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COMITE INTERMINISTERIEL DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE ET DE LA RADICALISATION 74 LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : ASPECTS JURIDIQUES Avec la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, la France s’est dotée d’un arsenal législatif spécifique en matière de lutte contre le terrorisme. Le dispositif a été renforcé au fur et à mesure au regard des nouveaux modes d’actions terroriste ou de l’émergence de nouvelles menaces, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Les dernières lois, notamment celles du 21 décembre 2012 relative à la lutte contre le terrorisme, du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions de lutte contre le terrorisme, du 24 juillet 2015 relative au renseignement, adaptent notre arsenal juridique aux nouvelles formes de terrorisme : départs de djihadistes vers la Syrie et l’Irak, rôle des réseaux sociaux, risque de retours offensifs et criminels de ces individus. Depuis les attentats du 13 novembre 2015, le Gouvernement a institué l’état d’urgence issu de la loi de 1955 qui constitue une situation spéciale qui concentre entre les mains du pouvoir civil des pouvoirs de police administrative exceptionnels. L’état d’urgence étant une situation exceptionnelle, le gouvernement a estimé nécessaire de prévoir des dispositions législatives permettant de pérenniser certaines mesures de police administrative et pénale prévue par les lois sur l’état d’urgence, c’est l’objectif de la loi du 3 juin 2016 renforçant les mesures de lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. 1 –Un droit spécialisé et dérogatoire, mais pas un droit d’exception . - La définition de l’acte terroriste, réunion de deux éléments : 1/ L’existence d’un crime ou d’un délit de droit commun incriminé par le code pénal (délits énumérés à l’article 421-1 du code pénal); 2/ Ces infractions sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, caractéristique majeure du terrorisme.

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COMITE INTERMINISTERIEL DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE ET DE LA RADICALISATION 74

LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : ASPECTS JURIDIQUES

Avec la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, la France s’est dotée d’un arsenal législatif spécifique en matière de lutte

contre le terrorisme.

Le dispositif a été renforcé au fur et à mesure au regard des nouveaux modes d’actions terroriste ou de l’émergence de nouvelles menaces,

notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

Les dernières lois, notamment celles du 21 décembre 2012 relative à la lutte contre le terrorisme, du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions de lutte contre le terrorisme, du 24 juillet 2015 relative au renseignement, adaptent notre arsenal juridique aux nouvelles formes de terrorisme : départs de djihadistes vers la Syrie et l’Irak, rôle des réseaux sociaux, risque de retours

offensifs et criminels de ces individus.

Depuis les attentats du 13 novembre 2015, le Gouvernement a institué l’état d’urgence issu de la loi de 1955 qui constitue une situation spéciale qui

concentre entre les mains du pouvoir civil des pouvoirs de police administrative exceptionnels. L’état d’urgence étant une situation

exceptionnelle, le gouvernement a estimé nécessaire de prévoir des dispositions législatives permettant de pérenniser certaines mesures de police administrative et pénale prévue par les lois sur l’état d’urgence, c’est

l’objectif de la loi du 3 juin 2016 renforçant les mesures de lutte contre le

crime organisé, le terrorisme et leur financement.

1 –Un droit spécialisé et dérogatoire, mais pas un droit d’exception.

- La définition de l’acte terroriste, réunion de deux éléments :

1/ L’existence d’un crime ou d’un délit de droit commun

incriminé par le code pénal (délits énumérés à l’article 421-1 du code

pénal);

2/ Ces infractions sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par

l’intimidation ou la terreur, caractéristique majeure du terrorisme.

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- Une procédure pénale adaptée.

2 – Economie générale de la loi du 13 novembre 2014.

Cette loi prévoit :

• Un élargissement des mesures de prévention (police administrative) : 4

mesures principales.

• Un renforcement des dispositions répressives (police judiciaire) : 2

mesures principales.

3 – L’interdiction de sortie du territoire (IST).

Il s’agit d’un dispositif nouveau qui permet d’interdire à tout Français de

quitter le territoire national si les déplacements qu’il projette :

1/ ont pour but de participer à des activités terroristes ;

2/ ou d’aller sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et qu’il

existe un risque d’atteinte à la sécurité publique lors de son retour.

A noter que l’IST entraîne le retrait du passeport et de la CNI (carte

nationale d’identité).

Concernant l’interdiction de sortie du territoire:

• C’est une décision du ministre de l’intérieur ; elle est proposée par les services de renseignement et instruite par la DLPAJ qui assure en outre

le contentieux des mesures

• Elle est notifiée par la préfecture du domicile ;

• Une procédure contradictoire aménagée : Pour une raison évidente d’efficacité de la mesure, la personne concernée peut faire valoir ses observations une fois que la mesure est prise. Elle peut en tout état de cause l’attaquer devant le juge administratif en référé, c’est-à-dire en

urgence, et au fond

• Une durée de 6 mois renouvelable : au moment du renouvellement de la mesure, la procédure contradictoire est classique. Le renouvellement

de l’IST n’est plus limité dans le temps.

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4 – L’interdiction administrative du territoire.

Ce nouveau dispositif concerne les ressortissants étrangers. Même si ces personnes ne résident pas habituellement en France, leur présence sur le territoire peut représenter une menace grave pour l’ordre et la sécurité

publics. Cette mesure peut être prise même lorsque la personne ne se trouve

pas sur le territoire.

La démarche d’interdiction administrative du territoire :

• C’est une décision du ministre de l’intérieur ;

• L’effet de la mesure : refuser à l’étranger l’entrée sur le territoire, ou le

reconduire d’office à la frontière.

5 – Blocage et déférencement des sites.

Internet est un vecteur très important du basculement de certains jeunes dans le terrorisme. Concernant les sites pédopornographiques, une

mesure est prévue depuis 2004.

L’objectif est de perturber les sites de propagande et les forums où se nouent les contacts et s’échangent des conseils en vue d’actes terroristes.

Le blocage des sites : hébergeurs, éditeurs et FAI :

• Le blocage : OCLCTIC (office central de lutte contre la criminalité liée

aux technologies de l’information et de la communication) peut demander aux éditeurs ou hébergeurs de retirer des contenus faisant

l’apologie du terrorisme ou incitant à commettre des actes terroristes.

• En l’absence de retrait dans les 24h, OCLCTIC peut notifier aux

fournisseurs d’accès la liste des adresses, ceux-ci doivent empêcher

sans délai l’accès à ces adresses.

Le déréférencement : les moteurs de recherche :

• OCLCTIC peut notifier les adresses électroniques aux moteurs de

recherche.

• Ils devront prendre toute mesure utile pour faire cesser le

référencement du site (disparaître de Google).

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6 - loi du 3 juin 2016

Elle prévoit pour les :

• Grands évènements qui exposent par leur ampleur ou leurs circonstances particulières à un risque exceptionnel (Euro, jeux olympiques, rencontres internationales…), un renforcement des

contrôles d’accès aux installations

• Contrôle administratif des retours sur le territoire national: vise les personne qui on rejoint ou tenté de rejoindre un théâtre d’opérations

terroristes et qui risquent à leur retour de constituer une menace pour la sécurité publique. mesure prise par le ministre de l’intérieur, après

information du procureur, qui peut prévoir notamment l’assignation à

résidence, interdiction d’entrer en relation, période de réinsertion dans

un centre spécialisé

6-1 mesures diverses de police

• Retenue pour vérification de situation administrative si l’OPJ a des

raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne est lié à des activités à caractère terroriste. Cette retenue lui permet de

consulter les fichiers.

• Rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs

• Possibilité d’inspection visuelle et de fouille des bagages (sur réquisition

du procureur)

• Afin d’éviter la réitération de meurtres dans l’hypothèse du périple

meurtrier, l’article 51 de la loi consacre une nouvelle cause

d’irresponsabilité pénale au bénéfice des forces de l’ordre

6-2 techniques d’investigation spéciales sous le contrôle du procureur

• Possibilité d’effectuer des saisies et perquisitions en dehors des heures

légales soumises à un régime d’autorisation particulier

• Autorisation de visites des véhicules

• Utilisation de moyens de communication audiovisuels avec

enregistrement au cours de l’enquête et de l’information

• Audition de témoins de manière anonyme

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COMITE INTERMINISTERIEL DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE ET DE LA RADICALISATION 78

• Vidéosurveillance

• Contrôle d’identité dans les trains transnationaux

• Protection des service de police en leur permettant d’acter sous leurs

numéros d’immatriculation

• Écoutes téléphoniques, accès à distance aux correspondances, usage de l’IMSI-catcher (recueil des données de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal), captation de données

informatiques et d’images, réquisition des services fiscaux…

7 – L’état d’urgence

Loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi du 3

avril 1955 relative à l’état d’urgence

L’activation de la loi de 1955

Au soir des attentats du 13 novembre 2015, le gouvernement a décidé d’activer l’état d’urgence mis en place par la loi de 1955 qui prévoit que

l’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des DOM-TOM soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par

leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique

7-1 Les différentes mesures de police administrative pouvant être prises sur le

fondement de l’état d’urgence

Mesures réglementaires :

• Mesures de couvre feu (interdiction de circulation des personnes ou

des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté (article 5-1°)

• Fixation de zones de protection ou de sécurité où le séjour des

personnes est réglementé (article 5-2°)

• Interdiction de réunion de nature à entretenir le désordre (article 8)

• Interdiction de manifestations (article 8)

• Arrêté autorisant les contrôles d’identité (article 8-1)

• Remise des armes (article 9)

Mesures individuelles :

• Assignation à résidence (article 6)

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• Interdiction de séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit,

l'action des pouvoirs publics (article 5-3°).

• Fermeture de lieux de réunion (article 8)

• Dissolution d’associations ou groupements de fait qui participent à la

commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont

les activités facilitent cette commission ou y incitent (article 6-1).

• Perquisitions administratives (article 11)

• la possibilité donnée aux préfets d’ordonner des perquisitions

administratives, y compris à domicile, de jour comme de nuit.

7-2 Reconduction de l’état d’urgence

• Reconduit pour la dernière fois par la loi du 22 juillet 2016 à la suite de

l’attentat de Nice

• Un projet de loi est actuellement examiné par le Parlement pour

reconduire l’état d’urgence jusqu’à mi-2017.

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– Le PLAT 1 (avril 2014) a ainsi permis la créa-tion de 169 postes supplémentaires, dont 82 postesde psychologues, et le financement de projetséducatifs.

– Le PLAT 2, consécutif aux attentats denovembre 2015, a renforcé le budget de fonction-nement destiné à soutenir les projets éducatifs enplacement judiciaire, et financé 75 postes supplé-mentaires pour 2016 et 2017.

COMPRENDRE LE PHÉNOMÈNE

POUR MIEUX LE PRENDRE EN CHARGE

Typologie des jeunes suivis par la PJJ

pour risque de radicalisation

La Protection judiciaire de la jeunesse inter-vient sur décision judiciaire, dans un cadre pénalou au titre de la protection de l’enfance. Lesmineurs repérés en risque de radicalisation peuventêtre concernés par ces deux types de suivis.

1. Un suivi pénal au titre de l’ordonnance de 1945.

Il s’agit de mineurs poursuivis pour association demalfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ouapologie du terrorisme (108 mineurs concernés enjanvier 2016).

Ces mineurs, âgés de 13 à 18 ans, des garçonsà 75 %, sont principalement poursuivis pour desfaits d’apologie du terrorisme commis après lesattentats de janvier 2015. Dans la majorité des cas,le risque de radicalisation n’est pas avéré. Lessituations relèvent plutôt de provocations liées à

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des contextes de vie sociale ou familiale difficiles,au rejet de toute autorité institutionnelle et à la défi-cience du cadre parental.

Une minorité de jeunes est poursuivie pour lesinfractions les plus graves : association de mal-faiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Cesmineurs sont partis ou ont tenté de partir en Syrieou en Irak, et sont suspectés d’être en lien avec desréseaux terroristes. Tous ne sont pas nécessaire-ment animés d’intentions violentes, du moins dansleurs déclarations.

2. Un suivi civil au titre de la protection de l’en-

fance. Il s’agit de mineurs signalés en risque deradicalisation et suivis principalement au titre d’unemesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE),ou d’une mesure d’assistance éducative en milieuouvert (AEMO). Ces mineurs, âgés de 8 à 18 ans,étaient 71 en janvier 2016, dont 70 % de filles.

Les signalements sont principalement effectuéspar les professionnels de l’Éducation nationale etpar les parents, alertés par des changements decomportements, des propos inquiétants, de l’absen-téisme scolaire… On constate de nombreuses situations de brusque conversion ou de pratiqueintensive de la religion, avec un changement radicald’apparence, d’habitudes de vie et d’attitude avecla famille ou l’environnement. Le rôle d’Internetest prépondérant, ainsi que des influences issues del’environnement amical, ou sentimental pour lesjeunes filles.

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3. Un suivi civil des mineurs, en raison de la radi-

calisation de leurs parents. Cette typologie concernesouvent des mineurs très jeunes, inconnus de la PJJ.Dans la plupart des cas, les parents ont des velléitésde départ en Syrie. Sur le plan national, 74 mineursont été concernés depuis 2015 : un chiffre sans doutebien inférieur à la réalité, car ne sont recensées queles situations confiées au secteur public de la PJJ. Nesont pas renseignées ici celles qui sont attribuées ausecteur associatif habilité, ni les mineurs confiés àl’Aide sociale à l’enfance (ASE).

4. Le suivi de mineurs pour des faits de radicalisa-

tion n’ayant donné lieu ni à des poursuites pénales,

ni à une procédure civile. Cette rubrique regroupel’ensemble des mineurs suivis par la PJJ à un autretitre (essentiellement des mesures pénales encours), mais signalés au juge pour un risque deradicalisation. 197 mineurs sont concernés auniveau national, dont 80 % sont des garçons, âgésde 14 à 20 ans. Dans la majorité des cas, ce sont lespropos tenus par le mineur qui ont alerté les profes-sionnels. Mais il est parfois difficile de distinguerce qui relève d’un vrai risque de radicalisation,d’actes de provocation ou de la volonté d’attirerl’attention de l’adulte (parents ou professionnels).

Au total, sur le plan national, 450 mineurs sont

concernés par le phénomène depuis avril 2015,

dont 20 % sur la Direction régionale PJJ SUD.

D’où proviennent ces jeunes ?

Toutes les catégories socioprofessionnelles sonttouchées, dans les milieux urbains comme ruraux,

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5. Le Figaro, 3 février 2016.

les centres-villes comme les banlieues. Il existe deslieux particulièrement sensibles, mais qui corres-pondent à des sites d’implantation de groupes d’in-fluence (radicalisation entre pairs, ou membresd’une même famille élargie sous l’influence d’unréseau djihadiste).

D’un point de vue statistique 5, ces jeunes sontissus de toutes les classes sociales. Les classesmoyennes sont majoritaires (67 %), et les milieuxpopulaires (16 %) sont autant représentés que lescatégories socioprofessionnelles supérieures (17 %).

La religion n’est pas toujours le moteur de laradicalisation de ces jeunes qui peut aussi prendredes contours politiques (lutte contre l’Occident quiopprime les musulmans, adeptes des théoriescomplotistes), humanitaires, voire humanistes(aider les populations victimes de la politique deBachar al-Assad), ou universalistes (créer unenouvelle communauté de vie, un nouvel ordresocial : une conception fantasmée de la révolutiondjihadiste).

L’émergence de différents profils

– Mineurs animés d’intentions violentes, sansaucune référence à la religion, pour lesquels la radi-calisation est un moyen de se rebeller contrel’adulte, mais aussi contre la société française. Ilsmanifestent le souhait de combattre la France, les

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Occidentaux, « les mécréants », et revendiquent ledjihad armé sur le territoire national ou à l’étranger.Ces mineurs sont en recherche de sensations fortes.Certains ont un parcours délinquant et trouvent làmatière à exercer cette violence, et à la légitimer.– Mineurs dans une quête identitaire, une quête desens, sans intention violente. Il s’agit souvent dejeunes victimes de carences familiales, voire demaltraitance, ou qui se sentent la cible de discrimi-nation, d’humiliations ou de stigmatisation socialeen raison de leur origine ethnique ou sociale. Ilssont souvent en décrochage scolaire.– Mineurs aux prises avec une problématique fami-liale. Certains sont fascinés par un membre de lafamille parti en Syrie, ils s’identifient à lui etsouhaitent le rejoindre. D’autres sont dans unerevendication liée à leurs origines, à une religionnon pratiquée par leur famille, ou encore dans unevolonté de réparer l’offense faite à un ancêtre.– Mineurs dans une quête affective, voire sentimen-tale. Elle est surtout le fait de jeunes filles.– Mineurs relevant de la psychiatrie (dimensionparanoïaque, conduites suicidaires).

Tous ces mineurs ont en commun la recherched’une valorisation narcissique, le désir de passerd’un statut de victime à une position dominante.Beaucoup ont connu des phénomènes de rupture :scolaire, familiale, sociale, offrant un terreau favo-rable aux recruteurs.

Souvent, le basculement vers le djihadisme estun engagement non seulement religieux, mais aussipolitique et militaire. Ces jeunes se fondent sur unelecture réductrice et violente des préceptes de

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l’islam, qu’ils allient à des croyances millénaristeset apocalyptiques, à une vision conspirationniste età une histoire géopolitique mal connue.

L’hétérogénéité du public amène à privilégier

l’individualisation de la prise en charge, et une

diversification des réponses.

LES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE

DES MINEURS EN VOIE DE RADICALISATION

Quelles réponses peuvent trouver les familleset les proches qui s’inquiètent, ou qui constatent unprocessus de radicalisation chez un proche ?

Il n’existe pas de solution miracle, et unique, àla radicalisation violente. Le phénomène est récentet complexe, nous avançons en marchant. La priseen charge ne peut résulter que d’un maillage parte-narial et institutionnel.

À ce jour, il existe une série d’initiatives, debonnes pratiques, qui ont obtenu des résultats, enempêchant par exemple des départs, ou qui nouspermettent de mieux comprendre le phénomène.Mais nous manquons de recul pour évaluer l’effi-cacité des réponses proposées, y compris sur desexpériences européennes et internationales. Denombreuses recherches-actions sont en cours, ouen préparation, pour proposer des outils auxservices concernés : la Direction de l’administrationpénitentiaire, le secrétariat général du Comité inter-ministériel de prévention de la délinquance (SG-CIDP) et la Direction de la protection judiciaire de lajeunesse (DPJJ).

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6. Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à

l’islam, dirigé par Dounia Bouzar (d’avril 2014 à mai 2016),

anthropologue spécialisée dans l’analyse du fait religieux.

Les réponses institutionnelles

Après les attentats contre Charlie Hebdo et

l’Hyper Cacher, le gouvernement a mis en ligne, fin

janvier, un site spécialisé, stop-djihadisme.gouv.fr,

pour lutter contre la propagande djihadiste. Il

propose des explications et des pistes d’action.

Le SG-CIPD en interministériel avec notamment

l’Unité de coordination de la lutte anti-terrorisme

(UCLAT) ont travaillé sur une grille d’indicateurs de

basculement, qui permet d’identifier les signaux

forts et les signaux faibles, et d’établir un diag-

nostic qui rend possible une prise en charge indivi-

dualisée.

Les équipes mobiles d’intervention du CPDSI 6 ont

été missionnées pour une année par le ministère de

l’Intérieur. Elles interviennent en soutien des cellules

de suivi animées par les préfets, dans la prise en

charge des jeunes inscrits dans un processus de radi-

calisation, ou radicalisés, et dans l’aide aux familles.

Il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire ayant des

compétences en psychologie et en psychiatrie, qui

peut intervenir à la demande du préfet, uniquement

sur des situations qui nécessitent un appui spécifique

en matière de désendoctrinement. Cette mission

d’accompagnement se réalise à travers l’animation

de groupes de parole, et des prises en charge psycho-

logiques individuelles.

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Les réponses internes à la DPJJ

La prise en charge de la Direction de la protec-tion judiciaire de la jeunesse s’articule autour detrois mots-clés.

Individualisation

La PJJ propose un suivi éducatif individualisépour chaque mineur radicalisé ou en risque de radi-calisation qui lui est confié, via une mesure judi-ciaire civile ou pénale. Les objectifs de cette priseen charge sont d’éviter le repli sur soi et lesruptures familiales, scolaires et sociales desmineurs ; de prévenir les passages à l’acte violent ;d’empêcher les départs en Syrie et/ou d’accompa-gner les retours.

Il s’agit avant tout de protéger le mineur contrelui-même, mais aussi contre l’influence exercée parles réseaux djihadistes qui tentent de le convaincrede partir faire le djihad dans un pays en conflit, ou dele faire sur le territoire national (actions violentes).

L’évaluation de la situation du jeune et la miseen place d’un projet éducatif adapté permettent decibler l’intervention autour de sa problématique, etde ses besoins repérés.

Interdisciplinarité et maillage partenarial

Dans le cadre du suivi judiciaire, les mineursradicalisés font l’objet d’une vigilance particulière.L’exercice des mesures est priorisé et un étayagepluridisciplinaire mis en place.

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Adolescents en quête de sens158

7. Le centre Georges-Devereux est un centre d’ethno-

psychiatrie clinique situé à Paris. Il propose une consultation

d’ethnopsychiatrie pour les familles migrantes, un service de

médiation ethno-clinique et un service d’investigation éduca-

tive (SIE) habilité par la Protection judiciaire de la jeunesse

de Paris.

8. Psychiatre et psychanalyste français.

Les référents laïcité et citoyenneté interviennent

en soutien des professionnels pour l’élaboration du

projet éducatif. Ils participent aux réunions de

synthèse et recherchent des partenaires spécialisés

dans le traitement de la radicalisation afin de

renforcer la prise en charge. Quelques exemples de

partenariats peuvent être cités :

– le Centre de prévention contre les dérives

sectaires liées à l’islam (CPDSI) ;

– le centre Georges-Devereux 7, à Paris ;

– la consultation de psychiatrie de l’enfant et de

l’adolescent de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, dirigée

par Serge Hefez 8 ;

– le Centre d’action et de prévention contre la radi-

calisation des individus, à Bordeaux (CAPRI)

Ces partenaires, qui disposent d’une expertise

du phénomène actuel de radicalisation et proposent

des prises en charge, sont trop peu nombreux à ce

jour, et ne peuvent couvrir la demande de l’en-

semble du territoire.

La prise en charge peut aussi être renforcée au

cas par cas par un suivi psychologique ou psychia-

trique extérieur, notamment pour les mineurs D

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présentant des conduites suicidaires (volonté demourir en martyr). À ce titre, le partenariat avec lesmaisons des adolescents (MDA) commence à sedévelopper partout en France.

Maintien du lien familial

Le lien familial est mis à mal par la radicalisationdu mineur. Or, le maintien (ou la restauration) de celien familial et, plus généralement, le travail avec lafamille sont primordiaux. Il s’agit de retisser ce lien,et de travailler autour des problématiques familialesen faisant appel aux souvenirs familiaux (techniquede la madeleine de Proust du CPDSI).

LES ACTIONS MENÉES

SUR LA DIRECTION RÉGIONALE PJJ SUD

(DIRPJJ SUD)

La radicalisation repose beaucoup sur l’igno-rance. C’est pourquoi l’un des enjeux de la DPJJ,pour combattre le phénomène, est la prévention, via

l’éducation et la consolidation du lien social. Pourêtre efficace, la réponse se doit d’être multiple.

Depuis avril 2015, une quarantaine d’actions enlien avec les thématiques de laïcité, citoyenneté etlutte contre la radicalisation, ont été initiées sur laDIRPJJ SUD. Certains projets ont été réalisés pourétayer les professionnels, d’autres sont orientés direc-tement vers les jeunes, d’autres enfin sont destinésaux familles. La plupart ont été pensés dans uncontexte partenarial et interinstitutionnel.

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de désistance observable chez les mineurs 13.Or, en matière de terrorisme, elle est rompue.Les juges d'instruction instruisent bien plussur les faits que sur la personnalité – même siles mesures judiciaires d'investigation éduca-tive (MJIE) sont devenues quasi systéma-tiques, en plus des expertises psychiatriqueset psychologiques traditionnelles – et le jugedes enfants n'intervient qu'au procès, face àun mineur qu'il ne connaît pas, pour des faitsqui ont eu lieu parfois deux ans auparavant.Et en ce cas, sa manière de mener le procès,pour remarquable, pour respectueuse de laparole du mineur et de sa famille ou pourpédagogique qu'elle soit, aura du mal à pro-duire des effets propres. Et ce à plus forte rai-son qu'à de rares exceptions près, l'âge desmineurs au moment de la commission desfaits et la durée de l'instruction font qu'ilssont jugés alors qu'ils ont atteint leur majoritéet qu'ils échappent donc à tout suivi du jugedes enfants et de la PJJ après la sentence.Cette discontinuité et la juxtaposition

d'acteurs différents rendent difficile de jouer surles leviers habituels (la famille, le travail éduca-tif notamment) pour tenter de l'amender.Le déséquilibre observable entre les logiques

antiterroristes et celles de la justice des mineursn'empêche pas les professionnels de l'une etde l'autre d'apprendre à travailler ensembleet de rechercher les meilleurs modes d'articula-tion et de prise en charge. Ainsi, dans la phasede l'instruction, la PJJ reste garante de cettespécificité, y compris dans le cadre de l'enfer-mement où les établissements pour mineurs

(EPM) sont privilégiés. Cela conduit la juridic-tion anti-terroriste à s'adapter à une articula-tion éducative. Certaines pratiques (les MJIE,les placements éducatifs comme alternative àl'incarcération, les contrôles judiciaires socio-éducatifs) sont appropriées par les juges d'ins-truction et certains d'entre eux arrivent àmaintenir de bons canaux de communicationavec les juges des enfants y compris en assis-tance éducative.

L'assistance éducative,les familles et les retoursde zones de guerre

Moins visibles et médiatisées que le pénal,la protection de l'enfance et l'assistance édu-cative ont également leur importance pourdes dossiers de terrorisme, ainsi d'ailleurs– même si ce n'est pas l'objet du présentarticle – que pour la prévention d'une radica-lisation pouvant conduire à un passage àl'acte.Le retour récent en France de familles avec

enfants de la zone irako-syrienne soulève desérieuses difficultés en matière de prise encharge. D'abord, parce que les parents sont le

plus souvent mis en examen et incarcérés, cequi implique le placement des mineurs, soit

13. V. notamment S. Delarre, « Trajectoires judiciaires desmineurs et désistance », Infostat Justice, no 119, 2012 et

M. Mohammed (dir.), Les sorties de délinquances : théories,méthodes, enquêtes, Paris, La Découverte, 2012.

« Le déséquilibre observable entre les logiquesantiterroristes et celles de la justice des mineurs

n'empêche pas les professionnels de l'uneet de l'autre d'apprendre à travailler ensemble. »

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La justice des mineurs et les affaires de terrorisme Dossier

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dans la famille élargie, soit dans des structuresd'accueil. Ceci impose une évaluation rapidede la situation de l'environnement familialanalysé dans sa dimension intergénération-nelle et de celle du mineur. Certaines famillessemblent durablement inscrites dans despratiques rigoristes de la religion et entre-tiennent de longue date des relations avecdes activistes de l'islam radical. Constituent-elles un cadre pertinent pour garantir « lasanté, la sécurité et la moralité de l'enfant »,au sens où l'entend le code civil ?À l'inverse, comment réussir un placement

institutionnel serein lorsque les mineurs appar-tiennent à des familles catégorisées commeradicales ou terroristes ? Les manœuvres dila-toires, les tentatives pour renvoyer vers d'autresservices sont assez fréquentes et dénotent descraintes ou du malaise de certains profession-nels à prendre en charge ces situations.Pourtant, elles apparaissent assez urgentes.

Le retour de mineurs de zones de guerreimplique à l'évidence, outre une évaluationde leur santé psychosomatique et une com-préhension du parcours vécu, des interven-tions multiples, allant de la scolarisation auxquestions administratives (certains nés surplace n'ont pas d'état civil), en passant par unaccompagnement psychologique pour ceuxqui ont subi des traumatismes du fait desviolences extrêmes dont ils ont pu être lestémoins.Aucun de ces aspects pris isolément n'est

problématique. Mais le cumul de l'urgence,

de la pluri-dimensionnalité de la prise encharge et des représentations attachées au ter-rorisme obligent à penser de solides dispositifsde coordination. La concentration, de fait,de ces dossiers au TGI de Bobigny (terri-torialement compétent lorsque les famillesreviennent en avion, par l'aéroport de Roissy)permet de mettre en place des expérimen-tations originales 14. Celles-ci concernentd'abord la collaboration, dès le début de lasaisine, entre le juge des enfants et son col-lègue chargé de l'instruction. Elles portentensuite sur la coordination institutionnelledes prises en charge de droit commun (santé,école, structures d'accueil), tout en renforçantles articulations des services départementauxterritorialement compétents avec les servicesde la PJJ ou du SAH à qui ont été confiées desévaluations. La pratique, à l'initiative du jugedes enfants en charge de la procédure d'assis-tance éducative, de synthèses avec l'ensembledes intervenants (auxquels est égalementconvié le substitut des mineurs, référent radi-calisation) constitue un exemple prometteur.La procédure d'assistance éducative béné-

ficie ainsi de nombreux outils d'interven-tion. Elle repose de surcroît sur le savoir-faire des magistrats de la jeunesse, leur expé-rience dans les parcours et les ruptures queconnaissent les enfants et les adolescents etsur leur travail de pédagogie de la loi, derecherche de sens fondé sur l'adhésion desmineurs et de leurs familles 15. Dans cetteperspective, elle semble pouvoir jouer un

14. C'est également le sens d'une instruction du Premierministre du 23 mars 2017 et d'une circulaire du ministre de laJustice du 24 mars 2017, qui viennent développer et préciser les

dispositifs de prise en charge des mineurs de retour de zoneirako-syrienne.15. Cette question de la recherche de l'adhésion dans la justicedes mineurs est essentielle en ce qu'elle doit se confondre dans

260 Les cahiers de la justice # 2017/2[ ]

Dossier La justice des mineurs et les affaires de terrorisme

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rôle majeur tant dans l'appréciation dessituations que dans leur prise en charge.L'importance de l'assistance éducative

pourrait même croître lorsqu'il faudra s'occu-per d'enfants très jeunes, partis à 8-10 ansavec leurs parents en Syrie ou en Irak et quiauront pu être formés militairement et embri-gadés. Ce sont des « enfants-soldats », cesenfants associés aux groupes armés selon laterminologie officielle des textes internatio-naux, pour lesquels la responsabilité pénalesera questionnée en l'absence de discerne-ment, due à leur jeune âge.

Un pari éducatif pourles mineurs en matièred'infractions terroristes ?

Compte tenu des difficultés évoquées etdes tendances observées, quelle peut être laplace de la justice des mineurs dans les affairesterroristes ? Certains doutent de sa pertinenceet proposent son dessaisissement systéma-tique en la matière. D'autres, au contraire,font valoir que sa double compétence civileet pénale pourrait être un atout dans les dos-siers dont elle est saisie, à condition toutefoisde lui permettre de déployer pleinement seslogiques d'action.L'inflation du contentieux terroriste lié au

conflit irako-syrien a largement brouillé sontraitement judiciaire. Schématiquement, lajustice antiterroriste avait à connaître des

activistes violents, assez organisés et apparte-nant à des groupes identifiables. Les diffé-rentes « filières » (afghanes, puis bosniaques,tchétchènes, afghanes de nouveau, puismaliennes) mobilisaient des mouvances assezréduites et largement connues par les servicesde renseignement. Il en va de même pour lescellules souhaitant agir sur le territoire natio-nal, qu'elles soient nationalistes (basques oucorses) ou qu'elles se revendiquent de l'islamradical (Cannes-Torcy, Forsane Alizza parexemple). Certains de ces activistes conti-nuent de se rendre en Syrie ou en Irak. Maisils ne sont pas les seuls. De l'aveu même de laDirection générale de la sécurité intérieure(DGSI), plus de 50 % des gens aujourd'huisur zone leur sont inconnus. Ceci reflète sim-plement le fait que d'autres types d'individussont attirés par le voyage et le réalisent par-fois, sans appartenir préalablement à unemouvance, si ce n'est structurée, au moinsidentifiable. Ceci est également vrai pour cer-taines formes d'actions violentes, projetéespar de très petits groupes. Et parmi ces nou-veaux publics figurent en bonne place lesfemmes et les mineurs, dont la proportionapparaît significativement plus élevée quepar le passé 16.Si les trajectoires d'activistes peuvent s'ana-

lyser en termes classiques de carrière militante(avec l'engagement, le passage éventuel à laviolence et à la clandestinité, et le désengage-ment) 17, peut-on considérer exactement dela même manière des adolescents ?

le quotidien de l'institution avec la recherche de l'efficacité, aupénal comme au civil.16. Sur les 56 mineurs mis en examen dans des dossiers deterrorisme, on compte 16 filles pour 40 garçons (soit 29%).

17. Il existe une abondante littérature sur cette question.V. notamment D. Della Porta, Clandestine Political Violence,Cambridge, Cambrige University Press, et O. Fillieule, « Proposi-tions pour une analyse processuelle de l'engagement indivi-

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La justice des mineurs et les affaires de terrorisme Dossier

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25/09/2017 Une mère devant la justice pour avoir envoyé de l’argent à son fils parti en Syrie

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/09/06/une-mere-devant-la-justice-pour-avoir-envoye-de-l-argent-a-son-fils-parti-en-syrie_518175… 1/2

Une mère devant la justice pour avoir envoyé del’argent à son fils parti en SyrieDix-huit mois de prison ont été requis contre Nathalie Haddadi, accusée de « financement duterrorisme ».

LE MONDE | 06.09.2017 à 12h15 • Mis à jour le 06.09.2017 à 13h04 | Par Henri Seckel (/journaliste/henri-seckel/)

Il était quatre heures du matin passées de trois minutes, mercredi 6 septembre, lorsque la

12e chambre du Palais de justice de Paris a enfin retrouvé le silence. Douze heures plus tôt avaitdébuté le chaotique procès de Nathalie Haddadi, qui comparaissait pour « financement duterrorisme » et « complicité de violation de l’interdiction de sortie du territoire [IST] ».

Cette conseillère commerciale née en Algérie il y a quarante-deux ans, arrivée en France en 2003 etétablie à Lingolsheim (Bas-Rhin), est accusée d’avoir aidé son fils Belabbas Bounaga, devenudjihadiste en prison à Strasbourg , à quitter la France en novembre 2015 en dépit d’une IST émisecontre lui, et d’avoir financé en partie son périple jusqu’en Syrie , où il est présumé mort enaoût 2016, à 21 ans.

Dix-huit mois d’emprisonnement ont été requis par le procureur, pour qui la mère « était au courantdes aspirations de son fils » et « ne pouvait pas ne pas comprendre quelle était la destinationrecherchée ». Il reproche à Nathalie Haddadi d’avoir dissimulé aux autorités le passeport de son filsaîné, de lui avoir acheté un billet d’avion pour l’Algérie où il a rejoint son père pour plusieurs mois, etde lui avoir versé 2 827 euros pour l’aider à atteindre la Syrie en passant par la Malaisie , les Emiratsarabes unis et la Turquie .

« Un abus des lois antiterroristes »

D’entrée de jeu, la présidente du tribunal Isabelle Prévost-Desprez a indiqué avoir fort peu appréciéle battage médiatique autour de ce procès : « Le tribunal ne vous tient pas rigueur de toutes lesinterviews que vous avez données et que nous n’avons de toute façon pas eu le temps de lire , carnous avons des choses sérieuses à faire . »

L’affaire est délicate : Nathalie Haddadi assure être simplement venue en aide à son fils qui lui disaitavoir besoin d’argent, entre autres, pour des frais médicaux. Elle savait certes qu’il s’était radicalisé,mais elle ignorait, affirme-t-elle, qu’il était « fiché S » et comptait se rendre en Syrie. « Son intention

était d’aider son fils à revenir », a clamé son avocat, Me Hervé Denis, soulignant que Mme Haddadine lui a pas envoyé d’argent lorsqu’il était en Syrie, et dénonçant « un abus des lois antiterroristes »,et une forme de « police de la pensée » qui « punit l’intention ».

« Vous n’avez pas besoin de mettre dix-huit mois à cette dame, mais vous avez besoin de cettedécision pour plus tard. Elle sera le début d’une très très longue série », a-t-il lancé, assurant queles parents de djihadistes sont aussi des « victimes. Parce que je ne sais qui a dans l’idée que,peut-être, si on faisait des exemples parmi les parents, on les inciterait à être plus vigilants et àmieux dénoncer ».

Comportement « odieux »

Véronique Roy, dont le fils Quentin est mort dans les rangs de l’organisation Etat islamique en 2015après s’être rapidement radicalisé et éloigné de ses parents, était citée comme témoin par ladéfense : « Si mon fils m’avait demandé de l’argent, est-ce que je lui en aurais envoyé ? Peut-être.Je ne dis pas que c’est bien mais on croit toujours qu’on peut sauver son enfant. Quand un gamintombe dans une secte, ce n’est pas la famille qu’il faut juger , c’est la secte. »

« Ils veulent aider leur enfant : ça, c’est le point de vue des parents, mais c’estméconnaître l’intérêt de la société, a rétorqué le procureur. On peut envoyer del’argent à un groupement sans en partager l’idéologie, et tomber sous le coupde l’accusation de financement du terrorisme. Cet argent, c’est un moyen definancer l’achat d’armes et d’essence qui vont permettre de perpétrer des actesterroristes. »

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25/09/2017 Une mère devant la justice pour avoir envoyé de l’argent à son fils parti en Syrie

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/09/06/une-mere-devant-la-justice-pour-avoir-envoye-de-l-argent-a-son-fils-parti-en-syrie_518175… 2/2

Entre les explications parfois alambiquées du procureur, les sarcasmes permanents d’Isabelle

Prévost-Desprez et les colères grandiloquentes de Me Denis, l’audience a parfois été extrêmement

tendue, et la 12e chambre s’est retrouvée plongée dans la plus grande confusion lorsque, « outré »

par le comportement « odieux » de Mme Prévost-Desprez, Me Denis a ôté sa robe, fermé sa valise,embarqué sa cliente et quitté la salle, avant de revenir quelques minutes plus tard.

Un an de prison dont six mois ferme a par ailleurs été requis contre Tarik Bounaga, le fils cadet deNathalie Haddadi, accusé d’avoir transféré de l’argent à son grand frère. Pour la même raison, troisans d’emprisonnement ont été requis contre Soulimane Hamouten, le meilleur ami du djihadiste.Jugement le 28 septembre.

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Déradicalisation : un rapport préconise

plus d'efficacité Publié le mercredi 12 juillet 2017 à 7h40- par France Inter avec, Sophie Parmentier

Deux sénatrices présentent un rapport qui pointe d'éventuels

manques dans les dispositifs en France et en Europe. France Inter

se l'est procuré en exclusivité.

Dans leur rapport, les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR) tentent de répondre à la question : L'Etat a-t-il mis en place les bons dispositifs en matière de désendoctrinement, de désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe ? Sophie Parmentier a pu lire leurs conclusions en avant-première et en exclusivité pour France Inter.

Dix propositions pour plus d'efficacité

Dans ce rapport final de près de cent pages, les sénatrices dressent une liste de dix propositions, pour que la lutte contre la radicalisation soit plus efficace. En trois ans, l'Etat a déboursé près de 100 millions d'euros, sans la "moindre évaluation méthodique" de la "longue liste" des associations subventionnées, regrettent les parlementaires.

Esther Benbassa et Catherine Troendlé précisent bien qu'elles ne veulent pas "rechercher les responsabilités des uns et des autres dans l'échec des dispositifs mis en oeuvre. Il ne fait aucun doute que l'urgence avec laquelle les pouvoirs publics ont dû répondre aux attentats de janvier et de novembre 2015, explique, du moins partiellement, les tâtonnements et les difficultés observés sur le terrain.

Il n'y a pas de recette miracle concèdent les deux sénatrices avec humilité.

À (ré)écouter

"Un business de la déradicalisation"

Elles dénoncent ce business "sans réelle expertise de certaines associations". Les sénatrices rappellent que plusieurs responsables associatifs ont eu "maille à partir avec la justice". Leur proposition numéro 1 est donc de définir un vrai "cahier de charges", pour choisir les organismes de prévention de la radicalisation. Il faut surtout opter pour la "qualité" et non plus pour la "quantité", écrivent-elles, faisant remarquer au passage le côté disparate des subventions. Certaines associations ont obtenu une enveloppe de 800 euros, quand d'autres engrangeaient 435 000 euros.

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Fermer le centre de Pontourny

Les sénatrices conseillent aussi de fermer d'urgence le centre expérimental de Pontourny, qui a coûté 2 millions et demi d'euros, mais n'accueille déjà plus aucun jeune pensionnaire depuis des mois, depuis la condamnation du dernier à quatre mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme. A Pontourny, trois pensionnaires s'étaient autoproclamés "la bande des salafistes rigoristes", "ce qui laisse supposer le phénomène d'emprise, paradoxal dans un lieu censé y remédier", déplorent les deux parlementaires.

Une détention peu efficace

La moitié de leurs propositions sont consacrées aux mineurs radicalisés, pour lesquelles "l'incarcération peut avoir des effets contre-productifs". 17 mineurs sont actuellement en détention provisoire pour des affaires de terrorisme. Les sénatrices défendent plutôt, quand c'est possible, leur prise en charge hors les murs. Dans leur proposition numéro 6, elles suggèrent "d'encourager des dispositifs de placement innovants". Par exemple des "appartements éducatifs", expérimentés depuis décembre 2016 en région parisienne. Trois mineurs radicalisés en bénéficient. Chacun d'eux vit dans un appartement, avec un éducateur qui le surveille constamment, avec un thérapeute