JURIBRUIT, Lutte contre les bruits de voisinage (dition 2015) Srie D : Diffrentes catgories de bruits de voisinage. Fiche rdige par Matre Christophe Sanson, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, avec laimable autorisation du Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable et de lEnergie.

JURIBRUIT - FICHE D.1 : Instruments de musique Septembre 2015 - Page 1

FICHE D.1 : INSTRUMENTS DE MUSIQUE

Le bruit des instruments de musique constitue une source importante du contentieux des troubles anormaux de voisinage. En effet, lhabitude montre que lactivit artistique qui se trouve tre leur origine est trs courante et entrane un contentieux abondant lorsque les musiciens se livrent leur activit dans des lieux inappropris (locaux mal insonoriss). Le fait de vivre dans un immeuble collectif implique en effet le respect de la tranquillit dautrui. Afin de rpondre cette exigence de tranquillit, la pratique dun instrument de musique ne saurait se faire qu condition de respecter un minimum de discrtion quant au moment choisi pour jouer, la dure de lexercice, ou lintensit des sons mis. Les bruits de ces instruments (I), lorsquils sont considrs comme tant anormaux par la jurisprudence (II), ouvrent droit rparation au profit de la victime devant le juge civil (III). Par ailleurs, ces bruits peuvent galement faire lobjet de sanctions pnales (IV). I. QUENTEND-ON PAR BRUIT DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE ? A. Quels sont les bruits les plus frquemment sanctionns ? Tout instrument de musique entre, par dfinition, dans le champ dapplication des textes destins sanctionner les troubles apports la tranquillit du voisinage. Toutefois, certains instruments, en raison de leurs caractristiques propres et de limpossibilit dattnuer leur niveau sonore, donnent lieu une jurisprudence plus abondante. Il en va ainsi en particulier du piano : instrument de musique courant qui donne lieu, le plus souvent, des leons prives et dont le bruit savre difficile attnuer (C.A. Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, Juris-Data n 044183). On notera toutefois dautres exemples de jurisprudence concernant les bruits anormaux gnrs notamment par : - un cornet piston (C.A. Lyon, 23 dc. 1980, poux Saporis, D. 1983, p. 605) ; - une guitare (C.A. Paris, 30 nov. 1984, Samora, Juris-Data n 027640) ; - une batterie (C.A. Reims, 17 dc. 1986, Nonnot, Juris-Data n 045821) ; - un orgue lectrique (C.A. Paris, 9 avr. 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998) ; - une flte (C.A. Paris, 24 fv. 1997, Cxxx, n 96-05164) ; - un piano lectrique (C.A. Paris, 7 oct. 1999, Begorre, Juris-Data n 024450) ; - ou un accordon (C.A. Orlans, 9 janv. 2012, Mme Girauld p. Berneron et M. Chartier, Juris Data n 004858). Par ailleurs, les bruits de ces instruments doivent tre soigneusement distingus de ceux provenant des appareils diffusant de la musique (radio, chane hi-fi) qui appartiennent une autre catgorie de bruits pouvant troubler le voisinage bien que relevant du mme rgime juridique. Ainsi, pour la jurisprudence, un piano doit tre regard comme un instrument de musique et non comme un appareil diffuseur de musique (C.A. Paris, 9 fv. 1984, Guiot, Juris-Data n 021971). B. quelle occasion ces bruits se produisent-ils ? De ce point de vue, on peut classer les bruits des instruments de musique en trois catgories distinctes au regard de leur source :

- certains bruits provenant dinstruments de musique peuvent correspondre un loisir. Il en va ainsi de ceux du fltiste, mme professionnel, qui se livre une rptition (C.A. Paris, 24 fv. 1997, Cxxx, prc.), des bruits dun enfant jouant du piano (T.G.I. Paris, 21 dc. 1984, Mme L., cho-bruit 1986) ou encore de ceux dtudiants pratiquant le chant et la guitare de manire rptitive et des heures tardives (C.A. Paris, 9 sept. 2009, B. Z. c. T., n 08/14839) ;

JURIBRUIT, Lutte contre les bruits de voisinage (dition 2015) Srie D : Diffrentes catgories de bruits de voisinage. Fiche rdige par Matre Christophe Sanson, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, avec laimable autorisation du Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable et de lEnergie.

JURIBRUIT - FICHE D.1 : Instruments de musique Septembre 2015 - Page 2

- certains autres bruits dinstruments de musique proviennent frquemment denfants qui suivent une

formation artistique ou passent un concours. Relvent de cette catgorie, les bruits dun enfant jouant du cornet piston qui se destine une profession musicale (C.A. Lyon, 23 dc. 1980, px Saporis, prc.) ou de la personne qui sentrane en vue dobtenir le brevet denseignement pour piano (C.A. Paris, 9 avril 1987, Amoyel, prc.) ;

- enfin, certains autres bruits dinstruments de musique peuvent rsulter de lexercice dune activit

professionnelle.

Cest le cas des bruits des leons de piano et des concerts (C.A. Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, prc. ou encore de ceux provenant dun commerce spcialis dans la vente de pianos (C.A. Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, Juris-Data n 034556).

Cette distinction est utile, notamment dans le contentieux pnal, car des rgimes juridiques diffrents seront appliqus selon que les bruits ont pour origine un bruit dit de comportement comme dans le premier cas (relevant des dispositions de larticle R. 1334-31 du Code de la sant publique) ou un bruit ayant pour origine une activit une activit culturelle ou de loisir, organise de faon habituelle ou soumise autorisation ou une activit professionnelle, comme dans le deuxime et le troisime cas (relevant des dispositions de larticle R. 1334-32 du Code de la sant publique). II. QUELS SONT LES LMENTS PRIS EN CONSIDRATION PAR LE JUGE CIVIL POUR APPRCIER LANORMALIT DU TROUBLE ? Le juge du fond apprcie de manire souveraine lexistence dun trouble anormal de voisinage (Cass. 2me , civ. 17 oct. 1985, M. Farge, n 84-13.907) au vu dun certain nombre dlments tels que : lintensit du bruit (A), sa dure et sa frquence (B), son caractre diurne ou nocturne (C), ou encore le lieu dans lequel il sest produit (D). A. Intensit du bruit 1. Comment est calcule lintensit du bruit lorsqu'il s'agit d'une activit Les bruits des instruments de musique peuvent engager la responsabilit de leurs auteurs lorsquils sont particulirement intenses (C.A. Paris, 9 avril 1987, Amoyel, prc.), certains instruments tant, par nature, plus bruyants que dautres. Les juges fondent gnralement leurs dcisions sur les rapports des experts acousticiens chargs de mettre en vidence lmergence, cest dire la diffrence entre le niveau de bruit ambiant comprenant le bruit particulier et le niveau de bruit rsiduel (cest--dire le bruit mesur en labsence de ce bruit particulier) (T.I. Paris, 11 dc. 1997, Mme Roux, n 9700451). La valeur dmergence de 5 dcibels est reconnue depuis longtemps par la jurisprudence comme valeur ne pas dpasser le jour. Cest dailleurs cette valeur que larticle R. 1334-32 du Code de la sant publique a retenu sagissant des bruits dorigine professionnelle ou correspondant une activit sportive, culturelle ou de loisir, organise de faon habituelle ou soumise autorisation A fortiori, les juges retiennent un trouble anormal lorsque lmergence est de 18 24 dcibels (C.A. Versailles, 16 mars 1987, Chetay, Juris-Data n 043931). Par ailleurs, mme si les valeurs dmergence se rvlent infrieures celles qui sont normalement tolres, le trouble pourra tre constat dans le cas dun commerce de pianos dont les bruits savrent discontinus et imprvisibles (C.A. Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, prc. ). Le juge illustre ainsi le principe, bien ancr dans la jurisprudence civiliste, selon lequel la notion de trouble anormal du voisinage sapprcie indpendamment de toute mesure technique puisquindpendamment de toute norme, le trouble pouvant toujours tre constitu alors mme que les normes applicables sont respectes. Par ailleurs, lorsque le bruit produit par un musicien apparat correspondre un bruit habituel, le trouble nest pas considr comme anormal par le juge. Il en va ainsi lorsque ce bruit est quivalent celui rsultant de laudition dun disque ou dun concert radiotlvis (C.A. Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, prc.), ou encore quil ne dpasse pas celui qui serait provoqu par des rires (T.I. Paris, 3 dc. 1992, M. Cange, prc.). 2. Quelles sont les consquences des mesures prises par les musiciens pour limiter le bruit ?

JURIBRUIT, Lutte contre les bruits de voisinage (dition 2015) Srie D : Diffrentes catgories de bruits de voisinage. Fiche rdige par Matre Christophe Sanson, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, avec laimable autorisation du Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable et de lEnergie.

JURIBRUIT - FICHE D.1 : Instruments de musique Septembre 2015 - Page 3

La bonne volont des musiciens dsirant rduire le trouble est prise en compte par le juge, condition que les mesures palliatives adoptes par eux se rvlent suffisamment efficaces. En effet, il appartient aux fauteurs de bruits, et eux seuls, de prendre toutes les mesures utiles pour rduire lintensit des sons quils mettent. Cest le cas, lorsque les musiciens :

- font insonoriser efficacement le local dans lequel ils jouent (C.A Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, prc.) ;

- utilisent une sourdine ou dplacent leur instrument dans un lieu mieux protg du bruit (C.A. Paris, 12

avril 1988, Moguerou, Juris-Data n 021804). linverse ont t condamns pour troubles anormal de voisinage, du fait de linefficacit de leurs actions correctives :

- un batteur qui ne fermait pas en permanence la fentre et le volet de son local de rptition (C.A. Reims, 17 dc. 1986, Nonnot, prc.) ;

- un pianiste stant content dappliquer des plaques de polystyrne sur les murs de son lieu de travail

sans efficacit notable sur la propagation du bruit (C.A. Paris, 13 juill. 1988, Milo, Juris-Data n 024955) ;

- un professeur de piano et de guitare ayant refus l'emploi dun silencieux pour le piano au motif d'une

dform