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  • 8/8/2019 Lacombe Morgane et Aronson James, 2008. La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier

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    Comit Scientifique Franais de la DsertificationFrench Scientific Committee on Desertification

    NUMRO 7

    La restaurationdu capital naturelen zones arides et

    semi-arides

    La restaurationdu capital naturelen zones arides et

    semi-arides

    Allier sant des cosystmes

    et bien-tre des populations

  • 8/8/2019 Lacombe Morgane et Aronson James, 2008. La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier

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    Comit Scientifique Franais de la Dsertification

    La cration, en 1997, du Comit Scientifique Franais de laDsertification, CSFD, rpond une double proccupation desministres en charge de la Convention des Nations Unies sur la luttecontre la dsertification. Il sagit dune part de la volont de mobiliserla communaut scientifique franaise comptente en matire dedsertification, de dgradation des terres et de dveloppement desrgions arides, semi-arides et subhumides afin de produire desconnaissances et servir de guide et de conseil aux dcideurs politiques

    et aux acteurs de la lutte. Dautre part, il sagit de renforcer lepositionnement de cette communaut dans le contexte international.Pour rpondre ces attentes, le CSFD se veut une force danalyse etdvaluation, de prospective et de suivi, dinformation et depromotion. De plus, le CSFD participe galement, dans le cadre desdlgations franaises, aux diffrentes runions statutaires desorganes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre ladsertification : Confrences des Parties, Comit de la science et de latechnologie, Comit du suivi de la mise en uvre de la Convention.Il est galement acteur des runions au niveau europen etinternational.

    Le CSFD est compos d'une vingtaine de membres et d'un Prsident,nomms intuitu personaepar le ministre de lEnseignementsuprieur et de la Recherche et issus des diffrents champsdisciplinaires et des principaux organismes et universits concerns.Le CSFD est gr et hberg par Agropolis International qui rassemble, Montpellier et dans le Languedoc-Roussillon, une trs importantecommunaut scientifique spcialise dans lagriculture, lalimentationet lenvironnement des pays tropicaux et mditerranens. Le Comitagit comme un organe indpendant et ses avis n'ont pas de pouvoirdcisionnel. Il n'a aucune personnalit juridique. Le financement deson fonctionnement est assur par des subventions du ministre desAffaires trangres et europennes et du ministre de lcologie, duDveloppement et de lAmnagement durables, la participation de ses

    membres ses activits est gracieuse et fait partie de l'apport duministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche.

    Pour en savoir plus :

    www.csf-desertification.org

    Directeur de la publication

    Marc Bied-CharretonPrsident du CSFD

    Professeur mrite delUniversit de Versailles

    Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ, France)Chercheur au Centre dconomie

    et dthique pour lenvironnement etle dveloppement (C3ED-UMR IRD/UVSQ)

    Auteurs

    Morgane LacombeDoctorante, Centre dcologie Fonctionnelle

    t volutive/ Centre National de la Recherche Scientifique(CEFE/CNRS, France)

    [email protected]

    James AronsonChercheur, Centre dcologie Fonctionnelle et

    volutive/ Centre National de la Recherche Scientifique(CEFE/CNRS, France)

    [email protected]

    Avec la participation deMarc Bied-Charreton,

    Prsident du CSFD

    dition et iconographie

    Isabelle Amsallem (Agropolis Productions, France)[email protected]

    Conception et ralisation

    Olivier Piau (Agropolis Productions)[email protected]

    Remerciements pour les illustrationsavid A. Bainbridge (Professeur agrg,Alliant International University,tats-Unis dAmrique), Danile Cavanna (Photothque INDIGO delInstitut de recherche pour le dveloppement, IRD, France), Andre

    Clewell (Co-coordinateur, RNC Alliance), Jordi Cortina (diteur de lavue Ecosistemas, Espagne), Angela Osborn (Directrice des commandest des droits, Island Press, tats-Unis dAmrique), Christelle Fontaine

    Assistante, CEFE/CNRS, France), Sue Milton (Professeur, University ofellenbosch, University of Cape Town, Afrique du Sud), David Tongway

    Membre honoraire, Commonwealth Scientific and Industrial ResearchOrganisation [CSIRO Sustainable Ecosystems], chercheur invit,

    Australian national University, Australie), ainsi que les auteurs desdiffrentes photos prsentes dans le dossier.

    Impression : Les Petites Affiches(Montpellier, France)Dpt lgal : parution ISSN : 1772-6964

    Imprim 1 500 exemplaires

    CSFD/Agropolis International, mars 2008

    ur rfrence : Lacombe M., Aronson J., 2008. La restauration du capitalurel en zones arides et semi-arides. Allier sant des cosystmes etn-tre des populations. Les dossiers thmatiques du CSFD.N7. Mars

    08. CSFD/Agropolis International, Montpellier, France. 36 pp.

    Les dossiers thmatiquesdu CSFD numro 7

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librementsur le site Internet du Comit.

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librementsur le site Internet du Comit.

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    Lhumanit doit dornavant faire face un problme denvergure mondiale : ladsertification, la fois phnomne naturel etprocessus li aux activits humaines. Jamais la

    plante et les cosystmes naturels nont t autant dgradspar notre prsence. Longtemps considre comme unproblme local, la dsertification fait dsormais partie desquestions de dimension plantaire pour lesquelles noussommes tous concerns, scientifiques ou non, dcideurspolitiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est

    dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participerla socit civile, et dans un premier temps de lui fournirles lments ncessaires une meilleure comprhensiondu phnomne de dsertification et de ses enjeux. Lesconnaissances scientifiques doivent alors tre la portede tout un chacun et dans un langage comprhensible parle plus grand nombre.Cest dans ce contexte que le Comit Scientifique Franaisde la Dsertification a dcid de lancer une nouvelle srieintitule Les dossiers thmatiques du CSFD qui veut fournirune information scientifique valide sur la dsertification,toutes ses implications et ses enjeux. Cette srie sadresse aux

    dcideurs politiques et leurs conseillers du Nord commedu Sud, mais galement au grand public, aux journalistesscientifiques, du dveloppement et de lenvironnement. Ellea aussi lambition de fournir aux enseignants, aux formateursainsi quaux personnes en formation des complmentssur diffrents domaines. Enfin, elle entend contribuer la diffusion des connaissances auprs des acteurs de lalutte contre la dsertification, la dgradation des terres etla lutte contre la pauvret : responsables dorganisationsprofessionnelles, dorganisations non gouvernementales etdorganisations de solidarit internationale.Une douzaine de dossiers sont consacrs diffrents thmesaussi varis que les biens publics mondiaux, la tldtection,

    lrosion olienne, lagro-cologie, le pastoralisme, etc., afinde faire le point des connaissances sur ces diffrents sujets. Ilsagit galement dexposer des dbats dides et de nouveauxconcepts, y compris sur des questions controverses,dexposer des mthodologies couramment utilises et desrsultats obtenus dans divers projets et enfin, de fournir desrfrences oprationnelles et intellectuelles, des adresses etdes sites Internet utiles.Ces dossiers seront largement diffuss - notamment dansles pays les plus touchs par la dsertification - sous formatlectronique la demande et via notre site Internet, maisgalement sous forme imprime. Nous sommes lcoute

    de vos ractions et de vos propositions. La rdaction, lafabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce lappui quil reoit desministres franais. Les avis exprims dans les dossiersreoivent laval du Comit.

    Avant-propos

    Marc Bied-CharretonPrsident du CSFD

    Professeur mrite de lUniversitde Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

    Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ

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    2 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    Prface

    e dossier thmatique n7 du CSFD aborde,dans une dmarche de communication, departage et de discussion, la prsentation deslments majeurs de lapproche que sous-

    tend cette locution Restauration du capital naturelapplique aux zones arides et semi-arides. Lobjectifprincipal est (1) de participer la promotion de cetteapproche au sein des socits et des communautsles plus touches par les processus de dgradationdes espaces et des ressources quelles grent et (2)convaincre les gouvernements et les dcideurs des aidespubliques et prives, dinscrire leurs projets dans unetelle dmarche.

    Ce dossier rsulte dune compilation bibliographique destravaux scientifiques disponibles, relatifs la restaurationdu capital naturel en zones arides et semi-arides. Cestravaux, conduits dj sur plusieurs dcennies, ont permisde dgager concepts et dfinitions qui, pour la majoritde ceux prsents ici, sont adapts de louvrage ditpar Aronson et al. (2007a) regroupant les contributionsde 71 scientifiques, gestionnaires et journalistes uvrantdans les domaines de lcologie, de lconomie et delconomie cologique.

    Plusieurs sites, dissmins en zones arides ou semi-

    arides travers le monde, ont t choisis pour illustrerles concepts lmentaires de la restauration du capitalnaturel travers des visites virtuelles sur le terrain. Cesexemples proviennent de louvrage rdig par Clewell &

    Aronson (2007) destin aux personnes impliques, sur leterrain, par les activits de cette profession mergentequest la restauration cologique.

    Ces zones climatiques extrmes ont souvent tet sontle plus souvent encorele lieu de conflits sociaux pourlaccs aux ressources naturelles. Ces conflits, exacerbspar une pauvret extrme et des conditions de vieprcaires, sont majoritairement lis une gestion inap-

    proprie des ressources naturelles aussi primordialespour la vie des gens que sont leau, la terre, les ressources

    vgtales (pturages, bois de feu, etc.). Aujourdhui,mme ces besoins les plus lmentaires ne peuventtre satisfaits. Il est temps de concevoir, proposeret promouvoir une approche alternative de gestionenvironnementale qui soit socio-conomiquementquitable et cologiquement durable.

    La mise en place dune telle approche requiert deprofondes modifications du comportement de nossocits (des acteurs de terrain aux politiques) vis--vis de lenvironnement naturel. Ces modificationsseront difficiles et ne pourront, seules, suffire assurerles besoins fondamentaux des populations si elles ne

    sont pas couples la restauration du capital natureldj largement dgrad. En outre, faisant le constatque toute dtrioration du capital naturel entrane unedtrioration du capital humain et du capital socital, ilest propos de promouvoir galement la restauration ducapital social, lment complmentaire indispensable la russite des projets de restauration du capital naturel.

    La restauration du capital naturel implique la facilitationdu flux dinformations, du partage et de la communica-tion des concepts, en particulier scientifiques, sur lesquelsrepose cette approche. Les rponses des interrogationscomplmentaires abordes dans ce dossier, comme, par

    exemple, qui doit investir pour restaurer le capital naturelet le capital social ou comment assurer la surveillance etle suivi cologique long terme, sont proposes dans lesprcdents dossiers thmatiques du CSFD. La demandesociale en matire de restauration des cosystmesdgrads tant faible alors que se poursuit la dgradationdes milieux et la perte de biodiversit, il est de ce faiturgent de se proccuper de la prservation des ressour-ces gntiques ncessaires la bonne concrtisation desprojets de restauration cologique.

    douard Le Flochancien chercheur, CEFE/CNRS

    ancien membre du CSFD

    C

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    Sommaire

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    La restauration du capital naturel : une ncessitcologique et socio-conomique

    8

    Quest-ce que le capital naturel ?

    14

    Quest-ce que la restauration du capital naturel ?

    18

    Les bnfices socio-conomiques de la restauration ducapital naturel dans les zones arides

    24

    Faut-il investir dans la RCN en zones arides ?

    28

    Perspectives : vers une relation durableentre lhomme et lenvironnement ?

    30

    Pour en savoir plus...

    35-36

    Lexique - Acronymes et abrviationsutiliss dans le texte

    Sommaire

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    4 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    La restauration du capitalnaturel : une ncessitcologique et socio-conomique

    empreinte cologique de lhumanitest aujourdhui largement suprieure lacapacit de charge de la Terre. Autrementdit, le taux de consommation des ressources

    naturelles et le taux de dgradation environnementale etdmission des dchets issus de lexploitation effrne deces ressources sont suprieurs au taux de renouvellementet dabsorption des cosystmes. Lhumanit a com-menc grignoter ses rserves. Cette situation indite

    dans lhistoire de lhumanit, se traduit par lapparitionconjointe de deux crises mondiales inextricablementlies : lune cologique, lautre humanitaire.

    La crise cologique :le rsultat dun systme conomique

    La crise cologique se traduit principalement par la pertede la biodiversit, la rduction des espaces naturels etlrosion de la fonctionnalit des cosystmes unechelle locale, rgionale et globale (MEA, 2003). De ces

    nouvelles conditions environnementales rsultent, entreautres, le rchauffement climatique ou la diminutiondeau potable facilement accessible (Vitouseket al., 1997 ;Wackernagel et al., 2002).

    Il est aujourdhui admis que les hommesde par lessystmes et structures conomiques, sociaux et culturelsauxquels ils appartiennentsont responsables decette dgradation (Makhlouf, 1995). Les consquencesimmdiates pour lhumanit sont lexacerbation desconflits pour lacquisition des ressources et la perte desbiens et services naturels (p. ex. fourniture de bois,squestration du carbone). Or, ces biens et services ren-

    dus par les cosystmes sont indispensables la survieet au dveloppement de toute socit. En consquence,une modification de nos comportements dexploitationet de distribution des ressources naturelles simpose.

    Dans les contextes dmographique et conomiqueactuels, la seule conservation des ressources naturellesnest pas suff isante pour assurer le minimum de biens etservices ncessaires aux hommes. En effet, ltat actueldu capital naturel au niveau mondial est dj tropbas pour continuer soutenir la plupart des systmesconomiques des pays du Nord. La restauration

    cologique des cosystmes dgrads est ncessaire.En revanche, celle-ci est vaine si elle nest pas couple la mise en place de systmes dexploitation durables

    et dune modification en profondeur de nos modes deconsommation (Aronson et al., 2007a). Lexpriencemontre, en effet, que les projets de restaurationnincorporant pas une modification des modesdexploitation des ressources restaures, sont vous lchec, les causes gnrant les mme effets, cest--direla surexploitation jusqu la dgradation de la ressource(Makhlouf, 1995).

    En milieu aride et semi-aride, lexploitation jusqula dgradation des terres est souvent le rsultat deconditions socio-conomiques prcaires. En effet, lasatisfaction des besoins alimentaires de base est une

    priorit pour les hommes et les troupeaux.

    La crise humanitaire : une dgradationde la biosphre au dtriment des plus pauvres

    Les mthodes actuelles dexploitation et de distributiondes biens et services naturels sont le plus souventralises au dtriment des groupes de population les pluspauvres (MEA, 2005). La rpartition ingale des richessesqui en dcoule est, son tour, un moteur de la dgradationmassive des cosystmes. En effet, la ncessit pourles plus pauvres de se procurer le minimum vital se

    ralise souvent par le biais de mthodes hautementdestructives pour lenvironnement. La dgradation desressources naturelles qui en rsulte, entrane en retour

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    et rapidement une augmentation de la prcarit de cespopulations. Dans les milieux dgrads des pays du Sud,les utilisateurs des ressources, dj rares, ne peuvent passe permettre de parier sur des mthodes dexploitationplus durables alors quils sont en concurrence directepour des rserves de plus en plus rduites.

    Ce cercle vicieux est en partie aliment par la mondia-lisation conomique et laccs des ressources deplus en plus lointaines . On assiste, en effet, undsintressement des populations les plus riches pour lesmodes dexploitation et leurs ventuelles consquencessur lenvironnement. Un redressement de cette situation

    est cependant possible condition de :

    Dvelopper des mthodes dvaluation conomiquedes cots et des bnfices dune approche alternativedexploitation, de conservation et de distribution desressources naturelles.

    Responsabiliser lutilisateur (individu ou groupe) dela ressource et lui procurer les moyens techniques etfinanciers lui permettant la mise en place de mthodesde gestion durable de cette ressource.

    Assurer la redistribution quitable des ressourcespermettant lutilisateur un retour par bnfices

    directs. Responsabiliser et informer les consommateurs auniveau international.

    Dbitage la trononneusedune grume gante prs du port bois San-Pdro, Cte dIvoire.

    P. Haeringer IRD

    Lempreinte cologique : impact de nos modesde vie sur lenvironnement

    La notion dempreinte cologique a t dveloppe par WilliamRees et Mathis Wackernagel de lUniversit de Colombie-Britannique au dbut des annes 90 (Rees et Wackernagel,

    1994).

    Le calcul de lempreinte cologique permet une estimation dela quantit de capital naturel ncessaire au maintien du modede vie dune population humaine dfinie. Lapproche de calculrepose sur une rinterprtation du concept de capacit decharge en prenant en compte le contexte conomique.

    La capacit de charge est dfinie par le nombre maximumdindividus de la mme espce qui peut tre maintenuindfiniment dans un habitat donn comme, par exemple, lataille dune population humaine vivant dans une rgion isole.

    Mais si on prend en considration le caractre global de notreconomie travers les changes commerciaux, les diffrentesrgions habites par lhomme ne peuvent plus tre considrescomme des units indpendantes. La question de la quantitdindividus quune rgion donne peut supporter nest donc pluspertinente pour les populations humaines. La question devientalors quelle est la surface de terres et/ou de mer ncessaire pourmaintenir le flux de ressources correspondant la consommationdune population dans une rgion donne. Lestimation de cet tesurface de terre et/ou de mer (peu importe o elle se trouve)correspond lempreinte cologique de la population. Cest unemesure physique de la demande en capital naturel requis parune population donne.

    Cette mesure a t popularise depuis par lOrganisationmondiale de protection de lenvironnement (WWF) qui propose,entre autres, chacun de calculer son empreinte cologiquepersonnelle en ligne (www.wwf.fr/s_informer/calculer_votre_empreinte_ecologique) ainsi que des moyens pour la rduire.

    La notion dempreinte cologique est un bon moyen decommunication auprs du grand public pour mettre en videncelimpact de nos modes de vie sur lenvironnement et la prcaritde notre situation sur la Terre. En effet, en 2001, lempreintecologique totale de lhumanit reprsentait dj lquivalent de

    1,20 plante (WWF, 2004) !

    Zoom

    La restauration du capital naturel : une ncessit cologique et socio-conomique

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    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides6

    Pturages extensifs sur sol brun vertiquedvelopp sur schiste calcaire. Lrosion est due

    au surpturage. Nouvelle-Caldonie.B. Bonzon IRD

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    Cest dans ce contexte que lapproche de restaurationdu capital naturel (RCN) apparat comme un lmentcl de rponse ces deux crises. En effet, cette nouvelleapproche associe les objectifs de la restaurationcologique ceux de lamlioration du bien-tredes populations humaines dun point de vue socio-conomique. La RCN sert ainsi de passerelle entreles impratifs de (1) la conservation de la biodiversitet la protection de la sant des cosystmes, (2) laproduction locale court terme, (3) le dveloppementconomique aux niveaux national et international et(4) le dveloppement conomique local et durable

    (DELD).

    La restauration du capital naturel :un lment cl de rponse

    cologues, conservateurs de la nature et conomistesont tous des vues diffrentes sur les objectifs de larestauration cologique ou du dveloppement durable.Un consensus sur la dfinition et linterprtation de cestermes cls est ncessaire pour informer les populationset leurs reprsentants sur les objectifs et les consquencesdes politiques en place et venir.

    Aujourdhui, le maintien des cosystmes naturelsest sacrifi en faveur de la croissance conomique (deGroot, 1992), savoir laugmentation de la production(ou taille de lconomie) qui se traduit par unelvation de la consommation (Daly et Farley, 2004). Cechoix politique repose en grande partie sur le fait que laconservation de la biodiversit, la lutte contre la pauvretou le dveloppement conomique sont communmentperus comme ayant des intrts indpendants etsouvent conflictuels. Comme nous le verrons tout aulong de ce dossier, la RCN vise mettre en communces intrts priori diffrents. Elle associe restauration

    cologique et dveloppement durable afin de mettre ensynergie les bnfices respectifs de ces deux approches.

    Les rgions menaces par la dsertification corres-pondent environ 40 pour cent des terres disponibles.Elles sont le plus souvent le lieu de pauvret extrme(Requier-Desjardins et Caron, 2005). Une approchevisant restaurer simultanment les cosystmeset la qualit de vie des populations locales est doncncessaire en zones arides et semi-arides. Les notionset concepts relatifs au capital naturel et la pratiquede sa restauration sont dvelopps dans les prochains

    chapitres.

    La dsertification et ses consquencespour les hommes

    La Convention des Nations Unis sur la lutte contre ladsertification (1994) dfinit le processus de dsertification

    comme la dgradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sches par suite de divers facteurs, parmilesquels les variations climatiques et les activits humaines .

    De manire gnrale, les conditions climatiques imprvisibles(scheresses rcurrentes et irrgularit de la pluviomtrie)couples la ncessit de satisfaire les besoins alimentaireset nergtiques des populations locales sur le court terme(avec des pratiques inadaptes dexploitation des ressourcesnaturelles) entranent une forte dgradation environnementale.Celle-ci se traduit par une destruction du couvert vgtal(extension des superficies cultives au dtriment des espacespastoraux), une diminution de la fertilit, une modification descosystmes et une recrudescence des conflits autour de la

    gestion des ressources naturelles (Requier-Desjardins, 2007 ;Requier-Desjardins et Caron, 2005).

    En parallle, laccroissement dmographique et lexacerbationde la prcarit entranent une exploitation accrue et nondurable des biens et services naturels. Les pressions exerces

    sur les cosystmes crent un dsquilibre entre la demandeet la production de ces biens et services favorisant ainsi ladsertification.

    Les causes et les processus responsables de la dsertificationsont cependant variables. Elles dpendent simultanment ducontexte mondial (rchauffement climatique), rgional (zonegographique et politique) et local (mode dexploitation et degestion des terres). Ainsi, la lutte contre la dsertification doitse traiter en termes de directives internationales, de politiquesrgionales et dinitiatives locales. Ces trois chelles (mondiale,rgionale et locale) sont troitement dpendantes les unesdes autres (MEA, 2005). Il nest pas superflu dajouter que larsolution des problmes lchelle locale doit tre adapte etspcifique la demande exprime (besoins, objectifs, valeurs)des populations locales.

    Zoom

    7La restauration du capital naturel : une ncessit cologique et socio-conomique

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    8 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    Quest-ce quele capital naturel ?

    e capital naturel est un concept labor la fin des annes 70 (Jurdant et al., 1977) etdvelopp, entre autres, par Costanza et Daly(1992). Ce concept est essentiel pour favoriser

    la considration des problmes environnementaux dansles prises de dcision conomique. Le terme de capitalnaturel permet aussi de mettre en vidence le rlelimitant des ressources et des cosystmes naturels dansle dveloppement socio-conomique des populations etdes nations (Ekins et al., 2003). Pour bien comprendre lesens du terme capital naturel , expliquons tout dabordles diffrents types de capitaux qui existent.

    Les diffrents types de capitaux

    Il existe cinq types de capitaux (MEA, 2005) :

    1. Le capital financier (monnaie et substituts)2. Le capital manufactur (immeubles, routes et autres

    constructions humaines fixes)3. Le capital humain (efforts individuels ou collectifs et

    comptences intellectuelles)4. Le capital social (institutions, relations sociales,

    rseaux sociaux, croyances culturelles partages ettraditions)

    5. Le capital naturel : mtaphore conomique quireprsente les stocks de ressources naturelles desquellesdrivent les biens et services dont dpendent lessocits humaines. Le capital naturel peut tre dclin

    en quatre types : (a) le capital naturel renouvelable(espces vivantes, cosystmes), (b) le capital naturelnon renouvelable (ptrole, charbon, diamants), (c) lecapital naturel rcuprable (atmosphre, eau potable,sols fertiles) et (d) le capital naturel cultiv (agricultureet sylviculture).

    Le capital naturel (dfinition de Daly et Farley, 2004)consiste donc en lensemble des cosystmes durables etdes paysages cologiques desquels les hommes driventles services et produits (biens) qui amliorent leur bien-tre sans cot de production. Il est important de prciser

    que la totalit des stocks de capital naturel cultiv etde capital manufactur est drive du capital naturelrenouvelable, rcuprable ou non renouvelable.

    Le capital naturel renouvelable correspond la structureet la composition des cosystmes naturels qui, travers leur fonctionnement, maintiennent le flux debiens et services naturels aux hommes. Le capital naturelrcuprable correspond au stock de ressources nonvivantes qui sont continuellement recycles traversleurs interactions avec les ressources vivantes sur delongues priodes de temps. Enfin, le capital naturelcultiv correspond aux systmes agro-cologiques deproduction qui possdent une capacit dautorgulationplus ou moins leve selon leur mode de gestion.

    Actuellement, et depuis plusieurs dcennies, letaux dutilisation (dgradation) du capital naturelest suprieur son taux de renouvellement. Satransformation en produits manufacturs dtruit peu peu (et de plus en plus vite) les stocks de ressourcesnaturelles et les biens et services qui en dcoulent.

    La perte du capital naturel peut aussi entraner ladiminution conscutive du capital social et du capitalhumain (Aronson et al., 2007a). Cette situation estparticulirement vraie en zones arides et semi-arideso la rduction constante des services naturels suite

    la dsertification favorise lmigration et la pertedestime de soi ainsi que les conflits politiques (Requier-Desjardins et Caron, 2005).

    L

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    9Quest-ce que le capital naturel ?

    Linterdpendance des dif frents types de capitaux doittre mise en vidence dans la lutte contre la dserti-fication et la RCN en gnral. En effet, la dgradationdes terres et la baisse de la qualit de vie sont lies (MEA,2005). Leur restauration respective lest donc aussi. Laprise en compte de cette interdpendance est essentiellepour outrepasser les prjugs qui existent concernantces processus et qui limitent la rsolution des problmesenvironnementaux et socio-conomiques.

    Conservation de la nature versus croissance conomique ?

    Traditionnellement, la conservation de la natureet la restauration de la sant des cosystmes sontperues comme incompatibles, voire contradictoires,avec les objectifs du dveloppement conomique. Letableau ci-contre fait le point sur les contradictionsque peut soulever une vision trop troite de lcologieou de lconomie. Ce tableau met aussi en valeur lesintrts dune approche intgrant simultanment larestauration cologique et le dveloppement durable.Pour bien comprendre le contexte de la restaurationdu capital naturel, il est ncessaire de faire le pointsur les diffrences idologiques entre les concepts

    de croissance conomique et de dveloppementconomique durable. Ces diffrences sont discutesdans les chapitres suivants.

    La restauration du capital naturel : un lment de rponse auclivage disciplinaire et idologique entre les sciences naturelles etles sciences sociales

    Daprs Aronson et al., 2007b.

    Thmes/Visions

    Environ-nementalisme

    extrme

    conomieno-

    classiquepure

    Apportde le

    RCN pourpallier auclivage

    conomie/cologie

    Les gens

    Sont tropnombreux etconsomment trop(pour le bien-tre des autresespces).

    Font deschoix basssur lesprincipesde lintrtindividuel.

    Peuventconcilierles besoinsindividuelset collectifset ceux desgnrationsactuelles etfutures.

    Vision du futurconomique

    Profondmentpessimiste,sauf en cas dechangementsradicaux.

    Optimiste,linaire,dterministe.

    tat

    conomiquestable quiaccepteles limitescologiquesde lacroissance.

    Place delHomme dansla Nature

    Fait partie de laNature.

    Existe endehors descosystmes.

    Les hommeset la Natureconstituentdes socio-cosystmes.

    Dtermination

    de la valeurdes bienset servicesnaturels

    Valeur intrinsquede toutes entitsvivantes.

    Valeur

    utilitaire,dterminpar les prixdu march.

    Valeursmultiples car

    lconomiematrielledpend dela sant descosystmes.

    Normesconductrices etde conduite

    Toutes espcesvivantes mritentrespect etattention.

    Rentabilit,intrtpersonnel etutilitaire.

    Respect de labiosphre surla base dubien-tre socio-conomiquedurable.

    Substitution

    des capitaux

    Pas de substitutionpossible pour le

    capital naturel.

    Substitutiontotalepossible entrele capital

    naturel etle capitalmanufactur.

    Substitutionpartielle, lecapital naturelet le capital

    manufactursont com-plmentaires.

    Paysage de savane arboreavec des termitires, Cameroun.

    F. Anthony IRD

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    Le modle aux lastiques :relation entre capital naturel et croissance

    tape 1

    La fonction de production est quatre facteurs : naturel,technique, humain, social. Le niveau de revenu W (reprsentpar ) dpend de la quantit accumule des quatre capitaux.Dans cette reprsentation graphique, la fonction de productionW= f (N,T,H,S) est reprsente par le fait que le niveau W est

    accroch par des lastiques au sommet des quatre piliers que sont les stocks de capitaux.

    tape 2

    On connat de nombreux exemples o la croissance est fondesur une consommation de capital naturel. Prenons lexempleclassique en Afrique de modes de culture inadapts la densitcroissante de la population et qui dgradent la fertilit des sols.Il y a ainsi une baisse progressive du capital naturel et doncdes rendements jusquau moment ou on atteint un certain seuil

    S au-del duquel il y a un effondrement de la fertilit et surtoutdes rendements.

    tape 3

    Pass le seuil S, le sol devient strile. Le paysan tombe dans lacatgorie du manoeuvre non qualifi et cherche un autre travail.Son capital humain perd ainsi de la valeur, ou autrement dit lepaysan ne peut plus exprimer les connaissances dagriculteurquil avait (savoir-faire, semences adaptes ) : cest lexternalitngative quengendre sur son capital humain un niveau insuffisantde capital naturel et qui tire vers le bas son revenu.

    Conclusion

    On conoit quen approchant du seuil, un investissement quistoppe la dgradation du capital naturel et lempche defranchir le seuil S a une trs grande rentabilit sociale et doittre privilgi. Cela vient de ce que les phnomnes de seuilinduisent des non linarits dans le processus de croissance, qui,il faut le reconnatre, sont difficiles modliser.

    Daprs Girault et Loyer, 2006.

    Zoom

    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides10

    K Technique

    K SocialK Naturel

    K Humain

    W. niveaude revenu

    par habitant

    K Technique

    K SocialK Naturel

    K Humain

    SEffet

    de seuil

    K Technique

    K SocialEffondrementK Naturel

    Perte de KHumain lie

    Exode,bidonvilleS

    Effetde seuil

    K SocialK Naturel

    K Humain

    Investirdans le capital

    naturel

    Prserve lecapital humainet lutte contre la

    pauvret

    K : capital

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    11Quest-ce que le capital naturel ?

    Le capital naturel : un facteur limitantdu dveloppement durable

    Nous avons vu prcdemment que les populationshumaines dpendent des biens tirs des cosystmes(bois, etc.), mais aussi des services naturels pour leursurvie et la stabilit de leurs socits. Ces servicesdrivent du stock de capital naturel. Or, ces servicessont, pour la plupart, gratuits et non exclusifs. Cest--dire que la consommation dun service par un individu

    ne diminue pas la capacit de consommation de cemme service par les autres ( travers, par exemple,une augmentation du prix ou un accs limit). On parleparfois de biens publics mondial (Requier-Desjardinset Caron, 2005). Cette notion de bien public soulignedune part le fait que la consommation de lun ne limitepas la consommation des autres et que, dautre part,la qualit du service ne diminue pas en fonction dunombre dutilisateurs (on parle alors de non rivalit).Ces diffrentes caractristiques font, quen pratique, ilnexiste pas de signaux conomiques de la diminutiondes services rendus par les cosystmes (Farley et Daly,2006). Ils nont pas de valeurs exprimes sur le marchconomique actuel (voir la figure ci-dessus).

    Ce schma reprsente un modle simplifi du systmeconomique actuel, en mettant laccent sur le fossconomique qui existe entre les pays du Nord et duSud. Les informations relatives aux changementsenvironnementaux et leurs impacts sur nos socitsne sont pas intgres au systme. Lapproche RCNpermet de favoriser ce flux dinformations entre le Nord

    et le Sud et vis--vis du systme conomique mondialdominant.

    Le systme conomique dominant a pour objectif lamaximisation de la consommation individuelle par lebiais de la croissance conomique. Cette dernire estune augmentation physique du taux auquel lconomietransforme les ressources naturelles en valeursmontaires (capital manufactur) et en dchets.Lmission de dchets (ou pollution) ntant pas prise encompte dans les cots de production, il est aujourdhuiplus rentable dinvestir dans la dgradation que dans larestauration du capital naturel.

    Lconomie

    Blocage delinformation

    Sur consommation

    missionde dchets

    Accumulation deCO2

    Dsintgrationsociale

    Sous consommation

    Pauvret,malnutrition,

    maladiesDpendance

    Perte de confianceen soi

    Modification des fluxdnergie et dematriaux, de la

    qualit et de la quantitde leau, de lutilisation

    des terres

    Modification des fluxdnergie et dematriaux, de la

    qualit et de la quantitde leau, de lutilisation

    des terres

    RCN

    Phase de transition Processus Flux dinformationF

    Cons

    que

    nces

    Consquences

    Imp

    acts

    enviro

    nnem

    entauxIm

    pacts

    envi

    ronn

    em

    en

    taux

    Pays du Nord Pays du SudAccroissement dela tension et de la

    bipolarisation

    Le systme conomique actuelDaprs Aronson et al., 2007b ; Blignaut et al., 2007.

    Rsu

    ltats R

    sult

    ats

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    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides12

    la diffrence de la croissance conomique, ledveloppement conomique est une augmentation dubien-tre et de la qualit de vie des populations pourun niveau donn (taux constant) de transformationdes ressources naturelles. Pour un dveloppementconomique durable :

    Le taux de transformation du capital naturel encapital manufactur ne doit pas excder son taux derenouvellement.

    La quantit de dchets mis ne doit pas excder la

    capacit dabsorption naturelle de la biosphre (Daly,1990).

    Lessence du concept de dveloppement durable estde rpondre aux besoins fondamentaux des hommestout en prservant les services naturels essentiels lavie sur Terre (Kates et al., 2001). Ce concept intgre lefait que notre conomie est limite par la capacit defonctionnement des cosystmes de la biosphre. Il nesagit pourtant pas dun sacrifice dans la qualit de vieau profit de la conservation de la nature. Au contraire,le dveloppement conomique local durable est corrlavec laugmentation du bien-tre des populationslocales et avoisinantes.

    Afin de restaurer et amliorer les relations entre leshommes et lenvironnement naturel, il est importantde : dissocier les concepts de croissance conomique

    (augmentation de la taille de lconomie) et dedveloppement conomique (augmentation dela qualit de vie pour une taille constante delconomie) ;

    tenir compte des limites fonctionnelles des co-systmes de la plante.

    Aujourdhui, le facteur limitant pour notre conomie

    nest plus le capital manufactur mais le capitalnaturel. Puisque la logique conomique veut que loninvestisse dans le facteur limitant (Aronson et al.,2006a ; Costanza et Daly, 1992), de nos jours, les intrtsde la socit ncessitent un investissement importantdans la restauration du capital naturel. Pour favorisercet investissement, diffrentes mthodes dvaluationconomique du capital naturel et des biens et servicesqui en dcoulent ont t labores. Elles sont abordesdans le chapitre consacr aux bnfices socio-conomiques de la restauration du capital naturel enzones arides (page 18). Auparavant, les concepts relatifs

    la pratique de la restauration du capital naturel enzones arides sont dcrits dans le prochain chapitre.

    Les biens publics mondiaux :un concept dconomistes

    Un bien (et un mal) public mondial (BPM) est, pour les conomistes,

    un bien que tout le monde peut consommer : sa consommationpar une personne ne pnalise pas celle dautres personnes (parexemple lair que nous respirons). Les BPM peuvent tre fournispar le secteur priv ou par les tats. Par exemple, les fortsdomaniales sont des biens publics grs par ltat lorsquil en estle propritaire.

    La biodiversit, certaines forts ou sites exceptionnels, peuventaussi appartenir des acteurs privs qui contribuent ainsi laproduction de biens publics. Les BPM sont des biens dont le produitet les cots dpassent les frontires gopolitiques et traversent lesgnrations.

    Daprs Requier-Desjardins et Caron, 2005.

    Zoom

    Agriculture en Tunisie. Rcolte ettri des dattes dans le sud-tunisien.

    V. Simonneaux IRD

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    13Quest-ce que le capital naturel ?

    lore du village, une fabrique de briques artisanales faites

    partir de terre battue et de pailles mlanges de leau.Les briques sont ensuite sches au soleil.Rgion de Sikasso. Mali.

    M. Dukhan IRD

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    14 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    Quest-ce que la restaurationdu capital naturel ?

    a restauration du capital naturel est unenouvelle approche de gestion qui reposesur linterdpendance entre le bien-tredes populations humaines et la sant des

    cosystmes. Dans le cadre de la lutte contre ladsertification, la restauration des biens et servicescaractristiques des milieux arides et semi-arides estessentielle.

    La restauration du capital naturel :sant des cosystmes et bien-tre humainen milieux arides et semi-arides

    La restauration du capital naturel (RCN) correspond toutes les activits qui intgrent laugmentation oulinvestissement dans les stocks du capital naturel dansle but daugmenter le flux de biens et services naturelstout en amliorant les aspects relatifs au bien-trehumain (Aronson et al., 2006). linstar de lcologie dela restauration, la RCN a pour intention lamlioration dela sant et de la capacit de rsilience des cosystmes(Clewell et Aronson, 2006, 2007). Cependant, la RCNrpond galement aux attentes socio-conomiques deshommes.

    La RCN peut inclure, mais nest pas limite : la restauration des cosystmes terrestres et aquatiques ; lamlioration cologique durable des terres soumises

    aux pratiques agricoles ou toutes autres activits degestion ;

    la promotion de lutilisation durable des ressourcesbiologiques ;

    la mise en place ou mise en valeur des activits etcomportements socio-conomiques qui incorporentdes considrations environnementales et la gestiondurable du capital naturel dans leurs activitshabituelles.

    Comme il a t dit prcdemment, la restaurationcologique a pour but le rtablissement de la productivitet lamlioration de la biodiversit, de la stabilit et de lacapacit de rsilience des cosystmes dgrads. Cecipeut tre ralis travers la restauration des fonctions(i.e. ensemble des biens et services) des cosystmes.

    Il est difficile didentifier le rle majeur que jouent cesfonctions sur la stabilit des socits humaines avantque celles-ci ne soient dgrades. Un moyen de mettreen vidence leur importance est didentifier les effets

    conscutifs leur dgradation. En milieux arides etsemi-arides, Le Hourou (1995) rsume les consquencescologiques de la dsertification en huit effets :

    1. Rduction de la production de matire organiqueet dincorporation la litire ; ce qui entrane une

    baisse de la productivit et de la fertilit des sols et descosystmes.2. Mise en place dune crote de battance : pellicule qui

    se forme la surface des sols dnuds sous limpact desgouttes de pluie et empche la pntration de leau etdes graines dans le sol.

    3. Mise en place dune pellicule biologique : crotedalgues, de lichens ou de mousses qui joue un rlecomparable la crote de battance.

    4. rosion mcanique sche due lentranement desparticules le long des pentes sous leffet de la pesanteur.Elle rsulte de labours rpts sur de fortes pentes.

    5. rosion olienne.

    6. Dpt olien : formation de dunes de sable ou dargilesuite lrosion olienne.

    7. rosion hydrique.8. Salinisation dorigine anthropique : phnomne

    rsultant dune irrigation inadapte qui entrane lastrilisation des sols.

    La restauration de ces fonctions est un processuscomplexe. Des cadres conceptuels de travail, oumodles, existent pour faciliter la comprhension etla communication entre les diffrents acteurs de larestauration. Par exemple, le modle TTRP, propos

    par Tongway et Ludwig (2007a et b), a prouv son utilitdans la rsolution de problmes environnementaux enAustralie.

    L

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    Prparation dun champ dezadans la provincedu Yatenga au Burkina Faso. Le zaest une

    technique traditionnelle de prparation dusol qui consiste faire des trous avec un petit

    amnagement pour rcuprer un peu deau deruissellement, puis dy semer les graines de milou de sorgho afin de rendre moins sensibles les

    semis en cas de pluviomtrie irrgulire.E. Hien IRD

    Quest-ce que la restauration du capital naturel ?

    Le modle TTRP ou comment fonctionneun cosystme pastoral en zone semi-aride

    Pour faciliter la restauration des fonctions de paysages pastoraux enzones semi-arides, Tongway et Ludwig ont mis en place un cadre detravail conceptuel. Ce modle est appel Trigger-Transfer-Reserve-Pulse (TTRP) ( gchette transfert rserve battement ). Il estbas sur deux caractristiques principales des rgions semi-arides :(i) une forte htrognit spatiale et temporelle de la disponibilitdes ressources et (ii) une pluviosit faible et imprvisible.

    Le modle TTRP met en vidence certains processus traverslesquels le capital naturel est form. Il permet une reprsentationsimplifie des tapes de sa formation. Il permet ainsi didentifier quel niveau la restauration peut prfrentiellement avoir lieu. Unvnement gchette , comme une pluie, initie les processus detransfert de leau : la perte et la mise en rserve. Si les rservesen eau sont suffisantes, la croissance des plantes, accompagnede production animale et de minralisation microbienne, est initie. De nombreux processus biologiques, chimiques et physiquessont alors enclenchs tels que la formation de matire organique,la fixation de lazote, la squestration du carbone, les activits

    microbiennes et de la macrofaune ainsi que la transformationdes nutriments du sol. Ces processus permettent laugmentation,la transformation et le recyclage du capital naturel . La cration

    de pores et de galeries par la macrofaune, par exemple, favoriselinfiltration et la disponibilit en eau ainsi que la respiration racinaleet microbienne. De plus, dautres procds biophysiques tels que laformation de patchs de vgtation rduisent la perte en eau et

    favorise sa rtention aprs un vnement gchette .Daprs Tongway et Ludwig, 2007a et b.

    Zoom GchetteEx. pluie

    Perte

    BattementEx : vnement de

    croissance des plantes

    Transfertde leau

    Mise en rservede leau

    . coulement, stockage, salinisation. Germination, croissance des plantes,minralisation. coulement vers les rivires, rosion. Consommation dherbe, feu, rcolte. Approvisionnement du pooldegraines, Cycle de la matire organique. Obstruction physique, absorption

    vnement

    vnement

    vnement

    processus

    processus

    Schma adaptde Tongway et Ludwig, 2007a.

    Exemples de processus mis en jeu

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    16 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    La restauration cologique des fonctions des co-systmes en milieux arides et semi-arides doitprincipalement tre focalise sur la restaurationdes flux hydriques, de la fertilit des sols et ducouvert vgtal. De manire gnrale, les projets derestauration lis la lutte contre la dsertificationconsistent rintroduire des plantes rsistantes deforts taux de salinit, la scheresse et la pressionde pturage. Cependant, plusieurs tentatives grandes chelles nont pas russi car les gestionnairesngligeaient des problmes lis aux sols et aux fluxhydriques. De plus, trs souvent, ils ne prtaient pasassez dattention aux conditions socio-conomiques

    du site (comme ce fut le cas, par exemple, dans lesprojets mis en place durant les annes 70 de barragesverts en Algrie, Mainguet et Dumay, 2006). Larestauration cologique est un processus complexequi requiert la participation de nombreuses personnesayant souvent des visions diffrentes dun cosystmerestaur et parfois des intrts conflictuels (SER,2002). De fait, chaque projet de restauration doit treconu et programm en fonction du contexte local.Le support et la participation des populations localessont absolument indispensables au bon droulementdun projet de RCN. Lintrt et le soutien local doivent

    tre suscits par la mise en avant des bnfices issusde la restauration (SER, 2002).

    Pour favoriser limplantation de projets de RCN, ilest important dinsister sur la restauration dunerelation bnfique mutuelle entre les hommes etlenvironnement. Ceci commence par la dfinitionet la communication sur les concepts de biens etservices naturels.

    Les biens et services des cosystmesen zones arides et semi-arides

    Les populations humaines en zones arides et semi-arides sont particulirement dpendantes des biens etservices des cosystmes pour satisfaire leurs besoinsles plus fondamentaux. Les habitants se procurentlessentiel de leurs revenus travers lexploitationdes ressources naturelles. Il y a trs peu de ventede produits manufacturs. Il existe donc une fortedpendance de la population au capital naturel et auxchangements climatiques (Requier-Desjardins, 2007).Par exemple, la production de crales, de btail, deproduits laitiers, de bois de chauffe et de matriaux

    pour la construction dpend de la productivitvgtale, elle-mme dpendante des contraintes eneau.

    De manire gnrale, les services rendus par lescosystmes se divisent en quatre catgories : lesservices de rgulation des processus cologiques,les services de production de biens, les services deprovision dhabitat/support de vie et les servicesdinformation ou bnfices culturels.

    Le tableau suivant, tir du rapport de synthsede lvaluation des cosystmes du Millnaire( Millenium Ecosystem Assessment, MEA) traitant dela dsertification (MEA, 2005), fournit la liste desservices naturels cls en zones arides et semi-arides.

    La dgradation et la diminution des biens et servicesnaturels ont un cot socio-conomique vident pourles populations humaines travers la dtriorationdes conditions de vie. Afin daugmenter ces services,il est ncessaire dvaluer financirement (1) limpactde leur dgradation et (2) les cots et bnfices lis auxprojets visant la restauration durable des cosystmes(Requier-Desjardins, 2007 ; Requier-Desjardins, Bied-Charreton M., 2006). Ceci peut tre ralis traversla mesure de la qualit et de la quantit des biens etservices rendus par les cosystmes. Dans le but defaciliter la discussion entre cologues et conomistes,

    on parle alors de mesure du stock de capital naturel.Les notions de base relatives lvaluation financiredu capital naturel sont discutes dans le chapitresuivant.

    Services cls des cosystmes en rgions sches

    Daprs MEA, 2005.

    Services dappro-visionnement

    Services dergulation

    Services culturels

    Produits drivsde la production

    biologique :nourriture, bois,fibres, boisde chauffe,mdicaments

    Eau potable

    Rgulation etpurification de

    leau Pollinisation et

    dispersion desgraines

    Rgulationclimatique locale(par le biais ducouvert vgtal)et globale (par lasquestration ducarbone)

    Loisir et tourisme Identit et diversit

    culturelle Paysages et

    patrimoine culturel Savoir traditionnel Services spirituels,

    esthtiques etintellectuels

    Services de maintien

    Formation et conservation du sol

    Production primaire Cycle de formation des nutriments

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    Restauration du capital naturel des broussestigres en Australie

    Un projet de restauration du capital naturel en zones semi-arides aeu lieu de 1996 2007 dans la partie ouest des Nouvelles-Gallesdu Sud en Australie. Son objectif principal tait de restaurer uncosystme stable et productif afin dassurer la viabilit conomiquedes exploitations locales (levage bovin). Pour cela, il tait ncessairede restaurer les fonctions du paysage pastoral en intgrantsimultanment les principes de lcologie et de lconomie.

    Le paysage y est constitu naturellement de brousses tigres .Ce type dcosystme existe galement en Afrique de lOuest etau Mexique. La vgtation est structure en bandes boises etherbeuses alternes de sol nu. Cette structure typique des broussestigres permet une distribution optimale des ressources, notammenthydriques, et donc la formation dun paysage productif.

    Le paysage est dgrad dans cette zone par le pitinement et lesurpturage des troupeaux. Cette situation est courante dans leszones situes prs des points deau artificiels o les troupeauxtraversent et broutent tous les jours. Au fur et mesure, les processusfonctionnels de la brousse tigre disparaissent, empchant ainsi lestockage de leau dans le sol et favorisant la dsertification du milieu.Finalement, ces zones de pturage deviennent trs peu productiveset restent domines par des espces de plantes phmres, debasse qualit nutritive, qui poussent par -coup en rponse auxpluies occasionnelles.

    Les deux photographies suivantes illustrent dune part un paysagefonctionnel de brousse tigre o le capital naturel est form et stock,et, dautre part, un paysage dgrad o le capital naturel est perdu travers lrosion du sol et la mortalit des plantes.

    Cette photo reprsente un paysage o beaucoup moins deau est stockedans le sol au cours du temps. Cest un paysage qui se dsertifie et o lesarbres vont finir par disparatre. La zone herbeuse est domine par desespces phmres faible valeur nergtique qui poussent rapidementaprs une pluie. Lcosystme est totalement dysfonctionnel et le capitalnaturel est perdu au cours du temps ( travers la mortalit des plantes oulrosion du sol).

    Daprs Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright 2007 par les

    auteurs. Reproduit avec la permission dIsland Press, Washington, D.C.

    La disposition en bandes transversales du mulga travers les contoursdu paysage a permis la capture efficace des ressources et la restaurationdune rgion abme.

    Daprs Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright 2007 par lesauteurs. Reproduit avec la permission dIsland Press, Washington, D.C.

    Dans le but de stopper le processus de dsertification, un projet derestauration du capital naturel a t dvelopp en accord avec lespropritaires de troupeaux. Il se basait sur le modle TTRP dveloppdans lencadr page 15. Le projet devait tre facilement applicable,peu coteux, et compatible avec les pratiques des fermiers. Il futdonc dcid de rtablir les fonctions de base sur une zone test enutilisant comme modle les processus cologiques et hydrologiquesexistant dans la zone non dgrade. La plante dominante de labande boise, le mulga (Acacia aneura), fut utilise pour rtablir lastructure physique de lcosystme sur une zone test. Des branchesde mulga ont t empiles le long des cordes de manire capturer

    les matriaux lessivs par la pluie et apports par le vent. La bandeboise fut donc rtablie artificiellement. Laccumulation de matrielcaptur encouragea ltablissement dune nouvelle population deplantes prennes. Celles-ci, partiellement protges par la structurepineuse du mulga, furent ainsi capables de supporter la pressionhabituelle du pturage.

    Dix annes plus tard, la densit du couvert vgtal ainsi que lesproprits du sol ont t rtablies sur la zone test. Un tel succs dansle rtablissement du couvert vgtal signifie aussi que le pool degraines dans le sol ntait pas limit.

    Des branches de mulga sont parfois dbites par les propritaires de

    troupeaux dans le but de rduire la comptition entre cette espce etcelles apptes par le btail pour laccs aux nutriments. Les leveurspeuvent donc facilement modifier leurs mthodes habituelles destockage pour disposer les branches dbites de mulga sur les zonesdgrades. Grce cette technique, la productivit du pturageaugmente.

    Cette tude montre quune lgre modification des pratiques degestion peut parfois savrer efficace. La simple disposition desbranches de mulga en bandes transversales a permis une captureefficace des ressources et la rversion du processus de dsertification.Ceci a engendr des bnfices conomiques pour les leveurs tout

    en maintenant/augmentant la biodiversit.Daprs Tongway et Ludwig, 2007a et b.

    Exemple

    17Quest-ce que la restauration du capital naturel ?

  • 8/8/2019 Lacombe Morgane et Aronson James, 2008. La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier

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    18 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    Le s bnfices socio-conomiques de la restaurationdu capital natureldans les zones arides

    e cot conomique, social et environnementalde la dsertification est trs difficile valueret peu dtudes ont t ralises ce sujet

    (Requier-Desjardins, 2007). Les aspects socio-conomiques de la restauration du capital naturel dansles zones touches par la dsertification sont doncvoqus ici dun point de vue gnral. En revanche,les exemples prsents dans ce chapitre illustrent desmthodes dapplication de lapproche RCN qui peuventtre appliques dans le cadre spcif ique de la lutte contrela dsertification.

    valuation montaire du capital naturelet de sa restauration

    Pour favoriser la mise en uvre de projets de restaurationdes cosystmes dgrads, deux types dapprochepermettent dtablir le bien-fond de cette restaurationdun point de vue montaire : (1) lvaluation du cotde la dgradation et (2) lvaluation des cots et desbnfices de la restauration.

    Le dossier thmatique du CSFD n5 (Requier-Desjardins,2007) procure un rcapitulatif des diffrentes mthodesdvaluation du cot macro-conomique de ladsertification en Afrique. Par exemple, afin dvaluerla diminution de la productivit des cultures, une

    valuation du cot de remplacement des nutrimentsdans le sol par des engrais commerciaux a t raliseau Mali. Cette mthode est pertinente uniquement sile capital naturel peut-tre remplac par un substitutmanufactur. Cette substitution a, bien sr, des limites.

    Une autre mthode, issue du Millenium EcosystemAssesment(MEA, 2003), consiste valuer les cots de ladsertif ication en fonction de la division de lespace ruralselon ses usages conomiques principaux (agriculture,fort, etc.). Cela revient valuer le cot de la perte desservices naturels en termes dapprovisionnement en

    nourriture et en bois. Ces mthodes, gnralement peuprcises, puisquelles reposent sur des prix de rfrencetrs variables et des modles assez simplifis, peuvent

    cependant fournir des arguments conomiques plusou moins convaincants en faveur de la restauration ducapital naturel.

    Dans la ligne du Millenium Ecosystem Assessment,les approches dvaluation conomique en termes deservices rendus par les cosystmes sont de plus en plusutilises dans le cadre de la RCN au niveau local.

    Lvaluation montaire du capital naturel nest pourtantpas aisment quantifiable. Beaucoup de servicesnaturels nont pas de prix au sens figur, puisquils

    sont indispensables la vie sur Terre, et, au senspropre, puisquils nont pas de valeurs sur le marchconomique. En effet, pour les raisons que nous avonsvoques prcdemment, dont la non exclusivit etla non rivalit, lvaluation montaire de la majeurepartie du capital naturel et de sa restauration nest pascompatible avec les thories conomiques classiques.Cependant, lHomme a toujours attribu des valeurs certains aspects de la Nature y compris les servicesnaturels. Il est donc possible dintgrer ces valeurs nonmontaires aux lois du march conomique (Rees et al.,2007) par la cration, par exemple, dun march fictif

    (valuation contingente) ou la prise en compte ducot conomique de la pollution (internalisation desexternalits) (Requier-Desjardins, 2007).

    L

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    19Les bnfices socio-conomiques de la restauration du capital naturel dans les zones arides

    La restauration du capital social :un complment essentiel de la RCN

    Afin de consolider lincorporation de lcologie dansla planification et la prise de dcision au niveauconomique, cest--dire faire de lconomie o lanature compte (Aronson et al., 2007a), de nouveauxindicateurs doivent tre dvelopps afin de mettreen vidence linterdpendance entre la sant descosystmes et la qualit de vie des populationshumaines (de Groot, 1992).

    Dans le cadre de lapproche RCN, laugmentation ducapital naturel est couple une augmentation ducapital social. Lobjectif est de favoriser lacceptation parles populations locales dune modification des mthodesde gestion des ressources naturelles. La RCN doit, eneffet, prfrentiellement provenir dune demande localeplutt que de directives nationales.

    La mesure du bien-tre des populations humaines estsouvent, de manire errone, assimile au calcul duproduit intrieur brut (PIB). Or, si le PIB est un excellent

    indicateur de la tail le de lconomie nationale, il nestabsolument pas valable comme indicateur de la qualitde vie ou du bien-tre (Prescott-Allen, 2001).

    Alors que la dgradation des cosystmes soulve des

    problmatiques conomiques et sociales de plus enplus marques (MEA, 2005), la relation entre la qualitdes biens et services environnementaux et la qualitde vie des populations humaines est progressivementmise en avant. De nouveaux systmes de calcul dubien-tre des populations sont construits en termesconomiques, sociaux et cologiques. Ainsi, lindice dequalit environnementale (de Groot, 1992) ainsi que le Well-being Index (WI) sont de nouveaux indicateurspour lesquels la qualit de vie des populations diminueavec celle des cosystmes. Dans ce contexte, leshommes reconnaissent que leur bien-tre et le futur

    dveloppement de leurs socits sont inextricablementlis au bon fonctionnement des cosystmes (Prescott-Allen, 2001).

    Champs de mil au Niger.P. Blanchon IRD

    conomie et cosystmes : le calcul du PIB

    Le PIB est probablement lindicateur conomique le plusimportant utilis par les ministres de la finance dans lemonde. Il correspond au total de tous les revenus (payes,salaires, intrts) gnrs par la production de biens et servicesmanufacturs en une anne. Alors quil est largement interprtcomme un indicateur de la qualit de vie, le PIB est en ralit unconcept troit qui reprsente seulement une mesure de lactivitconomique totale sur une priode donne. Cest pourquoi lePIB a t beaucoup critiqu par les analystes et les thoriciens

    de lenvironnement, car il mesure les bons cts et non les mauvais associs la production et quil ny a donc aucunmoyen de dterminer si lconomie est en train dvoluer demanire durable (citation de Hamilton, 1990, cit par deGroot, 1992).

    Le PIB est mesur par un nombre limit dindicateurs conomiques.Ces indicateurs sont principalement bass sur la mesure desbiens et services manufacturs. Les biens et services naturels nesont pas pris en compte. Pire, une augmentation de la qualitde vie telle quelle est mesure par ce type dindicateurs, seralise souvent au dtriment des biens et services naturels. La

    dgradation de lenvironnement doit alors tre prise en comptedans les systmes de comptabilit nationaux. Ceci peut treralis, par exemple, travers des dductions effectues sur lePIB. Malgr le travail de nombreux spcialistes (Organisationdes Nations Unies, Banque mondiale) depuis une vingtainedannes, aucun consensus international na encore t formul ce sujet.

    Daprs de Groot, 1992 ; Marais et al., 2007 ;

    Requier-Desjardins, 2007.

    Zoom

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    valuation montaire du capital naturelen Afrique du Sud

    Cette valuation montaire des futurs bnfices dun projet derestauration du capital naturel a t mene en 2007 en Afrique duSud dans le Bushbuckridge (BBR), district de la province du Limpopo.Lobjectif tait de dterminer les avantages conomiques dun projetde conservation et de restauration participatif du capital naturelpar rapport un systme de subsistance agricole classique. Le BBRcomprend 235 ha dont 184 ha de terres communales. Les 500 000membres de la communaut utilisent ces terres pour la cueillette etllevage (pas de culture ni dhabitation). Ces terres communales ontfait partie des tristement clbres rserves pour africains noirs lorsdu rgime de lapartheid. La majorit des dgradations a eu lieu cette poque lorsque les habitants, maintenus isols, taient forcsdexploiter leur environnement de manire non durable pour subvenir leurs besoins. Depuis 1994, une dmocratie stable a remplaclapartheid. Cependant, la majorit des habitants de cette rgion vit

    toujours de manire prcaire dans un environnement dgrad.

    Dans la province du Limpopo, la plupart des dgradations se situent prsdes rivires (ici la rivire Klein Letaba). De telles dgradations affectent laquantit et la qualit de leau disponible, la fer tilit du sol et la biodiversit.

    Daprs Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright 2007 par lesauteurs. Reproduit avec la permission dIsland Press, Washington, D.C.

    Dans le but damliorer la qualit de vie dans la zone communale, unplan de restauration a t propos. Ce projet suggre lintgrationde cette zone au parc naturel protg adjacent. La zone communaledu BBR jouxte, en effet, la zone Rooibos Bushveld du Kruger NationalPark(KNP). Ces deux zones ont le mme climat. Elles ont partagla mme vgtation et les mmes communauts animales avantque celles-ci ne soient totalement dcimes dans le BBR. Le KNPest une aire protge de catgorie II (UICN, Union mondiale pourla nature) ; llevage et la cueillette ne sont donc pas autoriss. Enrevanche, le tourisme y est une activit extrmement lucrative.

    Le projet de restauration du capital naturel propos consiste intgrer la zone communale du BBR au KNP en tant quaire protgede catgorie VI (UICN). La cueillette taux durable y serait doncautorise mais pas llevage. Ce projet est priori soutenu par leshabitants. Une estimation de la valeur conomique potentielle (sousles conditions de restauration proposes) et actuelle des biens etservices naturels usage direct de la zone communale a t ralise

    en fonction (1) de la valeur des stocks de capital naturel prsent, (2)de la valeur dusage direct des biens (produits issus de la vente) etdes services (tourisme) et (3) de la valeur dusage indirect des bienset services environnementaux actuels (recyclage des nutriments dansle sol, squestration du carbone) et potentiels (ou valeur dexistence).Seul laspect 2 est discut ci-dessous (pour plus de dtails sur lesaspects 1 et 3, voir Blignaut et Loxton, 2007).

    La valeur de chaque ressource est estime selon son taux de rcoltemultipli par sa valeur dachat sur le march. Le taux de rcoltepotentiel sur lensemble de la zone communale (si celle-ci taitintgre au KNP) est limit par des conditions strictes de durabilit.

    Ce taux ne doit pas dpasser le taux de production de la biomasse.Le taux de production de la biomasse totale au KNP a t estim 3% par an, la moiti de cette production tant constitue defruits consommables. Le taux potentiel de rcolte pour la zone duBBR est donc estim entre 0,5 1% par an dans le cas o celle-ciserait intgre au parc. Le taux de 1% est attribu la plupart desproduits (principalement des produits de consommation couranteet de construction) et le taux de 0,5% est attribu aux produitsayant des options de vente plus limites (produits manufacturs etmdicinaux).

    Exemple

    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides20

    Capital naturel BBR

    (situation actuelle)

    BBR

    (situation potentielle)

    Diffrence

    Millions USD* USD*/ha Millions USD* USD*/ha USD*/ha

    Bois de chauffe 5,7 31,2 3,5 18,9 -12

    Bois de construction 2,7 14,7 4,4 24,0 9

    Produits drivs 0,25 1,3 51,2 278,2 277

    Mdicaments 4,8 25,6 47,1 255,4 229

    Fruits et lgumes 9,3 50,4 1,5 8,2 -42

    Chaume 7,0 38,0 0,61 3,2 -35

    Troupeau 9,4 50,9 0 0 -51

    Animaux sauvages 0 0 4,3 23,4 23,4

    Total 39,15 212,1 112,61 611,3 398,4

    Les valeurs montaires correspondent aux valeurs de lanne 2002/2003.* USD : dollar amricain

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    La valeur conomique actuelle des ressources rcoltes usagedirect est estime 212,1 USD/ha. Les principaux revenus sont issusde la vente de btail, de fruits et lgumes, de chaume et de bois dechauffe. La valeur conomique potentielle des ressources rcoltes usage direct est estime 611,3 USD/ha. Les principaux revenussont issus de la vente de produits mdicinaux et manufacturs quipossdent une forte valeur ajoute. Ces valeurs conomiques sontdes estimations. Cest pourquoi un scnario alternatif, o les valeurspotentielles estimes sont divises par 2, est propos. On obtientalors un taux de retour conomique de 305,65 USD/ha. On peutajouter cela le potentiel touristique de la zone communale aprsson intgration ventuelle au KNP. La valeur conomique du tourismedans la zone Rooibos Bushveld est value 98 USD/ha. Celle-ciest actuellement nulle dans la zone communale du BBR.

    Les estimations montrent que la valeur conomique actuelle du BBRest de 212,1 USD/ha tandis que sa valeur conomique potentielle

    est, au strict minimum, de 305,65 USD/ha. Cette valeur est sous-estime car elle ne tient pas compte de la valeur touristique ajouteni des aspects (1) et (3) de lvaluation voque prcdemment.Lorsque lensemble de ces aspects est pris en compte, la valeurconomique totale estime est de 837,48 USD/ha (et 491,32 USD/ha pour un scnario alternatif minimum).

    Cette tude montre que le type dusage propos pour la zonecommunale du BBR a une valeur conomique potentielle suprieure sa valeur actuelle. Cette tude est base sur lhypothse que lazone puisse tre intgre au KNP, sans changement de propritaireset avec une autorisation de rcolte durable des ressources naturelles.Les habitants du BBR tant favorables cette intgration, cettevaluation montaire peut ventuellement aider la ralisation dece projet.

    Daprs Blignaut et Loxton, 2007.

    Les bnfices socio-conomiques de la restauration du capital naturel dans les zones arides

    Fleur de la famille des Proteaces.Afrique du Sud

    C. Lvque IRD

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    Comment la dgradation de lenvironnement affecte-t-elle les populations humaines ? Et comment larestauration du capital naturel peut-elle engendrerune amlioration du bien-tre social ? La restaurationdes cosystmes dgrads dans les pays pauvres nepourra bnficier dun support local que si elle apportedes rponses claires ces questions (Aronson et al.,2006b ; Aronson et al., 1993).

    Linterdpendance entre la qualit de vie et celle descosystmes est progressivement mise en avant auxniveaux national et international travers des tudescomme celle prsente dans lencadr page 23 (exemplede la Tunisie), et llaboration de nouveaux indicesde bien-tre. Au niveau local, les projets cibls deRCN permettent de rtablir de manire effective unerelation saine et respectueuse des hommes avec leurenvironnement.

    Calcul du Well-being Index :

    lexemple du MaliLe Well-being Index (WI) de Prescott-Allen, ou indice du bien-tre, est construit partir de lintgration de deux composantes :un indice du bien-tre des populations humaines sensu stricto(ou Human Well-being Index, HWI) et un indice du bien-tre descosystmes (ou Ecosystem Well-being Index, EWI).

    Le calcul du HWI intgre un ensemble de donnes regroupesen quatre thmes : la communaut, lquit, la sant et le savoir-faire.

    Le calcul du EWI intgre un ensemble de donnes regroupesen cinq thmes : lair, les terres, lutilisation des ressourcesnaturelles, les espces et les gnes ainsi que leau.

    La structure du WI du Mali est fournie ci-dessous titre dexemple.On peut voir que le WI est situ la limite de la zone marronfonc (mauvais) et de la zone marron clair (pauvre). Sur laxevertical de la figure, la bulle communaut (c) tire le HWI vers lehaut. Ceci est d la prsence dune dmocratie stable et dune

    libert dexpression bien instaures depuis les annes 90. Lesdonnes relatives aux droits de lhomme sont dans lensemblepositives. Bien que cette tendance soit modrer, tant donnla prsence dvnements occasionnels de violence entre lescommunauts ainsi que de brutalit (voire de torture) policire.Les chiffres relatifs aux autres dimensions sont plutt faibles ettirent lindice vers le bas. Ceci est d aux mauvaises conditionssanitaires, une sous-nutrition leve, un taux de mortalitinfantile trs lev et une scolarisation faible.

    En parallle, sur laxe horizontal de la figure, lamliorationde la qualit de vie au Mali est entrave par le mauvais tatdes terres et de la qualit en eau (trs gauche sur la figure).Il y a, en effet, une forte pollution des rivires et des nappessouterraines alors que 40 pour cent des terres cultives sontmodrment fortement dgrades.

    Daprs Prescott-Allen, 2001.

    Zoom

    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides22

    ea .t eess .aa44421

    c

    .s

    .r

    100

    100

    80

    80

    60

    60

    40

    20

    4020

    Mauvais

    Mauvais

    Pauvre

    Pauvre

    Moyen

    Moyen

    quitable

    quitable

    Bon

    Bon

    Bien-tre des cosystmes

    Bien-tredespopulationshu

    maines

    0

    Structure du bien-tre au Mali

    Les cercles noirs montrent les pointssur lchelle des dimensions humaines.

    c = communaut, e = quit, s = sant et population,co = connaissance, r = richesse.

    Les cercles blancs montrent les pointsdes dimensions des cosystmes.

    a = air, t = terre, u = utilisation des ressources,es = espces et gnes, ea= eau.

    Une dimension est derrire une autre (la connaissanceest derrire la richesse). Le HWI malien exclut lquitet son EWI exclut lutilisation des ressources. En effet,

    quit et utilisation des ressources les auraientaugment artificiellement.

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    23Les bnfices socio-conomiques de la restauration du capital naturel dans les zones arides

    Dgradation de lenvironnement etdtrioration du bien-tre : le cas de la Tunisie

    Une tude de cas en Tunisie a montr comment la dgradationde lenvironnement entrane une perte du bien-tre national etcomment, par consquent, cette perte doit tre incluse danslvaluation des cots de la dgradation environnementale. Laperte de bien-tre national y est exprime selon trois formes,chaque type de perte tant ensuite calcul en fonction duncertain nombre dindicateurs :

    1. la perte dun cadre de vie sain ( travers une mort prmature,des problmes de sant accrus, le manque dhygine et dunenvironnement propre, etc.) ;

    2. des pertes conomiques (rduction de la productivit desterres agricoles, perte de revenus touristiques, etc.) ;

    3. la perte dopportunit environnementale (perte des fonctions

    rcratives dun lac, de la plage, de la fort, etc.).

    La mesure de ces diffrentes pertes est incluse dans lvaluationdu cot de la dgradation. Ce type dtude a pour but de mettreen vidence linterdpendance entre la sant des cosystmesdun pays et la qualit de vie de ses habitants. Au niveau national,lobjectif est dencourager la mise en place dune lgislation etde directives gouvernementales favorisant lexploitation durabledes ressources et leur restauration l o cest ncessaire.

    Daprs Sarraf et al., 2004.

    Exemple

    tal sur le march,Mdenine, Tunisie.

    V. Simonneaux IRD

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    24 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides

    Fa ut-il investirdans la RCN en zones arides ?

    a restauration du capital naturel dun site reposesur un quilibre fragile entre de nombreuxfacteurs cologiques et socio-conomiques.

    Lobjectif principal doit tre de maximiser lesbnfices socio-conomiques et environnementauxdans le cadre du dveloppement durable. Certainsdomaines de la RCN restent approfondir, en particulierllaboration des mthodes dvaluation du succs desprojets de restauration et la clarification des mcanismesde financement potentiel de ces projets.

    valuation du succs dun projet de restauration

    Daprs la Socit Internationale pour la Restaurationcologique (SER, 2002), ce sont la nature de la

    dgradation, lattitude du gouvernement, les attentesdes populations locales et les contraintes biophysiquesdun site qui influencent, ensemble, la mise en place desobjectifs et le choix de lapproche pour la restauration.

    Le succs dun projet de restauration dpend, eneffet, de la pertinence avec laquelle les objectifs duprojet rpondent aux attentes socio-conomiques despopulations locales. Cest pourquoi poser la questiondu succs cologique de la restauration nest passuffisant pour assurer la viabilit dun projet sur le longterme. Le succs dun projet de restauration dpendaussi de son potentiel de dveloppement conomique et

    social (Cairns, 2000 ; Geist et Galatowitsch, 1999 ; Higgs,1997).

    Lvaluation du succs des projets de restauration surle long terme est important pour (1) lamlioration desprojets en cours et (2) laide la mise en place des projetsfuturs (Atkinson, 1994). La dmonstration effectiveque les objectifs initiaux dun projet de restaurationont t raliss, permet, en effet, de gagner le soutiendes investisseurs et du public pour la mise en place denouveaux projets (Hobbs et Harris, 2001).

    Cependant, les gestionnaires de projets RCN sont souventconfronts au caractre incertain et imprvisible desprocessus de restauration mis en place (d la nature

    mme des processus cologiques), ainsi quau besoinde mettre en valeur les bnfices souvent intangibles dela restauration. Ceci rend difficile la justification danslinvestissement de projet RCN et lvaluation de sonsuccs sur le court terme.

    Les techniques dvaluation multicritres sont progres-sivement dveloppes pour laide et la justification de

    linvestissement dans la restauration du capital naturel.Les mthodes danalyses multicritres consistent choisirla meilleure stratgie disponible pour atteindre un setdobjectifs pralablement dfinis. Les motivations et lesbnfices de la RCN doivent donc tre clairement mis enavant ds le dbut de la mise en oeuvre des projets.

    Lanalyse multicritres consiste en trois tapes (Rees etal., 2007) :

    1. travailler avec les diffrentes parties intressesafin de dfinir (a) le but dsir pour un projet ou unprogramme, (b) les diffrents critres de succs et

    (c) limportance (pondration) des diffrents critresdvaluation ;

    2. dcider des diffrentes stratgies pour atteindre lesobjectifs, valuer comment chaque stratgie rpondaux critres de succs auparavant tablis, et faire uneslection des meilleures stratgies ;

    3. classer les diffrentes options et faciliter la mise enplace de la stratgie finale.

    On remarquera quil y a toujours des facteurs externestels que la modification des valeurs exprimes par lacommunaut, de nouvelles informations ou des pressions

    politiques, qui peuvent influencer positivement oungativement le bon dveloppement dun projet de RCN(Younget al., 2007).

    L

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    25Faut-il investir dans la RCN en zones arides ?

    En parallle, les projets de restauration ont gnralementdes cots initiaux levs tandis que les bnficesaugmentent plus tard (Aronson et al., 2007a ; Hollet Howarth, 2000 ; Requier-Desjardins, 2007). Cestpourquoi, les initiatives locales de restauration doiventtre couples avec des investissements publics etprivs.

    Le financement de la restauration

    Les mcanismes de financement de la restaurationsont gnralement diviss en deux catgories : lesmcanismes bass sur le concept de pollueurs-payeurs et ceux bass sur le concept de bn-ficiaires-payeurs . Parfois les cots sont partags entreles deux catgories. La dcision finale est politiqueet dpend des diffrentes attentes de chacune descommunauts impliques ainsi que des pouvoirsconomiques en place.

    La capacit dun cosystme dgrad se rtablirdpend de la nature, de lampleur et de la frquencedes impacts subis (SER, 2002). En milieux arides etsemi-arides, la disponibilit en graines dans le sol,la structure et la fertilit du sol et les flux hydriquespeuvent tre trs fortement affects.

    En parallle, les tempratures extrmes, le pturageet le faible niveau dhumidit, entre autres, font queltablissement des plantes est un phnomne trslent mme en labsence de perturbation. Les chancespour un cosystme dgrad de se rtablir sans linter-

    vention de lhomme sont donc trs faibles mme si lepturage et toutes autres formes de perturbation sontstopps (Bainbridge, 2007).

    Les activits de restauration, mme coteuses, y sontdonc particulirement ncessaires.

    La dgradation des terres en milieux arides et semi-arides nest pas un problme exclusivement li auxpays pauvres bien que, comme nous layons voquprcdemment, des conditions de vie prcaires peuventfortement accentuer le processus. La dsertification a

    un impact cologique et conomique dans de nombreuxpays, y compris les plus riches . Il en ressort que la miseen place de systmes dinformation et de lgislation dansles pays du Sud, comme du Nord, est essentielle pourviter daboutir ce type de situation extrme.

    Dsertification rsultant dun sur pturage, Chihuahua, Mexique. ce niveau de dgradation, trs peu de biens peuvent tre produitssans travaux de restauration.

    DaprsA Guide for Desert and Dryland Restoration par David Bainbridge.Copyright 2007 par lauteur. Reproduit avec la permission dIsland

    Press, Washington, D.C.

    Lembauche de demandeurs demploi issus des communauts locales est undes objectifs du programme Working for Woodland en Afrique du Sud,

    dans la province du Limpopo. Les personnes sont activement recrutes etformes pour entreprendre des tches spcialises telles que la construction de

    cltures pour la protection des sites de restauration, la mise en place de mesurespour le contrle de lrosion, lenrichissement du sol, lexclusion des espces

    envahissantes, la rcolte et le semis des graines de plantes indignes ainsi que la

    propagation despces darbres slectionnes pour la plantation.Daprs Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson.Copyright 2007 par les auteurs. Reproduit

    avec la permission dIsland Press, Washington, D.C.

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    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides26

    Restauration participative et adaptativedes zones communales en Afrique du Sud

    Les habitants des zones communales sud-africaines sont trsdpendants des ressources naturelles. Par exemple, la dgradationdes terres peut conduire une diminution svre de la taille destroupeaux et de la disponibilit en bois de chauffe, de plantesmdicinales ou de matriaux de construction. Ainsi, le village dePikoli (Peddie District) voit la densit de deux varits dAcaria karoo(matriel prfrentiel pour le bois de chauffe) diminuer de manirelinaire avec la distance au village. Les femmes, qui habituellementvont collecter le bois, doivent marcher plus longtemps et ont desdifficults trouver des quantits suffisantes. Ou encore, les habitantsde Macubeni (Cap Est) ne trouvent plus de quoi soigner leur btail,les plantes mdicinales tant devenues trop rares.

    Ces exemples illustrent comment, de manire gnrale, la disponibilit

    en nourriture (et en eau) dans les zones rurales communales sud-africaines est de plus en plus compromise suite la dgradationenvironnementale. La dgradation des terres communales estaussi associe des problmes socio-conomiques plus grandechelle, tels quune migration importante et la perte destime desoi, du sens de lidentit locale et du savoir cologique traditionnel.La combinaison de ces diffrents effets ngatifs agit sur la cohsionsociale et entrane un dsintressement des institutions locales et unsupport gouvernemental rduit.

    La restauration du capital naturel de ces zones est ici proposepour attnuer les problmes sociaux lis la dgradation des

    terres. Cependant, la situation de prcarit des habitants empchele dveloppement dinitiatives individuelles. La communautet les institutions gouvernementales (et ventuellement nongouvernementales) doivent donc dvelopper ensemble une stratgiede restauration.

    Les communauts locales doivent tout dabord raliser que lararfaction des ressources naturelles est due (1) une surexploitationau niveau local, (2) la capacit rduite du gouvernement fournirune assistance technique et (3) au changement climatique. Enparallle, lapproche de restauration doit tre centre sur (1) lacapacit des cosystmes fournir des biens et services (ressources,productivit) et (2) leur capacit de rsilience face aux changements

    climatiques.

    Une mthode dapproche a t dveloppe en 10 tapes pour unerestauration participative et adaptative. Cette mthodologie a tlabore pour la restauration des zones communales en Afrique duSud. Cependant les concepts sous-jacents sont gnraux.

    1. Conceptualiser un modle intgr du systme cologique et socio-conomique que lon souhaite restaurer.

    2. Combiner les sources dinformation et de savoir formelles(tldtection) et informelles (traditionnelles).

    3. Identifier ds le dbut les diffrents groupes et individus impliqus

    dans le projet et les intgrer dans les prises de dcision.4. Dfinir une vision claire et partage du systme restaur.

    5. Dfinir une vision claire et partage des futurs bnfices (souventindirects et long terme) issus de la restauration.

    6. Dfinir le rle des responsables cls du projet pour la mise enplace et le suivi du projet.

    7. Encourager la flexibilit et la diversit dopinion entreresponsables afin daugmenter la rsilience du projet et diminuersa vulnrabilit.

    8. Dvelopper des systmes gouvernementaux ou municipaux defacilitation et de formation professionnelle.

    9. Dvelopper les aptitudes professionnelles pour la prise en comptesimultane des processus conomiques, socio-politiques etcologiques en jeu.

    10.Accepter les incertitudes et les bnfices lis une gestionadaptative ( apprendre de ses erreurs ).

    Les deux exemples suivants montrent comment des communautsrurales et dautres institutions peuvent combiner leurs forces pourrestaurer le capital naturel.

    Macubeni (Cap Est), les communauts locales se sont rcemmentmobilises autour dune vision intgrant lutilisation durable desressources et la restauration des cosystmes. Elles exprimentleur vision ainsi : Une meilleure vie pour tous, par la gestiondurable de nos ressources naturelles et manufactures, dans le butdamliorer nos opportunits de vie, notre sant, notre ducationet notre conomie, tout en maintenant nos valeurs culturelles ettraditionnelles, de telle manire assurer un avenir plus prometteuraux habitants de Macubeni. Un comit de direction a