international ink n°2

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Regards sur l’Europe de l’Est INTERNATIONAL.INK Journal d'Etudiants en Science Politique et Relations Internationales L’AESPRI se présente Bachelor RI, quel bilan ?

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Regards sur l'Europe de l'Est : notre dossier

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Page 1: International Ink n°2

Regards surl’Europe de l’Est

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L’AESPRI se présente Bachelor RI, quel bilan ?

Page 2: International Ink n°2

.SOMMAIRE

Page 3: International Ink n°2

Portrait5 Marcelo Olarreaga, professeur d’économie politique à l’Université de Genève.

Vie Universitaire7 L’AESPRI : Association active et disponible, au service des étudiants

9 Les études en Relations Internationales à Genève, quel bilan ?11 « Quand les porcs quittent leur batterie : lettre ouverte aux semeurs de merde »

13 Du débat sur la liberté d’expression : le Forum du Militantisme

Dossier : L’Europe de l’Est14 Introduction15 Eclairages, entretien avec Mr André Liebich, professeur à l’IHEID.18 Evaluation des perspectives de changement de régime en Biélorussie20 Le murmure de l’allemagne de l’est22 La Bulgarie fait ses comptes24 Ukraine : terre de conversions26 Russie, retour aux vieilles méthodes soviétiques : l’internement psychiatrique27 Kosovo, le rendez-vous manqué30 La question russe dans les pays baltes

Société32 Autre regard, autre information, jetez un coup d’œil sur le Bondy Blog32 Initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »

Politique34 Colombie : de l’incident à la crise diplomatique 37 Elections : les deux Espagne s’affrontent dans les urnes

40 …

52 Sources

INTERNATIONAL.ink n°02 avril 2008:Edité par l’Association des Etudiants en Science Politique et en Relations Internationales. (AESPRI).Imprimé par Repro Mail.Financé par la Commission de Ges-tion des Taxes Fixes (CGTF).

Rédaction :Rédacteurs en chef: Clément Bürge et Cyril Granier

Membres:Joëlle d’Andrès, Romain Aubry, Mé-lanie Escobar Vaudan, Danica Hanz, Matthieu Heiniger, Lukas à Porta, Antoine Roth, Samia Swali, Lionel Thorens

Graphiste: Léo Felder

Illustration : Matthieu Heiniger

Rédacteurs externes: Adría Budry Carbó, Omar Tarabay

Retrouvez-nous sur notre site web www.aespri.unige.ch rubrique journal !

Erratum :La rédaction tient à signaler que deux articles du premier numéro : « Hollywood. Grosses bobines, quand le cinéma devient de l’intox », rédigé par Claire Monari, ainsi que « Droit à la fête… vraiment ?? », écrit par Mylène Hauri, ont étépub-liés dans leur version provisoire. Nous tenons à leur adresser toutes nos excuses.

.SOMMAIREINTERNATIONAL.ink n°02

P.3

!! !

Page 4: International Ink n°2

Ainsi débutait notre dernier horoscope ! Malgré les étranges prédictions de notre dernière édition qui ont effrayés quelques uns de nos lecteurs, une grande partie d’entre vous a apprécié le journal. Par contre, vous nous avez fait remarquer que notre mise en page laissait à désirer : trop grande densité du texte, images peu mises en valeur, etc. Nous avons renouvelé notre gra-phisme et vous proposons une mise en page aérée et plus lisible.Une brève observation nous fait re-marquer que le milieu politique est plutôt agité : la loi sur l’université sus-cite la controverse et pousse syndicat et collectif à se mobiliser. Autre mo-tif d’agitation, la prise de contrôle de la Commission de Gestion des Taxes Fixes par le rectorat. Cet organe finan-cier est essentiel pour des projets tels que le journal que vous tenez dans vos mains. Espérons que cette OPA soit amicale !La venue d’entreprise lors du Forum Uni-emploi à l’Université a également soulevé la controverse auprès d’un groupe d’individus. Ces joyeux personnages ont pensé bon de transformer le forum en salon de l’agriculture en y déversant du purin. Un événement passion

nant pour le « 20 minutes » qui a au-tant d’information intéressante que de scrupule à transmettre un com-muniqué de presse sans en déformer le contenu. L’Association des Etudi-ants en Science Politique et Relations Internationales (AESPRI) a mal-heureusement été victime de ce pro-fessionnalisme en se voyant attribuer la paternité d’un communiqué criti-quant le forum Uni-emploi. Mais mettons ces affaires de côté un moment et revenons à ce qui nous et vous intéresse actuellement : notre présente édition. Pour cette deuxième parution, la rédaction s’est concentrée sur les pays d’Europe de l’Est. De la chute du mur de Berlin aux élections contestés entre pro-russes et pro-occi-dentaux, du Kosovo jusqu’en Russie, cette région a subi de profondes mu-tations. Cependant, les réticences et la nostalgie soviétique ont tendance à contrebalancer ce développement vers le « american way of life ». Ce dossier tente d’apporter des explications à ces évolutions politiques, culturelles et sociales. Hors du cadre de ce dossier, un ar-ticle sur le bachelor RI est à la disposition des futurs et des actuels étu

diants en Relations Internationales. Après avoir effectué plusieurs inter-views des membres du corps profes-soral, nous espérons répondre aux questions que vous vous posez, et mettre fin aux nombreuses rumeurs qui courent dans les couloirs de l’Université. Enfin, souhaitant communiquer ac-tivement avec ses membres et les étu-diants, l’AESPRI vous fait découvrir ses buts, son rôle dans l’université et ses activités par une présentation que vous trouverez dans cette nouvelle édition. Prévoyant l’enthousiasme qui s’emparera de votre esprit lors de la lecture de cet article, nous vous invitons à participer activement à l’AESPRI.Encore un dernier mot pour vous rap-peler que International.ink est à la recherche de rédacteurs ! Si vous sou-haitez écrire, dessiner, prendre des photos ou encore faire partie du co-mité de rédaction, contactez nous via notre adresse e-mail : [email protected] ! Chers amis non francophones, sachez également que nous publions des ar-ticles en anglais. Ne ratez pas cette occasion et rejoignez nous !

.EDITO

Clément Bürge / Cyril GarnierP.4

« Bélier : vous rencontrerez l’hommeou la femme de votre vie…ou pas »

Page 5: International Ink n°2

Parcours de vie:« Je n’avais pas de parcours de vie particulièrement indiqué », m’interrompt Marcelo Olarreaga, alors que je lui propose le plan de mon interview, « mais plutôt de nom-breux choix à prendre, de tous les de-grés d’importance, au jour le jour (...). Vous savez, ces choix qui devraient dans l’idéal nous per mettrede nous épanouir et de faire les choses que l’on aime. » La dis-cussion est lancée. Ces choix ont amené Marcelo Olarreaga à revenir à Genève l’année dernière, après dix ans d’engagement pour la Banque Mondiale à Washington, et repren-dre, au semestre d’automne 2007, l’enseignement à l’université comme professeur d’économie politique. Puisque fraîchement débarqué sur les rivages du Léman, la rédaction d’International.ink souhaite vous dévoiler ce nouveau visage du corps professoral, dont le nom de famille, à

.PORTRAIT

P.5Matthieu Heiniger

Portrait de Marcelo Olarreaga, professeur d’économie politique à l’Université de Genève

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la consonance sud-américaine, éveille une curiosité toute naturelle.Pourtant, ne vous fiez pas aux appar-ences: notre invité n’est pas étranger à Genève, ou plutôt Genève ne lui est pas étrangère, puisqu’il y déménage à l’âge de quatorze ans lorsque son père diplomate accepte un mandat de 5 ans à l’ONU. Aîné d’un frère et d’une soeur, Marcelo Olarreaga quitte donc sa ville d’origine, Montevideo, capitale de l’Uruguay, avant la fin de sa scolarité secondaire qu’il ter-minera au collège de Claparède. Des souvenirs de l’Uruguay, et surtout un héritage familial sud-américain en mémoire, se mélangent avec une jeunesse épanouie à Genève. Cette double identité est bien vécue: finale-ment, le football est aussi populaire en Suisse (il en pratique volontiers), le lac peut donner l’illusion d’un mé-andre du Rio De La Plata et les pentes de ski s’apprivoisent rapidement. Si Marcelo Olarreaga pensait, au début de ses études universitaires à Genève, devenir journaliste, c’est assez vite qu’il découvre, au travers des cours du professeur Yves Flückiger (et surtout pendant la 3ème heure facultative), les « outils des économistes ». A sa curiosité et à sa volonté de compren-dre et d’appréhender le monde, ces « outils » ludiques donnent des pistes de recherche et l’amènent à changer d’orientation: ce sera l’économie, non pas pour devenir un requin de la finance sans état d’âme, mais bien au contraire pour dévoiler les mécan-ismes économiques qui organisent notre environnement et orientent les sociétés. Ce tournant aboutit à un doctorat en économie à l’université de Genève, en 1996.A la fin de ses études, Marcello Olar-reaga s’engage deux ans pour l’OMC à Genève, puis travaillera dix ans pour la Banque Mondiale à Wash-

ington. Une étape riche en rencontres humaines, en défis professionnels, ponctuée de nombreux voyages, par-ticulièrement en Amérique du Sud ou en Afrique. Les problématiques du tiers-monde et le développement économique sont perçus par Mar-celo Olarreaga avec un grand intérêt et beaucoup d’engagement person-nel. Cette étape est aussi synonyme d’un mariage avec son épouse ir-landaise et de la naissance de leurs deux fils. Cependant, ce passage à la Banque Mondiale ne l’empêche pas de publier et de garder contact avec l’enseignement, capacité qu’il avait développée depuis la fin de ses études. Marcelo Olarreaga trouve du temps, même sur ses congés, invité par plu-sieurs universités, pour entretenir ce désir de communiquer un savoir et des connaissances.S’offre alors la possibilité de travailler comme professeur de l’Université de Genève, et Marcelo Olarrea-ga d’accepter la proposition, pour ainsi débuter les cours au semestre d’automne 2007, toujours animé par cette ambition de transmettre une passion, des outils de savoir, une vi-sion de la branche et de son utilité. L’enseignement est donc un part-age, mais aussi une « consomma-tion personnelle », comme il se plaît à ajouter: parce que l’enseignement transmet aussi à celui qui enseigne un épanouissement et un état de décou-verte permanent. Espérons que cette nouvelle étape de vie se ponctue par des enrichissements personnels et un quotidien stimulant. Marcelo Olarrea-ga est à l’aube d’une nouvelle journée sur le territoire suisse, nous lui sou-haitons la bienvenue à lui et à sa fa-mille, et une expérience heureuse qui renforcera son sentiment d’avoir fait le « bon » choix.Une dernière anecdote: Marcelo Olar-

reaga me donne à la fin de l’interview, quand je lui demande de citer un au-teur qu’il admire, le nom de l’écrivain colombien Gabriel Garcìa Márquez et de son oeuvre: « Cent ans de soli-tude ». De ce roman, il m’explique la première page qui lui parle singulière-ment. Il est question de découverte. Il est question d’offrir à la connaissance d’un non-initié quelque chose de neuf et d’inconnu. Peut être bien que, par analogie à l’incipit du roman, Marcelo Olarreaga vient de se lancer dans une nouvelle étape animée par le grain essentiel de la curiosité et sur un ter-rain ensemencé de multiples décou-vertes qu’il souhaite communiquer au travers de ses cours.

Des goûts et des couleurs:-Une personnalité, décédée ou vi-vante, que vous rêveriez de rencon-trer: Mon grand-père paternel ou maternel.-Un moment que vous pourriez re-vivre: Le premier pas sur la lune en compagnie de Neil Armstrong. -Une équipe de football: Le FC Mal-odo.-Un film culte: Angel’s Heart-Un endroit pour se ressourcer: Cabo Polonio (une réserve naturelle en Uruguay au bord de l’océan)-Un rituel avant les cours: Boire un Red Bull®

.PORTRAIT

Matthieu HeinigerP.6

Page 7: International Ink n°2

.PORTRAIT

« Hey t’as vu, l’AESPRI a mis de nou-veaux polycopiés sur son site ! »« C’est vrai ? Excellent ! Heureuse-ment qu’ils sont là, je ne sais pas comment je réussirais mes exams si-non… »Mais à part cette histoire de poly-copiés, qui est l’AESPRI, et surtout à quoi peut-elle vous être utile ? En effet, peu de monde sait réellement ce qu’est l’Association des Etudiants en Science Politique et en Relations Internationales et quels sont ses do-maines d’action. C’est pourquoi la rédaction d’International.ink a décidé d’aller à sa rencontre, par

l’intermédiaire de son président, Joël Odoni. Entretien.

INTERNATIONAL.INK : Quelle est cette année la composition de l’AESPRI en nombre d’étudiants et sa répartition en Science politique et en Relations internationales ?J.O. : L’année passée, les membres actifs du comité de l’AESPRI étaient peu nombreux (cinq-six personnes) et majoritairement en Science politique, ce qui menait certains étudiants de Re-lations internationales à se sentir peu ou pas représenté par l’association. Ainsi, l’idée cette année a été de re

cruter le plus largement possible dans les deux branches, ce qui a très bien fonctionné. Cette année, le comité est composé d’une vingtaine de membres actifs, majoritairement de Relations internationales et pour beaucoup en première année. Nous nous en réjou-issons, car la continuité de l’AESPRI est ainsi assurée pour les prochaines années, avec des personnes qui sauront reprendre les rênes de l’association et mener les projets à bien.

.VIE UNIVERSITAIRE

P.7Lionel Thorens

L’AESPRI : association active et disponible, au service des étudiants

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INTERNATIONAL.INK : Com-ment l’AESPRI est-elle organisée ? Quelles sont ses dynamiques ? Dans quels domaines est-elle active ?J.O. : La ligne prioritaire de l’AESPRI en tant qu’association est la défense des étudiants de Science politique et de Relations interna-tionales et se réclame comme neutre politiquement. L’organe suprême de l’AESPRI est l’Assemblée Générale qui a lieu au minimum une fois par année. Elle se charge d’établir les pri-orités de l’AESPRI et d’élire la direc-tion du comité. Cette assemblée est ouverte à tous les étudiants de SPO et RI. Quant au comité, il est composé des membres actifs et prend les dé-cisions en accord avec le mandat de l’Assemblée Générale. Les projets sont menés à bien par divers groupes de travail qui ne sont pas forcément uniquement composés de membres du comité. Cette année, nous avons le groupe Forum du militantisme, le groupe journal ainsi que le groupe culture qui organise les événements de l’AESPRI et le groupe politique qui traite des sujets de politique uni-versitaire.

INTERNATIONAL.INK : En quoi l’AESPRI peut-elle être utile aux étu-diants ? Que leur propose-t-elle com-me soutien ?J.O. : Etant donné la complexité de l’administration de l’université, nous sommes là pour aider les étudiants à s’y retrouver. S’ils ont un problème, nous savons les rediriger vers les per-sonnes compétentes, les aider, notam-ment pour des recours, par des lettres de soutien, lorsque le problème est jugé important. Notre deuxième mis-sion est de leur proposer également des occasions de rencontre (en planifi-ant des soirées), ainsi que d’organiser des conférences, projections et autres

animations culturelles. Nous avons également le projet à long terme de renforcer toujours plus nos relations avec le département afin d’en devenir un acteur-clé.

INTERNATIONAL.INK : Com-ment est-il possible pour les étu-diants de rentrer en contact avec l’AESPRI ?J.O. : Depuis ce deuxième semestre, nous avons mis en place une perma-nence régulière à notre bureau. Les étudiants peuvent donc venir nous voir au bureau 5297 le mardi de 10H00 à 11H30 et de 12H00 à 14H00 ainsi que le jeudi de 12H00 à 14H00. Ils ont également la possibilité de nous écrire des e-mails ([email protected]) ou de nous appeler au (+41)22 379 89 46. Toutes ces informations se trouvent sur notre site internet www.aespri.unige.ch. Si les étudiants souhait-ent s’engager au sein de l’AESPRI, ils peuvent passer aux séances du comité, qui sont ouvertes à tous. Au début de l’année, l’Assemblée Gé-nérale reste le meilleur moyen pour s’informer sur l’association puisque le comité redémarre sur de nouvelles bases et présente les premiers projets pour l’année à suivre.

INTERNATIONAL.INK : Quels sont les projets, quelles sont les pri-orités de l’AESPRI pour ce deuxième semestre 2008 ?J.O. : Le projet le plus important pour nous d’ici la fin de ce semestre est le Forum du militantisme (ndlr : cf. article sur ce sujet dans ce même numéro d’International.ink). Nous avons également organisé deux gross-es soirées au début de ce semestre qui ont été de vrais succès. Le groupe culture a pour projet d’organiser des projections ainsi que quelques soirées en semaine, et donc dans une ambi-

ance plus calme, notamment autour de jeux (société, jass,…). En ce qui concerne la politique universitaire, nous tentons d’aider le département pour les Midis de Science Po, et nous cherchons à participer le plus possible au développement des cursus respec-tifs à travers le collège des enseig-nants en approchant les professeurs et les assistants individuellement. Une dernière priorité est d’assurer la con-tinuité de l’AESPRI et d’améliorer son fonctionnement ; nous sommes donc en train de reformer les Statuts de notre association.

.VIE UNIVERSITAIRE

Joëlle d’Andrès - Clément BürgeP.8

.VIE UNIVERSITAIRE

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.VIE UNIVERSITAIRE

Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies, Hans-Gert Poettering, actuel président du Parlement Euro-péen ou encore Micheline Calmy-Rey, autant de personnalités qui ont con-tribué à la renommée de l’Université de Genève et à l’institut HEI. Alors que la licence en hautes études inter-nationales composée d’un partenariat entre ces deux dernières institutions fonctionnait avec succès, les forma-tions en Relations Internationales ont été entièrement remodelées. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quelles opportunités s’offrent aux étudiants ? Tour d’horizon et éclaircissements pour les néophytes tout comme pour les initiés.

Les réformes et le nouveau sys-tèmeAlors que les étudiants, après avoir passé deux années à l’Université de Genève, finissaient leur cursus à l’institut, la décision de ce dernier de se concentrer uniquement sur les formations de troisième cycle boule-versa le système en place. En effet, l’Université de Genève se retrouvait sans formation en études internation-ales, elle qui pourtant revendiquait son ouverture dans ce domaine. De ce fait, Unige décida de mettre en place un nouveau bachelor s’adaptant au passage au nouveau système mis en place suite aux accords de Bologne. Celui-ci est le résultat d’une coo-pération entre trois facultés : Lettres, Droit et Sciences économiques et so-ciales. Ainsi, durant cette formation pluridisciplinaire, l’étudiant pratique de la Science Politique, du Droit, de l’Economie et de l’Histoire, ces dis-ciplines étant orientées vers les rela-tions internationales. A mesure qu’il avance dans le plan d’étude, il se

spécialise dans deux, puis dans une seule des quatre disciplines.

Quelles solutions de sortie?La gamme des débouchés aca-démiques offerts par le bachelor compte parmi les plus vastes des formations universitaires de premier cycle. En effet, il ouvre les portes de trois types de masters. Première-ment, l’étudiant peut évidemment ef-fectuer son titre post grade dans une université étrangère, le domaine s’y prêtant particulièrement. Autre solu-tion : les masters consécutifs à la spé-cialisation choisie au cours des trois années sous condition d’acquérir un nombre minimum de crédits*. Fina-lement, les divers masters accessibles sur dossier à Genève, tels que le mas-ter en management public offert par l’université ou encore les masters du nouvel institut IHEID. Les étudiants ayant acquis leur bachelor à l’Unige n’ont donc plus accès automatique-ment à l’institut. Quelles motivations se trouvent derrière cette politique re-strictive ? Les raisons d’un tel change-ment sont diverses et complexes. Cependant, Philippe Burrin, directeur du nouvel institut, nous a notamment expliqué que les capacités logistiques de ce dernier ne permettaient plus d’accueillir les étudiants de plus en plus nombreux. Victime de son suc-cès, l’institut aurait pourtant préféré pouvoir se permettre d’offrir une for-mation complète qui assurerait le sui-vi des étudiants en imitant le système de ses concurrents comme Science Po et Harvard. D’autres raisons expli-quent cependant ce choix : un besoin d’adaptation mais aussi l’alignement sur les projets de la Confédération de créer des pôles d’excellence d’études universitaires. Ainsi, si l’EPFL et

l’EPFZ représentent les centres des études polytechniques, l’IHEID incar-ne celui des relations internationales. Parmi la diversité des débouchés, pourquoi n’y-a-t’il finalement pas de master consécutif au BARI ? Selon Alexis Keller, professeur de Droit à l’université de Genève et membre de la Commission de Direction du BARI, la réponse comporte deux facettes. La cause est tout d’abord d’ordre pécu-niaire. L’université ne dispose tout simplement pas des fonds nécessaires pour la mise en place d’un nouveau master. De plus, un tel master rentre-rait inutilement en compétition avec l’IHEID. Il risquerait donc, face à la renommée de l’institut qui sélectionne ses candidats à l’entrée, de devenir une sorte de formation « poubelle », accueillant les étudiants n’ayant pu y accéder.

Sa valeurSi la valeur de la licence HEI a fait ses preuves, qu’en est-il de ce nouveau bachelor ? Aucun élève n’ayant en-core achevé son cursus, l’incertitude plane, comme toujours au-dessus de projets fraîchement réformés. Cepen-dant, même si l’on peut se permettre de douter, l’impression donnée reste rassurante si l’on observe la conjonc-ture actuelle.Premièrement, la réputation de la qualité des formations de l’Université de Genève en général n’est pas à re-faire. D’autre part, grâce à la vocation de la ville de Genève dans les rela-tions internationales, le bachelor bé-néficie d’un environnement propice à ce type d’études.Après avoir observé les effectifs du BARI, en constante augmentation et comptant plus de 300 étudiants en pre-mière année, on peut affirmer que le

.VIE UNIVERSITAIRE

P.9Joëlle d’Andrès - Clément Bürge

Les études en relations internationales à Genève : quel bilan ?

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succès est bel et bien au rendez-vous. Selon Yves Flückiger, vice-recteur de l’Université de Genève, la hausse des effectifs est une preuve que cette for-mation est jugée de qualité. Il s’agit donc selon lui d’assumer ce succès en encadrant le mieux possible les étudi-ants, ce qui n’a pas forcément été le cas lors de la création du BARI.

L’encadrementMis en place en à peu près une an-née, les débuts ont été plus ou moins laborieux. Changements de plans d’études, problèmes avec les ensei-gnants…Alexis Keller commente: « La difficulté est venue du fait que trois facultés étaient engagées dans ce projet. Lorsque que vous créez une nouvelle formation en collaboration entre trois facultés différentes, qui ont une culture différente, une approche des études différentes, des divergenc-es apparaissent logiquement.

Des problèmes se créent. » Mr Flück-iger invoque également une insuf-fisance de moyens au moment de la création. Aujourd’hui, les profes-seurs s’accordent pour dire que la plupart des ajustements ont été fait et grâce à la hausse des effectifs, le bachelor bénéficie de moyens plus importants pour encadrer ses élèves. Selon les dires de Monica Gonza-lez, Conseillère aux études pour le Baccalauréat universitaire en rela-tions internationales, cette formation est l’une des plus importantes de l’Université grâce à ses effectifs, son unicité et le rayonnement qu’elle apporte à l’Université de Genève, car il faut savoir qu’énormément d’étudiants proviennent du reste du pays et parfois même de l’étranger.Rien que cette année, 4 nouveaux postes de professeur ont été créé, 8 nouveaux assistants ont été engagéet une Commission de Direction a été

nommée. Cette dernière est le nouvel organe directorial du BARI et pos-sède à sa tête le professeur de Science Politique Simon Hug. En outre, un nouveau projet enthousiasmant sera peut-être mis sur pied, prévoyant la création de cours en allemand ou en anglais pour les étudiants de Rela-tions Internationales.

La pluridisciplinarité, avantage ou inconvénient ?Malgré les avantages certains de cette formation pluridisciplinaire une question subsiste pourtant : les étu-diants auront-ils les connaissances nécessaires pour suivre les divers programmes de masters spécialisés ? Yves Flückiger nous répond que « les crédits acquis lors de la spécialisation sont suffisants pour que l’élève réus-sisse un master dans les meilleures conditions possibles. » Et rajoute : « Pour moi, le bachelor est unique il propose une formation ouverte où l’orientation s’effectue progres-sivement. De ce point de vue, il se démarque des autres bachelors et il offre des compétences transversales utiles dans la vie active. Par exemple, prenez le meilleur charpentier du monde, s’il n’a pas de connaissance de gestion d’entreprise, ou s’il ne sait pas se vendre, il ne saura jamais se faire reconnaître ! »

Nous souhaitons remercier chaleureusement madame Monica Gonzalez, conseillère aux études du BARI, monsieur Philippe Burrin, di-recteur de l’IHEID, monsieur Yves Flueckiger, vice-recteur, monsieur Pascal Sciarini, doyen du départe-ment de Science Politique et monsieur Alexis Keller, professeur de droit et membre de la commission de direc-tion du BARI, pour leur contribution à cet article.

.VIE UNIVERSITAIRE

Joëlle d’Andrès - Clément BürgeP.10

Présenter son dossier à IHEID :Le dossier de candidature est présenté à une commission d’experts qui analyse le dossier de l’étudiant. Même s’ils observent principalement les notes, une analyse globale est effectuée : langues, expérience profession-nelle, activités, lettre de motivation, lettre de recommandation de profes-seurs. Tous ces facteurs sont pris en compte et peuvent très bien, au cas échéant, compenser des lacunes au niveau des notes.IHEID recueillera en moyenne 1 élève sur 4. A titre d’indication, leurs autres grands concurrents, Science Po Paris et Harvard ont des taux d’admission de 12% et 15%.

Les crédits requis à l’accès automatique aux masters spécialisés :Science Politique = 60 créditsHistoire = 60 créditsEconomie = 78 créditsDroit = 86 crédits. L’étudiant devra effectuer une passerelle de 34 crédits supplémentaires.

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.VIE UNIVERSITAIRE

Pour rappel, mardi 11 mars en début d’après-midi, des individus ont ré-pandu un simili de purin, de l’engrais apparemment, dans le hall d’Unimail, disséminant par la même occasion des tracts au style baveux (lire ci-dessus). L’objectif de cette action coup-de-foin consistait en une condamnation du fo-rum Uni-emploi et plus largement de l’ingérence à l’université d’un Kapi-tal menaçant l’indépendance de cette dernière. Suite à cette action, la première quest-tion venant aux lèvres est: qui en sont les instigateurs ? Sitôt formulée, on

doit se rendre à l’évidence, personne n’a souhaité assumer la paternité de cet acte en forme de coup de gueule. Peut-être que ces Don Quichotte de la subversion craignaient de devoir répondre de leur acte devant les in-stitutions, ou mieux, devant les étudi-ants. Mais quel crédit peut-on donner à des personnes qui avancent mas-quées ? « On s’occupe de la plume ». Nous voilà rassurés, à peine spoliés. Qui était visé ? Ici, le doute laisse-place à la conviction. En effet, leur condamnation est unanime, accablant sans distinction les 80 sociétés

ou associations venues participer à ce forum. Nul cas ne sera fait de la collaboration d’associations à but non-lucratif (Encre fraîche en est un exemple). Quoique... Human Rights Watch, frappée d’anathème, se voit également traînée dans la fange car utilisant « les mêmes outils » que les méchantes multinationales. Dès lors, l’opprobre au ton railleur devient grossier et puérile. Ont-ils avalé lepetit livre rouge de travers, ceux qui se permettent de faire l’amalgame en-tre des sociétés dont le but affiché est de faire fructifier du capital et une as-

.VIE UNIVERSITAIRE

P.11L. à Porta / C. Bürge / D. Hanz / M. Heiniger / J. D’Andrès

Quand les porcs quittent leur batterie : lettre ouverte aux semeurs de merde«Quand on parque des porcs en batteries…

L’université se roule dans la fange et refuse de l’assumer. On y invite même les vaches, n’ayons pas peur du foin. Au jeu du coq, le podium va être chargé: 80 entreprises dont une bonne moitié dédiées au secteur bancaire et à la finance. C’est qu’ils ont besoin de main d’œuvre, de candidatures fraîches, de gens jeunes qui en veulent. Déroulez vos stands, étalez vos cravates, prosternez-vous pour la gloire du capital… On s’occupe de la plume.

Que les grincheux se rassurent, les multinationales labelisées «humanitaires» donnent cette année la touche de politiquement correct et d’ouverture sur la «Cité» qui manquaient aux éditions précédentes. Le souci de déontolo-gie est touchant. Sur les questions de gestion de capital et de brassage de budget insondables les «Human Rights Watch» et autre «Earthjustice» ont sûrement des conseils à donner aux futurs chefs d’entreprise que nous rêvons tous d’être. Ils se battent avec les mêmes outils en arguant des buts plus nobles. Pour y entrer la compétition sera tout aussi rude, les meilleurs dossiers seront ceux qui se montreront corvéable à l’infini, les plus flexibles, ceux qui seront prêts à tout sacrifier pour leur job.

Les financements privés envahissent de plus en plus un lieu déjà voué à la reproduction sociale. Le savoir se marchande, maintenant on le prostitue. Parfois la victime de la colonisation du capital, l’université se met au racolage. Oubliée l’indépendance, oubliés les lieux épargnés remparts contre la société de consommation. On sait aujourd’hui concilier la forme et «les fonds».

C’est pas vraiment qu’on vous croie à court de fumier, mais un événement d’une telle envergure mérite la partici-pation de tout un chacun. Alors à votre merde on répond par une autre. Mais les moyens manquent et la bouffe est trop chère, alors on fait participer les bêtes. Quand on parque des porcs en batteries grillagés, faut pas s’offusquer de relents de salon de l’agriculture.»

Retranscription du flyer diffusé mardi 4 mars lors du Forum Uni-emploi.

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sociation qui promeut les droits fon-damentaux ?

Qu’en est-il de leur critique sur le parachutage des capitaux privés à l’université ? Tout d’abord, il semble pour le moins audacieux de tisser un lien direct entre la seule présence de sociétés privées, aussi capitalistes et méchantes soient-elles, et la promesse d’une vampirisation de l’université par des capitaux non-publics. Belle lu-bie. A moins de disposer d’un bagage idéologique bien déterminé, à savoir Bourdieu pour le plagiat sur la « re-production sociale », et bien sûr notre ami Marx pour orner le tout à coup de Kapital. Si toutefois on souscrit à leur critique, il reste tout de même difficile de considérer sérieusement la vision passéiste d’une université telle qu’elle nous est brièvement présentée dans le tract. L’université aurait con-stitué un « rempart contre la société de consommation » ? Mieux, elle au-rait été « indépendante » ! De qui ? De l’Etat et des théories marxistes,

peut-être ? Qu’il est naïf de s’appuyer sur une utopie ancrée dans le passé pour feindre l’affliction à l’égard du présent.

Parmi tous ces éléments discordants, c’est sans conteste la méthode em-ployée par ces individus « voilés » qui engendre notre courroux. En ef-fet, les dommages collatéraux d’une telle gesticulation apparaissent si grands qu’ils en dépassent les effets escomptés : la volonté débridée, légi-time ou non, de condamner la main-mise supposée ou potentielle des entreprises privées sur l’université, entraîne parmi ses membres une ré-action de rejet qui semble unanime-ment partagée. Est-ce là une bonne façon de combattre le Kapital que de détourner les foules, en soulevant l’indignation contre soi? Ce suicide intellectuel, comble de l’ironie, pour-rait bien servir les entreprises privées sus-condamnées en les rendant en comparaison de ces gesticulations, bien attrayantes. En d’autres termes,

leur « cause » est si mal défendue qu’elle en est rendue pathétique.

Un modeste éclair de lucidité vient tout de même illuminer le flyer en question : « à votre merde [celle des entreprises privées] on répond par une autre ». Leur logorrhée a au moins le mérite d’être assumée.

Que le but soit noble ou non, là n’est pas la question. Que le forum Uni-emploi prête le flanc à maintes critiques, relayées notamment par l’AESPRI et la CUAE, est une chose. Légitimer toutes les actions à son en-contre, aussi parfumées soient-elles, en est une autre. La fin ne justifie pas les moyens.

Quoi de mieux que de terminer ce papier sur une note légère : à votre merde, fondamentalistes d’un au-tre temps, curiosités anachroniques d’une époque révolue, nous joignons la nôtre. Bon appétit

Dans un esprit d’ouverture, le Forum du Militantisme encourage chacune et chacun à venir assister aux débats et à participer aux ateliers. A noter que le programme du forum est disponible à l’adresse suivante : http://www.aes-pri.unige.ch/projets.php

Le vendredi 9 mai : liberté d’expression et recours à la manifestation. Ce jour se focalisera sur le cas d’espèce que constitue Mai 68, au-tour de la question : « Peut-on vrai-ment parler d’un avant et d’un après Mai 68? »

Le jeudi 8 mai : liberté d’expression dans le domaine artistique. Comment l’artiste parvient-il à créer en outrepassant les contraintes et au-tres censures?

Le mercredi 7 mai : liberté d’expression et médias.La conférence traitera de l’influence du politique dans les médias.

Le mardi 6 mai : liberté d’expression au niveau inter-national. Cette journée s’inscrit dans le cadre de la politique internationale et mettra en avant la question du respect des libertés fondamentales.

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L. à Porta / C. Bürge / D. Hanz / M. Heiniger / J. D’AndrèsP.12

Le programme du Forum du Militantisme

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L’aespri ne cautionne ni ne supporte les propos de cet article.

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L’Association des Etudiants en Sci-ences Politiques et Relations Interna-tionales (AESPRI) propose, du 6 au 9 mai 2008, de débattre de probléma-tiques liées à la liberté d’expression, ceci en confrontant des individus d’horizons divers : de l’académicien à l’étudiant, en passant par l’artiste et le journaliste. Le présent article est une introduction à cette problématique et contient également le programme du Forum du Militantisme (FdM). La liberté d’expression est un droit fondamental et inaliénable. Mais c’est aussi une thématique qui, après l’effondrement du mur de Berlin et l’apparente victoire idéologique des démocraties libérales, continue à être une source de vifs débats, y com-pris au sein d’un monde occidental pourtant sanctifié terre de l’Etat de droit. La multiplication et la profes-sionnalisation des organisations non gouvernementales (ONG) appelant au respect et à la promotion des droits fondamentaux comme Amnesty In-ternational ou Human Rights Watch constituent quelques exemples em-blématiques de cette « conscientisa-tion planétaire ». Dans le domaine de l’écologie, d’autres mouvements comme le World Wildlife Found ou Greenpeace sont à la fois témoins et acteurs d’un nouveau militantisme, renouvelé et dynamique. Cela étant, d’autres formes de militantisme, syn-dical notamment, ne connaissent pas un pareil essor, semblant au contraire s’épuiser. Nonobstant ce fait, on peut affirmer que la multiplication des revendications de toutes sortes, con-juguée au développement mondial - mais inégalement réparti - de nou-veaux outils facilitant la communication, Internet en tête,

permet difficilement d’excuser ou de justifier l’amnésie sélective qui frappe nos gouvernants : face aux violations des droits humains, qu’ils soient com-mis ici ou ailleurs, l’attentisme est à proscrire. Depuis quelques années, les Etats ont donc vu leur marge de manœu-vre se réduire significativement : ils peinent de plus en plus à travestir un mensonge en vérité, à museler l’information ou à tenir en respect l’opinion publique. Les pressions croissantes que subit la Chine à l’approche des Jeux Olympiques de Pékin, suite notamment à son inter-vention contestée au Tibet, font partie intégrante de ce processus de diffu-sion des contestations. Les critiques énoncées à l’encontre de la Russie, que ce soit vis-à-vis d’une élection en forme de passation de pouvoir ou à cause du peu de place qu’elle laisse aux groupes d’opposition, en sont également. Ici, en Suisse, on pour-rait citer le cas d’une campagne poli-tique provocante, d’aucuns diraient raciste, menée par l’UDC, et qui a posé de manière extrêmement claire cette question : jusqu’où peut-on tolérer l’expression d’opinions, aussi contestables et contestées fussent-elles ? Il faut signaler qu’à rebours de cette libéralisation croissante de l’information, les moyens répressifs des Etats, face aux manifestations notamment, augmentent grandement.On le constate, les problématiques liées aux droits fondamentaux et plus particulièrement à la liberté d’expression n’ont pas pour seule cible les Etats autoritaires, elles touchent également lesdits Etats de droit. A ce titre, celles et ceux qui pensaient être libérés du politique

comme détenteur et distributeur unique de l’information ont rapide-ment déchanté en redécouvrant la concentration médiatique à travers des groupes d’acteurs privés. Un indicateur de cette tendance est l’apparition des quotidiens gratuits qui nous incitent à nous interroger : la seule publicité permet-elle de garantir une information de qualité ? Ou plus pertinent : est-ce que l’information a encore un prix ? Sitôt cette question posée, le souvenir de la mort d’un journaliste vient brutalement nous rappeler que la liberté d’informer a un coût, coût que certains payent de leur sang. Il ne suffit pas de déclarer la liberté d’expression inaliénable ou fondamentale, encore faut-il lutter pour la préserver. C’est de ce combat que l’on parlera durant le FdM. Les quatre jours com-posant cette semaine du militantisme et de la liberté d’expression seront dé-composés en autant de thématiques. Chaque journée se déroulera en deux temps. Tout d’abord, un ou plusieurs intervenants animeront un atelier à la mi-journée puis, le soir venu, une conférence, un débat ou une projec-tion seront proposés.

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P.13Le groupe Forum du Militantisme

Du débat sur la liberté d’expression : le Forum du Militantisme

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Il était une fois dans des contrées pas si lointaines, aux limites de la petite Europe, soleil levant de l’Ancien Monde, des pays aux us et coutumes étonnement proches et pourtant ô combien singuliers. Le paradoxe est latent: monde occidental d’un côté et Tiers-Monde du Vieux Continent de l’autre; identité et alter ego selon le système de coordonnée. Victime de raccourcis, de biais, -quelques fois d’indifférence-, l’image des pays de l’Est ressemble souvent à un amas fantasmagorique, réalité déformée, digérée au travers du prisme médiatico-populaire. Ballotés d’un camp à l’autre pendant la guerre froide, pays satellites, pays tampons, les pays de l’Est -outre la Russie- n’ont souvent été que des pi-ons sur l’échiquier des plus grands.

Aujourd’hui encore, au sein de l’Europe même, les nouveaux arriv-ants ou prétendants sont chaperonnés; approche paternaliste et condescen-dante. Témoin, le discours de Jacques Chirac en réaction au ralliement pro-américain à la suite du 9/11 de trois futurs membres de l’UE, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, ainsi que dix anciens pays de l’Europe communiste aspirant à la rejoindre: “Ces pays ont été à la fois, disons le mot, pas très bien élevés et un peu in-conscients des dangers que comportait un trop rapide alignement sur la posi-tion américaine” en ajoutant qu’ils avaient “manqué une bonne occasion de se taire”1. Aujourd’hui plus que jamais ces petits pays sont confrontés à des bras de fer multiples: volonté de l’Europe de s’affirmer maître de ses

espaces -unie et efficace-, réveil de la Russie et pression américaine.La Russie, entre dépendances et di-vergences est un cas des plus singu-liers. Chef de file de la civilisation orthodoxe définie par Huntington de civilisation distincte «séparée de la Chrétienté occidentale comme con-séquence de son origine Byzantine, de sa religion à part entière, de deux cents années d’autorités Tatares, d’une bureaucratie despotique, et d’une exposition limitée à la Renais-sance et à la Réforme, aux Lumières et à d’autres expériences centrales de l’Occident»2. Pôle de pouvoir lors de la guerre froide que l’on a vécue comme cinquante ans de peur com-muniste outre-Atlantique et 50 ans de peur -tout court- en Europe occiden-tale, puis des tentatives associatives, l’idée de la Maison commune euro-péenne3 est lancée devant le Conseil de l’Europe par Mikhaïl Gorbatchev, mais la méfiance persiste et des rela-tions à vitesse variable sont instaurées selon les domaines.Aujourd’hui la Russie, premier pro-ducteur de gaz naturel, en détient un tiers du total des réserves mondiales et fournit à l’Europe 30% de ses besoins énergétiques dans ce domaine. De surcroît, la société Gazprom contrôle l’intégralité des transports et distribu-tion du gaz russe jusqu’aux principaux hubs européens. Depuis peu, par un mécanisme d’échange d’actifs, la so-ciété Gazprom se déleste de portions de pipelines au profit de capacité de production dans différentes sociétés électriques européennes - l’influence de Gazprom s’exporte. Au-delà d’une coopération économique bien hu-ilée, nécessaire de part et d’autre, on continue néanmoins à en dénoncer l’idéologie: système autoritaire des plus opaques, liberté d’expression limitée, droits de

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Danica HanzP.14

Regards sur l’Europe de l’Est

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André Liebich est né de parents po-lonais en Angleterre et a grandi au Canada, à Montréal. Il a fait des études de science politique et d’économie à McGill, Montréal, puis des études de soviétologie et un doctorat en sci-ence politique, avec une spécialisation en idées politiques aux Etats-Unis, à Harvard. Il a enseigné à l’Université du Québec de 1973 à 1989. Il est depuis maintenant 18 ans professeur à l’Institut, anciennement de hautes études internationales et, maintenant, de hautes études internationales et du développement, à Genève. Il a été professeur invité à l’Université McGill, l’Université de Montréal, et l’Université de Fribourg. Il a aussi été chercheur invité au Kennan Institute, Woodrow Wilson Center, Washington; à la Hoover Institution, Stanford; à l’Institute of Advanced Study, Princ-eton; et au Russian Research Center, Harvard. Ses domaines de prédilection sont les suivants: L’Etat et le national-isme, les problèmes de minorités, les diasporas politiques et les questions d’actualité politique dans l’Europe post-communiste. Il évoque avec nous quelques situations sensibles en Eu-

l’homme sélectifs, etc.Au sein du ter-ritoire relativement restreint qu’est l’Europe, l’Histoire a cimenté des consciences, des sentiments, des ex-périences et des projets d’avenir -bref des identités différentes, construites par analogie ou en réaction les unes aux autres- dans un perpétuel dia-logue. Un des pôles s’est désintégré, les unités qui l’ont composé s’adaptent au monde moderne avec leur back-ground culturel et historique -leurs craintes et vulnérabilités-. Alors il y a bien deux Europe ou plutôt deux fac-

ettes de la même pièce européenne, qui peinent quelques fois à se com-prendre mais qui s’apprivoisent par le processus d’intégration européenne ou plus globalement par une coopéra-tion économique intense. Mais accordons nous sur les termes, nous nous sommes permis une in-terprétation large du sujet en consi-dérant les pays d’Europe centrale et orientale, terme apparu dans les an-nées 1980 et regroupant les anciens pays communistes du centre et de l’est de l’Europe. Au-delà du terri-

toire seul, nous nous sommes aussi penchés sur les enclaves historiques, parcelles occidentales sous influence à un moment donné du grand pays de l’est ou du moins de sa puissance communiste, comme l’Allemagne de l’Est. Notre ambition est de redécou-vrir les pays de l’est, notamment par leur mise en perspective avec l’ouest, d’une manière certes parcellaire -au gré de nos envies et de nos intérêts-, mais néanmoins avec l’intime convic-tion que la presse ne leur a pas rendu justice.

rope de l’Est.

Que penser de la proclamation uni-latérale d’indépendance du Koso-vo?« Je suis parmi ceux qui sont con-sternés par la création de cet Etat. Je partage les raisons de mes collègues en droit, bien que je ne sois pas ju-riste, qui déclarent que c’est absolu-ment illégal de dépecer un Etat qui n’est pas un Etat colonial, qui est un Etat démocratique. Mais je regarde la question sous une autre perspective, qui n’est pas juridique mais plutôt historique. L’idée que les problèmes de l’humanité puissent être résolus en créant de nouveaux Etats nation-aux me semble une idée qui s’est déjà prouvé erronée. Je crois que c’est un raisonnement à court terme et que l’Union Européenne et les Etats-Unis ne se sont pas donnés la peine d’imaginer une autre solution, que ce soit une solution fédérale, taïwa-naise, une solution sur le modèle de Hong Kong, ou bien un condomini-um. Faute d’accord, on a préféré un Etat national avec des incohérences: on dit aux Serbes qu’ils devraient se

contenter de droits minoritaires très avancés; on ne se demande pas pour-quoi les Albanais ne doivent-ils pas se satisfaire de tels droits.On dit depuis un moment que c’est une issue inéluctable et c’est d’ailleurs pour cette raison que les négociations n’ont pas bougé. Si vous dites à une des parties dans une négociation - vous savez, vous allez gagner mais négociez quand même - ce n’est pas ce qu’on appelle une incitation n’est-ce pas? Il faut dire que les Serbes sont obsessifs sur la question du Kosovo et ça ne facilite pas la chose. Mais même s’ils la regardaient froidement, je pense que le droit et l’histoire leur donneraient raison. »

De la position adoptée par la Su-isse?« Je suis très déçu que la Suisse ait pris cette voie-là parce qu’elle paraît indi-quée comme le cas type d’une autre forme d’organisation qui a marché, le fédéralisme. On sait de l’intérieur que le fédéralisme suisse soulève beau-coup de questions, néanmoins voilà un pays où plusieurs langues et com-munautés peuvent cohabiter. Que la Suisse prenne l’initiative de dire qu’il faut séparer la Serbie et le Kosovo et qu’il est inutile d’essayer, malgré

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P.15Danica Hanz - Clément Bürge

ECLAIRAGES – André Liebich

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tout, de recréer un Etat de type fédéral est décevant. Berne aurait pu se posi-tionner d’une autre manière ou tout du moins maintenir sa neutralité dans l’espoir que ça lui permette à l’avenir de jouer un rôle d’intermédiaire, sur des questions humanitaires notam-ment. »

La question des minorités dans les Pays d’Europe centrale et orien-tale « Les Etats de l’Europe anciennement communistes sont des Etats extrême-ment fragiles. Ce sont des Etats qui n’ont pas une très longue existence, sont souvent petits et se sentent mena-cés. Finalement, la France a connu de mauvaises périodes, elle a été occu-pée, humiliée, mais personne ne pen-sait qu’elle allait disparaître un jour. Or, pour les Lettons, les Lituaniens, les Estoniens, même les Hongrois, la dis-parition, par raison démographique ou plus vraisemblablement par dépeçage territorial ou implantation d’une pop-ulation étrangère, est une crainte ex-istentielle. Il n’y a que deux pays de l’Europe de l’Est qui existaient avant la première Guerre mondiale: la Bul-garie et la Roumanie; encore que la Bulgarie venait d’être formée et la Roumanie ne ressemblait pas à ce qu’elle est maintenant. Tous les au-tres sont des Etats créés ou recréés au cours du 20e siècle et dont la bonne moitié a disparu à un moment donné. Il y aussi le sentiment que les minori-tés sont souvent des minorités anci-ennement dominantes, les Hongrois en Roumanie, les Allemands à travers l’Europe de l’Est, donc des gens por-teurs d’une image dont il est difficile de se défaire, ancienne élite et volonté potentielle de reconquête. Le fait que les langues dans les pays de l’est soient des langues très re-streintes, contrairement à l’Europe

occidentale dont les langues sont par-lées en dehors du pays concerné, à l’exception du finnois, renforce cette vulnérabilité.Un autre aspect pas bien compris en Europe occidentale, c’est la crainte du fédéralisme en Europe de l’est. La so-lution pour les problèmes minoritaires en Europe occidentale et la raison pour laquelle, en dépit de la violence en Irlande du Nord ou en Espagne on n’a pas eu d’éclatement, c’est qu’on a créé des systèmes fédéraux ou qua-si-fédéraux, ou bien des autonomies territoriales très larges. Donc, la so-lution que l’Europe occidentale pro-pose aux problèmes de minorités est le fédéralisme. Or, l’expérience des pays en Europe de l’Est, c’est que le fédéralisme est une porte ouverte à la désintégration; voir les cas de l’Union soviétique, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie. Ainsi, en Europe post communiste on fuit comme la peste toute idée de fédéralisation ou régionalisation du pays. A cet égard aussi, la Suisse a une expérience à offrir qui pourrait changer cet état d’espritJe pense que l’écart entre l’Europe de l’ouest et l’Europe de l’est va se ressentir au sein de l’UE, entre au-tres dans la question des minorités et de leur traitement, ainsi que dans l’adoption du fédéralisme comme so-lution pour des problèmes ethniques. La question des minorités est une question que l’UE n’a jamais traitée avant qu’elle ne s’y soit intéressée au moment de l’élargissement quand elle a soulevé le problème des minorités à l’Est. Mais, en soulevant ce problème, elle s’est obligée aussi à s’interroger sur ses propres minorités. »

Que penser de la Russie aujourd’hui?“Je pense que le plus grand tort que nous ayons fait à la Russie après la chute du communisme, c’est d’avoir discrédité la démocratie aux yeux des Russes. Aujourd’hui, on voit Eltsine comme celui qui a introduit des manières de faire occidentales, y compris la démocratie, on le traite comme un héros. Cependant, il est condamné en Russie presque autant que Gorbatchev. C’est pendant le mandat d’Eltsine que l’idée d’une dé-mocratie libérale a été associée avec l’enrichissement des oligarques, la corruption généralisée, une manipu-lation plébiscitaire - que Poutine con-tinue de faire - et un appauvrissement spectaculaire de la population. Cela a pris presque vingt ans aux Russes de retrouver le niveau de vie de 1991, qui n’était pas très élevé, et des iné-galités immenses persistent. Tout cela est perçu comme ce que l’Occident leur a offert.”

Poutine: sauveur ou dictateur ?Comme je l’ai dit, les années 90 en Russie sont une péri-ode d’occidentalisation, de dé-mocratisation et en même temps d’appauvrissement, d’humiliation, d’élargissement des écarts sociaux. Une période à laquelle les Russes ne veulent pas revenir. Et je pense que Poutine est astucieux à cet égard, il a neutralisé les nationalistes en adop-tant certains de leurs thèmes, il a neu-tralisé les communistes en jouant sur la nostalgie. Et surtout, il dit “je suis votre garantie que vous n’allez pas re-tomber dans l’anarchie qui a prévalu à l’époque de Eltsine.” En Russie, la crainte n’est pas d’avoir un Etat trop fort, mais de tomber dans le chaos, le “Smutnoe vremia” (le temps de « l’interrègne troublé »).

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.DOSSIERHistoriquement, c’est la période au début du 17ème siècle où il y avait un faux tsar ; où les Polonais ont occupé Moscou, (notons que c’est la seule puissance qui a réussi là où Hitler et Napoléon ont échoué). Cette situation hobbesienne, la guerre de tous contre tous, le vide de l’autorité, c’est ça le cauchemar par excellence des Russes. Donc, à choisir entre les deux, il vaut mieux avoir un pouvoir fort qu’un Etat faible.Cela arrive en même temps qu’une rente pétrolière qui trouve sa con-crétisation dans l’augmentation des retraites et des salaires. A l’époque d’Eltsine, on voyait des gens qui pe-saient des milliards et d’autres qui ne touchaient pas leur salaire. Et Poutine a dit “je vous ai réinstauré l’ordre, augmenté vos salaires - ce qui est vrai - et la Russie se fait respecter à nou-veau”, c’est quelque chose!

Les rapports de la Russie avec les Etats-Unis et l’Union Européenne. A l’aube d’une nouvelle guerrefroide?“Il y a une tension croissante entre les Etats-Unis et la Russie. Mais je pense qu’il y a toujours eu une coopération importante, notamment sur les ques-tions du terrorisme. Ils sont finalement d’accord sur beaucoup de dossiers à l’ONU. On ne peut parler d’une oppo-sition de type guerre froide, personne ne pense à une guerre entre les deux. C’est plutôt une compétition pour l’influence, et à ce titre l’Europe est un terrain important. Mais il est peut-être plus important de savoir dans quelle direction la Chine va s’orienter. Aujourd’hui, elle est très proche des Etats-Unis sur le plan commercial, mais en terme de politique intérieure et d’orientation stratégique, elle est beaucoup plus proche de la Russie, notamment par le groupe de Shang-

hai. La Russie est engagée dans une lutte pour l’influence. Elle ne cherche plus à diriger un camp militaire pour rivaliser avec l’OTAN, elle se con-tente d’établir des alliances (inégales) avec les pays d’ex-Union Soviétique. Mais en dehors de cette sphère, ce que cherche la Russie essentielle-ment est une neutralité, si possible bien payante envers la Russie. C’est pour cela que l’Union Européenne comme telle ne l’inquiète pas. Ca fait depuis très longtemps que la Russie n’a plus de querelle fondamentale avec l’Union Européenne. A l’époque soviétique, ça lui a pris longtemps à reconnaître le marché commun. Mais depuis, la Russie n’a plus fait de men-ace envers l’Union, car elle est consi-dérée comme une entité qui n’est pas menaçante.”

L’OTAN, le vrai problème ?“L’OTAN est plus problématique car c’est une alliance militaire for-mée pour contrer l’URSS. On a beau dire aujourd’hui que les missions de l’OTAN sont différentes, les Russes n’en sont pas convaincus. Par exem-ple, dans le cas des détecteurs et in-tercepteurs de missiles contre l’Iran, les Russes demandent pourquoi les installer en République Tchèque et en Pologne et pas en Russie, plus proche de la source présumée de danger. Cette organisation est perçue comme une menace, surtout depuis qu’elle se rapproche des frontières de la Russie, la plupart des pays de l’ex camp so-cialiste faisant partie de l’OTAN. Alors, tout ce que peut espérer la Russie maintenant, c’est que ces pays ne soient pas des bons membres de l’OTAN, plus proches de la France que de l’Allemagne, c’est-à-dire des membres dissidents. La Russie re-garde avec beaucoup d’espérance et un œil très attentif les dissensions au

sein de l’OTAN. Je pense, par contre, que les Russes seraient partisans d’une force euro-péenne, un projet dont les Améric-ains se méfient beaucoup et justement pour cette raison c’est un projet qui intéresse les Russes. En somme, leurs ambitions ont changé et sont bien plus modestes, ils ne cherchent pas à recréer un traité de Varsovie et es-pèrent seulement que les membres de l’OTAN ne soient pas très unis. “L’influence économique russe“En même temps, bien que cette conjoncture stratégique ait changé et soit en défaveur des Russes, sur le plan économique, la Russie se ré-impose dans les anciens pays satel-lites. Récemment, les Russes ont acheté la ligne aérienne nationale hongroise. Cela m’a frappé car si à l’époque de l’URSS la Russie avait mis la main sur cette compagnie, cela aurait été considéré comme une preuve de l’impérialisme soviétique. Aujourd’hui, ils l’ont simplement acheté, tout comme Air France aurait pu l’acheter. Je pense que la Russie va s’imposer économiquement sur son ancienne sphère d’influence d’une manière dont elle ne pouvait pas le faire à l’époque, mais elle ne va sûre-ment pas s’imposer de manière stra-tégique. Enfin, j’ai des doutes quant à la capacité de l’économie à faire infléchir la politique. Cette expansion économique ne changera pas la donne stratégique. Il y aura des limites dans ce que peut faire la Russie.”

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P.17Danica Hanz - Clément Bürge

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Evaluation des perspectives de changement de régime en Biélo-russieA la tête de l’Etat Biélorusse depuis 1994, Alexandre Loukachenko s’est toujours employé à contrôler totale-ment le système politique et à mar-ginaliser l’opposition de son pays. Il fonde son pouvoir sur une adminis-tration strictement centralisée et hiér-archisée, et notamment sur les nom-breux organes de sécurité de l’Etat. Qualifiée par Condoleeza Rice le 18 janvier 2005 de « poste avancé de la tyrannie », la Biélorussie sera-t-elle le prochain domino, après la Géor-gie en 2003 et l’Ukraine en 2004, de la vague démocratique qui touche les pays de la CEI ? La question est posée par plusieurs pays européens (Pologne et Pays baltes en particulier, frontaliers de la Biélorussie) qui, tout en redoutant des dérives violentes du régime, souhaitent soutenir les forces démocratiques biélorusses.Une opposition désunie et de plus en plus répriméeHistoriquement travaillée par des conflits internes et traditionnelle-ment morcelée en une série de petits mouvements, l’opposition dispose d’un champ d’action limité compte tenu des mesures répressives qui sont exercées à son encontre depuis une dizaine d’années. De fait, elle joue un faible rôle dans la vie politique et n’a pas été capable à ce jour d’influencer la situation dans le pays. En effet, elle n’a pas été, en 2006, en mesure de s’entendre pour présenter un candi-dat unique à l’élection présidentielle; aucune personnalité n’étant suffisam-ment connue et charismatique pour fédérer l’ensemble des courants. Bien que ses dirigeants s’estiment correct-

ement informés, l’opposition n’a pas effectué d’analyse pertinente de la situation du pays, en partie par in-capacité à financer des études pour cerner les attentes véritables de la population. Elle semble ainsi inca-pable de développer des idées réelle-ment populaires (comme le maintien des acquis sociaux) et « s’enlise » dans des thèmes tels que les droits de l’homme ou la liberté d’expression, sujets qui, en dehors d’une partie de la jeunesse et des entrepreneurs, mo-bilisent très peu la population, aux deux-tiers rurale.Des études d’opinion ont montré que seulement 5 % des Biélorusses con-naissent l’action de l’opposition.Une écrasante majorité de la popula-tion, très attentiste, ne voit donc pas d’alternative à Loukachenko. De ce fait, l’hypothèse de manifestations de rue capables de renverser le ré-gime semble très peu probable, du fait de la dure répression que subit la population au quotidien.

Les changements intervenus au sein du pouvoir en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan (anciennes répub-liques socialistes d’URSS) ont eu un impact fort sur les actions récentes du président Loukachenko. Afin d’éviter la reproduction d’un scénario simi-

laire, le président et la frange radicale de son administration ont récemment durci leur politique à l’égard des par-tis de l’opposition et des ONG en ren-forçant l’arsenal juridico-répressif et en définissant un cadre légal interdis-ant presque totalement toute action contestataire. Positions et actions de la commu-nauté internationaleL’ensemble des observateurs, insti-tutionnels ou non, constate que la position du président Loukachenko demeure forte, comme en a témoi-gné sa réélection en 2006, encore une fois fortement contestée par le Conseil de l’Europe et par l’OSCE, alors qu’au contraire la Communauté des Etats Indépendants (CEI, organ-isme regroupant les pays issus de l’URSS) qualifie le scrutin de trans-parent et d’ouvert. Ainsi, le 30 mars 2006, l’OTAN décide de réévaluer son partenariat avec la Biélorussie. Et le 16 mai, les Etats-Unis interdisent à Loukachenko et à un certain nom-bre d’officiels biélorusses de visiter les Etats-Unis. Toujours dans cette course diplomatique, le 7 mars 2008, la Biélorussie décide d’expulser l’ambassadrice des Etats-Unis à Minsk arguant comme raison le fait des nouvelles sanctions imposées par Washington à la compagnie pétrolière nationale Belneftekhim. Comme en témoigne la promulgation du Belarus Democratic Act (20 oc-tobre 2004), les Etats-Unis ont réagi très négativement aux résultats du ré-férendum du 17 octobre 2004 en Bié-lorussie (référendum qui lui a permis de se représenter une troisième fois en 2006) et semblent décidés à prof-iter du contexte pré-électoral pour favoriser la chute de Loukachenko. Financée à hauteur de 5 millions de dollars, cette loi a pour objectif d’aider le développement de forma-

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Biélorussie

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.DOSSIERtions d’opposition, d’ONG et de mé-dias indépendants diffusés en langue biélorusse. Sur ce dernier point, la Commission européenne entreprit, le 24 août 2004, de décider le finance-ment de bulletins d’informations radiophoniques à destination des populations biélorusses. La radio al-lemande Deutsche Welle sera chargée de cette opération qui devrait débuter le 1er novembre prochain et consister en des émissions quotidiennes de 15 minutes du lundi au vendredi. Il est difficile d’évaluer quelle sera la portée réelle de ces initiatives sur le long terme car il faut regarder les choses en face, elles n’ont pas empê-ché la réélection de Loukachenko : les autorités biélorusses, qui ont re-marqué le rôle important joué par les Etats-Unis, l’Union Européenne et certains de ses nouveaux membres - notamment la Pologne et la Lituanie - dans le déroulement de la « révolu-tion orange » en Ukraine, voient dans leurs actions une menace sérieuse pour la pérennité du régime. Elles ont, en conséquence, accentué leur politique d’isolement vis-à-vis des pays occidentaux. C’est dans ce con-texte que le décret présidentiel n°460 a été amendé le 17 août 2005 afin d’interdire aux organismes biéloruss-es et aux particuliers d’accepter de l’aide étrangère pour l’organisation de conférences, les échanges de cher-cheurs ou la préparation des élections. En définitive, les actions des occiden-taux n’ont amené qu’un durcissement plus profond du régime.La Russie, un acteur de poids in-contournableMais malgré les actions et les pres-sions internationales, notamment de la part des Etats-Unis, du Canada et de l’Union européenne, la Biélo-russie peut compter sur le soutien inconditionnel de la Russie, avec qui

elle s’est engagée dans un processus d’union de type confédéral, qui dé-passerait les objectifs d’une simple union douanière et monétaire. On voit donc bien que les Occidentaux, tant que la Russie, qui recouvre de jour en jour sa puissance passée et en-trera dans le jeu, ne pourront qu’agir sporadiquement et sans poids signifi-catif sur le régime de Loukachenko, de toute manière quasi-entièrement sous-tutelle de Moscou.Cette situation de dépendance à l’égard de la Russie permet à la Bié-lorussie, et cela, malgré son isolement politique et économique internation-al, de bénéficier de taux de croissance relativement élevés ; mais la censure et la propagande régnant dans le pays empêchent de réelles estima-tions, et il va sans dire que la crois-sance est surévaluée, tout comme la plupart des indicateurs économiques qui sont enjolivés par le régime (le taux de chômage serait officiellement à 1.7%...)1. Et malgré des taux de croissance largement valorisés par le régime, la Biélorussie souffre d’une économie étatique fortement centrali-sée, peu productive, où l’inflation et la corruption sont logées partout où il leur est possible de s’infiltrer, ral-entissant drastiquement le fonction-nement déjà lent des systèmes poli-tiques et économiques.On voit donc mal dans la situation ac-tuelle comment la Biélorussie pour-rait sortir, du moins dans les années proches, de son immobilisme poli-tique et de sa situation de citadelle as-siégée au milieu de pays de l’Union européenne, démocratiques et à économie de marché. Comment, en somme, l’Union européenne peut-elle gérer à ses frontières « un trublion ré-gional » susceptible de perturber les relations, fragiles et houleuses, qu’elle entretient avec la Russie ? L’élection

d’un nouveau président russe, Dimitri Medvedev, qui prendra ses fonctions le 7 mai prochain, mais le maintien de Vladimir Poutine à un poste élevé, celui de Premier Ministre, relance la question avec encore plus d’acuité.Plus qu’une intensification du soutien international aux forces d’opposition, c’est l’ouverture d’un dialogue avec la Russie sur le sujet qui semble le mieux à même de favoriser une évo-lution du régime biélorusse. On a bien vu plus haut l’échec des actions occidentales. Car en effet, seul un geste de Moscou, une pression, pour le moment tout à fait improbable, du gouvernement russe sur le biélorusse, pourrait conduire à un déblocage partiel, si ce n’est total, de la situa-tion en Biélorussie. D’ailleurs, selon les analyses de hauts responsables russes, le Kremlin pourrait accepter de négocier, à de strictes conditions bien évidemment, une transition en douceur à Minsk. En effet, si Moscou n’est pas prête à accepter un scénario où la Biélorussie sortirait de sa zone d’influence, les autorités russes sem-blent néanmoins conscientes que le maintien du statu quo à Minsk est porteur, à plus ou moins brève éché-ance, d’un risque de violences et de troubles qui nuirait à ses relations avec ses partenaires occidentaux. Mais rien n’est moins sûr aujourd’hui que la politique russe.ConclusionMais fondamentalement, seul un relâchement de contrôle des opinions et des partis dû à un affaiblissement du régime biélorusse ou à une aide occidentale plus importante et mieux organisée, qui serait, et devrait, être tolérée par la Russie, pourrait per-mettre aux opposants démocratiques d’avoir une chance de changer les choses dans le pays. Néanmoins, ce scénario est quasi-improbable dans

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le sens où la Russie, en ce début de XXI siècle, est à la recherche de sa puissance perdue. Même l’élection récente de Medvedev à la tête de la présidence russe ne risque pas de changer la donne. Forte de son écon-omie florissante et d’une situation politique et militaire de plus en plus solide et stable, elle tente par tous les moyens de semer le désordre dans son environnement proche, à défaut de pouvoir le contrôler. Et pour elle, voir l’Union européenne en mal de politique commune sur le dossier bié-lorusse ne peut que jouer en faveur de sa politique néo-impérialiste. Passer par des négociations avec la Russie devient donc inévitable.Cela étant dit, le peuple biélorusse, sauf changement majeur et rapide de la géopolitique russe, a encore plusieurs années de dictature et de souffrances devant lui. Pour finir, la situation en Biélorussie ne doit pas faire oublier à l’Europe que ses frontières ne s’arrêtent peut être pas si près qu’elle veut bien le penser et que sur la question de la démocratie et des droits de l’homme, l’Union des pays européens est une des entités les plus à même de porter le fer de lance de la démocratie, démocratie certes imparfaite, mais mille fois préférable au régime de Loukachenko. Puisse l’Union européenne avoir assez de force et de cohérence pour trouver, en partenariat avec la Russie, une so-lution à ce que l’on peut appeler « le problème biélorusse ».

Un grand merci à Mr. Arnaud Migoux, employé du Ministère de la Défense Nationale de la République Française, Affaires Internationales et Stratégiques pour ses informations.

Il y a 19 ans, l’Allemagne pleine d’espoir se lançait dans un vaste projet de réunification. Aujourd’hui, l’Est et l’Ouest sont toujours di-visés, principalement sur le plan économique. En pleine récession, les habitants de l’Allemagne de l’Est regardent le passé avec nostalgie. Et si 1989 n’avait pas tenu toutes ses promesses?

L’Allemagne toujours diviséePour la plupart d’entre-nous, le 9 no-vembre 1989, date de la chute du mur de Berlin, symbolise la réunification populaire de l’Allemagne. Pourtant, c’est le 3 octobre 1990 qu’a eu lieu la réunification officielle entre l’Ouest et l’Est du pays. Alors qu’à l’époque ces deux derniers évènements ont illuminé d’espoir le cœur des Ossis -habitants de l’Allemagne de l’Est- et réjoui la majorité des Allemands, le bilan aujourd’hui n’est pas aussi positif que prévu. Des différences socio-économiques essentielles ex-istent encore entre les deux parties du pays. Après 19 ans, de nouveaux murs se sont-ils dressés ?Immédiatement, la perception de la réunification a été différente dans les deux camps. Si l’enthousiasme était général, certains présageaient déjà les conséquences économiques qui découleront de cette ouverture. En effet, le 9 novembre a fait tomber le voile illusoire qui occultait la RDA : on découvre un pays pollué, des hab-itations vétustes, des infrastructures à refaire entièrement et une indust-rie obsolète, en retard de plusieurs décennies sur l’Ouest.L’Etat, conscient de ces faiblesses, a injecté près de 1250 milliards d’Euro de 1991 à 2004 dans les Län-

der de l’Est afin de provoquer la réus-site de la conversion de leur système économique communiste à celui du capitalisme. Cependant, la réunification menée trop rapidement et sans ménagement a bou-leversé l’économie de l’Allemagne de l’Est. Trop violente, elle a anéanti l’industrie de l’Est, peu concurrentielle face à l’industrie capitaliste.Les conséquences aujourd’hui sont catastrophiques. Le taux de chômage a drastiquement augmenté pour être le plus élevé d’Allemagne, atteignant dans certaines régions un taux de 30% à 40%. Alors que les Länder de l’Est proposaient 9.7 millions d’emplois en 1989, ils n’en proposaient plus que 6 millions en 2004. Le spleen économique a d’importantes répercussions, notamment sur la dé-mographie. La région est en train de se dépeupler : les jeunes quittent les régions de l’Est pour des Länder plus prospères. Le taux de chômage n’attirant pas les étrangers, le solde mi-gratoire est négatif. Suite à la destruc-tion du système protecteur de la RDA le taux de natalité, alors qu’il était le plus élevé d’Allemagne en 1989, a chuté et compte parmi les plus faibles du pays.Au vu de la situation, la plupart des spécialistes n’utilise plus le terme de réunification et s’accordent pour par-ler plutôt d’ « intégration ». Les Ossis contrairement à tous les autres pays de l’Europe de l’Est ont véritablement perdu leur nation. Le système de la RDA a été entièrement supprimé pour laisser entièrement place au modèle de la RFA. Cette intégration a pris des di-mensions démesurées, même le choc-olat préféré des Allemands de l’Est, Raider, a perdu son nom pour s’appeler

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Omar Tarabay / Clément Bürge

Le murmure de l’Allemagne de l’Est

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aujourd’hui…Twix. Les Ossis ont renié leur passé pour un monde qu’ils ne connaissaient pas, mis à part peut-être les publicités de la télévision de la RFA. Dix-neuf ans plus tard, c’est donc le temps des désillusions et l’on se repenche rêveusement sur cette époque qui brusquement semble pleine de charme.

L’OstalgiePas étonnant donc que dans un contexte aussi triste, l’on assiste à l’émergence d’un phénomène par-ticulier : l’Ostalgie (jeu de mots avec les termes « Ost », Est en allemand, et « Nostalgie »). Les Allemands de l’Est, déçus par les promesses de la réunifiction et se sentant méprisés par l’Ouest, revisitent leur passé sous l’ancienne République Démocra-tique avec envie. Symbole du mal-aise économique ? Rejet du présent ? Ou simple notalgie? Boire à nouveau du Vita-Cola, manger une barre de chocolat Raider et rouler en Trabant, tout a commencé par de simples ca-

prices matérialistes qui ont permis aux citoyens de se remémorer “la vie d’avant”.Le phénomène s’amplifie et prend la forme de « Ostalgie-Partys », un type de soirée organisée où le fêtard se re-plonge entièrement dans l’univers de l’ex-RDA, de la nourriture aux vête-ments en passant par le papier peint et le moyen de transport : une Trabi. De cette simple nostalgie du quotidi-en naît un sentiment de regret du sys-tème tout entier. Egon Krenz, l’ultime président de la RDA, fait remarquer que « Les gens de l’Est ont connu deux sociétés, et peuvent donc com-parer » et que « malgré tout ce qui a mal tourné, il y avait du travail pour tous, des logements bon marché, une santé gratuite et performante…Au-tant d’acquis qu’ils regrettent. » Et le problème est là, en embellissant les acquis du socialisme, on occulte ce que l’Est avait de plus repoussant : le totalitarisme, le mur, la Stasi. Wolfgang Herr, journaliste de l’ex-quotidien communiste Neues

Deutschland, perçoit ce sentiment comme étant naturel et jette la faute sur le système capitaliste en disant « Plus on vit le capitalisme, et moins on se demande ce qui allait mal sous le socialisme ». A voir de plus près, les avis divergent sur l’Ostalgie, Thomas Brussig, écrivain en vogue écrit lui que « la nostalgie appartient à la nature humaine. Chacun aime à se souvenir de tout. » Jens Reich, pro-fesseur à l’Université Humboldt de Berlin, relativise les faits en parlant « d’épiphénomène monté en épingle par les médias ».Même s’il est difficile d’estimer l’importance qu’il faut accorder à ce sentiment naissant, certains chiffres parlent d’eux-mêmes: les résultats du parti qui a repris le flambeau du parti communiste, le parti du socialisme démocratique, récolte près de 25% des voix dans les 5 Länder de l’Est. Se rappeler de l’entraide, plutôt que de la dénonciation, des produits ali-mentaires plutôt que du rationnement, d’un rêve commun, plutôt que du manque de liberté personnelle, quel bel exemple de mémoire sélective.

« Je suis assis au bord de la routeLe chauffeur change une roueJe ne me sens pas bien là d’où je vi-ensJe ne me sens pas bien là où je vaisPourquoi est ce que j’observe le changement de roueAvec impatience ? » B.Brecht

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Clément Bürge

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La Bulgarie… au centre de la pénin-sule balkanique, un des bastions de la culture slave. Richesses culturel-les et potentiel important certes, mais richesses trop souvent obscurcies par un épais brouillard qui semble avoir pris possession de cette partie du lit-toral de la mer Noire. Malgré la lib-erté retrouvée après un demi-siècle d’occupation ottomane, malgré la chute du communisme et la fin de l’asservissement envers la Russie, et peut-être même malgré son entrée dé-but 2007 dans l’Union Européenne, le soleil ne semble point vouloir reve-nir sur ce qui fut jadis la Grande Bul-garie. Que manque-t-il aujourd’hui à ce pays pour sortir ses habitants de la misère et de la consternation dans lesquels ils semblent s’être enlisés ? Si le chemin traditionnel consiste à considérer la croissance économique comme le facteur primordial censé re-donner un semblant d’espoir après les années chaotiques suivant la chute du mur, parfois les chemins de traverses peuvent s’avérer plus efficaces que la grande route… La proposition peut paraître étrange voire déplacée mais fort séduisante. Il manquerait tout simplement à la Bul-garie, si elle désire éviter de se voir apprêter l’étiquette peu reluisante du dernier miséreux de l’Europe, un Christo Botev des temps modernes. Petit retour sur une époque où le pays reluisait de héros nationaux.Ainsi, si à la fin du 18ème la Bul-garie ne représente pour le reste du monde qu’un passé lointain sans in-térêt, comme le démontre le « roi des Bulgares », personnage imaginaire mis en scène par Voltaire dans son fameux conte Candide, roi dont le peuple porte un nom connu seul des

érudits, c’est que l’occupation ot-tomane mine le pays depuis des siè-cles. Pourtant, malgré l’oppression et cette mise à l’écart, le peuple réussit à conserver durant cette occupation de cinq siècles une conscience na-tionale qui tarde à renaître. Bon nom-bre d’ouvrages littéraires remettent à l’ordre du jour le riche passé du pays et appellent le peuple au réveil. C’est dans ce contexte de fort nationalisme que Christo Botev voit le jour en 1848 dans les montagnes des Balkans. Le pays est alors partagé entre les haïdouks, groupes d’hommes retirés dans les reliefs qui, pour se venger de leur esclavage, combattent héroïque-ment au moyen d’armes blanches, et les tchorbadjis, souvent de riches pro-priétaires collaborant avec les Turcs notamment pour la levée des impôts dus par les miséreux qu’ils usurpent au passage. Christo prend alors con-science que si le peuple est guidé cor-rectement, autrement dit s’il reçoit les bons exemples, il sera capable de se libérer seul. Le but de sa destinée est alors clair : il veut devenir l’un de ces modèles. L’aide de la Russie, qui s’avérera finalement décisive pour la libération du pays, soulève bien des craintes : Vassili Levski, autre révo-lutionnaire mythique de l’époque, remarque : « Et qui, ensuite, va nous libérer de nos libérateurs ! ». L’histoire semblera bien donner raisons à ces pressentiments. La force de Botev réside ainsi dans sa foi en la détermination du peuple pour lequel il n’hésite pas à donner sa vie, mourant à 28 ans, tués par les Turcs après un débarquement insensé sur les rives du Danube. Pourtant, son existence est loin de s’être achevée ce 20 mai 1876 sur les hauteurs de la

Vola lorsqu’il tombe à terre une balle au cœur car son crédo peut s’appliquer à sa propre personne : « Celui qui tombe dans la lutte pour la liberté ne meurt pas ». Après ce soulèvement sanglant, deux années et l’aide du Père Ivan (le nom affectueux donné par les Bulgares aux Russes) seront nécessaires pour aboutir à la recon-naissance d’un état bulgare autonome au traité de San Stefano. Mais si Botev occupe toujours une place importante dans le cœur des Bulgares, si les profonds regards noirs typiques semblent s’ouvrirent et scin-tiller à l’entente de ce nom devenu si familier, ce n’est pas uniquement pour son rôle historique dans la libération du pays. S’il est actuel, c’est parce qu’il a su s’adresser grâce à sa prose et ses poèmes à ce qu’il y a de plus honorable chez l’homme. Et puisque le poète est un « être précurseur qui rattache le présent et l’avenir »1, Bo-tev peut être lu aujourd’hui sans que son analyse critique et souvent iro-nique n’ait perdu de sa force. Certes, les temps ont changés et l’époque des grands idéaux représen-tés par les poèmes révolutionnaires de Botev semble définitivement révolue. Le communisme auquel Botev déclare confesser sa foi en tant que seul moy-en qui permettrait de guérir la société de ses vices a lui aussi montré ses limites. Les ressources du pays ont été pillées à tel point par les cadres du Parti communiste et autres corrompus que ce dernier s’est retrouvé au bord de la ruine durant sa période de tran-sition vers un état démocratique dès le début des années 90. La misère qui en a résulté a fait fuir des milliers de jeunes, souvent les plus qualifiés, à la recherche d’horizons moins tumultu-eux pour construire un avenir. Cet échec pourtant ne doit pas être ap-préhendé comme une raison de déni-

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La Bulgarie fait ses comptes

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grer les écrits de notre héros national. En effet, un bon nombre de ses vers, malgré le contexte différent, restent pertinents. Le poème Elegie, traduit en français par Paul Eluard, en est un exemple déconcertant…

Dis-moi, pauvre peuple au berceau,Peuple esclave, qui donc te berce ? (…)Traître et menteur, cruel annonciateurDe nouvelles souffrances pour les pau-vres gens,Un Kirdjali2, saisi d’une folie nouvelle,Il a vendu son frère, il a tué son père.

Est-ce lui, réponds-moi… Mais le peuple se tait.Rien que le bruit des chaînes ! Nulle voix ne monteD’entre elles pour clamer l’espoir, la lib-erté.Le peuple renfrogné se borne à désignerLa horde des élus, un ramassis de brutes,Privilégiés qui ont des yeux pour n’y point voir.

Le peuple les désigne et la sueur sanglan-teDe son front tombe sur la pierre du sépulcre.La croix s’enfonce en plein milieu de sa chair viveEt la rouille ronge ses os.On dirait qu’un vampire prend la vie du peuple,Le traître à l’étranger s’unit pour le fes-tin.

Le pauvre esclave endure tout – et nous,Sans honte et en silence, nous comptons les jours.Le temps passe et toujours, le joug pèse à nos cous,Et le peuple traîne ses chaînes.Serions-nous pleins de foi pour la tribu des brutes,Puisque nous attendons notre tour d’être libres ?

Certes, l’ennemi aujourd’hui n’est

plus l’envahisseur extérieur mais il est pourtant là, plus insidieux que ja-mais. Le pays doit en effet faire face à ses propres démons, c’est-à-dire à la corruption omniprésente et ce, même parmi les plus hautes sphères publiques. Ce fléau mine la Bulgarie et lui doit notamment des avertisse-ments répétés de l’Union Europée-nne. Pourtant, les rapports négatifs successifs de la Commission euro-péenne en ce qui concerne le crime organisé et la corruption et ce depuis l’entrée sous condition du pays dans l’union début 2007 ne semble pas faire évoluer la situation sur place… Pour preuve, en ce début d’année, un nouveau scandale ébranle le gou-vernement. Le nom de Roumen Petk-ov, ministre de l’intérieur se retrouve tout simplement sur les listes des ser-vices anti-mafia pour ses liens avec le milieu de la drogue. Manque de consistance d’une Europe qui aurait largement les moyens d’imposer une pression plus importante pour résou-dre les problèmes… Peut-être. Mais le fait est que cette Europe n’est pas encore prête à se mêler aux problèmes internes des pays membres. Dans ce sens, Mr. Baroso, ex-président de la Commission, rappelle que les ré-formes dans ce domaine ne peuvent émaner que de la société civile et des milieux d’affaires. Ces quelques re-commandations ne sont-elles pas un appel au peuple qui, comme on le lui a déjà prouvé à maintes reprises, ne peut compter que sur lui-même s’il veut parvenir à ses fins ? Pourtant, trop souvent découragé suite aux lueurs d’espoirs amenées par les différents événements sur la scène politique telles que la chute du communisme ou l’entrée dans l’union, « le peuple se tait » et « nulle voix ne monte », dénoncerait Botev. Le problème est récurrent dans les

pays de l’ancien bloc communiste. En effet, les gouvernements succes-sifs n’ont pas tenu compte des souf-frances endurées par la population. Ils ont au contraire tenté dans la lutte pour accéder au pouvoir de séduire l’électorat en misant principalement sur l’occidentalisation. Incontestable-ment, de nombreux efforts ont été réalisés afin de démocratiser le pays mais les promesses sont loin d’être tenues. Aujourd’hui, un fort sentiment de déception semble l’emporter. Que manque-t-il donc à la Bulgarie pour que le soleil se lève enfin sur les côtes du littoral, pour que les lueurs d’espoirs ne soient plus comme par le passé de simples leurres ? Les rayons parsemés qui ont atteints les terres bulgares parviendront-ils peu à peu à dissiper la mer de brouillard ? Possi-ble. Mais ne faudrait-il pas pour cela que le peuple retrouve un modèle en qui il puisse avoir confiance, un me-neur qui dénoncerait enfin les « trai-tres et menteurs, cruels annonciateurs de nouvelles misères pour les pauvres gens » ? Ne faudrait-il pas un Botev capable d’unir et de soutenir une pop-ulation trop souvent décontenancée ? Car finalement, le peuple ne doit-il pas toujours combattre pour sa pro-pre liberté et souveraineté, pour ses convictions et dans un cadre où on lui donne de plus en plus de moyens de s’exprimer pour définir lui-même l’avenir de son pays ? Espérons que ce dernier n’a pas perdu tout espoir en son pouvoir, espérons qu’on lui re-donne enfin la place qu’il mérite. Remerciements à Nelly Haliti pour sa précieuse participation.

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1.Elsa Triolet, écrivaine et résistante fran-çaise d’origine russe2.Brigands militaires qui ravagent la Bul-garie sous le règne de Sélim III (1789-1807)

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La Révolution orangeProduit de la chute de l’URSS, l’Ukraine est un pays qui n’a acquis son indépendance qu’il y a 17 ans. Etat situé aux portes d’une Europe qui venait soudainement de s’agrandir

avec la tombée du rideau de fer, les occidentaux se sont bien vite intéres-sés à ces vastes terres. La Russie, dé-sormais amputée d’une bonne partie de ses terres, a toujours été soucieuse de préserver son influence dans cette

région ; et c’est lors du 2ème tour des élections présidentielles ukrainiennes que se sont cristallisées toutes les ten-sions en Europe orientale. En dépit des sondages défavorables, le candi-dat soutenu par Moscou remporte les élections de novembre 2004. Des ob-servateurs étrangers comme l’OCDE ont rapporté des irrégularités et des allégations de fraude électorale. Vik-tor Iouchtchenko et ses partisans se sont mobilisés et toute une série de grèves et de manifestations pacifiques ont paralysé le pays durant une quin-zaine de jours. La dénommée « Révo-lution orange » aura permis, avec l’aide des pressions de l’Union euro-péenne, la convocation de nouvelles élections (une sorte de « troisième tour ») remportées par Iouchtchenko. L’origine du financement de la Révo-lution orange a été pointée du doigt par l’opposition et le Kremlin. Les liens entre certaines associations et le gouvernement américain conduiront la Russie à parler de second endigue-ment. La confrontation américano-russe pour la domination géostraté-gique semble avoir trouvé un nouveau champ de bataille. Un oléoduc reliant Odessa à la frontière polonaise avait d’ailleurs été financé par les USA en 2001. Le spectre de la guerre froide semble de retour au-delà de l’Oural, alors que la victoire « orange » était considérée par certains comme une sorte de seconde indépendance. Si, ces derniers temps, tous ces troubles politiques ont secoué le pays et révélé les tensions, d’autres forces plus mé-connues sont également en jeu.

La chute du communisme ou la re-naissance de la religionSéparée de l’Etat après la Révolution d’Octobre, l’Eglise (et la pratique de la religion) était vue d’un très mau-vais œil par le régime soviétique. La

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Ukraine : terre de conversions

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lutte contre le cléricalisme était strict-ement liée à la lutte du prolétariat pour sa libération contre toute forme d’exploitation ; en somme la lutte contre « l’opium du peuple ». De plus, une société tendant vers la science et le progrès ne pouvait s’attacher aux vieux démons de son passé. Cepen-dant, avec l’affaiblissement progres-sif du régime, l’Eglise sera mise à profit pour influencer et reconquérir une population en mal d’idéologie. Instrumentalisée, la religion a pu bénéficier d’un regain de tolérance. L’Eglise orthodoxe se devait de can-aliser la foi dans le sens du régime, de faire parler son patriotisme con-tre l’ennemi laïc capitaliste. Le 26 septembre 1990, une loi sur les lib-ertés religieuses est même votée. Le soulagement, déjà abordé avec la « perestroïka » (réforme), va conduire progressivement à un réel engoue-ment religieux. D’abord considérée comme un facteur conjoncturel pas-sager puisque produisant une alterna-tive idéologique au communisme, la pratique religieuse s’est ensuite révé-lée comme une réelle nécessité pour une population en mal d’espoir.C’est dans ce contexte favorable qu’ont pu s’installer de nombreux évangélistes venus du monde en-tier. En effet, après la chute du mur de Berlin, ces derniers avaient vu s’ouvrir toutes grandes les portes de vastes terres à convertir, une sorte de nouveau monde en somme. Le Nigérian Sunday Odelaja est le fon-dateur de l’Ambassade de Dieu, la plus puissante « mega-church » évan-gélique d’Europe. Arrivé en 1993, la tâche a été plutôt ardue dans un pays réputé raciste. Mais, selon les propres mots du fondateur, « le fruit de l’évangélisation agressive » a fini par mûrir. Des orateurs évangélistes américains, traduits en ukrainien, se

relaient aujourd’hui devant une foule déjà acquise. Rassemblant des mil-liers de membres en Ukraine (40‘000 dans la seule capitale), l’Eglise évan-gélique rêve d’expansion en Europe. Elle a d’ailleurs déjà installé des suc-cursales en Allemagne et aux Pays-Bas. De fait, les récents changements poli-tiques en Ukraine ont été très favor-ables à l’expansion du mouvement évangélique. L’élection de Victor Iouchtchenko et les tendances russo-phobes de nombreux ukrainiens ont conduit à un éloignement de l’Eglise orthodoxe, souvent associée à la pro-pagande communiste. L’Ambassade de Dieu a, d’ailleurs, été très active pendant la Révolution orange en or-ganisant des marches, des meetings et en affichant un soutien inconditionnel à Iouchtchenko. C’est cette facilité à mobiliser qui a conduit des « stars » évangélistes tels que Billy Gra-ham ou Benny Hinn à venir prêcher en Ukraine dans les années nonante. Conscients de représenter, dans de nombreux esprits, l’Occident, le progrès et l’émancipation face à l’impérialisme russe, c’est avec fer-veur que les évangélistes ont entamé la conversion massive des fidèles.

Les dissensions religieusesLa stratégie des missionnaires est simple: « pêcher en eaux troubles ». Il s’agit d’abord de choisir un pays où le niveau religieux reste assez élevé, un Etat pas trop laïc mais où une unique Eglise n’exerce pas de mono-pole (comme l’Eglise catholique en Pologne par exemple). Alors qu’en Russie l’identité nationale semble liée à l’orthodoxie, il n’en est pas de même en Ukraine. Même si la majorité de la population est orthodoxe, la ques-tion religieuse est plus complexe. Il existe trois Eglises orthodoxes : l’une

est reliée au patriarcat de Moscou, l’autre au nouveau patriarcat de Kiev (établi en 1991), et enfin une dernière branche est autonome. Il n’existe pas vraiment de communication entre les différents courants et chacun veille à ses propres intérêts. De plus, les dis-sensions entre orthodoxes et gréco-catholiques (uniates) perdurent. Inter-dit sous le communisme, l’uniatisme s’est peu à peu reconstitué et l’Ukraine en compte la communauté la plus importante avec la Roumanie. Des conflits ont éclaté notamment à propos des lieux de culte. Même si les protestants ne représentent que 4% de la population, d’autres courants re-ligieux viennent également alimenter la richesse spirituelle du pays. Les Ta-tars déportés par Staline rentrent peu à peu au pays et l’Islam retrouve de sa superbe sur les bords de la mer Noire, dans la République autonome de Cri-mée. La communauté juive, quant à elle, présente bien que réduite, a sur-vécu à de nombreuses persécutions. Les évangélistes n’ont eu que très peu de mal à s’installer dans ce pays à la forte agitation religieuse.

Bible et politiqueToutefois, la raison de la rapide propagation de l’évangélisme ré-side sans doute dans le fait que, ce dernier, s’emploie à combattre les « vrais » problèmes de la société, ou du moins ceux qui inquiètent le plus les gens. La lutte de ces Eglises con-tre la drogue et l’alcoolisme, ainsi que l’usage de solutions très fermes, sont tout particulièrement appréciés par une population dans laquelle de nombreux foyers sont touchés par ces fléaux. De fait, la pratique d’une re-ligiosité moderne, d’une spiritualité plus accessible, attire les jeunes, leur offrant une réelle alternative à la rue.Cependant, le mouvement n’attire

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pas que les jeunes. Prônant la pros-périté, la réussite économique et so-ciale, les « mega-churchs » comptent de nombreux ressortissants des class-es aisées. Ainsi, la mouvance fortifie son influence dans toutes les strates de la société. Certains parlementaires ukrainiens en seraient même mem-bres. Le gouvernement avait déjà ten-té de se débarrasser du fondateur de « l’Ambassade de Dieu » en refusant de prolonger son permis de séjour en 2003. Mais des « amis » hauts placés avaient fait pression et obtenu gain de cause. De l’aveu de Sofia Jukan-taskaïa, ancienne haut-fonctionnaire et à présent l’une des bras droits de Sunday Odelaja, l’Eglise travaille sur plusieurs projets de loi, dont un visant à l’interdiction de l’avortement… L’avenir dira jusqu’où l’influence de l’évangélisme sera capable de péné-trer la sphère politique.

Alors que l’on voyait la psychiatrie punitive comme un vieil avatar du régime communiste, la multiplication de nouveaux cas fait craindre un re-tour au pire. A l’approche des élec-tions législatives de décembre dernier et de l’élection du nouveau président Dimitri Medvedev le 2 mars, le ré-gime Poutine semble avoir renforcé sa répression à l’égard de ses rares détracteurs. Nombre d’opposants, de tout bord, ont été et continuent d’être internés.

La première incarcération dans des hôpitaux psychiatriques date de 1922. Lénine suggéra alors l’internement du commissaire du peuple aux Affair-es étrangères, Gueorgui Tchitcherine, qu’il accusait de n’être pas assez of-fensif face aux Américains lors de la conférence de Gênes. Les maladies mentales les plus extravagantes feront alors leur apparition comme le « dé-lire réformiste », la « foi chrétienne » ou l’ « inaptitude à vivre en société ». Dans les années 30, l’étude du psy-chiatre Andreï Snejnevski montrant que la schizophrénie ne se manifes-tait pas forcément par des symptômes visibles, ouvrit la porte à d’autant plus d’internements abusifs. Devenus gênants, de nombreux membres du parti communiste se virent désignés de schizophrènes. Le professeur Anatoli Prokopenko, chargé par Boris Eltsine d’enquêter sur ces pratiques, estime que 15 à 20 000 personnes¹ subirent un internement à des fins politiques durant la totalité de l’ère soviétique. L’ouverture de cette enquête laissait suggérer la fin de cette méthode dans la fédération de Russie. Mais dans un contexte de durcisse-

ment de la répression, cette pratique semble être de retour. La journaliste Larissa Arap a ainsi été internée pen-dant 46 jours l’été dernier. Ironie du sort, on lui reprochait notamment son article sur les conditions des enfants dans les hôpitaux psychiatriques. De même, Andreï Novikov, leader des mouvements de démocratisation dans la fin des années 90 et rédacteur en chef de Chechenpress (l’agence de presse officielle de la République Tchétchène d’Itchkérie), a été enfer-mé pendant plus de dix mois. Le rapport médical atteste d’une « dés-adaptation » et d’ « un comportement anti-social »². Dans le reportage de Manon Loizeau, « Au nom d’Anna », il est interviewé par caméra cachée au sein même de l’établissement psychiatrique. Il y fait alors ce triste constat : « En Russie, aujourd’hui les gens comme moi, les journalistes li-bres, soit on les tue, soit on les met en prison, soit en hôpital psychiatrique ». Dernier en date, Roman Nikolaychik, candidat à la Douma de « l’Autre Russie ». Il a été placé en hôpital psy-chiatrique durant l’ensemble du mois de février. Bien plus que les passages à tabac, les viols ou le confinement total, les personnes internées subissent des injections quotidiennes de quantités considérables de médicaments aux effets secondaires très indésirables, quand cela ne les transforme pas en légumes. Le but est bien entendu de les briser pour qu’ils ne s’attaquent plus au nouvel ordre mis en place sous l’administration Poutine. Devant cette régression dramatique des droits humains, qui est à incrim-iner ? Pour certains, il ne s’agirait que

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Adrià Budry Carbó / Romain Aubry

Russie, retour aux vieilles méthodes soviétiques : l’internement psychiatrique

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d’actes isolés résultant de fonction-naires locaux trop zélés. Cela est sans doute justifié pour le cas d’Albert Im-endaïev, candidat à une élection locale en 2005 à Tcheboksary. Il fut « hospi-talisé » 9 jours puis relâché le lend-emain de la date limite pour le dépôt des candidatures³. Cependant, étant donné l’ampleur du phénomène, et ceci dans un contexte de « muselage » de la société civile, le Kremlin semble avoir de vieux relents d’autoritarisme paranoïaque. Pourtant, ces dérives sont jugées acceptables par la plupart des Russes qui les considèrent comme le faible prix à payer pour le retour de la Russie à son statut de grande puis-sance. La chute de l’URSS a été une véritable humiliation et les Russes ont aujourd’hui l’impression qu’avec Poutine, la Russie sort du marasme des années Eltsine et prend sa re-vanche. Une classe moyenne émerge

et les salaires augmentent. Le salaire moyen était de 65$ en août 1999 et a atteint 540$4 en août dernier. Face à cette évolution positive attribuée à la politique du Kremlin, le durcissement du régime passe pour nécessaire à la remise en route de la Russie. Avec l’élection de Dimitri Medvedev à la présidence russe le 2 mars dernier, Poutine et le FSB (ex-KGB en charge de la sécurité intérieure) conservent le pouvoir. Les fortunes engrangées, au cours des huit années passées, par le système de publicisation des inves-tissements et de privatisation des bé-néfices ne seront donc pas remises en cause. Rares sont donc aujourd’hui les possibilités d’apporter un grain de sable dans cette nouvelle plouto-cratie autoritaire et cette situation ne pourra que s’accentuer dans les qua-tre prochaines années.

Cette petite province essentiellement montagneuse d’à peine 2’200’000 ha-bitants et 10’877 km2 de superficie, soit un quart de la Suisse, autrefois région la plus pauvre de l’ex-Yougo-slavie, déchaîne pourtant les passions. Le statut du Kosovo représente en ef-fet un enjeu et des conséquences tant au niveau régional: repositionnement identitaire des intéressés et impact potentiel sur les pays issus de l’ex-Yougoslavie ou à forte composante albanaise, qu’au niveau global: con-séquences sur le droit international et prérogatives possibles de diverses minorités à revendication indépen-dantiste. Malgré plusieurs tentatives de négociation menées sous l’égide de la communauté internationale, au-cune décision commune entre Serbes et Kosovars n’a pu être prise et nous sommes aujourd’hui confrontés à une issue unilatérale, soumise à un arbi-trage international individuel et som-maire. Pourquoi un accord fut-il impossible à conclure et quel fut le poids respec-tif des acteurs dans l’échec des négo-ciations? Je tenterai d’analyser dans ce sens les positions respectives des parties qui ont œuvré durant les trac-tations.

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Romain Aubry / Danica Hanz

Kosovo, le rendez-vous manquéDernier volet de l’histoire tragique des Balkans, le Koso-vo s’inscrit dans le démantèle-ment d’une unité autrefois flo-rissante, la Yougoslavie, au profit d’entités ethniques, re-ligieuses et culturelles de plus en plus pures.

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SituationDepuis 1999, le Kosovo est régi par la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité qui place la région sous l’administration internationale pro-visoire de l’ONU (UNMIK1) et sous protection d’une force armée, la KFOR2. A partir de 2006, l’envoyé spécial de l’ONU, Martti Ahtisaari, est chargé de conduire les négocia-tions afin d’arriver à un compromis entre les parties sur le statut final du Kosovo. Aucun accord n’ayant été atteint, il propose néanmoins un rapport sur le statut du Kosovo3 pré-conisant l’indépendance supervisée de la province. Face au refus catégo-rique de la Serbie et surtout la menace d’un veto russe au Conseil de Sécu-rité, de plus amples pourparlers sont organisés à partir d’août 2007 sous l’égide du Groupe de Contact4 et de sa troïka représentant les Etats-Unis, la Russie et l’Union européenne. Ces tractations n’ayant pas abouti à un consensus et le Conseil de Sécu-rité étant bloqué par des divisions in-ternes, le Kosovo déclare unilatérale-ment son indépendance le 17 février dernier.

La position kosovareLes autorités, les différents par-tis albanophones et la population s’accordent sur l’indépendance du Kosovo comme seule et unique so-lution et le discours du Président Fatmir Sejdiu au Conseil de Sécu-rité l’atteste dans la déclaration suiv-ante: « L’indépendance est l’alpha et l’oméga, le début et la fin de posi-tion »5. Ce point de vue est renforcé par une potentielle reconnaissance in-ternationale de la part des Etats-Unis et une majorité des membres de l’UE dans le cas d’une déclaration unilaté-rale d’indépendance du Kosovo.L’argumentaire pro-indépendantiste

tient sur deux piliers principaux: la particularité du cas due à son statut juridique et à son histoire tragique.L’intégrité territoriale de la Serbie est reconnue par le Conseil de Sécurité, le Groupe de Contact et la troïka, né-anmoins la Serbie n’exerce plus sa souveraineté effective sur le Kosovo depuis huit ans, date à laquelle une administration internationale a pris sa place: l’UNMIK. Rappelons que la souveraineté se déclinant dans sa double composante interne et externe, la Serbie jouit d’une reconnaissance internationale effective mais néan-moins n’assure ni le fonctionnement, ni l’ordre dans la province du Koso-vo. D’autre part, la Résolution 1244 parle d’« autonomie » et d’« auto-ad-ministration substantielle » quand elle se réfère au futur statut du Kosovo et donc ne s’oppose aucunement à l’existence d’un Kosovo indépen-

dant. Conformément au droit inter-national, la création d’un Etat découle d’un processus historique et non seulement d’une volonté séparatiste. Un Etat doit posséder les caractéris-tiques suivantes: un territoire, une population, une forme d’organisation ou gouvernement et une souveraineté effective (interne/externe). Or huit ans se sont écoulés sur un territoire non assujetti à la souveraineté ser-be, peuplé d’une majorité ethnique prononcée, qui depuis les élections de novembre possède une forme d’organisation ou gouvernement et pourrait potentiellement être reconnu sur la scène internationale en cas de proclamation d’indépendance.En effet, la population albanaise du Kosovo représente 90% des ha-bitants de la région et possède une culture propre. L’histoire récente de la province a indiqué une incapacité

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de la Serbie à garantir les droits les plus fondamentaux de la minorité albanaise. Après des années de gou-vernance internationale et malgré une large autonomie, le retour au sein de la Serbie paraît inconcevable au re-gard de la population.

Le point de vue serbeLe rejet de l’indépendance est quasi unanime et s’étend de la population au gouvernement, jusqu’à être codifié dans la nouvelle Constitution de 2006 qui qualifie le Kosovo de « partie in-aliénable de la Serbie7 ». Cependant, un effort incontestable a été fourni dans la proposition d’un large éven-tail d’autonomies, de large autonomie énoncée en 14 points à une autono-mie sur le modèle de Hong-Kong. La position serbe peut se résumer de la manière suivante: « tout sauf l’indépendance8 ». L’argumentation serbe se déploie tout d’abord sur une lecture stricto sensu de la Résolution 1244. Celle-ci stipule « l’attachement de tous les Etats membres à la sou-veraineté et à l’intégrité territoriale de la République Fédérale Yougoslave (RFY) 9 », République dont la Serbie a conservé le statut d’Etat membre. De même, le document préconise le déploiement international afin d’y as-surer une « autonomie substantielle au sein de la RFY10 ». C’est donc un processus de stabilisation transitoire qui tout en omettant de spécifier ex-plicitement le futur statut du Kosovo, insiste sur la notion de souveraineté et d’intégrité territoriale de la Serbie. L’administration du territoire par la mission internationale se substituant à l’autorité serbe prévoit néanmoins à l’article 4 de la Résolution et à l’issue du retrait pur et simple de l’armée ser-be qu’ « un nombre convenu de mili-taires et de fonctionnaires de police yougoslaves et serbes sera autorisé à

retourner au Kosovo pour s’acquitter des fonctions prévues à l’annexe 211 »; leurs tâches principales sont: présence aux postes de frontière, sé-curité du patrimoine historique serbe, liaison entre présence internationale civile et de sécurité, déminages, etc. C’est donc une perte relative et non absolue de souveraineté effective en faveur de l’ UNMIK car un contingent policier et militaire serbe prévu par la Résolution est censé assurer des fonc-tions d’ordre et de sécurité.Le référendum sur la nouvelle Con-stitution, composé d’une consultation populaire sur le maintien du Kosovo au sein de la Serbie, est (présenté) au vu du taux d’acceptation qui est de 96%, sur une participation certes assez faible de 51,6% et face à l’indépendance envisagée de cette province comme « une atteinte à la volonté du peuple d’un Etat sou-verain exprimée de façon démocra-tique »12.

ConclusionLes arguments pro et contre indépen-dantistes ont une assise juridique, proposent des interprétations différ-entes mais valides de la Résolution et sont fondés sur deux normes du droit international qui s’opposent: le droit à l’autodétermination d’un côté, l’intégrité territoriale de l’autre.Les échecs des négociations et l’impossibilité d’un quelconque ac-cord entre les acteurs sont dus à leur intransigeance: retard serbe à consi-dérer une indépendance potentielle nécessitant l’engagement dans un véritable compromis et manque de concession du camp albanais qui ne s’est jamais écarté de sa seule et unique proposition, l’indépendance. Les déclarations de soutien et de po-tentielle reconnaissance de divers Etats durant les négociations ont cer-

tainement radicalisé ce point de vue et contribué au blocage.Le contexte de nationalismes exacer-bés par l’histoire balkanique et la sit-uation socio-économique actuelle ont abouti à une confrontation obstinée plus qu’à une quelconque volonté de coopération. Une crise économique importante sévit dans toute la région avec un taux de chômage impor-tant, une corruption endémique et un manque d’investissement étranger dû à l’instabilité de la province. A ceci s’ajoute en Serbie une méfiance en-vers la communauté internationale et le gel des négociations du processus d’adhésion à l’UE. Ce mécontente-ment général est malheureusement canalisé par la poussée nationaliste et focalisé sur le futur statut du Kosovo.La gestion internationale formelle et factuelle ambiguë a nourri pendant maintenant huit ans deux visions opposées mais légitimes. La néces-sité d’une action rapide devant la situation humanitaire désastreuse et l’impératif de contenter tout le monde ou du moins de ne froisser personne se sont concrétisés par une Résolu-tion « vague » qui a abouti aux inter-prétations antagonistes et à la guerre rhétorique qui s’en est suivie, inter-prétations qui ont nourri des projets durant huit ans et sur lesquelles il est difficile de revenir.Enfin, la résolution kosovare dépasse le cadre régional des volontés et pos-sibilités de détermination, le système international comme on l’a vu pèse sur le passé mais aussi sur le futur de la province et de ses différents acteurs. Ce système entre fragmen-tation des intérêts, des identités et des volontés d’affirmation, subit des pressions fortes et contradictoires qui doivent être prises en compte afin de comprendre l’échec des négociations dans toute sa complexité.

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Anciens états membres de l’URSS, les pays baltes – Estonie, Lituanie et Lettonie – ont vécu des proces-sus d’indépendance particulièrement mouvementés. Ils bénéficient en ef-fet d’une situation avantageuse mais délicate : coincés entre l’Europe oc-cidentale et orientale, entre la Russie et la Baltique, ils font figures de nains face à leur gigantesque voisin tandis que leur accès privilégié à la mer éveille nombre de convoitises. C’est pourquoi, dès la fin de la sec-onde Guerre Mondiale, les trois pe-tits Etats sont pratiquement intégrés au territoire russe, leur culture propre dévalorisée et dénigrée et leur activi-té économique placée sous la tutelle de Moscou, tandis que de nombreux immigrés s’installent dans la région. Après près de 50 ans de communisme, dont le souvenir est toujours pénible

ment vivant chez les habitants de la région, la chute de l’URSS et l’indépendance furent marquées par une forte volonté de modernisa-tion et d’occidentalisation. Les an-nées qui suivent voient donc les trois pays chercher leur voie entre l’Est et l’Ouest, entre la Russie et l’Europe.

Le refuge européenS’intégrer à l’Union Européenne fut immédiatement une priorité poli-tique découlant directement des an-nées communistes : le rejet de toute nouvelle influence russe, mêlé au fort désir d’assurer indépendance et protection contre les anciens maîtres soviétiques, poussa naturellement les pays baltes à chercher refuge au sein de l’UE et de l’OTAN. Il va sans dire que le Kremlin vit d’un très mau-vais œil ce qu’il considérait comme

une ingérence occidentale dans sa sphère d’influence traditionnelle. De même, l’adhésion de pays limitrop-hes à l’OTAN constituait une menace directe dirigée contre la Russie. Les relations entre celle-ci et ses anciens “états frères” furent et restent donc difficiles et tendues, comme en té-moigne la récente crise estonienne d’avril-mai 2007, suscitée par le dé-placement d’une statue à la gloire des soldats soviétiques. Cet acte, ap-paremment anodin, provoqua le fort mécontentement des russophones du pays ainsi que des attaques informa-tiques contre le gouvernement eston-ien, attaques émanant vraisemblable-ment de Moscou. Pourtant et malgré cet incident, la situation s’est désor-mais stabilisée et l’émancipation des pays baltes, totalement intégrés à l’UE, est un fait accepté par tous. Néanmoins, les difficultés subsistent, causées par le délicat passage, pour la Russie et ses voisins, d’un statut de dominant-dominé – sous le commu-nisme – à une relation de partenariat sur pied d’égalité.

La question des minoritésOutre les questions de relations inter-nationales, les pays baltes ont hérité du passé communiste un problème beaucoup plus concret : l’importante communauté russophone qui resta sur place après l’indépendance. La Let-tonie connaît ici la situation la plus délicate. C’est en effet dans ce pays que l’implantation russe fut la plus profonde : Moscou en fit son princi-pal point d’attache dans la région et y envoya des centaines de milliers d’ouvriers, de fonctionnaires, mais aussi de dirigeants économiques, poli-tiques et militaires, qui s’établirent souvent durablement. L’importance de cette immense minorité russo-phone (35% de la population totale

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La question russe dans les pays baltes

La Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, membres de l’Union Européenne depuis 2004, ont pour voisin le géant russe. Plus de 15 ans après la dissolution de l’URSS, des tensions demeurent encore bien présentes entre ces pays.

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du pays) et l’attitude à adopter à son égard furent donc au centre de tout le processus d’indépendance. La co-habitation dans la République nou-vellement créée fut tumultueuse et l’antagonisme entre russes et lettons resta longtemps – et reste encore pour certains – extrêmement présent. D’un côté, les Lettons tiennent à tout prix à préserver leur culture propre – que les occupants soviétiques tentèrent de faire disparaître totalement – et donc rechignent à intégrer une impor-tante population russophone risquant de mettre à nouveau à mal leur sou-veraineté culturelle. De l’autre côté, les russophones se considèrent com-me victimes de discriminations (par-fois bien réelles) et sont certainement influencés par Moscou – notamment à travers les médias russophones du pays – qui maintient que les russes de Lettonie sont des victimes innocentes et ne doivent en aucun cas faire de concessions aux persécuteurs lettons. La question de l’intégration russo-phone prit une tournure internation-ale après la demande d’adhésion de la Lettonie à l’UE, qui a toujours fait de la protection des minorités une condition d’adhésion sine qua non. La position européenne rejoignait sur ce point les constantes accusations russes à l’égard du gouvernement letton au sujet des discriminations subies par la minorité russophone du pays. Mais le débat est à placer dans une perspective plus large : les frontières pays baltes-Russie sont devenues avec l’adhésion autant de frontières UE-Russie. Bruxelles peut craindre dès lors que Moscou se sente repoussée à l’Est et tente, pour con-server sa position dominante dans la région, d’interférer dans les affaires lettones, estoniennes ou lituaniennes. Or, les principaux points d’attache de Moscou au bord de la Baltique sont

les minorités russophones ainsi que les citoyens russes qui sont domiciliés dans les trois pays. L’UE a donc tout intérêt à éviter les tensions sociales dans la région, à promouvoir l’unité nationale et à adopter une position intransigeante vis-à-vis des reven-dications russes, tout en ménageant Moscou quand il le faut. Toujours est-il que, sous les pressions inter-nationales, et grâce à une évolution des mentalités sur le plan interne, la situation de la minorité russophone s’est grandement améliorée en Let-tonie, même si le débat demeure aussi présent que sensible.

Frein ou opportunité?Cela n’empêche pourtant pas les pays baltes de connaître une croissance économique rapide et stable. Cette croissance reste pourtant grandement soumise à l’évolution de l’économie russe dont dépendent – et ce même après l’émancipation politique – l’approvisionnement en énergie (pé-trole, gaz) et en matières premières, ainsi que l’activité maritime et com-merciale. Cette situation, héritée du communisme, perdure pour plusieurs raisons. Elle est d’abord la con-séquence naturelle de la localisation géographique des trois pays qui leur donne une place logique dans le ré-seau commercial tissé par Moscou. Cette dépendance naturelle est ren-forcée par la mainmise d’une classe d’affaires russe sur les secteurs les plus importants de l’économie à l’intérieur même des pays. La Lettonie en est à nouveau le meilleur exemple : en tant que principal point d’attache russe dans les Etats baltes sous le commu-nisme, le pays hébergea nombre de hauts fonctionnaires du parti commu-niste chargés de gérer l’économie ré-gionale. Ceux-ci gardèrent leur posi-tion dominante après l’indépendance,

s’adaptant simplement au nouveau régime capitaliste, et tiennent en-core les rênes de l’économie let-tone aujourd’hui. Les Russes sont d’ailleurs plus nombreux, en termes de pourcentage de population, dans les grands pôles économiques du pays, telle la capitale Riga. Cette situation a des conséquences contradictoires. Grâce à ses contacts rapprochés avec le monde russe, cette classe d’affaires répartie entre la Russie et la Letton-ie participe pour une grande part au développement de l’économie lettone. Ainsi, près de 15% des exportations pétrolières russes sont actuellement contrôlées par la Lettonie et 52% des dépôts dans les banques lettones étaient détenus par des non-résidents en 2004. Mais, d’autre part, les méth-odes utilisées par certains acteurs peu scrupuleux sont souvent probléma-tiques pour un pays de l’Union Euro-péenne – blanchiment d’argent et cor-ruption sévissent encore beaucoup.Cette contradiction est à l’image de tous les rapports entre la Russie et les pays baltes : ceux-ci sont déchirés entre leur volonté de se tourner vers l’Occident et leur dépendance envers leur voisin de l’Est. Ils aimeraient s’intégrer totalement à l’espace eu-ropéen, mais les liens avec la Russie ont une grande importance dans leur récente croissance économique. La question peut se résumer ainsi : ces liens avec la Russie sont-ils un frein au développement ou plutôt une oppor-tunité à saisir? Sur le plan politique, une méfiance issue d’un douloureux passé domine les relations entre les pays baltes et leur voisin, mais la situa-tion est en bonne voie d’amélioration. Quant aux liens économiques, ils ne peuvent que bénéficier aux pays bal-tes qui profiteront sans aucun doute de la montée en puissance de la Russie. A l’heure de la multiplication

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des pôles de puissance économique et du découplage est-ouest, la situation des pays baltes à la frontière de l’UE et de la Russie et ses liens avec les deux entités constituent une chance dont il importera de tirer le meilleur parti possible. Mais tout partenariat productif nécessitera des parties en présence ; un travail qu’aucune n’est encore totalement parvenue à accom-plir. Tous doivent en effet se libérer d’un passé qui pèse encore lourde-ment sur les questions de politique intérieure autant qu’extérieure. Mais les tensions héritées du communisme sont heureusement vouées à disparaî-tre, car ne dit-on pas que le temps guérit toutes les blessures?

Créée il y a un peu plus de sept ans (le 4 décembre 2000), l’association Stop Suicide cherche à sensibiliser l’opinion publique sur le suicide des jeunes. Journée mondiale de préven-tion du suicide, interventions en mi-lieu scolaire, groupes de parole : l’association met en œuvre différentes actions pour briser le tabou qui règne autour du suicide et pour combattre cet ultime acte de détresse.Depuis sa fondation, Stop Suicide revendique le fait que le suicide soit reconnu comme un problème de santé publique en Suisse. Si le peuple et les cantons acceptent l’initiative modifi-ant les conséquences de la LArm (Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions), résultat d’une coalition d’une soixantaine d’organisations, un premier pas serait effectué dans cette direction.Bien sûr, les mesures de protection proposées par l’initiative doivent être accompagnées d’un renforcement des mesures préventives existant déjà. Cependant, la question de la restric-tion de l’accès aux armes à feu est cruciale. En effet, au niveau mondial , le suicide par l’arme à feu constitue une des méthodes les plus employées et une des plus mortelles. En Suisse, elle représente le mode de suicide la plus utilisée par les hommes âgés de 19 à 34 ans . Ceci s’explique notam-ment par la facilité d’usage offerte par les armes à feu. Ce moyen répond au

caractère souvent impulsif du suicide des jeunes; en particulier pour ceux ne possédant pas de troubles psy-chologiques . Passer à l’acte en util-isant une arme à feu accessible à portée de main ne demande effective-ment pas la réflexion et la préparation nécessaire à d’autres méthodes telles que la pendaison, par exemple. Or, ce laps de temps peut bien souvent sau-ver une vie. Réduire l’accès aux armes à feu s’avère alors déterminant.Aujourd’hui, en matière d’accessibilité, la LArm prévoit uniquement que « les armes, les élé-ments essentiels d’armes, les acces-soires d’armes, les munitions et les éléments de munitions doivent être conservés avec prudence et ne pas être accessibles à des tiers non autorisés ». Sachant que les militaires empor-tent leurs armes à domicile à la fin de leur service et qu’un article proposé par le Conseil fédéral et approuvé par le Parlement permet aux mineurs pra-tiquant le tir sportif d’emprunter une arme à leur club pour l’emporter chez eux, on est en droit de percevoir dans la législation en vigueur une définition excessivement vague du stockage des armes à feu. En effet, que comprendre par « conserver avec prudence » ?

Une initiative précise, réaliste et efficaceEn prévoyant que « l’acquisition, la possession, le port, l’usage et la re-

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Après être allés télécharger vos slides sur dokeos et avant de flâner sur facebook, jetez un coup d’oeil au Bondy blog; www.bon-dyblog.fr.Né en novembre 2005 à la suite des émeu-tes en banlieues françaises, le Bondy blog a l’intérêt de proposer un regard différent sur l’actualité française, plus particulièrement sur celle des quartiers populaires.Supervisés par des professionnels du jour-nalisme, ce sont une vingtaine de jeunes bloggueurs qui font l’information. Ils s’essaient au reportage et proposent ainsi leur point de vue sur les événements. En 2007, le blog se perfectionne en ouvrant une « école de blog ». Une fois toutes les deux semaines, les « journalistes-citoyens » assistent à une conférence de journalistes qualifiés ou experts des médias pour ensuite effectuer un petit travail sur le terrain. Pour les intéressés, ces cours sont pour la plupart retransmis sur le site internet.Et, rencontrant un succès toujours plus vif, le Bondy blog s’exporte à Marseille et Neuilly en janvier 2008. Les habitants du fief Sarkozy sont alors observés par l’oeil aiguisé des jeunes de Seine-Saint-Denis. L’envers du décor est ainsi peu à peu révélé; le réputé ghetto de riche possède également son lot de travailleurs pauvres. Pour plus de détails et d’informations diversifiées, rendez-vous sur le site et ses petits!

Autre regard, autre information

Initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »En Suisse, la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans est le suicide, suivi par les accidents de la circulation. Il est aujourd’hui néces-saire de prendre pleinement conscience de ce phénomène et de le considérer comme un problème majeur de santé publique, auquel il est indispensable de répondre par des mesures de prévention et de protection. L’arme à feu étant la méthode la plus fréquemment utilisée, une restriction de l’accès aux moyens létaux s’impose

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.SOCIETEmise d’armes à feu [soient] permis pour les professions dont l’exercice impose de disposer d’une arme, pour le commerce d’armes à titre profes-sionnel, pour le tir sportif, pour la chasse et pour les collections d’armes » l’initiative se montre intelligente. Elle distingue ainsi les groupes ayant un rapport spécifique aux armes à feu de la masse de la population.

Ce faisant, ces groupes acquièrent un droit particulier qui leur confère une légitimité quant à l’usage d’armes à feu. Ils deviennent donc pleinement responsables de leur arme. Par ail-leurs, les mineurs pratiquant le tir sportif ne pourront désormais plus emporter leur arme à domicile. De plus, l’initiative demande que les armes à feu des militaires soient con-servées dans des « locaux sécurisés de l’armée » et « qu’aucune arme à feu [ne soit] remise aux militaires

qui quittent l’armée » . Rappelons ici qu’à l’origine les soldats ne ra-menaient pas systématiquement leur arme militaire à la fin de leur service. Cet usage n’est donc pas l’expression d’une tradition comme le pensent certains, mais le résultat d’une or-donnance du Conseil fédéral prise à la suite de la 2ème Guerre mondiale permettant de réglementer cette pra-

tique. A l’époque, le gouvernement répondait à une situation d’urgence et de sécurité nationale et il choisit d’armer les citoyens pour riposter en cas d’attaque. Or, aujourd’hui, cette mesure n’a plus lieu d’être. Si l’initiative passe, elle pourra aussitôt être appliquée. En effet, l’ordonnance sera modifiée par le Conseil fédéral et les armes à feu militaires devront être retirées des foyers, et ce, sans même attendre l’approbation du Parlement.nEn considérant les nom-

breuses études prouvant qu’une re-striction de l’accessibilité aux armes à feu réduit sensiblement le suicide , cette initiative aura donc rapidement un effet sur le nombre de suicides en Suisse. Face aux sceptiques qui pensent qu’une personne voulant se suicider cherchera un autre moyen pour par-venir à ses fins, il faut ici préciser

que les méthodes ne sont pas inter-changeables; une arme à feu sera par exemple rarement remplacée par des médicaments. Comme cela a pu être constaté dans divers pays tels que la Finlande ou l’Autriche, mettre les armes sous clés diminuera assuré-ment le nombre de suicides . Concer-nant l’initiative, le délai imparti pour la récolte des signatures se monte au 4 mars 2009. D’ici là, réfléchissez et prenez vos stylos!

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Un effet boule-de-neige chez des dirigeants à la menace facileCe fut rapide mais intense. Le 1er mars, Raúl Reyes - de son vrai nom Luis Edgar Devia, numéro deux des FARC (Forces Armées Révolution-naires de Colombie) - ainsi q’une vingtaine de guerrieros sont tués lors d’un raid mené par l’armée colombi-enne. Problème: la mission contre la guérilla a empiété le territoire équa-torien sur une dizaine de kilomètres. Violation du principe de souveraineté territoriale. Rafael Correa, président de l’Equateur, mobilise alors immé-diatement des troupes à la frontière nord et renvoie l’ambassadeur co-lombien chez lui. Affirmant qu’il n’avait pas été mis au courant d’une telle opération et que

la Colombie lui avait menti et avait trahi sa confiance, il déclara alors sur un ton qui en disait long qu’ « [ils (les Equatoriens) iraient] jusqu’aux dernières conséquences pour éclairer ce fait scandaleux de l’agression de [leur] territoire et de [leur] patrie »1. Le Venezuela, pris alors d’une soud-aine compassion pour l’Equateur, in-forma Correa qu’ « [il pouvait compt-er] sur le Venezuela pour quoique ce soit » et ordonna « le retrait de tout [son] personnel de l’ambassade à Bo-gota »2.Décision prise au nom de la lutte pour le respect des principes fondamen-taux dont fait partie la souveraineté territoriale ou vieux démons qui sont ressortis entre le Venezuela et la Co-lombie ? Quoiqu’il en soit, Chávez

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De l’incident à la crise diplomatique

Un scénario à rebondissements - Le 1er mars 2008, le numéro deux des FARC est tué par l’armée colombienne, la souveraineté d’Equateur violée et la crise diplomatique décrétée. Le Ven-ezuela s’en mêle, le Nicaragua en prof-ite pour s’immiscer aussi. Le 7 mars 2008, sommet de Rio en République Dominicaine ; après les insultes, plu-ie d’embrassades et accolades à tout vient : le spectre d’une guerre a dis-paru aussi vite qu’il était arrivé. Crise record d’une semaine qui ne manque pas de souligner l’instabilité d’une ré-gion où hypocrisie et piques cinglantes entre voisins sont monnaie courante. Bien qu’en apparence rétablie, la situ-ation a fait ressurgir des divergences importantes sur le problème loin d’être résolu de la guérilla.

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De l’incident à la crise diplomatique a su prendre la balle au bond et n’a pas hésité à hausser le ton également. Pour soutenir son « ami équatorien » selon ses dires, il a ordonné en di-rect à son Ministre de la Défense: « Bougez-moi immédiatement dix ba-taillons en direction de la frontière avec la Colombie »3. Puis, sur un ton pour le moins menaçant, s’est adressé au président colombien Álvaro Uribe en lui signifiant clairement que s’il essayait de faire la même chose au Venezuela, « ce serait causus belis; cause de guerre »4. Loin d’essayer d’apaiser les tensions, il semble qu’il ait accéléré la crise en invoquant une menace pour son pays qui a pri-ori n’existait pas. De plus, la mise en scène presque grotesque de ses déclarations - les spectateurs ont pu le voir en direct donner l’ordre à son subalterne de déplacer des troupes, ce à quoi ledit Ministre a répondu par un théâtral signe de tête entendu - laisse à penser que le président vénézuélien, en étendant l’incident, n’a pas manqué de faire savoir qu’il était toujours influent auprès de ses voisins. L’occasion également de faire passer son éternel discours sur le rôle des Etats-Unis en Amérique latine, et plus spécifiquement sur ses liens avec la Colombie, et son point de vue sur les FARC, thème toujours aussi brûlant. (Rappelons que la Co-lombie est une alliée importante des USA qui, depuis le « Plan Colombie » créé en 1999, s’efforcent de garder le contrôle sur la région en finançant la guerre de manière officielle sous des prétextes humanitaires. Déjà à l’époque, au lieu de se concentrer sur les négociations de paix, ils ont équipé et renforcé l’armée colombienne. Ce sont ainsi quelques 4 milliards de dol-lars qui ont été versés depuis huit ans pour la lutte contre le narcotrafic et les guérillas). Chávez a ainsi déclaré:

«[L’Etat de Colombie] est un Etat ter-roriste soumis au grand terroriste du monde qu’est le gouvernement des Etats-Unis et tout son appareillage impérialiste ». Et de demander: « Est-ce que la Colombie va devenir l’Israël d’Amérique latine ? ». Enfin, au sujet de la guérilla: « Les FARC et l’ELN ne sont pas un groupe terroriste (…). Ce sont des forces insurgées qui ont un projet politique, qui ont un projet bolivarien, qui ici est respecté. (…) Je demande à l’Europe qu’elle retire les FARC et l’ ELN de la liste de groupes terroristes du monde car la seule rai-son [pour laquelle ils y sont] est la pression des Etats-Unis » 5.

Le problème des guérillas : de la lutte idéologique à la lutte économiqueMais quelles ont été les réactions de cette crise éclair au sein de la popu-lation en Colombie ? Il va sans dire que ces déclarations ont été peu ap-préciées par la population colombi-enne, déjà de tradition plutôt hostile face à son voisin vénézuélien. Selon le témoignage d’un étudiant6, beau-coup de Colombiens ont soutenu leur président pour son action. Pour eux, le jeu en valait la chandelle. Dans un pays où la guérilla impose ses lois depuis plus de quarante ans, la mort d’une des têtes de ces mouvements apparaît comme la preuve que le gou-vernement agit enfin concrètement. María Jimena Duzán, journaliste dans El Tiempo, relève également cette satisfaction palpable parmi la popula-tion: « “Un de moins”, voilà ce que j’ai pu entendre un peu partout depuis l’annonce de sa disparition (ndlr : de Raúl Reyes) (…) Tant d’années d’exactions, d’explosions de mines ar-tisanales et d’enlèvements ont fini par transformer les FARC en une guérilla honnie par l’ensemble du pays, toutes

classes confondues »7. Il faut en effet être conscient que plusieurs groupes très puissants sévissent en Colombie dont les principaux sont : les Forces Armées Révolutionnaires de Colom-bie (FARC), l’Armée de Libération Nationale (ELN) et les Autodéfenses Unies de Colombie (AUC).Les FARC, officiellement de ten-dance communiste, sont un parti idéologique d’opposition. Voix des populations rurales pauvres, ils défen-daient par les armes les terres que les propriétaires créanciers voulaient ré-cupérer. Mais comme tout groupe qui se forme, il leur a fallu se financer. Le premier moyen, qui sera par ailleurs utilisé par tous les groupes, fut la prise d’otage. Lorsque leur idéologie prédominait encore, les otages étaient alors sélectionnés très soigneuse-ment. Finalement, cette technique de pression s’avérant payante, l’habitude s’est installée, d’où un usage du kid-napping à tout vient qui a pris des proportions affolantes. Puis, la drogue - cultivée dans des régions retirées où sa production est plus bénéfique aux paysans que celle de bananes - est en-trée en jeu. L’idéologie a alors défini-tivement laissé place à une entreprise plus que lucrative sur un marché où tous veulent avoir le monopole. Les ELN, quant à eux, étaient un pe-tit groupe de paysans se battant pour que l’Etat les aide. Leurs motivations étaient plutôt d’ordre social. Mais eux aussi n’ont pas résisté au marché attrayant du narcotrafic. D’une idéol-ogie de départ semblable à celle des FARC, ils sont ainsi devenus ennemis. A ce sujet, il est important de soulign-er que la mort de Pablo Escobar, cé-lèbre leader du cartel de Medellin, fut pour beaucoup dans l’expansion ver-tigineuse et néfaste du commerce de drogue au sein des guérillas. En effet, auparavant, le marché était en grande

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partie concentré entre ses mains et ne s’étendait qu’à quelques régions du pays. Mais à sa mort, les guérillas ont pris l’emprise d’un cartel important et toujours aussi prometteur qu’il fallait à présent se disputer. Celui-ci leur a permis de croître tout en les obligeant à se battre constamment. Viennent enfin les AUC. Cette organ-isation, bien plus récente, réunit tous les groupes paramilitaires unis dans la lutte contre la guérilla, l’objectif étant surtout de gagner du pouvoir politique et militaire, avec en fond également la lutte pour la drogue. Ainsi, à travers ces combats pour le pouvoir au nom de causes déjà oubliées ressortent sur-tout des crimes commis en toute im-punité, enlèvements au premier rang. Méthode malheureusement efficace si l’on considère que ce sont les otages qui font le plus réagir la scène inter-nationale. Ce sont en effet les kidnap-pings qui sont à l’origine de tout type d’interventions; peu nombreuses sont les initiatives créées pour lutter effi-cacement contre le narcotrafic.

Un problème devenu régionalAinsi, à travers ces groupes ne trans-paraît plus la guerre de l’opprimé con-tre le gouvernement pervers, mais la guerre pour la drogue et l’argent dans laquelle on emploie toutes les armes, de la prise d’otages à la répression dans la population. Voilà pourquoi une animosité marquée face à Chavez peut se faire sentir en Colombie lor-sque celui-ci parle des FARC comme d’un groupe insurgé qui pourrait pr-esque « sauver » le pays. Beaucoup le traitent de fou et l’accusent implicite-ment d’avoir des relations douteuses avec ces groupes de guérillas. Uribe a d’ailleurs fait entendre lors de la crise diplomatique que des docu-ments compromettants sur des liens qu’entretiendraient le Venezuela et

l’Equateur avec les FARC avaient été découverts dans les ordinateurs trou-vés sur les lieux du camp bombardé. Bien heureusement pour Chavez et Correa, ces accusations ont été mis-es de côté lors du sommet de Rio. Quoiqu’il en soit, il est très probable que le président colombien apprécie en tous les cas peu les « contacts lé-gaux » de son homologue vénézué-lien avec la guérilla, celui-ci étant en effet indéniablement le seul pont de dialogue avec les FARC, ce qui lui assure un pouvoir non négligeable sur le plan international.Dans cette crise, la Colombie restera celle qui a violé un principe fonda-mental au lieu d’établir le dialogue. Mais au sein de la population, on tend à penser que le dialogue n’existe plus. Quarante ans de conflits l’ont après tout bien démontré. L’une des solutions majeures serait de renon-cer à la drogue. Or ça, bien entendu, personne ne le veut. Pour cet étudi-ant colombien, les grands l’ont déjà dit: « Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre »8. Un point de vue qui laisse apparaître une fatigue certaine face à ce conflit sans fin où il s’agit à présent d’éliminer les têtes pensantes afin de faire tomber le corps. Mais ce raz le bol compréhensible ne devrait pas justifier l’utilisation de tous les moyens. Même le désespoir n’est pas autorisé à ouvrir la porte à toutes les violations. Les méfaits pourraient être bien plus importants que les bienfaits: « (…) L’opinion colombienne, aussi manipulable que dégradée à cause du conflit, ne se préoccupe pas de savoir si cette guerre a recours à des procé-dés douteux. (…) Une telle audace pourrait nous coûter très cher »9. Une fois de plus, le main dans la main s’avérerait plus gagnant. Car malgré ce que veut penser Correa lorsqu’il ac-cuse Uribe d’exporter ses problèmes

et d’amener l’insécurité chez ses voi-sins en n’étant pas capable de gérer son pays, la question des guérillas est devenue un problème régional. Comme le souligne le journaliste José Natanson: « (…) Tout indique que le conflit armé ne saurait se limiter à la Colombie et qu’il déborde irrémédia-blement vers les pays voisins »10. Se renvoyer les problèmes et aboutir à des décisions qui contentent tout le monde sans construire de solutions concrètes ne feront pas avancer les choses. En démontre la tension entre les trois pays retrouvée déjà quelques jours après le sommet de Rio (un des corps rapatrié à Bogota après le bombardement, déclaré comme étant d’origine équatorienne - ce que l’Equateur considérerait comme un assassinat en son sol par des forces extérieures - ainsi que la question des documents trouvés dans les ordina-teurs des FARC étaient déjà motif à la suspension des relations). A quand la fin des grandes déclarations mé-diatisées, des formules théâtrales et des tons menaçants ? Ne serait-il pas plutôt grand temps d’opter pour des décisions plus discrètes, certes moins divertissantes pour le public, mais qui auront le mérite de pouvoir aboutir à des projets concrets dans un objectif d’union qui ne laisseront plus place à l’hypocrisie ?

Merci à CE pour son témoignage et à LME pour ses renseignements précieux.

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Des attentats en guise d’ouvertureDécidément, les élections se suivent et se ressemblent. Comme en 2004, un attentat a précédé les élections et a été le motif d’une mobilisation massive des citoyens (75% de taux de partici-pation cette année et 77% en 2004); et comme en 2004, cela a profité au Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) face à son rival direct le Parti Populaire (PP). Mais si, quatre ans auparavant, les bombes placées dans un train madrilène par des islamistes avaient fait pencher la balance en faveur de José L.Rodríguez Zapatero et de son refus de la guerre en lrak (devant l’entêtement du PP à attribuer les engins explosifs à I’ETA), cette fois, c’est Mariano Rajoy, président du PP, qui s’est servi de l’assassinat d’un ex-conseiller municipal (social-iste) par les séparatistes basques pour souligner l’échec du gouvernement actuel dans sa tentative de négocia-tions avec I’ETA. Même si, après ce 9 mars, le PSOE a gagné cinq sièges de plus au Congrès des députés, il devra plus que jamais compter sur la féroce opposition du Parti Populaire qui a également obtenu cinq députés sup-plémentaires. La forte progression du parti dans ces élections a d’ailleurs été fêtée comme une victoire par le parti conservateur. Derrière l’euphorie des deux grandes formations, le temps pour les « petits» est plutôt aux lam-entations. Dans un système qui fa-vorise le bipartisme, les petits partis se retrouvent acculés et ont de plus en plus de mal à faire entendre leur voix. La coalition écolo-communiste, Izquierda Unida, semble aujourd’hui sur le déclin. Privilégiant le vote stra-tégique, par peur de voir le PP se ré-installer au gouvernement, l’électorat de gauche s’uniformise

progressivement au détriment de la constitution d’un véritable débat. Face au 83,75% que représentent dans les suffrages le PSOE et le PP, il n’y a que les nationalistes catalans de droite (CIU) qui parviennent à sortir leur épingle du jeu. Ils seront sans doute promis à jouer le rôle d’arbitre entre les deux grandes puissances partisanes. Avec 11 sièges, soit un de plus qu’en 2004, CIU à le pouvoir de donner la majorité absolue au Parti Socialiste ou de rejoindre les rangs de l’opposition (scénario plutôt utopique étant donné que le PP a fait de la lutte contre les nationalismes l’une de ses armes électorales). Par contre, rien ne va plus du côté des nationalistes ré-gionaux de gauche. Les indépendan-tistes catalans d’ERC paient leurs er-reurs et divisions internes au prix fort et perdent une bonne partie de leur in-fluence au Congrès, alors que le Parti Nationaliste Basque se retrouve avec 6 députés (soit un de moins). Ces élec-tions sont l’occasion ici d’effectuer un bref retour en arrière et de donner une perspective générale des enjeux en Espagne.Marée progressiste dans la pénin-suleSi, pendant les premiers mois de son mandat, Zapatero s’est attelé à rem-plir ses promesses électorales, les réformes entreprisent par la suite en ont dérouté plus d’un. Le retrait des troupes militaires d’Irak a été sa-lué par la majorité de la population qui considérait le conflit injuste et sans lien direct avec l’Espagne. Peu après, l’adoption d’une « loi contre la violence de genre » a été appréciée comme une tentative pour remédier à l’un des problèmes les plus graves du pays. Chaque année, quelques sep-tante femmes sont tuées (72 en 2007,

soit un peu plus d’une toutes les se-maines) et il n’est pas rare que les médias décrivent avec moult détails ces sordides assassinats. Malgré tout, les chiffres de décès ne sont que la partie immergée de l’iceberg et cachent une multitude d’autres actes de violence souvent tus. Reflet d’un véritable problème de société, la lutte contre la violence de genre s’est convertie en une puissante arme électorale pour le PSOE. L’Eglise, pour sa part, a eu fort à lutter contre le gouvernement socialiste. La laïci-sation de l’enseignement et le rem-placement des cours de religion par des cours de citoyenneté ont ému le secteur catholique de l’Espagne qui n’a eu de cesse de rappeler les fonde-ments chrétiens sur lesquels est fondé le pays. Puis, c’est la facilitation des procédures de divorce, le mariage et l’adoption pour les homosexuels qui ont fait déborder le vase déjà plus que plein d’une des Eglises les plus conservatrices d’Europe. Dans une conférence épiscopale fin 2007, les autorités ecclésiastiques ont appelé implicitement à voter pour le PP en avertissant les électeurs contre “le danger d’options politiques et législa-tives qui contredisent des valeurs fon-damentales et des principes anthro-pologiques et éthiques enracinés dans la nature de l’être humain, en particu-lier en ce qui concerne la défense de la vie humaine dans toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et la promotion de la famille fondée sur le mariage, en évitant d’introduire dans l’ordre public d’autres formes d’union qui contribueraient à la désta-biliser.” Le gouvernement a déclaré par la suite qu’il répondrait à ces déclarations comme s’il s’agissait des premières manifestations de la cam-

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Elections: les deux Espagne s’affrontent dans les urnes

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pagne législative du Parti Populaire.Mémoire historique et national-ismesFort de l’appui d’lzquierda Unida et de la Gauche Républicaine Catalane (ERC) et en tant que petit-fils d’un républicain fusillé en 1936, Zapatero a présenté au Parlement un projet de loi dit de « Mémoire historique ». Le texte proposé avait pour objec-tif d’en finir avec la loi du silence qui perdurait en Espagne malgré la chute de la dictature franquiste. Im-médiatement, le Parti Populaire s’est opposé à la rédaction de la loi affir-mant qu’il était inutile et dangereux de « rouvrir les plaies du passé ». Formée d’une classe bourgeoise mais aussi de nationalistes castillans, le PP a été, pour de nombreux franquistes, un outil permettant leur reconver-sion à la démocratie. Manuel Fraga, ministre de l’intérieur sous Franco et responsable de plusieurs condamna-tions à mort, à présidé par la suite « Xunta » de Galicie au nom du Parti Populaire. Idéologiquement infini-ment plus proche du franquisme que du Front Populaire de la Seconde Ré-publique, le parti conservateur a usé de toute son influence pour bloquer le projet de loi. De nombreuses modifi-cations ont du être apportées, ce qui a conduit les républicains catalans à s’opposer à la nouvelle version. Ju-gée trop progressiste pour les uns et trop timide pour les autres, la loi a malgré tout été approuvée par le Con-grès. Mais pendant qu’on imposait le retrait des monuments franquistes de l’espace public, qu’on impliquait les pouvoirs locaux dans la recherche de fosses communes de républicains exécutés et que la majestueuse tombe de Franco, El Valle de los Caidos, était « dépolitisée », à Rome avait lieu la béatification la plus importante de l’histoire. 498 religieux (s’ajoutant

aux 471 déjà béatifiés), victimes des massacres qui eurent lieu au début de la guerre civile espagnole, furent sanctifiés par la Pape. Applaudis-sant hier le soulèvement du général Franco, puis servant aujourd’hui des intérêts politiques, l’Eglise se place du côté des bourreaux, alors que d’un côté comme de l’autre, on semble se « jeter ses morts à la figure ». Allié des nationalistes catalans de gauche, Zapatero avait promis de négocier un nouveau statut d’autonomie pour la Catalogne, pôle industriel et véritable moteur économique de l’Espagne. Les habitants de la région étaient lassés de voir les investissements de I’Etat devenir de plus en plus sporadiques, alors que la balance économique Catalogne-Espagne était largement déficitaire. Une version provisoire du nouveau statut proposait la gestion au niveau régional des ports et des aéro-ports, l’introduction du terme « Na-tion » pour désigner la Catalogne et l’officialisation des sélections sport-ives. Mais, après de houleux débats au Parlement, le statut catalan a rétré-ci comme peau de chagrin. Insuffisant pour la plupart, il a néanmoins été ac-cepté en Catalogne par référendum. Le Parti Populaire a crié au scandale et accusé le gouvernement de brader la souveraineté nationale. Un boycott des produits catalans avait même été organisé. Lors du dernier débat té-lévisé avant les législatives, Zapate-ro avait accusé le parti de Rajoy de mettre en péril la cohésion nationale en entretenant l’animosité des Es-pagnols contre la Catalogne, une ré-gion où il n’avait de toute façon pas de représentativité. Les négociations ratées avec I’ETA restent indéniable-ment le talon d’Achille du gouverne-ment. Après une longue trêve sans qu’aucun accord n’ait pu être trouvé, l’ETA a rompu le processus de paix

et les attentats ont repris. Ce que re-prochent plus que tout les conserva-teurs à Zapatero, c’est d’avoir tenté de parler de politique avec une or-ganisation terroriste tout en lui faisant des concessions. Fragilisés par cet échec, les socialistes ont semblé très hésitants par la suite avec le dossier basque, sans réelle ligne de conduite. Poussé à faire du zèle par l’opposition, le gouvernement a accentué la répres-sion sur les nationalistes radicaux.Croissance économiqueHéritier de l’essor économique insuf-flé par la gestion populiste, les social-istes se sont contentés de jouer la con-tinuité. Avec un taux de croissance moyen annuel de 3%, l’Espagne s’affirme comme un pays fort dans l’Union Européenne. En partie due à l’immigration, la bonne marche économique a été l’une des raisons de la naturalisation de près de 700’000 immigrés. Alors que l’Europe s’indignait, le chômage diminuait à 8.8% (11.2 % en 2004). Cependant, une grande partie des trois millions d’emplois crées par Zapatero sont à bas salaires et précaires. De son côté, le gouvernement revendique fière-ment sa politique sur le marché du travail en mettant en avant la négo-ciation avec les différents partenaires sociaux. Malgré tout, la forte inflation (4.2% en 2007) vient ternir ce bilan économique. Alors que le pouvoir d’achat recule, les crédits se mul-tiplient, stimulant une hausse de la consommation privée. L’immobilier, moteur du développement, est at-teint de plein fouet par la croissance de la “bulle” financière (un peu à la manière des subprimes américains). Jouant sur la conjoncture, Rajoy s’érige en défenseur du panier de la ménagère en promettant la poursuite de la croissance et la lutte intensive contre l’immigration clandestine.

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Concerts 1er Mai ARTMODE & IN MY ROSARY / Le Kab Usine

2 Mai

EN MAI, FESSES QUI TE PLAISENT / K-bar Artamis TRIBUTE TO THE 80’s / Le Kab UsineKID CHOCOLAT (Electro) / LES ENFANTS TERRIBLES, 24, rue Prévost-Martin No sleep: OLIVIER HUNTEMANN (Dj, Dance Electric )/ Le Zoo Usine CAST THY EYES (IT) (Neo metal hardcore) / Moloko UsinePOSTMAN (CH) + OCSA (B), SWANN H (CH), ETC. (Ragga, Drum’n bass) / Piment Rouge Artamis

3 Mai LEGENDARY PINK DOTS (Nl-uk) + DEMIAN CLAV (F) (Dark pop) / Le Kab UsineZU (IT) / La Cave 12 à l’Ecurie de l’Ilôt, 13 -14 rue Montbrillant MILES CLERET (Uk) + DJ BOZZ & JACK LA MENACE (CH) + BOD (CH) (Djs Electro, Funk, Soul) / Le Zoo UsineSoirée AEB / Datcha (Uni Sciences II)

4 Mai LES PETITS CHANTEURS A LA GUEULE DE BOIS (Post-hétilik-punk) / Le Kab UsineSVENTH SKY (House) 23h / Little aiglon, 16 rue Sismondi

7 Mai JAPANESE NEW MUSIC FESTIVAL / Le Kab UsineJAM / Piment Rouge ArtamisFORUM DU MILITANTISME / Datcha

8 Mai TOMAS GRAND (Chanson à texte) / Le Box, 15 place de l’OctroiEST(S) CONCERT de PERCUSSIONS / Studio Ernest-Ansermet Maison de la RadioSWING IN CLASS HEROES AND CRAPPY / Tiki’s pub, 1 av. Industrielle

9 Mai DRUM’N BASS / K Bar Artamis Les vendredis de l’ethno : EDUARDO KOHAN ET JUAN MARIA (Tango nomade) / AMR, 10 rue des AlpesCRUSHING GRINDCORE NIGHT (Grindcore) / Baramine, 8 chemin de Vandelle – VersoixDISCO ALL STYLE / Le Kab Usine«BRAVE NEW SOUND» Techno party! / Le Zoo Usine

10 Mai OLIVIER MAIER QUARTET (Jazz) / La Galerie, 13 rue de l’IndustrieBACK TO 70’S AND 80’S / Arcade, 46 av. de MiremontGAZON MAUDIT, Electro party! / Le Zoo UsineTRIBUTE TO METALLICA / Le Kab Usine SOIREE AEB / Datcha (Uni Sciences II)

11 Mai AIDS WOLF (Noise rock) / Le Kab UsineHARRY KLEIN NIGHT (House, Techno) / Le Zoo Usine

ExposL’ETEDu 1er Mai au 22 Juin / Centre pour l’image contemporaineTravaux des cinéastes Miranda Pennell et d’Alexia Walther

OSER PENSER, OSER AGIR, OSER LUTTER, OSER VAINCRE Jusqu’au 24 Mai / Maison de quartier de la JonctionMaison de quartier de la Jonction

LOS ROQUES Jusqu’au 18 Mai / Muséum d’histoire naturelle de la Ville de GenèvePhotos de l’archipel de « Los Roques » au Venezuela

HAGIOHYGIECYNICISM Jusqu’au 18 Mai / MAMCOQuatre expositions monographiques de Henri Barande, Antoine Bernhart, Marine Hugonnier, Frédéric Moser et Philippe Schwinger.

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- Tous les membres du département de

sociologie de l’Université de Genève

s’accordent sur le fait que le phallus

géant devant le bâtiment Uni Mail

complexe les étudiants. Romain, un

étudiant français arrivé à Genève cette

année s’exprime : « Je me sens frustré.

Mais comment font ces Helvètes ??? ».

Affaire à suivre.

« Ce journal manque cruellement

d’indépendance vis-à-vis de l’AESPRI

! » dixit Jamal. ***

*L’AESPRI se dégage de toute respon-

sabilité à l’égard de cet article.

*L’AESPRI se dégage de toute respon-

sabilité à l’égard de cet article.

*L’AESPRI se dégage de toute respon-

sabilité à l’égard de cet article.

« Thibaut peine à cuisiner homard. »

Citation mémorable au sein du comité

de l’AESPRI.

Bélier : Vous mangerez une pizza. (On hésitait avec:) 1,2,3 vous irez au bois. 4,5,6 manger des cerises.

Taureau : Si vous ne distinguez pas les différences de couleurs, ne chargez pas la CUAE.Gémeaux : à la tête. Non ! J’ai mal à la tête.

Cancer : Problèmes de santé ? Con-tactez monsieur Makolo M’boké, marabout togolais. Satisfait ou rem-boursé*.*Remboursement applicable dans les conditions suivantes : - Attaque de martiens souffrant

d’énurésie nocturne.- Chute de pot de fleurs en provenance de Mir.- Lors d’infections contractées suite à la vivisection de moutons.

Lion : Un mars et ça repart.Venus : -FAtaL buG ErRor- Réveille le hippie qui est en toi.

Balance : « Enfoiré! »Vierge : L’assistante brouille l’écoute du speaker car il a une panne de micro. (Warning : contre pétrie)

Scorpion : Déplacez la reine de 3 cas-es.

Sagittaire : Venus est en harmonie avec votre Lune natale: Quelle chance!

Capricorne : Attention à ne pas lui en faire pousser deux…

Verseau : Voir au recto. Qu’est ce que l’AESPRI ? a) Une charcuterie b) Une marque de pneu Le label du soutien gorge de Calmy-Rey

Poisson : Qui sème la moule récolte la marée !

AU CAS OU…vous souhaitez ex-ercer une quelconque influence sur les horoscopes du prochain numéro. Faites un versement de 3’000 CHF sur le compte CP 09-438478-9 et indiquez votre signe. Tous vos problèmes seront résolus.

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Brè

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Concours !!! A la clé : Un homard.Horoscope

!! !

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Jeu des mille différences

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SUDO KU

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.SOURCES.SOURCES

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Dossier BARI

Site web officiel du Bachelor en Rela-tions Internationales, www.unige.ch/bariSite officiel de l’IHEID, www.gradu-ateinstitute.ch Koessler, Christophe. « L’Institut des hautes études internationales tenté par le numerus clausus », Le Courrier, 25 novembre 2005.Dufour, Nicolas. « L’ambition d’une école », Le Temps, 27 novembre 2007.

Evaluation des perspectives de changement de régime en Biélo-russie

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bielo-russiehttp://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_la_Bi%C3%A9lorussiehttps://www.cia.gov/library/publi-cations/the-world-factbook/geos/bo.html#Econ

Le murmure de l’Allemagne de l’Est

Knuf, Thorsten. « Ostalgie-Party an der Zapfsäule », Berliner Zeitung, 10 avril 2004.Linden, Peter. « Stalinstadt à l’heure du déclin », Le Monde Diplomatique, août 2004.Wuttke, Benjamin. « Un mode, un marché », Le Monde Diplomatique, août 2004.Linden, Peter, Vidal, Dominique et Benjamin Wuttke. « Les Allemands de l’Est saisis par l’Ostalgie », Le Monde Diplomatique, août 2004.

Macguiness, Damien. « A New Will-ingness to Criticize East Germany », Der Spiegel, 4 mars 2006.Schimroszik, Nadine. « Ostalgie boomt », Der Spiegel, 26 novembre 2007.Petignat, Yves. « La conquête de l’Ouest allemand de Die Linke », Le Temps, 29 janvier 2008.

Petignat, Yves. « Le risque infanticide est quatre fois plus élevé en Alle-magne de l’est qu’à l’Ouest », Le Temps, 4 mars 2008.Poème de B. Brecht « Der Radwechsel » cité dans l’article « Les Allemands de l’Est saisis par l’Ostalgie » de Linden, Peter, Vidal, Dominique et Benjamin Wuttke.Version originale:“Ich sitze am StrassenrandDer Fahrer wechselt das Rad.Ich bin nicht gerne, wo ich herkomme.Ich bin nicht gerne, wo ich hinfahre.Warum sehe ich den Radwechsel Mit Ungeduld?”

La Bulgarie fait ses comptes

1. Elsa Triolet, écrivaine et résistante française d’origine russe 2. Brigands militaires qui ravagent la Bulgarie sous le règne de Sélim III (1789-1807)http://www.bnr.bg/radiobulgariawww.horizons_et_debats.chwww.bulgaria-France.net/congrButev, Christo. Poèmes, traduction Paul Eluard, Les Editeurs français réunis, 1952.Vesselin, Dimitrov. « Bienvenue au Bulgaristan », Courrier International, n°865, 31 au 6 juin 2007.

Ukraine: terre de conversions

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_orangehttp://www.reforme.net/archive2/ar-ticle.php?num=3117&ref=352http://phoenix.virtuaboard.com/gen-eral-f1/l-ukraine-dans-la-strategie-du-rollback-2e-partie-t92.htmlhttp://www.caucaz.com/home/breve_contenu.php?id=323http://base.d-p-h.info/es/fiches/pre-mierdph/fiche-premierdph-2061.html

Russie, retour aux méthodes sovié-tiques : l’internement psychiatrique

1. Epstein, Marc et Chevelkina Alla. «

Ces dissidents que l’on dit encore fous », www.grands-reporters.com2. Information donnée par Reporter Sans Frontières le 6 décembre 2007 dans leur article relatif à la libération d’Andreï Novikov.3. Voir l’article de Fabrice NODÉ-LANGLOIS paru dans le Figaro du 14/10/2007.4. Information donnée par Russia profile. Ce groupe publie des analy-ses politiques et économiques sur la Russie en langue anglaise. Les esti-mations sont sans doute quelque peu exagérées mais reflètent une réalité.

Kosovo, le rendez-vous manqué

1. www.unmikonline.org, consulté le 29 mars 2008.2. www.nato.int/kfor/, consulté le 29 mars 2008.3. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/rapport_Ahtismaari.pdf, consulté le 29 mars 2008.4. http://en.wikipedia.org/wiki/Con-tact_Group, consulté le 29 mars 2008.5. Discours du 22 septembre 2006 6. articles sur le sujet : http://www.eitb24.com/article/fr/B24_78611/in-ternational/REUNION-BRUXELLES-LUE-est-pour-lindependance-du-Kosovo/http://www.armees.com/Kosovo-les-USA-prets-a-reconnaitre-unilater-alement-l-independance,24913.html, consultés le 29 mars 2008.7. Nouvelle Constitution serbe, http://www.parlament.sr.gov.yu/content/eng/akta/ustav/ustav_ceo.asp, consulté le 29 mars 2008.8. Berghezan Georges, « L’Union européenne survivra-t-elle au Kosovo », http://www.michelcollon.info/ar-ticles.php?dateaccess=2007-10-08%2007:11:32&log=invites, consulté le 29 mars 2008.9. Résolution 1244 du Conseil de sé-curité des Nations Unies, http://www.un.org/french/docs/sc/1999/99s1244.htm, consulté le 29 mars 2008.10. Ibid.

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.SOURCES

P.43

.SOURCES11. Ibid.12. Iskenderov Piotr, “Ce que change le référendum en Serbie”, http://www.colisee.org/article.php?id_article=2257, consulté le 29 mars 2008. 13. Chiffres du rapport de Human Right Watch , “Failure to Protect: Anti-Minority Violence in Ko-sovo, March 2004 », http://hrw.org/reports/2004/kosovo0704/, consulté le 29 mars 2008.

La question russe dans les pays baltes

Cet article est en majeure partie basé sur le travail de maturité de Léonard Roth, intitulé “La question russe dans la Lettonie contemporaine”. S’y ré-férer pour toutes données chiffrées.Ouvrages de référence:S.Champonnois et F.Cabriolle, Eston-iens, Lettons, Lituaniens: histoire et destins, Crozon, 2004Inalco, Estonie – Lettonie – Lituanie: 10 ans d’indépendance recouvrée, Paris, 2002

Initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »

1. Texte de l’initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »2. http://www.who.int/mental_health/prevention/suicide/suicideprevent/en/3. OFS, 2004, http://www.stopsuicide.ch/sources/stats/statistiques2004_causes.pdf4. Articles 26 de la Larm5. Argumentaire de Stop Suicide relatif à l’article 118a, alinéa 2 de l’initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »6. Article 118a, alinéa 4 de l’initiative.7. Frei, Martina. « Wenn zu Hause Waffen sind, ist das Risiko erhöht », Tages Anzeiger, 11 septembre 2007 et Argumentaire de Stop Suicide, p.19.

www.stopsuicide.chTexte de l’initiative populaire fédérale « Pour la protection face à la violence des armes »Interview de deux membres de Stop Suicide: Vanessa Bianco, responsable du pôle « milieu scolaire », Florian Irminger, responsable du pôle « coor-dination ».

De l’incident à la crise diplomatique

Les discours ne peuvent pas être vus directement sur les chaînes télévisées sans abonnement. C’est pourquoi ce sont des extraits trouvés sous dailymo-tion qui sont ici donnés.

1. Discours de Rafael Correa sur la chaîne « Teleamazonas » le 2 mars 2008http://www.dailymotion.com/rel-evance/search/Uribe/video/x4l6sl_cor-rea-declaracion-contra-gobierno_poli-tics2. Discours de Hugo Chavez sur la chaîne « Venezolana de Televisión » le 2 mars 2008, http://www.dailymotion.com/relevance/search/Uribe/video/x4ksot_chavez-y-embajadas_news3. Ibidem4. Discours de Hugo Chavez sur la chaîne « Venezolana de Televisión » le 2 mars 2008, http://www.dailymo-tion.com/relevance/search/Uribe%2B/video/x4kb5s_presidente-uribe-no-se-le-ocurra-ha_news5. Discours de Hugo Chavez sur la chaîne « Venezolana de Televisión » le 2 mars 2008, http://www.dailymotion.com/relevance/search/Uribe/video/x4ksot_chavez-y-embajadas_news6. Etudiant en administration d’entreprise, il vient du nord de la Co-lombie. Il a été contacté et a fourni son témoignage par le biais d’Internet.7. Duzan, Maria Jimena. « Colombie-Israël, même combat ? », Courrier International, 6 mars 2008, http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=832368. Maxime romaine, http://www.

abc-lettres.com/proverbe-latin/si-vis-pacem-para-bellum.html9. Duzan, Maria Jimena. « Colombie-Israël, même combat ? », Courrier International, 6 mars 2008, http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=8323610. Natanson, José. « Un conflit qui joue à saute-frontières », Courrier International, 13 mars 2008, http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=83598

Elections: les deux Espagne s’affrontent aux urnes (ou dans les urnes)

http://www.lavanguardia.es/elec-ciones2008/index.htmlhttp://www.Iatinreporters.com/espag-nepoIO2O22OO8.htmIhttp://www.Iatinreporters.com/espag-nepoI281O2OO7.htmIThibaud, Cécile. « Comment Zapatero a changé l’Espagne catholique », Tri-bune de Genève, 5 mars 2008.Pérez, Benito. « L’Espagne de Zapate-ro, une fresque rose pâle », Le Cour-rier, 7 mars 2008.Thibaud, Cécile. « Le miracle espag-nol touche-t-il à sa fin? », Tribune de Genève, 7 mars 2008.Thibaud, Cécile. « Après sa victoire, Zapatero cherche des alliances », Tri-bune de Genève, 11 mars 2008.Débat télévisé Zapatero-Rajoy du 03.03.08, TeleVisión Española.

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