’ensemble du système peut permettre d’aboutir à une solution efficace et durable.

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Documentation [1] Winkelmann, S.; Harmuth, H.:

Schaltbare Reibkupplungen, Konstruktionsbücher Band 34; 1985

[2] Pfeiffer, F.: Das Phänomen der selbsterregten Schwingungen, VDI-Berichte Nr. 957 (1992), S. 1

[3] Seebacher, R.; Fischer, R.: Triebstrangabstimmung mit Simulationsunterstützung, VDI-Berichte Nr. 1285 (1996), S. 395

[4] Maucher, P.: Kupplungsrupfen, Möglichkeiten zur Vermeidung, 4. LuK-Kolloquium 1990

[5] Albers, A.: Elektronisches Kupplungsmanagement die mitdenkende Kupplung, 4. LuK-Kolloquium 1990