françois cheng, le chant hollander- des âmes aimantes ncheng à paraître en avril, quand...

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Redécouverte de Pierre Benoit Pour le cinquantième anniversaire de sa mort, une biographie monumentale, signée Gérard de Cortanze, Pierre Benoit, le romancier paradoxal , et la réédition de six de ses romans rappellent que l’écrivain, aujourd’hui injustement oublié, est une des grandes figures de la littérature française. P. 4 Albin Michel Numéro 34 – printemps 2012 LIRE PAGE 16 Un kawabata inédit P. 3 Quand Lucien Febvre parlait à la jeunesse de France P. 9 Enfin un dictionnaire des athées P. 11 Elle avait seize ans lorsqu’elle a été déportée à Auschwitz-Birkenau. Elle s’est restituée progressivement à cette mémoire douloureuse, puis elle a emprunté les chemins de la pacification intérieure pour enfin renaître. Ce livre est une invitation, bouleversante, à devenir, chacun, créateur de sa vie. Non pas un ressassement de l’horreur, mais une méditation sur la voie qui mène des ténèbres à la joie. N otre premier et seul académicien d’origine extrême-orientale est aussi l’un de nos écrivains les plus uni- versels. D’une rare érudition en tout ce qui touche à la culture de son pays natal, François Cheng s’est enrichi année après année du meilleur des littératures française et européenne ; épris depuis toujours des poètes et des peintres chinois, il se laisse aussi toucher par l’esthétique occidentale ; venu d’une civilisa- tion foncièrement étrangère au dualisme méta- physique, il sait comme nul autre nous introduire à sa dimension ternaire (le ying, le yang, et le souf- fle du vide médian)… en s’abstenant de jamais présenter une civilisation, fût-elle la sienne, comme « supérieure » aux autres. Ses Cinq mé- ditations sur la beauté ont fait découvrir à des di- zaines de milliers de lecteurs ce qu’il y a d’uni- versel dans la vision taoïste du beau, mais elles témoignent aussi d’une profonde reconnaissance pour ce que le christianisme a apporté au monde : une solidarité essentielle envers la souffrance in- nocente, une interrogation irréductible sur le mys- tère du Mal. Dans le dernier opus de François Cheng à paraître en avril, Quand reviennent les âmes errantes, on retrouve cet universalisme exi- geant et ce jusque dans la forme d’écriture qu’il a choisie, ou plutôt qui s’est imposée à lui : dans ce « drame à trois voix avec chœur », on repère ici des accents claudéliens, on devine là comme des réponses au Hamlet de Shakespeare, on discerne l’omniprésence du destin dévisagé par les personnages à la manière des tragé- dies grecques. Et pourtant, nous sommes bien là au cœur de l’histoire chinoise, plus précisément à l’origine de l’empire du Milieu, bien avant l’ère chrétienne… François Cheng, le chant des âmes aimantes © Patrick Swirc SUITE PAGE 2 Magda Hollander- Lafon

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  • Redécouvertede Pierre BenoitPour le cinquantième anniversaire de sa mort, une biographie

    monumentale, signée Gérard de Cortanze, Pierre Benoit, le

    romancier paradoxal, et la réédition de six de ses romans

    rappellent que l’écrivain, aujourd’hui injustement oublié, est une

    des grandes figures de la littérature française. P. 4

    Alb

    in M

    iche

    l

    Numéro 34 – printemps 2012

    LIRE PAGE 16

    Un kawabatainédit P. 3

    Quand Lucien Febvreparlait à la jeunesse de France P. 9

    Enfin un dictionnairedes athées P. 11

    Elle avait seize anslorsqu’elle a été déportéeà Auschwitz-Birkenau.Elle s’est restituéeprogressivement à cettemémoire douloureuse, puiselle a emprunté les cheminsde la pacification intérieurepour enfin renaître.Ce livre est une invitation,bouleversante, à devenir,chacun, créateur de sa vie.Non pas un ressassementde l’horreur, mais uneméditation sur la voie quimène des ténèbres à la joie.

    Notre premier et seul académicien

    d’origine extrême-orientale est aussi

    l’un de nos écrivains les plus uni-

    versels. D’une rare érudition en tout

    ce qui touche à la culture de son

    pays natal, François Cheng s’est enrichi année

    après année du meilleur des littératures française

    et européenne ; épris depuis toujours des poètes

    et des peintres chinois, il se laisse aussi toucher

    par l’esthétique occidentale ; venu d’une civilisa-

    tion foncièrement étrangère au dualisme méta-

    physique, il sait comme nul autre nous introduire

    à sa dimension ternaire (le ying, le yang, et le souf-

    fle du vide médian)… en s’abstenant de jamais

    présenter une civilisation, fût-elle la sienne,

    comme « supérieure » aux autres. Ses Cinq mé-

    ditations sur la beauté ont fait découvrir à des di-

    zaines de milliers de lecteurs ce qu’il y a d’uni-

    versel dans la vision taoïste du beau, mais elles

    témoignent aussi d’une profonde reconnaissance

    pour ce que le christianisme a apporté au monde :

    une solidarité essentielle envers la souffrance in-

    nocente, une interrogation irréductible sur le mys-

    tère du Mal. Dans le dernier opus de François

    Cheng à paraître en avril, Quand reviennent les

    âmes errantes, on retrouve cet universalisme exi-

    geant et ce jusque dans la forme d’écriture qu’il a choisie, ou plutôt qui s’est imposée à lui : dans ce « drame

    à trois voix avec chœur », on repère ici des accents claudéliens, on devine là comme des réponses au Hamlet

    de Shakespeare, on discerne l’omniprésence du destin dévisagé par les personnages à la manière des tragé-

    dies grecques. Et pourtant, nous sommes bien là au cœur de l’histoire chinoise, plus précisément à l’origine

    de l’empire du Milieu, bien avant l’ère chrétienne…

    François Cheng, le chantdes âmes aimantes

    © Patric

    k Swirc

    SUITE PAGE 2

    MagdaHollander-Lafon

  • 2 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    François Cheng met iCi en sCèneune geste qui a hanté et hante encorel’imaginaire chinois : au iiie siècle avantJ.-C., l’un des derniers Royaumescombattants tente vainement de ré-sister au tyran implacable qui prendraplus tard le nom de Premier empereur.Engagés dans le choc de ce combathistorique où l’un et l’autre finiront parpérir, deux hommes, deux amis sesont épris de la même femme. Lepremier, sublime musicien, est autantl’incarnation du yin que le second,valeureux chevalier, l’est du yang.Dans cette relation à trois où se dé-ploie toute la complexité du désir hu-main, l’Aimée, pourtant soumise de-puis son enfance aux violences dumonde, entretient le souffle de vie quiélève l’homme jusqu’à sa plus haute

    dimension. Et à cette hauteur, ellecontinuera à dialoguer par-delà lamort avec ses deux amours, dont luireviennent les âmes errantes.

    Quelle est donC la nature de Cesingulier éChange qui se noue entreles protagonistes, après un drameaux multiples rebondissements qui atenu le lecteur en haleine? C’est làque François Cheng hausse la lé-gende chinoise à un niveau univer-sel, où chacun peut se sentirconcerné dans son rapport avec sapropre histoire et celle de ses défunts :le lien entre ces deux hommes quisont allés au-devant du sacrifice pourl’honneur et la liberté, et cette femmeamie-amante qui demeure en cemonde, ce lien se situe dans un « au-delà de la mort », mais pas encoredans l’Au-delà. Nous sommes tou-

    jours dans le règne terrestre, maisdans un règne élargi qui comprend ceque Rilke appelait le double royaumede la vie et de la mort. Aucune désin-carnation, aucun spiritualisme demauvais aloi dans cette expérienced’un espace-temps où toute la vievécue, extrêmes douleurs et extrêmesjoies mêlées, se trouve éclairée d’une

    lumière autre, revécue dans une ré-sonance infinie. Nulle invitation ici àl’extinction des désirs, souvent pré-sentée comme seule consolation,comme seul échappatoire à la tragé-die de l’histoire, de notre histoire. Toutau contraire, le poète nous invite àentrer de plain-pied dans ce royaumeoù peuvent se dire les désirs inas-souvis, à jamais inaccomplis, y com-pris ceux qui, seulement entrevus ourêvés, sont demeurés informulés. Cefaisant, le chant de François Chengnous entraîne dans une remontée à lasource, vers le Désir de tous les dé-sirs, par quoi l’univers est advenu, etpar quoi toute vie – dans un mélanged’effroi, de frisson et d’offrande – peutêtre éclairée. �

    4 � Anniversaire Pierre Benoit

    6 � Azouz Begag� Éric-Emmanuel Schmitt

    7 � La grande épopéedes Comanches

    � La presse en parle

    8 � Israel Jacob Yuval� Salomon Malka� Abdennour Bidar

    9 � Un livre, un éditeur parHélène Monsacré

    � Tommaso Campanella

    10 � Isis l’Éternelle� Les spiritualités en poche

    11 � Dictionnaire des athées,agnostiques, sceptiqueset autres mécréants

    � Redécouvrirdeux classiques

    12 � Odon Vallet� Daniel Duigou

    13 � Jeunesse

    14 � Comprendre l’obésité� L’angoisse

    du « placard vide »

    15 � Sciences

    16 � Magda Hollander-Lafon

    Sommaire

    Quand reviennent les âmes errantesFrançois Cheng160 pages, 14 €

    SUITE DE LA PAGE UNE

    En ces temps de campagne électorale,

    comme toutes les grandes maisons

    d’édition généralistes, Albin Michel a

    publié plusieurs essais et documents

    politiques d’actualité, dont la plupart se

    retrouvent d’ailleurs dans les listes de best-

    sellers. Mais notre maison se distingue, dans cette

    effervescence éditoriale, par la réédition de plu-

    sieurs ouvrages anciens ou même très anciens,

    dont la connaissance pourrait être bénéfique à la

    réflexion des lecteurs électeurs. Il y a tout d’abord

    cette perle rare, oubliée pendant plus d’un demi-

    siècle dans un grenier poussiéreux : Nous sommesdes sang-mêlés, écrit sur la sollicitation de l’Unescopar le grand historien Lucien Febvre. On pourra lire

    sa présentation par l’éditrice Hélène Monsacré

    page 9. Retenons seulement ici qu’il y est question

    de « civilisation française », mais pour montrer que

    celle-ci est essentiellement «  interdépendante  »

    avec mille sortes d’altérités, puisque traversée de-

    puis toujours par le métissage ethnique et culturel.

    Ce manuel d’histoire à l’usage des jeunes généra-

    tions aurait dû être publié au sortir de la Seconde

    Guerre mondiale. Au lendemain de la Première, Léon

    Blum publiait aux éditions de l’Humanité un livre des-

    tiné lui aussi à son fils et aux « jeunes filles et jeunes

    gens » de son temps, intitulé Pour être socialiste.Ce texte, qui avait été repris dans le volume III de

    l’Œuvre de Blum publiée par Albin Michel en1972, n’a pratiquement pas pris une ride. On y re-

    trouve toutes les grandes problématiques du so-

    cialisme, ses élans, ses rapports avec le marxisme,

    avec les principes de la Révolution, sa vision de

    l’homme et du monde – c’est pourquoi il est au-

    jourd’hui préfacé par André Comte-Sponville – et

    Blum y aborde même la question de ce que nous

    appelons aujourd’hui la mondialisation écono-

    mique ! Autres rééditions : l’Histoire de la littératureprolétarienne de langue française de Michel Ragon,et l’Histoire de la littérature libertaire, de Thierry Ma-ricourt, nous montrent toute la richesse d’une pen-

    sée contestataire sociale et politique, qui nourrit en-

    core nos débats actuels sans que nous nous en

    rendions toujours compte. À l’heure où les médias

    de l’instantanéité nous imposent leur rythme, il est

    salutaire de se ressourcer de temps en temps aux

    classiques oubliés de la dispute politique. �

    Jean Mouttapa

    Éditorial

  • 3L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Les PissenlitsYasunari Kawabata264 pages, 18 €

    «S ur les rives de l’ikuta fleu-rissent des pissenlits, à pro-fusion.  » Dans ce décorévocateur d’un printemps éclatant,deux personnages cheminent : lamère d’inéko et l’amant de la jeunefemme, Hisano. ils reviennent de l’hô-pital psychiatrique, abrité dans l’en-ceinte d’un temple, où ils ont conduitinéko, qui souffre d’une maladie inso-lite : des accès d’une cécité étrange-ment ciblée. Par moments, elle cessede distinguer certaines parties de sonpropre corps et aussi – et surtout – ducorps de son amant.Tandis que leur progression est ryth-mée par la cloche du temple – que lespatients de l’hôpital font sonner toutesles trois heures, cela fait partie de leurtraitement –, Hisano et la mèred’inéko devisent, et leur conversationse poursuivra toute la nuit dans uneauberge où ils ont fait halte. Un dia-logue surprenant, entrecoupé de ré-miniscences, de retours en arrière, dequestions sans réponses, de ré-flexions incongrues, poétiques, sur-réalistes.

    C’est la mère Qui a voulu l’interne-ment de sa Fille, s’appuyant sur lesmises en garde d’un psychiatre, dontune des patientes atteinte de la mêmemaladie a étranglé son bébé. Hisano,lui, n’est pas d’accord avec cette hos-pitalisation. il est persuadé quel’amour qu’il porte à inéko, et le ma-riage qu’il désire, pourraient la guérir.Au fil de leurs échanges, le lecteurcomprend que la maladie d’inékon’est pas sans rapport avec la chutemortelle de son père au cours d’unerandonnée à cheval, à laquelle elle aassisté, enfant. Ce traumatisme pour-rait être la cause du mal, mais rienn’est sûr. Plus ils s’interrogent, plus lesprotagonistes sont gagnés par le

    Dernier grand roman, inachevé, du prix Nobel mort en 1972, Les Pissenlits est le quatorzième titre

    de Kawabata à paraître chez Albin Michel – qui a publié en français la quasi-totalité de son œuvre,

    ainsi que sa correspondance avec Mishima. C’est l’occasion de découvrir un petit joyau. Un texte

    d’une originalité extrême, tant par sa forme narrative – essentiellement dialoguée – que par son thème.

    L’éclat aveuglant d’ErosLITTÉRATURE ÉTRANGÈRE

    doute. Un flou s’installe, qui sembleles contaminer, eux aussi. Hisano nevient-il pas de voir sur la berge de larivière une souris blanche… qui n’yétait pas ?

    si le roman avait été mené à sonterme, il n’est pas sûr que nous au-rions été fixés sur le cas d’inéko, ni surson sort. L’inachèvement – ambiguï-tés, lacunes, ellipses – est inhérent àl’univers de Kawabata. Comme dansLa beauté, tôt vouée à se défaire (Al-bin Michel 2002), on retrouve ici ceque Mishima appelait «  le lieu géo-métrique incontournable de la psy-chologie de l’auteur  », à savoir lethème obsédant du désir et de lamort, l’aspiration à l’osmose amou-reuse pouvant mener à la folie et aunéant. �©

    DR

    Errance et poésie,la non-pensée du Zen

    Au Japon, Ryôkan (1758-1831) est resté l’un des moines zen les plus célèbreset un poète toujours populaire. Au cœur d’un pays qui, en cette fin de l’ère Edo, étouffesous le poids de la bureaucratie shogunale, qui n’épargne pas les institutions monastiques,Ryôkan rejette les conventions de son temps pour revenir à l’essentiel :le dénuement et la contemplation. Installé dans une modeste hutte au toit de chaumeau pied du mont Kugami, il vit d’aumône, ne dispensant aucun enseignement, si ce n’estcelui, bien plus profond, de sa manière d’être qui incarne la sympathie et la compassion.Ses poèmes en chinois classique et ses haïkus, ainsi que ses calligraphies, l’imposentcomme l’un des plus fulgurants « non-penseurs » du Zen. « Si vous comprenez que mespoèmes ne sont pas des poèmes, alors nous pourrons parler poésie. »Hervé Collet et Cheng Wing fun lui dédient le présent portrait qui introduit une anthologiede ses poèmes et haïkus. Son œuvre, très personnelle, constitue un pur témoignaged’une vie intérieure intense, tout entière consacrée à la recherche de la Voie. �

    POÉSIE

    RyôkanMoine errantet poèteHervé Collet etCheng Wing fun354 pages,8,50 €

  • À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Pierre Benoit (1886-1962),les éditions Albin Michel rééditent trois titres du grand écrivain, accompagnés de préfaces inédites :Amélie Nothomb présente La Châtelaine du Liban ; Frédéric Vitoux, Axelle ; Éric-Emmanuel Schmitt,Mademoiselle de la Ferté. Le Livre de Poche republie L’Atlantide, Le Roi lépreux et Koenigsmark.Une édition commentée de L’Atlantide paraît aux éditions Magnard. Un album hors commerce,intitulé Pierre Benoit, l’étonnant voyageur, est offert pour l’achat de trois romans de Pierre Benoit.Enfin, une biographie intitulée Pierre Benoit, le romancier paradoxal, a été confiée à Gérard de Cortanze.

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    © DR

    le romancier paradoxal

    La Châtelaine du Liban Axelle Mademoiselle de la FertéPréface : Amélie Nothomb Préface : Frédéric Vitoux Préface : Éric-Emmanuel Schmitt320 pages, 19 € 400 pages, 19 € 304 pages, 19 €

    Pierre Benoit,© Archives Albin M

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  • Fils d’un militaire, né à Albi, Pierre Benoit a

    su se fabriquer un destin et donner un sensà sa vie. il a tout fait, tout dit, tout écrit. il atraversé enfant la Tunisie et l’Algérie, a ef-fectué son service militaire aux portes du dé-sert. il a parcouru le monde entier, a pataugédans la boue des tranchées de 1914, dirigé

    la Société des gens de lettres, a été un des plus jeunesacadémiciens français, a écrit 43 romans en 43 ans, etest mort d’amour.Dire de Pierre Benoit qu’il est un « romancier paradoxal »,comme l’écrit Gérard de Cortanze, c’est avancer qu’il faitpartie de ces hommes qui tirent leur richesse de leurcomplexité. Capable d’un regard très aigu sur la réalitéde son époque – n’écrivait-il pas que « le rôle d’un ro-mancier c’est d’être de son temps »? –, il laissait, danssa vie comme dans son œuvre, une large place à la rê-verie et au monde des songes, voire à la fantaisie. Jour-naliste extraordinaire, capable en quelques mots de fairele portrait exact des forces en présence sur la future terred’israël, de dénoncer les conditions de vie des abori-gènes en Australie ou l’imminence de la guerre en Éthio-pie, il pouvait prendre un plaisir serein à décrire l’eau ri-dée par le vent sur un étang landais, le vol d’un perdreau,ou à suivre les méandres de l’âme humaine.

    ConsCient, Comme dostoïevski, Que la vie et le men-songe sont synonymes, il fut toute sa vie à la recherched’une vérité, qu’il savait relative, mouvante, faite de fi-délités successives, mais qu’il plaça toujours au plus hautde son échelle de valeurs. Pierre Benoit cependant, par-fois malgré lui, reste un réfractaire, au sens le plus nobledu terme. Quand on lui demande de parler de sa théo-rie de l’écriture, il évoque ses interminables parties de be-lote. Quand on le pousse à raconter ses voyages autourdu monde, il prétend qu’il n’est jamais sorti de sa cabine.il n’est jamais là où on pense le trouver, toujours ailleurs,jamais où il prétend être. Quel singulier romancier que cethomme secret capable de s’abstraire du monde desmois entiers pour se plonger dans les eaux profondes desa création. Qui préfère la légèreté à la pesanteur. Quiaime la vie, les femmes, l’alcool, les bons repas, quipasse son temps à faire des blagues avec ses copains.Et quelle leçon que celle donnée par un être si tourmentémais qui ne laisse jamais rien paraître de sa nostalgie, desa tristesse, de sa vulnérabilité.

    FranCis esménard, petit-Fils du Fondateur albinmiChel, président actuel de la société éponyme… etfilleul de Pierre Benoit, a signé la préface de l’albumPierre Benoit, l’étonnant voyageur. il y écrit entre autresque cet écrivain hors du commun « est l’esprit d’aven-ture, et l’aventure comme état d’esprit ». Voilà un fait es-sentiel. Pierre Benoit, qui n’est jamais aussi libre et inventifque lorsqu’il raconte ses voyages, met cette matièrejournalistique au service de son œuvre romanesque. Etil ne s’interdit rien. il revendique pour écrire à la foisl’« expérience et la rêverie ». C’est-à-dire que sa vaste lit-térature sait faire la part belle au romanesque, au récitd’aventures, à l’exotisme, au fantastique, et n’hésite pasà « prendre le lecteur – ce prisonnier dont il s’agit, mêmeà son insu, de favoriser l’évasion – par le bras ». Telle estla leçon de ce maître romancier : l’écrivain, tout en s’en-fonçant dans l’épaisse forêt du réel, est avant tout un nar-rateur, un raconteur d’histoires. �

    Auteur de la biographie consacréeà Pierre Benoit, Gérard de Cortanzes’est immergé une année entière dansles archives du fonds Pierre Benoit.Cette plongée dans la vie d’un conteurd’aventures qui s’est fait lui-mêmeaventurier a constitué pourle biographe l’une des expériences

    les plus bouleversantes de sa vied’écrivain. Et cela se sent dansles 600 pages de son livre quise lisent comme un roman.On y suit pas à pas celui qui étaitdevenu célèbre dès la publicationde ses deux premiers romans,Koenigsmark et L’Atlantide. Reporter

    passionné, journaliste prophétique,voyageur invétéré (il fit l’équivalent decinq fois le tour du monde), romancierdu bonheur et de la joie de raconter,Pierre Benoit accumula les conquêtesféminines. Bien qu’ayant écrit à côtéde ses romans des dialogues de films,des pièces radiophoniques,

    des nouvelles, plusieurs centainesd’articles, il aimait à répéterqu’il n’avait été « ni journaliste,ni conférencier mais uniquementromancier ». Sa vie elle-même est unehistoire pleine de vie et de malheurs,de chutes et de rebondissements – decelles qu’il aimait raconter.

    Pierre BenoitLe romancier paradoxalGérard de Cortanze576 pages, 25 €

    5L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Paulhanavait raison, qui faisait

    de Pierre Benoitun « conteur arabe ».

    « Le devoird’un romancier,

    c’est d’êtrede son temps. »

    Pierre Benoit

    © Archives Albin M

    iche

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    Histoire d’un raconteur d’histoires

  • 6 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Une semainebretonne

    ROMAN

    Ouessant, l’île des confins bretons,de la pluie et des embruns…Une île où l’on n’imagine pasêtre accueilli d’un « Salam ». Le pèrequi y débarque pour les vacances avecses deux fillettes est fraîchement di-vorcé et a choisi Ouessant en souve-nir d’un ami d’école qui le défendaitquand, enfant, on lui disait de retour-ner dans son pays. il avait beau direqu’il était lyonnais comme tous ses ca-marades, ce qu’on lui renvoyait c’étaitson nom et son faciès d’Algérien,d’Arabe, de « pas de chez nous ».

    Que Faire Contre le raCisme ordi-naire, l’assignation à l’origine, lesamours mortes, la responsabilitéd’être père et l’affection pour ses en-fants qu’on ne sait pas exprimer ?C’est tout cela qu’évoque avec hu-mour, mélancolie, tendresse ce romanjuste et émouvant sur la constructionde soi, l’identité, la paternité. Et quandle père et ses deux filles reprendront lebateau ils seront salués d’un étonnant«  Salam  » par leur hôte, l’ami d’en-fance qu’ils croyaient un authentiqueBreton et dont le cœur pourtant estresté en Algérie… Azouz Begag saitde quoi il parle, lui qui a décrit dans LeGone de Châaba son enfance dans labanlieue lyonnaise et qui depuis plusde trente ans a pour cheval de bataillel’immigration et l’identité. �

    Salam OuessantAzouz Begag192 pages, 16 €

    D ix enfants dans la Chinecontemporaine? impossible !Tout le monde connaît la loidraconienne instaurée il y a bienlongtemps par le maoïsme. Ma-dame Ming, régente des toilettes ausous-sol du Grand Hôtel de Yunhaine peut que fabuler. L’homme d’af-faires parisien, de passage dans laprovince, écoute sans la croirecette grande dame évoquer sonimaginaire progéniture. Ho le joueuret le raté. Da Xia la justicière, qui rê-vait d’assassiner la femme de Mao.Kun et Kong, les jumeaux acro-bates. Li Mei, la merveilleuse des-sinatrice. Ru et Zhou, celui qui ré-fléchissait sans apprendre et celuiqui apprenait sans réfléchir. Wang lesubtil, qui inventait des jardins chi-mériques, et Shuang, le diseur detoutes les vérités à ne pas dire. Etsi ces enfants rêvés existaient

    bien ? Lui-même, le pragmatiqueOccidental, n’a-t-il pas avoué, parlâcheté, un fils et une fille qu’il n’apas ? Au cours d’un nouveauvoyage à Yunhai, il découvre la vé-rité. Madame Ming a bien une fille,Ting ting, modèle d’énergie et devolonté, complice des fantasmes desa mère. Un jour, elle réunira tous lesfigurants du grand mensonge ma-ternel, ses faux frères et sœurs, fra-trie désirée, née du besoin pas-sionné de peupler sa vie et lemonde d’une humanité multiplefaite de sages, de fous, d’artistes,d’indifférents et d’obstinés, de mé-diocres et de généreux, tous égauxet nécessaires dans le vaste songeterrestre. De retour chez lui, ébranlépar les fantasmagories de madameMing, l’homme se précipitera chezsa maîtresse afin de reconnaître l’en-fant bien réel qu’elle attend de lui.

    le « CyCle de l’invisible » n’a ja-mais mieux porté son nom. Ce nou-veau conte philosophique d’une ex-trême habileté, plein de surprises etd’inattendu, drôle et méditatif àchaque péripétie nous plonge aucœur de la philosophie confu-céenne, cet humanisme profond quiprécède le nôtre de près de deuxmille ans. Le destin imaginaire dechacun des  enfants invisibles demadame Ming, aussi disparatessoient-ils et malgré tous leurs erre-ments, démontre que les vertus del’amour, de la famille, de la justice,représentent la seule voie véritable –et persistent, à jamais sans doute,dans la Chine d’aujourd’hui. �

    La vie rêvée d’une humble femmedans la Chine d’aujourd’hui

    ROMAN

    Éric-Emmanuel Schmitt est l’un de ces auteurs rares qui maîtrise l’art du conte et de l’intrigue

    sans jamais sacrifier à la profondeur du propos. Son œuvre est multiforme, d’Odette

    Toulemonde au Visiteur en passant par L’Évangile selon Pilate, mais le « Cycle de l’invisible »,

    consacré aux grandes traditions religieuses, en constitue peut-être l’aspect le plus original.

    Inauguré en 1997 avec Milarepa, prolongé depuis avec Monsieur Ibrahim et les fleurs

    du Coran, Oscar et la Dame rose, L’Enfant de Noé et Le sumo qui ne pouvait pas grossir,

    il s’ouvre maintenant au confucianisme avec Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus.

    Les dix enfants que madameMing n’a jamais eusÉric-Emmanuel Schmitt126 pages, 12 €

    © Cathe

    rine Cab

    rol

  • 7L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    C raints par les Espagnols, lesFrançais et plus tard les Mexi-cains et les Américains, lesComanches ont bâti pendant deuxsiècles un véritable empire, du Texasau Nouveau-Mexique. Mais l’histoireprofonde et riche qui se déroule peuà peu dans le livre de Sam Gwynnen’est rien de moins qu’une véritablerévélation. Sam Gwynne ne secontente pas de raconter la vie deQuanah Parker. il entraîne le lecteurà l’époque de la Frontière où règnentla violence, le courage, le choc desarmes à feu et des flèches.

    le réCit s’ouvre aveC le raid menépar les ComanChes en mai 1836sur le ranch des Parker, une famillede l’illinois venue s’installer aux en-virons de ce qui est aujourd’hui Dal-las. ils sont parmi les premiers co-lons à empiéter sur le territoirecomanche, et les indiens ne letolèrent pas. ils manifestent leur mé-contentement en massacrant prati-quement tous les hommes de la fa-mille et en faisant captifs deuxfemmes et trois enfants. Les Co-manches ne sont pas une tribu in-dienne parmi tant d’autres, mena-cées par la « Destinée manifeste ».ils sont une véritable superpuis-sance qui contrôle une région allantdu Texas au Colorado, en passantpar l’Oklahoma, le Kansas et leNouveau-Mexique. ils ont soumisune vingtaine de tribus réduites aurôle de vassales. Cette dominationn’est pas accidentelle, elle résulted’une action délibérée sur un siècleet demi pour garder le contrôle desplus importants troupeaux de bi-

    sons. C’est l’introduction du chevalpar les Espagnols au XVie siècle quia fait de cette tribu l’un des pluspuissantes des Plaines.

    pour déFendre leur territoire,les Comanches sont prêts à fairerégner la terreur, à tuer et à torturer,mais avec des préoccupations d’or-dre politique et économique à l’es-prit. Si Cynthia Ann Parker a étéépargnée, c’est parce que les in-diens ont besoin des femmes pourmaintenir l’économie du bison : dé-pecer les bêtes, tanner les peaux,confectionner les tipis et les vête-ments… Cynthia met au monde unfils, Quanah, qui, à l’âge de douzeans, voit mourir son père et dispa-raître sa mère capturée par les sol-dats (elle tentera par tous lesmoyens de retrouver les Co-manches avant de mourir de cha-grin en 1870, à l’âge de quarante-trois ans, sans jamais avoir revuson fils ni ses autres enfants).

    dès lors, Quanah, devenu unguerrier puis un CheF, n’aura decesse de venger ses parents et demener une guerre sans merci auxBlancs. Mais les années 1870 sontdes années de profonds change-ments technologiques avec l’arri-vée du chemin de fer et des cara-bines à répétition. En dix ans àpeine, plus de trente millions de bi-sons sont massacrés et, avec eux,disparaissent la nourriture et la ri-chesse des Comanches. La supé-riorité des armes à feu américainesfera le reste. L’empire s’écroule.Quanah Parker et les siens dépo-sent les armes.Mais le second acte de la vie deQuanah est tout aussi remarquableque le premier. Résigné à vivre surune réserve, de guerrier sans merciil se transforme en éleveur pros-père et gagne même une staturepolitique en devenant l’ami deTheodore Roosevelt, ce qui lui per-mettra de défendre les droits desindiens. il joue aussi un rôle décisifdans l’établissement de l’Église desPremiers Américains, la NativeAmerican Church, qui intègrel’usage du peyotl dans les cérémo-nies religieuses chrétiennes.L’Empire de la lune d’été n’est passeulement une biographie, c’estsurtout l’affirmation de la place quetiennent les tribus indiennes dansl’histoire géopolitique de l’Amé-rique. �

    Ce livre relate deux histoires extraordinaires. D’un côté l’ascension

    et le déclin des Comanches, de l’autre la formidable histoire

    de Cynthia Ann Parker enlevée par les Indiens à l’âge de neuf ans

    et qui inspirera à John Ford La Prisonnière du désert. Son fils métis,

    Quanah, deviendra le dernier et le plus grand chef comanche et fera

    entrer son peuple dans la légende.

    L’Empire de la lune d’étéSam C. Gwynne432 pages, 24 €

    La presseen parle � � �� Loin de toute fiction, lamystique romancière interrogedans cet essai composécomme une parabole sarelation à Dieu, au Christ, toutcomme à l’écriture et auxécrivains qui l’ont influencée.Érudite et allégorique,profonde et infinimentsensible, la quête de SylvieGermain nous promène deBlanchot à Simone Weil.

    Télérama

    � Sylvie Germain est unauteur atypique qui sait mêlerquête spirituelle et quêtehumaine pour nous l’offrirdans une écriture qui toucheau plus juste. Sa penséenourrit le lecteur autantqu’elle l’emmène dans sespropres questionnements.

    La Croix

    � À sa manière tout à la foispudique et fiévreuse, SylvieGermain retrace son itinérairespirituel et cette forme deprière exigeante et magnifiquequ’est devenue pour ellel’écriture. La Vie

    � En ces Rendez-vousnomades, Sylvie Germainsillonne les chemins les plusescarpés de la philosophie, dela théologie, de la littératurepour approcher au plus près lenom brûlant de Dieu. De sonécriture forte, brève, urgente,elle affronte l’errance deschemins de traverse.

    Pèlerin

    Rendez-vous nomadesSylvie Germain196 pages, 15 €

    La grande épopéedes ComanchesHISTOIRE

    © M

    icha

    el Belk

  • 8 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    D es siècles de traditions idéo-logiques ont enfermé l’is-lam, l’assimilant à la seulesoumission à un Dieu dont leshommes ne seraient que les servi-teurs – créatures supérieures auxautres, certes, mais dénuées de toutlibre arbitre. Et si l’islam était aucontraire la chance pour l’humain denaître à sa pleine souveraineté, entant qu’héritier d’un véritable pou-voir divin ? Si être musulman ne si-gnifiait pas se soumettre éternelle-ment, mais au contraire se conduireen « immortel » et assumer en soi

    cette part de transcendance ?Abdennour Bidar, après avoir fondéson concept de self-islam, nousoffre ici une manière radicalementmoderne de lire le texte coranique ettente d’édifier avec audace un nou-vel existentialisme. Un existentia-lisme non plus athée ni chrétien, maispleinement musulman, qui mettrait enévidence la liberté de l’homme et dela femme – une revendication ma-jeure qui s’est révélée lors des diffé-rents « printemps arabes ». Ce sontainsi des contrées jamais exploréesque défriche pas à pas le philosophe,

    porté par un souffle inédit, celui del’espoir que l’islam puisse s’ouvrir àde nouveaux horizons. �

    Contre la conception dominanted’une différence radicale entreles idées, les symboles et les ri-tuels propres aux chrétiens et aux juifsà cette époque, l’auteur postule l’exis-tence d’un dialogue étroit entre le lan-gage des symboles juifs et chrétiens.

    l’histoire juive médiévale est doncenvisagée comme un échangeconstant, un jeu de miroir. Les créa-tions parallèles, les tensions mu-tuelles, les rivalités et les similaritéstroublantes caractérisent les relationsentre les deux religions qui n’ontcessé de s’observer, de se contredireet de dialoguer. Les juifs répondentaux attaques des chrétiens en adop-tant les symboles de « l’autre » pourmieux les renverser, les inverser et lesdétruire. Loin d’appartenir à deux uni-vers étanches, ces « frères ennemis »possédaient une subtile connais-sance les uns des autres.

    au-delà des représentations et desCliChés dominants, israel  J. Yuvalnous invite à repenser la définitionde l’autre dans le monde médiéval. ildémontre la force structurante, fon-datrice des conflits dans la constitu-tion d’une identité, d’une tradition etd’un éthos social spécifique.Par sa clarté, sa précision, sa rigueur,l’étendue des sources finement in-terprétées, ce livre apportera au lec-teur une somme de documents, decomparaisons et de discussions trèséclairantes. « Deux peuples en tonsein  » est d’ores et déjà considérépar les spécialistes comme un clas-sique de l’historiographie des juifs àl’époque médiévale. �

    Une autre voiepour penser l’islamISLAM

    Les « frères ennemis » :Juifs et Chrétiensau Moyen Âge

    HISTOIRE MÉDIÉVALE

    P récisément au moment histo-rique où le peuple juif retrouvaitsa terre ancestrale, le mondeassista à la découverte des Manus-crits de la mer Morte qui devait bou-leverser de fond en comble nosconnaissances sur la société juive àl’époque de Jésus. Salomon Malkas’est interrogé sur la façon dont lespenseurs sionistes puis les cher-cheurs israéliens ont été amenés, aucours du XXe siècle, à réviser fonda-mentalement le discours juif sur Jésus.

    son enQuête passionnante nous faitremonter jusqu’à Theodor Herzl etsurtout jusqu’à Joseph Klausner,idéologue du sionisme de droite, quifut le premier, dans les années 1930,à réinterpréter les Évangiles en resti-tuant « l’odeur du paysage » culturelet religieux qui les a vus naître. Après1948, de plus en plus de chercheursont consacré leur vie à tenter de ré-soudre l’énigme Jésus. SalomonMalka les rencontre un à un, deDavid Flusser à André Chouraqui, en

    Que disentde Jésus les rabbins etchercheurs israéliens?

    JUDAÏSME

    Dans ce livre portant sur l’histoire des mentalités

    et des représentations collectives, Israel Jacob Yuval

    renouvelle en profondeur la perception des relations

    entre juifs et chrétiens au Moyen Âge.

    Jésus rendu aux siensEnquête en Terre sainte sur uneénigme de vingt sièclesSalomon Malka288 pages, 8,50 €

    « Deux peuples en tonsein ». Juifs et Chrétiensau Moyen ÂgeTraduit de l’hébreupar Nicolas Weillisrael Jacob Yuval448 pages, env. 25 €

    L’islam sans soumissionPour un existentialisme musulmanAbdennour Bidar288 pages, 8,50 €

    passant par d’autres penseurs quil’interprètent comme un prophète,un « hassid », etc.Le lecteur est saisi par une approcheoriginale ne se limitant pas à l’histoireancienne mais qui interroge la mo-dernité. �

  • 9L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Découvert dans un grenier, après plus de soixante ans de sommeil, ce texte inédit, conçu et rédigéen 1950 par deux très grands historiens français, Lucien Febvre (1878-1956), fondateur avec MarcBloch des Annales, et François Crouzet (1922-2010), spécialiste réputé de la Grande-Bretagne,est un événement éditorial.Par ce « manuel d’histoire de la civilisation française », Febvre et Crouzet voulaient persuader leurs contem-porains que l’histoire avait une finalité éthique, qu’en éradiquant de son enseignement les ferments duracisme, du nationalisme, de la peur de l’autre, on pouvait former les jeunes générations à davantagede tolérance et de fraternité.

    l’idée de Ce livre vient d’une renContre avec un ethno-psychologue canadien de très haute réputation,Otto Klineberg, auteur d’un essai pionnier sur le racisme paru en 1935, qui pensait que les manuels sco-laires pouvaient montrer que chaque culture relevait d’emprunts aux autres nations, aux autres cultures.Le livre perdu au fond d’un vieille malle évoque cette grande utopie qui a présidé à la création de l’Unesco:guider le monde vers une paix universelle en s’aidant de l’outil qu’est la culture, rejeter la guerre dans le passéde l’histoire en désapprenant aux peuples les fables nationalistes dont l’histoire est chargée.On s’étonnera donc que ce manuscrit, commandé par l’Unesco et terminé en 1950, n’ait pas été pu-blié. Le refus de publication intervient dans un contexte de très grande tension entre Lucien Febvre etles historiens anglais à propos du plan de la future histoire de l’humanité engagée par l’Unesco. Les An-glais imposent en juin 1950 un plan européanocentriste qui va contre le projet de Febvre. D’où une ré-plique directe, dans un chapitre (XVi) du manuscrit, montrant que l’Angleterre est comme la France unpays de métissages culturels et que, globalement, elle n’a pas de leçon à donner aux autres peuples.Le manuscrit de Febvre et Crouzet a fait les frais de ce contexte d’oppositionentre deux visions de l’histoire : celle, progressiste et humaniste, de Febvre etd’une grande partie du comité français, et celle, conservatrice et positiviste,des Anglais.

    pour Que l’éduCation des jeunes à qui le livre est dédié, permette à ceux-cide faire naître un monde pacifié, il faut leur apprendre qu’être français, depuistoujours, c’est être un « sang-mêlé », que la « nation » peut être un mythe né-gatif, parce que la France ne s’est développée que grâce à une successiond’apports exogènes ayant contribué à la fois à son rechargement et à son dy-namisme créateur. Une France enfermée sur elle-même est une France sansvie, alors que la « civilisation » française a rayonné dans le passé parce qu’ellese ressourçait sans cesse grâce à sa capacité à recevoir, à assimiler et à re-donner. il n’y a pas de France « innée », mais une France composite, lente-ment construite sur la succession des hétérogénéités, et c’est tout le projetpassionnant de ce livre.

    Comme le disent denis et élisabeth Crouzet dans leur avant-propos, endonnant pour titre Nous sommes des sang-mêlés à ce livre, « nous avons eupour but d’indiquer que Febvre avait conscience d’écrire un livre de rupturepar rapport à une conception innéiste de l’histoire française dans sa longuedurée, conscience d’accomplir une mission d’alignement de cette histoire sur les avancées scientifiquesles plus récentes. Conscience de ce qu’il fallait chercher le sens d’une épistémologie de l’histoire dansles rencontres, les interactions ou interconnexions, les métissages, les interdépendances plutôt que leshaines et les violences ». �

    Enseigner l’histoire :un combat pour la paix

    Un livre, un éditeur

    par Hélène Monsacré

    Campanella,le grandprécurseur

    PHILOSOPHIE

    L e dominicain Tommaso Campa-nella (1568-1639), régulièrementaccusé d’hérésie, fut pourchassétoute sa vie par le pouvoir espagnol etpar l’inquisition. De ses vingt-cinq an-nées passées dans les geôles napoli-taines, ce libre penseur, qui ne cessade clamer son orthodoxie, a laissé uneœuvre considéra-ble et difficilementclassable. Pen-dant longtemps,on n’a retenu de luique le titre, La Citédu soleil, présentécomme une brèveutopie. Mais c’estnégliger son rapport avec le contexteeuropéen des premières années duXVie siècle et sa filiation avec l’œuvre cé-lèbre de Thomas More.

    dans Cette enQuête érudite et pas-sionnante, Jean-Louis Fournel cor-rige ce manque et propose une ana-lyse nouvelle et approfondie de la viede cet homme qui fut le témoin de lapremière mondialisation moderne.Campanella a placé la question de larelation de l’Europe avec le mondeau centre d’une méditation historiqueoriginale qui se demande commentpenser une histoire globale qui ne soitni tyrannique, selon les modèles an-ciens de l’expansion de la domination,ni coloniale, selon les modèles en voiede formation liés à la mondialisationde la guerre de conquête. Ce livreretrace le parcours de cette figurecentrale de la pensée philosophico-politique des XVie et XViie siècles quiavait compris que, depuis Colomb,Machiavel et Luther, il fallait voir lemonde autrement. �

    La Cité du soleil et le territoiredes hommesLe savoir du mondechez CampanellaJean-Louis Fournel368 pages, 24 €

    Nous sommesdes sang-mêlésManuel d’histoirede la civilisationfrançaiseLucien Febvre etFrançois Crouzet400 pages, 23 €

  • Le Fou divinDrukpa Kunley,

    yogi tantrique tibétainGeshey Chaphu

    � Drukpa Kunleyest le saint le pluspopulaire du Tibet.Mais par « saint »,il ne faut pasentendre un moinesouriant et dévot.Au contraire, c’estun personnagefantasque, voirecomplètement fou, qui pèteau nez des théologiens et qui enseignedes prières paillardes aux fillesde la campagne… Mais c’est avant-tout un fou divin qui fait voler en éclatsnon seulement les conventionssociales, mais aussi les conceptionstoutes faites que le mental, parhabitude, dresse entre nous et la réalitéauthentique. Telle est la voiedu yogi tantrique qui suit la traditiondu Mahamudra : il entraînedans son sillage les grandsmétaphysiciens ainsi que les gensles plus simples, qu’il inviteà se réconcilier avec les plaisirs del’existence – mais sans s’y attacher.Env. 200 pages, env. 7,70 € (mai)

    FutuwahTraité de chevalerie soufie

    Traduit et commentépar Faouzi Skali

    � La futuwah rassemble l’ensembledes traditions, coutumes et pratiquesqui constituaient le code de la viechevaleresque musulmane au MoyenÂge. Comme en Occident médiéval,l’initiation guerrière avaitdes rapports étroits avec l’initiationproprement spirituelle et l’initiationdes métiers. Ce traité de chevaleriesoufie est la traduction commentéedu texte arabe de Abû Abd al-Rahman

    ibn al-Husaynal-Sulamî datantdu xe-xIe siècle.

    Env. 160 pages,env. 6,40 €

    À PARAÎTRE EN JUIN

    10 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    On croit souvent que les dieux ancienssont morts. Rien n’est plus faux. ilssont tapis dans les recoins sombresde notre inconscient, et continuent de vivreparmi nous. Certes, nombre d’entre eux ontpéri au cours de la formidable théomachiedu tournant de l’ère chrétienne ; d’autrespourtant ont survécu, même s’ils ont dû pourcela se parer d’un léger voile. La plus mar-quante de ces figures d’une Antiquité tou-jours présente est isis, la célèbre déesse del’Égypte ancienne. Asèt, faudrait-il plutôt l’ap-peler de son nom véritable : « isis », en ef-fet renvoie déjà à son identité hellénistique,à travers laquelle elle devait conquérir lecœur des hommes et des femmesjusqu’aux confins de l’Empire romain. Par la suite encore, et pour biendes siècles, on retrouve la déesse préférée des pharaons à peinemasquée sous les traits de Vierges romanes, puis dans la franc-maçonnerie et les fêtes de la Révolution, sur le bateau des armoiriesde Paris, et dans les multiples évocations de « l’isis voilée » du romantisme.Adossé à des références historiques, archéologiques et littéraires so-lides, Isis l’Éternelle de Florence Quentin nous montre à quel point noussommes encore imprégnés de cette figure idéale de la Femme salva-trice, née il y a cinq mille ans. De Cléopâtre à Nerval en passant parl’empereur romain Hadrien, le philosophe Plutarque, la Vierge noire deNotre-Dame du Puy, c’est toute une histoire alternative de la religionqui est déroulée sous nos yeux. �

    Les métamorphosesd’une déesse

    HISTOIRE DES MYTHES

    Isis l’ÉternelleBiographied’un mythe fémininFlorence Quentin260 pages, env. 19 €(à paraître en mai)

    I l y a les grandes décisions de l’existence : se marier ou non, choisirun métier, changer d’emploi et de lieu d’habitation, divorcer ou res-ter ensemble. Et il y a les décisions quotidiennes… Nous sommesconfrontés en permanence à la nécessité de prendre des décisions, maissouvent nous agissons sans grande réflexion préalable. Or il n’est pasinutile de s’interroger sur ses choix et sur la façond’assurer les petites comme les grandes décisionsde manière à être en accord avec soi-même. Dansun premier temps, Anselm Grün demande à laBible quelles réponses elle apporte à ces questionsavant d’aborder les domaines spirituel et psycho-logique. Fidèle à son approche, il nous offre des so-lutions pour vivre mieux. �

    Comment décider de sa vieSPIRITUALITÉ AU QUOTIDIEN

    Choisis la vie ! Le courage de se déciderAnselm GrünEnv. 240 pages, env. 13 € (juin)

    KabirUne expérience mystique

    au-delà des religionsMichel Guay

    � Kabir est l’undes plus célèbresmaîtres spirituelsde l’Inde, maiségalement l’un desplus originaux. Ilappartenait denaissance à unecommunauté detisserands debasse caste convertis à l’islam maisqui conservaient maintes traditionset croyances hindoues. Certains leconsidèrent aujourd’hui comme unpilier du syncrétisme indo-musulman.Cependant, Kabir n’appartient à aucunereligion. Rejetant les gurus, il prône le rapport direct à Dieu, sansintermédiaire. Ce mystique quirevendique son origine populairerestera illettré toute sa vie et prônerala primauté de l’expérience mystiquesur la glose savante des brahmaneshindous comme des mullahsmusulmans.Env. 240 pages, env. 7,70 € (mai)

    Trois upanishadsIshâ, Kena, Mundaka

    Shrî Aurobindo� Fruit de lacollaboration entreShrî Aurobindo etJean Herbert,fondateur de lacollection« Spiritualitésvivantes », cevolume rassemblel’Ishâ Upanishad etle Kena Upanishad, commentés parle fondateur de l’ashram de Pondichéry,ainsi que sa traduction du MundakaUpanishad. Ces textes majeursde l’hindouisme forment à la fois lecomplément et le prolongementdes études du grand sage indien surla Bhagavad Gîta, publiées dans cettemême collection. Témoignage éloquentde la philosophie de cette collection,telle que Jean Herbert la concevait, cevolume fait se rejoindre les recherchessur les textes classiques et la spiritualitételle qu’elle se vit aujourd’hui, en Indecomme en Occident.Env. 256 pages, env. 7,70 €

    EN POCHE

  • 11L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Histoire de la littérature prolétarienne de langue française de Michel Ragon

    Histoire de la littérature libertaire de Thierry Maricourt

    il y a plusieurs façons de necroire en aucun dieu. On peutdouter de tous, juger que la

    question de leur existence est indé-cidable, ou encore affirmer leurinexistence. Cela définit trois posi-tions différentes : le scepticisme,l’agnosticisme, l’athéisme. Ce qui lesrapproche ? De n’être pas reli-gieuses. À la question “Croyez-vousen Dieu ?”, les partisans de l’un oul’autre de ces trois courants peuventen effet, en toute rigueur, apporter lamême réponse : “Non.” C’est ce quijustifie que Georges Minois ait pu lesrassembler dans un même et remar-quable dictionnaire : tous sont desmécréants, si l’on entend par là,conformément à l’usage, quelqu’unqui ne croit pas en Dieu. Ce n’estpas une raison, comme l’auteur le

    rappelle dès son titre, pour annuler,entre eux, toute différence. Ce qui lessépare ? La réponse qu’ils apportentà une tout autre question, beaucoupplus ambitieuse et difficile : “Dieuexiste-t-il ?” (ou, dans une culturepolythéiste, “Les dieux existent-ils ?”).Le sceptique répondra : “J’en doute”.L’agnostique : “Je n’en sais rien.”L’athée : “Non.” (…)

    Quel athéisme ? il y en a d’innom-brables, et autant que d’athées peut-être. L’athéisme n’est pas une doc-trine. On serait bien en peine detrouver une seule thèse positive quisoit commune à tous ses partisans,ou même à la plupart d’entre eux.C’est qu’ils ne s’accordent que sur cequ’ils refusent. ils n’ont en communqu’une seule thèse, purement néga-

    tive, que leur nom résume (athéos :“sans Dieu”) et qui suffit à les définir :ils pensent que Dieu, ou les dieux,n’existent pas. Pourquoi? Comment?Avec quels arguments? Contre quelsadversaires ? C’est ce que ce monu-mental Dictionnaire – d’autant plusimpressionnant qu’il est l’œuvre d’unseul auteur – permet d’explorer. (…)

    Ce DICTIONNAIRE, qui m’a beaucoupappris et qui rendra de grands ser-vices, est un travail considérable, quivient à son heure. il était urgent, faceà ce qu’on appelle parfois “le retourdu religieux” et qui prend trop souventla forme d’une montée des fana-tismes, de faire entendre d’autresvoix, qui sont de liberté, de lu-cidité, de révolte et d’in-croyance.

    La culture plurielle de l’incroyanceHISTOIRE« A-théisme » : la construction même du mot porte la marque de la négativité. Mais est-ce parce qu’ils ont en commun leur refus

    de la religion que les athées n’auraient d’autre à dire que ce « non » ? Leur pensée ne se résumerait-elle à ce seul déni ?

    Pour démontrer qu’au contraire, l’athéisme a de tout temps constitué une vision du monde multiple, féconde et donnant à penser,

    l’historien Georges Minois lui dédie un monumental dictionnaire qui va d’Anaximandre de Milet à Émile Zola en passant par

    Socrate, Voltaire, Aragon ou encore Woody Allen, ainsi que des dizaines de figures méconnues. Il apporte par là une contribution

    précieuse à l’histoire de la pensée, comme l’explique André Comte-Sponville dans sa préface.

    Deux ouvrages du fondsd’Albin Michel, majeurs pourla mémoire des mouvementspopulaires et contestataires,ressuscitent aujourd’hui.Le premier, publié par MichelRagon en 1974, est sonHistoire de la littératureprolétarienne de languefrançaise. Celle-ci est unelittérature de témoignageécrite par des ouvriersou paysans, autodidactesayant eu une formationde travailleurs manuels, qui

    nous montrent le visageauthentique du peuple d’oùils sont issus, son évolution,ses aspirations, ses plainteset ses joies. Presque tousoubliés, ils sont réunispar Michel Ragon dansun panorama complet,un recensement méthodiquequi va du Moyen Âgeà nos jours et qui estaccompagné d’abondantescitations de leurs œuvresintrouvables en librairie.Ce mémorial littéraire plaide

    pour que notre culturenationale cesse (alors que tantde politiques se réclament du« peuple ») de faire l’impassesur la parole des classespopulaires elles-mêmes.Le second ouvrage réédité estl’Histoire de la littératurelibertaire de Thierry Maricourt.De Jules Vallès à HenryPoulaille, de Louise Michel àMaurice Joyeux, en passantpar Octave Mirbeau ou AlbertCamus, voici un reflet de tousles courants anti-autoritaires

    qui ont marqué notre histoire,et qui se sont exprimés dansles genres littéraires les plusdivers : le roman bien sûr, maisaussi le théâtre, la poésie,le pamphlet… Cette littératureanarchiste n’est pas sans lienavec la prolétarienne dontparle Michel Ragon, puisquecentrée sur l’injustice faiteau peuple. Et on sait qu’elleest chère à l’auteur d’un autreclassique d’Albin Michel,le roman culte de l’anarchie,La Mémoire des vaincus.

    336 pages, 24 €

    496 pages, 24 €

    Redécouvrir deux classiques d’Albin Michel

    Dictionnaire des athées,agnostiques, sceptiqueset autres mécréantsGeorges MinoisPréface d’André Comte-Sponville462 pages, 25 €� Du même auteur :Le Traité des trois imposteursHistoire d’un livre blasphématoirequi n’existait pas328 pages, 20 €

  • Depuis de nombreuses annéesmaintenant, Odon Vallet est re-connu comme l’un des meilleursvulgarisateurs de la culture religieuse.Ses livres sont devenus des clas-siques, en particulier ses Petitslexiques, mais il est aussi présent dansles médias : à latélévision bien sûr,et dans le maga-zine Le Mondedes religions, où ilrépond mois aprèsmois aux ques-tions des lecteurs.Les grandes reli-gions ont-elles étécréées par l’homme pour lui ôter la peurde la mort? Quelle est la signification del’enfer, du purgatoire et du paradis?D’où vient le mot « Dieu »? Pourquoi leporc est-il interdit aux juifs ou aux mu-sulmans et le bœuf aux hindous?Jésus a-t-il « fauté » avec une ou desfemmes? Quelle était la religion deMohammed avant la révélation cora-nique?… Autant d’interrogations, ré-vélatrices du questionnement de noscontemporains sur le fait religieux, etauxquelles Odon Vallet apporte des élé-ments de réponse accessibles à tous.il les a réunis ici, agrémentés de nom-breux dessins humoristiques dus à laplume de Georges Million, bien connudes lecteurs de Témoignage chrétiencomme des Échos. �

    12 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    Tout ce quevous aveztoujoursvoulu savoirsur Dieu sansjamais oserle demander

    RELIGION

    Dieu et les religionsen 101 questions-réponsesOdon Vallet196 pages, 12 €

    V anité des vanités nous invitaità rencontrer l’auteur d’un deslivres les plus étranges de laBible, d’une étonnante modernitédans son apparent pessimisme etson aspiration à la sagesse : l’Ec-clésiaste. Avec ce nouveau livre,construit sur le même jeu d’échosentre récit et réflexion, Daniel Duigounous invite à scruter un autre pas-sage mystérieux du Premier Testa-ment, le mythe de la tour de Babel.Cette histoire, aussi fondamentaleque celles de la Création ou du sa-crifice d’Abraham, tient en seulementneuf versets ! Neuf versets oùchaque mot compte, qu’il faut lire àpartir de la sémantique hébraïque,comme nous y invite Daniel Duigou,si l’on veut éviter de tomber dans lescontresens courants sur « Dieu quine veut pas que les hommes par-viennent à sa hauteur », « Dieu qui

    punit les hommes de leur prétentionen les privant d’une langue com-mune », etc. L’idée d’un Dieu jalouxde sa Toute-Puissance, et qui déci-derait en quelque sorte de diviserpour mieux régner, est aux antipodesde la lecture que fait Daniel Duigoude ce récit. Car il n’est pas questionici de punition, mais de libération :l’homme n’est pas empêché, dimi-nué, mais au contraire délivré du pro-jet fou qui l’habitait, celui d’en finiravec l’errance pour s’installer dansle confort d’une construction gran-diose, où régnerait l’uniformité. L’ap-parition de la différence des languesn’est pas une catastrophe, mais bienplutôt une chance : la cohabitationdes différences est seule à permet-tre le surgissement du nouveau.L’homme est ainsi jeté dans l’errancesalutaire d’un incessant question-nement de sens… et tout de suite

    après le récit de Babel, viendra ce-lui d’Abraham qui est appelé àprendre la route « vers lui-même ».

    tout Cela nous ConCerne iCi etmaintenant, précise Daniel Duigou.À l’heure où certains rêvent d’un« village global » dans lequel toutesles langues vernaculaires disparaî-traient au profit du globish, à l’heureoù la volonté prométhéenne de la fi-nance et de la technocratie tendentà s’imposer au monde entier pourasseoir une civilisation de l’efficaceet du rentable, nous nous trouvonstous au pied de la tour de Babel. Etl’Église elle-même vit cette problé-matique, hésitant entre l’affirmationcrispée d’un corpus de croyanceset de valeurs morales, et l’accom-pagnement de l’homme dans sonerrance et sa diversité essentielles.Elle aussi doit apprendre que l’unitéparfaite n’est qu’un (mauvais) rêve,que rien n’est jamais fini ni établi,que tout est à commencer. �

    La mondialisation culturelle,notre « tour de Babel »

    SPIRITUALITÉ

    Les « méditations au désert » de Daniel Duigou, nourries par une longue expérience de

    journaliste et de psychanalyste, inspirées par son engagement de prêtre, avaient déjà

    séduit de nombreux lecteurs avec Vanité des vanités. Il nous offre aujourd’hui de

    « nouvelles méditations au désert », alternant elles aussi les récits de la palmeraie

    marocaine où il s’est installé, et de pénétrantes lectures bibliques.

    À l’ombre de la tour de BabelNouvelles méditations au désertDaniel DuigouEnv. 300 pages, env. 17 € (mai)

    © Julien Cha

    telin/Féd

    épho

    to

  • 13L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    La journaliste Monique Gilbert,présente dans cet ouvrage de-venu un incontournable de-puis sa première édition (en 1977chez Ramsay), les quatre confessionsmonothéistes les plus présentes enFrance. il décrit sobrement et avecneutralité comment les catholiques,les protestants, les juifs et les mu-sulmans vivent leur foi et pratiquentleur croyance. Une introduction re-lève les nombreuses similitudes deces religions monothéistes, en des-sine l’historique, compare les ca-lendriers, précise des mots, et enfinsitue sur des cartes les lieux où ellessont nées. Sont ensuite détaillés, se-lon la même trame, à travers le

    quotidien de deux enfants: la manièredont ces croyants, aujourd’hui,voient leur Dieu ; quels sont leurs li-vres de référence ; les principalesprières ; le calendrier et les fêtes re-ligieuses; le lieu de culte ; les guides;les grands évènements de la vie descroyants ; les différents « courants ».Un index et des biographies deJésus, Mohammed, Abraham,Moïse, Luther et Calvin complètentl’ouvrage.

    un livre Fourni et utile pour tousceux qui pensent que de laconnaissance naît la compréhen-sion entre les êtres. À consulter,dès 8 ans et en famille. �

    Les éditeurs jeunesse comme lesparents ou les éducateurs ont àcœur de proposer aux enfantsdes ouvrages historiques susceptiblesde les séduire et de les intéresser. Lesadultes cherchent ainsi à transmettreun ciment commun de connaissanceshistoriques, et souhaitent aider les en-fants à se repérer dans le passé pourmieux se situer dans leur présent.Mais la plupart de ces ouvrages ne sepréoccupent pas de donner une visond’ensemble et le morcellement deleurs informations ne permet pas decomprendre la chronologie des faits etla simultanéité des évènements.

    après UN TOUR DU MONDE AU MOYENAGE publié en octobre 2010, voici doncUn tour du monde dans l’Antiquité.L’ouvrage s’intéresse, sur une périoded’un siècle (le premier avant notre ère),à différentes formes de pouvoir, à desgroupes sociaux variés, à des produc-tions techniques et artistiques, aux in-teractions et aux échanges qui se liaientalors dans le monde.Dans un format d’album généreux, lestextes courts et exigeants sont asso-ciés à des images qui font beaucouppour l’attrait de l’ouvrage ; les grandesiconographies d’archives choisiesavec soin et les images contempo-raines d’inspiration historique, crééespar l’artiste Christelle Enault, sontnombreuses et bien mises en valeur.

    UN TOUR DU MONDE DANS L’ANTIQUITÉs’organise, pour une lecture à la foisbuissonnière et articulée, autour dechapitres récurrents : – 3 dossiers (au-tour de l’empereur chinois Wudi, duchef guerrier gaulois Vercingétorix, dela reine égyptienne Cléopâtre), – 12doubles pages thématiques (châti-ments, maladies et médecines,beauté, nourriture, hygiène, arts, vê-tements, architecture, sciences, es-clavage, le peuple juif, anecdotes his-

    toriques) qui juxtaposent les différentesconnaissances, les habitudes, lesavancées de pays des cinq conti-nents, – 4 portraits de personnagesimportants du ier siècle avant notre ère(la candace Amanishakhéto au Sou-dan, le gladiateur italien Spartacus, le

    général parthe Suréna, le roi de JudéeHérode le Grand) – 6 thématiques enimages (les voyageurs du monde an-tique, les tactiques guerrières, lesguerres de Gaule, les dieux etdéesses, les généraux/légionnaires/centurions, les jouets et jeux…). Une

    chronologie conclut l’ouvrage. Les sa-voirs et la documentation sont plusfournis sur la vie des puissants que surcelle des petites gens ; mais grâce auxmille et un détails, aux anecdotes iné-dites et savoureuses que les auteuresont minutieusement cherchées et ras-semblées, le lecteur s’immerge dansla vie quotidienne de l’Antiquité, de laTurquie à l’Équateur, de l’inde à laChine, de l’iran au Soudan… et satis-fait une curiosité à la fois intellectuelleet sensible.Dans le plaisir et l’étonnement, le lec-teur, enfant ou adulte, s’informe plusqu’il ne l’aurait imaginé. �

    L’incontournable pour répondreaux questions des enfants sur les religionsGUIDE

    Un tour du monde dans l’Antiquitéou comment voir le monde au même momentJEUNESSE

    Ce documentaire donne une vision globale et très originale d’un siècle de l’Antiquité ; aux enfants dès 9 ans, il fait partager,

    dans le monde entier et au même moment, la vie quotidienne d’hommes, de femmes et d’enfants traversée par l’effervescence

    de la grande histoire.

    Un tour du monde dans l’Antiquitéimaginé et écrit par Laurence Quentinet Catherine Reisserillustrations de Christelle Enault80 pages en quadrichromie avecplus de 100 visuels, 17,50 €

    Il était plusieurs « foi »Pour répondre aux questionsdes enfants sur les religionsMonique GilbertDessins de Mokeït Van Linden208 pages, 15,90 €

  • 14 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    C omment expliquer le grand re-tour des ancêtres en psy-chothérapie? Freud n’ignoraitpas leur importance : chacun denous n’est pas seulement déterminépar le triangle Papa-Maman-Bébé,mais aussi par une cascade d’in-fluences venues de son arbre gé-néalogique.

    Certes, le Fondateur de la psy-Chanalyse avait assez à faire avecl’Œdipe, et c’est consciemment, se-lon certains, qu’il aurait remis l’étudedes ascendances à plus tard. Beau-coup plus tard. il aura fallu attendreun siècle pour que la dimensiontransgénéalogique soit vraiment re-

    connue par les milieux autorisés dela psychologie.  Et brusquement,cette reconnaissance prend l’allured’un mouvement : la psychogénéa-logie émerge dans de nombreusespratiques et écoles. C’est à une largeprésentation de celles-ci qu’estconsacré J’ai mal à mes ancêtres,sous la forme de sept entretiensavec des acteurs majeurs de cemouvement : Dr Anne Ancelin-Schützenberger, Bert Hellinger,Chantal Rialland, Vincent de Gau-léjac, Serge Tisseron, Didier Dumaset Alexandro Jodorowsky, qui a parailleurs publié récemment Métagé-néalogie : la famille, un trésor et unpiège. �

    Comment comprendre cette fo-calisation de certains êtres surla nourriture ? Y aurait-il desdéterminations psychiques à devenirobèse? À travers une série de castrès représentatifs, de tous les âgeset de tous les milieux, CatherineGrangeard aide à comprendre lacharge d’angoisse et de souffrancequi est celle du sujet obèse. Elle dé-crypte l’hyper-excès de poids, etmontre comment le rapport à l’ali-mentation traduit le rapport à soi etau monde.

    le reCours à la psyChanalyse aideà prendre conscience de ces fac-teurs personnels, à comprendrecomment le psychique et le soma-tique s’articulent. Elle permet ainside prendre de la distance : en s’écar-tant du symptôme on peut s’intéres-ser au sujet, à son histoire, à sa pa-

    role, au lieu d’être aveuglé par saforme, ses formes. Parce que l’indi-vidu obèse est avant tout un être so-cial, sensible à son environnementet à sa culture, de nombreux élé-ments sont à prendre en compte. Selimiter à la question de l’alimentationcompromet inéluctablement les pro-jets de perte de poids, même quandla meilleure volonté les accompagne.Grâce à l’empathie de l’auteur, ce li-vre devrait toucher les personnesconcernées mais également intéres-ser leur entourage, tout comme lesprofessionnels qui les accompa-gnent. �

    La dimensiontransgénéalogiquePSYCHOLOGIE

    Le poids des mauxSOCIÉTÉ

    S ’habiller, acheter des vête-ments, définir son style… lesfemmes et le vêtement, c’esttoute une histoire. Futilité ? Pas for-cément. La plupart des femmesconnaissent des moments d’achatcompensatoire, venant combler l’an-goisse. Ce ne sont que des moments.Pour nombre d’entre elles cela tourneà l’achat compulsif et véritablement àl’addiction – ce qui fait la fortune desfabricants de prêt-à-porter.

    les psyChanalystes élise riCadat etlydia taïeb ont écouté ces patientes,celles qui ont toujours un besoin qua-siment irrépressible d’acheter un vête-ment qui leur irait mieux que ceuxqu’elles ont déjà, et les autres pour quis’habiller est source d’angoisse.Quand le vêtement-plaisir se trans-forme en vêtement-dépendance,cette petite phrase anodine et si sou-vent entendue: «  Je n’ai rien à memettre  » traduit une réelle difficultéidentitaire concernant leur féminité.C’est pourquoi ces femmes cherchentvainement à se rassurer par l’achat

    d’un vêtement. De l’identité féminineau vêtement porteur de féminité, dujeu à la dépendance, d’un corps nu etassumé à un corps en quête d’enve-loppe, cet ouvrage retrace la longueroute que représente la constructionde « l’être femme » au travers de cetélément hautement investi par lesfemmes qu’est le vêtement. Un essaitrès éclairant sur un sujet intime etinavouable. �

    L’angoissedu « placard vide »SOCIÉTÉ

    En augmentation croissante dans notre société, l’obésité

    apparaît aujourd’hui comme un phénomène de société.

    Pourtant, la réponse habituelle apportée à cette énigme

    se limite trop souvent à la qualité et la quantité

    de l’alimentation. Or, explique Catherine Grangeard –

    psychanalyste et membre de réseaux de prise en charge des

    personnes obèses –, il s’agit d’une pathologie plurifactorielle,

    voire multiple, car il existe plusieurs types d’obésités.

    Rien à me mettre !Le vêtement, plaisir et suppliceÉlise Ricadat et Lydia Taïeb224 pages, 16 €

    Comprendre l’obésitéUne question de personne,un problème de sociétéCatherine Grangeard224 pages, 16,90 €

    J’ai mal à mes ancêtres.La psychogénéalogieaujourd’huiPatrice Van Eerselet Catherine Maillard208 pages, 6,50 €� À lire également :Métagénéalogie : la famille,un trésor et un piègeAlexandro Jodorowskyet Marianne Costa544 pages, 25 €

  • 15L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

    L e temps n’est directement per-ceptible par aucun des cinqsens, et pourtant il a une réalitéindéniable. En écrivant que « les jourssont peut-être égaux pour une horloge,mais pas pour un homme », MarcelProust montre lacoexistence d’untemps objectif, quipeut être mesuré,et d’un tempssubjectif, qui estvécu. La percep-tion du temps secomplexifie en-core lorsqu’on veut se représenter lestemps longs de l’histoire, de la géolo-gie et de la cosmologie. On apprendà l’école, des dates (732, 800, 1515etc.) qui servent de repères dans lalongue chronologie de l’histoire de laterre et des hommes. Mais faisons-nous la différence entre 17000 ans (or-nements de la grotte de Lascaux),400000 ans (maîtrise du feu par les ho-miniens) ou encore 70 millions d’an-nées (âge du tyrannosaure) ?

    C’est pour nous aider à prendreConsCienCe de ces différenteséchelles temporelles que Patrick DeWever, professeur de géologie au Mu-séum national d’Histoire naturelle etmembre de la Société française degéologie, remet en perspective lesnotions de « temps longs » et d’ins-tantanéité et nous entraîne dans lareconstitution de l’histoire de la Terreen dépassant les questions stricte-ment scientifiques. Temps de la Terre,temps des hommes est une pas-sionnante démarche de détective dupassé qui mêle l’humour et une ri-gueur scientifique absolue. �

    Décrypterl’horlogede la terre

    GÉOLOGIE

    Temps de la Terre,temps des hommesPatrick De Wever224 pages, 20 €

    G râce aux nouvelles technolo-gies d’imagerie corticale,nous avons désormais lapreuve que notre cerveau est no-tamment :– neuro-plastique : même âgé, han-dicapé, voire amputé, le systèmenerveux central peut se reconsti-tuer et repartir à l’assaut desconnaissances et de l’action sur lemonde ;– neuro-social : un cerveau n’existejamais seul, mais toujours en réso-nance avec d’autres. Mieux : noussommes neuronalement constituéspour entrer en empathie avec autruiet aller à son secours.Combiner ces deux approches,c’est admettre qu’Homo sapienspeut changer en modifiant lui-même sa structure – et donc que lemonde n’est pas forcément fichu,puisque nous pouvons décider dedevenir des Homo ecologicus ! Lesdernières découvertes montrentque nos structures neuro-psychiques sont en permanent re-

    formatage, nuit et jour, jusqu’à no-tre dernière heure et que le simplefait de se rappeler un souvenir mo-difie instantanément les réseauxneuronaux qui le sous-tendent. Uti-liser ce reformatage de façon posi-tive et altruiste va devenir un enjeucrucial des temps à venir.

    pour bâtir Ce livre, nous sommespartis à la rencontre de cinq méde-cins « psy » qui sont aussi des cher-cheurs et qui ont intégré cette nou-velle vision du cerveau dans leurspratiques cliniques :– le neuro-psychiatre Boris Cyrulnik,qui montre que la résilience (grâceà laquelle il est possible de dépas-ser même des traumatismesgraves) repose entièrement sur laplasticité neuronale ;– le neuro-pharmacologue PierreBustany, qui raconte la révolutiondes nouvelles technologies d’ima-gerie neuronales et corticales ;– le psychiatre et psychologueJean-Michel Oughourlian, qui jette

    des passerelles entre «  neuronesmiroir » et « désir mimétique », abou-tissant à une nouvelle psycho-anthropologie ;– le psychiatre Christophe André,qui explicite la mise en pratique desdécouvertes neuro-cognitives faitessur les moines en méditation ;– le chirurgien devenu psychothé-rapeute Thierry Janssen, qui tireune philosophie de cet ensemblede recherches, tout en se deman-dant si la médecine d’Orient ne se-rait pas mieux outillée que la nôtrepour comprendre le cerveau.Notre cerveau pourra-t-il jamaispercer entièrement ses propresmystères ? La conscience est-elleun produit du cerveau, ou consti-tue-t-elle un état du réel en soi, quele cerveau ne ferait que capter etque nous pourrions isoler de nosneurones ? Questions à la fois brû-lantes et éternelles, que les der-nières recherches scientifiques re-posent de façons nouvelles. �

    Le cerveau humainest plus génial que prévuSCIENCES

    On savait que le cerveau humain était l’entité la plus complexe de l’univers connu.

    Mais le feu d’artifice de découvertes récentes dépasse l’entendement et fait exploser

    tous les schémas. Il ne s’écoule pas de mois, voire de semaine, sans que neurologues,

    neuro-physiologistes ou neuro-psychiatres viennent conforter une idée forte :

    notre cerveau est plus génial que prévu.

    Votre cerveau n’a pas finide vous étonnerPatrice van Eersel240 pages, 18 €©

    Marc Mélki

  • 16 L’Homme en Question � PRiNTEMPS 2012

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    ALBIn MICHeL, 22 rue Huyghens, 75014 Paris – Tél. : 01 42 7910 92 – Fax : 01 43 272158 – www.albin-michel.frRédaction : Jean Mouttapa, éditeur ; Julien Darmon ; Anne-Sophie Jouanneau – Coordination : Gil Rousseaux – Maquette : Caractère B.

    M agda Hollander-Lafon est née en Hongrie,d’où elle a été déportée avec sa familleà l’âge de seize ans vers Auschwitz-Birkenau. Une des pages les plus sombres de l’his-toire de la Shoah : la déportation des juifs hongroisse déroula massivement à la fin de la guerre, et demanière extrêmement rapide. Pour la plupart, ilsétaient destinés à être gazés immédiatement à leurarrivée dans le camp, où venait d’être construite,pour faciliter ces opérations, la rampe dite des Hon-grois – que l’on voit encore aujourd’hui à l’entréede Birkenau. Magda ne reverra pas sa famille. Elleseule aura survécu à la sélection fatale du docteurMengele, mentant sur son âge, grâce à un détenuqui, au péril de sa vie, lui murmura : « Dis que tuas dix-huit ans. »

    dans l’enFer ConCentrationnaire, d’autresmains lui seront tendues, comme celles de cettefemme mourante qui, l’appelant du regard, lui ditde prendre dans sa main les quatre petits boutsde pain qu’elle ne pouvait plus manger : « Prends.Tu es jeune, tu dois vivre pour témoigner de ce quise passe ici. Tu dois le dire pour que cela n’arriveplus jamais dans le monde. »Ces dons furent pour Magda autant de renais-sances. Longtemps elle les oublia, ainsi que lesheures les plus sombres de cette jeunesse volée.Puis, dans un sursaut de vie, bien des annéesaprès, elle se restitua à cette mémoire par fidélitéenvers ces voix que l’on avait fait taire, pourqu’elles ne soient pas tuées deux fois, pour que lamort n’ait pas le dernier mot.Ces Quatre petits bouts de pain sont une médita-tion. Les mots sont puisés à la source de la vie, in-térieure, profonde. ils se sont nourris de ses ren-contres, comme ces dizaines de milliers de lycéensauxquels elle a parlé de son expérience, depuis plusde vingt ans. Pour ne pas leur imposer une mé-moire trop lourde, ou une parole mortifère, elle a éla-

    boré une méthode qui repose sur le questionne-ment. Ainsi celui qui l’écoute ne se trouve pas faceà la culpabilité ni face à la mort, mais face à la res-ponsabilité et à la vie – à la sienne, aujourd’hui. Carpour Magda Hollander-Lafon, il y a une certitudeque nous enfouissons trop souvent : chacun denous est unique, porteur d’une richesse, et c’estvers celle-ci qu’elle nous convie.

    Un livre porteur d’une joie spirituelle, une joieadressée à l’autre, une joie de l’autre, un appel àvivre sa vie. �

    La joie, au-delà du pireSPIRITUALITÉC’est un livre de vie, de ceux que l’on

    garde longtemps à côté de soi,

    pour y puiser la sève essentielle.

    Un livre court, qu’on lit page à page,

    goutte à goutte. Ces Quatre petits bouts

    de pain dessinent un chemin vers la

    vraie vie, transcendant la mémoire de

    la mort, transcendant l’horreur. Ils invitent

    à savourer les grâces de l’instant

    quand plus rien ne semble possible,

    à retrouver en soi la fécondité de la joie.

    © Richa

    rd Dum

    as

    Quatre petits bouts de painDes ténèbres à la joieMagda Hollander-Lafon154 pages, 13 €