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Arsenal de Soissons Où est passée la poudre ? Vestige méconnu de l’architecture militaire, l’arsenal de l’Abbaye de Saint Jean des Vignes a miraculeusement traversé les guerres du 19 ème siècle à nos jours. Il est devenu un espace muséographique. Alors comment expliquer la présence de ce bâtiment au milieu d’un espace jadis spirituel ? En arrivant sur le site de l’Abbaye Saint Jean des Vignes, le mercredi 20 janvier au matin, un bâtiment a attiré notre attention : l’arsenal. Il est situé au nord de l’ancienne église et de là, ressemble à une orangerie avec ses ouvertures rondes et un toit d’ardoises en pentes douces. Vu côté nord, on découvre un bâtiment en forme de hangar à un étage. Sur la façade, nous avons découvert de nombreuses inscriptions gravées, avec des numéros suivis de la formule “au jus“, ainsi que des dessins : une quille, une femme nue. Sur l’entrée EST, une date est gravée : 1878. Entrons. Dans un vestibule, une inscription au pochoir en anglais : « battery shop, machine shop, electrical shop ». Un 67 a été rajouté en bas à gauche. A l’intérieur, les murs ont été grattés mais pas entièrement, pour laisser apparaître la pierre. Les charpentes sont toutes visibles et massives. Sous le toit nous avons pu apercevoir des plaques noires inscrites avec des numéros blancs faits au pochoir. Comment interpréter ces traces ? Nous avons constaté que sur l’un des pignons de l’arsenal, figure une date, 1878, nous pensons qu’elle correspond à la construction de l’édifice. La présence de nombreux graffitis sur les murs s’explique par une occupation militaire. On retrouve très souvent ce genre de graffiti : (chiffre suivi de la formule « au jus »), qui signifiait le nombre de jours qu’ils leur restaient à passer sur place, exemple 300 au jus signifiait 300 jours restant à boire du jus, en argot militaire, le café. 1

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Arsenal de Soissons

Où est passée la poudre ?

Vestige méconnu de l’architecture militaire, l’arsenal de l’Abbaye de Saint Jean des Vignes a miraculeusement traversé les guerres du 19ème siècle à nos jours. Il est devenu un espace muséographique.

Alors comment expliquer la présence de ce bâtiment au milieu d’un espace jadis spirituel ?

En arrivant sur le site de l’Abbaye Saint Jean des Vignes, le mercredi 20 janvier au matin, un bâtiment a attiré notre attention : l’arsenal.Il est situé au nord de l’ancienne église et de là, ressemble à une orangerie avec ses ouvertures rondes et un toit d’ardoises en pentes douces. Vu côté nord, on découvre un bâtiment en forme de hangar à un étage.

Sur la façade, nous avons découvert de nombreuses inscriptions gravées, avec des numéros suivis de la formule “au jus“, ainsi que des dessins : une quille, une femme nue. Sur l’entrée EST, une date est gravée : 1878.Entrons. Dans un vestibule, une inscription au pochoir en anglais : « battery shop, machine shop, electrical shop ». Un 67 a été rajouté en bas à gauche. A l’intérieur, les murs ont été grattés mais pas

entièrement, pour laisser apparaître la pierre. Les charpentes sont toutes visibles et massives. Sous le toit nous avons pu apercevoir des plaques noires inscrites avec des numéros blancs faits au pochoir.

Comment interpréter ces traces ?

Nous avons constaté que sur l’un des pignons de l’arsenal, figure une date, 1878, nous pensons qu’elle correspond à la construction de l’édifice.La présence de nombreux graffitis sur les murs s’explique par une occupation militaire.On retrouve très souvent ce genre de graffiti : (chiffre suivi de la formule « au jus »), qui signifiait le nombre de jours qu’ils leur restaient à passer sur place, exemple 300 au jus signifiait 300 jours restant à boire du jus, en argot militaire, le café.

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D’autres traces comme des dessins de femmes nues viennent combler la solitude de la garde. La quille symbolise la fin du service militaire.

Selon M.Buttet, le 67 est le numéro de la garnison de Soissons installée dans la caserne en face de l’abbaye. L’inscription anglaise a sans doute été laissée par les Américains après la libération de Soissons et confirme la fonction de stockage de matériel militaire du bâtiment ; Les petites plaques sous le toit peuvent aussi faire penser à un classement. D’autres inscriptions laissées à l’extérieur marquent le passage et l’utilisation de St Jean des Vignes par la troupe lors de la Première Guerre Mondiale.

L’occupation militaire du site est clairement établie, mais il reste des zones d’ombre.

L’appel à une spécialiste, Madame Jagieslky, animatrice du patrimoine a été nécessaire.

Arsenal et poudrière.

Notre deuxième visite sous la conduite de Karine Jagielski responsable et animatrice du patrimoine et de l’architecture, apporte de précieuses informations.

En 1792, pendant la révolution, les militaires (20000 hommes) investissent la position stratégique de Soissons, qui compte 8000 habitants à l’époque, rempart avancé de Paris. En arrivant sur le site de Saint Jean des Vignes, débarrassé des derniers chanoines, l’armée révolutionnaire utilise les bâtiments monastiques comme dépôt de matériel et de vivres. Le site est transformé en zone de manutention militaire pour les casernes de la ville. C’est sous le Ier Empire que l’église et le cloître sont démontés. Par la suite, la décision est prise par le commandement de construire un arsenal et une poudrière. Les deux bâtiments sont terminés en 1843, comme l’atteste la plaque de la poudrière. La date de 1878 correspond à un agrandissement et donc un renforcement de la présence militaire, la construction des forts autour de Soissons (Condé, la Malmaison) y est sans doute pour quelque chose.Dans ce bâtiment étaient rangés divers matériels : armes, boulets, harnachements de cuir. Les portes

sont assez larges pour faire passer une remorque attelée. La poudrière quant à elle, est un petit bâtiment situé à une cinquantaine de mètres à l’Est. On pouvait y stocker 40 tonnes de poudre sur deux étages. Les murs ont 80cm d’épaisseur et percés de trous (évents) destinés à la ventilation mais aussi atténuer l’effet de souffle en cas d’explosion. Un mur, disparu aujourd’hui, en faisait le tour comme protection supplémentaire.En 1870, les Prussiens bombardent la ville des hauteurs de Belleu. St Jean des Vignes est occupé ensuite. Les murs ont souffert de la Première guerre mondiale, un obus a fait écrouler un coin de l’arsenal.

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La drôle de guerre en 1939 et 1940 voit le site occupé par des soldats français, notamment une division alpine. (159 R.I.A – régiment d’infanterie alpine -)

En juin 1940, les nazis occupent la ville jusque l’été 1944. Les libérateurs américains, dont la fameuse 1ère division US, arrivent sur Soissons. L’enceinte de l’abbaye reste propriété de l’armée, et les appelés du contingent vont continuer de faire les cent pas devant les portes jusqu’en 1994. A cette date, le domaine est revendu à la ville de Soissons pour un franc symbolique. L’arsenal est transformé en espace muséographique et accueille des expositions. L’intérieur se prête d’ailleurs très bien à l’accueil d’œuvres de toutes sortes. L’éclairage varie en effet selon les heures grâce aux grandes fenêtres, la texture minérale et rugueuse de la

pierre mise à nue ajoutée à la chaleur sombre des charpentes se prêtent bien à la mise en valeur des œuvres et expositions. Alors si la poudre a disparu pour laisser place aux pigments, bienvenue à « l’ARTsenal… »

Quelques dates

Article réalisé par la classe de TGO2E, M.Buttet, (enseignant)Contribution : Mme Couvreur (documentaliste) Lycée des Métiers Le Corbusier de Soissons.

Intervenants : K.Jagielski, service de l’architecture et du patrimoine, Soissons.Fabienne Jourdain : communication.

Février 2010 Les TGO2E sont

messieurs Jacquet, Kismoune, Lecrignier, Quizy, Ruelle, Scat, Szuwalski et Van Damme.

1789 Révolution française

1792 Arrivée des soldats à Soissons. Chanoine chassés

1814 Occupation prussienne et russe ( cosaques )

1843 Arsenal et poudrière construits

1870 Défaite française contre la Prusse

1878 Agrandissement de l'arsenal

1914-1918 Première Guerre Mondiale. Touché par les obus.

1940 Occupation de l'Allemagne nazie

44-45 Libération de Soissons et occupation des américains

Occupation militaire française (67ème RI)

1994 Espace muséographie dans l'arsenal

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