la volonté dans le droit de la filiation: entre vérités...

28
Université Panthéon-Assas Paris II La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités biologique et sociologique Par Ella Cazaux-Debat Sous la direction du Professeur Édouard Verny Troisième année de Licence Double Cursus Droit et Sciences Année universitaire 2016-2017 1

Upload: others

Post on 05-Jul-2020

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

Université Panthéon-Assas Paris II

La volonté dans le droit de la filiation: entre véritésbiologique et sociologique

Par Ella Cazaux-Debat

Sous la direction du Professeur Édouard Verny

Troisième année de Licence Double Cursus Droit et Sciences Année universitaire 2016-2017

1

Page 2: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

Table des matières

Introduction ……………………………………………………………………….....p.3I. Une volonté occultée par la recherche d'un équilibre entre vérités biologique et sociologique………....…........……………………………………………………………………...p.7

A. Une volonté écartée par la prééminence de la vérité biologique…………..p.71. La place limitée de la volonté dans l'établissement non contentieux de la filiation

….......…..……………………………………………………………………………..p.72. La transparence de la volonté face à l'expertise biologique………..p.9

B. Une volonté vacillante au travers de la vérité sociologique ………………p.111. La volonté, élément subjectif de la possession d'état ……………...p.122. Le poids d'une volonté passée en tant qu'obstacle à l'établissement du lien du sang

………………………………………………………………………………………..p.14II. La révélation modérée de la volonté en tant que fondement autonome du droit de la filiation…………………………………………………………………………………….….p.16

A. La reconnaissance ambiguë d'une double volonté de procréation et d'assimilation………….………………………………………………………………………….…p.16

1. La reconnaissance autonome d'une volonté d'assimilation ………..p.162. Une volonté de procréation, fondement certain et contrôlé mais insuffisant

……….…..……..….….……………………………………………………………...p.19B. Les limites d'un modèle volontaire de filiation …………………………...p.21

1. La volonté face à la complexe dualité de la filiation ……………...p.212. Un régime volontaire de filiation, implication du concept d'homoparentalité

………………………………………………………………………………………..p.23Conclusion …………………………………………………………………………..p.25Bibliographie………………………………………………………………………...p.27

2

Page 3: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

« Parce qu'elle est source de la parenté dont elle constitue le chaînon essentiel, la filiationapparaît en effet, avant tout, comme une institution sociale : c'est donc une création en partieartificielle qui combine nature et culture, qui tient compte des contraintes physiologiques mais enles soumettant à des manipulations et des choix d'ordre symbolique ».1 La filiation représente unenotion particulièrement complexe du domaine du droit de la famille de par la dualité présente entreles caractéristiques biologiques et sociologiques qu'elle recouvre. La filiation, telle que définie parle Professeur Bénabent, constitue le lien juridique établi entre l'enfant et ses parents. La complexitéde cette notion provient du fait que la filiation s'appuie avant tout sur un lien biologique, c’est-à-direque la filiation va résulter du fait de l'engendrement d'un enfant par des parents qui lui sont reliés ausens génétique et biologique du terme. Cependant, le droit entourant la filiation ne considère pasuniquement cette conception biologique puisqu'il prend également en compte l'existence de liensaffectifs correspondant au fait de traiter un enfant comme le sien.2 Ces différentes considérationsconstituent un des deux principaux fondements du droit de la filiation, ce dernier reposantessentiellement sur le principe d'égalité, à côté duquel se dresse celui complexe, de vérité. Bien quele principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code civil, celui-ci n'en tient pas une placemoins importante et a toujours été reconnu tant par la jurisprudence que la doctrine comme unfondement primordial du droit de la filiation. Ainsi, le lien de filiation s'est toujours révélé par unerecherche d'équilibre entre ces vérités, parfois complémentaires ou bien contradictoires, que sont lesvérités biologique et sociologique. La vérité biologique représente, sur le fond, une filiationcharnelle, traduction du lien biologique et génétique entre les parents et l'enfant. Si le lienbiologique paternel s'établit par le spermatozoïde, la doctrine a soulevé le dédoublement actuel dulien maternel entre les vérités génétique et utérine faisant suite au développement de la procréationartificielle. La preuve de ce lien biologique reste cependant la preuve du lien du sang provenant del'accouchement de la mère, bien que le futur de ce lien se dessine dans une certaine incertitude. Lavérité sociologique correspond quant à elle à la volonté dite du cœur, c’est-à-dire la volonté detraiter l'enfant comme le sien. Elle se traduit en réalité par le fait d'élever l'enfant mais égalementpar la représentation que se font les tiers de ce lien affectif. Vérité dont la preuve paraît bienévidement soulever des questions plus complexes quant à son établissement.3 Elle est, de plus,souvent analysée comme ayant, à l'inverse de la vérité biologique, un caractère plus changeant, larendant par la même occasion plus incertaine et moins stable.

La place accordée à chacune de ces vérités a considérablement varié au fil dudéveloppement du droit de la filiation. Toute la complexité d'une balance de ces deux vérités endroit de la filiation, tient au fait qu'elles sont en réalité confondues dans la plupart des cas. Ainsi, lavérité sociologique constitue le plus souvent la supposition d'un lien biologique en amont et servirasouvent à le consolider. Ainsi, bien que le droit se refuse à consacrer une prééminence de la véritébiologique, celle-ci prend dans la plupart des cas le pas sur la vérité sociologique. Cette dernière sevoit cependant conserver certaines options lui permettant de révéler son autonomie, preuve de larecherche de la consécration d'un lien affectif pouvant venir contrebalancer une tendance du toutbiologique. Bien que primordial, le principe de vérité a fait l'objet d'une apparition progressive endroit de la famille. A l'origine, l'attention du droit de la filiation était uniquement centré surl'institution du mariage. 4 Le recul du mariage comme modèle traditionnel du droit de la famille acependant fait place à l'apparition du principe de vérité et au développement exponentiel de la véritébiologique. La force majeure de cette évolution a été accordée à la révolution médico-scientifiqueayant vu le jour vers la fin du XXe siècle et ayant conduit aux progrès génétiques rendant

1 J. Hauser et D. Huet-Weiller. La Famille, Fondation et vie de famille, p.213.2 Bénabent, Alain. Droit de la famille. - Deuxième édition. L.G.D.J., 2012. - (Précis Domat Droit Privé). p.339-345.3 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).4 Terré, François et Fenouillet, Dominique. Droit civil : Les personnes _ La famille, les incapacités.- Septième

édition. Dalloz, 2005. - (Précis Droit Privé). p.594.

3

Page 4: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

aujourd'hui possible, par des analyses d'ADN, de connaître avec une quasi certitude le lienbiologique. 5 Devant ses avantages certains, tenant à la stabilité de cette réalité mais aussi à lavolonté qu'elle présuppose en amont et à la reconnaissance d'un besoin psychologique de connaîtreses origines, cette vérité biologique s'est vue par la suite attribuer une importance considérable,consacrée en deux principales étapes. 6 Premièrement, la loi de 1972 a apporté une première pierre àcet édifice par la reconnaissance de l'égalité entre les filiations naturelles et légitimes.7 En ce sens,la filiation légitime découlait du seul fait du mariage du couple tandis que la filiation naturelleconstituait celle s'établissant en dehors de l'institution du mariage et ne pouvait être reconnuelorsqu'elle découlait d'un adultère.8 En effet, une telle égalité ne nécessitait plus de nier la véritébiologique. Cette loi laisse également cependant une place à la vérité sociologique à travers leseffets importants qu'elle attache à la possession d'état; traduisant ainsi cette balance continue entreles deux vérités. La jurisprudence a par la suite consacré l'importance de la vérité biologique,notamment au niveau du contentieux du droit de la filiation. L'arrêt de principe de la Cour deCassation du 28 mars 2000 a consacré la solution selon laquelle « l'expertise biologique est de droiten matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ».9 Ce principeconsacre l'idée d'une démystification du lien du sang10 et concède à la génétique son rôle dans ladéfinition de la notion de parenté. 11L'ordonnance de 2005 parachève l'édifice en finissant deconsacrer le rôle de la vérité biologique et sa suffisance en de nombreuses circonstances, tout ensupprimant les termes de filiation naturelle et légitime du Code civil.12 Dans cette perspective,l'ordonnance de 2005 a été considérée comme créatrice d'un système équilibré concernantl'établissement de la filiation, prenant à la fois en compte la biologie, le rôle du vécu, diversesconsidérations morales, le principe de la paix des familles mais aussi la volonté. 13 En ce sens, cetteordonnance aurait été également à l'origine de la consécration de la volonté en tant que l'« un desfondements traditionnels du droit de la filiation ». 14 Ainsi, face à cette ancienne dualité continueentre vérité biologique et vérité sociologique, la question de la place de la volonté en tant quefondement supplémentaire vient s'élever en droit de la filiation.

A cette fin, la volonté semble devoir se comprendre en tant que la volonté individuelle despersonnes cherchant à voir établir une filiation entre eux-mêmes et un enfant. C'est le rôle de cettevolonté individuelle en tant que rôle créateur ou bien destructeur de l'établissement même du lien defiliation qui doit être considéré. 15 La place de la volonté dans le contentieux de la filiation ne doitpas être écartée. Sa position peut en effet se révéler très différente dans l'établissement contentieuxou la contestation contentieuse du lien de filiation où l'expertise biologique joue un rôle central. 16

Dans le cadre de la recherche de la place occupée par la volonté dans les mécanismesd'établissement ou de contestation de la filiation, c'est plutôt la volonté déclarée, voire la volontéexpresse en tant qu'élément d'extériorisation de la simple volonté interne et psychologique qui doitêtre prise en compte. Plus précisément, ce sont dans les opportunités de la reconnaissance juridiquede cette volonté et de ses effets produits sur l'établissement ou la contestation du lien de filiation

5 A. Bénabent . Droit de la famille, p.339-345.6 Fenouillet, Dominique. Droit de la famille. - Troisème édition. Dalloz, 2013. - (Cours Dalloz). p.329.7 Loi n° 72-3 du 3 janvier 1972. 8 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).9 Cass. 1re civ, 28 mars 2000. N° de pourvoi 98-12806.10 Raoul-Cormeil, Gilles. « La part du temps dans le droit de la filiation ». Petites affiches, 2007, n°132, p.7.11 Batteur Annick. « Recherche sur les fondements de la filiation depuis l'ordonnance du 4 juillet 2005 ». Petites

affiches, 2007, n°122, p.6.12 F. Terré et D. Fenouillet. La famille, les incapacités, p.596.13 Op cit note 12, p.610.14 Mauger-Vielpeau, Laurence. « La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau (A propos de l'ordonnance

n°2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation) ». Petites affiches, 2007, n°128, p.3. 15 Ibid note 14.16 Cass. 1re civ, 28 mars 2000. N° de pourvoi 98-12806.

4

Page 5: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

que la place de la volonté sera par la suite considérée.

La doctrine se réfère la plupart du temps à une triade pour définir les fondements du droit dela filiation et, si le contenu de cette triade semble sujette à certaines variations, les mêmes élémentsde définition peuvent la plupart du temps être retrouvés. Certains auteurs de doctrine reconnaissentl'exercice difficile du droit contemporain dans la recherche des poids respectifs à donner à « lafiliation biologique, la filiation voulue et la filiation vécue ». 17 D'autres auteurs considèrent quant àeux que la triade permettant dorénavant d'offrir une « vision désormais complète de la filiation » setrouve constituée des fondements que sont la biologie, la volonté et le temps. 18 Cependant, il estpossible de se demander si la référence au temps dans cette dernière triade ne se chevauche pas toutsimplement avec l'idée du principe de vérité sociologique. En effet, c'est avant tout par l'action dutemps que la possession d'état devient à même d'acquérir un poids suffisant, permettant ainsid'admettre l'établissement du lien de filiation sur la considération de la vérité sociologique.19 Onretrouve ainsi finalement les trois idées clefs de la filiation : la biologie, le vécu et la volonté. Cettetriade semble s'illustrer tout particulièrement dans les deux objectifs du droit de la filiation : lagarantie de la paix des familles et la protection du droit à la connaissance des origines. La véritésociologique et la volonté sont à cette fin souvent considérées comme le ciment de la paix desfamilles. La vérité biologique est, quant à elle, justifiée par le droit d'accès aux origines. 20 A cettefin la volonté doit être distinguée de la vérité sociologique, car si elles se recoupent elles ne seconfondent pas. La vérité sociologique s'exprime essentiellement par la possession d'état qui estl'expression continue de la volonté d'élever un enfant comme le sien. Cependant, ce mécanismetient sa particularité du fait qu'il ne permet pas d'établir ab initio la filiation ; contrairement à lavolonté qui peut posséder cette capacité par les mécanismes de l'adoption ou de la reconnaissance,cette dernière jouant pour les filiations naturelles.21 La volonté semble ainsi se recouper tant avec lavérité sociologique que biologique et, si elle est la clef de certains mécanismes permettant d'établirla filiation dans le champ d'application de chacune de ces vérités, les autres modes de filiationsartificielles la révèlent en tant que fondement autonome. Ces trois fondements de la filiation sontdonc bien distincts et la question de la place de la volonté n'en devient que plus intrigante.

Si on la regarde d'une perspective autonome, la question de la prise en compte de la volontéen tant que fondement de la filiation renvoie la plupart du temps à l'idée du mécanisme del'adoption. Dans les différents dispositifs permettant d'établir la filiation, l'adoption est en effetconsidérée comme « la filiation volontaire par excellence » en tant que c'est la seule manifestationde la volonté des individus qui permet d'établir une filiation entre deux personnes étrangères l'une àl'autre d'un point de vue biologique.22 Cette filiation élective s'est vue attribuée une place de plus enplus importante et favorable au fil des législations successives venant réformer le droit de lafiliation. A l'origine réservée au couple marié, elle a par la suite été ouverte aux personnescélibataires par la loi du 11 juillet 1966 et est aujourd'hui ouverte aux couples mariés de même sexedepuis la loi du 17 mai 2013. 23 Elle semble ainsi s'éloigner de sa fonction de « filiation d'imitation »dont elle était désignée à l'origine.24 Le modèle volontaire de la filiation par adoption semble ainsiouvrir des perspectives intéressantes pour de futurs réflexions sur les développements d'un droit de

17 A. Batteur. Recherche sur les fondements de la filiation depuis l'Ordonnance du 4 juillet 2005. 18 G. Raoul-Cormeil. La part du temps dans le droit de la filiation. 19 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).20 Sarcelet, Jean-Dominique et Bohuon, Capucine. « Filiation et Famille : une vérité qui dérange ». Recueil Dalloz,

2009, n°43, p.2876-2882.21 Fulchiron, Henri. Parenté, Filiation, Origines _ Le droit et l'engendrement à plusieurs. Bruylant, 2013. « Parenté,

filiation, origines : un nouveau monde en gestation ». p.7-11.22 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau. 23 Loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption & Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le

mariage aux couples de personnes de même sexe.24 Expression employée par le Professeur J. Carbonnier.

5

Page 6: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

la famille où le fondement biologique semble faire face, dans une certaine mesure, à une remise enquestion.

La place de la volonté ne peut cependant être restreinte au seul mécanisme de l'adoption. Carsi elle ne semble pas jouer un rôle majeur lorsqu'il est question de la filiation dite naturelle, lavolonté reste en réalité un principe en permanence sous-jacent. 25 La question de la place de volontéest d'autant plus complexe qu'elle semble différer selon le type de filiation envisagé. En effet, si ellesemble occultée en grande partie quand il s'agit de la filiation dite naturelle, elle retrouve de sonéclat lorsque rentrent en jeu les filiations dites artificielles, qu'il s'agisse de la filiation parprocréation artificielle ou de la filiation adoptive, généralement désignées toutes deux à travers cettecatégorie. 26 En effet, l'établissement de la filiation dans le cas de l'assistance médicale à laprocréation (AMP) a été considéré comme la consécration d'une double volonté de procréation etd'assimilation. 27 En comparaison, le modèle de filiation adoptif se rapprocherait plutôt de lareconnaissance d'une seule volonté d'assimilation. La reconnaissance de cette volonté semblecependant se voir conférer des solutions juridiques différentes. En effet, si la filiation adoptive, depar sa définition de « filiation d'imitation »28, s'est vue attribuer dès l'origine une procédureparticulière et autonome se démarquant des modes traditionnels de filiation, les règles s'appliquant àl'assistance médicale à la procréation recherchent plutôt à calquer l'établissement de la filiation surle modèle de la filiation naturelle tout en tentant d'occulter la singularité de la situation. 29 Lavolonté dispose ainsi de solutions juridiques différentes pour sa reconnaissance, prouvant toutel’ambiguïté et l'incertitude de sa place dans le droit de la filiation. Incertitude d'autant plus grandedu fait de ce que la doctrine qualifie de perte progressive de référence du modèle procréatif. Car sile modèle de la filiation était jusqu'à présent resté ancré dans la réalité de la biologie, les questionsdes développements de l'assistance médicale à la procréation et les questions concernantl'homoparentalité semblent tendre vers un abandon du modèle procréatif traditionnel. Se pose alorsla question d'un renouvellement de la place de la volonté face à ce progressif écartement en fait dela vérité biologique. En effet, l'homoparentalité semble nécessiter un certain réaménagement desfondements du droit de la filiation afin de pouvoir devenir un concept pleinement opérationnel etainsi éviter une discrimination des couples mariés fondée sur le sexe.30

Au- delà de la place de la volonté dans les filiations artificielles, on peut se demander si lavolonté ne bénéficie pas dans une certaine mesure d'une quelconque reconnaissance en ce quiconcerne la filiation par procréation naturelle. Si dans l'établissement de la filiation naturelle, saplace reste difficile à envisager lorsque est prise en considération la prévalente vérité biologique, lavérité sociologique semble dans un sens lui laisser plus de marge. La question de l'articulationprécise de la volonté avec les vérités biologique et sociologique semble ainsi primordiale.

Dans quelle mesure la volonté peut-elle se voir attribuer une reconnaissance juridique entreles vérités biologique et sociologique, fondements du droit de la filiation ?

Le droit actuel de la filiation semble se consacrer en plus grande partie à la balance desvérités biologique et sociologique, que ce soit dans l'établissement du lien de filiation ou dans sacontestation. En revanche, si la volonté semble ainsi reléguée à un rang quelque peu sous-jacentdevant la recherche de cet équilibre entre les deux vérités (I), il n'apparaît pas impossible dereconnaître qu'elle est sujette à une certaine consécration autonome, notamment dans la perspectivedes filiations artificielles (II).

25 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau.26 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).27 Cornu, Gérard. Droit Civil, La famille. - Neuvième édition. L.G.D.J., 2006. - (Précis Domat Droit Privé).28 Expression employée par le Professeur J. Carbonnier.29 Murat, Pierre. Parenté, Filiation, Origines _ Le droit et l'engendrement à plusieurs. Bruylant, 2013. « Passer par la

filiation ou dépasser la filiation ». p.259-271.30 Rouvière, Frédéric. « Le concept d'homoparentalité : une analyse méthodologique ». Gazette du Palais, 2013, n°66.

6

Page 7: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

I. Une volonté occultée par la recherche d'un équilibre entre vérités biologique et sociologique

En ce qui concerne l'établissement des filiations dites naturelles, la place principale sembleêtre laissée aux soins des vérités biologique et sociologique, la volonté n'intervenant que comme unprincipe largement sous-jacent. Si cette dernière paraît occultée lorsqu'il s'agit du champd'application de la vérité biologique (A), un grade plus important lui est reconnu à travers la véritésociologique, bien que sa place y reste tout de même chancelante (B).

A. Une volonté écartée par la prééminence de la vérité biologique

Le professeur Terré soulignait que « la science a apporté à l'homme la connaissance » maisque « c'est au droit qu'il appartient d'apporter aux questions qui en résultent les réponses adaptées autemps ». 31 Ainsi c'est avant tout parce qu'elle a été consacrée par le droit que la biologie possèdeune place primordiale en droit de la filiation, et que, ce dernier repose sur l'idée principale que lelien juridique de filiation doit être l'expression de la vérité biologique. 32 La place laissée à la véritébiologique en droit de la filiation tient en premier lieu aux avantages non négligeables offerts par sastabilité. En effet, la vérité biologique s'appuie sur des réalités considérées comme immuables, quesont l'hérédité et la gestation. 33 L'engendrement naturel est à cette fin considéré comme une réalitéstable et par la même occasion supposant une volonté de parenté en amont.34 Il est ainsi supposésubvenir à la protection de l'intérêt de l'enfant en lui garantissant une famille dans laquelle il étaitvoulu et attendu. L'idée de la volonté semble cependant être plus complexe à tirer du seul fait del'accouchement suite aux développements de la procréation artificielle et des questions liées à lagestation pour autrui qui tendent à la question de savoir si le droit de la filiation ne ferait pas face àun glissement de cette volonté d'être mère, de l'accouchement vers l'ovocyte. C'est cependanttoujours l'accouchement qui déclenche la déclaration de l'enfant à l'état civil par l'acte de naissanceet suffit à établir la filiation maternelle. A cet égard, l'accouchement peut ainsi être défini commeétant « sociologiquement le fait biologique à l'origine de la parenté ».35 La volonté peut cependantvenir se dresser en obstacle à la vérité biologique qui connaît quelques limites bien définies. Celles-ci comprennent ainsi tout particulièrement la volonté maternelle de ne pas voir établir son lien defiliation à l'égard de l'enfant. 36Ainsi, si l'accouchement peut supposer la volonté d'être mère ou laconsécration d'un projet parental, la volonté maternelle peut s'exprimer dans le sens contraire del'établissement d'un lien de filiation. Cet ensemble de considérations dénote l'importance de la véritébiologique en droit de la filiation, mettant par la même occasion en lumière l'incertitude de la placeexacte de la volonté à son égard. Car bien qu'elle ne soit pas reconnue en tant que fondement à partentière, son intervention n'en reste pas dépourvue de conséquences juridiques. En effet, son rôle,quoique limité et largement sous-jacent, semble reconnu dans l'établissement non contentieux d'unefiliation naturelle. Cependant le droit à l'expertise biologique en contentieux semble plutôt rendrecette volonté transparente.

1. La place limitée de la volonté dans l'établissement non contentieux de la filiationDans le domaine de la filiation naturelle, deux dispositifs permettent d'établir le lien de

filiation en s'attachant à la vérité biologique : la loi et la reconnaissance. Lorsque le lien de filiationest établi par l'effet de la loi, les filiations maternelles et paternelles disposent de mécanismesdistincts. La filiation maternelle sera établie par l'acte de naissance, tandis que la filiation paternellesera, dans le cas de couples mariés, établie par la présomption de paternité. La volonté, occupe en

31 F. Terré Les chemins de la vérité. Sur les tests ADN.32 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).33 F. Terré et D. Fenouillet. La famille, les incapacités, p.598.34 D. Fenouillet. Droit de la famille, p.329.35 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.36 Accouchement sous X défini à l'article 326 du Code civil.

7

Page 8: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

l'espèce une place différente dans ces dispositifs fondés sur la biologie. En effet, la volonté expresseest écartée lorsque l'établissement de la filiation se fait par l'effet de la loi mais elle se traduit àtravers le mécanisme de reconnaissance et du refus d'établir le lien de filiation.

Tout d'abord, l'expression de la volonté parentale ne trouve pas sa place lorsquel'établissement se fait par l'effet de la loi, ce type d'établissement de filiation étant uniquement fondésur la vérité biologique. La filiation maternelle s'établit principalement par l'acte de naissancementionné à l'article 55 du Code civil. Dans ce cas la volonté maternelle paraît uniquement êtreprésumée par l'accouchement. Selon l'article 311-25 du Code civil, l'acte de naissance permet ainsid'établir la filiation maternelle par la seule désignation de l'identité de la mère et de l'enfant. 37 Lavolonté expresse de la mère n'est ainsi pas nécessaire à l'établissement de la filiation par cemécanisme et la reconnaissance joue désormais un rôle pour le moins accessoire depuisl'introduction de cet article offrant une filiation quasi-automatique par l'ordonnance du 4 juillet2005.38 Il en est de même quant à l'établissement de la filiation paternelle par le mécanisme de laprésomption de paternité, déclenché par l'acte de naissance, dans le cas de couples mariés. Cemécanisme est mentionné par l'article 312 du Code civil, qui dispose que « L'enfant conçu ou népendant le mariage a pour père le mari ». La présomption de paternité permet de recouvrir trois cas,la filiation pouvant être établie pour l'enfant : conçu et né pendant le mariage, conçu pendant lemariage mais né après la dissolution du mariage, ainsi que l'enfant conçu avant mais né après lacélébration du mariage. 39 Ces trois situations soulignent bien l'attachement de la présomption depaternité à la vérité biologique, en tant qu'elle est avant tout fondée sur la période légale deconception de l'enfant. Dans ce cas, elle ne pourrait être liée à la notion de volonté qu'en tant qu'ellesupposerait une volonté anticipée au moment du mariage. Cette présomption peut ainsi être écartéesi la période de conception légale de l'enfant, fondée sur des données biologiques, a été calculéetombant sur une période de séparation légale du couple. 40 Le fait que cette présomption nes'applique pas aux couples mariés de même sexe souligne également son caractère essentiellementbiologique.41 Un des cas de rétablissement de la présomption de paternité suite à son écartement suitle même chemin. En effet, elle pourra être écartée suite à une action en justice dans laquelle il seraitprouvé que le mari est bien le père de l'enfant par une expertise biologique. Néanmoins, un secondcas de rétablissement de la présomption de paternité du mari tient à la reconnaissance, mécanismepermettant d'introduire la composante de la volonté aux côtés de la biologie dans ces filiationsnaturelles.42

En ce sens, la reconnaissance est un acte juridique permettant l'expression de la volonté dese rattacher à un enfant. Elle joue essentiellement pour la filiation paternelle, celle-ci ne pouvantêtre établie par la seule mention de l'identité du père dans l'acte de naissance. Son utilité à l'égard dela filiation maternelle se révélera uniquement dans le cas où l'identité de la mère n'aurait pas étémentionnée dans celui-ci. L'intérêt de la reconnaissance quant à l'expression de la volonté se révèleessentiellement quant à son caractère divisible. En effet selon l'article 316 du Code civil, lareconnaissance ne permet l'établissement de la filiation qu'à l'égard de son auteur. C'est donc lavolonté expresse de chacun des parents qui est ainsi considérée par ce type d'établissement defiliation. Elle est ainsi souvent considérée comme un aveu personnel de paternité ou de maternité. 43

Cependant, la limite de l'expression de cette volonté repose sur le fait que, n'étant pas encadrée de

37 Article 311-25 du Code civil : « La filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant. »

38 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau. 39 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).40 Article 313 du Code civil. 41 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).42 Ces deux cas de rétablissement de la présomption de paternité sont établis par l'article 315 du Code civil.43 H. Fulchiron. Parenté, filiation, origines: un nouveau monde en gestation. p7-11.

8

Page 9: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

délais, la reconnaissance peut intervenir bien après l'établissement de l'acte de naissance.Seulement, afin d'être effective, elle doit être conforme à celui-ci à travers l'identité des parents, etsurtout dans ce cas l'identité du père, qu'il indique. Ainsi, si la reconnaissance est bien conforme àl'acte de naissance, la filiation pourra être établie mais si elle est contraire, s'élève alors un conflit depaternité qui sera tranché en fonction de la vérité biologique. 44 Encore une fois, la vérité biologiquevient dans un certain sens supplémenter et contrôler l'expression de la volonté.

La volonté retrouve cependant de la consistance quant au refus de l'établissement de lafiliation. En effet, si la déclaration des naissances est obligatoire tel qu'en dispose l'article 55 précitédu Code civil, les parents peuvent choisir le silence sur le lien de filiation sans que ceci soitsanctionné. 45 Il est donc à la libre volonté des parents de refuser d'établir le lien de filiation et cettevolonté est encore une fois dissociable. Le refus maternel d'établir le lien de filiation se révèle àtravers l'accouchement sous X, autorisé par l'article 326 du Code civil disposant que : « Lors del'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soitpréservé. ». Tranchant avec la vérité biologique, la volonté maternelle peut ainsi s'exprimer à traversle refus de voir une filiation s'établir avec l'enfant. Dans ce même cas, la volonté paternelle peuts'exprimer en sens contraire par une reconnaissance prénatale et voir ainsi sa filiation se voir établirde son côté auprès de l'enfant. 46

Bien que sa place soit limitée dans l'établissement non contentieux de la filiation naturelle, lavolonté trouve cependant des moyens d'expression. Son rôle semble cependant essentiellementlimité dans le cas de couples non mariés où la reconnaissance peut jouer, dans le refus d'établir unefiliation ou lorsque que les volontés parentales ne s'accordent pas. La reconnaissance de la volontéreste ainsi sous-jacente, celle-ci se trouvant d'autant plus écartée dans le contentieux de la filiationqui, par la prévalence qu'il accorde à la vérité biologique, la rend quasiment transparente.

2. La transparence de la volonté face à l'expertise biologique A la différence de l'établissement non contentieux prenant en compte divers fondements, le

contentieux de la filiation a pour unique objectif la détermination du lien biologique. Au niveaucontentieux, les actions en constatation et en contestation de filiation doivent être distinguées. Lapremière catégorie correspond aux actions qui vont chercher à établir la filiation. La particularité deces actions tient au fait qu'elles ne peuvent être intentées que dans le cas où la filiation n'a pasprécédemment été juridiquement établie, et ceci par respect du principe de chronologie défini àl'article 320 du Code civil. 47 Dans le cas contraire, une action en contestation de filiationvictorieuse serait nécessaire en amont. Ainsi, on trouve par exemple l'action en recherche dematernité définie à l'article 325 du Code civil. Cette action est cependant très rare du fait quel'enfant aura été la plupart du temps rattaché juridiquement à une femme, par une adoption plénièrepar exemple. L'action en constatation de paternité correspond à une option plus fréquemmentutilisée en contentieux de la filiation. Elle peut être réalisée dans le cas d'une paternité hors mariage48 ou en mariage et ainsi correspondre dans ce dernier cas à une action en rétablissement de lapaternité du mari. Il a ainsi été considéré que ces deux cas démontrent « l'inclinaison de la volontépaternelle devant la biologie et la volonté de la mère ».49 La volonté pourrait ainsi se voir expriméedans l'imposition d'une filiation judiciaire. Elle ne représenterait cependant pas le fondement de lafiliation qui en résulterait, les preuves de ces actions en constatation de filiation se faisant le plus

44 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).45 F. Terré et D. Fenouillet. La famille, les incapacités, p.607.46 Ibid note 44.47 Article 320 du Code civil : « Tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle

à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. ».48 Hypothèse correspondant à l'article 327 du Code civil. 49 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau.

9

Page 10: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

souvent par des expertises biologiques. Il en est de même des actions en contestation de filiation,car si celles-ci ont pour effet la disparition rétroactive du lien de filiation lorsqu'elles sontvictorieuses, elles se fondent sur le fait de démontrer l'inexactitude du lien biologique. 50

Malgré cet objectif de détermination de la réalité biologique, la preuve en contentieux de lafiliation est avant tout libre comme l'énonce l'article 310-3 du Code civil. Cependant, la preuve serarapportée dans la plupart des cas par l'expertise biologique. En effet, par son arrêt rendu le 28 mars2000 en sa 1ère chambre civile, la Cour de cassation a consacré la solution selon laquelle :« l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de nepas y procéder ». 51 Cette solution est compréhensible du point de vue du fait que le juge, dans unconflit de filiation, peut ainsi être à même de disposer d'une « vérité objective scientifiquementétablie ».52 L'expertise biologique peut uniquement être réalisée sur la demande du juge qui appréciesa nécessité. De plus, selon l'article 16-1 du Code civil, une personne n'est pas obligée de sesoumettre à une telle expertise. Cependant, le juge pourra interpréter librement le refus de s'ysoumettre en tant qu'un élément tendant vers une preuve de paternité ou de non paternité, et ce enconsidération des autres pièces versées au dossier et des circonstances. 53 La Cour européenne desDroits de l'Homme, pose à l'égard de ces expertises biologiques certaines questions quant au cheminqu'elle semble emprunter par sa jurisprudence. Dans son arrêt Pascaud contre France, la Cour avaitsouligné la balance nécessaire devant être réalisée entre « l'intérêt vital [des personnes] à obtenir lesinformations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leuridentité personnelle » et « la nécessité de protéger les tiers » par le fait de ne pas les contraindre à sesoumettre à des tests ADN. Dans cet arrêt, la cour avait cependant considéré que la balance de sesintérêt n'avait pas été ménagée du fait d'avoir laissé des contraintes juridiques, en l'espèce l'absencede consentement exprès d'un père à une expertise, primer sur la réalité biologique dont la preuvedéterminante était apportée par ces expertises.54 Cette solution semble ainsi soulever des questionsquant au consentement des personnes à l'égard des expertises biologiques. 55 Les motifs légitimes dene pas procéder à une telle expertise sont la plupart du temps des circonstances d'évidence commeune inutilité de la mesure, l'irrecevabilité de l'action ou l'impossibilité d'exécution de la mesure. 56

De même, les circonstances entourant une demande d'expertise, formulée par un frère lors d'unecontestation de paternité à l'égard de sa sœur soixante ans après la reconnaissance paternelle ayantétablie la filiation, uniquement motivée par des motifs financiers et eu égard aux conséquencesdéstabilisatrices qu'elle pourrait avoir sur une personne âgée, ont été considérées comme un motiflégitime de ne pas procéder à une telle expertise. 57 Seules des circonstances particulières semblentainsi justifier l'écartement de ce mode de preuve. Le poids de l'expertise biologique peut égalementêtre accentué par le fait qu'elle est également considérée de droit dans les cas d'actions à fin desubsides, alors même que cette action ne cherche pas à établir une filiation mais uniquement àoctroyer des ressources à un enfant dont la filiation paternelle n'est pas établie, ceci par la preuve derelations sexuelles entretenues entre un homme et la mère de l'enfant. 58

Si uniquement un nombre très limité de motifs légitimes ou du moins des circonstancesparticulières semblent faire obstacle à l'expertise biologique, son utilisation ne peut toutefois être

50 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).51 Cass. 1re civ, 28 mars 2000. N° de pourvoi 98-12806.52 Petit, Cécile. « Conditions du droit d'accès à la preuve scientifique en matière de filiation ». La Semaine Juridique

édition générale, 2000, n°43.53 Ibid note 50.54 CEDH, Pascaud c/ France, 16 juin 2011. Requête n° 19535/08. §62-68.55 N. Herrieu. Reconnaissance juridique et réalité biologique de la filiation paternelle.56 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.57 Cass. 1re civ, 30 septembre 2009. N° de pourvoi 08-18398.58 Cour d'appel de Paris, 22 février 2001.

10

Page 11: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

considérée comme absolue. En effet, les juges paraissent en conserver un usage limité aux cas où lavéracité de la filiation soulève un doute non négligeable. L'expertise biologique reste ainsidépendante des autres éléments de preuve versés au dossier. Si ceux-ci ne révèlent aucun doute surla véracité du lien de filiation contesté ou sont suffisants au contraire pour le détruire, une expertisene sera pas ordonnée par le juge dans la plupart des cas. Si en revanche, ils permettent de douter dulien de filiation, une expertise se révélera nécessaire afin de déterminer la réalité biologique. 59 LaCour de cassation avait en ce sens considéré qu'une expertise biologique pouvait être refusée dansun cas de contestation de paternité pour lequel la liaison des parents ne faisaient aucun doute60 oudans un cas de constatation de paternité, où à l'inverse aucun élément ne permettait de rapporter lapreuve de relations intimes. 61 L'expertise biologique occupe donc une place centrale mais nonabsolue dans le domaine de la preuve en contentieux de la filiation. Cependant, elle permet de faireprimer largement la vérité biologique sur le fondement de la volonté qui semble, à cet égard,totalement impuissant et transparent, ne venant pas même constituer un motif légitime à l'encontred'une expertise.

Si la volonté trouve quelques voies d'expression dans l'établissement non contentieux desfiliations naturelles, elle semble pouvoir être écartée dès que la vérité biologique rentre en jeu quece soit par l'effet de la loi en non contentieux ou par le rôle des expertises biologiques encontentieux. La subordination du lien de filiation à cette vérité biologique en contentieux peutsoulever des questions quant à l'intérêt de l'enfant. C'est pourquoi, une des principales limites del'usage de l'expertise biologique en contentieux est constituée par la possession d'état, expression dela vérité sociologique ou affective. Et bien que le rôle de cette dernière en tant que motif légitime derefus d'une expertise semble avoir été remis en cause, elle reste toujours active quant à constituer unobstacle à la contestation du lien de filiation. La vérité sociologique semble à cet égard laisser plusde place à la volonté sans que celle-ci y trouve une réelle autonomie.

B. Une volonté vacillante au travers de la vérité sociologique

Comme définie précédemment, la vérité sociologique correspond à la traduction de liensaffectifs et à la volonté d'élever l'enfant comme le sien. Sa place, en parallèle de la véritébiologique, tient au fait qu'elle est considérée comme une garantie de la paix des familles mais aussicomme celle de l'intérêt de l'enfant. En effet, le concept même de filiation est défini comme la« règle sociale qui définit l'appartenance d'un individu à un groupe ». 62 A cette fin, l'acte denaissance, en tant qu'instrument formel de la filiation, représente à la fois la dimension sociale de lafiliation dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, elle est ainsi rattachée au concept degénéalogie et d'hérédité, tandis que dans l'espace elle vient garantir la protection et l'éducation del'enfant. La naissance peut ainsi être définie comme représentant ce paradoxe qui, stabilisant unapport biologique héréditaire, offre un apport sociologique futur. 63 De par la garantie de cettedernière fonction, le lien sociologique s'est toujours laissé voir reconnaître une place à même deprévaloir sur la vérité biologique par des jeux de présomptions et de délais.64 Cette place s'acquiertavant tout par l'effet du temps, auquel la vérité sociologique se retrouve ainsi intrinsèquement liée.C'est là tout l'intérêt du mécanisme d'établissement de filiation par la possession d'état qui permet dereprésenter cette acquisition de la densité de la vérité sociologique par l'écoulement du temps.65 Si

59 Brusorio-Aillaud, Marjorie. « Expertise génétique : exemple de motif légitime de ne pas y procéder ». La Semaine Juridique édition générale, 2009, n°50.

60 Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 septembre 2002. N° de pourvoi 00-22466.61 Cass. 1re civ, 25 octobre 2005. N° de pourvoi 03-14101.62 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.63 Ibid note 62.64 A. Bénabent . Droit de la famille, p.339-345.65 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).

11

Page 12: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

elle peut se révéler autonome, la possession d'état vient cependant régulièrement plutôt consoliderun lien biologique incertain en constituant une présomption de celui-ci. La possession d'état estainsi uniquement « une présomption légale relative à la filiation déduite de la situationapparente ».66 De par ce rôle prédominant de présomption de la vérité biologique, la possessiond'état représente un mécanisme particulier ne permettant pas d'établir ab initio la filiation. 67 Lavolonté ne peut ainsi être confondue avec la possession d'état puisque son expression, via lareconnaissance, est à même de venir créer dès le départ cette filiation. En effet, la reconnaissance aun effet déclaratif signifiant que l'état qu'elle crée sera considéré comme préexistant et remontant demanière rétroactive jusqu'à la naissance. 68 Cependant, de par sa relation avec le temps, la volontésemble se voir conférer une place particulière dans la vérité sociologique en tant que son expressionen continue peut être à même d'établir la filiation, mais aussi à constituer un obstacle à laconsidération de la vérité biologique en contentieux.

1. La volonté, élément subjectif de la possession d'étatPlusieurs lois venant réformer le droit de la filiation ont permis à la possession d'état de

devenir un mécanisme autonome d'établissement du lien de filiation.69 L'ordonnance du 4 juillet2005 a toutefois subordonné son effet probatoire à une constatation officielle.70 La place de lavolonté semble surtout se retrouver quant au fond de la possession d'état. En effet, la possessiond'état est considérée d'un point de vue objectif comme un fait juridique, mais d'un angle subjectifelle peut l'être comme l'expression de volonté des parents.71 Les éléments caractéristiques de lapossession d'état sont définis à l'article 311-1 du Code civil. Bien que cet article cite cinq élémentsessentiels, ils sont généralement regroupés sous trois catégories en doctrine. Ainsi, le premierélément caractéristique correspond au tractatus qui représente une considération réciproque du liende filiation par les parents et l'enfant. Il englobe également les composantes de l'éducation,l'entretien et l'installation auxquels l'enfant est censé être pourvu par ses parents. 72 C'estessentiellement cet élément qui semble reconnaître le rôle de la volonté, souvent dans ce cas précisdéfinie comme une volonté tacite. En revanche, certains auteurs considèrent que la possession d'étatne peut être réduite à cette conception d'une volonté tacite, mais serait en réalité une volontédéclarée mais tue ou silencieuse. 73 Ce point de vue tient essentiellement au second élémentcaractéristique de la possession d'état qu'est la fama. En effet, cette considération réciproque internedu lien de filiation n'est pas suffisante puisque que celui-ci doit être également reconnu dans leregard d'autrui. Le lien de filiation doit être ainsi reconnu par le reste de la famille, les tiers etl'autorité publique. 74 La possession d'état suppose donc qu'autrui perçoive explicitement uneexpression de volonté. Le dernier élément constitutif de la possession d'état est le nomen, ce quisignifie que l'enfant porte le nom de ses parents. 75 Concernant les qualités que la possession d'étatdoit en principe revêtir, l'article 311-2 du code civil dispose qu'elle doit être « continue, paisible,publique et non équivoque ». Sur le fond, la possession paraît ainsi constituer l'expression d'unedouble volonté tenant des parents et de l'enfant, mais qui sera cependant soumise à lareconnaissance d'autrui. La volonté n'est cependant à cet égard pas le fondement à part entière del'établissement du lien de filiation. En effet, ces éléments constituent uniquement les faits connus àpartir desquels la déduction d'un fait inconnu, que représente le lien de filiation, sera tirée ; la

66 A. Bénabent . Droit de la famille, p.364.67 H. Fulchiron. Parenté, filiation, origines: un nouveau monde en gestation. p7-11.68 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).69 Loi du 25 juin 1982 permettant à la possession d'être suffisante à établir la filiation et loi du 8 janvier 1993 lui

permettant d'être inscrite en marge de l'acte de naissance.70 A. Batteur. Recherche sur les fondements de la filiation depuis l'Ordonnance du 4 juillet 2005. 71 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau. 72 Article 311-1 du Code civil, alinéas 1 et 2.73 Ibid note 71.74 Article 311-1 du Code civil, alinéas 3 et 4. 75 Article 311-1 du Code civil, alinéa 5.

12

Page 13: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

possession d'état étant avant tout une présomption légale.76 La possession d'état en tant que mode defiliation est ainsi soumise à deux voies procédurales possibles. Celles-ci viennent limiter laconsidération de la possession d'état en tant qu'une reconnaissance unique de l'expression de lavolonté.

Tout d'abord la possession d'état peut être reconnue de manière non contentieuse par un actede notoriété conformément à l'article 317 du Code civil. L'acte de notoriété est établi par le jugesuite à la demande des parents ou de l'enfant. Cette demande peut être formulée dans un délai decinq après la cessation de la possession d'état. L'acte est établi d'une manière non contradictoirepuisqu'il se situe hors contentieux. De plus, il ne constituera pas une preuve définitive du lien defiliation et sera donc facilement contestable. 77 A cet égard, le rôle de cet acte de notoriété doit êtredistingué dans trois cas principaux. En l'absence d'un autre titre de filiation, il peut avoir un rôleautonome et constituer en lui même la preuve directe du lien de filiation en restant toutefois unepreuve fragile pouvant être facilement contestable. En présence d'un autre titre de filiation, cet actepeut tout d'abord venir restaurer un titre qui aurait été insuffisant. Il peut en être ainsi dans un descas de rétablissement de la présomption de paternité du mari qui peut être fondé sur une possessiond'état si celle-ci a lieu à l'égard des deux époux. Cette option montre ainsi que même un mécanismecomme la présomption de paternité du mari, fondée avant tout sur la vérité biologique, peut tout demême s'accorder avec un réel souci de la vérité sociologique. Dernièrement, l'acte de notoriété peutvenir consolider un titre qui serait déjà par lui-même suffisant pour établir la filiation. Ce derniercas permet surtout de rendre une filiation inattaquable et permettra de constituer un obstacle à lavérité biologique en contentieux comme il sera vu plus loin. 78 La principale limite de cet acte denotoriété quant à la place de la volonté tient au fait qu'il est avant tout établi sur la foi dedéclarations de trois témoins. C'est uniquement si le juge le trouve nécessaire que d'autres élémentsréférant aux différentes caractéristiques de la possession d'état de l'article 311-1 devront êtreproduits. 79 Dans tous les cas, il s'agit ainsi plus d'un contrôle extérieur d'une volonté tacite,exprimée à travers des éléments objectifs que sont l'éducation et l'entretien, qui vient fonder cet actede notoriété et non l'expression d'une volonté en elle-même. La particularité de la nature de lapossession d'état, en tant qu'elle représente avant tout la reconnaissance par autrui du lien defiliation, est ainsi mise en valeur.

La seconde voie procédurale possible pour reconnaître la possession d'état se trouve dans ledomaine contentieux et semble à cet égard offrir un contrôle plus poussé des élémentscaractéristiques de la possession d'état. A la différence de l'acte de notoriété, l'action en constatationde possession d'état peut être intentée par tout intéressé et dans un délai de dix ans à compter de sacessation selon l'article 330 du Code civil. Cette possession d'état litigieuse s'accorde uniquementsur la considération de la vérité sociologique, prenant ainsi en compte cet élément subjectif devolonté dans la considération mutuelle de la filiation entre les parents et l'enfant. La Cour decassation a ainsi exprimé très clairement dans son arrêt du 16 juin 2011 qu'une telle action nepouvait donner lieu à une expertise biologique. 80 La volonté des parents est ainsi dans un certainsens reconnue à travers l'établissement de la possession d'état avec plus de force qu'elle ne l'estquand il s'agit des mécanismes se fondant sur la vérité biologique. Elle ne représente cependant quela part subjective de la possession d'état. La rédaction de l'article 311-1 n'impose pas non plusexpressément que tous les critères soient pris en compte même s'il paraît difficile de concevoir une

76 A. Bénabent . Droit de la famille, p.364.77 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).78 Ibid note 77.79 Article 317 du Code civil, alinéa 2. 80 Cass. 1re civ, 16 juin 2011. N° de pourvoi 08-20475. « Attendu qu'en matière de constatation de possession d'état, il

ne peut y avoir lieu à prescription d'une expertise biologique. »

13

Page 14: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

possession d'état établie sans le critère du tractus au travers duquel la volonté se révèle. 81 Al'opposé, la possession d'état ne peut se trouver fondée uniquement sur cette considération dutractatus puisque qu'elle doit l'être sur un faisceau d'indices. La suffisance du tractatus reviendrait ànier la nature de la possession d'état en la considérant comme une expression de volonté à laquelleelle est loin de se limiter. 82

Ce n'est donc pas l'expression de la volonté en elle-même qui va être reconnue, même si ellese trouve intrinsèquement liée aux éléments objectifs venant prouver et fonder la possession d'état.Son rôle reste donc à cet égard assez chancelant. Le poids de l'expression de cette volonté semblecependant être accentué quant au rôle que la possession d'état joue lorsqu'elle se dresse en tantqu'obstacle à l'établissement de la vérité biologique en contentieux.

2. Le poids d'une volonté passée en tant qu'obstacle à l'établissement du lien du sangBien que le contentieux de la filiation soit prédominé par l'expertise biologique, une

recherche d'équilibre entre les vérités biologique et sociologique continue d'avoir lieu. A cet égard,la place de la possession d'état doit être réalisée dans deux rôles bien différents. Tout d'abord, elleinflue sur les délais d'actions en contestation et peut ainsi faire obstacle à une action poursuivantl'établissement de la réalité biologique de la filiation. En ce sens, son rôle varie en fonction de lavoie par laquelle la filiation a été établie. Premièrement, selon l'article 333 du Code civil, si unefiliation a été établie par un titre et une possession d'état conforme ayant duré plus de cinq ans, lafiliation devient inattaquable en contentieux. En revanche, si la possession d'état a duré moins decinq ans, la filiation pourra être contestable mais la contestation se prescrira par cinq ans à partir dela cessation de la possession d'état. L'action en contestation sera de plus attitrée à l'enfant et auxparents ou prétendus parents. Deuxièmement, selon l'article 334 du Code civil, si le lien de filiationa été établi par un titre non conforté par une possession d'état, la contestation du lien se prescrira pardix ans et sera ouverte à tout intéressé. On retrouve ainsi les délais de droit commun dans ce derniercas. Il en est de même lorsque la filiation est fondée uniquement sur une possession d'état, comme ilen est question à l'article 335. Dans ce cas, si elle est établie par un acte de notoriété, une action encontestation sera ouverte à tout intéressé ; tandis que si elle a été établie par un jugement, l'actionsera attitrée. La possession d'état peut ainsi permettre d'écourter la prescription des actions encontestation lorsqu'elle vient consolider un titre. Elle ne semble cependant pas suffisante pourattitrer l'action lorsqu'elle possède un rôle autonome.83 Dans le cas où la filiation est établie par untitre, une possession d'état conforme est à même de réduire le délai de contestation de cette filiationet sa durée au-delà de cinq le rend complètement incontestable. En revanche, si l'instrument de cettecourte prescription est objectivement la durée de la possession d'état, il pourrait être possible deconsidérer que subjectivement, c'est en réalité l'acquisition du poids d'une volonté passée qui estreconnue grâce à ce facteur du temps. 84 En effet, si on considère les éléments caractéristiques de lapossession d'état, le nomen ne peut être sujet à l'action du temps contrairement au tractatus et lafama. De plus, si la fama paraît pouvoir évoluer avec le temps, cela serait avant tout dû à l'évolutiondu tractatus sur lequel elle se fonde obligatoirement d'une certaine manière. Ainsi, ce sont avanttout les composantes de l'éducation, de l'installation et de l'entretien de l'enfant, de même que cetteconsidération réciproque du lien de filiation qui semblent être les plus sujettes au temps. Laconsécration du poids acquis par une possession d'état au fil du temps paraît ainsi avant tout fondéesur cette volonté tacite sous-jacente. Cette volonté ne jouit cependant toujours pas d'unereconnaissance autonome. Une importante limite au poids de la possession d'état réside dans le faitqu'elle est ici dépendante d'un titre de filiation afin de raccourcir les délais de prescriptions ; titre

81 Cass. 1re civ, 5 juillet 1988. N° de pourvoi 86-14489.82 Roueil, Elodie. « La Cour de cassation et la notion de possession d'état d'enfant ». Petites affiches, 1999, n° 98, p.9. 83 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).84 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau.

14

Page 15: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

qui sera la plupart du temps établit par des mécanismes se fondant sur la vérité biologique.

Une autre importante limite tient à la place de la possession d'état en tant qu'obstacle à laprescription d'une expertise biologique. La doctrine avait en effet considéré que la Cour decassation avait laissé présager pendant une certaine période que la possession d'état aurait puconstituer un motif légitime de ne pas recourir à une expertise biologique.85 Dans un arrêt du 31 mai2005, la Cour de cassation n'a pas condamné la décision de la Cour d'appel ayant tranché un conflitde paternité par la considération que le père avait eu une possession d'état à l'égard de l'enfant et quece dernier n'avait jamais contesté cette filiation, ne prescrivant ainsi aucune expertise biologique. Enl'espèce, la possession d'état était cependant confortée par un titre de filiation, puisque le père avaitégalement reconnu l'enfant et la Cour n'a pas expressément caractérisé la possession d'état commeun motif légitime de refus d'expertise. 86 Dans un arrêt du 25 avril 2007 où une possession d'étatétait également en jeu, la Cour de cassation a cette fois ci explicitement considéré « l'existence d'unmotif légitime rendant impossible l'expertise biologique ». 87 En l'espèce, le père avait toutefoiségalement reconnu l'enfant. C'est donc dans ces deux cas d'espèce, le titre de filiation conforté d'unepossession qui semble faire obstacle à l'expertise biologique. Dans le second arrêt, la Cour acependant surtout relevé que c'étaient la « volonté affirmée et continue » du père d'assumer le liende filiation et d'élever l'enfant qui faisait obstacle à la prescription d'une expertise biologique. Il doitcependant être également souligné le rôle joué dans cette décision par l'opposition à l'exhumationdu corps par l'administrateur had doc de l'enfant. Ce n'est donc pas l'expression de la volontéd'assumer la filiation qui vient en elle-même faire obstacle à l'expertise. La Cour de cassation afinalement affirmé clairement sa position sur le fait que la possession d'état ne peut constituer unmotif légitime de refus d'une expertise dans un arrêt du 28 mai 2008 concernant une contestation dereconnaissance de paternité naturelle.88 Rappelant son attendu de principe selon lequel : « l'expertisebiologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas yprocéder », elle a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait considéré la suffisance des élémentsversés, dont faisait partie une possession d'état ayant été établie par les décisions du juge auxaffaires familiales, afin de refuser la demande d'une expertise biologique. La possession d'état et sapart subjective de volonté ne semblent ainsi pas être en mesure de se dresser effectivement et danstous les cas contre l'expertise biologique. Ce dernier arrêt réduit ainsi la portée de celui de 2007 oùla volonté était vraiment utilisée en tant que justification du refus de l'expertise biologique par sonexpression en fait à travers la possession d'état. L'utilisation en contentieux de la possession d'étatparaît en définitive implicitement fondée sur l'idée que l'expression continue d'une volonté doit êtreprise en compte dans la contestation du lien de filiation et dans la recherche d'un équilibre entre lesvérités biologique et sociologique. La volonté et la vérité sociologique semblent cependant venirplier devant la vérité biologique dans nombres de cas, essentiellement si elles lui sont opposées.

L'établissement du lien de filiation repose ainsi avant tout sur une recherche d'équilibre entreles vérités biologiques et sociologiques. La vérité sociologique venant dans la plupart des casconsolider la vérité biologique, car même si elle peut s'y opposer et faire obstacle à sareconnaissance, le poids accordé à la biologie vient souvent primer. La volonté qui se voit accorderune reconnaissance plus importante à travers la vérité sociologique semble donc être affectéenégativement par cette balance des vérités. Bien que son rôle soit loin d'être inexistant lorsqu'ellecoexiste avec ces vérités, son rôle ne bénéficie pas encore d'une reconnaissance autonome lorsqu'ilest question de la filiation naturelle. A cet égard, la volonté semble prendre une dimension biendifférente lorsqu'il s'agit des filiations artificielles, celles-ci s'écartant de la recherche d'un équilibre

85 Y. Favier. Refus d'expertise en cas de conflit de filiation: ni des présomptions, ni la possession d'état ne constituent des motifs légitimes.

86 Cass. 1re civ, 31 mai 2005. N° de pourvoi 02-11784.87 Cass. 1re civ, Chambre civile 1, 25 avril 2007. N° de pourvoi 06-13872.88 Cass. 1re civ, 28 mai 2008. N° de pourvoi 07-15037.

15

Page 16: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

entre les vérités et laissant ainsi un libre champ à l'expression de la volonté.

II. La révélation modérée de la volonté en tant que fondement autonome du droit de lafiliation

Dans le domaine des filiations artificielles, la volonté vient se révéler dans une certainemesure en tant que fondement autonome, sa considération et consécration juridique se détachant desfondements des vérités biologique et sociologique. En effet, que se soit en ce qui concerne lesfiliations par assistance médicale à la procréation ou par adoption, une reconnaissance particulièresemble être portée à la volonté de procréation et d'assimilation en résultant (A) bien qu'un modèlevolontaire de filiation soit encore loin d'être à l'ordre du jour (B).

A. La reconnaissance ambiguë d'une double volonté de procréation et d'assimilation

Dans le domaine des filiations artificielles, la volonté se voit offrir une reconnaissanceparticulière et surtout effective, prouvant ainsi son rôle en tant que fondement autonome du lien defiliation. Une zone d'ombre quant à sa place réelle se dresse cependant quant au fait qu'elle se voitattribuer une reconnaissance différente en fonction du type de filiation qu'elle vient établir. Dans lecas de la filiation adoptive, la volonté se voit consacrer en tant que fondement pleinementautonome. Cette filiation emprunte cependant une procédure propre, qui semble ainsi reconnaître laparticularité de la situation, venant consacrer cette volonté en tant que telle. Cependant, lorsqu'ils'agit de la filiation d'un enfant issu d'une assistance médicale à la procréation, la volonté, bienqu'évidemment présente et bénéficiant d'une reconnaissance bien plus importante que dans le cas defiliations naturelles, semble rester dépendante des mécanismes tenant à la vérité biologique. Et ce,même lorsque celle-ci ne trouve pas réellement de fondement dans la réalité comme dans lescirconstances d'un don d'embryon. Ainsi bien que ces modes de filiations reconnaissent bel et bienla volonté, sa place en tant que fondement réellement autonome semble toujours sujette à unecertaine ambiguïté. La question semble alors de savoir si la volonté constitue un fondementautonome qui, toutefois, comme la vérité sociologique vient souvent plier devant la véritébiologique ou si elle ne représente en réalité qu'un concept qui serait intégré dans la définition desvérités. Cette dernière considération reviendrait cependant à diminuer abusivement le rôle joué parla volonté. C'est ainsi plutôt la nature de la volonté reconnue juridiquement qui semble resterincertaine et conduire à une différence de solutions entre les filiations. Si la volonté d'assimilationlors de l'adoption représente un fondement parfaitement autonome, la volonté de procréation, bienque pourvue de conséquences juridiques, se trouve être insuffisante à établir en elle-même lafiliation.

1. La reconnaissance autonome d'une volonté d'assimilationL'apogée de la reconnaissance de la volonté dans le droit de la filiation trouve bien

évidemment son origine dans la filiation adoptive. Les principales caractéristiques de l'adoptionsont sa distance quant à la réalité biologique et le cadre qu'elle fournit pour l'expression de lavolonté. D'une part, l'adoption est en effet détachée de toute considération de vérité biologique etson intérêt est ainsi de créer un lien juridique de filiation entre deux personnes que l'on saitgénétiquement étrangères l'une à l'autre.89 D'autre part, le lien de filiation adoptif est avant toutfondé sur l'expression de la volonté de l'adoptant, et de l'adopté s'il est majeur. A cet égard,l'adoption est désignée comme une filiation élective. Le professeur Bénabent définit ainsi la filiationélective comme une « création envers un être déjà existant, qui acquiert en cours de vie ce lien defiliation envers un adoptant exprimant sa volonté en ce sens ». 90 Le lien de filiation adoptif est ainsi

89 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).90 A. Bénabent . Droit de la famille, p.405.

16

Page 17: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

créé par l'autorité publique à partir de la seule manifestation d'une volonté privée, qui sera soumiseà un contrôle juridictionnel. Il existe, dans le droit français, deux différentes formes d'adoption. Toutd'abord, l'adoption plénière correspond à une filiation effaçant complètement la filiation originelleet biologique de l'enfant. Elle correspond à l'hypothèse envisagée dans la plupart des cas pour lesenfants en bas âges. L'adoption simple, quant à elle permet d'ajouter une nouvelle filiation au liend'origine sans constituer une rupture de ce dernier. Ces différents types d'adoption reflètent lesfinalités traditionnelles de l'adoption que sont la protection de l'enfant, assurée par l'adoptionplénière, et la transmission de patrimoine ou également maintenant la recomposition familiale,plutôt recherchée à travers l'adoption simple. 91 Le mécanisme de l'adoption semble intéressant tantsur le fond que la forme. En effet, sur le fond, l'adoption est l'expression d'une volonté. Si lesconditions de fond de l'adoption semblaient à l'origine toujours fondées sur une référence au modèleprocréatif, son ouverture aux personnes célibataires puis aux couples mariés de même sexe paraîtconduire à son écartement de ce modèle. Sur la forme, l'expression de cette volonté d'établir un liende filiation à l'égard d'un enfant est soumis à un contrôle juridictionnel qui prouve le caractèreparticulier de ce mécanisme. 92

En ce qui concerne les conditions de fond, l'adoption peut-être individuelle lorsqu'elle estréalisée par une personne de 28 ans qui devra avoir le consentement de son conjoint dans le cas oùelle serait mariée. 93 L'adoption peut également être conjointe dans le cas d'un couple marié. Siavant la loi de 2013, cette adoption conjointe tendait automatiquement à calquer l'adoption sur lemodèle procréatif traditionnel, ceci n'est aujourd'hui plus d'actualité.94 L'ouverture du mariage auxcouples personnes de même sexe conduit nécessairement à l'ouverture de l'adoption aux coupleshomosexuels mariés. En effet, le cas contraire représenterait une discrimination fondée sur le sexe,discrimination sévèrement condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme. En effet,une discrimination sur le sexe serait fondée sur le fait que deux personnes se trouvant dans unesituation semblable reçoivent un traitement différencié provenant uniquement d'un critère faisantréférence au sexe. Dans son arrêt E.B contre France, la Cour avait ainsi considéré que la prise enconsidération de l'homosexualité d'une personne menant à refuser une adoption individuelle violaitl'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.95 En effet, l'adoption étant ouverteaux personnes célibataires, un refus fondé sur l'homosexualité d'une personne constitue unediscrimination fondée sur le sexe puisqu'un célibataire hétérosexuel ou homosexuel se trouvent dansla même situation. La loi de 2013 a par la même occasion rendu possible l'adoption successive dansle cas de couples mariés. Il a ainsi été rendu possible pour les couples homosexuels commehétérosexuels dans lesquels un enfant avait été adopté par l'un d'entre eux en amont de la loi, quel'autre membre du couple adopte l'enfant après la célébration du mariage. Il est également possibled'adopter l'enfant biologique de son conjoint. Dans ce cas-ci, la différence d'âge entre l'adoptant etl'adopté est réduit de 15 à 10 ans et la condition d'âge de 28 ans est supprimée. Cette solution met envaleur l'avantage de l'adoption dans les cas de recomposition familiale, prouvant également, enquelque sorte, un éloignement de l'adoption par rapport à une filiation d'imitation fondée surl'engendrement naturel. La filiation adoptive se démarque ainsi clairement sur le fond des filiationsnaturelles. L'adoption se fonde avant tout sur la volonté des adoptants qui sont uniquement soumis àcertaines conditions d'âges et sur la protection de l'intérêt de l'enfant. Le Conseil Constitutionnelavait ainsi considéré dans sa décision du 17 mai 2013 « qu'aucune exigence constitutionnellen'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établispar la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique ».96 Il paraît ainsi pour le moins

91 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).92 Ibid note 91.93 Article 343-1 du Code civil 94 Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.95 CEDH. E.B contre France. Jugement du 22 janvier 2008. Requête n°43546/02.96 Conseil Constitutionnel. Décision n°2013-669 DC du 17 mai 2013. Considérant 51.

17

Page 18: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

difficile de porter trop d'intérêt aux critiques venant clamer que l'adoption ne peut représenter unevoie complètement autonome du droit de la filiation en tant qu'elle continue de chercher à imiterl'engendrement.97 Certains auteurs continuent en ce sens de considérer que la filiation adoptive resteune fiction subordonnée au concept plus large de filiation, en se fondant par exemple sur le fait quel'adoption ne peut venir permettre de contourner une filiation incestueuse, cet empêchementtraduisant une certaine et continue dépendance de la biologie.98 Une vérité biologique incestueuseest cependant considérée hors la loi et ne peut constituer une filiation. Il paraît de ce fait, quelquepeu incongru de venir rattacher l'adoption à la biologie par ce biais. Il serait ainsi réducteur decontinuer à considérer l'adoption comme une filiation d'imitation au regard des différentesconsidérations abordées. Cette expression de filiation d'imitation semble en effet essentiellement sefonder sur l'idée d'une imitation biologique. La définition de l'adoption en tant que l'expressiond'une volonté d'assimilation paraît ainsi plus propice.99 En effet, cette dernière traduit plutôt l'idée dela volonté de considérer un enfant comme le sien sans toutefois se référer à des critères fondés sur lesexe ou la biologie.

Le détachement de l'adoption se retrouve tant sur le fond que la forme en comparaison desfiliations naturelles. En effet, également au niveau de son caractère formel, la filiation adoptiveemprunte une voie qui lui est propre, affirmant ainsi son indépendance par rapport à une filiationfondée sur les liens du sang. La création du lien adoptif, plus particulièrement dans le cas del'adoption plénière, conduit à un effacement total de la filiation biologique de l'enfant.100 Elle estsouvent réalisée à l'égard d'enfants adoptables dont l'abandon a été constaté par l'autoritéadministrative (cas de pupilles de l'état) ou par l'autorité judiciaire. Cette seconde hypothèsecorrespond à des enfants ayant été abandonnés par des personnes qui représentaient des parents enfait mais non en droit. Il est cependant intéressant de constater que la procédure d'adoption peuts'engager à l'égard d'un enfant qui aurait eu une première filiation établie, possédant donc desparents en droit. Ce cas d'abandon par les parents biologiques rendant l'enfant adoptable représenteainsi le transfert du lien de filiation par une volonté, soulignant une fois de plus le caractèrevolontaire entourant l'adoption. Ce transfert se fait cependant bien évidemment sous contrôlejudiciaire. 101 Tout l'intérêt de la procédure d'adoption repose ainsi sur ce silence imposé à labiologie, l'expression manifeste de volonté des adoptants et la stabilité sociale du lien créé par lecontrôle judiciaire de cette volonté. La procédure de l'adoption comprend deux principales phases.Premièrement, dans tous les cas d'adoption, les adoptants devront faire l'objet d'un agrémentvérifiant qu'ils remplissent bien les conditions morales et matérielles nécessaires. La phase d'intérêttient cependant à une exigence spécifique à l'adoption plénière qu'est le placement de l'enfant dansla famille d'accueil.102 Cette étape représente le majeur contrôle de la volonté des adoptants. Leplacement a, par la même occasion, l'effet d'empêcher la famille biologique d'origine de venirréclamer l'enfant.103 Deuxièmement, après cette période de placement, le jugement de l'adoptionsera finalement délivré par le Tribunal de Grande Instance. Le juge viendra ainsi, à travers unjugement non motivé, contrôler la légalité et l'opportunité de l'adoption. Le jugement sera transcriten marge de l'acte de naissance. 104 Le placement en fait de l'enfant en amont du prononcé del'adoption souligne la nécessité de « l'existence en fait d'un rapport de type filiation » entrel'adoptant ou les adoptants et l'adopté.105 Représentant le majeur contrôle de la volonté, le placement

97 P. Murat. Passer par la filiation ou dépasser la filiation. p.259-571.98 F. Rouvière. Le concept d'homoparentalité : une analyse méthodologique.99 Expression employée par G. Cornu. Droit civil, La famille. p.324. 100 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.101 Article 347 du Code civil définissant les trois catégories d'enfant adoptables. 102 Article 351 du Code civil. 103 Article 352 du Code civil.104 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).105 D. Fenouillet. Droit de la famille, p.329.

18

Page 19: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

rend ainsi pleinement compte d'un contrôle de l'expression d'une volonté d'assimilation. La prise enconsidération de l'aspect formel de l'adoption renforce considérablement l'idée de sonindépendance.

Dans le cas de la filiation adoptive, l'expression d'une volonté d'assimilation est ainsireconnue d'une manière autonome et sera à même de constituer le fondement du lien de filiationsans aucune référence à une quelconque considération des vérités biologique et sociologique.L'autonomie de l'expression de la volonté quant aux filiations issues d'une assistance médicale à laprocréation reste néanmoins plus ambiguë.

2. Une volonté de procréation, fondement certain et contrôlé mais insuffisantL'assistance médicale à la procréation (AMP) recouvre deux principales définitions qui

mettent en valeur toute l'ambiguïté de la place de la volonté quand à l'établissement du lien defiliation en résultant. Tout d'abord, l'AMP consiste en une technique dite palliative. Elle vise doncessentiellement à remédier à une infertilité médicale provenant d'une impossibilité de concevoir unenfant ou du désir de lui éviter le transfert d'une maladie. La place importante du contrôle médicalde cette procréation souligne ainsi une certaine particularité qui semble devoir se retrouver quant àl'établissement du lien de filiation, notamment par le contrôle de cette volonté de procréer via cestechniques. 106 Cependant, l'AMP reste une technique calquée sur le modèle de la nature et pourlaquelle il y aura dans la plupart des cas un lien génétique avec au moins l'un des deux parents.107 Lelien de filiation paraît ainsi pouvoir se rattacher au lien du sang et à la vérité biologique enempruntant leurs mécanismes d'établissement de la filiation sans que cela conduise à un abusconceptuel. A cet égard, il devient nécessaire de distinguer les différentes techniques d'AMP quisont au nombre de trois. Premièrement, un couple peut ainsi demander l'insémination artificielle dela femme avec le sperme de son conjoint, aussi nommée IAC. Deuxièmement, la femme peutégalement recevoir une insémination artificielle avec donner ou IAD, le don pouvant constituercelui d'un ovocyte ou de sperme. Enfin, une fécondation in vitro peut être réalisée en laboratoire,suivie d'un transfert embryonnaire.108 Cette dernière technique est également nommée FIVET etn'est normalement réalisée que dans le cas de la présence d'au moins une des deux gamètes ducouple.109 Dans le cas du recours à un tiers donneur, certaines règles viennent encadrer l'utilisationdes gamètes de celui-ci. En effet, le recours aux gamètes d'un tiers doit être gratuit, son anonymatdoit être conservé, l'utilisation de ses gamètes ne doit pas être réalisée afin de donner naissance àplus de dix enfants et le consentement du donneur doit être donné par écrit, de même que leconsentement de son conjoint dans le cas où il ou elle serait marié(e). 110

A l'égard de ces différentes techniques, l'établissement du lien de filiation de l'enfant né parune AMP sera réalisé par quelques mécanismes distincts mettant plus ou moins en valeur la notionde volonté. En l'absence de donneur, c’est-à-dire dans le cas d'une IAC ou d'une FIVET réalisée àpartir des gamètes des deux conjoints, l'établissement de la filiation se fera par les voies propres àl'engendrement naturel. L'absence de particularité dans l'établissement de la filiation peut dans cecas présent se comprendre en tant que l'acte médical vient en l'espèce en appoint à la procréation,sans procurer une nouvelle base génétique extérieure au couple. Il n'est donc pas surprenant de voirla vérité biologique reprendre le pas en l'espèce. L'établissement de la filiation de l'enfant né d'uneAMP avec donneur offre cependant quelques ajustements substantiels. Les exceptions propres à uneIAD sont définies à l'article 311-20 du Code civil. Le consentement du couple demandant une IAD

106 Article L2141-2 du Code de la santé publique : « Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. »

107 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).108 Ibid note 107.109 Article L2141-3 du Code de la santé publique. 110 Article L2141-6 du Code de la santé publique.

19

Page 20: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

devra être donné devant le notaire ou le juge. Ce consentement aura pour effet d'ouvrir l'obligationdu père quant à la reconnaissance de l'enfant à naître ainsi que l'interdiction du donneur dereconnaître la filiation. On assiste ainsi à un glissement de la volonté parentale, et surtout paternelle,en amont de la reconnaissance. Le non respect de son obligation de reconnaissance est en effet àmême d'engager la responsabilité civile du père. La volonté ne s'exprime ainsi plus par lareconnaissance en elle-même, mais plutôt en amont lors du consentement donné au notaire ou aujuge. L'AMP a ainsi été définie à cet égard de « filiation indivisible conventionnelle ».111 Le couples'engage ainsi à reconnaître l'enfant par une expression conjointe de volonté donnée en amont del'accouchement et de la reconnaissance. A cet égard, la volonté reconnue en l'espèce semble plutôtcorrespondre à une volonté de procréation. En effet, la filiation d'un enfant issu d'une IAD sedistingue de l'expression d'une volonté d'assimilation vue dans le cadre de l'adoption puisquel'assimilation devient une obligation découlant de l'expression de cette première volonté deprocréation. La démarche d'AMP et le contrôle effectué par le juge ou le notaire, sans oublier lesinformations fournies au couple sur les conséquences juridiques d'un acte d'AMP au regard de lafiliation, paraissent alors s'interpréter comme la reconnaissance de la volonté expresse deprocréation d'un couple. L'expression de cette volonté de procréation aurait pour effet de sceller leurobligation d'assimiler par le suite l'enfant comme le leur et représente donc dans ce cas lefondement de la filiation. Cette considération est d'autant plus forte qu'elle se retrouve égalementdans le cas de couples mariés dans lesquelles la filiation paternelle serait établie par la présomptionde paternité. Dans ce cas, la volonté de procréation donnée en amont occupe une place bien plusimportante que la volonté de parenté supposée par la présomption de paternité dans le cas defiliations naturelles, démontrant ainsi sa force et indépendance.

Un autre cas intéressant concerne le don d'embryon. Si une FIVET ne peut être en principeréalisée qu'avec au moins une des deux gamètes du couple, le don d'embryons constitue uneexception à ce principe et est défini à l'article L2141-5 du Code de la santé publique. La filiationd'un enfant issu d'un don d'embryon suivra les mêmes modalités que dans le cas d'une IAD. Lecontrôle judiciaire semble cependant plus approfondi dans le cas d'un accueil d'embryon. Le jugeviendra ainsi vérifier la capacité d'accueil du couple sur les « plans familial, éducatif etpsychologique ».112 L'établissement de la filiation se fera ensuite par les voies classiques propres àl'engendrement naturel. Cette situation souligne cependant d'autant plus le rôle de la volonté deprocréation jouée dans la création de la filiation. En effet, si dans le cas d'une IAD les méthodesclassiques d'établissement de filiation, venant supplémenter le contrôle de la volonté par le juge oule notaire, peuvent voir leur rôle justifié par le lien biologique de l'enfant avec au moins un desparents, l'enfant est génétiquement étranger aux deux parents dans le cas d'un don embryon. C'estainsi uniquement cette volonté de procréation contrôlée en amont par le juge qui paraît pouvoirfonder l'utilisation de mécanismes tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité.

Le contrôle et la reconnaissance de cette volonté de procréation vient de plus empêcher lapossibilité d'une quelconque contestation de la filiation. La volonté vient ainsi sécuriser la filiationde l'enfant issu d'une AMP, cette filiation étant bien évidemment plus bancale quant à la véritébiologique dans les cas d'une IAD ou d'un don d'embryon. Ainsi, même si la forme del'établissement du lien de filiation après la naissance rejoint celle des filiations naturelles, elle estavant tout fondé sur l'expression de la volonté de procréation. La volonté se voit ainsi reconnaîtreune place propre et autonome, conservant toutefois une certaine ambiguïté. Certains auteurscritiquent à cet égard le fait de calquer « des techniques faites pour l'engendrement sur des filiationspurement volontaires ».113 En effet, si ces filiations sont en fait essentiellement fondées sur une

111 L.Mauger-Vielpeau. La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau. 112 Article L2141-6 du Code de la santé publique. 113 P. Murat. Passer par la filiation ou dépasser la filiation. p.259-571.

20

Page 21: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

volonté de procréation, celle-ci devrait être en mesure d'obtenir un moyen d'expression propre, cequi n'est pas actuellement le cas en droit français. Le professeur Fulchiron soulignait ainsi que« quelque soit la place que l'on accorde à la volonté pour établir la filiation à l'égard d'un enfantconçu grâce aux gamètes d'un tiers, encore faut-il que cette volonté trouve le moyen juridique des'exprimer ». 114 Le fait d'établir la filiation par des mécanismes classiques propres à l'engendrementnaturel, en l'absence de lien génétique, tout en sécurisant la stabilité de la filiation qui ne pourra êtrecontestée, semble cependant traduire un souci d'assimilation de la filiation à un lien biologique.Onretrouve ainsi cette idée d'une volonté d'assimilation, similaire à celle jouant lors de l'adoption. Onpeut ainsi se demander si cette volonté d'assimilation ne pourrait pas être reconnue en tant quefondement des filiations issues d' AMP, dans le cas où une volonté de procréation ne paraît pasadaptée à fonder la filiation en tant qu'elle effacerait peut-être trop l'idée de l'intérêt de l'enfant.

Les filiations artificielles, par AMP ou par adoption, font donc une place importante voireautonome à la volonté. Si l'adoption permet une reconnaissance autonome de la volonté, ici plusentendue comme une volonté d'assimilation, l'AMP procure à la volonté une place plus ambiguë. Eneffet, bien que fondée sur cette volonté, pouvant plus être définie comme une volonté deprocréation, la filiation reste subordonnée aux mécanismes classiques d'établissement. Cetteambiguïté semble parfaitement souligner les réticences s'élevant face à un modèle volontaire defiliation.

B. Les limites d'un modèle volontaire de filiation

L'ambiguïté et la place restreinte de la volonté, aux côtés des autres fondements permettantl'établissement de la filiation, semble conduire à devoir considérer son rôle et ses effets quant auxobjectifs premiers de la filiation. Ceux-ci, constitués par l'ancrage familial et la connaissance desorigines, promeuvent la nature dualiste du concept même filiation et pourraient à priori mettre envaleur l'explication de la place fragile d'une reconnaissance autonome de la volonté. En analysantcependant la place occupée par la volonté au travers des différents mécanismes de filiation, celle-cise trouve être plutôt cohérente avec ses deux objectifs ou du moins ne constituant pas un obstacleétanche. La dualité de la filiation ne permettrait donc pas de justifier, du moins dans toute sonétendue, la place ambiguë laissée à la volonté. L'incertitude quant à la place à reconnaître à lavolonté pourrait ainsi plutôt résider dans les problèmes que soulèveraient un régime entièrementvolontaire de filiation quant à l'ordre public et le rôle des autres fondements actuels. L'émergencedu concept d'homoparentalité ravive également la nécessité d'une nouvelle réflexion quant à lavolonté dans le droit de la filiation. Ce concept fait cependant face au fondement biologique quireste la réalité d'une grande majorité de la filiation et vient se poser en contradiction avec lesdéveloppements scientifiques permettant d'accéder à cette connaissance de la vérité biologique.Ainsi, bien que la notion de volonté reste dans une certaine mesure cohérente quant à la naturedualiste de la filiation, trop d'obstacles semblent encore se dresser contre la réorganisation de lafiliation autour d'un régime uniquement volontaire.

1. La volonté face à la complexe dualité de la filiationL'incertitude de la place autonome de la volonté dans le droit français de la filiation met en

valeur toute la dualité de cette dernière. En effet, au-delà de la recherche d'un équilibre entre lesvérités biologique et sociologique pour établir la filiation, l'objectif sous-jacent du droit de lafiliation est de concilier les intérêts contradictoires que sont l'ancrage familial et l'accès à laconnaissance de ses origines. Ces intérêts contradictoires ne se recoupent pas complètement avec lasimple distinction des vérités. L'ancrage familial définit la place de l'enfant dans sa famille et, mêmesi il représente une conception plus affective à cet égard, il peut très bien recouvrir une filiation

114 H. Fulchiron. Parenté, filiation, origines: un nouveau monde en gestation. p7-11.

21

Page 22: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

établie à partir de la vérité sociologique, de la vérité biologique ou de la volonté. Il supposeraitcependant de ne pas laisser la vérité biologique venir empiéter sur l'affectif si elle lui estcontradictoire. La connaissance de ses origines représente quant à elle la définition sociologique dela vérité biologique. Si dans son acception biologique, cette vérité représente cette logique detraçabilité permettant d'établir la filiation et abordée par l'expertise biologique en contentieux, sonacception sociologique recouvre cette connaissance de sa généalogie.115 La complexe place de lavolonté s'illustre bien dans ces intérêts contradictoires en tant que si elle paraît favoriser l'ancragefamilial, il peut paraître difficile de concevoir son apport positif à l'accès à la connaissance de sesorigines.

Il est important de souligner qu'aucun droit à la connaissance de ses origines n'est reconnu àl'enfant en tant que tel en droit interne. Ce droit est cependant reconnu au niveau international parl'article 7 de la Convention relative aux Droits de l'Enfant disposant que l'enfant a « dans la mesuredu possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ». La Cour européenne desDroits de l'Homme protège également ce droit sur le fondement de la vie privée. En effet, l'identitégénétique est aujourd'hui considérée comme la « valeur de définition de la parenté » .116 Et l'identitéd'une personne est souvent vue comme permettant à la fois son identification mais aussil'accomplissement de sa personnalité subjective, dont la connaissance de ses origines biologiquessemble constituer un outil nécessaire. 117 Le droit français a ainsi tenté de concilier la place de lavolonté par rapport à son objectif de permettre à l'enfant la connaissance des origines biologiques,souvent reconnue comme un véritable besoin psychologique. 118 Un équilibre a ainsi être créé par lapossibilité d'avoir un accès à ses origines sans que cela vienne affecter juridiquement la filiationétablie. Cela s'illustre particulièrement dans le cas de l'accouchement sous X. Malgré l'atteintepouvant être vu pour l'enfant à l'accès à la connaissance de ses origines dans cette situation, la CourEuropéenne des Droits de l'Homme avait, dans son arrêt Odièvre contre France rendu le 13 juillet2003, considéré que la législation française ne violait pas l'article 8 de la Convention Européennedes Droits de l'Homme. 119 En effet, la législation tente de concilier les intérêts contradictoires del'enfant, qui possède un intérêt à la connaissance de ses origines, et de la mère, qui a le droit ausecret de son identité. 120 A cette fin, la création du Conseil National d'Accès aux OriginesPersonnelles (CNAOP) par la loi du 22 janvier 2002 permet à l'enfant qui en fait la demande d'avoiraccès à certaines informations voire d'obtenir des éléments relatifs à l'identité de la mère si celle-cin'a pas expressément demander le secret de son identité, a accepté la levée de son anonymat ou estdécédée sans exprimer une volonté contraire à la levée de son anonymat. 121 122 Le ConseilConstitutionnel avait ainsi considéré cette législation conforme à la Constitution dans sa décisionsur QPC en du 16 mai 2012 en tant qu'elle ménageait « dans la mesure du possible, par des mesuresappropriées, l'accès de l'enfant à la connaissance de ses origines personnelles ». 123 La volonté de nepas établir la filiation ne fait donc pas obstacle à l'accès à la connaissance de ses originespersonnelles. Contrairement aux apparences, l'expression de la volonté concernant la filiation n'estainsi pas obligatoirement contradictoire à cet objectif.

Cette réflexion s'illustre également à l'égard des filiations établies par une adoption ou uneassistance médicale à la procréation. Comme vu précédemment, l'adoption représente par

115 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.116 A. Batteur. Recherche sur les fondements de la filiation depuis l'Ordonnance du 4 juillet 2005. 117 F. Terré et D. Fenouillet. La famille, les incapacités, p.607.118 D. Fenouillet. Droit de la famille, p.329.119 CEDH. Odièvre c. France. Jugement du 23 juillet 2003. Requête no 42326/98. §49.120 A. Marais. Cours magistral de Droit de la Famille Université Panthéon-Assas (2014-2015).121 Loc cit note 117.122 Article L222-6 du Code de l'action sociale et des familles. 123 Conseil Constitutionnel. Décision n°2012-248 QPC du 16 mai 2012.

22

Page 23: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

excellence la filiation établie à partir d'une seule expression de volonté. Or le jugement del'adoption est transcrit en marge de l'acte de naissance. Ainsi, l'adoption ne constitue pas unmécanisme dissimulé à l'égard de l'enfant qui pourra, comme dans le cas d'un accouchement sousX, avoir accès à certaines informations par le biais du CNAOP. En revanche, dans le cas d'une AMP,la volonté, bien que constituant le fondement même de la filiation qui en résultera, ne dispose pascomplètement d'un moyen d'expression propre et autonome des autres mécanismes permettantd'établir la filiation. Il est ainsi intéressant de constater de dans ce cas où la volonté dispose d'unereconnaissance ambiguë, l'accès à la connaissance de ses origines est par la même occasion renduimpossible, ce étant donné quant à la nature « ni vue ni connue » de la filiation provenant d'uneAMP. Une expression reconnue, autonome et stable de la volonté semble donc parfaitementpermettre la réalisation des deux objectifs précédemment cités de la filiation, sans faire obstacle à laconnaissance des origines telle qu'elle est aménagée dans le droit français. Cela semble surtout sevérifier dans le cas d'une volonté d'assimilation telle que reconnue à travers l'adoption et conduitainsi à réaffirmer la nécessité d'une nouvelle expression juridique de la volonté de procréation tellequ'abordée dans les cas d'AMP. La nature dualiste de la filiation quant aux objectifs qu'elle poursuitne peut ainsi pas justifier un écartement ou une reconnaissance ambiguë de la volonté. Lareconnaissance d'un modèle volontaire de filiation ne serait donc pas contraire aux objectifs en eux-mêmes de ce droit. Certains auteurs considèrent que ces deux aspirations parfois contradictoires dudroit de la filiation se trouvent regroupées au sein de l'acte de naissance, qui vient ainsi représenterl'existence d'une confusion entre les notions de famille et de filiation. Ils proposent alors dedistinguer ces deux aspirations sur deux registres différents. Un acte de filiation, qui serait plusattaché à la vérité biologique, pourrait être dressé aux côtés d'un acte de famille qui représenteraitl'aspect affectif et laisserait plus de place à la possession d'état. 124 Dans cette proposition,l'hypothèse de l'adoption serait tout de même intégrée dans l'acte de filiation, cela était sûrement düà la force et stabilité sociale établie de ce mécanisme. L'intérêt de ce dédoublement de l'acte denaissance serait plus intéressant quant à ses conséquences sur l'anonymat d'un donneur dans le casd'une IAD. L'anonymat pourrait ainsi être levé dans l'acte de filiation sans toutefois influencer l'actede famille qui représenterait dans ce cas le véritable fondement du lien de filiation de l'enfant. Cesconsidérations prouvent ainsi que l'expression de la volonté peut être considérée comme unejustification d'écarter l'établissement juridique de ses origines biologiques sans toutefois faireobligatoirement obstacle à leur simple connaissance.

Plus que par rapport à l'acception sociologique de la vérité biologique c'est donc dans sonacception biologique que le problème de la volonté doit être recherché. Ainsi, la place de la volontéconstitue une question plus problématique quant aux autres fondements de la filiation plus que parrapport à ses objectifs. La place incertaine de la volonté semble ainsi plutôt devoir être recherchéequant aux conséquences d'un régime volontaire de filiation et au réaménagement de la place desautres fondements qui serait impliqué. Cette question est particulièrement mise en lumière par lesimplications touchant au concept d'homoparentalité.

2. Un régime volontaire de filiation, implication du concept d'homoparentalitéL'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels a conduit à la prise d'importance de

l'idée d'un volontarisme pouvant venir fonder la filiation et ce, de par l'artificialisme dont elle aenglobé ce mécanisme. L'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels provient avant tout del'ouverture du mariage qui leur a été accordé par la loi de 2013. 125 En effet, à partir du moment oùl'adoption conjointe est ouverte aux couples mariés et que le mariage est possible pour deuxpersonnes de même sexe, l'adoption conjointe doit obligatoirement être accordée à ces derniers souspeine de constituer une discrimination fondée sur le sexe. Le mariage, conduisant à créer une

124 J-D. Sarcelet et C. Bohuon. Filiation et Famille : une vérité qui dérange.125 Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

23

Page 24: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

situation juridique comparable pour tous les couples se trouvant son son régime, une différence detraitement fondé sur le sexe ne pourrait être considérée comme raisonnable. Dans son arrêt Gas etDubois contre France, la Cour Européenne des Droits de l'Homme avait ainsi considéré que le refusd'accorder l'exercice de l'autorité parentale conjointe à un couple homosexuel non marié étaitjustifié par le fait que le couple se trouvait ainsi dans une situation juridique différent d'un couplemarié.126 La loi de 2013 change donc cependant la donne. L'ouverture du mariage aux couples depersonnes de même sexe a cependant des implications beaucoup plus larges quant à l'établissementdu lien de filiation en général. Ceci tient au fait que, si le lien de filiation peut être fondé sur le sangaussi bien que la volonté pour les couples hétérosexuels tandis qu'il ne peut être fondé que sur lavolonté pour les couples homosexuels, ces derniers se voient contraints à régime différencié alorsmême que le mariage ne vient plus faire de distinction. Le mariage étant l'institution venant àl'origine fonder l'organisation juridique de la famille, l'homoparentalité en dérivant semble ainsinécessiter un réaménagement important du droit de la filiation afin qu'une effectivité lui soitdonnée. 127 Ce réaménagement ne peut se faire qu'au profit de la volonté, l'homoparentalité setrouvant mise en difficulté devant la construction du droit de la filiation sur la vérité biologique oule lien du sang.En effet, l'homoparentalité est par nature une filiation volontaire, en tant qu'elle sedéfinit comme le lien de filiation établi entre un enfant et deux personnes de même sexe. 128 Ellesupposerait donc de changer le statut de la volonté pour l'amener à devenir le fondement principal etpremier de la filiation. Une telle restructuration laisse cependant émerger de nombreuses questionsjuridiques pour le moins difficiles à appréhender. En effet, elle supposerait d'entrer dans un« régime d'adoption plénière généralisé »129 en tant que celle-ci est fondée sur la seule expression dela volonté, entraînant des interrogations quant à la place des autres fondements de la filiation et decertains concepts ou mécanismes rattachés spécifiquement à cette matière.

Tout d'abord, cela soulèverait la question de la place de la vérité biologique. Concernant lafiliation maternelle, l'accouchement ne pourrait plus être à même d'enclencher par lui mêmel'établissement du lien de filiation. Il est alors possible de se demander s'il ne pourrait pas venirconstituer une présomption. Cela reviendrait alors à réintroduire la place du lien du sang au traversd'un système présomptif, plutôt fondé sur des présomptions simples. En effet, il paraît impensablede considérer que l'accouchement serait une présomption irréfragable de la volonté d'être mère entant qu'une telle situation viendrait à l'encontre de la liberté de la mère d'exprimer sa volonté dans lesens contraire de l'établissement de la filiation. Un autre argument allant à l'encontre d'un systèmede présomptions irréfragables tient au fait que cela introduirait à l'encontre des coupleshétérosexuels un traitement différencié dans le lien de filiation pour lequel ils ne pourraient apporterla preuve du contraire. La cohérence d'un régime volontaire viendrait donc plutôt à considérerl'accouchement ou le lien du sang comme une présomption simple. Ceci semble cependantcomplexifier certains concepts clefs de la filiation tel que la présomption de paternité dans le cas decouples hétérosexuels mariés. En effet, cela conduirait à changer l'objet de cette présomptionpuisqu'elle ne pourra plus être la présomption d'un lien biologique, si ce dernier constitue lui mêmeune présomption. 130 La présomption de paternité devrait alors plutôt être considérée comme laprésomption de la volonté d'être parent. En tant qu'elle découle du mariage qui ne vient plusdifférencier selon le sexe, il semblerait cependant qu'elle perdrait tout simplement sa raison d'êtrepuisqu'elle ne s'applique pour l'instant que pour les couples hétérosexuels. Il semblerait en effetbeaucoup plus cohérent de s'appuyer uniquement sur la reconnaissance qui pourrait ainsi êtreaccessible à tous les couples et à tous les sexes. La reconnaissance possède d'un côté l'avantaged'introduire déjà la composante de la volonté dans sa nature, s'accordant ainsi plus simplement avec

126 CEDH. Gas et Dubois contre France. Jugement du 15 mars 2012. Requête no 25951/07.127 F. Rouvière. Le concept d'homoparentalité : une analyse méthodologique.128 Ibid note 127.129 Ibid note 127.130 Ibid note 127.

24

Page 25: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

un système volontaire. D'un autre côté, cela permet d'éviter de fonder l'établissement du lien defiliation sur un mécanisme uniquement accessible aux couples mariés. En effet, une telle situationreviendrait à considérer que la volonté d'être parent découle de l'engagement pris lors du mariage.La différence ainsi créée entre des couples mariés et des couples pacsés ou vivant en concubinagesemble abusive quant à la présomption, même simple, ou non d'un projet parental. Si le mariage nepeut venir constituer le point de départ de la filiation, vient alors la question de l'expression d'unevolonté de procréation. Cette volonté de procréation pourrait ainsi être définie par l'engagement dedeux personnes, pris quant à la décision d'un projet parental. Dans le cas d'un engendrement naturel,la volonté de procréation pourrait être présumée par l'accouchement et être reconnue par la suite àtravers la reconnaissance. Dans le cas d'une filiation par AMP, elle pourrait être reconnue en amontpar un contrôle plus approfondi exercé par le juge ou le notaire et finir d'être sécurisée par lareconnaissance. Si dans un régime volontaire, l'AMP est ouverte aux couples des personnes demême sexe, du moins à des couples de femmes dans le cas d'une IAD, cela permet ainsi d'affirmertout l'utilité du mécanisme de reconnaissance et de raviver son efficacité quant à une filiationmaternelle ne découlant pas directement de l'accouchement. Une important limite de lareconnaissance tient cependant au fait que dans sa définition actuelle elle représente un aveu depaternité ou maternité entendues au sens biologique du terme. 131

Un régime volontaire vient par la même occasion soulever des problèmes plus profonds. Eneffet, si l'accouchement ne constitue qu'une présomption simple, l'interdiction des contrats de mèresporteuses devient incohérente. En effet, un tel système leur permettrait d'exprimer leur volonté dene pas établir la filiation, tandis que le couple d'intention serait à même de venir reconnaîtrel'enfant. L'interdiction de l'inceste viendrait de plus nécessiter une nouvelle définition non fondéesur la biologie. L'absence de toute référence au lien biologique devrait cependant nécessairementêtre aménagée avec le besoin d'informations médicales dans le cas d'une IAD ou d'un accouchementsous X. 132 Ainsi la réorganisation du régime de filiation, bien que nécessaire à l'effectivité duconcept d'homoparentalité, est loin d'être neutre quant aux problèmes qu'elle soulève, certainsd'entre eux étant intrinsèquement liés à l'ordre public. De nouvelles définitions non fondées sur labiologie seraient alors nécessaires, de même peut-être que le fait de repenser le rôle du juge dansl'établissement de la filiation afin d'assurer sa stabilité. L'articulation d'un régime volontaire de lafiliation avec le droit européen et surtout la Cour Européenne des Droits de l'Homme pourraitégalement soulever d'importantes problématiques quant à la place accordée à la biologie.

Conclusion

La volonté éprouve des difficultés quant à obtenir le grade de fondement autonome en droitde la filiation, et ce en comparaison avec les principes des vérités biologique et sociologique. Eneffet, à l'heure actuelle, la volonté ne représente qu'un fondement largement sous-jacent lorsque sonten questions des filiations naturelles, celles-ci recherchant avant tout à créer un équilibre entre lesvérités biologique et sociologique. Tout d'abord, la volonté possède une place très limitée quand estprise en considération la vérité biologique. Celle-ci ne s'exprime que partiellement à travers lareconnaissance, qui se limite cependant la plupart du temps aux couples non mariés, et le refusd'établir le lien de filiation. De plus, dès que la filiation est portée en question, la volonté devienttotalement transparente face à l'entrée en scène de l'expertise biologique qui, bien qu'elle ne soit pasabsolue, ne laisse aucune place à la volonté. La volonté se révèle un peu mieux à travers lapossession d'état pour laquelle elle représente son élément subjectif. Le mécanisme de la possession

131 H. Fulchiron. Parenté, filiation, origines: un nouveau monde en gestation. p7-11.132 Les considérations touchant aux trois principaux problèmes soulevés par un régime de filiation volontaire sont

également tirées du même article : F. Rouvière. Le concept d'homoparentalité : une analyse méthodologique.

25

Page 26: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

d'état est cependant loin d'être limité à une seule expression de volonté, sa singularité se fondantégalement sur la reconnaissance du lien de filiation par autrui et tout un faisceau d'indices. Lavolonté s'illustre plus à travers la vérité sociologique contentieuse en tant que c'est l'acquisition dupoids de la volonté au fil du temps qui permet à la possession d'état de venir faire obstacle àl'établissement de la filiation en considération des liens du sang. La révélation de la volonté en tantqu'un fondement autonome du lien de filiation se voit essentiellement au niveau des filiations ditesartificielles. En effet, l'adoption représente désormais l'expression autonome d'une volontéd'assimilation, en l'espèce entendue comme l'assimilation de l'enfant dans une famille, sans unequelconque référence à un lien biologique ou au sexe. Cette volonté d'assimilation traduit sonindépendance tant sur le fond que sur la forme de l'établissement du lien adoptif. Les filiations desenfants issus d'une assistance médicale à la procréation laissent une place plus ambiguë à lareconnaissance de la volonté. La volonté qui est ici contrôlée semble plutôt correspondre à lavolonté de procréation du couple. Bien que le contrôle de cette volonté réalisée par le juge soit leseul fondement possible du lien de filiation quand l'AMP est indépendante de tout lien génétique,comme pour un don d'embryons, le recours en aval aux mécanismes d'établissement des filiationsnaturelles mettent en valeur l'incertitude de la place de cette volonté. Cette incertitude ne semblepas être justifiée par l'opposition de la volonté aux objectifs du droit de la filiation. En effet, le droita permis d'aménager l'accès de l'enfant à la connaissance de ses origines sans que l'adoption oul'accouchement sous X y fassent obstacle. L'ambiguïté de la place de la volonté semblerait ainsiplutôt liée au refus d'un glissement vers un régime entièrement volontaire de filiation qui, bien querendu nécessaire par le besoin d'effectivité du concept d'homoparentalité, soulève d'importantescomplications quant au rôle de la vérité biologique essentiellement et à l'ordre public.

Il est cependant possible de se demander si la limitation de la reconnaissance de la volonté,en tant qu'elle représente surtout la part jouée par le couple dans la filiation, ne pourrait provenirplus largement de la considération de l'intérêt supérieur de l'enfant. En effet, l'unique considérationde la volonté parentale peut sembler parfois difficilement conciliable avec l'intérêt de l'enfant. Auniveau de la filiation, l'intérêt de l'enfant est souvent considéré comme se référant à la stabilité et ladurée du lien de filiation. A cet égard, la volonté est parfois considérée comme une base insuffisantede par sa fragilité, en écartant bien évidemment l'hypothèse de l'adoption qui fait l'objet d'uncontrôle rigoureux. 133 Cependant, si l'intérêt de l'enfant est souvent vu en concordance avec safiliation biologique, il ne peut y être limité. Certaines circonstances s'éloignant de la véritébiologique sont donc reconnues promouvoir l'intérêt de l'enfant comme l'effet prescriptif d'unepossession d'état conforme à un titre, le don de gamètes… 134 L'absence de reconnaissance d'unevolonté de procréation dans le cas d'une AMP s'explique par cette considération de l'intérêt del'enfant et cette peur de voir aboutir l'émergence d'une « convention de procréation » reflétantuniquement la volonté du couple. Le fait de continuer à se fonder sur un modèle biologique defiliation dans ce cas ci permettrait peut-être, du moins en apparence, de protéger cet intérêt del'enfant. 135 Il est cependant possible de se demander si celui-ci ne cependant serait pas mieuxprotégé par un contrôle plus poussé du juge venant ouvrir une nouvelle voie pour la reconnaissancede la volonté en cas d'AMP. Un régime entièrement volontaire de filiation pourrait cependant dansl'immédiat paraître en décalage avec l'intérêt de l'enfant, souvent qualifié d'intérêt supérieur.

133 Fabre-Magnan, Muriel. « Les trois niveaux d'appréciation de l'intérêt de l'enfant ». Recueil Dalloz, 2015, n°04, p.224-230.134 Ibid note 134. 135 Hauser, Jean. « L'enfant ». Gazette du Palais, 2013, n°89.

26

Page 27: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

Bibliographie

Législation- Code de l'action sociale et des familles.- Code civil.- Code de la santé publique.- Loi n°66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption.- Loi n°72-3 du 3 janvier 1972.- Loi n°82-536 du 25 juin 1982 relative à l'établissement de la filiation naturelle. - Loi n°93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et auxdroits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales.- Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.- Ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.

Jurisprudence Cours d'appel- Cour d'appel de Paris, 22 février 2001.

Conseil Constitutionnel- Conseil Constitutionnel. Décision n°2012-248 QPC du 16 mai 2012.- Conseil Constitutionnel. Décision n°2013-669 DC du 17 mai 2013.

Cour de cassation- Cass. 1re civ, 5 juillet 1988. N° de pourvoi 86-14489.- Cass. 1re civ, 28 mars 2000. N° de pourvoi 98-12806.- Cass. 1re civ, 24 septembre 2002. N° de pourvoi 00-22466.- Cass. 1re civ, 31 mai 2005. N° de pourvoi 02-11784.- Cass. 1re civ, 25 octobre 2005. N° de pourvoi 03-14101.- Cass. 1re civ, 25 avril 2007. N° de pourvoi 06-13872.- Cass. 1re civ, 28 mai 2008. N° de pourvoi 07-15037.- Cass. 1re civ, 30 septembre 2009. N° de pourvoi 08-18398.- Cass. 1re civ, 16 juin 2011. N° de pourvoi 08-20475.

Cour Européenne des Droits de l'Homme- Cour EDH, 23 juillet 2003, Odièvre contre France. Requête no 42326/98.- Cour EDH, 22 janvier 2008, E.B contre France. Requête no 43546/02.- Cour EDH, 16 juin 2011, Pascaud contre France. Requête n° 19535/08. §62-68.- Cour EDH, 15 mars 2012, Gas et Dubois contre France. Requête no 25951/07.

Cours magistral- Marais Astrid. Notes du Cours magistral de Droit de la Famille. Université Panthéon-Assas. Annéeuniversitaire 2014-2015.

27

Page 28: La volonté dans le droit de la filiation: entre vérités …sciencesetdroit.org/wp-content/uploads/2019/04/Mémoire...le principe de vérité ne se trouve pas inscrit dans le Code

Ouvrages - Bénabent, Alain. Droit de la famille. - Deuxième édition. L.G.D.J., 2012. - (Précis Domat DroitPrivé).- Cornu, Gérard. Droit Civil, La famille. - Neuvième édition. L.G.D.J., 2006. - (Précis Domat DroitPrivé).- Fenouillet, Dominique. Droit de la famille. - Troisème édition. Dalloz, 2013. - (Cours Dalloz).- Fulchiron, Henri. Parenté, Filiation, Origines _ Le droit et l'engendrement à plusieurs. Bruylant,2013. « Parenté, filiation, origines : un nouveau monde en gestation ». p.7-11.- Murat, Pierre. Parenté, Filiation, Origines _ Le droit et l'engendrement à plusieurs. Bruylant,2013. « Passer par la filiation ou dépasser la filiation ». p.259-271.- Terré, François et Fenouillet, Dominique. Droit civil : Les personnes _ La famille, lesincapacités.- Septième édition. Dalloz, 2005. - (Précis Droit Privé).

Articles - Batteur, Annick. « Recherche sur les fondements de la filiation depuis l'ordonnance du 4 juillet2005 ». Petites affiches, 2007, n°122, p.6.- Binet, Jean-René. « Le secret des origines ». La Semaine Juridique édition générale, 2012, n°47. - Brusorio-Aillaud, Marjorie. « Expertise génétique : exemple de motif légitime de ne pas yprocéder ». La Semaine Juridique édition générale, 2009, n°50.- Fabre-Magnan, Muriel. « Les trois niveaux d'appréciation de l'intérêt de l'enfant ». Recueil Dalloz,2015, n°04, p.224-230.- Hauser, Jean. « L'enfant ». Gazette du Palais, 2013, n°89. - Herieu, Nicolas. « Reconnaissance juridique et réalité biologique de la filiation paternelle ». Lettreet Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 2011. - Mauger-Vielpeau, Laurence. « La volonté et la filiation au regard d'un droit nouveau (A propos del'ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation) ». Petites affiches, 2007,n°128, p.3.- Petit, Cécile. « Conditions du droit d'accès à la preuve scientifique en matière de filiation ». LaSemaine Juridique édition générale, 2000, n°43. - Raoul-Cormeil, Gilles. « La part du temps dans le droit de la filiation ». Petites affiches, 2007,n°132, p.7.- Roueil, Elodie. « La Cour de cassation et la notion de possession d'état d'enfant ». Petites affiches,1999, n° 98, p.9.- Rouvière, Frédéric. « Le concept d'homoparentalité : une analyse méthodologique ». Gazette duPalais, 2013, n°66. - Sarcelet, Jean-Dominique et Bohuon, Capucine. « Filiation et Famille : une vérité qui dérange ».Recueil Dalloz, 2009, n°43, p.2876-2882.

28