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IUFM DE BOURGOGNE Concours de recrutement : Professeur des écoles Intérêts et enjeux des réseaux dans l’enseignement de la lecture littéraire à l’école primaire Laurent FEMENIAS Mémoire professionnel dirigé par : Mme Denise LABOUREAU 2006 N° dossier : 05STA00787

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IUFM DE BOURGOGNE Concours de recrutement : Professeur des écoles

Intérêts et enjeux des réseaux dans l’enseignement de la lecture littéraire à l’école primaire

Laurent FEMENIAS

Mémoire professionnel dirigé par : Mme Denise LABOUREAU

2006 N° dossier : 05STA00787

SOMMAIRE

Introduction p. 4

1ère PARTIE : Pourquoi et comment mettre en place des réseaux à

l’école primaire p. 6

SECTION 1 – L’école et l’enseignement de la lecture littéraire p. 6

A. Petit historique de la place de la littérature de jeunesse à l’école depuis 1880 p. 6

B. Quelle est la littérature de jeunesse préconisée pour les élèves aujourd’hui ? p. 8

C. Qu’est ce que la « lecture littéraire » ? p. 9

D. Les compétences de lecture attendues p. 10

SECTION 2 - La découverte de l’intertextualité : un aspect fondamental de la

lecture littéraire p. 11

A. Qu’est-ce que l’intertextualité ? p. 11

B. Aborder l’intertextualité à l’école : la notion de « réseau » p. 13

SECTION 3 – Comment les réseaux peuvent-ils contribuer à développer

les compétences de lecture littéraire des élèves ? p. 14

A. Ce qu’en disent les Instructions Officielles p. 14

B. Intérêts et objectifs de la littérature en réseaux à l’école p. 14

C. Quelques écueils et limites à prendre en compte par l’enseignant p. 15

D. Petite typologie des réseaux possibles p. 16

2ème PARTIE : Un réseau pour découvrir la littérature dès le cycle 1 p. 17

SECTION 1 – Caractéristiques du réseau mis en place p. 17

A. Les spécificités du travail sur la littérature à l’école maternelle p. 17

B. Un réseau autour de Coin-Coin de Frédéric Stehr p. 18

1. Présentation de l’album à la base du réseau p. 18

2. D’autres albums pour tisser des liens p. 19

SECTION 2 – Quels apprentissages effectifs pour des élèves de cycle 1 ? p. 20

A. Rapide description des séances menées p. 20

B. Analyse des difficultés et réussites p. 21

Conclusion p. 23

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3ème PARTIE : Un réseau plus complexe pour le cycle 3 p. 24

SECTION 1 – Caractéristiques du réseau mis en place p. 24

A. Réseaux et lecture longue en cycle 3 p. 24

B. Un réseau autour du Petit Poucet de Charles Perrault p. 25

1. Pourquoi Le Petit Poucet ? p. 25

2. Autour du personnage-type : le petit abandonné surmontant les épreuves p. 26

3. Redécouvrir le conte de Perrault à travers un réseau hypertextuel p. 28

SECTION 2 – Quels apprentissages effectifs pour des élèves de cycle 3 ? p. 29

A. Rapide description des séances menées p. 29

B. Analyse des difficultés et réussites p. 30

Conclusion p. 32

Conclusion p. 33

Bibliographie p. 35

Annexe 1 : Littérature en réseaux et Programmes 2002 p. 37

Annexe 2 : Notice des Contes de Charles Perrault (document d’application) p. 39

Annexe 3 : « Tableaux mémoire » réalisés en classe (réseau Petit Poucet) p. 40

- 3 -

INTRODUCTION

« Le loup frappe à la porte, toc, toc, toc. « Qui est là ? » demande la poule. Le loup répond : « C’est le loup. » La poule s’affole : « Le loup ! » « N’aie pas peur, poule : je suis vieux, je n’ai plus une seule dent. Laisse-moi me réchauffer près de ta cheminée, et me préparer une soupe au caillou. » La poule hésite ; elle n’est pas rassurée, bien sûr, mais elle est curieuse : elle n’a jamais vu le loup en vrai, elle ne le connaît que par les histoires… »

Anaïs Vaugelade, Une soupe au caillou1

Gérard Genette, dans son ouvrage Palimpsestes, définit la transtextualité, ou

transcendance textuelle, par « tout ce qui met le texte en relation, manifeste ou secrète, avec

d'autres textes »2. Il s’agit selon lui de l’objet essentiel de la poétique, de la théorie de la

littérature, et pour cause : aucune œuvre littéraire ne peut être appréhendée en faisant

abstraction de ce qui a été écrit dans le passé. Ce que Genette nomme transtextualité est le

plus souvent appelé simplement intertextualité par les chercheurs. Cette notion permet de

toucher du doigt une caractéristique fondamentale de toute littérature : chaque texte se trouve

relié aux autres par des références, des citations, des allusions, parfois claires et directes, mais

le plus souvent implicites, voire inconscientes. « Tout texte est un intertexte »3, affirme même

avec force Roland Barthes dans l’article « Théorie du texte » de la célèbre Encyclopaedia

Universalis. Découvrir et apprécier la littérature à sa juste valeur suppose donc de développer

des compétences spécifiques permettant au lecteur de saisir cette dimension intertextuelle.

Parmi les objectifs majeurs de l’école sur lesquels les Programmes de l’école primaire

de 2002 insistent tout particulièrement figure justement l’enseignement de la littérature : « La

littérature est l’univers dans lequel chaque élève expérimente intellectuellement et

personnellement la langue française. Elle donne des références communes et constitue la base

d’une culture partagée. L’école multiplie les occasions où l’élève peut faire cette expérience

de la littérature : elle facilite le plus possible l’accès aux textes littéraires […] »4. S’il importe

bel et bien d’apprendre à déchiffrer à l’école, il serait extrêmement réducteur de ne voir dans

1 A. Vaugelade, Une soupe au caillou, Paris, L’école des loisirs (lutin poche), 2002. 2 G. Genette, Palimpsestes, Le Seuil, coll. « Poétique », 1982. 3 R. Barthes, « Texte (théorie du) », Encyclopaedia Universalis, Paris, 1973. 4 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, Paris, CNDP, 2002, p. 34.

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l’apprentissage de la lecture qu’un procédé purement technique. Il est donc indispensable de

permettre également aux élèves d’acquérir des compétences réelles de « lecture littéraire ».

Dans une œuvre littéraire, le texte acquiert une épaisseur qu’il n’a pas forcément dans

une lecture basique, au premier degré. Ainsi, la citation extraite de l’album Une soupe au

caillou d’Anaïs Vaugelade placée en exergue de cette introduction peut être lue et comprise

simplement pour ce qu’elle raconte explicitement. Cependant, le lecteur connaissant déjà des

histoires de poules et de loup pourra interpréter la remarque du narrateur différemment,

comprendre l’humour et les clins d’œil qui lui sont adressés, apprécier davantage le texte, ce

qui donne des qualités littéraires indéniables à cet album. L’existence d’une culture commune

partagée par l’auteur et son lecteur est ainsi l’un des fondements de l’intertextualité. La

remarque d’apparence laconique de Barthes prend donc bien tout son sens, tant dans la

littérature « pour adultes » que dans la littérature de jeunesse.

L’un des procédés utilisés pour découvrir dans les classes la lecture littéraire consiste à

pratiquer une lecture « en réseaux ». Mais en quoi la lecture de textes en réseaux à l’école

primaire est-elle à même de développer une posture de lecteur chez l’élève compatible avec

l’entrée dans une véritable lecture littéraire ? Répondre à cette question suppose de

s’intéresser aux différentes compétences de lecture nécessaires à la pratique de la lecture

littéraire. Les réseaux permettent-ils de favoriser le développement de ces compétences ? Et si

oui, comment les utiliser en classe ?

Nous nous proposons dans un premier temps de montrer les intérêts et objectifs de la

mise en place de réseaux à l’école, ainsi que les moyens de les utiliser. Nous développerons

ensuite deux exemples de réseaux élaborés au cours de deux stages en responsabilité : le

premier dans une classe rurale de petite et moyenne sections de maternelle, le second dans

une classe de CM2 à Dijon.

- 5 -

1ère PARTIE

Pourquoi et comment mettre en place des réseaux

à l’école primaire

L’enjeu de cette première partie est de tenter de comprendre l’intérêt de la lecture de la

littérature en réseaux à l’école et ses impacts sur le développement des compétences de

lecture des élèves. Pour cela, nous commencerons par exposer brièvement dans une première

section les rapports qu’entretient l’école (via les textes officiels) avec la littérature de

jeunesse. Il en résulte nécessairement un certain nombre d’attentes vis-à-vis des élèves (une

posture de lecteur) qui, bien qu’ayant pu fortement varier à travers le temps, sont aujourd’hui

largement tournées vers ce que l’on appelle la « lecture littéraire ». La découverte du

fonctionnement de la littérature passe notamment par la découverte de l’intertextualité comme

nous l’expliquerons dans la section deux. Nous essayerons ensuite dans la section trois de

montrer comment les réseaux contribuent au développement des compétences de lecture

littéraire des élèves.

SECTION 1 – L’école et l’enseignement de la lecture littéraire

Après un rapide historique consacré à l’évolution des pratiques et attentes en matière de

lecture scolaire, nous nous intéresserons à ce que les textes officiels préconisent aujourd’hui

concernant la littérature de jeunesse. Nous définirons alors la « lecture littéraire » avant de

passer en revue les compétences que cela suppose de la part des élèves.

A. Petit historique de la place de la littérature de jeunesse à l’école depuis 1880

La littérature représente depuis longtemps l’un des piliers de l’enseignement du français

à l’école primaire comme en témoignent de nombreux textes et discours officiels5.

Néanmoins, le corpus de textes considérés comme essentiels au développement de la culture

des élèves comme à leur acquisition d’un certain modèle langagier a fortement varié au fil du

5 Cf. A-M. Chartier et J. Hébrard, Discours sur la lecture (1880-1980), Paris, Bibliothèque publique d’information-Centre Georges Pompidou, 1989.

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temps, tout comme les méthodes et enjeux assignés à la lecture de textes littéraires à l’école.

Avec Christine Houyel et Anne-Marie Chartier, on peut distinguer plusieurs grandes

périodes6 :

À la fin du XIXème siècle, à partir de 1880 environ, la littérature commence à remplacer

la religion dans les textes proposés aux élèves. Mais il s’agit majoritairement à cette époque

de promouvoir des aspects politiques et moraux, d’ancrer l’idéal républicain chez les élèves

par la fréquentation de « bons textes ». Ainsi, la fiction est généralement considérée comme

contraire aux valeurs de l’école qui consistent en la transmission de la vérité. C. Houyel nous

dit d’ailleurs que La Fontaine lui-même est suspect à cette époque pour l’école. On lui préfère

d’autres auteurs comme Pascal ou Bossuet.

Dans les années 1920, on assiste à une modernisation importante du corpus jusqu’alors

majoritairement issu des grands auteurs français des XVIIème et XVIIIème siècles. Des

« morceaux choisis » tirés d’écrivains du XIXème siècle (Zola par exemple) se voient pour la

première fois accéder au rang de « classiques » et font ainsi leur entrée dans les manuels.

C’est le règne de l’auteur, du grand écrivain consacré, légitimé par l’institution scolaire dont

la visée est clairement de transmettre un patrimoine. Il s’agit surtout d’admirer et reproduire

les effets des grands textes étudiés avec le maître.

À partir des années 1930 est introduit le « roman scolaire », livre artificiel mais qui est

censé permettre à chaque élève d’avoir lu en pratique au moins un livre dans sa vie. Il s’agit

en quelque sorte d’un début de démocratisation de la lecture, même si l’objectif demeure

encore l’édification plutôt que le plaisir de lire. Il faudra attendre les années 1960 pour

assister à un véritable développement de l’édition consacrée à la littérature de jeunesse7.

Cependant, entre 1965 et 1980, dans un contexte où le public de l’école s’est accru et

largement démocratisé, on entre dans une forme de crise de la lecture scolaire8. Le corpus a

fortement évolué et l’on demande désormais aux élèves de lire des textes variés. La littérature

occupe une place moins prépondérante que par le passé tandis que l’on valorise davantage les

écrits du quotidien, censés se rapprocher des préoccupations des élèves. Dans le même temps,

l’apprentissage de la lecture se tourne de plus en plus vers la communication, l’ouverture sur

le monde, plutôt que sur la construction d’une véritable culture littéraire.

6 C. Houyel, La culture littéraire à l’école : une préoccupation des nouveaux programmes de l’enseignement primaire, 2002. 7 R. Léon, La littérature de jeunesse à l’école : Pourquoi ? Comment ? (nouvelle édition), Paris, Hachette éducation, 2005. 8 Cf. J-L. Dufays et al., Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe, Bruxelles, De Boeck, 2005.

- 7 -

Néanmoins, depuis 1980, on assiste à un retour en force progressif de la littérature à

l’école9. À présent, la lecture est considérée comme une activité de compréhension et la

construction du sens par le lecteur est favorisée. La notion de « plaisir de lire » gagne en

importance dans les travaux des didacticiens de la lecture. Dans les années 1980 sont créées

les premières Bibliothèques-centres-documentaires (BCD), et le rapport Migeon de 1989

insiste fortement sur l’importance de lire la littérature de jeunesse à l’école. Depuis 2002,

alors que l’offre de titres destinés aux enfants n’a jamais été aussi importante, diversifiée et de

qualité, les Programmes de l’école primaire accordent une place de choix à l’enseignement de

la littérature, et ce dès la petite section de maternelle.

B. Quelle est la littérature de jeunesse préconisée pour les élèves aujourd’hui ?

Parallèlement à l’importance qu’ils donnent à la littérature parmi les apprentissages

fondamentaux, les Programmes de 2002 insistent fortement sur la nécessité de proposer aux

enfants une véritable culture commune. Est ainsi proposée notamment une liste d’œuvres de

référence10 de 300 titres pour le cycle 3 qui, outre le fait qu’elle permet de guider les

enseignants dans le choix des livres à lire avec leurs élèves, représente une image de ce qu’est

la littérature de jeunesse aujourd’hui :

« En guidant leurs choix par une liste nationale d’œuvres de référence, on vise aussi à

faire de la culture scolaire une culture partagée. Il importe en effet que tous les élèves aient eu

la chance, dans leur scolarité, de rencontrer des œuvres – dont ils puissent parler entre eux,

dont ils puissent discuter les valeurs esthétiques ou morales qui y sont mises à l'épreuve –, qui

soient le socle de références que personne ne peut ignorer. »11

Au sein de cette liste, on trouve des classiques, des textes du patrimoine, et des œuvres

contemporaines sélectionnées selon différents critères par des professionnels de la littérature

de jeunesse. C. Houyel12 nous indique quelques uns des critères retenus :

– L’œuvre littéraire provoque une émotion esthétique. Elle interpelle le lecteur dans son

rapport au monde, aux autres et à lui-même. Elle interroge le système de valeurs des lecteurs.

Elle suscite la réflexion personnelle et introduit à la perception symbolique.

– Les textes littéraires sont variés dans leur forme : romans, albums, théâtre, poésie,

bandes dessinées, contes.

9 Même si l’on s’accorde désormais à dire que l’école doit former à tous les types d’écrits, qu’ils soient fonctionnels ou littéraires. 10 La liste est renouvelable et non strictement limitative. Il est possible de lire avec les élèves des textes qui n’y figurent pas. 11 Document d’application Littérature au cycle 3, CNDP, 2002, p. 5. 12 C. Houyel, op. cit.

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– La lecture littéraire suscite des interactions entre les lecteurs. Elle permet au jeune

lecteur de dialoguer avec le texte, de construire ses propres vérités, au travers des modèles

donnés par les personnages de fiction.

La place centrale de la littérature de jeunesse dans l’apprentissage de la lecture était déjà

très présente dans la brochure de 1992 consacrée à La maîtrise de la langue à l’école13. Mais

l’accent est désormais clairement mis sur la diversité des types de textes littéraires à proposer.

Aussi, à côté des traditionnels romans, poésies, contes ou fables, on trouve des albums, des

bandes dessinées, des pièces de théâtre.

De plus, les textes insistent sur l’importance de l’organisation en parcours de « lecture

longue »14 dont l’objectif est un travail sur le sens, non immédiatement donné, plutôt que sur

des lectures linéaires. Une « compréhension assurée du texte » est bien l’objectif premier

désormais assigné à l’apprentissage de la lecture.

C. Qu’est ce que la « lecture littéraire » ?

Il convient de préciser la signification de l’expression même de lecture littéraire, très

couramment utilisée aujourd’hui15, mais parfois de manière imprécise. Veut-on dire qu’il

existe une manière « littéraire » de lire des textes divers ou bien parle t-on plutôt de la lecture

des textes littéraires ? La réponse à cette question n’est pas tranchée de manière définitive

même si l’on peut opter, avec Annie Rouxel, pour une acception qui renvoie à une manière de

« lire littérairement un texte littéraire »16.

À l’origine d’une telle approche se trouvent les « théories de la réception » dont les

auteurs mettent l’accent sur le rôle du sujet lisant, ou récepteur : Hans-Robert Jauss et son

concept d’« horizon d’attente »17 qui théorise l’appropriation d’un texte par le lecteur compte

tenu de ses propres références culturelles ; Wolfgang Iser qui postule que la lecture est une

création en montrant que le lecteur et l’auteur participent à part égale au jeu de

l’imagination18 ; Umberto Eco et sa théorie du « lecteur modèle » présupposé par l’auteur,

lecteur qui pourra complèter les blancs du texte, l’acte de lire étant vu comme « coopération

interprétative ».

13 Cf. La maîtrise de la langue à l’école, Paris, Savoir lire, CNDP, 1992, p. 69, ainsi que Livres et apprentissages à l’école, Paris, Savoir lire, CNDP, 1999. 14 Qu’on ne doit toutefois pas confondre avec des lectures d’œuvres qui seraient par trop étalées dans le temps. Quinze jours est une durée déjà longue pour un travail sur un texte d’après le document d’application Littérature au cycle 3 et le document d’accompagnement Lire et écrire au cycle 3. 15 Cf. notamment pour une intéressante étude des enjeux de la lecture littéraire J-L. Dufays et al., Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe, Bruxelles, De Boeck, 2005. 16 Même s’il importe évidemment à l’école de faire lire des types variés de textes. Cf. A. Rouxel, « Qu’entend-on par lecture littéraire ? », in « Les actes de la DESCO », La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements, Actes de l’Université d’automne Clermont-Ferrand-Royat, 28 au 31 octobre 2002, Scérén, CRDP de Versailles, 2004, pp. 19-30. 17 H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978. 18 W. Iser, L’acte de lecture, Bruxelles, Mardaga, 1995.

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Pour Annie Rouxel, sont convoqués lorsque l’on s’intéresse à la lecture littéraire à la

fois le type de texte et le mode de lecture adopté. La lecture littéraire porte d’abord sur un

objet : le texte littéraire. Si ce dernier est difficile à définir, il a néanmoins le plus souvent

comme caractéristique de stimuler l’activité interprétative du lecteur. Les textes littéraires

sont donc le plus souvent, selon l’expression d’Umberto Eco, des « textes ouverts », qui sont

des textes « aux mille lectures possibles procurant toutes une jouissance infinie »19. Mais la

lecture littéraire porte également sur une pratique : celle de la lecture. Cette dernière est

généralement interprétative, sensible à la forme, à régime relativement lent, avec un rapport

au texte distancié, et procurant un plaisir esthétique au lecteur20.

L’enseignement de la lecture littéraire suppose donc de proposer aux élèves des textes

qui ne soient pas lisses, mais plutôt « résistants » (selon la terminologie de Catherine

Tauveron21), c'est-à-dire qu’ils posent délibérément des problèmes au lecteur, qu’ils soient

« réticents » (ils posent des problèmes de compréhension au lecteur, par exemple en laissant

des blancs) ou au contraire « proliférants » (de par leur nature polysémique, ils posent plutôt

des problèmes d’interprétation et sont susceptibles d’être lus de manière plurielle). De tels

textes sont indispensables au développement des compétences nécessaires à la lecture

littéraire.

D. Les compétences de lecture attendues

En axant leurs recommandations de travail sur la lecture littéraire, les Programmes de

l’école primaire de 2002 proposent de former un élève-lecteur doté d’une posture, d’un profil

bien particulier. La lecture littéraire suppose en effet de la part de l’élève qu’il assume un

certain nombre de rôles exposés par Catherine Tauveron22 : il devra compléter le texte

littéraire, incomplet par nature comme l’a bien montré l’analyse de Umberto Eco, mais aussi

tenter d’anticiper la stratégie mise en œuvre par l’auteur pour mieux goûter son intrigue. Il

devra tenter d’interpréter les passages ouverts du texte en accord avec ce qui est dit

explicitement par l’auteur (ce qui suppose que toutes les interprétations ne se valent pas,

certaines étant même impossibles), mais aussi intégrer l’intertexte au texte en faisant appel à

sa mémoire de lecteur.

Assumer cette diversité de rôles suppose par conséquent que l’élève, au long de son

cursus, puisse développer un certain nombre de compétences, et le rôle de l’enseignant

19 U. Eco, Lector in fabula, Paris, Le livre de poche, 2004, p. 69. 20 A. Rouxel, op. cit., pp. 26-28. 21 Cf. C. Tauveron, « Comprendre et interpréter le littéraire à l'école : du texte réticent au texte proliférant », Paris, INRP, Repères, n°19, 1999, pp.9-38. 22 C. Tauveron (dir.), Lire la littérature à l’école : pourquoi et comment construire cet apprentissage spécifique ? De la GS au CM, Paris, Hatier, 2000, pp. 40-77.

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consistera à l’aider à progresser sur cette voie. Pour reprendre la typologie de Umberto Eco23,

ces compétences sont de cinq ordres : linguistique (maîtrise du lexique et de la syntaxe),

encyclopédique (savoirs sur le monde), logique (compréhension des règles de fonctionnement

du texte), rhétorique (reposant sur les connaissances du fonctionnement de la littérature du

lecteur) et idéologique (relative à une vision du monde). Bien entendu, une maîtrise parfaite

de toutes ces compétences est un objectif utopique, ou en tout cas difficilement atteignable,

même pour des lecteurs adultes. Le maître aura donc la tâche délicate de choisir des textes

suffisamment difficiles pour poser aux élèves des problèmes d’interprétation à même de

développer leurs compétences de lecteur, mais néanmoins accessibles à leur niveau. C’est par

une progression efficace et bien réfléchie dans la complexité des textes proposés que pourront

se construire petit à petit les compétences propres au lecteur expert.

Pour lui permettre d’apprécier au mieux le caractère littéraire d’une œuvre lue, il est

enfin essentiel de développer chez l’enfant une capacité de tissage. Cela nous amène à l’idée

d’intertextualité qui a fait l’objet d’un grand nombre de travaux théoriques depuis quelques

décennies. Ce sera l’objet de la section suivante de préciser l’importance de cette notion dans

toute la littérature, et de se pencher sur les moyens d’aborder une telle dimension avec les

élèves.

SECTION 2 – La découverte de l’intertextualité : un aspect fondamental de la

lecture littéraire

Il importe tout d’abord de définir précisément ce qu’est l’intertextualité afin de

comprendre son rôle dans la manière d’aborder la littérature. Certains chercheurs, tels

Michaël Riffaterre, associent d’ailleurs explicitement intertextualité et lecture littéraire :

« L'intertextualité est […] le mécanisme propre à la lecture littéraire. Elle seule, en effet,

produit la signifiance, alors que la lecture linéaire, commune aux textes littéraire et non

littéraire, ne produit que le sens. » Après avoir éclairci quelque peu cette notion, nous

examinerons en quoi le réseau est un dispositif pertinent pour aborder cet aspect de la

littérature à l’école.

A. Qu’est-ce que l’intertextualité ?

Les textes se renvoient les uns aux autres, se parlent, se répondent sans cesse. Il s’agit

d’un des fondements de la littérature et, certainement, l’un des moteurs majeurs de l’évolution

23 U. Eco, op. cit.

- 11 -

littéraire. Ces liens, ces dialogues entre les textes, se retrouvent à travers les notions de

« genre » (le lecteur ayant lu dans sa vie plusieurs romans policiers aura en tête, en

découvrant un nouveau livre un certain nombre de « règles » du genre) ou de « réécriture ».

Tout cela renvoie à la théorie de l’intertextualité24. Dans son acception la plus générale,

l’intertextualité désigne le fait que nul texte ne peut s’écrire indépendamment de ce qui a déjà

été écrit. Si une telle définition semble valable en tous temps pour toute littérature, c’est

principalement à partir de la fin des années 1960 que plusieurs chercheurs (liés au groupe Tel

Quel de Philippe Sollers) ont proposé d’importantes contributions visant à préciser cette

notion. Ainsi, Julia Kristeva définit l’intertextualité comme une mosaïque de citations, une

dynamique textuelle dans laquelle les traces laissées par les autres textes sont le plus souvent

inconscientes, parfois difficilement isolables, mais bien présentes25. Gérard Genette propose

pour sa part une définition plus large et englobante au moyen du concept de transtextualité. Il

existe, selon cet auteur, cinq types de relations transtextuelles : l’architextualité (relation

générique), la paratextualité (relations que le texte entretient avec son paratexte, c’est-à-dire

sa préface, son titre, etc.), la métatextualité (relation de commentaire), l’intertextualité

(relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes) et l’hypertextualité (relation unissant

un texte B (hypertexte) à un texte antérieur A (hypotexte) sur lequel il se greffe d'une manière

qui n'est pas celle du commentaire). Aussi, ce que l’on nomme habituellement intertextualité

appartient en fait à deux catégories différentes puisque le pastiche et la parodie appartiennent

à l’hypertextualité tandis que la citation, le plagiat et l’allusion relèvent de l’intertextualité

proprement dite26. D’autres chercheurs se penchent également sur le rôle du lecteur. Pour

Michaël Riffaterre, ce rôle est d’ailleurs prédominant puisque c’est, selon lui, dans la

perception du lecteur que naît l’intertextualité27. Roland Barthes, pour sa part, insiste sur la

subjectivité de la lecture. Selon lui, chaque lecteur avec sa propre histoire lira les œuvres

littéraires à travers son prisme personnel, ses souvenirs propres28.

Les textes ne renvoient par ailleurs pas uniquement à la littérature proprement dite mais

aussi à l’ensemble des œuvres de l’esprit (fiction, essais, documentaires, cinéma, peinture,

etc.)29. Sur le même modèle que l’intertextualité, on parle parfois d’ailleurs d’intericônicité

lorsque ce sont les images qui sont mises en relation, ce qui est fréquent dans les albums30.

24 Pour un résumé rapide des grandes théories de l’intertextualité, on peut se référer à E. Feuillebois, « L’intertextualité comme méthode de critique littéraire : définitions et postulats », 2001. 25 J. Kristeva, Séméiotiké : recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969. 26 Cette distinction sera utile par la suite. Cf. G. Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982, et G. Genette, Introduction à l'architexte, Paris, Seuil (Poétique), 1979, p. 87. 27 M. Riffaterre, « La trace de l’intertexte », La pensée, n° 215, octobre 1980. 28 R. Barthes, « Texte (théorie du) », Encyclopaedia Universalis, Paris, 1973. 29 C. Poslaniec, C. Houyel, Activités de lecture à partir de la littérature de jeunesse, Paris, Hachette éducation, 2002, p. 222. 30 Ibid.

- 12 -

La découverte de l’intertextualité, parce qu’elle requiert la participation active du

lecteur, donne une épaisseur bien plus importante à l’œuvre lue. Elle accroît le plaisir de lire.

Ainsi, pour citer Nathalie Piégay-Gros : « C’est précisément parce qu’il peut ne pas être perçu

qu’il suscite, lorsqu’il est repéré et compris, un plaisir certain : celui qui naît du clin d’œil

saisi, de l’humour partagé ; plaisir également d’une compréhension à demi-mot, d’un échange

avec la mémoire, le savoir, la lecture d’un auteur ; plaisir enfin de retrouver, enfouie dans sa

mémoire, la trace d’un texte dont la perception est changée par son inclusion dans un autre

texte »31.

B. Aborder l’intertextualité à l’école : la notion de « réseau »

Faire prendre conscience aux élèves de primaire des dialogues et des liens existant entre

les livres et les diverses œuvres lues en classe peut se faire au moyen du dispositif de la

lecture en réseaux. Mais qu’est-ce exactement qu’un réseau ? L’étymologie de ce mot nous

renvoie à un filet, c’est-à-dire un ensemble de lignes entrelacées. Il s’agit donc, en matière de

littérature, d’un ensemble de textes entre lesquels des liens sont tissés.

Avec Catherine Tauveron, on peut considérer que le dispositif du réseau représente une

« mise en relation concertée des textes »32 dont les caractéristiques sont les suivantes : il se

base sur la mémoire culturelle des enfants ; il permet de favoriser le passage intersubjectif ; il

aide à la structuration des connaissances ; il permet une initiation à l’intertextualité et à

l’hypertextualité que l’on retrouve dans toute littérature à travers les innombrables liens tissés

entre les œuvres (Cf. A. infra).

Clarification de quelques termes :

• Intertexte : correspond à l’ensemble des œuvres citées explicitement ou implicitement par le texte. Pour R. Barthes, « l'intertexte est un champ général de formules anonymes, dont l'origine est rarement repérable, de citations inconscientes ou automatiques, données sans guillemets. » (article « Texte (théorie du) », Encyclopaedia Universalis) ;

• Hypertexte : Variante, parodie ou réécriture, il s’inscrit en relation avec un texte source antérieur ;

• Texte source (ou hypotexte) : texte à l’origine de réécritures, variantes, parodies, etc. Le texte source n’est pas forcément unique, toujours bien identifié, et n’est pas forcément connu du lecteur (en particulier en primaire). La connaissance de ce texte est souvent un pari implicite de l’auteur, notamment dans les réécritures (clins d’œil adressés au lecteur, etc.).

31 N. Piégay-Gros, L’intertextualité, Paris, Dunod, 1996. 32 C. Tauveron (dir.), Lire la littérature à l’école : pourquoi et comment construire cet apprentissage spécifique ? De la GS au CM, Paris, Hatier, 2000, p. 207.

- 13 -

Si les réseaux peuvent bel et bien introduire aux élèves la notion d’intertextualité, il

nous reste à expliquer comment les mettre en œuvre effectivement dans une classe pour en

tirer profit au maximum sans tomber dans les écueils majeurs qui peuvent apparaître au fil de

la construction ou de l’utilisation du corpus de textes.

SECTION 3 – Comment les réseaux peuvent-ils contribuer à développer les

compétences de lecture littéraire des élèves ?

Après avoir rappelé la position des textes officiels vis-à-vis des réseaux, nous

montrerons ce qu’un tel dispositif peut présenter comme intérêts pour aborder la littérature,

sans oublier cependant les principales limites et difficultés à prendre en compte.

A. Ce qu’en disent les Instructions Officielles

La mise en place de réseaux comme dispositif de découverte des textes est préconisée à

la fois par les Programmes de l’école primaire de 2002, par le document d’application

Littérature au cycle 3 et par le document d’accompagnement Lire et écrire au cycle 333. Dès

la maternelle, les I. O. mettent en avant que pour initier à la littérature les jeunes élèves de

cycle 1, des rapprochements entre les textes doivent être envisagés par le maître. Les

programmes du cycle 2 confirment cette orientation en insistant également sur l’importance

du renforcement de la culture littéraire des élèves. Pour le cycle 3, les textes sont tout aussi

clairs et placent même l’organisation en réseau au centre de l’initiation à la lecture littéraire.

Les documents Littérature au cycle 3 et Lire et écrire au cycle 3 viennent confirmer et

préciser les programmes en expliquant l’importance qu’il y a à développer la capacité de

tissage des élèves. L’ensemble des textes officiels insistent avec force sur les intérêts des

réseaux comme dispositifs adaptés à la découverte de la lecture littéraire.

B. Intérêts et objectifs de la littérature en réseaux à l’école

À travers le cadre d’une séquence, ou bien tout au long de l’année, il est important lors

de la mise en place de réseaux de susciter et provoquer de nombreux allers-retours entre les

textes. Selon Catherine Tauveron, on trouve quatre objectifs majeurs (ou fonctions) des

réseaux. Il nous semble important de les rappeler brièvement ici34 :

33 Les passages les plus significatifs de ces textes ont été réunis dans l’annexe 1, supra. 34 C. Tauveron (dir.), Lire la littérature à l’école, op, cit, p. 145, ainsi que C. Tauveron, « Fonctions et nature des lectures en réseaux, in « Les actes de la DESCO », La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements, Actes de l’Université d’automne Clermont-Ferrand - Royat, 28 au 31 octobre 2002, Scérén, CRDP de Versailles, 2004, p. 83.

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1. Permettre l’éducation d’un comportement de lecture spécifique qui suppose la mise

en relation des textes déposés dans la mémoire culturelle du lecteur.

2. La construction et la structuration de la culture qui en retour alimente la mise en

relation.

3. Permettre de résoudre les problèmes de compréhension-interprétation posés par un

texte donné, problèmes qui trouvent leur solution dans la considération d’autres

textes.

4. La multiplication des voies d’accès au texte qui permet d’y pénétrer avec plus de

finesse.

On le voit bien, les intérêts des réseaux sont multiples : ils aident à l’interprétation des

textes via l’idée qu’une œuvre n’est jamais isolée ; dans le même esprit, ils permettent de

comprendre qu’un texte peut être à la fois autonome et inscrit dans un cadre qui le dépasse ;

évidemment, ils sont importants pour le développement de la culture littéraire des enfants. Il

s’agit d’un passage essentiel dans une découverte du fonctionnement de la littérature.

Bien entendu, il est souhaitable que des élèves ayant déjà acquis des habitudes en tissage

soient – au moins en partie – mis à contribution lors de l’élaboration du corpus. Cela ne

pourra que renforcer davantage leurs compétences en lecture littéraire.

C. Quelques écueils et limites à prendre en compte par l’enseignant

Malgré les multiples intérêts de la lecture en réseaux exposés précédemment, il faut

prendre garde à ne pas commettre, lors de la construction du corpus de textes ou de son

exploitation, quelques erreurs qui pourraient faire perdre tout bénéfice au dispositif employé :

1. Ne surtout pas voir des réseaux partout. Tout d’abord, il est important de varier

régulièrement les dispositifs de présentation des textes aux élèves afin de ne pas tomber dans

une routine dommageable pour la curiosité des jeunes lecteurs comme pour le plaisir de lire

qui doit être préservé. Mais surtout, il faut que le réseau réponde à un objectif précis et aide à

l’interprétation des textes tout en développant la culture littéraire des élèves. Il ne faut donc

pas chercher à mettre de réseau là où cela ne se justifie pas. Attention également à la tentation

des réseaux trop lâches (par exemple : des textes avec des lapins sous le seul prétexte qu’ils

parlent de lapins. Une justification est toujours nécessaire. Si on lit des histoires de loups,

c’est pour comparer le traitement de ce personnage par différents auteurs, repérer un

archétype, etc.).

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2. Même lorsque le réseau est un cadre pertinent, il ne faut pas pousser les élèves dans

une analyse littéraire trop poussée. On ne doit pas écoeurer les enfants en cherchant à épuiser

à tout prix le texte ou le thème choisi. La lecture doit encore une fois rester l’objet de plaisirs.

3. Le réseau ne se limite pas forcément au réseau thématique. De nombreuses autres

possibilités ne doivent pas être sous-exploitées.

D. Petite typologie des réseaux possibles :

Pour terminer cette première partie, et afin de montrer l’étendue des possibilités qui

s’offrent à l’enseignant souhaitant mettre en place un réseau dans sa classe, voici quelques

unes des nombreuses voies à explorer lors de mises en relation de textes35 : autour d’un genre

(ex : le conte) ; autour d’un symbole (ex : eau, feu, mur…) ; autour des mythes et légendes

(ex : Icare, le Phénix…) ; autour d’un personnage-type (ex : le loup, la sorcière…) ; autour

d’un auteur (surtout s’il possède un univers particulier et identifiable) ; autour d’un texte et de

ses reformulations (réseau hypertextuel). Ce type de réseau est lui-même multiple : réécriture,

réappropriation, parodie, continuation, mélange, variations, variantes, adaptations, etc. ;

autour d’un procédé d’écriture. Cette liste n’est évidemment en aucun cas exhaustive.

Parmi cette variété immense de thèmes envisageables, et à présent qu’ont été développés

les principales caractéristiques des réseaux et les moyens de les mettre en place à l’école, nous

nous proposons de développer dans les deux prochaines parties deux exemples concrets de

réseaux menés lors des deux premiers stages en responsabilité. Ces travaux couvrent les deux

âges extrêmes que l’on trouve à l’école primaire puisqu’ils concernent des petits-moyens de

maternelle pour une part, des CM2 pour l’autre part.

35 Typologie inspirée de C. Tauveron (dir.), Lire la littérature à l’école, op, cit, pp. 207-208.

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2ème PARTIE

Un réseau pour découvrir la littérature dès le cycle 1

Les réseaux sont, comme l’a montré la première partie de ce mémoire, préconisés par

les Instructions Officielles tout au long du parcours scolaire des élèves de l’école primaire. En

effet, contrairement à certaines idées trop souvent reçues, la littérature se découvre à l’école

dès la maternelle. Elle n’est pas l’apanage des plus avancés parmi les élèves. La découverte de

la littérature fait bien partie intégrante des programmes de l’école primaire, et ce dans tous les

cycles.

Toutefois, le dispositif mis en place devra être adapté à l’âge des enfants et un réseau

n’aura pas les mêmes objectifs en cycle 1 et en cycle 3. Je commencerai donc par présenter un

travail mené au cours de mon second stage en responsabilité dans une classe de PS-MS à

Soissons-sur-Nacey, petite école rurale du Val-de-Saône. Bien que le stage se soit déroulé en

mars, les élèves avaient peu l’habitude d’entendre et regarder des albums. Aussi, mon objectif

essentiel consistait à contribuer à donner le goût de la littérature à ces jeunes élèves, et à leur

permettre de faire des liens entre les textes lus.

SECTION 1 – Caractéristiques du réseau mis en place

Avant d’aborder précisément le réseau mis en place, il me semble important de préciser

rapidement quelques particularités du travail en littérature en maternelle.

A. Les spécificités du travail sur la littérature à l’école maternelle

À l’école maternelle sont posées les premières pierres de ce qui deviendra petit à petit

au fil des années la culture littéraire des élèves. Pour l’heure, ils ne disposent donc que de peu

d’expériences de récits. Ils n’ont que peu de textes en mémoire. Peut-être – et c’est même

souhaitable – certains enfants auront déjà bénéficié de lectures d’histoires par leurs parents ou

grands parents mais, même dans ce cas, presque tout demeure encore pour eux à découvrir. Il

est donc important de leur apporter des récits variés et de qualité afin de leur donner très tôt le

goût des beaux textes, de l’imaginaire. Il s’agit d’un rôle important de l’école maternelle.

- 17 -

Il ne faut pas oublier non plus qu’en cycle 1, l’activité littéraire passe pour les enfants

essentiellement par l’oral et les images, les élèves ne sachant encore pas lire. Donner le goût

de lire aux enfants nécessite donc de la part du maître un travail rigoureux sur les exigences

de la lecture d’images, ainsi qu’un travail sur le « dire », sur les manières d’interpréter un

texte en lui donnant un maximum de vie.

Le plus souvent, le support de la lecture est l’album. Ce genre (désormais reconnu à part

entière par les textes officiels, bien au-delà du cycle 1 d’ailleurs) a pour caractéristique

principale d’accorder à l’image une importance presque aussi grande que celle du texte. Elle

vient compléter et enrichir ce dernier, fournir parfois des clés d’interprétation. En tant

qu’élément contributif à part entière de la narration, il convient donc de ne pas la négliger36.

Les élèves se familiarisent également peu à peu avec le style des différents illustrateurs, ce qui

participe au développement de leur culture en matière d’arts visuels.

B. Un réseau autour de Coin-Coin de Frédéric Stehr

Le réseau typique construit à ce niveau tourne souvent autour de l’auteur (lorsque celui-

ci possède un univers bien particulier) ou du personnage. J’ai choisi de placer au cœur de mon

réseau l’album Coin-Coin de Frédéric Stehr, ainsi que sa suite C’est moi, Coin-Coin écrite et

illustrée par le même auteur. Le choix d’une série avec le même personnage principal permet

de rendre plus aisés pour les élèves les premiers liens à établir. Cependant, j’ai décidé de lire

également aux enfants d’autres albums qui élargissent le réseau et qui traitent du thème du

petit animal cherchant une maman, ou bien qui permettent une imprégnation des élèves du

schéma de l’album à répétition. Etant donné l’âge des enfants, je ne ferai de travail poussé que

sur quelques albums, le reste s’inscrivant dans un cadre de lecture plaisir dont l’objectif est

une familiarisation avec une certaine culture littéraire.

1. Présentation de l’album à la base du réseau

L’album à la base du réseau mis en place est Coin-Coin de Frédéric Stehr. Il s’agit d’un

« album de randonnée », c’est-à-dire qu’il possède une structure répétitive et accumulative.

Dans ce livre, une maman canard, pour protéger son œuf qui va éclore, attire le renard au loin.

Lorsque le petit caneton sort de l’œuf, il est donc seul. Il rencontre une petite grenouille et lui

demande si elle est sa maman. La petite grenouille lui dit que non mais qu’elle connaît

quelqu’un qui saura peut-être où celle-ci se trouve. Elle le conduit donc à sa propre maman

qui ne peut être celle de Coin-Coin car cette dernière a des plumes. Les animaux vont donc

trouver le hibou et Coin-Coin lui demande à nouveau s’il est sa maman, et ainsi de suite avec

36 Cf. C. Poslaniec et al. , op. cit.

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le cygne et le flamand. Finalement, Coin-Coin finira par retrouver face au renard mais sera

sauvé par sa mère qui l’emportera dans les airs en lui disant qu’elle ne quittera dorénavant

plus son petit Coin-Coin.

2. D’autres albums pour tisser des liens

Bien entendu, pour qu’il y ait réseau, on doit trouver plusieurs textes qui, mis en

relation avec le premier, l’éclaireront et lui permettront d’être mieux apprécié comme œuvre

littéraire. Mes objectifs prioritaires lors de la détermination des textes devant composer le

réseau étaient les suivants :

Permettre aux élèves de mettre en mémoire plusieurs albums de randonnée afin de

repérer leur structure ;

Développer leur culture littéraire ;

Travailler le « dire » et la mémorisation (cet objectif est facilité par la structure

répétitive des albums du réseau).

J’ai ainsi choisi les albums suivants dans le but de provoquer des interactions avec

Coin-Coin :

- Une maman pour Choco, de Keiko Kasza (L’école des Loisirs)

Ce livre est un autre album de randonnée qui présente de nombreuses similitudes avec

Coin-Coin. Cette fois, l’oiseau Choco ne cherche pas sa maman perdue. Il n’en a pas, tout

simplement, et souhaiterait en trouver une. Il rencontre alors comme dans Coin-Coin plusieurs

animaux et se rend compte à chaque fois que l’animal qu’il a face à lui n’est pas sa mère car il

ne lui ressemble pas. Il finit par trouver une ourse qui n’est pas bien sûr sa « vraie » maman

mais accepte de jouer ce rôle pour lui. On découvre qu’elle est également la « maman » de

plusieurs petits animaux qui comme Choco étaient auparavant seuls. La fin, comme dans

Coin-Coin, est très heureuse et rassurante pour les enfants.

- Piou Piou, de Wakiko Sato et Eigoro Futamata (L’école des Loisirs)

Piou Piou est un album intéressant car il permet de réinvestir le schéma de l’album de

randonnée découvert par les élèves à travers Coin-Coin ou Une maman pour Choco. Dans ce

livre, un petit poussin échange son cri (piou piou) avec les différents animaux qu’il rencontre

(cochon, chien, chat, tortue, etc.). L’histoire est très simple mais permet d’exploiter assez

facilement le « dire » en permettant notamment de nombreux jeux sur les onomatopées (les

cris des animaux).

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- C’est moi, Coin-Coin, de Frédéric Stehr (L’école des Loisirs)

Les élèves font spontanément le lien avec Coin-Coin du fait du personnage identique.

L’histoire est construite en symétrique par rapport au texte original : dans ce dernier, Coin-

Coin recherche sa maman et, dans sa quête, rencontre des animaux, tandis qu’à présent, c’est

la maman canard qui recherche son petit Coin-Coin tout en faisant également des rencontres.

Il s’agit encore une fois d’un album de randonnée, mais qui représente en même temps une

suite de Coin-Coin.

- Ourson des neiges, de Maggie Kneen et Miriam Moss (Gautier Languereau)

Encore un texte entrant bien dans la thématique du réseau mais qui ne sera pas lu en

classe. Cependant, il pourra être exploité par la maîtresse plus tard dans l’année de façon à

réactiver les connaissances des élèves en faisant appel à leurs souvenirs de l’histoire de Coin-

Coin. En effet, un réseau n’a en aucun cas à être limité aux trois semaines de stage et la

construction d’une culture littéraire est un projet de longue haleine.

SECTION 2 – Quels apprentissages effectifs pour des élèves de cycle 1 ?

Je commencerai dans cette section par décrire le travail mené en classe avant d’analyser

les résultats obtenus.

A. Rapide description des séances menées

Au cours d’une première séance, nous avons tout d’abord découvert la couverture avec

les enfants (observation de l’image, hypothèses sur l’histoire que l’on va lire…). J’ai ensuite

procédé à une lecture progressive de l’album en laissant bien aux enfants le temps d’observer

chaque image avant de continuer. Les enfants ont beaucoup aimé ce livre du fait de l’aspect

attachant du personnage principal qu’ils ont immédiatement décrit comme un « petit canard

perdu ». Ils ont également apprécié la fin très forte émotionnellement avec la promesse faite

par la maman au petit canard – tremblant encore de peur – de ne plus jamais le quitter.

J’ai choisi de reprendre l’histoire dès le lendemain matin afin de bien l’ancrer dans la

mémoire des enfants. Avant de commencer cette seconde lecture, j’ai demandé au groupe ce

dont il se souvenait et j’ai eu la surprise de constater que le schéma narratif était déjà bien

retenu et assimilé. Au cours de la lecture, les phrases répétitives qui ponctuent l’album étaient

naturellement scandées en chœur par les enfants (« Mais non, Coin-Coin, je ne suis pas ta

maman… ») ainsi que la fin du livre. Les élèves prennent visiblement plaisir à dire le texte à

- 20 -

voix haute et s’attachent à rester le plus fidèles possibles à ce que j’ai lu (y compris dans les

intonations choisies).

Nous avons ensuite tenté de retrouver l’histoire à l’aide de fiches images en couleur

représentant les protagonistes de l’histoire. Cela participe du développement des compétences

narratives des jeunes élèves. Nous avons procédé à une remise en ordre de l’histoire et j’ai pu

constater que le texte était déjà quasiment su par cœur. Il était temps de proposer d’autres

albums aux enfants (avant de revenir à celui-ci plus tard).

C’est ainsi que j’ai lu à la classe l’album Une maman pour Choco de Keiko Kasza.

Cependant, malgré les similitudes évidentes entre les deux histoires, les élèves n’ont pas

établi immédiatement de liens, ce qui m’a en premier lieu surpris. Nous sommes ensuite

revenus à Coin-Coin sans que je fasse moi-même le lien. J’ai préféré attendre quitte à ce que

cela prenne plus de temps. Les enfants me montrent alors que malgré leur connaissance de

l’histoire (ils peuvent presque la réciter par cœur), il est difficile pour eux d’établir des liens

entre des histoires qu’ils considèrent comme différentes.

Nous avons par la suite lu l’album C’est moi, Coin-Coin de Frédéric Stehr qui fait suite

à Coin-Coin et reprend le même personnage principal et sa maman. Evidemment, cette fois,

les liens étaient très faciles à établir. Néanmoins, il y avait un réel travail à mener sur la

structure du texte, accessible à des enfants de cet âge. Les élèves ont pointé la symétrie

existant à la deuxième lecture de C’est moi, Coin-Coin, ce qui montre que le schéma narratif

de Coin-Coin avait été plutôt bien assimilé en plus de l’histoire proprement dite. Nous

sommes, par conséquent, retournés au texte de Coin-Coin pour comparer les deux récits.

Nous avons aussi lu ensemble l’album Piou Piou en travaillant sur les cris des animaux

que nous reproduisions. Il en a découlé un véritable travail sur le « dire », sur l’intonation. Cet

album permet à merveille de jouer avec les sons.

Lors d’une nouvelle lecture de Une maman pour Choco, un enfant a cette fois presque

immédiatement souligné les ressemblances avec Coin-Coin, suivi rapidement par plusieurs

autres élèves. Cela n’avait pas été le cas jusqu’à présent. Peut-être le fait d’avoir commencé à

tisser des liens entre les textes de Coin-Coin et de C’est moi, Coin-Coin a-t-il été l’élément

déclencheur.

B. Analyse des difficultés et réussites

Il me semble tout d’abord important de varier le dispositif de présentation des albums

afin de ne pas provoquer de lassitude chez les élèves – surtout aussi jeunes – et toujours

susciter plaisir et curiosité. On pourra par exemple choisir de s’attarder sur une couverture

particulièrement intéressante avec peut-être une présentation de l’auteur, du titre, et une

lecture des éléments importants de l’images (prise d’indices, recherche de personnages

- 21 -

connus pour la suite de Coin-Coin). D’autres fois, on choisira plutôt de proposer dans un

premier temps une découverte silencieuse du livre, le maître se contentant tout d’abord de

feuilleter le livre en montrant les images aux enfants sans lire l’histoire. Dans tous les cas, il

convient de bien laisser le temps aux enfants de s’attarder sur les illustrations, souvent

importantes tant du point de vue narratif qu’affectif pour les jeunes élèves.

Il faut également proposer régulièrement des textes nouveaux, tout en revenant sur les

textes déjà lus. Comme la première partie de ce mémoire a tenté de l’établir, c’est par les

allers et retours entre les textes que se construit la notion d’intertextualité et plus globalement

la culture littéraire. Les élèves ne peuvent, par ailleurs, réaliser des liens si le corpus de textes

qu’ils connaissent est insuffisant, ou non assimilé. Comme le font remarquer Poslaniec,

Houyel et Lagarde, « c’est grâce à la mise en réseau d’albums dans lesquels les personnages

vivent les mêmes types de situations que les jeunes enfants collectionnent des scripts de

récits. Plus ces scripts sont nombreux et clairement identifiés, plus ils sont convoqués

automatiquement lorsque l’enfant découvre un nouveau livre. C’est la raison pour laquelle il

ne suffit pas de lire de nombreux albums aux jeunes enfants. Encore faut-il leur faire

identifier, comprendre et comparer les situations narratives »37. Mes élèves durant ce stage

étaient encore en début de constitution de leur « collection » de scripts correspondant à

l’album de randonnée. Aussi, les liens n’ont-ils pas été immédiatement établis. Néanmoins,

les enfants sont parvenus à repérer les similitudes et les différences entre les histoires, et il est

probable que lorsque ils seront à nouveau en contact avec un récit présentant une structure

similaire, les histoires connues leur reviendront plus rapidement en mémoire car des

automatismes sont désormais en cours de création.

Un autre point m’ayant frappé lors des lectures d’albums avec les élèves est qu’en

entendant plusieurs fois le même texte, ils finissent rapidement par le connaître par cœur et

s’attachent à sa retransmission la plus fidèle possible. Ce rituel de la lecture répétée aux

jeunes enfants est reconnu et préconisé par les documents officiels depuis un certain temps.

Ainsi, il s’agit d’un point sur lequel La maîtrise de la langue à l’école mettait déjà l’accent :

« Le maître redit ou relit fréquemment les mêmes histoires pour que chaque enfant éprouve le

plaisir de l’anticipation d’un texte déjà connu et acquière certaines des caractéristiques de

l’écrit. Il sait faire partager l’émotion que procure le récit, voire le texte lui-même […] »38.

Par ces lectures successives, les enfants acquièrent le goût des belles phrases, avec leurs

tournures propres, et font leurs premières rencontres avec les styles d’écriture des différents

auteurs rencontrés. La mémorisation est ici facilitée par le fait que les albums de randonnée

choisis pour le réseau, de par leur structure répétitive, disposent d’un nombre de phrases

37 C. Poslaniec, C. Houyel, H. Lagarde, Comment utiliser les albums en classe, Paris, Retz, 2005, p. 50 38 La Maîtrise de la langue à l’école, Paris, Savoir lire, CNDP, 1992, pp. 26-27.

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différentes à retenir limité et par là même adapté à l’âge des enfants de petite et moyenne

sections.

Enfin, il me semble essentiel que les élèves puissent avoir à leur disposition, dans le

coin-lecture de la classe, les albums lus avec le maître. Ainsi, ils pourront y revenir, regarder à

nouveau les illustrations – en ayant le loisir de s’y attarder comme il leur plaît – , feuilleter les

livres, bref, se les approprier. Il est important que les élèves puissent créer un rapport affectif

à la littérature et aux œuvres qu’ils ont découvertes et aimées.

Conclusion :

L’élaboration de réseaux dès les premières années de l’école maternelle permet une

première approche de la culture littéraire chez les élèves. Loin d’être superflu, ce dispositif

fait naître chez les jeunes enfants l’idée que des histoires peuvent se répondre, obéir à un

schéma commun. Cela n’est bien sûr pas encore explicité à ce niveau mais une imprégnation a

lieu qui pourra être importante dans les futures années scolaires des élèves.

Dans les cycles suivants, en revanche, avec l’entrée dans l’apprentissage de la lecture, il

importera d’axer le travail sur le sens et l’interprétation. C’est ce que nous verrons dans la

troisième partie de ce mémoire.

- 23 -

3ème PARTIE

Un réseau plus complexe pour le cycle 3

Les élèves de cycle 3 commencent à avoir une culture littéraire solide et bien ancrée ;

leurs habitudes de fréquentation de la littérature de jeunesse permettent d’ailleurs de

commencer à envisager des réseaux plus ambitieux dans lesquels les objectifs d’interprétation

seront davantage mis à contribution. Je présenterai dans cette partie un travail mené en CM2

lors de mon premier stage en responsabilité à l’école Jean-Jaurès 1 à Dijon. Avec une classe

en niveau simple en fin de cycle 3, composée en majorité de bons lecteurs qui plus est, il m’a

été possible de mettre en place un réseau construit autour du Petit Poucet de Charles Perrault.

SECTION 1 – Caractéristiques du réseau mis en place

Le travail en littérature en CM2 est évidemment différent de celui mené en maternelle.

Je préciserai tout d’abord quelques unes des spécificités à garder en mémoire avant d’élaborer

un réseau en cycle 3 avant d’expliquer comment et selon quels critères j’ai choisi les textes

lus avec la classe.

A. Réseaux et lecture longue en cycle 3

Des élèves de cycle 3 peuvent aborder des textes plus complexes qu’en cycles 1 ou 2.

Néanmoins, la lecture au cycle 3 doit d’abord permettre une rencontre avec des œuvres.

L’explication de texte extensive ou l’enseignement de savoirs trop poussés sur la littérature

dépasse les objectifs de l’école primaire et devra être réservée à un stade ultérieur dans la

scolarité des élèves. Il est donc important de varier les dispositifs d’accès aux textes et de

toujours garder intact le plaisir de lire des élèves. On ne peut leur demander, à cet âge, des

lectures intégrales trop fréquentes et trop longues. Pour parcourir avec ses élèves des textes

littéraires, le maître dispose de quatre outils fondamentaux39 : raconter le texte, sa propre

lecture magistrale, la lecture silencieuse des élèves, leur lecture à voix haute (qui ne peut en

aucun cas être une découverte du texte !). Bien utiliser ces différents outils, mais également

39 Document d’application Littérature au cycle 3, CNDP, 2002, p. 6.

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bien construire son réseau de manière générale, supposent de la part du maître un important

travail préparatoire de lecture et d’analyse des textes à son propre niveau afin de bien cerner

les points essentiels à aborder avec les élèves.

L’objectif du maître doit se porter sur la définition d’un parcours de lecture qui fasse

sens pour les élèves, ce qui doit être pensé précisément par l’enseignant. Ainsi, dans un réseau

au cycle 3, amener les enfants à établir des liens est une étape importante mais non suffisante.

La lecture en réseau figure parmi les dispositifs préconisés par le document

d’accompagnement des programmes Lire et écrire au cycle 3 pour permettre aux élèves une

entrée dans la culture littéraire en adoptant une « posture » interprétative. Il est donc essentiel

de montrer aux jeunes lecteurs que la mise en relation des textes apporte un éclairage nouveau

en ce qui concerne l’interprétation de l’œuvre littéraire.

Enfin, d’après le document d’application Littérature au cycle 3, environ les deux tiers

des ouvrages lus durant le cycle des approfondissements doivent être issus de la liste de 300

titres publiée officiellement. J’ai donc dû tenir compte de cette recommandation pour élaborer

mon réseau. Cette liste permet en effet la construction d’une culture commune pour

l’ensemble des élèves de cycle 3, culture que le maître se doit de combiner avec les apports

personnels et les connaissances préalables des élèves de la classe.

B. Un réseau autour du Petit Poucet de Charles Perrault

1. Pourquoi Le Petit Poucet ?

Le Petit Poucet de Charles Perrault est un conte merveilleux40 dont l’histoire, dans ses

grandes lignes, est connue par la plupart des élèves depuis la maternelle. Ceux-ci connaissent

le plus souvent les très nombreuses réécritures dont ce conte a fait l’objet, mais aussi des

adaptations plus ou moins fidèles en dessins animés ou au cinéma41. De plus, les Contes de

Perrault figurent dans la liste officielle pour le cycle 3 depuis 200442. On les trouve à la

rubrique « Contes et fables » et ils sont classés « titre du patrimoine ». Leur est attribué un

niveau de difficulté de lecture de 2 sur une échelle de 3.

40 On reprend ici la classification de Renée Léon qui distingue cinq types de contes exploitables à l’école : les contes de sagesse, qui ont pour fonction essentielle de faire passer un message, une leçon de vie ; les contes d’explication ou contes étiologiques, qui présentent une explication mythique et poétique d’un phénomène naturel (alternance du jour et de la nuit, les rayures du tigre...) ; les contes merveilleux, qui racontent l’histoire d’un héros qui doit accomplir une tâche ; les contes d’animaux où les animaux se comportent comme des êtres humains mais gardent les traits de caractère dont ils sont presque le symbole ; les contes de randonnées qui se caractérisent par une structure répétitive et cumulative. Cf. R. Léon, La littérature de jeunesse à l’école : Pourquoi ? Comment ? (nouvelle édition), Paris, Hachette éducation, 2005. 41 Comme le film sorti en 2001 réalisé par Olivier Dahan. Ce film était bien connu de mes élèves qui l’avaient vus en classe de CM1. 42 Cf. Annexe 2.

- 25 -

Néanmoins, les contes, et en particulier Le Petit Poucet, sont difficiles à lire sans une

certaine préparation par des élèves de CM2, et ce pour plusieurs raisons :

La langue utilisée par l’auteur, vieille de plus de trois siècles, est très travaillée et

savoureuse. La publication des Histoires ou contes du temps passé a constitué en son temps

un évènement marquant, Perrault reprenant des sources traditionnelles et populaires et

introduisant dans ses contes des objectifs moraux et pédagogiques. Il transforme ainsi en

véritable genre littéraire des histoires issues essentiellement de la tradition orale.

Cependant, le vocabulaire et les tournures du XVIIème siècle employés par l’auteur

peuvent être difficilement accessibles par moments et/ou archaïsants. Cela nécessite plus

qu’ailleurs encore le recours fréquent à une lecture magistrale du maître. D’ailleurs, les contes

de Perrault – comme la plupart des contes – sont écrits pour être dits. De fait, le travail mené

en classe doit être tourné dans cette direction. En outre, derrière l’apparente simplicité qui se

dégage des contes (ce qui fait dire à certains qu’ils sont écrits pour de jeunes enfants) et

notamment du Petit Poucet se cachent le plus souvent plusieurs niveaux de lecture et une

réelle complexité des personnages, ce qui fait écrire à Bernadette Bricout que « ces

silhouettes, stylisées par des siècles de transmission orale, ont la même simplicité que les

figures de vitrail »43.

Aussi, un réseau autour d’une histoire en apparence bien connue des élèves mais un

conte source paradoxalement méconnu me semblait particulièrement adapté pour des élèves

de CM2.

2. Autour du personnage-type : le petit abandonné surmontant les épreuves

Le Petit Poucet est une histoire complexe ne serait-ce que parce qu’elle reprend non pas

un mais deux grands motifs que l’on trouve régulièrement dans les contes populaires à travers

le monde44. Aussi, d’après la classification internationale de Aarne-Thompson, le conte est

référencé AT 327, ce qui correspond au thème des enfants abandonnés dans le forêt. Ce thème

permet de rapprocher Le Petit Poucet de contes tels Hänsel et Gretel des frères Grimm.

Néanmoins, Le Petit Poucet reprend également le thème du « pouçot », petit héros pas plus

grand qu’un grain de mil ou de blé que l’on retrouve dans les contes de type Tom Pouce (AT

700). Aussi, il faut tenir compte dans la construction du réseau de cette dualité que l’on

retrouve dans l’histoire du Petit Poucet. Néanmoins, si Paul Delarue et Marc Soriano notent

les oppositions existant entre ces deux thèmes, Bernadette Bricout pour sa part en souligne les

similitudes. En effet, il est possible de rapprocher symboliquement l’abandon des enfants dans

43 B. Bricout, La clé des contes, Paris, Seuil, 2005, p. 61. 44 Cf. Marc Soriano, Les contes de Perrault, culture savante et traditions populaires, Paris, Gallimard, Tel, 1978.

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la forêt (traditionnellement lieu de mystères et de dangers) et le passage pour le moins

périlleux dans le ventre d’un animal.

À travers le thème générique du « petit abandonné surmontant les épreuves », il sera

possible de repérer avec les élèves, dans les différents textes constituant le réseau, les

éléments communs ou au contraire différents par rapport au Petit Poucet. Toutefois, j’ai fait le

choix de réserver la lecture du texte de Perrault à la fin du réseau du fait de sa complexité,

mais aussi pour pouvoir évaluer l’état des connaissances préalables des élèves sur l’histoire

du Petit Poucet. Par ailleurs, j’ai souhaité permettre aux élèves de faire des liens sans que

j’aie à trop les induire. Je voulais que, suite à la lecture d’autres œuvres, les enfants me

fassent remarquer que « c’est comme dans Le Petit Poucet ».

Les choix effectués seront les suivants :

- Tom Pouce, de Jacob et Wilhelm Grimm, in Contes.

De nombreuses versions de ce conte d’origine anglo-saxonne existent. J’en ai retenues

deux : celle des frères Grimm qui reprend les principaux éléments retenus par la tradition, et

celle d’Afanassiev (Cf. ci-dessous). Ce conte correspond au type AT 700 du « pouçot », petit

héros né le plus souvent d’un doigt (on retrouve la référence au pouce du Petit Poucet), qui

sera avalé par des animaux avant de pouvoir rejoindre sa famille.

- Gros-comme-le-petit-doigt, d’Alexandre Nicolaievitch Afanassiev, in Contes

Populaires Russes.

Il s’agit d’un conte traditionnel russe qui reprend le schéma de Tom Pouce (AT 700),

bien qu’ici, le héros soit gros « comme le petit doigt » et non comme le pouce. Ce conte

présente notamment l’intérêt de montrer l’aspect universel des contes que l’on retrouve dans

différentes cultures avec les spécificités de chaque peuple (ici les roubles, le pope…).

- Hänsel et Gretel, de Jacob et Wilhelm Grimm, in Contes.

Cette fois, c’est l’autre aspect du conte du Petit Poucet qui est exploré, à savoir celui

des enfants abandonnés dans la forêt. On peut noter dans ce conte très célèbre des frères

Grimm une similitude quasi parfaite avec le début du Petit Poucet (excepté le nombre des

protagonistes), même si la suite des deux contes diffère davantage. Lorsque j’ai choisi ce

texte, j’imaginais que les élèves feraient très rapidement et spontanément le rapprochement

entre ces contes ce qui n’a pas manqué de se produire.

- 27 -

3. Redécouvrir le conte de Perrault à travers un réseau hypertextuel

L’intérêt est ici de montrer que la même histoire peut faire l’objet de reformulations

variées, de réécritures, de parodies. Un texte ancré dans notre patrimoine comme l’est Le Petit

Poucet se prête à merveille à la découverte de l’idée d’hypertexte. Par ailleurs, on aborde ce

faisant une caractéristique essentielle du genre conte, à savoir son caractère général mouvant

et d’origine orale. Les textes choisis pour illustrer cet axe du réseau devront aborder les

différentes dimensions du réseau hypertextuel.

Les choix effectués seront les suivants :

- Le Petit Poucet (d’après Charles Perrault), de Jean-Pierre Kerloc’h et Isabelle

Chatellard (Didier Jeunesse).

Il s’agit d’une adaptation / réappropriation du texte source de Perrault, au moyen d’une

version modernisée et truffée de petites pointes d’humour, de passages poétiques, de jeux de

mots et d’inventions langagières. Très bien écrit, il permet de travailler l’intonation par le

recours fréquent de l’auteur à des registres de langue variés (et très différents de la version de

Perrault). Les clins d’œil de l’auteur au caractère mouvant du conte sont fréquents et ne

peuvent être appréciés que si les lecteurs connaissent ce principe. L’histoire de Perrault est par

ailleurs globalement respectée. On pourra rechercher les similitudes et les différences

(« L’ogre parle-t-il comme cela chez Perrault ? »). Il faut en outre noter les riches illustrations

originales qui accompagnent le texte et invitent aux commentaires. L’ensemble est cependant

assez long. Il fera l’objet pour partie de lectures magistrales du maître. Le reste sera

simplement raconté aux élèves pour ne pas les surcharger.

- L’autruche, de Jacques Prévert, in Contes pour enfants pas sages.

Il s’agira ici simplement d’une lecture plaisir offerte par le maître afin d’illustrer une

réécriture moderne du conte de Perrault. Je laisserai juste les élèves faire leurs commentaires

suite à la lecture mais cette dernière ne donnera pas lieu à un travail approfondi.

- L’enfant océan, de Jean-Claude Mourlevat (Pocket Jeunesse).

Ce livre ne sera pas étudié durant le stage car trop complexe, trop long pour les trois

semaines. De plus, les élèves ne connaissaient au début du stage pas assez de références pour

apprécier au mieux cette histoire. Il est indispensable d’avoir lu Le Petit Poucet de Perrault

avant. Néanmoins, ce livre est intéressant et pourra éventuellement compléter plus tard le

réseau mené au cours d’un travail avec la maîtresse titulaire de la classe (un réseau peut aussi

se construire en allers et retours au long de l’année). Il sera alors possible de revenir au texte

source de Perrault avec le recul permis par l’avancement de l’année.

- 28 -

- Le Petit Poucet, de Charles Perrault (Didier Jeunesse).

L’étude finale du texte source est un passage clé dans le parcours de lecture élaboré. Il

participe du renforcement de la culture littéraire des élèves en leur faisant découvrir un titre

du patrimoine (Cf. liste 2004). De plus, la découverte du texte source permet de mieux

apprécier (ou critiquer) l’écart entre celui-ci et les reformulations connues des élèves (vues

dans le réseau ou connues par ailleurs). Cependant, du fait de sa difficulté, il est préférable de

présenter d’abord les autres textes, puis de lire la version de Perrault, avant de pouvoir revenir

se référer aux autres versions que l’on pourra comparer.

SECTION 2 – Quels apprentissages effectifs pour des élèves de cycle 3 ?

Je commencerai dans cette section par décrire le travail mené en classe avant d’analyser

les résultats obtenus.

A. Rapide description des séances menées

J’ai fait le choix de placer Le Petit Poucet de Perrault à la fin du parcours élaboré de

manière à ce que les enfants aient d’eux-mêmes envie de savoir ce que contenait exactement

cette version. Pour commencer, nous avons lu ensemble Gros-comme-le-petit-doigt

d’Afanassiev de manière détaillée en élaborant un « tableau mémoire »45. D’emblée, les

élèves ont fait le rapprochement avec Le Petit Poucet (et non avec Tom Pouce qu’ils ne

connaissaient pas). Nous avons enchaîné avec une lecture-puzzle de Hänsel et Gretel de

Grimm. Un autre « tableau mémoire » a été réalisé et nous avons pu ainsi procéder à des

comparaisons entre les contes. Là aussi, un rapprochement avec Le Petit Poucet a été

immédiatement fait par les élèves (notamment pour ce qui concerne l’épisode des cailloux),

sans que ces derniers ne me parlent de Perrault pour autant. À ce stade, nous avons découvert

qu’un conte russe racontait « comme Le Petit Poucet » l’histoire d’un petit garçon « grand

comme un doigt » qui se retrouve séparé de sa famille et doit surmonter des épreuves grâce à

son intelligence pour retrouver les siens. De même, un autre conte, Hänsel et Gretel,

commence presque comme Le Petit Poucet par l’histoire d’enfants abandonnés dans la forêt

qui tentent de retrouver leur chemin au moyen de petits cailloux semés le long du sentier.

Pourtant, personne n’a encore lu Le Petit Poucet de Perrault. Les élèves connaissent

principalement le film sorti en 2001 qu’ils ont vu l’année précédente avec leur maîtresse. Ils

45 Il s’agit d’un tableau qui reprend les grands éléments essentiels de l’histoire lue en répondant notamment aux questions Où ? Quand ? Qui ? Quoi ? Cf. annexe 3.

- 29 -

font spontanément des liens entre les textes lus et des histoires qu’ils connaissent via d’autres

supports (Kirikou et la sorcière notamment46).

Afin de connaître les connaissances exactes qu’avaient les élèves de l’histoire du Petit

Poucet, j’ai alors choisi de leur montrer au moyen du rétroprojecteur quelques images tirées

de le version de Kerloc’h et Chatellard. Il est ainsi apparu que les enfants connaissaient

globalement très bien l’histoire, mais des points restaient objets de discussions et de débats

(les bottes de sept lieues…). J’ai alors lu aux élèves (en alternance avec des passages

simplement racontés) le livre d’où venaient les images et ils ont beaucoup apprécié. J’ai

demandé aux élèves comment savoir quelle était la « vraie » version. S’en est suivi un débat

sur les contes. Il est ainsi apparu qu’il n’existait pas nécessairement de « vraie » version mais

qu’un texte particulier pouvait néanmoins être considéré comme une référence, celui de

Perrault dans ce cas.

Nous avons alors lu le conte source de Perrault. Pour ce faire, j’ai à nouveau effectué

une lecture magistrale avant de donner aux élèves le texte pour qu’ils puissent s’y référer par

la suite. Les élèves ont été surpris par la langue utilisée qu’ils ont cependant grandement

appréciée. Nous avons encore une fois élaboré un « tableau mémoire ». À ce moment, les

élèves ont eu envie de relire et comparer les autres textes connus en disposant cette fois d’une

référence pour comparer les péripéties des personnages. Ils réalisent que malgré les

similitudes et la proximité de certaines situations, on a bien des histoires différentes, des

auteurs différents (« Ce n’est pas écrit pareil »). Néanmoins, connaître le conte de Perrault est

très utile pour apprécier les clins d’œil de Kerloc’h par exemple. J’ai aussi lu aux élèves

L’autruche de Prévert et la version des frères Grimm de Tom Pouce.

B. Analyse des difficultés et réussites

Le réseau était composé d’un nombre important de textes même s’ils étaient

relativement brefs. Néanmoins, trois seulement ont fait l’objet d’une étude approfondie :

Gros-comme-le-petit-doigt (Afanassiev), Hänsel et Gretel (Grimm) et bien sûr Le Petit

Poucet (Perrault). Les autres textes ont principalement contribué à apporter aux élèves des

références culturelles et ont pour la plupart fait l’objet de lectures magistrales du maître. Il me

semblait inutile, voire contre productif de vouloir faire davantage sous peine de lasser les

élèves.

Un autre point qu’il me semble important de souligner concerne l’importance de ces

moments de lecture magistrale. Certains les pensent superflus en CM2. Toutefois, ils sont non

seulement préconisés dans le document d’application Littérature au cycle 3 (qui cite ce type

46 Réalisé par Michel Ocelot, sorti en 1998.

- 30 -

de lecture comme outil de base pour le maître (cf. infra)), mais correspondent à une attente

réelle des élèves. J’ai pu constater un goût certain de la part de mes élèves pour la lecture à

voix haute de passages particulièrement bien écrits (le texte de Perrault et sa langue riche s’y

prêtait bien). Les enfants acquièrent ainsi le goût des phrases bien tournées et peuvent alors

travailler eux-mêmes le « dire » en disposant d’un modèle fourni par le maître.

Il est également essentiel, afin de ménager la surprise et d’éviter que ne s’installe une

forme de lassitude, mais aussi pour relancer l’intérêt des élèves vis-à-vis du thème, de varier

les modes d’entrée dans les textes. C’est ce que nous rappelle notamment le document

d’accompagnement Lire et écrire au cycle 347. Ainsi, le fait de partir des illustrations

originales de la version de Jean-Pierre Kerloc’h du Petit Poucet pour permettre aux élèves de

mettre en mots l’histoire dont ils se souvenaient a été très productive.

Il a également été intéressant de rapprocher Le Petit Poucet avec une fable de La

Fontaine : « Le lion et le rat », connue des élèves. La morale de cette fable (On a toujours

besoin d’un plus petit que soi) m’a en effet semblée dans le même esprit que celle du conte de

Perrault. Les deux textes sont par ailleurs proches par la forme, étant tous deux des récits

imaginaires illustrant une moralité, datant de la même époque, et écrits pour être lus à voix

haute. Cela suppose évidemment un important travail sur la lecture à voix haute, considérée

souvent à tort comme allant de soi alors qu’elle nécessite au préalable une lecture fine et

précise du texte accompagnée et guidée par le maître.

L’élaboration d’un « tableau mémoire » pour les trois textes lus en détails a été

également importante. Ce tableau, affiché à chaque fois dans la classe, a permis de revenir

facilement aux œuvres pour procéder à des comparaisons. Il n’a en outre pas nécessité le

recours à des écrits trop longs et laborieux. Nous avons utilisé lors de son élaboration

collective des « écrits de travail » produits précédemment par les élèves. La trace écrite n’a

pas nécessairement à être plus volumineuse. L’essentiel demeure rappelons-le d’aider les

élèves à parcourir les œuvres et non de procéder à une analyse exhaustive des textes lus.

Enfin, comme en maternelle, les textes lus doivent pouvoir être à la disposition des

élèves qui souhaiteraient y revenir dans le futur. Il est donc judicieux de proposer dans la

bibliothèque de classe des ouvrages en lien avec le travail effectué en classe (contes de

Grimm, de Perrault, du monde) pour que les élèves intéressés puissent faire des lectures

personnelles s’ils le souhaitent.

47 Document d’accompagnement : Lire et écrire au cycle 3, Paris, CNDP, 2003, p. 27.

- 31 -

Conclusion :

L’utilisation du réseau en cycle 3 permet aux élèves d’aborder l’une des dimensions

essentielles de la littérature, à savoir l’intertextualité. Un texte a beau pouvoir être lu de

manière autonome, on l’apprécie souvent davantage lorsque le tissu de références littéraires

sous-jacent est connu. De même, il est intéressant de pouvoir repérer les clins d’œil et les

références qui parsèment très souvent les œuvres littéraires. Enfin, un réseau tel celui mené

lors de ce stage peut contribuer à mieux comprendre certaines caractéristiques essentielles

d’un genre littéraire, ici le conte (caractère mouvant, réécritures, …).

- 32 -

CONCLUSION

Nous avons tenté de mettre en avant tout au long de ce mémoire le rôle majeur de

l’intertextualité dans l’ensemble de la littérature. Les textes sont rarement isolés. Ils se parlent

et se répondent les uns aux autres. Si l’on souhaite initier véritablement les élèves de l’école

primaire à la lecture littéraire, il est indispensable de leur faire toucher du doigt cet aspect, de

leur faire sentir que l’on prend d’autant plus de plaisir à lire un texte que l’on est capable de le

situer au sein d’un ensemble constitué d’autres œuvres, d’autres références, d’autres auteurs,

bref, de la littérature. Il s’agit d’un enjeu essentiel de la formation à une culture littéraire,

formation devant aller bien au-delà d’une simple accumulation de connaissances. En effet,

plutôt que d'amasser au fil du temps les textes lus, il est important au contraire de les mettre

en relation de manière ordonnée, de montrer aux élèves comment « tisser des liens » dans le

but de favoriser la recherche du sens, la lecture fine, et bien sûr l’interprétation. Ce faisant, on

sollicite et on enrichit sans cesse les souvenirs déjà présents dans la mémoire des jeunes

lecteurs, leur culture littéraire.

C’est pourquoi les textes officiels (Programmes de 2002 et documents

d’accompagnement et d’application) insistent régulièrement sur l’intérêt des réseaux comme

dispositif à même de développer les compétences de lecture littéraire des enfants de l’école

primaire, et ce de la petite section de maternelle au CM2.

Cependant, tout ne peut pas être prétexte à une mise en réseau et certains abus existent

qui privent le dispositif de tout ou partie de son intérêt. Le choix d’un réseau doit répondre à

des objectifs précis et mûrement réfléchis par l’enseignant. Loin d’être une fin en soi, le fait

de permettre aux élèves d’effectuer des liens entre les textes doit en effet conduire à fournir de

nouvelles clés d’interprétation des textes, ou bien aider les élèves à mieux cerner un genre

littéraire, ou le style d’un auteur, les différentes lectures venant s’éclairer et s’enrichir

mutuellement. Nous avons cherché à montrer comment tendre vers ce résultat.

Nous avons ainsi présenté deux exemples de réseaux menés dans les deux classes

extrêmes que l’on peut trouver à l’école primaire française, en montrant les différences, mais

aussi les similitudes entre les méthodes de travail et les objectifs poursuivis. Un réseau en

début de cycle 1 est nécessairement moins ambitieux qu’en CM2, mais permet déjà de

travailler sur un type de schéma narratif par exemple Ainsi, dans les deux cas, il s’est avéré

que les élèves étaient capables non seulement de mettre des textes en relation, mais aussi d’en

tirer des bénéfices pour leur compréhension des œuvres lues. Contribuer à donner davantage

- 33 -

le goût et l’envie de lire aux élèves doit demeurer l’un des buts essentiels de l’apprentissage

de la lecture à l’école. Si les réseaux peuvent y participer ils auront déjà rempli un rôle non

négligeable.

- 34 -

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- 35 -

Réseau autour de Coin-Coin de Frédéric Stehr STEHR Frédéric, Coin-Coin, L’école des loisirs. STEHR Frédéric, C’est moi, Coin-Coin, L’école des loisirs. KASZA Keiko, Une maman pour Choco, L’école des loisirs. SATO Wakiko, FUTAMATA Eigoro, Piou Piou, L’école des loisirs. KNEEN Maggie, MOSS Miriam, Ourson des neiges, Gautier Languereau. KOIDE Yasuko et Tan, Toc, toc, toc, L’école des loisirs. Littérature secondaire : DEMOUGIN Françoise, ELBAZ Carole, Lire la littérature : lire l’image, lire le texte, Scérén,

CRDP du Limousin, coll. doubles pages pour l’école maternelle, 2005. POSLANIEC Christian, HOUYEL Christine, LAGARDE Hélène, Comment utiliser les

albums en classe, Paris, Retz, 2005. Réseau autour du Petit Poucet de Charles Perrault Conte source : PERRAULT Charles, « Le Petit Poucet », in Contes de ma mère l'Oye ou Histoires et contes du temps passé (1697). PERRAULT Charles, ROCHETTE Jean-Marc (ill.), Le Petit Poucet, Casterman, 2001. KERLOC’H Jean-Pierre, CHATELLARD Isabelle, Le Petit Poucet (d’après Charles

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2001. BRICOUT Bernadette, La clé des contes, Paris, Seuil, 2005. DELARUE Paul, TENEZE Marie-Louise, Le conte populaire français : catalogue raisonné

des versions de France, Paris, CTHS, 2000. SORIANO Marc, Les contes de Perrault, culture savante et traditions populaires, Paris,

Gallimard, Tel, 1978.

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Annexe 1 : Littérature en réseaux et Programmes 2002

Voici réunis ici les principaux extraits des programmes, documents d’application et

d’accompagnement en lien avec le dispositif de lecture en réseaux :

Programmes de l’école maternelle (p. 81) : (Cycle 1)

« Des parcours de lecture doivent être organisés afin de construire progressivement la première culture littéraire, appropriée à son âge, dont l’enfant a besoin. […] Ils conduisent à rapprocher des personnages, ou des types de personnages, à explorer des thèmes, à retrouver des illustrateurs ou des auteurs… Cette imprégnation qui commence dès le plus jeune âge doit se poursuivre à l’école élémentaire afin de constituer une base solide pour des lectures autonomes ultérieures. »

Programmes de l’école élémentaire (p. 83) : (Cycle 2)

« Les auteurs de littérature de jeunesse, et en cela ils ne se distinguent pas des autres écrivains, tissent de nombreux liens entre les textes qu’ils écrivent et ceux qui constituent le contexte culturel de leur création. C’est dire qu’on ne comprend véritablement un livre, serait-ce un simple album, sans retrouver ses relations subtiles qui font d’une œuvre une œuvre littéraire. Les lectures littéraires du cycle des apprentissages fondamentaux, comme ceux des autres cycles, doivent donc être choisies avec soin et organisées en parcours qui permettent de retrouver un personnage, un thème, un genre, un auteur, un illustrateur… Par là, et par là seulement, l’habitude de fréquenter les livres devient progressivement une culture. »

Programmes de l’école élémentaire (p. 187) : (Cycle 3)

« Pour que l’élève puisse acquérir des références culturelles, il importe que les lectures ne soient pas abordées au hasard, mais se constituent, tout au long du cycle, en réseaux ordonnés : autour d’un personnage, d’un motif, d’un genre, d’un auteur, d’une époque, d’un lieu, d’un format, etc. Au cycle des approfondissements, c’est cet aspect de la lecture littéraire qui doit être privilégié plutôt que l’explication approfondie d’une œuvre. »

Littérature au cycle 3 (p. 5) :

« Une culture littéraire se constitue par la fréquentation régulière des oeuvres. Elle suppose une mémoire de textes, mais aussi de leur langue, une capacité à retrouver, chaque fois qu'on lit, les résonances qui relient les oeuvres entre elles. Elle est un réseau de références autour desquelles s'agrègent les nouvelles lectures. »

Littérature au cycle 3 (p. 9) :

« […] Chaque lecture est le lieu de réinvestissement de lectures anciennes et le tremplin pour de nouvelles lectures. Tel ouvrage contemporain en appelle à telle œuvre patrimoniale ou classique, telle œuvre classique trouve des échos dans la production actuelle. Ainsi s’établissent des réso-nances, des liens, propices à des mises en réseaux, à la constitution de constellations… Apprendre à lire les textes littéraires suppose de mettre en relation des expériences personnelles des textes et du monde, de les organiser en systèmes, de percevoir leur dimension historique. Ces réseaux sont organisés, pour explorer un genre, pour apprécier les divers traitements d’un personnage, d’un motif, pour élucider une procédure narrative, l’usage du temps et des lieux, pour estimer la place d’une œuvre au sein de la production d’un auteur ou dans une collection.

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Avec les enfants les plus jeunes, ce sont certainement les personnages qui, lorsque leur consistance est forte, constituent l’une des trames les plus visibles des œuvres. Retrouver ceux qui, à la suite d’Alice, ouvrent les portes du merveilleux ou du non-sens, ceux qui, derrière Pinocchio, se demandent ce qu’est l’humain, sont autant de manières de voyager d’une œuvre à l’autre… On sait que les contes traditionnels, déjà rencontrés aux cycles 1 et 2, constituent des matrices fortes de la littérature contemporaine : le bestiaire (du loup au cochon, en passant par le renard ou le chat) est ainsi sans cesse réinterprété et le Petit Chaperon rouge ne cesse de réapparaître, quelquefois sous les atours les plus inattendus. On peut ainsi retrouver l’enfant malin, dans la tradition du Petit Poucet, l’enfant malheureux dans celle de la Petite Marchande d’allumettes, etc. Ces mises en réseau engendrent investigations et interrogations qui favorisent une nouvelle réception des œuvres, de nouvelles interprétations, car celles-ci restent ouvertes […]. La dimension intertextuelle des œuvres utilise de nombreuses voies : citation, allusion, plagiat, pastiche… Pour saisir les rapprochements, apprécier les similitudes, les variations, les prolongements, les jeux d’imitation, les détournements, l’offre proposée par la liste nationale donne sa place aux textes de référence (les « classiques ») comme aux textes qui s’en font l’écho ou s’inscrivent dans la rupture avec ce patrimoine. Le parcours de lecture doit permettre de construire les échos entre les œuvres lues et, quelquefois, entre celles-ci et les autres œuvres d’art rencontrées par ailleurs (peinture, photographie, musique, architecture, élément du patrimoine, etc.), enfin entre celles-ci et les connaissances construites en histoire, en géographie, en sciences… Cela suppose une véritable programmation et un respect du rythme des séquences et de leur durée afin que les rendez-vous avec d’autres œuvres ou des connaissances complémentaires ne soient pas décalés […]. »

Lire et écrire au cycle 3 (p. 27) :

« Le maître peut prévoir des regroupements d’œuvres pour stimuler une lecture en réseau. Celle-ci aide les élèves à se construire une culture littéraire par les relations qu’ils découvrent entre les textes (genres, auteurs, motifs symboliques, thèmes, etc.), leur inscription dans le temps (patrimoine, réécritures) et l’espace (cultures du monde). Avec la lecture en réseau, le principe à l’œuvre est l’activité de comparaison au sein du regroupement proposé par le maître :comparaison d’un texte source à des adaptations ou des réécritures (Pierre et le Loup, La Petite Marchande d’allumettes, etc.), d’un personnage avec son représentant archétypal (le diable, l’ogre, etc.), des œuvres d’un même auteur (Ponti, Sis, Khémir, Chabas, etc.), de plusieurs œuvres pour découvrir une configuration commune (motif, symbolique, mythe, etc.) comme l’île dans les robinsonnades. »

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Annexe 2 : Notice des Contes de Charles Perrault (document d’application)

PERRAULT CHARLES

Contes (titre nouveau de la liste 2004, patrimoine)

Contes Dix contes illustrés par dix artistes (Claverie, Claveloux, Clément, La Porta, Blain, Blake, Cancela, Roca, Pratt, Place). Albin Michel – 85 p. – 22,90 € Contes de ma mère l’Oye ill. Gustave Doré Gallimard Jeunesse – coll. Édition spéciale 224 p. – 5,20 €

Difficulté de lecture : niveau 2 Les élèves connaissent depuis leur plus jeune âge Le Petit Chaperon rouge – encore qu’ils connaissent généralement la version des frères Grimm, celle qui se termine bien. Ils connaissent souvent La Belle au bois dormant et Cendrillon dans leur adaptation par Walt Disney. Peau d’Âne a été immortalisé par Catherine Deneuve au cinéma et d’autres contes ont fait l’objet d’albums proposant souvent des textes adaptés, c’est-à-dire dans une version réécrite pour les enfants. Dans les deux ouvrages proposés ici, l’intégralité des Contes de ma mère l’Oye permettra aux maîtres, puis aux élèves, de se référer aux textes originaux, en vers pour Peau d’Âne et Les Souhaits ridicules, en prose pour La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe-Bleue, Le Maître Chat ou Le Chat botté, Les Fées, Cendrillon, Riquet à la houppe et Le Petit Poucet. L’illustration des Contes par des artistes contemporains, publiés par Albin Michel en fait un livre d’art, tandis que la version publiée par Gallimard avec les gravures de Gustave Doré (fin du XIXe siècle) situe la lecture dans un cadre patrimonial. Dans les deux cas, le projet du maître sera de construire avec les enfants un fonds de culture commune en donnant à lire les originaux des contes, quitte à prévoir un accompagnement pédagogique pour leur meilleure compréhension, sans pour autant gâter le plaisir de la lecture. Par exemple, il pourra proposer la comparaison de plusieurs versions d’un même conte, à partir d’extraits collectés dans des réécritures : les élèves auront à retrouver le texte source parmi les extraits. Les contes sont également l’occasion de liens avec les autres arts : cinéma, ballet classique, comédie musicale, dessin animé…

- 39 -

Annexe 3 : « Tableaux mémoire » réalisés en classe (réseau Petit Poucet)

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1

2

3

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1

2

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ière

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3

4

- 42 -

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1

2

- 43 -

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Qui

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- L’o

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- Leu

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lles

- Les

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- Le

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Pouc

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(sui

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3

4

- 44 -

Intérêts et enjeux des réseaux dans l’enseignement de la

lecture littéraire à l’école primaire RESUME :

Ce mémoire se propose de montrer comment la lecture en réseaux participe à la construction et au

renforcement des compétences de lecture littéraire des élèves. En effet, ce dispositif leur permet

de comprendre et d’apprécier davantage les textes lus en découvrant l’un des rouages majeurs de

la littérature : l’intertextualité. L’utilisation des réseaux, encouragée par les I. O. à tous les cycles

de l’école primaire, est illustrée par deux exemples menés en classes de PS-MS et de CM2.

MOTS CLES :

Littérature de jeunesse – Réseau – Intertextualité – Lecture littéraire