l’armement belge pèse 2,8 milliards - grip. · pdf filee chiffre d’affaires...

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5 413635 007408 06 1 JEUDI 11 février 2016 / Edition Brabant wallon / Quotidien / N o 35 / 1,50 € / 02 225 55 55 MARCHÉS 13 DÉTENTE 22 NÉCROLOGIE 26 Comment lutter efficacement contre les discriminations à l'embauche ? On en parle avec Ann-Charlotte Bersipont. lesoir .be M urmures à la jeunesse » : la phrase est de Christiane Taubira mais ils sont quelques- uns aujourd’hui à appliquer la recette, autrement que par les discours populistes, extrémistes ou les campagnes des « pros » de la démocratie politique. A titre d’exemple, alors que la gauche se cherche, des person- nalités réussissent à mobiliser les esprits : Podemos a fait dé- barquer au Parlement espagnol une cohorte de jeunes têtes. C’est aussi le tour de force réali- sé par le candidat américain Bernie Sanders qui, à 74 ans, réussit à séduire un électorat jeune et féminin. Défiant tous les pronostics, il s’est ainsi crédibili- sé dans la course démocrate, se payant le luxe de battre Hillary Clinton dans le New Hampshire. Sa recette est claire et ressemble en cela à la position adoptée désormais par l’ex-ministre de la Justice française – et que tente désormais aussi Emmanuel Macron, à sa manière et sur sa propre ligne idéologique : l’intransigeance sur les valeurs de fond, un parcours personnel constant, en ligne avec les idées qui ont présidé à l’engagement initial, et des propositions pré- cises et claires qui répondent à une analyse de la société. Taubira parle à l’oreille des jeunes démocrates français de gauche en ne transigeant pas sur la déchéance de nationalité pour des considérations tactiques et électoralistes. Sanders, lui, reconnaît que le rêve américain n’est plus accessible aujourd’hui qu’un boulet au pied, pour des jeunes endettés par le finance- ment de leurs études. La gratuité de l’enseignement supérieur, qui figure dans son programme, a l’avantage de la proximité du quotidien pour des jeunes améri- cains qui voient en Hillary Clin- ton, une bête politique, acquise au cynisme de l’exercice du pouvoir. L’expérience du pouvoir ne rassure plus, car elle jette le discrédit sur la sincérité. Des thèmes s’avèrent porteurs. Ainsi la réduction des inégalités remobilise à gauche, tant aux États-Unis qu’en Europe. Ce n’est pas un hasard que Thomas Piket- ty, qui a spectacularisé les thèses élaborées par ses inspira- teurs britanniques Wilkinson et Atkinson, conseille aujourd’hui le Britannique Corbyn, Podemos et soit la figure de proue de ce groupe qui, en France, milite pour l’organisation d’une pri- maire pour la candidature socia- liste à la présidence. Histoire de renouveler les cadres et de res- taurer la sincérité des engage- ments. Retrouver le sens du combat politique, refaire la démonstra- tion de convictions de fond : cela pourrait être aussi la victoire, à la fois dérisoire mais cruciale, des six pays fondateurs du projet européen qui se sont réunis mardi à Rome. Ils empêchent la petite flamme des débuts de mourir sous les coups de la grande dérive à 28. Or cette flamme-là a vraiment de quoi potentiellement, elle aussi (et à nouveau), réenchanter. L’ÉDITO Béatrice Delvaux ÉDITORIALISTE EN CHEF MURMURER À L’OREILLE DES JEUNES TENNIS Justine Henin reprend du service P. 23 FESTIVAL Un film barré des frères Cohen ouvre la Berlinale P. 27 CRISE DE LA CULTURE Il faut pouvoir changer le statut des musées P. 28 PREMIER LEAGUE Benteke n’est plus qu’un second choix P. 24 & 25 LES BOUDDHISTES DE BELGIQUE FONT LES FRAIS DES ATTENTATS DE PARIS P. 8 JOUETS Star Wars a dopé les ventes d’Hasbro P. 14 Spécial montagnes L’expérience du pouvoir ne rassure plus, car elle jette le discrédit sur la sincérité L e chiffre d’affaires du sec- teur de l’armement im- pressionne : 2,8 milliards d’euros en 2014. Et pourtant, il est probablement sous-estimé. C’est que l’industrie de la défense et de la sécurité sait se faire dis- crète. Quoi qu’il en soit, les chiffres livrés par la fédération de l’industrie technologique et cor- roborés par le Grip (Groupe de recherche pour la paix et pour la sécurité) offrent une photogra- phie intéressante du secteur. La Wallonie, dominante avec 1,8 milliard de recettes, est ainsi essentiellement concentrée vers la production d’armes au sens strict tandis qu’en Flandre (0,8 milliard), l’industrie est tournée vers la technologie et l’innovation. Force et faiblesse du secteur : sa dépendance à l’expor- tation, à hauteur de 95 % de la production. Ce qui explique par exemple la récente gêne de res- ponsables politiques sur la ques- tion éthique de la vente à un pays comme l’Arabie saoudite. La perte d’un gros client peut être catastrophique. « Prenez Mecar, qui fabrique des munitions, ex- plique le Grip. Cette entreprise est dépendante à 75 % de l’Arabie saoudite pour des raisons histo- riques. Selon les années, les expor- tations d’armes en Wallonie dé- pendent à 20 à 30 % des forces saoudiennes. » Mais pour l’heure pas d’inquiétude, assure Roland Teheux un représentant du sec- teur : « Cela peut sembler regret- table, mais les conditions géopoli- tiques étant ce qu’elles sont, la croissance est à l’ordre du jour pour notre secteur. » P. 2 & 3 NOTRE DOSSIER L’armement belge pèse 2,8 milliards Largement dominé par l’industrie wallonne, le secteur de la défense et de la sécurité connaît une période faste. C harte diversité, label diversité, zones ur- baines stimulées… Les plans contre la discrimina- tion à l’embauche se sont succédé depuis 10 ans. Pour- tant, à Bruxelles, les dossiers continuent d’atterrir au gui- chet « discrimination à l’em- bauche » d’Actiris. Plus de la moitié des plaintes concernent les origines eth- niques ou sociales. Devant ce constat, le PS ex- horte le ministre de l’Emploi bruxellois Didier Gosuin (Dé- fi) à sévir. « On peut décider de retirer les aides écono- miques aux entreprises qui discriminent, affirme la dé- putée Catherine Moureaux. D’après moi, le ministre en connaît déjà certaines, il peut les saisir d’autorité ou après une enquête propre, via un testing. » L’élue socialiste met aussi d’autres propositions sur la table. Elle demande l’accélé- ration de la mise en place d’une zone franche autour de la zone du canal, où se trouve notamment Molenbeek. Concrètement, les entreprises pourraient y recevoir des aides si elles stimulent le re- crutement local. P. 4 NOTRE DOSSIER Le PS veut couper les subsides des firmes qui discriminent des parlementaires de l’Assemblée natio- nale se prononcent « pour ». 199 « non » sur 317 (et 51 abstentions), soit 62 %. Et ce n’est pas terminé : cette loi qui divise des socialistes doit encore passer le cap du Sénat d’ici la fin février. Et pour que le texte soit ensuite proposé au vote du O ui, la réforme de la Constitution française, englobant la très dé- criée déchéance de nationalité envers tous les Français condamnés pour faits de terrorisme, ainsi que les condi- tions entourant l’Etat d’urgence, a été votée. Mais de justesse. Il fallait que 60 % Congrès, il faudra que les sénateurs adoptent le texte à l’identique. Là aussi, pas gagné. Ce qui l’est, par contre, c’est une gauche divisée, après que le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a ma- nifesté « son inconfort philosophique » à voter cette loi. Alors que le remaniement se précise après le départ de Laurent Fa- bius de son poste de ministre des Affaires étrangères, la gauche française patauge… François Hollande se prononcera ce soir sur ce remaniement gouvernemental. P. 10 NOTRE DOSSIER La déchéance de nationalité passe un premier cap © MICHEL TONNEAU. PROMO 2+1 voir à l’intérieur Découvrez notre offre en page Maintenant chez Colruyt De nombreuses réductions Extra en plus des meilleurs prix 3

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JEUDI 11 février 2016 / Edition Brabant wallon / Quotidien / No 35 / 1,50 € / 02 225 55 55

MARCHÉS 13DÉTENTE 22NÉCROLOGIE 26

Comment lutter efficacement contre les discriminations à l'embauche ?On en parle avec Ann-CharlotteBersipont.

lesoir.be

M urmures à la jeunesse » : laphrase est de Christiane

Taubira mais ils sont quelques-uns aujourd’hui à appliquer larecette, autrement que par lesdiscours populistes, extrémistesou les campagnes des « pros »de la démocratie politique.A titre d’exemple, alors que lagauche se cherche, des person-nalités réussissent à mobiliserles esprits : Podemos a fait dé-barquer au Parlement espagnol

une cohorte de jeunes têtes.C’est aussi le tour de force réali-sé par le candidat américainBernie Sanders qui, à 74 ans,réussit à séduire un électoratjeune et féminin. Défiant tous lespronostics, il s’est ainsi crédibili-sé dans la course démocrate, sepayant le luxe de battre HillaryClinton dans le New Hampshire.Sa recette est claire et ressembleen cela à la position adoptéedésormais par l’ex-ministre de laJustice française – et que tentedésormais aussi EmmanuelMacron, à sa manière et sur sapropre ligne idéologique :l’intransigeance sur les valeursde fond, un parcours personnelconstant, en ligne avec les idéesqui ont présidé à l’engagementinitial, et des propositions pré-cises et claires qui répondent àune analyse de la société.Taubira parle à l’oreille desjeunes démocrates français degauche en ne transigeant pas surla déchéance de nationalité pour

des considérations tactiques etélectoralistes. Sanders, lui,reconnaît que le rêve américainn’est plus accessible aujourd’huiqu’un boulet au pied, pour desjeunes endettés par le finance-

ment de leurs études. La gratuitéde l’enseignement supérieur, quifigure dans son programme, al’avantage de la proximité duquotidien pour des jeunes améri-cains qui voient en Hillary Clin-ton, une bête politique, acquise

au cynisme de l’exercice dupouvoir. L’expérience du pouvoirne rassure plus, car elle jette lediscrédit sur la sincérité.Des thèmes s’avèrent porteurs.Ainsi la réduction des inégalitésremobilise à gauche, tant auxÉtats-Unis qu’en Europe. Ce n’estpas un hasard que Thomas Piket-ty, qui a spectacularisé lesthèses élaborées par ses inspira-teurs britanniques Wilkinson etAtkinson, conseille aujourd’hui leBritannique Corbyn, Podemos etsoit la figure de proue de cegroupe qui, en France, militepour l’organisation d’une pri-maire pour la candidature socia-

liste à la présidence. Histoire derenouveler les cadres et de res-taurer la sincérité des engage-ments.Retrouver le sens du combatpolitique, refaire la démonstra-tion de convictions de fond : celapourrait être aussi la victoire, àla fois dérisoire mais cruciale,des six pays fondateurs du projeteuropéen qui se sont réunismardi à Rome. Ils empêchent lapetite flamme des débuts demourir sous les coups de lagrande dérive à 28. Or cetteflamme-là a vraiment de quoipotentiellement, elle aussi (et ànouveau), réenchanter.

L’ÉDITOBéatrice Delvaux

ÉDITORIALISTE EN CHEF

MURMURERÀ L’OREILLEDES JEUNES

TENNISJustine Heninreprend du serviceP. 23

FESTIVALUn filmbarré des frères Cohenouvre la BerlinaleP. 27

CRISE DE LA CULTUREIl faut pouvoirchanger le statutdes muséesP. 28

PREMIER LEAGUEBenteke n’est plusqu’un secondchoix P. 24 & 25

LES BOUDDHISTES DE BELGIQUE FONT LES FRAIS DES ATTENTATS DE PARIS P. 8

JOUETSStar Wars a dopéles ventesd’Hasbro P. 14

Spécial montagnes

L’expérience du pouvoir nerassure plus, car elle jettele discrédit sur la sincérité

L e chiffre d’affaires du sec-teur de l’armement im-pressionne : 2,8 milliards

d’euros en 2014. Et pourtant, ilest probablement sous-estimé.C’est que l’industrie de la défenseet de la sécurité sait se faire dis-crète. Quoi qu’il en soit, leschiffres livrés par la fédération del’industrie technologique et cor-roborés par le Grip (Groupe derecherche pour la paix et pour la

sécurité) offrent une photogra-phie intéressante du secteur.

La Wallonie, dominante avec1,8 milliard de recettes, est ainsiessentiellement concentrée versla production d’armes au sensstrict tandis qu’en Flandre(0,8 milliard), l’industrie esttournée vers la technologie etl’innovation. Force et faiblesse dusecteur : sa dépendance à l’expor-tation, à hauteur de 95 % de la

production. Ce qui explique parexemple la récente gêne de res-ponsables politiques sur la ques-tion éthique de la vente à un payscomme l’Arabie saoudite. Laperte d’un gros client peut êtrecatastrophique. « Prenez Mecar,qui fabrique des munitions, ex-plique le Grip. Cette entreprise estdépendante à 75 % de l’Arabiesaoudite pour des raisons histo-riques. Selon les années, les expor-

tations d’armes en Wallonie dé-pendent à 20 à 30 % des forcessaoudiennes. » Mais pour l’heurepas d’inquiétude, assure RolandTeheux un représentant du sec-teur : « Cela peut sembler regret-table, mais les conditions géopoli-tiques étant ce qu’elles sont, lacroissance est à l’ordre du jourpour notre secteur. » ■

P. 2 & 3 NOTRE DOSSIER

L’armement belgepèse 2,8 milliards

Largement dominé par l’industrie wallonne, le secteur de la défense et de la sécurité connaît une période faste.

C harte diversité, labeldiversité, zones ur-baines stimulées… Les

plans contre la discrimina-tion à l’embauche se sontsuccédé depuis 10 ans. Pour-tant, à Bruxelles, les dossierscontinuent d’atterrir au gui-chet « discrimination à l’em-bauche » d’Actiris. Plus de lamoitié des plaintesconcernent les origines eth-niques ou sociales.

Devant ce constat, le PS ex-horte le ministre de l’Emploibruxellois Didier Gosuin (Dé-fi) à sévir. « On peut déciderde retirer les aides écono-miques aux entreprises quidiscriminent, affirme la dé-putée Catherine Moureaux.D’après moi, le ministre enconnaît déjà certaines, il peutles saisir d’autorité ou aprèsune enquête propre, via untesting. »

L’élue socialiste met aussid’autres propositions sur latable. Elle demande l’accélé-ration de la mise en placed’une zone franche autour dela zone du canal, où se trouvenotamment Molenbeek.Concrètement, les entreprisespourraient y recevoir desaides si elles stimulent le re-crutement local. ■

P. 4 NOTRE DOSSIER

Le PS veutcouperles subsidesdes firmes quidiscriminent

des parlementaires de l’Assemblée natio-nale se prononcent « pour ». 199 « non »sur 317 (et 51 abstentions), soit 62 %. Etce n’est pas terminé : cette loi qui divisedes socialistes doit encore passer le capdu Sénat d’ici la fin février. Et pour que letexte soit ensuite proposé au vote du

O ui, la réforme de la Constitutionfrançaise, englobant la très dé-criée déchéance de nationalité

envers tous les Français condamnés pourfaits de terrorisme, ainsi que les condi-tions entourant l’Etat d’urgence, a étévotée. Mais de justesse. Il fallait que 60 %

Congrès, il faudra que les sénateursadoptent le texte à l’identique. Là aussi,pas gagné. Ce qui l’est, par contre, c’estune gauche divisée, après que le ministrede l’Économie Emmanuel Macron a ma-nifesté « son inconfort philosophique » àvoter cette loi. Alors que le remaniement

se précise après le départ de Laurent Fa-bius de son poste de ministre des Affairesétrangères, la gauche française patauge…François Hollande se prononcera ce soirsur ce remaniement gouvernemental. ■

P. 10 NOTRE DOSSIER

La déchéance de nationalité passe un premier cap

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Le Soir Jeudi 11 février 2016

2 L’ACTU

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L’orchidée de fer, comme la surnomment ses compatriotes, sera-t-elle bientôt présidente deBirmanie ? Après une vie de lutte politique, dont 20 ans de privation de liberté, et une victoireimpressionnante de son parti aux législatives de novembre dernier, il serait logique de voir AungSan Suu Kyi accéder à la présidence. Sauf que la Constitution élaborée sur mesure en 2008 parla junte militaire interdit, via son article 59 (f) à toute personne ayant été mariée à un étrangeret/ou ayant des enfants avec lui de briguer la présidence. Or la « dame de Rangoon » a étémariée au Britannique Michael Aris, mort en 1999, et a eu deux enfants avec lui.Juste avant les élections, elle avait indiqué qu’elle serait de toute façon « au-dessus du pré-sident », sous-entendant qu’un fidèle pourrait occuper la fonction et qu’elle serait le véritablechef. Mais voilà que la capitale birmane Naypyidaw est agitée de rumeurs insistantes : la figurede proue de la Ligue nationale de la démocratie (NLD) serait en pleins pourparlers avec l’arméebirmane dans le but de pouvoir malgré tout être élue présidente. « Le peuple veut qu’Aung SanSuu Kyi soit présidente, et elle mérite de l’être », a indiqué récemment Tin Oo, cofondateur de laNLD. Tandis que Tun Tun Hein, membre du comité central du parti expliquait que « notre prioritéest d’amender des lois qui ne sont plus en accord avec la situation actuelle ».Mme Suu Kyi a eu ces dernières semaines deux rencontres avec le no 1 de l’armée, le généralMin Aung Hlaing, et elle s’est aussi entretenue avec son ex-ennemi juré, l’ancien dictateur ThanShwe. Car, même si son parti a obtenu 77 % des voix, il n’occupe dans le nouveau parlementque 255 sièges sur 440, un quart des sièges étant, selon la Constitution, réservés aux militaires.Lesquels conservent le droit de nommer les ministres aux portefeuilles les plus stratégiques :Défense, Intérieur et Frontières. Une cohabitation délicate : les nouveaux élus de la NLD veulentrépondre aux attentes de leurs électeurs, tandis que les militaires, qui ont dominé sans partagependant cinquante ans la Birmanie, ne veulent pas perdre tous leurs avantages.Aung San Suu Kyi a d’ailleurs répété à plusieurs reprises qu’elle préfère préparer l’avenir vial’unité nationale que régler les comptes du passé. Reste à savoir jusqu’où négocier…Selon plusieurs observateurs, les militaires seraient prêts à se montrer plus souples si leursintérêts économiques restaient intacts. C’est en effet l’armée qui a le pouvoir de gérer, via leministère de la Défense, deux puissants conglomérats, le Myanma Economic Holding et leMyanma Economic Corporation. Et un responsable de la NLD a indiqué que le parti pourraitoffrir à des militaires des postes de direction régionale dans trois régions clés.Dimanche dernier, deux chaînes gouvernementales ont nourri les spéculations en indiquant queles négociations en cours pourraient bientôt produire des « résultats positifs ». Certainsévoquent une loi qui permettrait d’abroger l’article 59 (f)... sauf que ce ne serait pas très consti-tutionnel. Et un quotidien dirigé par les militaires a écrit récemment qu’un changement deConstitution serait contraire « à l’intérêt national ».De toute façon, ce n’est que le 17 mars prochain qu’une réunion permettra de désigner les troiscandidats au poste présidentiel. Selon la Constitution de 2008, les députés de la chambrehaute, ceux de la chambre basse et les 25 % de députés militaires non élus doivent chacundésigner leur candidat. Un vote aura ensuite lieu lors d’une session conjointe du parlement pourdésigner le chef de l’Etat.

VÉRONIQUE KIESEL

AUNG SAN SUU KYIPRÉSIDENTE ?La Constitution birmane interdit à la « dame de Ran-goon » de devenir présidente, car elle a jadis épouséun étranger. Après l’écrasante victoire de son partiaux législatives de novembre, elle est en négociationpour occuper quand même le siège présidentiel.

Pour toute question,nous avons une solution

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LA VENTE D’ARMES : UN SECTEUR FLORISSANT

D eux virgule huit mil-liards d’euros. Le chiffred’affaires de l’industrie

de la défense et de la sécurité enBelgique impressionne. C’estqu’à côté de l’incontournable FNHerstal et de ses armes légèresmondialement connues, coha-bite dans notre petit pays uneindustrie très diversifiée. AuNord comme au Sud : desécrans de contrôle aux tourelles,des roquettes aux bords d’at-taque…

Pourtant, entre débat commu-nautaire et questionnementéthique (faut-il ou non exportervers l’Arabie saoudite ? LaFlandre a-t-elle plus de retenueque la Wallonie ?…), on connaîtpeu ce tissu complexe d’entre-prises qui nous vaut d’être re-connu pour notre « expertise » àl’international.

1 Un périmètre difficile à déter-miner. Attention, la statis-

tique, aussi écrasante soit-elle,est à prendre avec des pincettes.Premièrement, la loi belgen’oblige pas toutes les sociétés àcommuniquer le détail de leursrevenus, la proportion entre ac-tivités civiles et militaires estdonc souvent difficile à quanti-fier. Deuxièmement, d’autrespréfèrent ne pas révéler, d’unequelconque manière, leurs acti-vités militaires et passent, decette manière, inaperçues. Troi-sièmement, les chiffres sontfournis par Agoria, la fédérationde l’industrie technologique quine représente que 55 entreprisesactives dans la défense et la sé-curité, « soit environ 90 % dusecteur », précise Roland Teheux,à la tête du BSDI, le « BelgianSecurity and Defense Industry »,branche d’Agoria qui balade lesentreprises actives et intéresséespar l’activité militaire à traversles foires internationales dédiéesà la thématique.

Le chiffre d’affaires réel del’armement belge dépasse doncde toute évidence les 2,8 mil-liards d’euros en 2014, mais dif-ficile d’identifier dans quellesproportions. Précisons que leGrip, le Groupe de recherchepour la paix et pour la sécurité,chiffrait, en 2012, à 78 lenombre de sociétés belges ac-tives dans la production d’armesen tous genres. « Pour 2014, il ya peu de changements. Quelquesentreprises ont stoppé leurs acti-vités militaires, d’autres ont ob-tenu de nouveaux contrats »,précise son directeur Luc Mam-paey.

2 Un terreau wallon. Quid dela répartition entre Ré-

gions ? Sans surprise, la Wallo-nie domine et pèse pour 1,8 mil-liard des ventes de l’année, laFlandre pour 0,8 milliard etBruxelles pour 0,2 milliard.Cette différence de revenus esthistorique et découle d’unelongue tradition dans le Sud dupays. « Dans le bassin de Liège,on fabriquait déjà des armes auMoyen-Âge. Le développement dela sidérurgie dans la région aaccompagné celui de l’arme-ment », glisse le directeur duGrip.

Pour l’anecdote, la profession-

nalisation des armuriers wallonset, avec elle, la naissance de laFabrique Nationale de Herstals’est organisée via une com-mande de 150.000 fusils parl’armée belge auprès d’un fabri-cant allemand du nom de Mau-ser… quelques années avant laPremière Guerre mondiale.L’histoire a ses paradoxes.

Encore aujourd’hui, l’industriede la défense et de la sécuritéwallonne est sensiblement tour-née vers la production d’armesau sens strict : la FN et sesarmes légères, les Forces de Zee-brugge et ses roquettes, Mecaret ses munitions… Au total,treize sociétés s’inscrivent danscette industrie dite lourde etsont donc très sensiblement dé-pendantes aux activités mili-taires. Autour d’elles, un essaimde PME plus ou moins spéciali-sées gravite.

Et si la Wallonie fabrique lefusil et les cartouches, laFlandre, elle, est en charge duviseur et de l’écran de contrôle.Au Nord du pays, l’industrie,tournée essentiellement vers latechnologie et l’innovation,frappe fatalement moins les es-prits. « Une arme de la FN a uneimage bien plus forte qu’unécran de contrôle ou une vesteinflammable. Mais qu’on ne seleurre pas : il s’agit bien d’armeségalement », insiste le Grip. Ces(généralement) petites entre-prises ont pour la plupart uneactivité civile dans des domainescomme l’IT, les télécoms, la mo-délisation… qu’elles combinent àdes contrats militaires.

3 Des perspectives réjouis-santes De manière générale,

le secteur de l’armement en Bel-gique est très attaché aux expor-tations. Les commandes en pro-venance de l’armée belge étantdepuis plusieurs années au point

mort. « C’est une force mais aus-si une faiblesse ; nous sommes à95 % dépendants de la demandeextérieure. Notre industrie fonc-tionne en dents de scie »,confirme le BSDI. En 2014, letotal des licences d’exportationsd’armes accordées par la Bel-gique (la matière est régionale)explosait à 4,3 milliards d’euros.Un chiffre supérieur aux ventesdu secteur la même année quis’explique par le méga contratde 3 milliards pour les tourellesde char de CMI, entreprise seré-sienne, qui s’étalera sur 15 ansau total.

Pour le Grip, cette ultra-dé-pendance est problématique.« Prenez Mecar, qui fabrique desmunitions. Cette entreprise estdépendante à 75 % de l’Arabiesaoudite pour des raisons histo-riques. Selon les années, les ex-portations d’armes en Walloniedépendent à 20 à 30 % desforces saoudiennes », poursuit leGrip. Mais nous vendons desarmes également au Bahreïn,aux Émirats arabes unis, à laJordanie, au Koweït, au Qatar…Et au niveau de la demande in-ternationale, les perspectivessont au beau fixe.

« Cela peut sembler regrettable,mais les conditions géopolitiquesétant ce qu’elles sont, la crois-sance est à l’ordre du jour pournotre secteur », assure RolandTeheux. Même au niveau desperspectives intérieures, la rouepourrait tourner en faveur denos armuriers avec le « planVandeput » qui revoit organisa-tion et matériel de l’armée belge.Le Grip, lui, préfère poser laquestion du surarmement decertaines zones géographiques etdu rôle de la Belgique à ce ni-veau.

Mais c’est, apparemment, unautre débat. ■

AMANDINE CLOOT

La Belgique à 95Le chiffre d’affaires

du marché belgede la défense estde 2,8 milliards d’euros.

Le secteur présentedes perspectivesexcellentes.

Entre Régions, c’est la Wallonie qui tire,sans grande surprise,les ventes vers le haut.

L’industrie de la défense et de la sécurité en Belgique

Chiffre d’affaires total (2014)2,8 milliards

Entreprises55

En Flandre, l'industrie de l'armement est tournée vers l'innovation technologique.

Le Soir Jeudi 11 février 2016

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Pas de commentaireSous tutelle des régionsdepuis 2004, la législationentourant production etexportations d’armes n’estpas simple. Et sujette àpolémique. En Wallonieparticulièrement, commenous l’a rappelé il y a peu lemega deal passé entre CMI,le Canada… et l’Arabie saou-dite. On a donc demandé aucabinet Magnette (encharge des licences) deréagir sur les chiffres im-pressionnants communiquéspar Agoria sur le secteurwallon. Ce dernier nous afait remarquer que si onparlait du poids économiquede l’armement, mieux valaiten discuter avec le ministrede l’Economie, Jean-ClaudeMarcourt. Qui était dans uneindisponibilité totale mercre-di. Bref zéro commentaire.

A.C.

RÉACTION

ENTRETIEN

L a Sonaca, comme d’autres sociétésaéronautiques belges, est histori-

quement liée au secteur de la défense etde la sécurité. Si depuis les années 80,le poids des activités militaires a forte-ment diminué dans le bilan de l’entre-prise, son patron, Bernard Delvaux estconvaincu des opportunités à saisirdans le domaine.

Votre société a un lien historique fortavec l’industrie de la défense et de la sécurité…Nous avons été en charge du “contratdu siècle” puisque nous étions respon-sables de l’assemblage et de l’entretiendes F16 de l’armée belge. La Sonacavia ce contrat a fait un véritable tra-vail d’apprentissage et a développéune expertise dans le domaine. LaSabca a pris la suite. Nous avons en-suite conçu les bords d’attaque pourAirbus. Dans les années 80, une in-dustrie s’est véritablement dévelop-pée.

Pourtant aujourd’hui, vous avez peud’activités « militaires » ?C’est vrai pour tous ceux qui étaientliés aux investissements de la défensebelge. Actuellement, nos activités sontminimes et les investissements aussi.Nous réalisons la maintenance desdrones de l’armée belge, les B-Hunteret nous participons à la fabricationde l’A44M, un avion de transport mi-litaire pour un total d’une vingtainede millions d’euros à l’année. Je pensequ’il est important de souligner qu’ily a arme et arme. On ne produit pasdes tourelles de chars comme CMI.Nous restons dans notre cœur de mé-tier, l’aéronautique, et nous mettonsponctuellement notre expertise auservice de contrats militaires.

Dans votre rapport annuel 2014, vous dites souhaiter augmenter

vos parts de revenus liés aux activitésmilitaires…L’armée belge va probablement inves-tir et remplacer ses F16. Mais mêmedans l’hypothèse où des entreprisesbelges seront impliquées via un retourd’investissement et que la Sonaca enfasse partie, cela ne se traduira pasavant 2020 dans nos chiffres. Nouscherchons par contre – et ce n’est pasun secret – à nous implanter auxÉtats-Unis via le rachat d’une entre-prise. Ce n’est pas pour la semaineprochaine. Mais on sait qu’aux USA,la frontière entre civil et militaire estdifférente.

Justement avez-vous une charteéthique, des discussions sur l’accepta-bilité de tel ou tel contrat militaire ? Ily a actuellement pas mal de polé-miques à ce niveau.Pour l’instant, nous n’avons pas en-core été amenés à avoir ce type de dé-bat. Mais cela pourrait arriver. Demanière générale, nous sommes trans-parents. Nous n’avons pas honte defaire partie du secteur de la défense etde la sécurité. Si nous ne le faisionspas, d’autres le feraient à notre place.La défense fait partie d’une société or-ganisée. Le secteur est par ailleurs trèscontrôlé.

Les perspectives de manière généralesont bonnes pour l’industrie militaire ?J’ai la sensation, compte tenu ducontexte international, qu’il y a effecti-vement des opportunités de développe-ment dans le domaine. C’est presqueune tendance dans l’aéronautique :quand le commercial va moins bien –et c’est le cas –, le militaire va mieux.On entre dans un cycle où ce derniersegment va se renforcer. C’est triste àdire et je parle bien sûr ici d’un pointde vue business. ■

Propos recueillis parA.C.

aéronautique « Aujourd’hui, il y a pasmal d’opportunités de développement »

Pour Bernard Delvaux, « quand le commercial va moins bien, le militaire va mieux. » © D’ALIMONTE

5 % dépendante des exportations

Emplois10.000

Wallonie

Chiffres d’affaires0,8 milliard d’euros

Entreprises18

Emplois2.300

Chiffres d’affaires0,2 milliard d’euros

Entreprises2

Emplois 900

Chiffres d’affaires1,8 milliard d’euros

Entreprises35

Emplois6.800

Flandre

Bruxelles

La Wallonie est spécialisée dans l'armement traditionnel (armes légères, munitions, roquettes...).

Le chiffre d’affairesde la FN toujours en progressionA l’origine de l’histoire de l’arme-ment belge, la FN Herstal, ou plusprécisément le Groupe Herstal –le leader mondial des armeslégères a des activités impor-tantes aux États-Unis, notam-ment –, a encore de beaux joursdevant elle. Comme en té-moignent ses résultats : de 2013 à2014, son chiffre d’affaires globala progressé de près de 6 % à 678millions d’euros. Depuis 2000,ses ventes ont même quasi dou-blé. L’entreprise a pourtant connudes années difficiles. Dans lesannées 80, elle tente une diversi-fication et se met à fabriquer desraquettes de tennis. Sans grandsuccès. C’est le début du déclin,la fin de la guerre froide inaugu-rant une nouvelle période devaches maigres pour l’armementde manière général. La FN y survi-vra. Mais grâce aux 62 millionsinvestis par la Région wallonne,qui acquiert 100 % des parts dugroupe en 1997, 500 emploispasseront tout de même à latrappe cette année-là. Celle quiavait employé jusqu’à 10.000personnes à l’époque de la Socié-té générale, n’est plus quel’ombre d’elle-même. Mais depuistout va mieux. Progressivement,la Région a récupéré ses investis-sements. En 2014, la Wallonie aencaissé un dividende non négli-geable de 10 millions d’euros. LeGroupe Herstal a fait ses em-plettes en rachetant Manroy, unancien fournisseur de l’arméeanglaise pour la bagatelle de 20millions d’euros. Et aux États-Unis, les affaires sont un longfleuve tranquille. Aujourd’hui, legroupe emploie 2.715 personnesdont 1.489 en Wallonie.

A.C.

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