l’enseignement de la science et de la technologie à l’école … · 2017-06-06 · la qualité...

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Note rédigée par Pierre Léna, membre de l’Académie des sciences, président d’honneur de la Fondation La main à la pâte, à l’intention particulière des entreprises potentiellement partenaires de la Fondation. Un état des lieux La qualité de l’enseignement de la science et de la tech- nologie en France, à l’école primaire et au collège, fait l’objet d’une attention croissante depuis plus d’une dé- cennie. Nombre de rapports ont été publiés à ce sujet par l’Académie des sciences 1 , 2 , 3 , 4 , les services du Pre- mier Ministre 5 et l’Assemblée nationale 6 , 7 , 8 . La désaf- fection pour les études scientifiques et technologiques 9 est préoccupante et la mise en question de la science et de la technique dans la société française a des consé- quences périlleuses. Toutes les analyses convergent sur un point crucial : la quasi-disparition, au cours de la décennie écoulée, des actions de développement professionnel (formation continue) des professeurs en- seignant en collège et en lycée, et dans une moindre mesure en primaire. Cette disparition et ses effets sont sévèrement commentés dans plusieurs rapports offi- ciels 10 , 11 , 12 . Les acquis des élèves en mathématiques et en sciences, mesurés par les résultats de l’enquête triennale PISA 13 ou par des mesures internes à l’Éduca- tion nationale, se fragilisent. Le recrutement de profes- seurs de qualité pour le collège et le lycée devient très difficile, notamment en mathématique 14 . L’action de l’Académie des sciences : La main à la pâte Dès 1995, sous l’impulsion visionnaire de Georges Charpak, prix Nobel de physique 1992, l’Académie des sciences s’est saisie modestement de cette situation en lançant l’action La main à la pâte, se souciant d’abord de l’école primaire, puis du collège à partir de 2006 avec l’Académie des technologies. L’accompagnement des professeurs d’école ou de collège s’est révélé crucial pour les aider à transfor- mer leur enseignement et à cultiver chez leurs élèves le goût de la science et de la technologie. Les mathé- matiques, relevant d’une situation différente, n’ont pas été initialement incluses dans le projet. Entre 1996 et 2016, grâce à cette action conduite en lien avec le ministère de l’Éducation nationale, les enseignants, les parents et les médias, la présence d’un enseignement scientifique et technologique en primaire a considérablement augmenté. Au collège, où ces enseignements sont présents de longue date, leurs modalités doivent évoluer. La créa- tion d’un enseignement intégré de science et tech- nologie (EIST) présent désormais dans la quasi-tota- lité les académies, l’offre de formation des Maisons pour la science et de leur Centre National (Graines de science, actions conduites par des scientifiques et des industriels), recueillent une adhésion croissante de la part des professeurs, avec un impact encore trop limité au niveau national. La main à la pâte a été citée comme l’une des seules actions ayant visé à remédier à une situation critique 15 . Le rapport sur un Grand Emprunt, remis au Pré- sident de la République par Alain Juppé et Michel Rocard, la jugeait même si critique qu’il proposait de consacrer des moyens significatifs au dévelop- pement professionnel des professeurs enseignant les sciences, ou à d’autres actions similaires 16 . En 2011 et à la suite de ce rapport, le lancement d’une action des Investissements d’avenir en direc- tion de la culture scientifique et technique a permis à l’Académie des sciences de proposer la création de quatre Maisons pour la science au service des professeurs, à périmètre régional et implantées dans les universités de Clermont-Ferrand, Nancy, Strasbourg et Toulouse. Les Maisons pour la science, ouvertes en 2012 pour une durée de 5 ans, visent à rapprocher les professeurs de la science et de la technique vivantes, au service de l’égalité des chances. Elles sont coordonnées par la Fondation de coo- pération scientifique 17 La main à la pâte, ayant statut d’utilité publique, co-fondée en 2012 par l’Académie des sciences et deux Écoles normales supérieures (Paris et Lyon). Devant le succès rencontré, l’Académie a été sol- licitée pour ouvrir en 2014 cinq Maisons nouvelles (Bordeaux, Grenoble, Lille, Orléans, Rennes), avec les financements afférents issus des Investisse- ments d’avenir et garantis pour 5 ans 18 . En 7 ans (2012-2018), ces 9 Maisons devront avoir contri- bué, par une exposition intense à la science et la technique vivante, à l’évolution professionnelle de plus de 30 000 professeurs enseignant les sciences à l’école et au collège, dans l’esprit de La main à la pâte et en collaboration avec les ÉSPÉ 19 . L’idée de ces Maisons est de construire de so- lides prototypes, soumis à évaluation, pour un développement professionnel rénové, en attirant L’enseignement de la science et de la technologie à l’école primaire et au collège en France (1995-2016) : état et perspectives Fondation de coopération scientifique créée par décret du 11 octobre 2011 (JO n°0238 du 13 octobre 2011). Membres fondateurs : Académie des sciences, École normale supérieure (Paris), École normale supérieure de Lyon. Siège : 43 rue de Rennes, 75006 Paris

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Page 1: L’enseignement de la science et de la technologie à l’école … · 2017-06-06 · La qualité de l’enseignement de la science et de la tech - nologie en France, à l’école

Note rédigée par Pierre Léna, membre de l’Académie des sciences, président d’honneur de la Fondation La main à la pâte, à l’intention particulière des entreprises potentiellement partenaires de la Fondation.

Un état des lieuxLa qualité de l’enseignement de la science et de la tech-nologie en France, à l’école primaire et au collège, fait l’objet d’une attention croissante depuis plus d’une dé-cennie. Nombre de rapports ont été publiés à ce sujet par l’Académie des sciences1,2,3,4, les services du Pre-mier Ministre5 et l’Assemblée nationale6,7,8. La désaf-fection pour les études scientifiques et technologiques9

est préoccupante et la mise en question de la science et de la technique dans la société française a des consé-quences périlleuses. Toutes les analyses convergent sur un point crucial : la quasi-disparition, au cours de la décennie écoulée, des actions de développement professionnel (formation continue) des professeurs en-seignant en collège et en lycée, et dans une moindre mesure en primaire. Cette disparition et ses effets sont sévèrement commentés dans plusieurs rapports offi-ciels10,11,12. Les acquis des élèves en mathématiques et en sciences, mesurés par les résultats de l’enquête triennale PISA13 ou par des mesures internes à l’Éduca-tion nationale, se fragilisent. Le recrutement de profes-seurs de qualité pour le collège et le lycée devient très difficile, notamment en mathématique14.

L’action de l’Académie des sciences : La main à la pâteDès 1995, sous l’impulsion visionnaire de Georges Charpak, prix Nobel de physique 1992, l’Académie des sciences s’est saisie modestement de cette situation en lançant l’action La main à la pâte, se souciant d’abord de l’école primaire, puis du collège à partir de 2006 avec l’Académie des technologies. L’accompagnement des professeurs d’école ou de collège s’est révélé crucial pour les aider à transfor-mer leur enseignement et à cultiver chez leurs élèves le goût de la science et de la technologie. Les mathé-matiques, relevant d’une situation différente, n’ont pas été initialement incluses dans le projet.

� Entre 1996 et 2016, grâce à cette action conduite en lien avec le ministère de l’Éducation nationale, les enseignants, les parents et les médias, la présence d’un enseignement scientifique et technologique en primaire a considérablement augmenté.

�Au collège, où ces enseignements sont présents de longue date, leurs modalités doivent évoluer. La créa-tion d’un enseignement intégré de science et tech-nologie (EIST) présent désormais dans la quasi-tota-lité les académies, l’offre de formation des Maisons pour la science et de leur Centre National (Graines de science, actions conduites par des scientifiques et des industriels), recueillent une adhésion croissante de la part des professeurs, avec un impact encore trop limité au niveau national. La main à la pâte a été citée comme l’une des seules actions ayant visé à remédier à une situation critique15.

� Le rapport sur un Grand Emprunt, remis au Pré-sident de la République par Alain Juppé et Michel Rocard, la jugeait même si critique qu’il proposait de consacrer des moyens significatifs au dévelop-pement professionnel des professeurs enseignant les sciences, ou à d’autres actions similaires16.

� En 2011 et à la suite de ce rapport, le lancement d’une action des Investissements d’avenir en direc-tion de la culture scientifique et technique a permis à l’Académie des sciences de proposer la création de quatre Maisons pour la science au service des professeurs, à périmètre régional et implantées dans les universités de Clermont-Ferrand, Nancy, Strasbourg et Toulouse.

� Les Maisons pour la science, ouvertes en 2012 pour une durée de 5 ans, visent à rapprocher les professeurs de la science et de la technique vivantes, au service de l’égalité des chances. Elles sont coordonnées par la Fondation de coo-pération scientifique17 La main à la pâte, ayant statut d’utilité publique, co-fondée en 2012 par l’Académie des sciences et deux Écoles normales supérieures (Paris et Lyon). � Devant le succès rencontré, l’Académie a été sol-licitée pour ouvrir en 2014 cinq Maisons nouvelles (Bordeaux, Grenoble, Lille, Orléans, Rennes), avec les financements afférents issus des Investisse-ments d’avenir et garantis pour 5 ans18. En 7 ans (2012-2018), ces 9 Maisons devront avoir contri-bué, par une exposition intense à la science et la technique vivante, à l’évolution professionnelle de plus de 30 000 professeurs enseignant les sciences à l’école et au collège, dans l’esprit de La main à la pâte et en collaboration avec les ÉSPÉ19. � L’idée de ces Maisons est de construire de so-lides prototypes, soumis à évaluation, pour un développement professionnel rénové, en attirant

L’enseignement de la science et de la technologie à l’école primaire et au collège en France (1995-2016) : état et perspectives

Fondation de coopération scientifique créée par décret du 11 octobre 2011 (JO n°0238 du 13 octobre 2011).Membres fondateurs : Académie des sciences, École normale supérieure (Paris), École normale supérieure de Lyon.

Siège : 43 rue de Rennes, 75006 Paris

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des concours du monde scientifique et technique, au-delà de l’Éducation nationale. Les Maisons in-cluent les mathématiques dans leur champ, en lien avec les Instituts de recherche sur l’ensei-gnement des mathématiques (IREM).

Enfin, l’Académie des sciences et la Fondation ont abondamment développé à l’étranger les idées de La main à la pâte, par des collaborations dans une cin-quantaine de pays. Ces collaborations ont permis de se rapprocher d’initiatives similaires soutenues par de grandes entreprises ou fondations (Wellcome Trust, Siemens, Volkswagen, etc.).

Le rôle des entreprisesDès la conception du projet des Maisons pour la science, les technologies trouvent leur place auprès des sciences et les entreprises sont impliquées. Un colloque organisé conjointement par l’Académie des sciences et la Fondation, en mai 2013, sur « Les liens entre monde éducatif et monde de l’entreprise »20 , a permis de créer une dynamique. Il s’agit, autour d’un enseignement scientifique fait dans l’esprit de La main à la pâte, de contribuer à une meilleure orientation des jeunes talents dont la réindustrialisation du pays a besoin. Les milliers de professeurs qui enseignent science ou technologie et fréquentent soit le Centre national de la Fondation à Paris, soit les Maisons en région, sont des médiateurs précieux pour mieux faire

comprendre à leurs élèves les enjeux du développe-ment industriel de la France. Un partenariat étroit entre la Fondation et ses partenaires industriels permet donc de travailler avec un large public d’enseignants autour de la préparation de visites et dialogues, de docu-ments pédagogiques interdisciplinaires, ou encore de présentations des métiers. Le rapprochement entre professeurs et collaborateurs des entreprises parte-naires, lors d’actions concrètes et locales sur les sites d’implantation de ces entreprises, permet aux profes-seurs de prendre la mesure du sens de l’intérêt général qui anime les entreprises et de leur impact sociétal, et de réaliser la valeur des métiers de l’industrie. Ils sont alors plus à même de porter ce message auprès de leurs élèves. Dans le même temps, les collaborateurs des entreprises s’enrichissent des échanges avec le monde de l’éducation.

Quatre entreprises sollicitées dès 2012, BioMérieux, Michelin, Saint-Gobain et Total, ont compris l’impor-tance de ces objectifs et se sont engagées financière-ment auprès de la Fondation à un niveau annuel moyen de 50 k€ garanti par convention. La contribution de ces entreprises mécènes est doublée grâce à l’apport des Investissements d’avenir, dont les règles imposent un équilibre entre fonds de concours et fonds reçus.

L’ouverture en 2016 de 50 collèges pilotes ouverts sur le monde professionnel, rattachés aux Maisons, conduit la Fondation La main à la pâte à amplifier son activité et à rechercher de nouvelles entreprises partenaires, se joignant aux précédentes dans des conditions similaires de mécénat.

Notes1 Avis sur l’enseignement scientifique et technique dans la scolarité obligatoire : école

et collège, 6 juillet 2004. Académie des sciences. <http://www.academie-sciences.fr/activite/enseign/ressource.htm>

2 La formation des professeurs à l’enseignement des sciences. Novembre 2007 3 «Mastérisation. Le dispositif de formation et de recrutement des professeurs ensei-

gnant les sciences (école, collège, lycée), 26 octobre 2009. Avis de l’Académie des sciences. Réf. supra

4 La formation continue des professeurs enseignant les science à l’école, au collège, au lycée, 30 novembre 2010, Avis de l’Académie des sciences. Réf. supra.

5 C Capelier, E Klein, JP Cottet. Les jeunes et la science. Faire face à la crise des vocations scientifiques. Conseil d’analyse de la société auprès du Premier Ministre, La Documentation française, 2007.

6 La mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences au collège. Rapport d’information de la commission des affaires sociales et de l’éducation, Assemblée nationale, présenté par Jacques Grosperrin, Député, N°2446, Avril 2010.

7 Les voies et les moyens d’un enseignement rénové des sciences, in Enseignement scolaire. Avis présenté au nom de la Commission des Affaires culturelles et de l’édu-cation par Julie Sommaruga, Députée. N°1429, Assemblée nationale, Octobre 2013.

8 Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles : un impératif. Rapport provisoire, Office parlementaires des choix scientifiques et technologiques, Janvier 2014.

9 La diffusion de la culture scientifique : bilan et perspectives, Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Rapport 2012-2014, La Documentation française.

10 La formation initiale et continue des maîtres. Rapport conjoint des Inspections générales de l’Éducation nationale, Fév. 2003.

11 Evaluation de la politique de formation continue des enseignants. Rapport commun des Inspections générales de l’administration, MEN et MESR. N°2010-11, 26 Oct 2010. Site Eduscol. 12 Actualisation du bilan de la formation continue des enseignants, Rapport des Ins-

pections générales de l’administration, 21 Fév 2013. 13 Résultats du PISA 2015 : L’excellence et l’équité dans l’éducation. Vol. 1. OCDE,

Paris.14 <http://www.education.gouv.fr/cid73088/donnees-statistiques-des-concours capes-session-2013.html>15 Attractivité des carrières scientifiques et technologiques. Projet (non diffusé) de Rapport du Haut Conseil de la science et la technologie, Nov. 2013. 16 A Juppé, M Rocard, Investir pour l’avenir, rapport remis au Président de la Répu- blique, 2010. <http://investissement-avenir.gouvernement.fr/sites/default/files user/Rapport%20%20JUPPE%20ROCARD.pdf>17 <www.fondation-lamap.org>18 <www.maisons-pour-la-science.org>19 ÉSPÉ : Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, crées en 2013 pour succéder aux IUFM et former les professeurs. 20 <fondation-lamap.org/fr/entreprises>