Évaluation des connaissances sur la polypose nasosinusienne chez des patients, des médecins...

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Article original Évaluation des connaissances sur la polypose nasosinusienne chez des patients, des médecins généralistes et ORL Evaluating the knowledge of nasal polyposis in patients, GPs, and ENT specialists P. Bonfils a, * , G. Chatellier b , D. Malinvaud c , S.M. Consoli d a Service dORL et de chirurgie cervicofaciale, CNRS UPRESSA 7060, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris- Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France b Département dépidémiologie clinique, Inserm U729, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France c Service dORL et de chirurgie cervicofaciale, CNRS UPRESSA 7060, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris- Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France d Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France ARTICLE INFO Article history: Reçu le 20 juillet 2006 ; accepté le 11 juin 2007 Disponible sur internet le 04 septembre 2007 Mots clés : Polypose nasosinusienne Éducation Corticoïde Chirurgie Keywords: Nasal polyposis Education Corticosteroid Surgery RÉSUMÉ Objectifs. Évaluer léducation de patients ayant une polypose nasosinusienne (PNS), comparer leurs connaissances et opinions sur la PNS à celles dun groupe de médecins généralistes (MG), ainsi quà celles dun groupe de spécialistes ORL. Matériel et méthodes. Étude prospective réalisée sur 87 sujets (33 patients consécutifs ayant une PNS, 20 médecins généralistes et 34 médecins ORL) à laide dun questionnaire permettant dapprécier les connaissances générales sur la maladie, les connaissances sur le traitement médical et chirurgical. Résultats. Il existe une différence significative entre les scores de « connaissances globa- les sur la maladie » obtenus par les trois groupes de sujets interrogés (malades, MG et ORL) ; les scores moyens obtenus dans les groupes « malades » et « MG » sont compara- bles, tandis que le score moyen du groupe « ORL » est significativement meilleur. Conclusion. Léducation du patient ayant une PNS est nécessaire ; dans une telle affec- tion chronique des voies respiratoires supérieures, cette éducation pourrait être un des facteurs essentiels de la réussite dun traitement adapté. Ce travail souligne également la nécessité dun meilleur transfert de linformation sur la PNS entre les médecins ORL et les médecins non spécialistes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. ABSTRACT Objectives. To evaluate education for adults with nasal polyposis (NP) and compare their knowledge and opinions on NP to those of a group of general practitioners and a group of ENT specialists. ANNALES D OTOLARYNGOLOGIE ET CHIRURGIE CERVICO - FACIALE 124 (2007) 215 221 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Bonfils). 0003-438X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.aorl.2007.06.002

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Article original

Évaluation des connaissances sur la polypose nasosinusiennechez des patients, des médecins généralistes et ORL

Evaluating the knowledge of nasal polyposis in patients,GPs, and ENT specialists

P. Bonfilsa,*, G. Chatellierb, D. Malinvaudc, S.M. Consolid

a Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, CNRS UPRESSA 7060, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-

Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, Franceb Département d’épidémiologie clinique, Inserm U729, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-Descartes,université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, Francec Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, CNRS UPRESSA 7060, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, Franced Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté de médecine Paris-Descartes,université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France

A R T I C L E I N F O

Article history:

Reçu le 20 juillet 2006 ; accepté le 11

juin 2007

Disponible sur internet le 04

septembre 2007

Mots clés :

Polypose nasosinusienne

Éducation

Corticoïde

Chirurgie

Keywords:

Nasal polyposis

Education

Corticosteroid

Surgery

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P

0003-438X/$ - see front matter © 2007 Elsdoi:10.1016/j.aorl.2007.06.002

R É S U M É

Objectifs. — Évaluer l’éducation de patients ayant une polypose nasosinusienne (PNS),comparer leurs connaissances et opinions sur la PNS à celles d’un groupe de médecinsgénéralistes (MG), ainsi qu’à celles d’un groupe de spécialistes ORL.

Matériel et méthodes.— Étude prospective réalisée sur 87 sujets (33 patients consécutifsayant une PNS, 20 médecins généralistes et 34 médecins ORL) à l’aide d’un questionnairepermettant d’apprécier les connaissances générales sur la maladie, les connaissances sur

le traitement médical et chirurgical.

Résultats.— Il existe une différence significative entre les scores de « connaissances globa-les sur la maladie » obtenus par les trois groupes de sujets interrogés (malades, MG et

ORL) ; les scores moyens obtenus dans les groupes « malades » et « MG » sont compara-bles, tandis que le score moyen du groupe « ORL » est significativement meilleur.

Conclusion. — L’éducation du patient ayant une PNS est nécessaire ; dans une telle affec-

tion chronique des voies respiratoires supérieures, cette éducation pourrait être un desfacteurs essentiels de la réussite d’un traitement adapté. Ce travail souligne également lanécessité d’un meilleur transfert de l’information sur la PNS entre les médecins ORL et les

médecins non spécialistes.

© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.A B S T R A C T

Objectives.— To evaluate education for adults with nasal polyposis (NP) and compare theirknowledge and opinions on NP to those of a group of general practitioners and a group ofENT specialists.

. Bonfils).

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Material and methods. — Prospective study conducted on 87 consecutive subjects (33patients with NP, 20 GP, and 34 ENT) using a questionnaire to evaluate the knowledge onNP (general, medical, and surgical information).

Results.— The results obtained from the three groups of subjects (patients, GP, ENT) diffe-red significantly on “overall knowledge of the disease.” Patients and GPs showed similarresults. The ENT group had significantly better results.

Conclusion. — Education in a this type of chronic disease of the upper respiratory tractseems necessary for the management of NP. This study also underscores the need forinformation transfer on NP from ENT specialists and GPs.

© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction

La place de l’éducation thérapeutique a été soulignée depuisde nombreuses années dans les recommandations interna-tionales, notamment dans des maladies de longue duréecomme l’asthme ou le diabète [1]. L’éducation thérapeutiquedu patient asthmatique fait partie intégrante du traitement[2]. Une telle éducation thérapeutique a été analysée dansdes recommandations internationales selon les critères pro-posés par l’OMS pour le développement de l’éducation théra-peutique du patient [1,2].

La polypose nasosinusienne (PNS) est la plus sévère desmaladies chroniques des cavités nasosinusiennes, se mani-festant surtout par une obstruction nasale et une anosmie,dont la prévalence a été estimée en France à 2,11 % [3–5]. Ils’agit d’une maladie de longue durée, souvent associée à unasthme et à une maladie de Widal [6]. L’éducation encorelimitée des patients ayant une PNS pourrait expliquer legrand nomadisme médical observé dans cette population etla surconsommation médicamenteuse, notamment corti-coïde, dont rend compte le taux élevé de complications dela corticothérapie observé en consultation [7].

Depuis une dizaine d’années, nous avons entreprisd’éduquer systématiquement les patients ayant une PNS,adressés à notre consultation ORL hospitalière. Ce processuséducatif visait à faire comprendre au patient les bases clini-ques et physiopathologiques de la maladie, la nature et lesmodalités de prescription du traitement médical, les indica-tions et les résultats du traitement chirurgical. Le but decette étude préliminaire a été d’évaluer les résultats decette éducation sur une population de patients, revus ànotre consultation ORL hospitalière pour un suivi de leuraffection, en comparant leurs connaissances et opinions surla PNS à celles d’un groupe de médecins généralistes (MG),ainsi qu’à celles d’un groupe de spécialistes ORL.

2. Matériel et méthodes

2.1. Matériel

Cette étude prospective a été menée de mai à novembre 2005sur 33 patients consécutifs ayant une PNS, 20 médecinsgénéralistes et 34 médecins ORL. Elle a été réalisée grâce àla collaboration de l’unité de psychologie et de psychiatrie,du département de méthodologie et d’épidémiologie cli-

nique, et du service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale denotre établissement.

Les 33 patients consécutifs (23 hommes) étaient suivis ettraités pour une PNS depuis plusieurs années par le mêmemédecin ORL. L’ancienneté de la PNS était inférieure à unan chez un seul patient, comprise entre un et trois ans pourquatre patients, entre trois et dix ans pour 20 patients (60,6 %de la population), et supérieure à dix ans pour huit patients(24,3 %). L’âge moyen des patients était de 50,2 ± 1,9 ans(moyenne ± écart-type de la moyenne). Le niveau d’étudesatteint par les patients était le certificat ou le brevet d’études(n = 4), le brevet professionnel (n = 8), le baccalauréat (n = 8),ou un diplôme d’enseignement supérieur (n = 13). Tous lespatients ont été interrogés de manière anonyme, le question-naire étant remis et rempli avant une consultation, puisdéposé auprès de la secrétaire du service.

Un groupe de 12 patients consultant pour la première foisdans le service pour une polypose nasosinusienne a égale-ment reçu le même questionnaire. Aucun de ces 12 patientsn’a pu répondre aux questions posées : tous ont signalé que,ne connaissant pas les réponses aux questions (qu’ils com-prenaient parfaitement), il leur semblait illusoire de cochercertaines cases, car de telles réponses ne pourraient êtreque le fruit du hasard. Devant cette absence de faisabilité del’évaluation chez le patient sans aucune formation prélimi-naire sur la polypose nasosinusienne, il a été décidé d’inter-rompre l’étude dans cette catégorie de patient. Ces 12patients consultaient pour un avis chirurgical et étaient sui-vis depuis des mois, voire des années par des médecinsgénéralistes et/ou ORL.

Les 20 MG ont reçu le questionnaire au début de séancesd’enseignement postuniversitaire de rhinologie (mais sur unthème n’abordant pas la polypose nasosinusienne), l’ontrempli au cours de la séance et l’ont rendu de manière ano-nyme en fin de session. L’âge moyen des MG (15 hommes,cinq femmes) était de 51,7 ± 1,8 ans. Ils exerçaient en milieuurbain, à Paris ou en banlieue parisienne. L’anciennetéd’installation moyenne était de 21 ± 2 ans.

Les 34 médecins ORL ont également reçu le questionnaireau début de séances d’enseignement postuniversitaire de rhi-nologie (mais sur un thème n’abordant pas la polypose naso-sinusienne), l’ont rempli au cours de la séance et l’ont rendude manière anonyme en fin de session. L’âge moyen des ORL(32 hommes, deux femmes) était de 49 ± 1,6 ans. Ils exerçaienten milieu urbain, à Paris ou en banlieue parisienne, soit enexercice libéral exclusif (n = 9), soit un milieu hospitalier

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(n = 7), soit en exercice mixte (n = 18, 53 % de la population).L’ancienneté d’installation moyenne était de 17,7 ± 1,8 ans.

2.2. Éducation des patients

L’éducation des patients suivis au long cours pour le traite-ment d’une PNS débutait dès la première consultation. Cetteéducation n’était pas conçue comme un cours magistral utili-sant des schémas ou des illustrations, mais était basée sur undialogue de type socratique en s’appuyant sur le « casclinique » du patient. Durant ces deux premières consulta-tions au cours desquelles le diagnostic et le bilan de la PNSétaient réalisés avant de débuter le traitement, une explica-tion générale et standardisée sur la maladie était donnée aupatient à deux reprises (causes de la PNS, notion de maladiechronique, association avec l’asthme et avec l’intolérance àl’aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)etc.), et les principes des traitements médicaux et chirurgi-caux étaient analysés (modalité de prescription, risques théra-peutiques, résultats escomptés). L’étude des clichés du scan-ner du patient permettait de lui faire comprendre l’anatomiedes sinus et le siège de la PNS. Les patients étaient revus dedeux à quatre fois par an, en fonction de la sévérité de leurPNS. À chacune de ces visites, l’éducation était poursuivie eninsistant sur l’importance et la technique du traitement médi-cal. Lorsqu’une indication opératoire était proposée, les butsde la chirurgie étaient à nouveau longuement exposés. Le trai-tement était prescrit à la fin de la seconde consultation [8].

2.3. Méthodes

Le questionnaire a été élaboré par l’unité de psychologie cli-nique et de psychiatrie (Pr S. Consoli) de notre établissement,avec l’aide du département d’épidémiologie clinique (Pr G.Chatellier) [Inserm U729]. Cette double collaboration a per-mis d’établir un questionnaire qui ne permettait pas d’orien-ter les réponses des patients. Le questionnaire devait avoirune présentation « neutre » des questions pour le patient.La structure du questionnaire était également conçue afind’en extraire aisément des données statistiques. L’élabora-tion du questionnaire a résulté de plusieurs séances de tra-vail durant lesquelles l’ORL référent expliquait au psychiatreet à l’épidémiologiste référents la physiopathologie, la cli-nique et les traitements de la polypose nasosinusienne, enmettant l’accent sur les connaissances utiles à connaîtrepour le patient.

Le questionnaire comprenait 24 questions (certaines ques-tions comportent plusieurs items) et pouvait être rempli enmoins de 15 minutes. Tous les questionnaires distribués ontété remplis, aussi bien par les patients que par les MG ou lesORL, aucun sujet n’ayant refusé d’apporter sa contribution àcette étude. Le questionnaire comprenait quatre parties.

La première partie (six questions, sept items) permettaitd’apprécier les connaissances générales du sujet sur la PNS :facteurs susceptibles de déclencher une PNS, importance del’association entre PNS et asthme, médicaments pouvantdéclencher une crise d’asthme chez le patient polypeux,type de maladie représentée par la PNS (aiguë ou chronique),buts du traitement quelles qu’en soient les modalités. Lesquestions les plus pertinentes de cette partie du question-

naire ont permis de calculer un score de « connaissancesgénérales », allant de 0 à 7.

La deuxième partie (huit questions, 14 items) permettaitd’apprécier les connaissances du sujet sur l’intérêt et lesmodalités du traitement médical : durée du traitement, typede médicaments, technique de pulvérisation, risques de lacorticothérapie. Un score moyen de « connaissances sur letraitement médical » (sur 14) a été établi en utilisant lesquestions les plus pertinentes.

La troisième partie (trois questions, 12 items) permettaitd’apprécier les connaissances du sujet sur l’intérêt et lesmodalités du traitement chirurgical : but du traitement chi-rurgical, suites de l’acte opératoire, résultats escomptés. Unscore de « connaissances sur le traitement chirurgical » aaussi été établi, allant de 0 à 12, en utilisant les questionsles plus pertinentes.

La quatrième partie permettait de relever des données surla situation personnelle du patient (sexe, âge, niveau d’étude,handicap occasionné par la PNS, vécu du traitement au quo-tidien) ou du médecin (sexe, âge, ancienneté d’installation,mode d’exercice, nombre de patients ayant une PNS et suivisen clientèle, évaluation du handicap subi par un patientayant une PNS, position sur l’intérêt de la chirurgie dans laPNS).

L’analyse statistique a été réalisée sous Statview 4.5. Lacomparaison de deux ou trois séries indépendantes portantsur des critères qualitatifs (par exemple : une réponse à unequestion vrai–faux) a été réalisée par le test du χ2. La compa-raison de deux séries indépendantes portant sur des varia-bles quantitatives a été réalisée par le test de Mann-Whitney. Lorsque plus de deux séries de données quantitati-ves devaient être comparées (par exemple : patients, MG etORL), le test de Kruskal-Wallis a été utilisé. Le seuil de signi-fication choisi, pour l’ensemble de ces tests, était de p infé-rieur à 0,05.

3. Résultats

3.1. Expérience clinique des deux groupes de médecins

Le nombre de patients ayant une PNS suivis au long courspar les médecins interrogés variait considérablement entreles MG et les ORL. La Fig. 1 indique la répartition du nombrede patients suivis en fonction du mode d’exercice despraticiens : 85 % des MG suivaient moins de dix patientsayant une PNS, tandis que 76,5 % des ORL suivaient plus de20 patients ayant une polypose au sein de leur clientèle.

3.1.1. Handicap lié à la polypose nasosinusienne et perceptiondu traitement médical

Le Tableau 1 relate la perception du handicap induit par lapolypose nasosinusienne selon les trois groupes interrogés(p = 0,02). Le handicap était jugé sévère par 45,5 % des mala-des, 50 % des ORL et seulement 20 % des MG. La perceptiondu traitement médical a également été évaluée par quatrequestions : la bonne qualité de l’observance, le caractèrecontraignant, la bonne compréhension et l’efficacité du trai-tement. Il existe une différence significative dans les répon-ses entre les trois groupes.

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Fig. 1 – Répartition du nombre de patients suivis parles médecins interrogés en fonction du mode d’exercice(MG et ORL).

Tableau 1 – Résumé des résultats de l’enquête

Groupe PatientsNombre 33Handicap lié à la polypose nasosinusienne et perception du traitement médicalHandicap sévère 45,5 %Bonne observance 88 %Traitement contraignant 48 %Traitement mal compris 6 %Traitement efficace 88 %

ScoresConnaissances générales (score maximum = 7)

4,6 ± 0,2Connaissances sur le traitement médical (score maximum = 14)

10,8 ± 0,3Connaissances sur le traitement chirurgical (score maximum = 12)

9,7 ± 0,3Score global (score maximum = 33)

25,2 ± 0,6

Connaissances générales sur la polypose nasosinusienneAssociation asthme 70 %Association intolérance aspirine

45 %Association intolérance AINS

48 %Notion de maladie chronique 97 %

Connaissances générales sur le traitement médical de la polypose nasosinusiennBut du traitement médical = guérir la PNS

15 %Nécessité d'un traitement permanent

97 %Nécessité d'un traitement corticoïde local

100 %Nécessité d'un traitement corticoïde per os

51 %On peut prescrire plus de trois cures courtes de corticoïdes per os par an

35 %

Connaissances générales sur le traitement chirurgical de la polypose nasosinusieBut de l'intervention = guérir la PNS

24 %Nécessité d'un traitement corticoïde nasal après l'acte chirurgical

94 %L'emploi d'une corticothérapie générale est parfois nécessaire après la ch

37 %NS : non significatif

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3.1.2. Scores globauxÀ chaque question était affecté un point en cas de bonneréponse. Les connaissances des sujets inclus ont été éva-luées par une note. Trois notes partielles ont été calculées(sur les connaissances générales sur la maladie, sur lesconnaissances du traitement médical et du traitement chi-rurgical). Une note globale sur l’ensemble du questionnairea été attribuée. Le Tableau 1 résume les résultats obtenus. Ilexiste une différence significative dans les réponses entre lestrois groupes.

3.1.3. Connaissances générales sur la polyposenasosinusienne

L’étude des connaissances générales de la PNS était centréed’une part sur les facteurs susceptibles de déclencher lamaladie, et d’autre part sur l’association possible avecd’autres pathologies, notamment l’asthme et l’intolérance àl’aspirine et aux AINS. À la question « y a-t-il une cause pré-cise actuellement connue susceptible de déclencher une

MG ORL p20 34

20 % 50 % 0,0232 % 53 % < 10−4

79 % 80 % 0,0160 % 11 % < 10−4

65 % 97 % 0,005

5,1 ± 0,3 6,2 ± 0,1 < 10−3

8,6 ± 0,4 11,8 ± 0,2 < 10−4

9,5 ± 0,4 10,9 ± 0,2 < 10−3

23,4 ± 0,8 28,9 ± 0,4 < 10−4

80 % 85 % NS

70 % 97 % < 10−4

65 % 64 % NS95 % 100 % NS

e

20 % 0 % 0,03

70 % 88 % 0,02

100 % 97 % NS

50 % 65 % NS

35 % 6 % 0,01

nne

35 % 1 % 0,003

80 % 97 % NSirurgie

25 % 38 % NS

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polypose nasosinusienne ? », la réponse était « non » pour54,5 % des patients, 50 % des médecins généralistes et82,4 % des ORL (p = 0,01). L’association avec un asthme, uneintolérance à l’aspirine ou aux AINS était jugée différemmentselon les trois populations (Tableau 1). La presque totalité dessujets interrogés estimait que la PNS est une maladie« chronique » et durable, mais 18 % des patients, 30 % desMG et seulement 3 % des ORL estimaient que l’on peutactuellement la guérir si l’on s’en donne les moyens(p = 0,01). Au sein du groupe de patients, il n’y avait pas dedifférence significative sur les connaissances générales dela maladie en fonction du sexe, de l’âge, du niveau d’éduca-tion ou du handicap lié à la maladie.

3.1.4. Connaissances sur le traitement médical de la polyposenasosinusienne

L’étude des connaissances sur le traitement médical de laPNS était centrée d’une part sur les divers traitements pou-vant être prescrits, et d’autre part sur les complications deces traitements, notamment de la corticothérapie. Pour10,3 % des sujets interrogés (patients et médecins), le but dutraitement médical était de guérir la polypose. Ce pourcen-tage variait en fonction des trois groupes interrogés(Tableau 1). La nécessité d’un traitement permanent, d’untraitement basé sur les corticoïdes locaux et/ou généraux, lalimitation nécessaire de l’usage de la corticothérapie oraleétaient évaluées de manière variable selon les trois groupesinterrogés (Tableau 1). Près de 35 % des MG estimaientqu’une corticothérapie per os pouvait être prescrite jusqu’àtrois mois par an. Il n’existe pas de différence significativesur les connaissances sur le traitement médical de la PNSen fonction du sexe, du niveau d’éducation ou du handicapestimé lié à la maladie.

3.1.5. Connaissances sur le traitement chirurgicalde la polypose nasosinusienne

L’étude des connaissances sur le traitement chirurgical de lapolypose nasosinusienne était centrée sur les buts de cettemodalité thérapeutique. Le but de la chirurgie était de guérirla PNS pour 35 % des MG et seulement 3 % des ORL(Tableau 1). La nécessité ou non d’un traitement corticoïdelocal et/ou général était appréciée de manière semblable parles trois populations.

4. Discussion

Cette étude préliminaire est la première menée en France surles résultats d’une évaluation d’un processus éducatif chezles patients ayant une PNS. Les résultats globaux sont encou-rageants, puisque le niveau de connaissances moyen despatients interrogés est voisin de celui des MG ayant réponduau questionnaire. La population de malades faisait partied’un pool de patients suivis depuis plusieurs années par lemême médecin ORL (85 % avaient une PNS depuis plus detrois ans). Ce sont des patients vus consécutivement enconsultation, donc non sélectionnés, mais ce sont, malgrétout, des patients « fidèles », suivis régulièrement et bénéfi-

ciant par conséquent d’un processus éducatif récurrent. LesMG et les ORL interrogés ne sont pas représentatifs despopulations générales de MG ou d’ORL français (ou exerçanten région parisienne), car ce sont des professionnels s’étantinscrits à une session de formation médicale continue. Mal-gré ce biais dans le recrutement des sujets, cette étude préli-minaire permet néanmoins d’apprécier les possibilités d’unprocessus éducatif.

L’éducation des patients était débutée dès la premièreconsultation et renouvelée à chaque consultation (de trois àquatre consultations annuelles), en ayant soin de tester lesprincipaux acquis, notamment en ce qui concerne les butsdes traitements médicaux et chirurgicaux. La répétitiondurant des années des grands principes thérapeutiquesdurant les consultations explique probablement l’importancedes acquis constatés chez les patients régulièrement suivis.Cette éducation était standardisée et homogène puisque lesprincipaux points d’éducation que nous souhaitions trans-mettre étaient toujours enseignés de la même façon et demanière répétée. Un groupe témoin a été recruté au début dece travail, mais l’absence complète de réponse chez les 12 pre-miers patients consultant pour la première fois dans le ser-vice, sans avoir reçu une éducation préalable sur leur maladie,nous a conduits à arrêter ce versant de l’étude. Il faut pourtantsouligner que les patients ainsi évalués consultaient pour unavis chirurgical ; ils étaient donc suivis depuis des mois par unmédecin généraliste et/ou ORL. Ce fait souligne probablementl’insuffisance de l’éducation des patients ayant une PNS enFrance. Néanmoins, après cette première étude concluantede faisabilité, il apparaît important de développer un travailde même conception sur un groupe important de patientsavec des évaluations répétées dès la première consultation etdurant les premiers mois de prise en charge.

L’analyse des résultats concernant les connaissancesgénérales sur la maladie « polypose nasosinusienne » sou-ligne que ces connaissances (notamment les facteurs favori-sants) sont relativement mal intégrées par les patients. Cesdonnées sur la physiopathologie de la maladie et les patho-logies associées semblent intéresser moins directement lepatient dans sa relation avec sa maladie que les connaissan-ces sur le traitement. L’un des points importants se déga-geant de l’étude est l’acquisition par 97,6 % des patients dela notion de « maladie chronique », maladie pour laquelle82 % des patients savent qu’il n’y a actuellement pas demoyen de guérison définitive.

Il existe une différence significative entre les scores de« connaissances sur la maladie » obtenus par les trois grou-pes de sujets interrogés (patients, MG et ORL) ; les scoresmoyens des patients et des « MG » sont comparables, tandisque le score moyen du groupe « ORL » est significativementmeilleur. Ce résultat n’est pas surprenant pour le groupeORL, car la PNS est l’une des pathologies les plus fréquem-ment rencontrées en rhinologie (40 % des maladies chroni-ques rhinosinusiennes) [5]. Cette différence d’approcheentre les trois groupes est particulièrement nette pour lesMG, parmi lesquels près de 30 % des praticiens pensent quela PNS peut être guérie « si l’on s’en donne les moyens ». Enoutre, la maladie « polypose nasosinusienne » est jugée han-dicapante de manière différente selon la population étudiée ;

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seulement 5 % des MG estiment la maladie très handica-pante contre 17 % des malades et 19 % des ORL. Cette diffé-rence significative est probablement liée au nombre limité demalades polypeux suivis par les MG (15 % des MG déclarentne pas suivre de patients ayant une PNS, 30 % en suiventmoins de cinq dans leur clientèle) (Fig. 1) par rapport auxmédecins ORL. La différence nette des « connaissances sur lamaladie » entre les MG et les ORL témoigne probablementd’une insuffisance d’information en ce domaine pour lesmédecins non spécialistes. Il est vrai que la rhinologie nebénéficie que de deux à trois heures d’enseignement pourl’ensemble du cursus des études médicales en France.

L’analyse des connaissances sur le traitement médical dela PNS était centrée d’une part sur les divers traitements pou-vant être prescrits, et d’autre part sur les complications de cestraitements, notamment de la corticothérapie. Pour près de90 % des sujets interrogés, le but du traitement médical n’étaitpas de guérir la polypose, mais de permettre de diminuer lessymptômes et donc d’améliorer la qualité de vie. Cela estconfirmé par la nécessité d’un traitement continu pour la plu-part des sujets testés. Cela est également confirmé par lanécessité de prendre un traitement continu pour 88 % despatients, 68 % des ORL, mais seulement 25 % des MG.

Les principaux médicaments de la PNS étaient connusaussi bien par les patients que par les médecins ORL et géné-ralistes. Le traitement de la polypose reposait pour 99 % dessujets sur la corticothérapie en spray nasal, et 94 % des sujetsconsidéraient que le traitement corticoïde comportait desrisques et imposait une surveillance médicale. La posologieannuelle de corticoïdes à ne pas dépasser dans le cadred’une corticothérapie répétée était conforme aux recomman-dations officielles (ne pas dépasser trois cures annuelles)chez 65 % des patients et 94 % des ORL. Néanmoins, près de35 % des MG estimaient qu’une corticothérapie per os pou-vait être prescrite jusqu’à trois mois par an, soit jusqu’àhuit cures annuelles. Il est important de souligner qu’unetelle pratique dans le cadre d’une maladie chronique, où laprescription se répète d’année en année, peut conduire auxclassiques complications de la corticothérapie au longcours, comme l’ostéoporose cortisonique et l’insuffisancesurrénalienne chronique [7]. Il existe une différence signifi-cative entre les scores « connaissances médicales » obtenuspar les trois groupes de sujets interrogés (malade, MG etORL) ; les scores moyens obtenus dans les groupes« malades » et « ORL » sont identiques, tandis que le scoremoyen du groupe « MG » est significativement inférieur. Cesdonnées soulignent à nouveau la nécessité d’un meilleurtransfert de l’information du médecin spécialiste vers lemédecin non spécialiste.

Il est intéressant de souligner que la perception de lacontrainte et de l’efficacité du traitement médical est diffé-rente chez les malades, les MG et les ORL. Près de 88 % despatients disent suivre scrupuleusement leur traitement, tan-dis que seulement 32 % des MG et 53 % des ORL estiment queleurs patients suivent scrupuleusement leurs prescriptions.Seulement 48 % des patients estiment le traitement contrai-gnant, tandis que 80 % des médecins ont le même avis.Enfin, 88 % des patients et 97 % des ORL estiment que le trai-tement médical est efficace contre seulement 65 % des MG.

Le nombre limité de patients déclarés être suivis par les MGest probablement l’une des explications de cette moindreconnaissance de la maladie.

L’analyse des connaissances sur le traitement chirurgicalde la PNS était centrée sur les buts de cette modalité théra-peutique. En effet, le traitement chirurgical n’a pas pourvocation de guérir la PNS, mais de permettre au traitementmédical au long cours de devenir plus efficace. Ainsi, aprèsl’acte opératoire, le traitement corticoïde local sera reprisselon des modalités proches de celles utilisées en préopéra-toire. Cette approche des buts du traitement chirurgical estcohérente dans la population des médecins ORL, qui esti-ment pour seulement 3 % d’entre eux que la chirurgie ne per-met pas de guérir la PNS et pour 97 %, qu’un traitement cor-ticoïde local est indispensable après l’intervention. Lesconnaissances semblent moins précises pour les deux autresgroupes. Ainsi, il existe une différence significative entre lesscores « connaissances chirurgicales » obtenus par les troisgroupes de sujets interrogés (malades, MG et ORL) : les scoresmoyens obtenus dans les groupes de malades et de MG sontcomparables, tandis que le score moyen du groupe « ORL »est significativement meilleur.

5. Conclusion

Cette étude préliminaire sur l’éducation du patient ayant unePNS semble donner des résultats intéressants. Il existe unedifférence significative entre les scores de « connaissancesglobales sur la maladie » obtenus par les trois groupes desujets interrogés (malades, MG et ORL) ; les scores moyensobtenus dans les groupes « malades » et « MG » sont compa-rables, tandis que le score moyen du groupe « ORL » est signi-ficativement meilleur. De tels résultats suggèrent, bien quenous ne disposions pas de données longitudinales compara-tives (avant–après éducation), que l’éducation du patientayant une PNS peut être efficace ; dans une telle affectionchronique des voies respiratoires supérieures, cette éduca-tion pourrait être un des facteurs essentiels de la réussited’un traitement adapté. Ce travail souligne également lanécessité d’un meilleur transfert de l’information sur la PNSentre les médecins ORL et les médecins non spécialistes. Ilest difficile d’évaluer si le savoir des patients résulte de laformation entreprise lors des consultations médicales oudécoule d’une autoformation du malade, notamment par lebiais des médias et d’Internet. Néanmoins, l’absence deréponse adaptée des patients consultant pour la premièrefois pour une polypose nasosinusienne permet de suggérerque l’éducation par le médecin pourrait être le facteur déci-sif. En outre, ce travail avait pour vocation d’apprécier lesconnaissances acquises par les patients lors d’un processuséducatif médical, mais il n’a pas été recherché l’impact decette éducation sur l’efficacité du traitement, ni sur la qualitéde vie globale du patient. De tels objectifs seront développésaprès cette première étude de faisabilité dans une nouvelleétude de plus ample conception en cours de réalisation afinde mieux cerner le rôle de l’éducation des patients ayant unepolypose nasosinusienne sur la qualité des soins.

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R É F É R E N C E S

[1] World Health Organization. Therapeutic patient educa-tion: continuing programmes for heathcare providers inthe filed of prevention of chronic disease. Copenhaguen:WHO; 1998.

[2] Éducation thérapeutique du patient asthmatique. Adulteet adolescent. Agence nationale d’accréditation et d’éva-luation en santé (Anaes), 2001, 129 pages.

[3] Alobid I, Benitez P, Bernal-Sprekelsen M, et al. The impactof asthma and aspirin sensitivity on quality of life ofpatients with nasal polyposis. Qual Life Res 2005;14:789–93.

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