hervé le meur ou la faillite de l’Écologie à prétention radicale - dréan andré

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D epuis plusieurs semaines, je reçois, y compris en provenance de per- sonnes d’obédience libertaire, le texte d’Hervé Le Meur « Faut-il chan- ger la nature de la filiation ? », paru dans le numéro d’été de la revue « L’Eco- logiste ». En règle générale, il n’est pas accompagné de commentaires, ou alors parfois flatteurs. J’ai donc lu et relu le texte en question et je constate, sans surprise d’ailleurs, qu’il ne recèle rien de plus que les habituels préju- gés qui constituent la ligne de défense commune de l’échiquier politique français hostile à la nouvelle loi sur le mariage « gay », échiquier qui inclut en partie des idéologues d’extrême droite, de droite, de gauche et même des écologistes. Loi que, bien entendu, je n’accepte pas, pas plus que les modes de domination qu’elle sanctionne et favorise, déjà pour la raison que je suis hostile à l’institution du mariage. Voici, en bref, ce que je pense du texte d’Hervé Le Meur que Yannick Blanc, le principal animateur du site « Pièce et Main d’œuvre », fait circuler dans le sillage de la rédaction de « L’Ecologiste », fondé par des écofascistes du genre de Teddy Goldsmith. Il montre, comme s’il était encore nécessaire de le prouver, que écologie ne rime pas nécessai- rement avec radicalité et que sous la même étiquette, nous pouvons retrou- ver toutes les couleurs de l’arc-en-ciel politique, la brune y compris. 1 Si Hervé Le Meur s’était contenté de dire qu’il y a de l’incréé, dans notre monde, y compris en nous, bref des déterminations qui ne sont pas sociales, créées stricto sensu par notre activité transformatrice du monde, activité à la fois individuelle et sociale, je serais d’accord. De telles détermi- nations dites naturelles, bien qu’elles soient difficiles à cerner en tant que telles, tant elles sont imbriquées aux autres déterminations sociales, poli- tiques, religieuses, morales, etc., depuis des temps immémoriaux, n’en exis- tent pas moins. Par exemple, nous sommes aussi des mammifères et, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas la domination qui nous a constitués ainsi, à moins de croire que depuis l’aube de l’humanité des modes de domina- tion aient disposé des pouvoirs surhumains attribués à Dieu. Aujourd’hui, 1 à propos de la loi sur le mariage «  gay » H ervé l e m eur ou la faillite de l écologie à prétention radicale

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  • D epuis plusieurs semaines, je reois, y compris en provenance de per-sonnes dobdience libertaire, le texte dHerv Le Meur Faut-il chan-ger la nature de la filiation ? , paru dans le numro dt de la revue LEco-logiste . En rgle gnrale, il nest pas accompagn de commentaires, ou alors parfois flatteurs. Jai donc lu et relu le texte en question et je constate, sans surprise dailleurs, quil ne recle rien de plus que les habituels prju-gs qui constituent la ligne de dfense commune de lchiquier politique franais hostile la nouvelle loi sur le mariage gay , chiquier qui inclut en partie des idologues dextrme droite, de droite, de gauche et mme des cologistes. Loi que, bien entendu, je naccepte pas, pas plus que les modes de domination quelle sanctionne et favorise, dj pour la raison que je suis hostile linstitution du mariage. Voici, en bref, ce que je pense du texte dHerv Le Meur que Yannick Blanc, le principal animateur du site Pice et Main duvre , fait circuler dans le sillage de la rdaction de LEcologiste , fond par des cofascistes du genre de Teddy Goldsmith. Il montre, comme sil tait encore ncessaire de le prouver, que cologie ne rime pas ncessai-rement avec radicalit et que sous la mme tiquette, nous pouvons retrou-ver toutes les couleurs de larc-en-ciel politique, la brune y compris.

    1Si Herv Le Meur stait content de dire quil y a de lincr, dans notre monde, y compris en nous, bref des dterminations qui ne sont pas sociales, cres stricto sensu par notre activit transformatrice du monde, activit la fois individuelle et sociale, je serais daccord. De telles dtermi-nations dites naturelles, bien quelles soient difficiles cerner en tant que telles, tant elles sont imbriques aux autres dterminations sociales, poli-tiques, religieuses, morales, etc., depuis des temps immmoriaux, nen exis-tent pas moins. Par exemple, nous sommes aussi des mammifres et, jusqu preuve du contraire, ce nest pas la domination qui nous a constitus ainsi, moins de croire que depuis laube de lhumanit des modes de domina-tion aient dispos des pouvoirs surhumains attribus Dieu. Aujourdhui,

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    propos de la loi sur le mariage gay

    Herv le meur ou la faillite de lcologie prtention radicale

  • lombre de lEtat, il est vrai que la technoscience, en particulier dans le domaine de la procration, tente de nous domestiquer outrance, de nous rduire encore plus au statut de choses, manipulables volont, sous le pr-texte de rpondre aux dsirs des individus tels quils sont formats par la socit du capital. Lactuelle procration assiste par la mdecine, mme si elle est diffrente de la transgense proprement dite dans la mesure o les procds quelle utilise ne touchent pas au gnome, participe ce proces-sus de domination. Mais entre le discours des gourous de la technoscience mdicale, qui frise parfois leugnisme, et la ralit de leur puissance, il y a de notables diffrences. Leur ambition dmiurgique rencontre des limites, commencer par celles que leur opposent les individus qui nentendent pas accepter leurs diktats. De toute faon, le pouvoir biomdical nest ni plus, ni moins totalisateur que le mode de domination dont il est partie intgrante, lequel ne pourrait exister de faon quelque peu durable sil tait effective-ment capable de nous transformer en totalit en cyborgs, y compris dans le domaine de la procration. En ce sens, le Meilleur des mondes dAldous Huxley, le livre rfrence de bien des individus hostiles linstitution mdi-cale, relve de lacceptation de lutopie technoscientiste du capital, fusse pour la rejeter, alors quelle nest pas prendre au pied de la lettre.

    2Mais concernant la notion cl de nature , Herv Le Meur dfinit comme naturel ce qui nest pas produit et contrl par des ex-perts , ce qui revient attribuer ce qualificatif des dterminations so-ciales, y compris celles spcifiques des modes de domination, mme millnaires, pour autant quils ne prsentent pas les traits de la domination technoscientiste la plus en pointe. Et donc, les justifier. Il passe donc sans problme de la notion de dterminations naturelles celle de nature, au sens des mtaphysiciens, avec le moralisme dorigine chrtienne quelle charrie : Nous pensons que tout cologiste garde une tendresse pour ce qui est naturel, cest--dire non produit ou contrl par un expert et, parfois, moins efficace, moins joli... La nature devient alors linstance extrieure qui garantit quun phnomne nest pas contrl, est libre. Dans le domaine humain, elle justifie la libert, laltrit, le caractre sauvage, la finitude et la modestie mais elle est aussi un antidote contre lidologie de la croissance,

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  • de la population comme de lconomie, la volont de toute-puissance et le consumrisme y compris dans la relation lautre. Le caractre rac-tionnaire de telles envoles idologiques, puant le mysticisme, nest pas nouveau et il a dj t signal par de nombreux critiques du concept de nature , avec son corollaire, celui dartificiel , y compris par moi, dans mon texte La Socit industrielle, mythe ou ralit . Mais je ne suis ni le premier, ni le seul le faire. Pour preuve, je citerais lexcellent passage de louvrage collectif, Contre LEncyclopdie des nuisances , consacr la mtaphysique de la Nature, qui constitue la base commune de lidologie rductionniste des milieux hostiles la prtendue socit industrielle : Au rgne autocratique de la domination technique, il fallait donc pouvoir opposer un autre absolu. Il tait tout trouv : seule la Nature, adversaire m-taphysique intraitable de la technique, tait mme de faire sauter le ver-rou. Dans la langue de tartufe des encyclopdistes cela donnera un rcit haute teneur pique : lassaut de la technique contre la nature extrieure et la nature en lhomme. La virulence criminelle de leur critique est tout entire ddie la dnonciation de la profanation de lordre immuable de la nature. Cet outrage soulve tellement le cur endurci des encyclop-distes qu partir de cette horreur sacre, ils peuvent dployer le thtre o nature vierge et technique entreprenante radotent leur ternelle scne de mnage. Ils pouvaient alors glisser vive allure vers les formes les plus baroques de lcologisme radical pour partager avec ce dernier une mme faon de concevoir le cours des choses et la contradiction centrale qui laf-fecte : lopposition fondamentale de notre temps rsiderait dans les limites que la nature offre aux activits productives des socits humaines. Nous le voyons, Herv Le Meur na rien invent et il nest gure tonnant que, partir de cette prtendue critique heideggerienne de la technologie, qui constitue la base commune de bon nombre dcologistes, cofascistes in-clus, il soit applaudi par dautres partisans du naturel contre lartificiel , tel le site des journalistes chrtiens et dautres lobbies de la mme veine. Ce qui est invitable car, dans lapproche dHerv Le Meur, la Nature nest manifestement que le Dieu du christianisme scularis, dot pour lessentiel des mmes attributs. Comme daucuns sen remettent la grce de Dieu comme sauveur suprme, il sen remet, lui, celle de la Nature.

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  • 3A partir de l, il nest pas tonnant quHerv Le Meur affirme en pr-ambule que si le mariage gay avait t sparable de ladoption, nous naurions vu aucun argument li nos convictions cologistes qui sy op-pose. Le mariage est une institution et pas un fait de nature, alors que len-gendrement en est un. Passons sur le fait quil parle de mariage en gnral, en dehors du temps et de lespace, alors que la discussion porte sur linsti-tution du mariage actuel en France. En dautres termes, il nest pas hostile la permanence de lune des principales institutions de lEtat moderne mais seulement ladoption par des gays ! Il atteint l le summum de la pense naturaliste rgressive. Que la procration ait aussi des dimensions sociales, des plus diverses dailleurs selon les poques, les modes dtre et de repr-sentation sociales, politiques, religieuses, etc., cest quelque chose qui ne peut tre nglig que par les adeptes du biologisme le plus vulgaire. Mme bon nombre danthropologues actuels ne dfendent plus depuis long-temps de pareilles inepties, sauf, dans lcole franaise, les continuateurs du structuralisme de Claude Lvi-Strauss, telle Franoise Hritier, minence grise du pouvoir actuel, qui parle, propos de lacte de procrer, dinva-riant biologique . Or, la sparation tranche entre le naturel et le social nest que lun des prjugs les plus tenaces, propre lEtat issu de la prise du pouvoir par la bourgeoisie lpoque de la rvolution franaise, lEtat rpublicain dont la France fut le modle. La biologie, comme dailleurs len-semble des prtendues sciences de la nature, nest que lune des sciences sociales qui navoue pas son nom. Ce qui est confirm, de facto, par Herv Le Meur puisque cest la possibilit dadoption par des gays qui le proc-cupe au premier chef, savoir la question de la filiation, question sociale par excellence qui ne dcoule mme pas ncessairement, dans les Etats mo-dernes, de la procration. En France, ladoption est base, pour lessentiel, sur le type de famille sanctionn par lEtat, savoir les familles constitues partir de couples composs de personnes des deux sexes, tels que le pou-voir dEtat lui-mme les a dfinis. La chose qui rvulse manifestement Herv Le Meur, cest que des couples constitus de personnes du mme sexe puis-sent adopter et que cela soit sanctionn par la loi. Il y voit quelque atteinte intolrable laltrit , ne se posant mme pas la question de savoir si des individus de sexe identique, du moins tels que la sexologie officielle et le

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  • pouvoir dEtat les apprhendent sous nos latitudes, puissent tre diffrents, ni mme si lassignation de tel ou tel individu tel ou tel sexe dtermin nest pas dj rductionniste, etc. Or, de telles assignations, dans lesquelles la sexualit au sens plein du terme, dfinie comme lune des inclinaisons spcifiques aux individualits humaines, serait dtermine stricto sensu par les organes reproducteurs que les bipdes humains possdent entre les jambes, sont depuis longtemps rejetes par des libertaires comme Jeanne Humbert. Il y a presque cent ans, dans ses confrences, contre les pres La Pudeur de la famille, de lglise et de lEtat, elle affirmait, avec ironie, que chez les humains, le principal organe sexuel est le cerveau . Manifeste-ment, Herv Le Meur nen est mme pas l. Bien sr, la suite de ce qui est reconnu aujourdhui par lEtat hexagonal, il reconnat que des personnes ne doivent pas tre condamnes, voire perscutes, pour leurs prfrences sexuelles, mme multiples. Sans plus. Mais, pour lui, la question des rela-tions affectives entre adultes et non-adultes, quil pose dans les limites de la dfinition de la famille, reste subordonne celle de la sexualit des pre-miers. Son discours sur laltrit ne signifie rien dautre.

    4Dans la mme optique, la loi sur le mariage gay rend donc lgal le mensonge aux enfants sur leur filiation. Paralogisme qui relve de limposture pure et simple et qui assimile, comme le premier intgriste venu, procration et filiation ! Mme les thologiens actuels les plus fins, tel le jsuite prsentement install au Vatican, reconnaissent du bout des lvres, dans la veine des dernires encycliques papales, que le mariage re-pose sur lamour, en particulier lamour des enfants que les pres et les mres lvent , ce qui implique de facto que procration et filiation soient dissociables, donc gniteurs et parents, dans les limites videmment du maintien de la famille chrtienne, adapte des conditions que lEglise ne peut plus ignorer sous peine de perdre encore du terrain. Dans la mme veine moraliste dorigine chrtienne, Herv Le Meur voque lintrt de la descendance, de faon dmagogique, pour justifier linjustifiable, savoir le maintien de linstitution actuelle de la famille nuclaire htrosexuelle, commencer par linstitution de la maternit, pose, comme la procra-tion en gnral, en termes de pure naturalit, hors du temps et de lespace.

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  • Lidologie des droits de lhomme, ici sous la forme des droits de lenfant, est donc convoque au tribunal de lidologie naturaliste pour condamner daussi impardonnables atteintes au Code de la famille. Amen.

    5Bien entendu, Herv Le Meur sait quil volue l en terrain min et il hsite faire sienne telle quelle la position des partisans du mode de filiation actuel, bien quil soit indign par laffirmation quun enfant puisse avoir deux mamans. Et donc pas de papa ! Aussi, il appelle de nouvelles tudes, autres que celles qui auraient prouv que les enfants levs par des parents homosexuels ne se portent ni mieux ni plus mal que les autres . Ainsi, des tudes amricaines rcentes prtendent, daprs lui, montrer que les enfants dont un parent a une relation homosexuelle ont beaucoup plus de problmes de dveloppement . Que des bambins levs par deux personnes, ou plus, du mme sexe, ou mme bisexuelles, soient a priori plus nvross que ceux levs par des personnes de sexe diffrent vivant en couple, lgalis ou non, est lun des principaux prjugs de la pdopsychia-trie institutionnelle, alors mme que toute lvolution de la famille nuclaire prouve sans conteste le contraire. Nul besoin dtudes spcialises addi-tionnelles pour le montrer. La ralit de la vie, en particulier dans les Etats modernes, en fait tmoignage. De mme, Herv Le Meur voit dans lano-nymat du gniteur, sanctionn par lEtat, lune des sources principales des nvroses des bambins adopts ou ns par le biais de la procration mdi-cament assiste. Mais, en lui-mme, lanonymat de lun des gniteurs, voire des deux, ne gnre rien de tel. Il est source de nvroses lorsque la famille est de type nuclaire, en particulier aujourdhui o, en pleine crise comme lensemble de la socit, elle apparat parfois, de faon illusoire, comme lul-time roue de secours face latomisation et au dboussolage gnral. Mais si nous suivons le schma dHerv Le Meur, la descendance de familles ba-ses sur la polyandrie, par exemple dans lHimalaya, devrait tre compose a priori de nvross, vu que les bambins connaissent leur gnitrice, mais pas leur gniteur et que, par suite, tous les hommes adultes de la famille sont leur pres ! Dailleurs, il existe encore des clans dans laire himalayenne qui, non contents dtre polyandres, acceptent lhomosexualit entre adultes en leur sein ! La polyandrie, bien quen rgression, est encore suffisamment an-

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  • cre l-bas pour quelle soit inscrite dans la constitution du Bhoutan. Je ne fait pas lapologie de tels modes de vie familiale, videmment, vu ce quils impliquent souvent en termes de hirarchie et de distribution de rles fi-gs, mais je voulais souligner quel point Herv Le Meur fait de la famille nuclaire, telle quelle est sanctionne ici par lEtat, le modle de rfrence. Comme le premier citoyenniste venu.

    6Herv Le Meur a beau jeu de brocarder sur les alinations relles qui peuvent exister dans les milieux gays, en particulier sur leur propen-sion sen remettre la technoscience pour tenter de dpasser le cadre de la famille nuclaire htrosexuelle. Alors mme que, via lacceptation de la nouvelle loi, ils ne font qulargir le champ des alinations spcifiques ladite famille nuclaire sans les dpasser. Sans mme voir quils ouvrent la porte des insanits transhumanistes et eugnistes relatives la prtendue amlioration des individus via la biologie, ou mme la gntique, insanits qui ne leur sont dailleurs pas spcifiques. Sans mme parler du choix du sexe de la descendance, grce des manipulations sur les cellules germi-nales, que nous promettent les gnticiens les plus la mode et sur les-quelles ils commencent plancher. Bref, le rejet de lidologie naturaliste, pouss parfois labsurde, gnre lide que les dterminations naturelles ne sont, a priori, que des constructions sociales quil faut donc dconstruire au nom de la libert individuelle, dans loptique initie par les idologues de la dconstruction, commencer par Michel Foucault, la rputation ra-dicale usurpe. Il nest gure tonnant que les plus acharns nihilistes en la matire, comme des fministes que jai eu loccasion de rencontrer dans les annes 1970, soient devenus des partisans des dlires eugnistes en ma-tire de procration et donc du choix du sexe de la descendance par ma-nipulation du gnome. Sans mme comprendre que, au nom de la critique dalinations millnaires, ils acceptent les formes les plus sophistiques de lalination actuelle, avec les fantasmes de puissance infinie qui laniment. Car, comme les possds de Fdor Dostoevski, partis de lide de libert illimite , ils en arrivent celle de despotisme illimit . Sans sombrer dans de telles extrmits, il est clair quil y a trs peu de critiques de la technos-cience dans les milieux et les lobbies gays daujourdhui, comme dailleurs

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  • dans lensemble de la socit, et quils placent en partie leurs espoirs dans la puissance quelle dploie mme lorsquelle les inquite. Quelle rgres-sion par rapport lpoque de la rvolution du dsir issue de Mai 68, lorsque le Front homosexuel daction rvolutionnaire affirmait son hostilit au mariage, y compris entre individus partageant les mmes inclinaisons sexuelles, et, parfois mme, prenait ses distances, travers des personnes comme Franoise dEaubonne, cofministe, envers le culte de la technos-cience. Mais ce nest pas une raison pour justifier les vieilles lunes de la do-mination, comme le fait Herv Le Meur.

    Voil, je pense avoir cern lessentiel. Nous sommes donc bien loin de ce qui apparaissait, de prime abord, comme le refus de la procration assiste par la mdecine et, de faon gnrale, comme le refus radical de lartificialisation de la vie , pour reprendre le nom du comit auquel parti-cipe Herv Le Meur. Concernant son dernier texte, je nhsite pas dire que ledit refus nest que la feuille de vigne qui cache les prjugs les plus conser-vateurs en la matire. Sous prtexte de rejeter le progressisme, il glisse sur la pente savonneuse du conservatisme, en bas de laquelle lattentent les d-fenseurs les plus vulgaires de la religion, de la famille et de lEtat. Il ne man-quait plus que le discours cologiste des chercheurs contestataires pour justifier leurs pieux dlires. Il le leur procure. Dcidment, il ny a rien de bien neuf sous le soleil blme de lidologie. Javais assist des spectacles analogues, il y plus de dix ans dj, lors des oppositions aux biotechnologies en France, lorsque des partisans de lidologie rductionniste encyclop-diste ntaient mme pas capables de dceler dans la rdaction de LEco-logiste des cofascistes, comme je lai signal dans La lettre ouverte des amis anglais sur LEcologiste . Concernant Faut-il changer la nature de la filiation ? , le moins que je puisse dire, cest que je reste pantois devant le fait que des libertaires diffusent de pareils textes sans y mettre le moindre bmol. Triste poque, en vrit.

    Andr DranAot 2013

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