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ÉDITORIAL La lettre de l’AFES Association Française pour l’Étude du Sol avril 2011, n°95 Supplément à la revue Étude et Gestion des Sols, vol. 18, n° 1 – 2011 (ISSN 0753-3454 CPPAP 0612 G82389) thworm Ecology, en septembre dernier à l’aide d’une bourse DE- MOLON. Nous reviendrons briè- vement sur un ouvrage d’Alain RUELLAN publié l’année dernière aux Éditions de l’IRD : Des sols et des hommes. Un lien menacé. Enfin, Jean-Paul LEGROS nous racontera com- ment NAPOLÉON et son armée ont traversé la Bérézina à Studianka où « les terres gorgées d’eau et plus ou moins gelées pouvaient être franchies sur des plan- ches »... Bonne lecture... D ANS CETTE nouvelle let- tre de l’AFES, Jean-Paul ROSSIGNOL nous présen- tera trois dvd intitulés pour « connaitre et com- prendre le sol » et pro- duits par Educagri Édi- tions : « formation, rôles et enjeux » puis « organisation et fonc- tionnement » et enfin « organisation et étu- des ». Ensuite, nous partirons au Mexique, à Xalapa où Raphaël MARICHAL, doctorant au sein de l’UMR Bioemco a partici- pé au 9th International Symposium on Ear- Sommaire de ce numéro Trois dvd pour « connaitre et comprendre le sol » 2 Compte-rendu d’un boursier DEMOLON : Raphaël MARICHAL 5 Des sols et des hommes. Un lien menacé. De Alain RUELLAN 6 Prochaine journée de terrain de la section Massif central- Limousin 7 Le sol et la guerre (2) : la Bérézina 8 Rédacteur de la lettre : Frédéric FEDER [email protected]

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Page 1: La lettre de l’AFES...ÉDITORIAL La lettre de l’AFES Association Française pour l’Étude du Sol avril 2011, n 95 Supplément à la revue Étude et Gestion des Sols, vol. 18,

ÉDITORIAL

La lettre de l’AFES Association Française pour l’Étude du Sol avril 2011, n°95 Supplément à la revue Étude et Gestion des Sols,

vol. 18, n° 1 – 2011 (ISSN 0753-3454 CPPAP 0612 G82389)

t h w o r m E c o l o g y , en septembre dernier à l’aide d’une bourse DE-MOLON.

Nous reviendrons briè-vement sur un ouvrage d’Alain RUELLAN publié l’année dernière aux Éditions de l’IRD : Des sols et des hommes. Un lien menacé.

Enfin, Jean-Paul LEGROS nous racontera com-ment NAPOLÉON et son armée ont traversé la Bérézina à Studianka où « les terres gorgées d’eau et plus ou moins gelées pouvaient être franchies sur des plan-ches »... Bonne lecture...

D ANS CETTE nouvelle let-tre de l’AFES, J e a n - P a u l

ROSSIGNOL nous présen-tera trois dvd intitulés pour « connaitre et com-prendre le sol » et pro-duits par Educagri Édi-tions : « formation, rôles et enjeux » puis « organisation et fonc-tionnement » et enfin « organisation et étu-des ».

Ensuite, nous partirons au Mexique, à Xalapa où Raphaël MARICHAL, doctorant au sein de l’UMR Bioemco a partici-pé au 9th International Symposium on Ear-

Sommaire de ce numéro

Trois dvd pour « connaitre et comprendre le sol » 2 Compte-rendu d’un boursier DEMOLON : Raphaël MARICHAL 5 Des sols et des hommes. Un lien menacé. De Alain RUELLAN 6 Prochaine journée de terrain de la section Massif central-Limousin

7

Le sol et la guerre (2) : la Bérézina 8

Rédacteur de la lettre : Frédéric FEDER [email protected]

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ou pour des conférences pré-sentant les sols. Chaque dvd de treize minutes chacun est divisé en plusieurs chapitres qui peuvent être regardés séparément ou en-semble. Le temps de chaque séquence est court ; cela don-ne des documents denses où chaque mot est pesé et chaque image choisie avec soin. C’est un travail de pédagogue qui offre aux enseignants un outil pour introduire ou résumer un cours. Plusieurs visions

Trois dvd pour « connaitre et comprendre le sol » Un manque important vient d’être comblé par la parution de ces trois dvd « connaitre et comprendre le sol ». Ils sont produits par Educagri et sou-tenus par l’AFES. L’auteur Gé-rard TROUCHE est maître de conférences à Agrosup Dijon. La réalisation est de Joseph DE LA BOUËRE. Ils sont destinés aux étudiants du « bac pro » de l’enseignement agricole (niveau IV). Mais leur utilisa-tion peut, bien entendu, être proposée à d’autres étudiants

Les principales

fonctions sont

présentées : production

alimentaire, matériaux de construction,

siège de la biodiversité,

cycle de l’eau...

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sont nécessaires pour bien se rendre compte de leur riches-se. Suivant le niveau des spec-tateurs, des explications plus ou moins fournies seront né-cessaires pour fixer les connaissances. Le premier dvd, « formation, rôles et enjeux », est divisé en trois chapitres : origine et évolution des sols, rôles et fonctions du sol, me-naces sur les sols. Ce dvd, comme les deux suivants, est dense en informations qui sont bien illustrées par des images et des schémas. Le pre-mier chapitre présente la posi-tion particulière d’interface du sol entre les différents milieux, responsables de l’altération et de l’évolution des sols. Le rôle de l’Homme n’est pas oublié. Les principales fonctions sont présentées : production ali-mentaire, matériaux de cons-truction, siège de la biodiver-sité, cycle de l’eau. Les diffé-rentes menaces sont ensuite définies en s’appuyant sur le projet de directive européen-ne : patrimoine fragile, éro-sion, baisse de la biodiversité, développement de l’urbanisa-tion, baisse du taux de matiè-res organiques, tassement, salinisation, glissement de terrain, contamination. Le deuxième dvd, « organisation et fonctionne-ment », nous emmène à la dé-couverte des constituants mi-néraux et organiques des sols et de leur rôle dans les pro-priétés physiques, chimiques et biologiques des sols. Com-ment ces constituants et les propriétés s’enchaînent-ils

entre eux dans un fonctionne-ment dont l’équilibre est fragi-le et instable ? Le troisième dvd, « organisation et études », nous fait passer de l’échelle de la planète à celle de l’agrégat, en passant par le continent, le bassin versant, le solum, l’ho-rizon et la motte. Il donne des indications importantes sur les méthodes de la cartogra-phie des sols et les moyens d’étude sur le terrain : obser-vation à la tarière et descrip-tion de profils dans des fosses. Ce dvd insiste sur l’importan-ce des travaux sur le terrain pour la connaissance des sols. Mais aussi montre le besoin de les compléter par des ana-lyses physiques et chimiques.

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La richesse en informations des cartes de sols et leur notice sont soulignées. Ces cartes donnent naissance à des cartes dérivées et thématiques. Elles sont intégrées dans des SIG (système d’information géo-graphique). On peut regretter quelques petits détails, tels que l’appel-lation « cations basiques » donnée aux cations alcalins et alcalino-terreux, ou les unités de capacité d’échange cationi-que exprimée en meq/100g et non cmol(+)/kg.

Ces trois dvd proposent un socle solide de connaissances bien illustrées pour un ensei-gnement de qualité en science des sols. Ils sont indispensa-bles aux enseignants, mais aussi à tout vulgarisateur dé-sirant faire comprendre les problèmes de gestion durable des sols et de leur protection.

Educagri éditions, 26, boulevard Dr Petitjean BP 21079 21079 Dijon CEDEX www.editions.edicagri.fr

Jean-Pierre ROSSIGNOL

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Ces trois dvd

proposent un socle

solide de connais-

sances bien illustrées

pour un enseigne-

ment de qualité en

science des sols.

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Le 9th International Symposium on Earthworm Ecology a eu lieu à Xalapa, dans l’état de Veracruz au Mexique. Il s’agissait donc de la 9e édition de ce rassemblement consacré à l’écologie des vers de terre, il y a eu en tout 166 participants, venant de 33 pays différents. Les sessions cou-vraient toutes les facettes de l’écologie, des interactions au sein des communautés à la fer-tilité des sols et aux services écosystémiques, sans négliger les applications telles que la bioremédiation et le vermicom-postage. La taxonomie molécu-laire et la physiologie des vers de terre étaient aussi abordées. L’utilisation des vers de terre à des fins médicales faisait l’objet d’un workshop. Les participations orales reflé-taient les tendances actuelles en écologie des vers de terre, com-me les techniques génétiques utilisées à des fins taxonomi-ques ou l’importance des vers de terre dans les services éco-systémiques. La conférence introductive, « Earthworms, Gaia’s best friends » par Patrick LAVELLE rendait compte de l’importance des vers de terre et les relations qu’ils ont développées avec les autres organismes du sol au cours de l’histoire de la Terre. L’ensemble des résumés, que ce soient des résumés de posters ou de présentations orales, est téléchargeable sur le site du colloque (http://isee9.info/i m a g e s / s t o r i e s /abstracts_isee9.pdf). Une session

était consacrée à des workshops sur les sujets suivants : le tra-vail de Ken LEE (écologue et taxonomiste décédé en 2007), les vers de terre et la médecine, le vermicompostage et la bio-stimulation des vers de terre. Chaque groupe de travail a en-suite présenté ses conclusions devant l’ensemble des partici-pants et leurs dynamiques continuent sous forme de liste de diffusion. Le colloque s’est terminé par le projet de création d’une société savante internationale sur les vers de terre, ce qui augmente-rait la visibilité internationale de ce type d’études. Outre les aspects scientifiques, l’organisation permettait une découverte culturelle de Vera-cruz et de sa région : le colloque a par exemple commencé par une visite guidée du musée d’anthropologie, et un jour était consacré à la visite du site ar-chéologique de Zempoala et de la forteresse de San Juan de Ulua à Veracruz. Zempoala était une ville importante du royaume des Totonaques. Ceux-ci s’allièrent avec CORTÈS contre les Aztèques. Les vesti-ges actuels du site de Zempoala datent du 14e et 15e siècle. La journée comprenait ensuite la visite de San Juan de Ulua, pre-mière forteresse construite par les Espagnols en Amérique, protégeant le port de Veracruz. D’un point de vue personnel, la participation à ce colloque fut une expérience très positive et une première expérience de colloque international pour

Compte rendu de ma participation au 9th Interna-tional Symposium on Earthworm Ecology, à Xalapa, Mexique, septembre 2010.

(…) les tendances actuelles en écologie des vers de terre, comme les techniques génétiques utilisées à des fins taxonomiques ou l’importance des vers de terre dans les services écosystémiques

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moi. Cela m’a permis de me familiariser avec ce mode de réunions scientifiques. Je fis lors de ce colloque ma première communication orale en an-glais, sur les relations entre les traits biologiques des vers de terre, la dégradation de l’envi-ronnement et les services éco-systémiques en Amazonie. Les questions posées furent intéres-santes et j’ai pu discuter plus tard avec les personnes travail-lant sur des sujets similaires. J’ai eu l’occasion de présenter un poster sur les processus d’invasions de Pontoscolex core-

thrurus, un ver de terre invasif en Amazonie. Les sessions pos-ters furent aussi l’occasion d’é-changer avec les autres étu-diants et chercheurs, même si la fréquentation de ces sessions aurait pu être plus importante.

Je remercie sincèrement l’AFES pour son soutien à travers la bourse DEMOLON, ce qui m’a permis de présenter mes tra-vaux dans mon premier collo-que international.

Raphaël MARICHAL, doctorant au sein de l’UMR BIOEMCO.

important dans l’équilibre climatique de la planète. Mais les sols sont mal connus. Qui sont-ils ? Comment se forment-ils ? Quelles fonctions assurent-ils à l’égard des hommes et de l’environne-ment ? Dans quelle mesure les sols sont-ils menacés par l’urbanisation, la désertifica-tion, les pollutions agricoles et industrielles, l’intensification et l’uniformisation des pratiques culturales ? Ne sont-ils pas aujourd’hui en danger, à l’instar d’autres milieux naturels ? Plus que jamais, il importe de faire découvrir ce milieu particulier, déterminant pour l’avenir de l’homme et de la biosphère. Tel est l’objectif de cet ouvrage largement illustré, accessible à tous, qui donne à voir et à comprendre les sols dans toute leur diversité afin de mieux les préserver.

IRD éditions, 2010 Format 29 x 21 cm ISBN : 978-2-7099-1690-5 Langue : français Prix AFES : 18,00 €

Des sols et des hommes. Un lien menacé. Alain RUELLAN

Les sols font partie de notre quotidien. Marquant les paysages de leur empreinte, étroitement associés au développement de la vie et des sociétés humaines, ils assurent aux êtres vivants le gîte et le couvert. Contribuant au r e c y c l a g e d e s d é c h e t s organiques et à la régulation du cycle de l’eau, les sols constituent par ailleurs l’un des principaux réservoirs de carbone et jouent un rôle

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La section Massif central-Limousin de l’AFES vous invite à une journée de terrain

le vendredi 27 mai 2011

Quelques sols acides et sols hydromorphes de la Haute-Corrèze

Présentés par Bruno GRATIA, professeur de pédologie au lycée forestier de Meymac Rendez-vous à Neuvic (au sud d’Ussel), rond point de la gare (il y a un bistrot), se garer sur le parking de Gamm Vert. Il sera impératif de commencer la journée à l’heure indiquée. 9h30 Accueil des participants 9h45 Départ sur le terrain La matinée Station 1 Forêt domaniale de la Vergne : sol hydromorphe minéral à gley oxy-dé et régénération de l’aulnaie Station 2 Cheyssac : sol acide sur microleucogranite. Sol hydromorphe miné-ral, colluvion sur alluvion Le midi Repas au self du lycée forestier à Meymac L’après-midi Station 3 La Virolle : sol acide sur granite porphyroïde ; joli passage aux peg-matites Station 4 Eneaux : sol acide sur granite Participation : la participation aux activités des sections régionales de l’AFES (journées terrain et conférences) est gratuite pour les membres de l’AFES, les interve-nants invités et les étudiants ; elle est de cinq euros pour les non-membres, payables le jour de la sortie. Un reçu leur sera remis le même jour. Inscription à renvoyer avant le 20 mai 2011 à Laurence BENEDIT, INRA-UREP Site de Crouël, 63100 Clermont-Ferrand Tél. : 04 73 62 44 27 Fax : 04 73 62 44 57 Courriel : [email protected] Pour toute autre information : Clément MATHIEU Courriel : [email protected] Tél. : 05 87 21 80 90

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Un petit article anté-rieur (lettre n° 84, 2007) rappe-lait comment NAPOLÉON avait utilisé le terrain pour gagner la bataille d’Austerlitz. Voyons ici comment il a tra-versé la Bérézina à Studianka (ou Stoudienka). Les troupes qui avaient franchi le Niémen en juin 1812 et pénétré alors en Russie constituaient une formidable machine de guerre comprenant entre 500 000 et 700 000 hommes selon les esti-mations. Suivaient 2200 ca-nons. Les Français formaient une grosse moitié de l’effectif. Le reste correspondait à nos alliés et réunissait toutes sor-tes de nationalités en particu-lier les Polonais, mais aussi les Autrichiens. NAPOLÉON n’a-vait-il pas épousé Marie-Louise d’Autriche ? Les Rus-ses n’avaient pas les moyens de résister à une pareille force. Ils reculaient et essuyaient de nombreuses défaites. Mais à

l ’ o c c a s i o n d e c h a q u e « victoire », NAPOLÉON per-dait beaucoup d’hommes et la puissance de l’armée s’effilo-chait. En plus, le temps était glacé. Certes, le retour de Rus-sie s’est effectué en automne et pas en hiver. Mais on a alors mesuré des températures tombant jusqu’à moins 22 de-grés (certains chroniqueurs disent moins 27). C’était la fin du petit âge glaciaire dont la péjoration correspond à la période 1650-1750, mais qui, d’après les travaux les plus récents, a exprimé à nouveau une pointe de froid après 1800. Beaucoup d’hommes sont morts gelés. Les débris de l’armée lorsqu’ils repasseront le Niémen, le 14 décembre, compteront entre 10 000 et 50 000 survivants.

Ceux qui utilisent Google-Earth (cf. page 10) se transporteront facilement sur le site du franchissement de la

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Le sol et la guerre (2) : la Bérézina

Traversée de la Bérézina par Paul LEHUGEUR, XIXe.

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sespérer. Il faut donc traverser coûte que coûte. Mais un gros problème se pose : quelques jours plus tôt, pour accélérer la retraite, NAPOLÉON a ordon-né de brûler les voitures qui suivaient l’armée. En particu-lier, on a détruit toutes les em-barcations à fond plat dont on pouvait avoir besoin pour tra-verser les rivières (pont de bateaux) et on avait réaffecté à d’autres tâches les 500 ou 600 chevaux utilisés antérieure-ment à ce type de transport. Mais le général EBLÉ avait conservé de quoi faire des « ponts de chevalets » qui doi-vent reposer sur le fond de la rivière. Il avait donc à disposi-tion des marteaux, cordes, et même du charbon pour faire des feux et forger des clous. Dans un tel contexte, le fran-chissement doit éviter les défi-lés et trouver un endroit où la rivière est la plus large possi-ble et la moins profonde pos-sible. C’était le cas à quinze kilomètres au nord de Bori-sow, près de Studianka. À cet endroit, la rivière fait des méandres et, aujourd’hui en-core, elle est entourée de ma-récages représentant une ban-de humide de 500 mètres dans le sens de la largeur. Les terres gorgées d’eau et plus ou moins gelées pouvaient être franchies sur des planches. Mais dans le courant, les pon-tonniers auraient à travailler avec de l’eau jusqu’aux épau-les. Le bois leur manquait et le temps faisait défaut pour abat-tre des arbres et les équarrir. Des cabanes et maisons de Studianka sont alors démolies pour récupérer planches et poutres. Pendant ce temps, un

Bérézina dont les coordonnées sont : 54-18-54,30 N et 28-21-28,79 E. De nombreux clichés sont disponibles si on prend soin d’activer le pavé « photo » dans la marge gau-che de l’écran. Ils permettent de bien repérer l’endroit et en particulier de visualiser les cinq ou six monuments érigés aux morts des belligérants de différentes nationalités. À l’al-ler, NAPOLÉON était passé un peu au nord du bassin versant du Dniepr et avait donc évité la traversée de ses nombreux affluents. Ils forment comme un éventail alimentant le fleu-ve avant que celui-ci se jette dans la mer Noire. Mais au retour, l’empereur devait af-fronter un par un les cours d’eau, en particulier la Bérézi-na qui coule franchement nord-sud et lui barrait le pas-sage sur une largeur de cin-quante mètres. Localement un pont, un seul, existait dans la petite ville de Borisow. Nos alliés polonais l’avaient investi puis avaient perdu 2000 ou 3000 hommes pour essayer de le défendre. Le pont était maintenant aux mains des Russes. Si on les contraignait à libérer la place, ils le brule-raient avant de se retirer. Il fallait donc trouver autre cho-se. Plusieurs de ses généraux proposent alors à l’empereur de remonter vers le nord jus-qu’aux sources de la Bérézina. Mais NAPOLÉON ne le veut pas. Il craint la perte de temps et le risque que l’ennemi en profite pour regrouper ses forces et le cerner. Surtout, demander aux troupes épui-sées de remonter au nord était le meilleur moyen de les dé-

Les terres gorgées d’eau et plus ou moins gelées pouvaient être franchies sur des planches.

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corps de cavalerie traverse « à la nage », pour sécuriser la rive en face. Il perd 80 cava-liers et leurs montures empor-tés par le courant ou percutés par les plaques de glace que charriait alors la Bérézina.

Dans notre culture, « Bérézina » est synonyme d’évènement sinistre voire de défaite. C’est injustifié pour une petite part car l’armée napoléonienne, qui représente encore 70 000 hommes, va ré-aliser une opération militaire exemplaire et éviter la des-truction totale. Elle ne perdra dans l’affaire « que » 8000 hommes. Des régiments dis-posant de canons sont posi-tionnés en arrière sur des hau-teurs. Ils empêchent l’ennemi de s’approcher et remplissent parfaitement leur devoir, en se sacrifiant. Les pontonniers, avec un courage au dessus de tout éloge, construisent deux ponts, un pour la troupe, l’au-tre pour les équipages. EBLÉ donne l’exemple et travaille dans l’eau glacée comme tous ses hommes. Frappé par le froid, il en mourra peu après et ne reverra pas la France. En avant des ponts, les Russes sont là aussi. Notre cavalerie se bat avec une énergie farou-che : « Sur des chevaux mourant de fatigue et d’inanition, les bra-ves cuirassiers de DOUMERC en-foncent les carrés ennemis… ». En trois jours, entre le 26 au lever du soleil et le 29 novem-bre, à 9 heures du matin, l’ar-mée construit les ponts, tra-verse et les détruit.

Mais il y a, lors du passage de la Bérézina, des

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faits qui expliquent l’épouvan-table souvenir de l’évènement, transmis chez nous de généra-tion en génération. Comme toutes les grandes armées de l’époque, celle de NAPOLÉON était suivie de « traînards », au moins 10 000 personnes : sol-dats débandés, souvent bles-sés, cantinières, infirmiers, femmes et enfants de militai-res, enfin détrousseurs de ca-davres du type « Thénardier » si bien décrits par HUGO dans les misérables. Dans la nuit du 28 au 29, ces gens étaient au bivouac, dans des conditions qui, toutes proportions gar-dées, leur semblaient presque confortables : grands feux et quartiers de chevaux à dévo-rer. Ils n’ont pas eu la force de se lever et ont eu peur d’af-fronter la nuit, le froid et l’eau quand on leur a dit que la voie était libre et qu’ils pouvaient utiliser les ponts pour franchir la Bérézina. Ils étaient dans un état de sidération qu’explique la fatigue et la privation d’ali-ments pendant des semaines avec, peut être, un effet de groupe (si les autres ne bou-gent pas, je ne bouge pas non plus). Ils sortirent de leur tor-peur trop tard quand au matin les Russes tirèrent à coup de canon sur eux. La troupe, déjà transférée sur l’autre rive n’é-tait plus là pour les protéger. Alors on vit une scène affreu-se : une foule immense se pré-cipitait sur les ponts pas assez larges et pas assez solides pour la supporter. Les plan-ches cassaient. Les gens se piétinaient passant les uns sur les autres ; ils tombaient à l’eau, se noyaient. Et les survi-

… même si la grande armée

échappa aux Russes sur la Bérézina, elle

fut définitivement

cassée par le passage des

marais.

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Le sol et la guerre (2) : la Bérézina vants finissaient dans un mur de flammes car, pour protéger sa retraite, l’armée avait été contrainte de mettre le feu aux ponts. Elle l’a fait le plus tard possible, à 9 heures du matin, alors que l’ennemi arrivait et alors que l’ordre de destruc-tion mentionnait le lever du jour c’est-à-dire 7 heures. On ne revit aucun de ces malheu-reux. Par ailleurs, même si la grande armée échappa aux Russes sur la Bérézina, elle fut définitivement cassée par le passage des marais. C’était le début de la fin. Comment re-grouper en unités identifiées des hommes épuisés qui ont rompu le rang pour franchir le pont, un par un, pendant deux jours et deux nuits ? Pour dé-crire la désorganisation de la marche des combattants après le passage de la Bérézina, cer-tains chroniqueurs font l’ana-logie avec des troupeaux de bœufs. Beaucoup d’hommes allaient mourir de froid en essayant de se trainer sur les chemins du retour pour échapper à l’ennemi. Quel-ques jours après, le 5 décem-bre, NAPOLÉON abandonne l’armée à son triste sort. Il ren-tre à Paris avec une petite es-corte, assis sur un traîneau tiré par des chevaux rapides. Il a passé le commandement à MURAT qui lui-même le refile-ra à Eugène de BEAUHAR-NAIS…

Le calcul est facile : en Russie, en six mois de campa-gne, NAPOLÉON a perdu en moyenne au minimum 2000 et peut-être même jusqu’à 3000

hommes par jour. C’est ef-frayant et consternant ! Ils sont morts au combat, mort de faim, de froid et plus rarement ont déserté en espérant être épargnés par les Russes. Par exemple, 3000 hommes sont restés à Moscou où ils sem-blent avoir survécu.

Jean-Paul LEGROS

Le site du franchissement de la Bérézina : 54-18-54,30 N et 28-21-28,79 E. © Google

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AFES— Association Française pour l’Étude du Sol INRA, 2163, avenue de la pomme de pin, CS 40001 — Ardon F-45 075 ORLÉANS CEDEX 2 Tél. : +33 2 38 41 48 23

Fax : +33 2 38 41 78 69 [email protected]

MAIS QUE FAIT L’AFES ?

ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L’ÉTUDE DU SOL

Rédacteur de la lettre de l’AFES : Frédéric FEDER CIRAD—UPR « risque environnemental lié au recyclage » station de la Bretagne — BP 20 F-97 408 SAINT-DENIS messagerie CEDEX 9 Île de la Réunion, France

Téléphone : 02 62 52 80 31 Fax : 02 62 52 80 21 [email protected]

du sol (inscription sur le site internet) ;

— organisation de journées spéciali-sées, congrès nationaux et internatio-naux sur des thèmes touchant les sols, leurs fonctions, leur protection, leur uti-lisation ;

— organisation d’excursions relatives aux sols dans les régions (3 à 4 fois par an) ;

— organisation de réunions de travail pour la réalisation d’ouvrages collectifs comme le référentiel pédologique (RP) ;

— relations avec les ministères (pour la normalisation et autres expertises…) ; — gestion des abonnements à la revue trimestrielle European Journal of Soil Science (EJSS) ;

— attribution de bourses DEMOLON destinées à subventionner la participa-tion de jeunes chercheurs à des congrès ; — enfin, l’AFES, membre de l’Interna-tional Union of Soil Science (IUSS), assure le contact avec la communauté scientifi-que mondiale dans la discipline et per-met l’accès aux sites internet internatio-naux traitant de science du sol via son propre site.

L’AFES est une association loi 1901, créée en 1934. Elle œuvre pour le développe-ment de l’étude des sols et de ses appli-cations chez les amateurs et profession-nels. Elle regroupe donc les personnes intéressées par la science du sol et les disciplines voisines, qu’ils travaillent dans la recherche, l’enseignement ou le développement. Elle est ouverte aux jeunes auxquels elle consent des tarifs préférentiels et elle permet à tous de communiquer. Ses activités principales sont les suivantes :

— édition trimestrielle de la revue scientifique et technique Étude et Ges-tion des Sols (EGS) ;

— édition trimestrielle de cette « lettre AFES » qui donne des nouvelles de l’as-sociation et de la discipline aux adhé-rents ; — maintien d’un site WEB à l’adresse www.afes.fr — gestion des listes mails « AFES » et « HORIZON.JEUNES » ouvertes à tous : ces deux listes gratuites diffusent journelle-ment des informations, en particulier les annonces de soutenance de thèses et propositions d’emploi dans le domaine

www.afes.fr