institut économique molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. la maîtrise...

24
Institut économique Molinari Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 2008 Bruxelles Cahier de recherche de Valentin Petkantchin Directeur de la recherche Institut économique Molinari

Upload: others

Post on 17-Jul-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Institut économique Molinari

Risques et obstacles réglementaires

pour les entreprises innovantes en Europe

2008

Bruxelles

Cahier de recherche de

Valentin Petkantchin

Directeur de la recherche

Institut économique Molinari

Page 2: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 02

Table des matières

Résumé....................................................................................................................... 03

Introduction................................................................................................................ 04

1. Les risques naturels liés à l'innovation.............................................................. 05

1. 1. Le caractère imprévisible de l'innovation technologique....................................... 06

1. 2. Le risque commercial.......................................................................................... 07

1. 3. Le rôle des droits de propriété dans le processus d'innovation............................ 08

2. Les obstacles réglementaires à l'accès au marché des produits innovants.... 09

2. 1. Un accès au marché de plus en plus difficile : l'exemple des

produits pharmaceutiques........................................................................................... 09

2. 2. Réglementation et innovation chimique en Europe............................................. 13

3. Une sur-réglementation des entreprises innovantes et de leurs

produits, une fois commercialisés...................................................................... 16

3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation............ 16

3. 2. Les entreprises innovantes pénalisées par la politique anti-trust......................... 19

Conclusion................................................................................................................. 23

Biographie.................................................................................................................. 24

Page 3: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

RÉSUMÉ

Ce Cahier de recherche a pour objectif d’attirer l'atten-tion sur le côté risqué de l'innovation et sur les effetsnégatifs que certaines politiques publiques, mises enplace pour différentes raisons, ont sur celle-ci. En effet,plusieurs réglementations pénalisent les entreprises in-novantes directement ou indirectement, en dépit del'accent qui a été mis par les instances communau-taires sur l'innovation depuis la stratégie de Lisbonneen 2000.

Une première partie du Cahier est ainsi consacrée aufait que les entreprises font face à plusieurs risques. Ilexiste d'abord un risque technologique : en dépit desressources considérables, les entreprises innovantesne sont jamais à l'abri de l'échec. Par exemple, aprèsl'investissement de plusieurs millions d'euros sur plu-sieurs années, de nouvelles molécules peuvent ne pasdéboucher sur des médicaments commercialisablesmalgré les efforts des laboratoires pour les mettre aupoint. Il y a un risque commercial ensuite : les nou-veaux produits, en dépit des promesses qu'ils laissententrevoir, peuvent ne pas présenter une valeur ajoutéepour les consommateurs. Ils sont alors une source depertes pour les entreprises innovantes qui ne peuventpas récupérer leurs investissements en R&D. L'en-semble de ces risques explique que sur le marché lesprofits des entreprises innovantes peuvent naturelle-ment paraître plus élevés d'un simple point de vuecomptable.

Une deuxième section du Cahier est consacrée auxobstacles réglementaires qui ont été mis en place enEurope, empêchant le libre accès des nouveaux pro-duits au marché sous le prétexte de protéger lesconsommateurs. Sous la pression du « principe de pré-caution » et de ce qu’on pourrait appeler la culture du« risque zéro », des procédures administratives d’au-torisation ont été mises en place dans plusieurs sec-teurs. Les obstacles à l’accès au marché des produitspharmaceutiques et des substances chimiques (avecla directive REACH en Europe) sont analysés. En in-versant la charge de la preuve qu'un nouveau produitest sans risques potentiels, ces procédures s’avèrentin fine hostiles à l’innovation mettant « sur les épaules »des entreprises innovantes un fardeau bien plus im-portant que celui dicté par la prudence et le respect desdroits de propriété dans une économie de marché.

Enfin, dans une troisième partie, le Cahier analysedeux autres politiques publiques qui sont défavorablesà l’innovation et qui s'appliquent une fois que les nou-veaux produits ont été commercialisés sur le marché.

C’est le cas de la politique de maîtrise des dépenses desanté, appliquée aux produits pharmaceutiques sousdes formes différentes dans les pays européens(contrôles de prix, bureaucratisation dans l'utilisationdes médicaments, restrictions quantitatives, etc.). Laperspective de voir les prix de ses futurs produits sou-mis à des contrôles à la baisse de plus en plus stricts,et de devoir négocier les prix avec des administrationsdont la priorité est la maîtrise comptable des coûts, estun risque supplémentaire important pour les entre-prises innovantes dans ce secteur. Cela contribue iné-vitablement à augmenter l’incertitude qui entourel’innovation. L'intérêt de poursuivre cette dernière s'entrouve forcément diminué.

Le deuxième cas étudié dans le Cahier est celui de lapolitique anti-trust en Europe. À cause de leur carac-tère novateur et d’une meilleure satisfaction desconsommateurs, les entreprises innovantes sont plé-biscitées par ces derniers et peuvent ainsi atteindre une« position dominante ». Cependant, ne tenant pascompte de l’origine de la « dominance » des entre-prises sur le marché – qui peut naturellement provenirdes efforts d’innovation – la politique anti-trust, par sasimple présence et par les sanctions qu’elle leur im-pose, est défavorable à l’innovation. Les exemples pré-sentés concernent des secteurs aussi différents quecelui de l’informatique, des logiciels et de l’Internet (Mi-crosoft, Intel, Google, entre autres), des télécommuni-cations ou, une fois de plus, celui des produitspharmaceutiques.

Le Cahier conclut qu’il est d’autant plus importantd’analyser tous les effets de ces politiques publiquessur la R&D et l’innovation qu’ils ne sont pas directementperceptibles et qu'il faut plusieurs années, voire des dé-cennies pour que leur impact négatif puisse se mani-fester pleinement. Les économies européennes etnotre niveau de vie ont été bâtis sur les efforts d'inno-vation d'hier : il faut tâcher de ne pas inverser la ten-dance en pénalisant l'innovation actuelle et à venir!

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 03

Page 4: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

INTRODUCTION

Le progrès technique et les innovations technologiques

permettent aux consommateurs modernes de bénéfi-

cier d’un confort, d’un bien-être, d’une espérance et

d’un niveau de vie sans précédent dans l’histoire de

l’humanité.

Dans une perspective plus large, l’innovation – non

seulement technologique, mais aussi organisationnelle,

basée sur des modes de gestion plus efficaces et à

moindre coût – fait également partie intégrante de la

concurrence sur le marché. Car, si les entreprises in-

vestissent pour innover ou réorganiser leurs processus

de production, c’est parce qu’elle comptent ainsi attirer

de nouveaux clients aux dépens de leurs concurrents.

L’innovation est in fine à la base d’une meilleure pro-

ductivité des entreprises leur permettant de devenir

plus compétitives en économisant les ressources rares.

Cependant, en dépit de ses bénéfices multiples, l’inno-

vation ne doit pas être considérée comme un fait ac-

quis.

Certes, certaines découvertes et avancées scienti-

fiques font déjà partie du savoir disponible. Mais leurs

bénéfices sont inaccessibles et elles ne peuvent pas

déboucher sur un plus grand bien-être pour les

consommateurs si des entrepreneurs et des entre-

prises ne prennent pas des risques pour mettre au

point de nouveaux produits, s’ils n’investissent pas pour

les commercialiser et les mettre à notre disposition.

Sans cette activité économique, les avancées scienti-

fiques resteraient sans impact sur nos vies de tous les

jours.

De même, si des entreprises ne tentaient pas de met-

tre en oeuvre de nouveaux modes d’organisation et de

nouveaux modèles d’affaires (business models), les

consommateurs ne pourraient pas profiter de leurs

avantages en termes de choix de produits plus grand,

de biens et services moins chers et donc de pouvoir

d’achat plus important.

Par nature, l’innovation, est une activité risquée. De

nouvelles technologies, bien que techniquement plus

performantes, peuvent échouer le « test du marché »

et ne pas représenter de valeur ajoutée aux yeux des

consommateurs, ceux à qui elles sont ultimement des-

tinées. De même, des changements organisationnels

au sein de l’entreprise ou de nouveaux modes de ma-

nagement peuvent être source de pertes et non de

profit.

Ces caractéristiques naturelles de l’activité d’innovation

et l’impossibilité d’exclure les pertes expliquent en par-

tie pourquoi les financements sont plus ou moins dis-

ponibles pour les entrepreneurs désireux de se lancer

dans de nouveaux projets. Cette difficulté ne peut être

dissociée de la vie économique et découle directement

de la contrainte de rareté des ressources.

Parce qu’il s’agit d’activités qui impliquent fondamen-

talement la prise de risque, l’entrepreneuriat et l’inno-

vation ne peuvent pas s’épanouir dans un contexte où

cette prise de risque se trouve dévalorisée, découra-

gée ou pénalisée.

Il existe plusieurs mesures réglementaires et disposi-

tions légales qui tantôt visent à favoriser cette activité

entrepreneuriale – à l’image des brevets –, tantôt la pé-

nalise directement ou indirectement. C’est ainsi par

exemple qu’en augmentant le fardeau fiscal et régle-

mentaire dans son ensemble, les gouvernements

créent un environnement où le risque devient plus

grand, l’atteinte de résultats plus difficile, et la récom-

pense plus incertaine. En conséquence, l’activité en-

trepreneuriale d’innovation s’en trouve découragée.

L’objectif dans cette étude n’est pas de dresser une

liste exhaustive de toutes les mesures qui auraient un

impact sur la R&D (recherche et développement) et sur

l’innovation. Elle vise, en revanche, à attirer d’abord

l’attention sur les risques naturels inhérents à l’innova-

tion, aspect souvent négligé (section 1).

En plus des difficultés naturelles qu’il y a à innover, les

pouvoirs publics sous différents prétextes, ont mis en

place une multitude de réglementations. Ainsi, nous

étudierons certaines d’entre elles qui risquent de dé-

courager l’innovation soit en empêchant l’accès au

marché des nouveaux produits (section 2), soit en pé-

nalisant les entreprises innovantes, une fois leurs pro-

duits commercialisés (section 3). Les politiques de

contrôles de prix et de maîtrise publique des dépenses,

par exemple dans le domaine de la santé, en font par-

tie. Les politiques anti-trust qui pénalisent régulière-

ment les compagnies jugées « dominantes », parmi

lesquelles se trouvent souvent les entreprises inno-

vantes, sont aussi à classer dans cette dernière caté-

gorie de réglementations néfastes à l’innovation.

Il est d’autant plus important d’analyser les effets de

ces réglementations sur la R&D et l’innovation qu’il faut

plusieurs années, voire des décennies pour que leur

impact négatif puisse se manifester pleinement.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 04

Page 5: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

1. LES RISQUES NATURELS LIÉSÀ L’INNOVATION

L’innovation repose sur des décisions d’investissement

qui, au moment où elles sont prises, incluent un vérita-

ble pari sur l’avenir de la part des entrepreneurs. S’ils

ont bien estimé la demande, ils réaliseront des profits ;

dans le cas contraire, ils accuseront des pertes.

Comme le précise l’économiste Ludwig von Mises,

« (la) seule source qui permet à l’entrepreneur de réa-

liser un profit est son habileté à mieux anticiper […] les

demandes futures des consommateurs »1.

Les différents secteurs de l’économie ont par ailleurs

des caractéristiques qui leur sont propres, de sorte que

les investissements en R&D, et l’innovation technolo-

gique qui s’ensuit, ne sont pas également répartis.

Les entreprises dans certaines industries investissent

davantage en R&D comparativement à d’autres. Ces

investissements sont l’une des conditions – nécessaire

bien que non suffisante – qui permettent de satisfaire,

grâce à de nouveaux produits, les besoins des

consommateurs en matière de communication, de dé-

placement, d’habillement ou de soins de santé.

Selon l’édition 2008 du tableau de bord annuel de la

Commission européenne sur les investissements en

R&D industrielle, l’industrie pharmaceutique est celle

qui investit le plus en R&D dans le monde2, aussi bien

en montant absolu investi en R&D – plus de 71 milliards

d’euros – que par l’intensité de la R&D (ratio du mon-

tant de R&D/ventes nettes) de plus de 16 % (voir Ta-

bleau 1). C’est la raison pour laquelle les obstacles à

l’innovation dans le domaine de la santé occuperont

une place prépondérante dans cette étude.

L’investissement total en R&D en 2007 des premières

1402 compagnies dans le tableau de bord européen

s’élève à près de 373 milliards d’euros, soit plus que le

PIB cette même année de pays comme la Belgique, la

Suède, l’Autriche ou la Norvège3.

Les entreprises rencontrent différents types de risques

ou incertitudes sur le marché dans leurs efforts d’inno-

vation. On pourrait cependant les regrouper en deux

catégories : des « risques » technologiques liés à l’in-

certitude d’une découverte ou à la mise au point d’un

nouveau produit, d’une part, et les risques commer-

ciaux, liés à un échec lors de la commercialisation d’un

tel produit, d’autre part.

Enfin, nous soulignerons le rôle des droits de propriété

pour encadrer les activités des entreprises innovantes

sur le marché.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 05

1. Ludwig von Mises, Human Action. A Treatise on Economics, 4e edition, Fox & Wilkes, San Fransisco, 1996, p. 290.

2. Voir « Monitoring industrial research: The 2008 EU industrial R&D Investment Scoreboard », Commission européenne, octobre 2008, disponible à :

http://iri.jrc.ec.europa.eu/research/scoreboard_2008.htm. Il s’agit d’un classement mondial des 1402 compagnies ayant le plus investi en R&D entre

2007 et 2008. En Europe, le classement donne une image légèrement différente, le secteur « Automobile & équipementiers » devançant celui des

« produits pharmaceutiques & biotechnologie », mais on retrouve globalement les mêmes industries occupant les premières places.

3. Selon les données d'Eurostat, disponibles à :

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page?_pageid=0,1136173,0_45570701&_dad=portal&_schema=PORTAL.

Rang SecteurInvestissements

en R&D(milliards d'euros)

Intensité en R&D (%)

R&D/ventes nettes

1 Produits pharmaceutiques & biotechnologie 71,4 16,1

2 Matériel & équipement informatique 68,2 8,5

3 Automobile & équipementiers 63,2 4,2

4 Logiciels & services informatiques 26,6 9,7

5 Electronique & équipements électriques 26,1 4,1

6 Chimie 16,4 2,8

7 Aérospatiale & défense 15,1 4,4

8 Equipements de loisir 13,8 6,2

9 Ingénierie industrielle 11,1 2,6

10 Industrie générale 8,1 2,1

Tableau 1 : Classement par secteur industriel en fonction des investissements en R&D en 2007

Source : Commission européenne, « Monitoring industrial research: The 2008 EU industrial R&D Investment Scoreboard », octobre 2008, p. 21, dispo-

nible à : http://iri.jrc.ec.europa.eu/research/docs/2008/Scoreboard_2008.pdf.

Page 6: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

1. 1. LE CARACTÈRE IMPRÉVISIBLE DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE

Toutes les entreprises innovantes rencontrent un

« risque » technologique inhérent à l’activité d’innova-

tion elle-même. Le fait est qu’en dépit des investisse-

ments en R&D, une découverte ou la mise au point

d’un produit technologiquement innovant restent im-

possibles à prévoir et à planifier. Le débat public qui fo-

calise sur les profits des entreprises innovantes,

sous-estime cet aspect4.

Le domaine pharmaceutique illustre parfaitement l’exis-

tence de tels risques inhérents à l’innovation. Environ

10 000 substances devront être sélectionnées dans le

processus de mise au point de nouvelles molécules

pour ne trouver éventuellement, des années plus tard,

qu’un seul médicament qui pourra être commercialisé

(voir Figure 1).

Des ressources considérables en R&D peuvent aussi

être consacrées à des nouveaux médicaments sans

qu’aucun résultat en terme de profit ne soit garanti.

Ainsi, se limiter à attirer l’attention sur les profits géné-

rés par les seuls produits commercialisés donne une

image biaisée et partielle. Une analyse complète du

processus d’innovation doit tenir compte de ces risques

technologiques, difficiles à quantifier, mais pourtant

affectant inéluctablement les entreprises innovantes.

Il n’est ainsi pas exclu qu’une molécule sélectionnée,

après avoir passé les premiers tests (les nouveaux mé-

dicaments passent par trois phases de tests cliniques

avant d’obtenir, ou pas, l’autorisation de mise sur le

marché dans un pays), soit abandonnée, en dépit des

perspectives prometteuses qu’elle laissait entrevoir.

C’est ainsi qu’en 2003, le médicament contre le diabète

de type 2, MK-767, a été arrêté en Phase III de son dé-

veloppement clinique au constat de l’apparition d’une

tumeur chez la souris. De même en 2005, en dépit de

ses promesses initiales, la molécule pactimibe contre

l’athérosclérose (i.e. atteinte des grosses et moyennes

artères caractérisée par l’accumulation de graisses

dans la paroi artérielle) a été abandonnée en phase II

par le laboratoire qui la développait. La liste des exem-

ples peut facilement être allongée5.

Le fait est que dépenser des millions de dollars ou d’eu-

ros ne donne en soi aucune garantie de succès et que

l’innovation est par nature risquée et peut résulter en

pertes pour les entreprises qui cherchent à innover.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 06

Figure 1 : Les phases de la R&D pharmaceutique

Source : LEEM – Les entreprises du médicament en France.

4. Ainsi, on surveille par exemple de près en France les profits des entreprises du CAC40. Voir L’Expansion, « Près de 100 milliards de profits pour le

CAC 40 en 2006 », 12 mars 2007, disponible à : http://www.lexpansion.com/economie/actualite-entreprise/pres-de-100-milliards-de-profits-pour-le-cac-

40-en-2006_119835.html ou le dossier de La Tribune, « Nouveaux bénéfices record pour le CAC 40 en 2007 », 12 mars 2008, disponible à :

http://headgold.neufblog.com/headgold/2008/05/dossier-des-mar.html.

5. Pour d’autres cas illustrant le risque d’échec dans les efforts d’innovation en pharmaceutique, voir par exemple la page Internet du magazine Forbes,

intitulé « The Failures » (« Les échecs »), disponible à : http://www.forbes.com/sciencesandmedicine/2004/03/23/cx_mh_0323drugdropoffs.html.

Page 7: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Ne pas tenir compte du risque de telles pertes dans la

mise en place de politiques publiques par les gouver-

nements revient à menacer l’avenir de l’innovation.

L'économiste John Calfee souligne ainsi à juste titre

que les « coûts de mise au point de nouveaux traite-

ments sont chargés d’incertitude. En dépit des nou-

veaux outils de recherche, l’échec est toujours la norme

quand des chercheurs s’attaquent à des problèmes

restés non résolus pendant des décennies »6.

Ce phénomène d'incertitude et la nécessité parfois

d'immobiliser des capitaux pendant plus de dix ans

avant qu'un produit ne commence éventuellement à

rapporter financièrement expliquent en partie pourquoi

à des risques plus élevés correspondent naturellement

des profits plus élevés pour les entreprises innovantes.

Sur le marché des capitaux – où les compagnies phar-

maceutiques sont en concurrence directe avec toutes

les autres compagnies pour attirer des fonds – les re-

tours sur investissement et les risques dans les diffé-

rents secteurs de l’économie sont évalués en continu.

Si les profits n’étaient pas suffisamment élevés dans

un secteur, les entreprises voulant innover auraient des

difficultés à garder ou à attirer les ressources néces-

saires pour le faire. Les investisseurs n'hésiteraient pas

alors à rediriger ces dernières vers un autre secteur où

il est moins risqué et plus rentable de les employer.

Se fier à une lecture étroitement comptable, et a pos-teriori, des profits et des risques au cours des périodes

passées donne ainsi une appréciation biaisée de la si-

tuation des entreprises innovantes. Comme le rappelle

John Calfee dans le cas de l’industrie pharmaceutique,

mais cela reste valable mutatis mutandis pour les au-

tres entreprises innovantes, « les règles comptables

habituelles donnent une mesure gonflée des retours

sur investissement parce qu’elles n’arrivent pas à tenir

compte et à mesurer tous les coûts de recherche et dé-

veloppement. L’activité de recherche pharmaceutique

par conséquent apparaît plus profitable qu’elle ne l’est

en réalité. »7

1. 2. LE RISQUE COMMERCIAL

Qu’il s’agisse de nouvelles technologies ou de nou-

veaux modes organisationnels, les nouveaux produits

qui en sont issus n’apportent de la valeur ajoutée que

s’ils passent le verdict ultime des consommateurs et le

« test du marché ». Et ce verdict peut ne pas être

concluant. Ne pas tenir compte de l’existence de ce

risque commercial, donne également une vision

biaisée du processus d’innovation.

Le test du marché est en effet parfois considéré comme

acquis. Il est courant par exemple de croire qu’un pro-

duit avec de nouvelles caractéristiques technologiques

puisse s’imposer de lui-même. Mais l’idée qu’un pro-

duit technologiquement plus avancé ait automatique-

ment plus de valeur pour les consommateurs, est en

fait inexacte. De nouveaux produits – en dépit des ef-

forts pour les mettre au point, les développer et les

commercialiser – sont ainsi lancés continuellement sur

le marché et échouent justement parce qu’ils n’ont pas

automatiquement de valeur ajoutée pour les consom-

mateurs.

Ainsi, on pourrait croire que si un médicament présente

des avantages thérapeutiques ou des effets secon-

daires moins importants pour la santé, il devrait ren-

contrer automatiquement son « marché », i.e. trouver

des patients prêts à l’utiliser. Mais même si ces avan-

tages peuvent bien être présents, les utilisateurs peu-

vent ne pas le choisir, comme l’illustre le cas récent du

médicament Exubera. En effet, en dépit de ses avan-

tages, en particulier le fait de pouvoir inhaler de l’insu-

line et ainsi éviter des injections quotidiennes multiples,

le médicament n’a pas rencontré le succès escompté.

Il était pourtant raisonnable de penser que les incon-

vénients, les souffrances et le temps perdu liés aux in-

jections traditionnelles d’insuline pour les diabétiques,

seraient suffisantes pour assurer son succès. En dépit

des ressources investies pour le mettre au point et le

faire approuver auprès des instances gouvernemen-

tales, sa commercialisation a dû être arrêtée en 20088.

Ce sont les destinataires finaux de tout bien écono-

mique qui évaluent et jugent si une innovation ajoute

de la valeur, ou pas, par rapport aux options de pro-

duction et aux biens déjà existants. Le consommateur

n’est jamais acquis d’avance et pour connaître la va-

leur économique d’une innovation, il est indispensable

qu’elle passe le test du marché sans que les pouvoirs

publics ou des réglementations y fassent obstacle.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 07

6. Voir John Calfee, Prices, Markets, and the Pharmaceutical Revolution, AEI Press, Washington D.C., 2000, p. 43-44, disponible à :

http://www.aei.org/publications/bookID.196/book_detail.asp.

7. Voir John Calfee, 2000, Op. cit., p. 38-39.

8. Voir le communiqué de presse disponible à: http://www.mhra.gov.uk/home/groups/pl-p/documents/websiteresources/con2033233.pdf.

Page 8: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

1. 3. LE RÔLE DES DROITS DE PROPRIÉTÉDANS LE PROCESSUS D’INNOVATION

L’innovation et la commercialisation de nouvelles tech-nologies amènent aussi de nouveaux risques concer-nant leur utilisation. Un système de droits de propriétébien défini est à cet égard primordial pour encadrer lesentreprises innovantes.

Le double rôle que peuvent jouer les droits de propriétéest souvent ignoré dans le débat public qui fait systé-matiquement appel à l’intervention de l’État pour res-treindre la prise de risque et l’innovation desentreprises dans bon nombre de secteurs (voir ci-des-sous la section 2 portant sur le principe de précaution).

D’une part, les droits de propriété sur l’entreprise, surses profits ou ses pertes, fournissent les incitationsdans une économie de marché à aller de l’avant encommercialisant des produits nouveaux tout en es-sayant d’estimer leurs risques. En effet, les droits depropriété sont le catalyseur institutionnel qui pousse lesentrepreneurs à investir, à prendre des risques et à in-nover afin de mieux satisfaire les consommateurs etainsi récolter les profits de leurs actions.

D’autre part, les droits de propriété dans une économiede marché sont un réel garde-fou car ils établissent queles efforts d’innovation d’un entrepreneur et les résul-tats qui en découlent, ne doivent pas causer de dom-mages à autrui contre son gré9. Les droits de propriétéincitent non seulement à se lancer dans l’aventure del’innovation mais ils poussent simultanément les entre-prises innovantes à être prudentes10.

En conclusion, l’innovation est par nature une activitérisquée. Il y a un risque d’abord concernant le carac-tère imprévisible d’une découverte, d’une invention et in fine d’une innovation technologique. Il existe ensuiteun risque commercial concernant le « test du marché »et la possibilité qu’une nouveauté technologique necrée pas de valeur ajoutée aux yeux des consomma-teurs. Il y a enfin un risque sur le marché, lié à l’utilisa-tion des produits de l’innovation qui peuvent s’avérersource de dommages imprévus pour autrui.

Mais à tous ces risques naturels liés à l’innovation vien-nent s’ajouter des risques et des incertitudes supplémentaires. Ceux-ci sont le résultat direct ou in-direct de plusieurs politiques publiques. Il s’agit d’obs-tacles réglementaires qui pénalisent artificiellement lesentreprises innovantes sans que les bénéficiaires di-rectes des innovations, i.e. les consommateurs, aientle choix et leur mot à dire en la matière. Ces obstaclesréglementaires concernent aussi bien le libre accès aumarché des nouveaux produits que leurs conditions decommercialisation, une fois qu’ils se retrouvent sur lemarché.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 08

« Toutes les entreprises innovantes rencontrent un

risque technologique inhérentà l’activité d’innovation elle-

même. Le fait est qu’en dépitdes investissements en R&D,une découverte ou la mise aupoint d’un produit technologi-

quement innovant restent impossibles à prévoir et à

planifier. »

9. Un tel principe est à la base par exemple en France de l’article 1382 du Code civil stipulant que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à au-trui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».10. Voir Cécile Philippe, « C'est trop tard pour la Terre », Institut économique Molinari, éd. Lattès, 2007.

Page 9: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

2. LES OBSTACLES RÉGLEMENTAIRES À L’ACCÈS AU MARCHÉ DES PRODUITSINNOVANTS

Sous le prétexte de vouloir protéger les consomma-

teurs, une série de réglementations est venue s’ajouter

aux risques et aux incertitudes qui pèsent naturelle-

ment sur l’innovation.

Une « culture » du risque zéro et du « principe de pré-

caution », appliquée par les pouvoirs publics, impose

un contrôle sur l’accès au marché des nouveaux pro-

duits dans plusieurs secteurs. Cela peut présenter des

effets pervers paralysant les ef-

forts d’innovation des entreprises

car les réglementations inspirées

par le « principe de précaution »,

tendent en effet à proscrire l’in-

novation qui n’a pas été prouvée

exempte de tout risque réel ou

présumé11.

Mais étant donné qu’il est impos-

sible de prouver l’absence de

risque lié à une technologie – en

réalité les risques sont liés aux

différents usages possibles et ima-

ginables d’une technologie et non à la technologie en

elle-même – il s’agit d’un principe par nature hostile à

l’innovation.

Cette réglementation présente un double effet pénali-

sant pour celle-ci.

D’une part, elle introduit une incertitude supplémentaire

pour les entreprises. Celles-ci doivent faire face aux dé-

cisions arbitraires des pouvoirs publics et à la résis-

tance des différents groupes de pression dans le

processus politique, au risque de se voir interdire la

commercialisation de leurs nouvelles technologies.

D’autre part, les procédures auxquelles les entreprises

innovantes doivent se soumettre ne sont pas sans coût.

La procédure d’approbation, même quand le résultat

est positif, a ses propres coûts, exige des efforts, du

temps, bref, des ressources économiques.

Par conséquent, des projets innovants qui avant la

mise en place de telles réglementations d’approbation

étaient réalisables parce que rentables, peuvent ne

plus l’être. De manière générale, plus les réglementa-

tions sont sévères dans l’approbation de nouveaux pro-

duits et de nouvelles technologies, plus l’innovation

s’en trouve étouffée et pénalisée. Combinés, ces deux

effets jouent aussi le rôle de barrières légales à l’entrée

de nouveaux concurrents et affaiblissent l’intensité de

la concurrence.

Ces réglementations encadrant l’accès au marché des

produits innovants ont été poussées le plus loin, et de-

puis plusieurs décennies, dans le domaine bio phar-

maceutique où le processus d’approbation de

nouveaux médicaments est de-

venu au fil du temps de plus en

plus complexe et coûteux (2.1).

Mais, le principe de précaution a

été étendu à d’autres secteurs,

comme l’industrie chimique. Il est

ainsi parmi les fondements de la

nouvelle réglementation REACH

(pour « Registration Evaluation

and Authorization of CHemicals »

ou « enRegistrement, Evaluation

et Autorisation des substances

Chimiques ») en Europe (2.2).

2. 1. UN ACCÈS AU MARCHÉ DE PLUS EN PLUSDIFFICILE : L’EXEMPLE DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES

Les procédures d’approbation des nouveaux médica-

ments visent théoriquement à identifier, voire à dimi-

nuer, tout risque qui pourrait être lié à leur utilisation.

Mais en dépit de ses objectifs louables, les régimes

d’approbation contemporains sont devenus un frein

considérable à l’innovation, et à eux seuls, sont parmi

les facteurs responsables de la forte augmentation des

coûts de la R&D et des nouveaux médicaments com-

mercialisés au cours des dernières décennies.

De la preuve d’innocuité à celle de l’efficacité des médicaments

L’industrie pharmaceutique a été parmi les premières

à devoir surmonter des réglementations concernant

l’approbation de ses produits.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 09

11. Voir Angela Logomasini, « La directive Reach : dommageable pour l’économie mondiale, suicidaire pour l’Europe », 2005, Institut Hayek, novembre

2005, disponible à :http://www.fahayek.org/gazette/imagesup/Reach_F.pdf.

« Dépenser des millions

de dollars ou d’euros ne

donne en soi aucune

garantie de succès et

l’innovation est par nature

risquée et peut résulter en

pertes pour les entreprises

qui cherchent à innover. »

Page 10: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Au départ, les procédures dansles différents pays visaient es-sentiellement à s’assurer de l’in-nocuité des produits dontl’absence pouvait s’avérer fatalepour les malades. Du momentque leur innocuité était établie,l’efficacité des produits commer-cialisés était cependant laisséeau marché et aux jugements dela multitude de médecins et depatients12.

Les processus d’approbation ac-tuels, que ce soit aux États-Unisou en Europe, incluent des essaiscliniques obligatoires à plusieursniveaux afin d’essayer de prouvernon seulement l’innocuité maiségalement l’efficacité thérapeu-tique des médicaments dans le traitement de telle outelle maladie. L’objectif affiché est ainsi de n’avoir quedes médicaments dont l’efficacité a été approuvée parles pouvoirs publics.

Cependant, ce processus d’approbation a aussi desconséquences qui sont souvent ignorées dans le débatpublic. Ces conséquences sont liées au retard queprend par exemple la commercialisation d’un nouveautraitement, ayant un impact aussi bien pour les entre-prises innovantes que pour les patients qui ne peuventpas en bénéficier pour améliorer leur état de santé.

La réforme aux États-Unis visant à prouver l’efficacitédes médicaments par voie réglementaire plutôt que parle marché, introduite en 1962, s’est ainsi soldée par lefait que « le temps qu’il fallait attendre pour obtenir l’ap-probation de la FDA13 et les procédures de tests, bu-reaucratiques, longues et onéreuses, se sont cumuléesen provoquant des délais extraordinaires dans le dé-veloppement et la production de médicaments »14.

Certains produits innovants peuvent aussi tout simple-ment être abandonnés parce qu’avec les exigencesplus élevées, leur développement risque de ne plus

être viable. En rendant plus difficile et plus coûteux leprocessus allant de la découverte d’une nouvelle molécule à sa mise sur le marché, on court le risque devoir moins de nouveaux médicaments apparaître sur lemarché.

Bien qu’il soit difficile de mesurer ou de quantifier l’im-pact des exigences actuelles des procédures d’appro-bation sur l’innovation, il est possible de s’en faire uneidée suite au durcissement de ces exigences dans lesannées 196015.

Le cas américain a été bien étudié à cet égard. Leconstat est que « le développement de médicaments adécliné de manière significative après 1962, et l’attentepour des traitements pouvant sauver des vies a aug-menté, dépassant la décennie, à la fin des années1970 »16. En moyenne, le nombre de nouvelles molé-cules est ainsi passé de près de 42 molécules lancéespar an sur le marché américain au cours de la décen-nie précédant la réforme, à 16 molécules après le votede celle-là (voir Figure 2). Selon l’étude de référencesur les effets de ce changement réglementaire àl’époque, « toute la différence constatée […] peut êtreattribuée aux amendements de 1962 »17.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 10

41.5

16.1

0

10

20

30

40

50

1951-1962 1963-1970

Nombre moyen annuel de nouvelles molécules

Figure 2: Nombre moyen annuel de nouvelles molécules lancées avant et après la réforme de 1962 aux États-Unis

Source : Sam Peltzman, 1973, Op. cit.

12. Voir sur ce sujet le dossier de l’Independent Institute, intitulé « History of Federal Regulation: 1902-Present », disponible à :http://www.fdareview.org/history.shtml.13. NDR : Food and Drug Administration, l’organisme chargé d’approuver les nouveaux médicaments aux États-Unis.14. Independent Institute, « History of Federal Regulation: 1902-Present », Op. cit. 15. L’exigence d’efficacité a été introduite également à cette époque au niveau européen. Voir l’article de Boris Hauray et Philippe Urfalino, « Expertisescientifique et intérêts nationaux : l’évaluation européenne des médicaments 1965-2000 », Annales HSS, mars-avril 2007, no 2, p. 273-298. 16. Independant Institute, « History of Federal regulation: 1902-present », Op. cit. 17. Sam Peltzman, « An evaluatuion of consumer protection legislation: The 1962 Drug Amendments », Journal of Political Economy, vol. 81, no. 5,septembre-octobre, 1973, p. 1055-1057, disponible à : http://www.bsos.umd.edu/econ/evans/class_papers/peltzman_jpe.pdf.

Page 11: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Toute décision d’utiliser un nouveau médicament relève

inévitablement d’un arbitrage entre innocuité, efficacité

et alternatives connues. Cependant, les autorités char-

gées d’évaluer les nouveaux produits sont placées par

la réglementation en situation de décideurs ultimes à

la place des utilisateurs. Sous la pression politique vi-

sant à éviter d’autoriser de nouveaux traitements sans

que tous les risques en soient connus, ces autorités

sont de facto incitées à sous-estimer les bénéfices des

nouveaux traitements qui auraient pu au contraire jus-

tifier une mise sur le marché plus rapide. Mais une ap-

probation plus tardive signifie automatiquement que

des patients n’ont pas pu bénéficier des bienfaits thé-

rapeutiques du nouveau médicament alors qu’ils au-

raient pu consentir à prendre plus de risques que les

pouvoirs publics dans son utilisation.

L’économiste Milton Friedman, prix Nobel d’économie,

résume que « la FDA a fait beaucoup de tort à la santé

des Américains en augmentant de manière significative

les coûts de la recherche pharmaceutique, et en dimi-

nuant ainsi l’offre de nouveaux médicaments effi-

caces »18. Le processus d’approbation étant

relativement similaire en Europe, une telle conclusion

reste entièrement valable de ce côté-ci de l’Atlantique.

Il n’est pas question de remettre en cause l’utilité des

essais cliniques et des processus d’approbation en soi.

Mais une ouverture réelle à la possibilité de redonner

plus de choix aux destinataires ultimes des nouveaux

traitements, i.e. les patients, peut permettre d’assurer

plus de flexibilité dans l’introduction et dans la gestion

des risques et des bénéfices des innovations techno-

logiques. Tout en étant bien informés des risques et des

bénéfices potentiels d’un nouveau traitement, les pa-

tients devraient pouvoir décider par exemple d’utiliser

un nouveau médicament à des stades moins avancés

du processus d’approbation19.

Une telle flexibilité aurait l’avantage de ne pas présen-

ter les inconvénients des politiques d’approbation ac-

tuelles dont la rigidité et les exigences se dressent en

obstacle à l’innovation20.

Des retraits de nouveaux médicaments

Au-delà de l’approbation initiale, des risques supplé-

mentaires guettent les entreprises innovantes. Une fois

leur produit approuvé, la manifestation d’un risque lié à

son utilisation peut amener les pouvoirs publics, et par-

fois les entreprises sous la pression de poursuites juri-

diques, à le retirer.

Tel a été le cas très médiatisé du médicament Vioxx qui

a été retiré du marché en 2004 pour cause de suspi-

cion d’un risque plus important d’incidents cardio-vas-

culaires chez certains patients après une utilisation en

continu de plus de 18 mois. Comme le précise l’Afs-

saps (Agence française de sécurité sanitaire des pro-

duits de santé), cela n’a concerné pourtant qu’« un petit

nombre de patients en France »21.

Une telle solution drastique n’est pas sans porter pré-

judice non seulement aux patients – qui ne faisaient

pas partie du groupe à risque et pour qui le médica-

ment s’avérait bénéfique – mais aussi à l’entreprise in-

novante elle-même.

Or, dans de tels cas une meilleure étude et un appro-

fondissement des risques liés à l’utilisation de tels mé-

dicaments peuvent être préférables à un retrait ou à

une interdiction pure et simple de leur commercialisa-

tion.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 11

18. Cité dans Pearson, Durk et Sandy Shaw, Freedom of Informed Choice: FDA Versus Nutrient Supplements, Neptune, NJ: Common Sense Press,

1993, p. 39. Voir aussi Daniel Klein, « Policy Medicine Versus Policy Quackery: Economists Against the FDA », Knowledge Technology & Policy, 22

mars 2000, disponible à : http://www.accessmylibrary.com/coms2/summary_0286-666065_ITM.

19. Pour une proposition concrète de procédure d’approbation plus souple et laissant plus de choix aux malades, voir Bartley Madden, « More Choices,

Better Health », Heartland Institute, 2007, disponible à : http://www.heartland.org/custom/semod_policybot/pdf/21194.pdf.

20. Notons qu’une procédure européenne récente d’autorisation précoce certes existe dans le cas des « médicaments d’urgence ». Bien que théorique-

ment plus favorable à l’innovation que la procédure d’approbation classique, des conditions strictes d’autorisation s’appliquent en réalité à ce type de

demandes, limitant ainsi son intérêt. Ce sont toujours les pouvoirs publics qui décident à la place des patients si leurs avantages dépassent leurs

risques pour les autoriser ou pas. Voir le communiqué de presse de la Commission européenne, intitulé « La Commission permet l’autorisation précoce

des médicaments d’urgence », IP/06/463, 6 avril 2006.

21. Voir le communiqué de l’Afssaps, « Retrait mondial de la spécialité Vioxx® », disponible à : http://www.agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/040906.htm.

« Une meilleure étude et un

approfondissement des risques

liés à l’utilisation de tels médi-

caments peuvent être préféra-

bles à un retrait ou à une

interdiction pure et simple de

leur commercialisation. »

Page 12: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

En effet même si des risques sont associés à l’utilisa-tion d’un médicament comme le Vioxx, l’arrêt de sacommercialisation est loin d’être la solution idéale. Toutmédicament apporte généralement des bénéfices etces bénéfices peuvent largement dépasser sesrisques. Il faut laisser les patients et leurs médecins dé-cider si les risques et les bénéfices dans chaque caspersonnel justifient à leurs yeux l’utilisation ou non dumédicament.

C’est ainsi que sous la pression des patients bénéfi-ciant de ses effets thérapeutiques, le médicament trai-tant le syndrome du colon irritable, Lotronex, aprèsavoir été retiré du marché suite au décès de quelquespatients, a été ré-approuvé et remis sur le marché auxÉtats-Unis22.

Une bureaucratisation des essais cliniquesen Europe

Les coûts de la mise au point et de la commercialisationd’une nouvelle molécule ont fortement augmenté au fildes années. Selon les estimations du prestigieux TuftsCenter for the Study of Drug Development aux États-Unis ils se rapprochent du milliard de dollars améri-cains, si on inclut les coûts de recherche obligatoire àeffectuer après la commercialisation du nouveau mé-dicament23.

Il y a plusieurs raisons à cette augmentation, mais l’uned’entre elles est le coût des essais cliniques dont l’ob-jectif est de prouver l’efficacité du nouveau médica-ment. Selon une étude du gouvernement américain, les« coûts moyens associés aux essais cliniques ont quin-tuplé entre 1987 et 2000 […] Cette augmentation a étécausée par des échantillons plus grands et une duréeplus longue des essais cliniques »24. Le nombre moyende personnes par essai clinique est passé ainsi de2 300 personnes en 1980 à 5 600 au début des années

2000. La durée moyenne serait, elle aussi, considéra-blement plus élevée en 2000 par rapport à 1980.

En Europe, une directive européenne a été adoptée en2001. Entrée en vigueur en 2004 sous prétexte de simplifier les procédures d'enregistrement des essaiscliniques et d'améliorer leur qualité, elle a mis en placede nouvelles exigences administratives dans ce do-maine. Son interprétation par les États-membres lorsde sa mise en application a donné naissance à descouches supplémentaires de réglementation25.

Le résultat a été une augmentation de la paperasserieet une augmentation du personnel requis pour gérer lacomplexité des nouvelles procédures bureaucratiquesprévues par la directive. Les coûts des essais cliniques,liés à l’introduction de la nouvelle directive, ont consi-dérablement augmenté (+ 85 %), selon un spécialistede l’Organisation européenne pour la recherche et letraitement du cancer (OERTC)26. Une estimationconcernant ces coûts auprès de huit centres d’essaiscliniques au Royaume-Uni, montre qu’ils auraientmême doublé27.

Au-delà d’une augmentation des coûts d’assurance desprofessionnels impliqués dans les essais et des tarifs àpayer aux autorités réglementaires, l’augmentation descoûts s’explique par des exigences réglementaires trèspoussées. Des changements tels que, par exemple, lenom du gestionnaire des données doivent être soumisaux autorités compétentes.

La nouvelle réglementation a sans doute contribué aufait que l’OERTC a initié 38 essais en 2001 et seule-ment 7 en 2005, après l’entrée en vigueur de la direc-tive. Des baisses de 25 % en Suède, de 60 % enIrlande et de 90 % en Pologne ont aussi été rapportéesconcernant les lancements de nouveaux tests cli-niques28.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 12

22. Voir Ronald Bailey, « The End of Old Regulatory Rituals », Reason, 12 octobre 2005, disponible à : http://www.reason.com/news/printer/35000.html.23. Voir Joseph DiMasi, Ronald Hansen et Henry Grabowski, « The price of innovation: new estimates of drug development costs », Journal of HealthEconomics 22, 2003, p. 180, disponible à : http://www.cptech.org/ip/health/econ/dimasi2003.pdf. Pour une estimation similaire, bien que légèrement su-périeure, voir aussi Christopher Adams et Van Brantner, « Spending on New Drug Development », Federal Trade Commission, mars 2008, disponibleà : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=869765.24. Voir le rapport du Congressional Budget Office, « Research and development in the pharmaceutical industry », Congrès des États-Unis, octobre2006, p. 23, disponible à : http://www.cbo.gov/ftpdocs/76xx/doc7615/10-02-DrugR-D.pdf.25. Voir Peter Mitchell, « Price controls seen as key to Europe's drug innovation lag », Nature Reviews, vol. 6, avril 2007, p. 297, disponible à :http://www.nature.com/nrd/journal/v6/n4/pdf/nrd2293.pdf.26. Voir Mary Rice, « New Data on Clinical Trials Directive in Europe Show Few Favorable Outcomes », Journal of National Cancer Institute, vol. 98,no 3, février 2006, p. 159, disponible à : http://jnci.oxfordjournals.org/cgi/reprint/jnci%3b98/3/159.pdf. 27. Voir Julie Hearn et Richard Sullivan, « The Impact of the ‘Clinical Trials’ Directive on the Cost and Conduct of Non-Commercial Cancer Trials in theUK », European Journal of Cancer, septembre 2006, disponible à : http://download.journals.elsevierhealth.com/pdfs/journals/0959-8049/PIIS0959804906008495.pdf. 28. Voir Richard Hoey, « The EU Clinical Trials Directive: 3 Years On », The Lancet, vol. 369, 26 mai 2007, p. 1777-1778, disponible à : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140673607607971/abstract.

Page 13: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Vouloir garantir un niveau élevé de sécurité et d’effica-

cité des médicaments peut présenter des bénéfices.

Mais à force d’ignorer les coûts et les inconvénients

des réglementations pour y parvenir, on débouche sur

des obstacles croissants d’accès au marché et une

désincitation à innover.

2. 2. RÉGLEMENTATION ET INNOVATIONCHIMIQUE EN EUROPE

Le « précautionnisme » et la recherche du « risque

zéro » touchent aussi l’industrie chimique qui occupe

une place importante dans l’économie. Elle fournit en

effet des substances à la production d’un très grand

nombre de produits : colle, produits cosmétiques, mi-

croprocesseurs ou produits de la santé, comme les mé-

dicaments. Chaque produit sur le marché mis à la

disposition du consommateur repose de près ou de loin

sur l’existence d’une industrie et d’un approvisionne-

ment en substances chimiques.

L’industrie chimique en Europe a une longue tradition et

elle a été l’une des industries les plus innovantes et les

plus compétitives au niveau international.

Les débuts de la réglementation en Europe

Au niveau européen, l’industrie chimique fut réglemen-

tée à la fin des années 1960 (directive 67/548/CEE de

1967)29. Cette réglementation touchant à l’accès au

marché des différents produits chimiques a suivi la

même dynamique que celle concernant les médica-

ments, en devenant de plus en plus contraignante dans

son ensemble.

Ainsi depuis 1981 toute nouvelle substance chimique

est soumise à une procédure administrative d’enregis-

trement avec des exigences de tests. En 1992, ces exi-

gences ont été durcies et de nouveaux principes de

gestion des risques ajoutés. En revanche, les subs-

tances commercialisées avant 1981 n’étaient toujours

pas soumises à ces contraintes administratives30.

L’effet économique de cette réglementation a été de

rendre l’accès au marché des nouvelles substances

plus difficile, plus long et plus coûteux, désincitant ainsi

les entreprises à innover à cet égard. Certains projets

de lancement de nouvelles substances – qui auraient

servi à d’autres innovations ailleurs dans l’économie –

ont ainsi pu devenir non rentables. La réglementation

européenne a dans ce cas mis un terme à leur déve-

loppement et à leur commercialisation en Europe.

Par exemple en 1992-1993, l’entreprise BASF, après

avoir investi l’équivalent de près de 2,6 millions

d’euros sur 15 mois, a mis au point un nouveau dur-

cissant utilisable sans solvant dans la production de po-

lymères. Prêt à être commercialisé, sa mise sur le

marché a néanmoins été abandonnée à cause des

coûts d’enregistrement des nouveaux polymères31.

Les coûts, liés aux tests pour fournir les données exi-

gées, peuvent non seulement être élevés, mais aussi

être source d’incertitude, se situant dans des four-

chettes extrêmement larges. Ainsi, le projet de l’entre-

prise Henkel AG de lancer une alternative aux

détergents existants a dû faire face en Allemagne à des

coûts très importants en matière de tests toxicolo-

giques, estimés entre 100 000 euros et 3 millions

d’euros32!

Les effets négatifs de ces obstacles à l’accès au mar-

ché des produits chimiques ont parfois pu être atté-

nués. En effet, quand cela s’est avéré

technologiquement possible, les entreprises innovantes

se sont rabattues sur l’utilisation d’anciennes subs-

tances qui, lancées avant 1981, n’étaient pas pénali-

sées par les mêmes restrictions d’accès au marché.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 13

29. Voir Oliver Wolf et Luis Delgado, « The Impact of REACH on Innovation in the Chemical Industry », Commission européenne / Joint Research Cen-

tre IPTS, décembre 2003, p. 7, disponible à : http://www.eurofound.europa.eu/emcc/content/source/eu04013s.htm?p1=topic&p2=Work_Organisation.

30. Ibid.

31. Oliver Wolf et Luis Delgado, Commission européenne, 2003, Op. Cit., p. 11.

32. Ibid., p. 12.33. Ibid., p. 9.

« Vouloir garantir un niveau

élevé de sécurité et d’efficacité

des médicaments peut présenter

des bénéfices. Mais à force

d’ignorer les coûts et les

inconvénients des réglementa-

tions pour y parvenir, on

débouche sur des obstacles

croissants d’accès au marché et

une désincitation à innover. »

Page 14: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

La Commission européenne résume ainsi en 2003 le

changement dans l’industrie chimique européenne lié à

la mise en place de la réglementation : « on pourrait

observer que l’innovation s’est déplacée du dévelop-

pement de nouvelles substances chimiques exigeant

une notification vers une utilisation de substances déjà

existantes. Parallèlement, on a la preuve que la R&D a

été transférée à l’étranger »33.

Le nouveau cadre réglementaire REACH

La directive REACH, entrée en vigueur le 1er juin 2007

et fondée sur le principe de précaution34 consiste en un

contrôle cette fois de l’accès de toutes les substances

chimiques sur le marché. Toutes les activités des en-

treprises impliquant la production ou l’importation d’une

tonne ou plus d’une substance chimique par an sont

ainsi concernées par l’enregistrement. Les procédures

d’autorisation et de restriction s’appliquent en revanche

à toute substance jugée dangereuse, sans limite de

tonnage.

Bien que REACH permette une harmonisation des ré-

glementations existantes au niveau européen (et ainsi

élimine certaines incohérences des réglementations

antérieures), cette nouvelle réglementation présente

ses propres effets néfastes sur l’innovation.

1) REACH supprime le régime allégé concernantles substances commercialisées avant 1981

L’option qui permettait aux entreprises innovantes eu-

ropéennes de se rabattre sur les anciennes subs-

tances, se referme.

Environ 30 000 substances chimiques commercialisés

avant 1981 et actuellement autorisées et utilisées (par

exemple des acides, des métaux, des solvants, des

tensioactifs et des colles) devront être enregistrées par

des dizaines de milliers de fabricants ou d’importateurs

constituant, selon les estimations, plus de 180 000 dos-

siers. Des entreprises de secteurs très divers ont déjà

été appelées à un « enregistrement préalable » de

leurs substances chimiques auprès de l’Agence euro-

péenne des produits chimiques (ECHA) entre le 1er juin

2008 et le 1er décembre 2008. Une deuxième phase est

ensuite prévue impliquant l’enregistrement à propre-

ment parler des substances.

2) REACH est une source nouvelle de risqueet d’incertitude

Ainsi, si une entreprise manque le délai prévu pour l’en-

registrement préalable, elle ne pourra tout simplement

plus commercialiser, produire ou importer son produit

jusqu’à son enregistrement complet. Comme toute nou-

velle réglementation d’une telle envergure, REACH a

d’ores et déjà créé une incertitude réglementaire sup-

plémentaire pour des entreprises de secteurs très dif-

férents et pas seulement pour l’industrie chimique

stricto sensu car REACH s’applique à toute substance

chimique, qu’elle soit dangereuse ou pas.

En dépit des campagnes d’information, les craintes que

certaines entreprises, y compris celle qui innovent dans

des secteurs connexes de l’industrie chimique, ne

soient pas au courant de leurs nouvelles obligations

sont bien présentes35. Les PME – notamment celles qui

n’appartiennent pas au secteur chimique mais qui se-

ront néanmoins soumises à ses nouvelles obligations –

auront indiscutablement plus de mal à faire face à ce

risque d’incertitude réglementaire. La nouvelle régle-

mentation impose ainsi de nouveaux coûts d’informa-

tion et de mise en conformité pour la commercialisation

des substances chimiques en Europe.

En plus des ressources en temps et en main-d’oeuvre

nécessaires pour s’informer et se conformer aux obli-

gations de l’enregistrement, il faudra également par la

suite payer les coûts à proprement parler de l’autorisa-

tion de commercialiser les produits chimiques en Eu-

rope. Selon les cas, ceux-là peuvent se monter jusqu’à

50 000 euros notamment pour les produits jugés à haut

risque36. L’ensemble de ces ressources est ainsi rendu

indisponible pour mieux satisfaire les consommateurs

et innover davantage.

Face à REACH et à ses coûts supplémentaires, cer-

taines entreprises peuvent décider de ne plus produire

ou de ne plus importer certaines substances si cela de-

vient non rentable. Une telle situation affectera non

seulement les fabricants ou les entreprises importa-

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 14

33. Ibid., p. 9.

34. Voir entre autres la présentation sur le site du Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/oeil/file.jsp?id=237952&language=fr.

35. Voir par exemple l’article d’Euractiv, intitulé « La Commission alerte les entreprises avant la deuxième phase de REACH », 16 avril 2008, disponible

à : http://www.euractiv.fr/marche-interieur-entreprises/article/commission-alerte-entreprises-avant-deuxime-phase-reach-000799.

36. La procédure prévoit différentes modalités et des exemptions possibles, voir Euractiv, « La Commission fixe les coûts d’enregistrement des produits

chimiques », 11 novembre 2007, disponible à :

http://www.euractiv.fr/marche-interieur-entreprises/article/commission-fixe-couts-enregistrement-produits-chimiques-00461.

Page 15: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

trices mais aussi toutes les entreprises en aval qui se-ront obligées soit de trouver un substitut moins inté-ressant d’un point de vue économique, soit délocaliserune partie de leur production en dehors de l’UE37. Infine, ce sont les consommateurs des produits concer-nés qui risquent de devoir payer plus cher.

3) Effets de REACH sur les nouvelles substanceset l’innovation

Les coûts les plus importants de la mise en place deREACH38 sont ceux qui pèseront sur l’innovation, àl’image de la réglementation qui existait déjà aupara-vant. Les obstacles qui pesaient sur les nouvelles subs-tances avant REACH sont actuellement étendus àtoutes les substances.

L’approche de REACH tout d’abord est hostile à l’inno-vation parce qu’il est impossible de prouver qu’unesubstance est sans aucun danger et qu’elle est sûre à100 %. Ainsi, même après des tests et des études coû-teux, il sera impossible aux entreprises innovantes deprouver l’absence absolue de risques liés à leurs nou-veaux produits.

Ensuite, REACH se focalise avant tout sur les risquesdes substances chimiques. Un biais réel est ainsi pré-sent, similaire à celui présent au sein des agencesd’approbation des nouveaux médicaments, qui tend àsous estimer les bénéfices des nouvelles substances.Dans le doute de l’existence d’un risque, les fonction-naires auront toutes les incitations à interdire au lieud’autoriser une nouvelle substance, en dépit du fait queleurs bénéfices potentiels puissent être jugés plus éle-vés que les risques liés à leur mise sur le marché.

En conclusion, le « précautionnisme » – qu’il soit ap-pliqué dans le domaine pharmaceutique ou dans celuides substances chimiques – se focalise sur l’existenced’un risque potentiel d’une innovation et sous-estimeou ignore systématiquement les bénéfices qu’une telleinnovation peut procurer aux consommateurs. En in-versant la charge de la preuve, il met sur les épaulesdes entreprises innovantes un fardeau bien plus im-portant que celui dicté par la prudence et le respect desdroits de propriété dans une économie de marché. L’ar-bitraire pour autoriser, ou pas, une nouvelle technologieou un nouveau produit, dès qu’un soupçon de risqueest mis en avant par n’importe quel groupe de pression,aboutit à rendre la tâche des entreprises innovantesplus difficile.

Au-delà des obstacles réglementaires empêchant lelibre accès au marché des produits innovants, d’autresobstacles ont également été mis en place après leurcommercialisation.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 15

37. Pour des exemples concrets d’impact de REACH sur plusieurs secteurs d’activité en aval, voir l’étude du cabinet de consultants Mercier Manage-ment Consulting pour le compte de l’Union des industries chimiques en France, intitulé « Étude d'impact de la future politique dans le domaine dessubstances chimiques », avril 2004.38. Pour les seuls coûts d’enregistrement prévus par REACH, les estimations varient de manière significative. Pour une revue de la littérature, voir Angela Logomasini, 2005, Op. cit., p. 26-35.

« Les coûts, liés aux testspour fournir les données

exigées, peuvent non seulement être élevés, mais aussi être source d’incertitude, se situant dans des fourchettes

extrêmement larges. »

Page 16: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

3. UNE SUR-RÉGLEMENTATION DES ENTREPRISES INNOVANTES ET DE LEURS PRODUITS, UNE FOIS COMMERCIALISÉS

Ces réglementations tantôt affectent les conditions decommercialisation des produits innovants notammentdans le domaine de la santé (3.1), tantôt pénalisent lesentreprises innovantes, jugées en « position domi-nante » par les autorités anti-trust (3.2).

3. 1. LA MAÎTRISE PUBLIQUE DES DÉPENSESDE SANTÉ : UN « FREIN » À L’INNOVATION

Dans leurs efforts pour fournir une « protection so-ciale », les pouvoirs publics d’un certain nombre depays en Europe et ailleurs ont mis en place des ré-gimes obligatoires d’« assurance maladie » visant à of-frir une couverture universelle et des soinsquasi-gratuits à leurs populations.

Cependant, ces régimes d’assurance maladie sont de-venus une source incontrôlable de dépenses pu-bliques. Plutôt que de redonner le choix aux assurésde financer l’assurance qui correspond le mieux à leurpréférence face à la croissance de ces dépenses, lesgouvernements ont décidé de mettre en place touteune série de politiques pour essayer de contenir artifi-ciellement les coûts des systèmes de santé.

Ces politiques de maîtrise publique des dépenses desanté peuvent prendre des formes fort diverses, no-tamment en ce qui concerne les dépenses pharma-ceutiques qui restent une cible privilégiée. Il s’agit depolitiques comme les contrôles des prix des médica-ments ou une bureaucratisation croissante de leur uti-lisation. Toutes ces politiques ne sont pas neutres etont un impact négatif sur l’innovation dans ce secteur.

La pression publique sur les prix, défavorable à l’innovation

Les gouvernements et les pouvoirs publics de la plu-part des pays de l’OCDE utilisent différentes pratiquespour influencer à la baisse les prix des services médi-caux et des soins de santé. Certains pays, à l’imagedes Pays-Bas mettent en place un prix maximum au-

quel un médicament peut être vendu. Dans d’autrespays, dont la France, les prix sont déterminés au coursde négociations entre les pouvoirs publics en situationde force et les fabricants de nouveaux médicaments.Ailleurs, comme au Royaume-Uni, le gouvernementexerce un contrôle sur les profits des compagnies phar-maceutiques39.

Ces contrôles portent en général sur les prix de lance-ment des nouveaux médicaments mais aussi sur lespossibilités d'augmenter, ou pas, ces prix. Leur consé-quence inévitable est de pousser les prix à des niveauxinférieurs à ce qu’ils auraient été autrement.

Mais en l’absence de pénuries de médicaments en Eu-rope, des prix plus bas ne profitent-ils pas cependantaux patients sans avoir d’impacts négatifs?

Il est vrai que de telles politiques assurent un accès àmoindre coût aux produits déjà mis au point et com-mercialisés. Le fait est qu’une fois que des investisse-ments ont été réalisés pour innover, faire les testsnécessaires, obtenir l’approbation des autorités et com-mercialiser une nouvelle molécule, il reste dans l’inté-rêt des entreprises innovantes de vendre leurs produitsaux prix contrôlés. Il est ainsi plutôt rare de voir une pé-nurie de médicaments déjà commercialisés dans lespays européens en dépit des contrôles de prix plus oumoins stricts des produits pharmaceutiques qui y sontpratiqués.

Il est cependant illusoire de penser que des marges deprofits réduites, des rentrées financières moindres etsurtout le spectre de contrôles de prix de plus en plusétendus – y compris sur des marchés comme celui auxÉtats-Unis – n’ont pas d’impact sur la R&D et sur l’in-novation de demain.

La perspective de voir les prix de ses futurs produitssoumis à des contrôles de plus en plus stricts et de de-voir négocier les prix avec des administrations dont lapriorité est la maîtrise comptable des coûts, est unrisque supplémentaire important. Il contribue inévita-blement à augmenter l’incertitude qui entoure l’innova-tion et l'intérêt de poursuivre cette dernière s'en trouveforcément diminué.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 16

39. Pour une revue des différentes pratiques de contrôles des prix en Europe, voir Monique Mrazek et Elias Mossialos, « Regulating pharmaceuticalprices in the European Union », European Observatory of Health, 2004, p. 114-129, disponible à :http://www.euro.who.int/observatory/Publications/20040527_2? language=French. Voir aussi Jaime Espín et Joan Rovira, « Analysis of differences and commonalities in pricing and reimbursement systems in Europe », rapport final,Pharmaceutical Forum, Union européenne, juin 2007, disponible à :http://ec.europa.eu/enterprise/phabiocom/docs/study_pricing_2007/andalusian_school_public_health_report_pricing_2007_incl_annexes.pdf.

Page 17: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

In fine, étant donné que le risqueest plus élevé et les opportunitésde profit davantage réduites quecela n’aurait été le cas en l’ab-sence de ces contrôles, il y a re-lativement moins d’incitation à yinvestir des ressources en R&D.Contrairement aux intentions affi-chées, cela risque de se solderpar moins d’innovation en ma-tière de santé.

Ces politiques d’encadrementdes prix en Europe ont sansdoute contribué à limiter les in-vestissements en R&D des labo-ratoires européens et à diminuerle nombre de nouvelles molé-cules qu’elles ont lancées40. Cenombre a été divisé par deux,passant en moyenne de 97 molé-cules entre 1988 et 1992 à48 entre 2003 et 2007 (voir Fi-gure 3).

Ces effets pénalisants pour l’innovation risquent d'êtred'autant plus importants que l'Europe reste un marchépharmaceutique important dans le monde. Lescontrôles de prix dans la plupart des pays membres del’UE risquent donc d'avoir un impact sur l'innovationmondiale dans ce domaine.

De tels contrôles de prix semblent aussi être à l'origined'une réorientation de la R&D de l'Europe vers lesÉtats-Unis où les prix sont moins réglementés. C'estainsi que les instances européennes constatent qu’ilexiste une avance des États-Unis par rapport à l’Eu-rope dans ce domaine41.

Par ailleurs, l’accès des patients européens à certainsnouveaux médicaments pourrait bien parfois être re-tardé du fait des réglementations supplémentaires entermes de contrôles des prix en Europe. Selon l'éco-nomiste Kenneth Kaitin, « [l]es investisseurs tendent àinvestir là où il y a moins de contrôle des prix, et il est

toujours plus intéressant de faire les essais cliniquesdans les pays où on compte commercialiser ses pro-duits »42. Ainsi, la proximité du marché national où l'in-novation a lieu pourrait donner un avantage auxpatients dans ce pays par une approbation plus précoce. En dépit des délais d'approbation similairesen Europe et aux États-Unis, une étude réalisée par cetéconomiste portant sur 71 médicaments commerciali-sés entre 2000 et 2005, constate que 73 % (soit 52 mé-dicaments) ont d'abord été approuvés aux États-Unisavant de l'être en Europe43.

Il n'est pas du ressort des pouvoirs publics de garantirles profits de l'industrie pharmaceutique. Cependant,les politiques de contrôles des prix se dressent commeun obstacle décourageant les entreprises à proposerleurs innovations pharmaceutiques et médicales à despatients susceptibles de vouloir payer le coût supplé-mentaire pour améliorer leur état de santé.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 17

40. Voir à ce sujet Joseph Golec et John Vernon, « European Pharmaceutical Price Regulation, Firm Profitability, and R&D Spending », document detravail, août 2006, disponible à : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=932989#PaperDownload.41. Voir Peter Mitchell, 2007, Op. cit., p. 297. Voir aussi sur ce sujet Alfonso Gambardella, Luigi Orsenigo et Fabio Pammolli, « Global competitivenessin pharmaceuticals, A European perspective », rapport préparé pour la Commission européenne, novembre 2000, disponible à : http://ec.europa.eu/enterprise/library/enterprise-papers/pdf/enterprise_paper_01_2001.pdf. 42. Cité par Peter Mitchell, 2007, Op. cit. Voir aussi Laura Faden et Kenneth I. Kaitin, « Assessing the Performance of the EMEA's Centralized Proce-dure: A Comparative Analysis with the US FDA », Drug Information Journal, vol. 42, no 1, 2008, p. 45-56.43. Faden et Kaitin, 2008, Op. cit.

Source : SCRIP-EFPIA, in « The Pharmaceutical Industry in Figures », European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, 2008, p. 24, disponible à : http://www.efpia.eu/Content/Default.asp?PageID=559&DocID=4883.

97

52

90

66 6877

48

66

0

20

40

60

80

100

1988-1992 1993-1997 1998-2002 2003-2007

nombre de nouvelles molécules lancées (selon la

nationalité de la compagnie-mère)

Europe

Etats-Unis

Figure 3 : Nombre de nouvelles molécules lancées

par les laboratoires européens et américains (1988-2007)

Page 18: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Bureaucratisation croissante dans l’utilisation des médicaments

La politique de maîtrise publique des dépenses de

santé ne se limite cependant pas aux seuls contrôles

de prix. Dans plusieurs pays dont la France, l'Alle-

magne ou les Pays-Bas, son impact global est plus

subtil et plus difficile à appréhender parce que lié à des

politiques spécifiques de remboursement et d’utilisation

des médicaments. Tout comme les contrôles de prix,

ces restrictions empêchent de recouvrer les investis-

sements en R&D et pénalisent l’innovation.

Tout d’abord, les pouvoirs publics peuvent soumettre

plus souvent le remboursement des médicaments à

des conditions – incluant une autorisation préalable,

des restrictions d'indication et des plafonds quantitatifs

– dont l'objectif est de limiter les dépenses et donc l'uti-

lisation des médicaments44.

Ensuite, les pouvoirs publics dans certains pays utili-

sent aussi le système de remboursement (politiques de

« prix de référence » ou de substitution thérapeu-

tique45) pour inciter les patients à changer de thérapie

et les médecins à prescrire des médicaments moins

chers. De telles politiques sont imposées alors que ces

médicaments ont parfois été lancés plusieurs dizaines

d'années auparavant, sont chimiquement différents et

peuvent être moins efficaces ou avoir des effets se-

condaires plus importants dans le cas individuel des

patients.

Une pression supplémentaire est ainsi exercée par les

pouvoirs publics pour limiter l’utilisation de médica-

ments dont l’innovation n’est pas jugée suffisamment

importante, même si les patients, s’ils avaient le choix,

auraient pu en décider différemment. Cela est source

d’incertitudes supplémentaires, à savoir qu’un médica-

ment peut être la cible de telles politiques, affectant

ainsi les recettes des entreprises innovantes et leurs

capacités d’investir pour l’innovation de demain.

Enfin, les politiques de maîtrise des dépenses de santé

ont également instauré un contrôle quantitatif de plus

en plus important des pratiques de prescription des mé-

decins. Des objectifs comptables de volume des médi-

caments prescrits sont imposés par les régimes

monopolistiques d’assurance maladie que ce soit en

Allemagne ou en France, entre autres.

Ainsi, en France, les objectifs pour 2008 par rapport à

2007 incluent, par exemple :

– des objectifs de baisse de 5 % des montants de

la prescription d’antibiotiques ;

– une stabilisation des montants de prescriptions

de statines ;

– une baisse de 5 % des montants de prescrip-

tions d’anxiolytiques et d’hypnotiques ;

– une baisse de 2 % des montants tendanciels

2008 des prescriptions d'antihypertenseurs ;

– une baisse de 5 % des volumes de prescription

des inhibiteurs de la pompe à protons, etc.46

Toutes ces politiques introduisent un biais dangereux

où les médecins peuvent être poussés à privilégier la

baisse comptable des coûts de l’assurance maladie

obligatoire aux dépens de la santé de leurs patients.

En conclusion, toutes ces politiques de maîtrise comp-

table des coûts présentent des effets pervers en termes

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 18

44. Selon le rapport du Tufts Center for the Study of Drug Development, « Outlook 2007 », p. 5, disponible à :

http://csdd.tufts.edu/InfoServices/OutlookPDFs/Outlook2007.pdf, les 100 médicaments les plus vendus au monde ont été davantage soumis à de telles

conditions dans plusieurs pays dont la France, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas entre 2002 et 2005.

45. Voir Valentin Petkantchin, « Les effets économiques de la politique des “prix de référence” des médicaments en Allemagne », Cahier de recherche,

Institut économique Molinari, décembre 2006, disponible à : http://www.institutmolinari.org/pubs/germanreferencepricingfr.pdf. Voir aussi du même au-

teur, « Les risques des politiques de substitution thérapeutique de médicaments », Note économique, Institut économique Molinari, 2007, disponible à :

http://www.institutmolinari.org/pubs/note20077fr.pdf.

46. Voir le dossier « Maîtrise médicalisée : va-t-on trop loin? », Panorama du médecin, 18 juin 2007, p. 20-24.

« Il n'est pas du ressort des pou-

voirs publics de garantir les profits

de l'industrie pharmaceutique.

Cependant, les politiques de

contrôles des prix se dressent

comme un obstacle décourageant

les entreprises à proposer leurs

innovations pharmaceutiques et

médicales à des patients suscep-

tibles de vouloir payer le coût

supplémentaire pour améliorer

leur état de santé. »

Page 19: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

d’innovation. Alors que les préférences des consom-

mateurs auraient pu être de payer plus pour les médi-

caments actuels permettant de financer la mise au

point de nouveaux produits, les pouvoirs publics déci-

dent à leur place ce qui est un traitement innovant et

ce qui ne l’est pas, affectant inévitablement l’innova-

tion. En ajoutant une incertitude supplémentaire

concernant les conditions de commercialisation et d'uti-

lisation des nouveaux traitements, les politiques de

maîtrise publique des dépenses de santé pénalisent

l'innovation future.

3. 2. LES ENTREPRISES INNOVANTESPÉNALISÉES PAR LA POLITIQUE ANTI-TRUST

Quand les innovations ont réussi à surmonter les obs-

tacles de plus en plus nombreux précédant leur com-

mercialisation, les entreprises qui les offrent, tous

secteurs confondus, ne sont toujours pas à l’abri d’un

autre arbitraire réglementaire lié cette fois à des poli-

tiques anti-trust qui ignorent le rôle de l’innovation dans

le processus de concurrence.

Grâce à leur caractère novateur et à une meilleure sa-

tisfaction des consommateurs, les entreprises inno-

vantes sont plébiscitées par ces derniers et peuvent

ainsi atteindre une « position dominante ». La politique

anti-trust européenne – à l’image de celle dans d’au-

tres pays – prévoit plusieurs restrictions à l’égard de

ces entreprises. Celles-ci sont ainsi soumises à un

risque et à une incertitude supplémentaires qui pénali-

sent davantage encore leurs activités et leurs pratiques

d’affaires. Des sanctions et des restrictions viennent infine affecter leurs profits et diminuer ainsi les incitations

à innover.

Une politique qui ignore le rôle de l’innovation

La politique des autorités anti-trust repose sur une vi-

sion statique de la concurrence en termes de « parts

de marché » et d'entreprises « dominantes » dont

l’idéal serait une situation de « concurrence pure et par-

faite », i.e. une situation hypothétique caractérisée,

entre autres, par un nombre élevé de fournisseurs pour

chaque produit donné.

Poursuivant cet idéal, cette politique devient source

d’arbitraire parce que les concepts sur lesquels elle re-

pose sont incohérents et incapables de tenir compte

des forces concurrentielles sur le marché et du rôle de

l’innovation dans l’économie.

Premièrement, pour arriver à prouver la domination sur

un marché, les autorités anti-trust subdivisent artificiel-

lement le marché en sous niches afin de trouver une

entreprise qui s’y retrouverait seule ou qui y détiendrait

la majorité des ventes.

Il s’agit cependant d’une subdivision arbitraire. Parfois

des entreprises sont accusées d’être « dominantes »

dans des niches qui ont été créées par leurs propres

efforts d’innovation. C’est ainsi par exemple que le fa-

bricant de la poupée Barbie – dont l’innovation au ni-

veau du produit et au niveau commercial a de factopermis le développement de la niche pour ce type de

poupées « mannequins »47 – s’est retrouvé accusé en

France de « quasi-monopole » et sanctionné en consé-

quence. Microsoft – qui avec la mise au point de son

Windows a également bouleversé les systèmes d’ex-

ploitation pour PC, les rendant beaucoup plus accessi-

bles et conviviaux pour les consommateurs – a été

condamné à des amendes record, en raison de la si-

tuation de « domination » ainsi créée.

Qu’il s’agisse de la niche des poupées « mannequins »

comme dans le cas de Barbie ou qu’il s’agisse de celle

des systèmes d’exploitation, la subdivision opérée par

les autorités anti-trust est sans fondement économique.

Les niches ne sont pas « gravées dans le marbre » et

le rôle de l’innovation et de la concurrence est juste-

ment d’en créer de nouvelles et de changer sans cesse

les frontières des niches existantes. Dans les faits, les

contours des différents secteurs évoluent sans cesse,

notamment sous la pression de la concurrence et du

progrès technologique.

Deuxièmement, le fait qu'une entreprise détienne la

majorité des « parts de marché », voire se retrouve

seule dans un créneau, ne signifie pas que la concur-

rence soit automatiquement inexistante et qu’il faille

une intervention des autorités anti-trust48.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 19

47. Selon les propres dires de l’autorité de concurrence, « la poupée Barbie a révolutionné le monde des jouets pour petites filles », voir Conseil de la

concurrence, Décision no 99-D-45 du 30 juin 1999 relative à des pratiques constatées dans le secteur du jouet, 11 décembre 1999, p. 4, disponible à :

http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/99d45.pdf.

48. Voir Valentin Petkantchin, « La présence d'un producteur unique signifie-t-elle automatiquement absence de concurrence et nécessité d'intervention

des autorités anti-trust? », Note économique, Institut économique Molinari, septembre 2007, disponible à :

http://www.institutmolinari.org/pubs/note20076fr.pdf.

Page 20: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Ainsi l’innovation dans des secteurs connexes est ré-

gulièrement ignorée par les autorités anti-trust alors

que le rôle qu’elle joue a pour conséquence d’intensi-

fier la concurrence réelle et de proposer aux consom-

mateurs des choix inexistants jusque-là.

Google, leader de la publicité sur Internet, s’est ainsi

par exemple lancé dans une offre de logiciels de bu-

reautique et de logiciels Internet qui concurrence di-

rectement l’offre de Microsoft49.

Ce type de concurrence que Google ou d’autres com-

pagnies, comme Intel (voir ci-des-

sous), sont en mesure de livrer à

Microsoft échappe complètement à la

vision des autorités anti-trust. Elle a

été ignorée dans le cas qui a opposé

la Commission européenne au géant

américain.

Le cadre et les prémisses de la

concurrence « pure et parfaite » sur

lesquels est basée la politique anti-

trust ignorent l’activité entrepreneu-

riale, la prise de risque et l’innovation.

Or, ce sont autant d’éléments qui

poussent les entreprises à faire mieux

que leurs concurrents et à innover en

améliorant le service rendu aux

consommateurs !

Les entreprises innovantes considérées comme« dominantes »

Les entreprises innovantes sont celles qui gagnent sou-

vent des parts de marché et deviennent soient domi-

nantes, soit seules dans leur créneau.

En effet, en étant la plus efficace et la plus innovante

avec le lancement d’un nouveau produit ou d’une nou-

velle technologie, une entreprise est naturellement sus-

ceptible de devenir le fournisseur préféré ou unique

d’un grand nombre de clients, que ce client soit une en-

treprise en aval ou le consommateur final sur le mar-

ché.

Anticipant des sanctions et des restrictions anti-trust,

les entreprises sont amenées à limiter leurs efforts et

leurs ressources consacrées à l’innovation. La menace

d’être cataloguée en « position dominante » par les au-

torités anti-trust réduit l’intérêt de rester ou de devenir

une entreprise innovante.

Les exemples où des entreprises innovantes ont été la

cible des autorités anti-trust parce qu’estimées « domi-

nantes », ne manquent pas. Dans le secteur informa-

tique, il y a Microsoft, mentionné ci-dessus, qui s’est

ainsi vu imposer des amendes record dans l’histoire de

l’anti-trust en Europe.

Intel, leader des micro-

processeurs dans le

monde, est aussi dans le

collimateur des bureau-

crates anti-trust50.

Les compagnies de télé-

coms sont devenues des

cibles privilégiées alors

que l’innovation a boule-

versé ce secteur depuis

la fin de l’époque des

monopoles protégés da-

tant des années 1990.

En dépit des pressions

concurrentielles qui vien-

nent de secteurs

connexes comme la câ-

blodistribution ou des télécommunications sans fils (no-

tamment avec le WiMax), leurs projets de déploiement

de la fibre optique et d’Internet très haut débit sont me-

nacés en Europe par la séparation fonctionnelle dont

l’objectif est justement d’éliminer leur « position domi-

nante »51. Le risque d’une telle politique, comme c’est

le cas au Royaume-Uni, est de tuer toute incitation d’in-

vestir dans l’innovation de la nouvelle fibre optique et

les réseaux de demain !

Enfin les laboratoires pharmaceutiques, selon les dé-

clarations du commissaire européen à la concurrence

Neelie Kroes, seront la prochaine cible des autorités

anti-trust européennes52.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 20

49. Voir, entre autres, Cécile Philippe, « La concurrence que les autorités ne voient pas », Le Temps, 5 mars 2008 disponible à :

http://www.institutmolinari.org/editos/20080311.htm.

50. Voir Cécile Philippe, « AMD-Intel: Are price cuts anticompetitive? », Wall Street Journal, 1er mars 2007, disponible à :

http://www.institutmolinari.org/editos/20070328.htm.

51. Voir Martin Masse, « Télécommunications : la séparation fonctionnelle, un remède pire que le mal », Note économique, Institut économique Moli-

nari, mai 2008, disponible à : http://www.institutmolinari.org/pubs/note20082fr.pdf.

52. Voir, entre autres, son discours devant le Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, prononcé le 26 mars 2008, dis-

ponible à : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=SPEECH/08/152&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en.

« Sans tenir compte de

l’origine de la “dominance”

des entreprises – qui peut

naturellement provenir des

efforts d’innovation – la

politique anti-trust, par sa

simple présence et par les

restrictions qu’elle leur

impose, est un frein

indiscutable à l’investissement

pour innover et pour faire

mieux que ses concurrents. »

Page 21: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

En réalité, une grande partie des entreprises qui in-

vestissent le plus dans le monde (voir Figure 4 ci-des-

sous) ont été, sont, ou seront susceptibles de devenir

la cible de la politique anti-trust à cause de leur position

présumée « dominante » dans une niche du marché.

Les restrictions imposées aux entreprises innovantes

Dès qu’une entreprise est présumée « dominante » ou

seule dans un créneau, elle est soumise à de nom-

breuses restrictions. Elle n’est plus en mesure de pro-

poser les prix ou les rabais qu’elle souhaiterait, ni les

contrats qu’elle voudrait passer avec ses clients. Ses

projets de fusion sont strictement contrôlés et le risque

que les autorités anti-trust les interdisent est plus élevé.

En contrôlant les pratiques des entreprises « domi-

nantes », les autorités anti-trust augmentent les coûts

pour innover et rivaliser avec leurs concurrents. Elles

obligent donc les entreprises innovantes à supporter –

en plus des risques commerciaux et d’innovation tech-

nologique inhérents à leurs activités – un climat d’in-

certitude permanent et à détourner une partie de leurs

ressources pour y faire face.

Alors que les différentes niches et secteurs sur le mar-

ché sont interconnectés quand il n’y pas de barrières

réglementaires à l’entrée, une entreprise qui est jugée

dominante dans un secteur sera d’autant plus réticente

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 21

0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000

Honda Motor

AstraZeneca

Matsushita Electric

Robert Bosch

IBM

Intel

Novartis

GlaxoSmithKline

Samsung Electronics

Sanofi-Aventis

Daimler

Volkswagen

Roche

Ford Motor

Johnson & Johnson

Nokia

Toyota Motor

Pfizer

General Motors

Microsoft

millions d'euros

Figure 4: Les 20 compagnies ayant investi

le plus au monde en R&D en 2007

Source: Commission européenne.

Page 22: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

à s’attaquer à de nouvelles niches, qu’elle fait proba-blement déjà partie des cibles des autorités anti-trust.Ainsi, on a reproché à Microsoft de s’attaquer aux dif-férentes niches des logiciels multimédia, des logicielsde bureautique ou encore, récemment, de navigationsur Internet (plainte en cours contre Microsoft par lefournisseur du navigateur concurrent Opéra)53. Dansces conditions de suspicion généralisée, des entre-prises innovantes jugées disposer d’une position do-minante dans un secteur hésiteront à innover dansd’autres secteurs, au risque d’y devenir dominanteaussi et d’être sanctionnée en conséquence.

Par exemple, alors qu’Intel a montré des intérêts dansle domaine des systèmes d’exploitation (coopérationen 2007 avec l’entreprise Red Hat spécialisée dans lesystème d’exploitation Linux), la politique anti-trustpousse cette compagnie à s’abstenir de poursuivrepleinement ses projets éventuels d’investissement etd’innovation dans le domaine des logiciels, y comprisdans celui des systèmes d’exploitation, occupé large-ment par Microsoft aujourd’hui. La Commission n’a-t-elle pas déjà en ligne de mire Intel54 à cause d’unprésumé « abus de position dominante » car cette en-treprise détiendrait 80 % des parts sur le marché desprocesseurs au monde ?

De même, les simples menaces de poursuites anti-trustpeuvent influencer les décisions des entreprises de fu-sionner ou pas. Au-delà des amendes à payer, ces po-litiques rajoutent une incertitude supplémentaire etpoussent les entreprises à consacrer une part de leursressources à des efforts de lobbying. Ces ressourcessont au fond dépensées pour s’assurer le feu vert desautorités anti-trust. Elles ne sont pas disponibles pourinnover davantage et pour mieux satisfaire les consom-mateurs.

Google aurait ainsi dépensé plus de 2,1 millions de dol-lars entre 2007 et début 2008 pour faire du lobbying,dont une partie importante a été consacrée à s’assurer

que son rachat de la compagnie DoubleClick ne tom-bera pas sous la sanction des autorités anti-trust55. Ils’agit de ressources dont l’utilisation est directementimputable à l’existence de la réglementation anti-trustaux États-Unis et en Europe. De même, les législationsanti-trust américaine et européenne avaient été pres-senties comme un obstacle majeur au rapprochemententre Google et Yahoo56.

La politique anti-trust est susceptible d’être un obsta-cle redoutable à une coopération possible entre entre-prises déjà jugées « dominantes ». Ainsi, par exemple,en dépit des bénéfices pour les consommateurs quipourraient découler d’une telle coopération, des projetscommuns entre Intel et Microsoft57, chacun jugécomme « dominant » dans son domaine, pourrait éga-lement être vus d’un mauvais oeil par les bureaucratesanti-trust.

Sans tenir compte de l’origine de la « dominance » desentreprises – qui peut naturellement provenir des ef-forts d’innovation – la politique anti-trust, par sa simpleprésence et par les restrictions qu’elle leur impose, estun frein indiscutable à l’investissement pour innover etpour faire mieux que ses concurrents.

Le fait de s’attaquer en 2008 aux entreprises du secteurpharmaceutique signifie que l’innovation pharmaceu-tique risque encore une fois de se trouver pénalisée. Sion tient compte du rôle que joue l’innovation dans cesecteur, il est à craindre qu’il ne s’agisse là d’une ré-glementation de plus qui pénalisera les entreprises in-novantes dont nous attendons pourtant les remèdespour les maladies d’aujourd’hui et de demain.

Afin de retrouver un environnement plus favorable àl’innovation, il est primordial de repenser la concur-rence comme processus dynamique où il n’y a pas d’in-terdictions légales à l’entrée. Ce n’est cependant pas latendance des politiques anti-trust actuelles aussi biendans l’UE que dans le monde.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 22

53. Voir le communiqué de presse de la Commission européenne en date du 14 janvier 2008, disponible à : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/08/19.54. Voir le communiqué de la Commission européenne, « Competition: Commission confirms sending of Statement of Objections to Intel », 27 juillet2007, disponible à : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/07/314. Un supplément d’objections a été adressé par la Com-mission européenne à Intel, le 17 juillet 2008, disponible à : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/08/517&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=fr.55. Dont 1,5 million en 2007 et 620 000 de dollars au premier trimestre de 2008. Voir la dépêche d’Associated Press, « Google lobbied on DoubleClickpurchase », 28 mars 2008, disponible à : http://uk.biz.yahoo.com/28032008/323/google-lobbied-doubleclick-purchase.html, ainsi que le site du Sénataméricain où ces dépenses sont officiellement déclarées pour 2007 et 2008 : http://www.senate.gov/legislative/Public_Disclosure/LDA_reports.htm. 56. Voir la dépêche de Reuters, intitulée « Yahoo-Google antitrust bar higher than Microsoft », The Financial Express, 14 avril 2008, disponible à :http://www.financialexpress.com/news/YahooGoogle-antitrust-bar-higher-than-Micorsoft/296605/. 57. Sur un tel projet de collaboration entre les deux géants, voir John Markoff, « Industry Giants Try to Break Computing's Dead End », New YorkTimes, 19 mars 2008.

Page 23: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

CONCLUSION

Il ne faut pas ignorer les risques inhérents à l’innova-tion. Ces risques signifient que les entreprises qui in-vestissent pour innover peuvent réaliser des pertes,voire disparaître, si elles ont pris de mauvaises déci-sions et si leurs nouveaux produits ne rencontrent pasde succès sur le marché. Les entreprises sont par ail-leurs naturellement poussées à la prudence dans lamise en place de leurs innovations, quand les droits depropriété d’autrui sont respectés.

Cependant, au lieu d’assurer le respect des droits depropriété quand il fait défaut, les pouvoirs publics enEurope multiplient les réglementations et les interdic-tions qui ont un impact négatif sur l’innovation. À l’exis-tence des risques et des incertitudes naturels liés auxactivités novatrices, les pouvoirs publics ont ainsi ra-jouté des législations qui pénalisent indirectement l’in-novation sans que leurs conséquences soientcomprises par les consommateurs ou par le grand pu-blic.

Des obstacles réglementaires – inspirés par le principede précaution – empêchent ainsi le libre accès au mar-ché de plusieurs produits innovants que ce soit dans ledomaine de la santé ou de l’industrie chimique.

Les entreprises innovantes doivent surmonter aussid’autres obstacles réglementaires, une fois que leursproduits ont été autorisés à la commercialisation. Ainsi,leurs prix ou conditions d’utilisation peuvent être contrô-lés, à l’image des innovations en santé. Les politiquesde maîtrise publique des dépenses de santé décrétéespar les gouvernements ont ainsi un impact négatif surles incitations à proposer des nouveaux traitements.Si certaines entreprises réussissent à en offrir tout demême, c’est en dépit et malgré les nombreux obstaclesque la réglementation a érigés à leur encontre.

Enfin, la politique anti-trust, mise en place sous pré-texte de protéger la concurrence, est devenue égale-ment un obstacle majeur et une source d’arbitraire quipénalise les entreprises jugées dominantes dans leurniche. Les entreprises innovantes de par leur naturetombent dans ce cas et sont souvent cataloguéescomme telles par les autorités anti-trust. Les inconvé-nients de cette politique – après l’annonce de NeelieKroes annonçant que le secteur pharmaceutique seraitla prochaine cible des autorités anti-trust européenne –se rajoutent à ceux des réglementations déjà évoquéespour les entreprises innovantes dans le domaine biopharmaceutique.

Il faut garder à l’esprit les effets néfastes pour l’innova-tion de l’ensemble de ces politiques et le fait que leursconséquencess’inscrivent dans le long terme. Car l’in-novation de demain se prépare aujourd’hui.

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 23

« Afin de retrouver unenvironnement plus

favorable à l’innovation, il est primordial de

repenser la concurrencecomme processus

dynamique où il n’y a pas d’interdictions

légales à l’entrée. »

Page 24: Institut économique Molinari · produits, une fois commercialisés..... 16 3. 1. La maîtrise publique des dépenses de santé : un « frein » à l'innovation..... 16 3. 2. Les

Cahier de recherche de l’IEM

Risques et obstacles réglementaires pour les entreprises innovantes en Europe 24

Cahier de recherche préparé parValentin Petkantchin, directeurde la recherche à l'Institut Écono-mique Molinari.

Octobre 2008

Biographie : M. Petkantchin dé-tient un doctorat ès sciences éco-nomiques et est diplômé duMagistère média et formation éco-nomique de l'Université d'Aix-Mar-seille III. Entre 1996 et 2003, il aété chercheur au Centre d'analyseéconomique et a enseigné l'écono-mie à la Faculté d'économie appli-quée, ainsi qu'à la Faculté de droit,au sein de cette même université.Il compte à son actif plusieurs pu-blications scientifiques et travauxde recherche portant sur divers su-jets. De janvier 2004 à mai 2006, ila été directeur de la recherche àl'Institut économique de Montréal.Il a régulièrement été amené à in-tervenir à la TV et à la radio sur lesquestions de politiques publiquescanadiennes. Il a publié de nom-breux articles et textes d'opinionen français et en anglais dans dif-férents quotidiens aussi bien enEurope qu'en Amérique du Nord. Ila publié son premier livre sur l'his-toire de la pensée économique etl'oeuvre d'Adam Smith, intitulé Lessentiments moraux font la richessedes nations, 1996, éd. Librairie del'Université d'Aix-en-Provence. Ils'est joint à l'IEM en juin 2006.

Institut Economique

Molinari

Adresse belgeRue du luxembourg 23

Boîte 11000 Bruxelles

Adresse française1 rue Edouard Branly

92130 Issy les Moulineaux

www.institutmolinari.org

L’Institut Economique Molinari est un organisme

de recherche et d’éducationindépendant et sans but

lucratif.

Il s'est fixé comme missionde proposer des solutions alternatives et innovantes favorables à la prospérité

de l'ensemble des individuscomposant la société.

Reproduction autorisée à condition de mentionner

la source.

Directrice généraleCécile Philippe

Directeur de la rechercheValentin Petkantchin

Maquette et montageGilles Guénette