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ETUDE SUR LA DISCORDANCE ENTRE LE POIDS ECONOMIQUE DES FEMMES ET LEURS ROLES DANS LES SPHERES DE PRISE DE DECISION
INSTITUT
NATIONAL
POUR LA
PROMOTION
DE LA FEMME
Mme Sarafatou INOUSSA OLODO Sociologue, Spécialiste en Genre & Développement Communautaire
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 2
Remerciements
Nous tenons à remercier :
L’Institut National pour la Promotion de la Femme et son partenaire technique et
financier le Danemark, pour nous avoir confié cette étude.
Les participants à l’atelier de validation pour leurs multiples contributions
Les personnes ressources et les enquêtés qui ont répondu aux nombreuses questions que
nous-mêmes et nos enquêteurs leurs avons posées.
A toute l’équipe des Agents de collecte et de saisie qui ont contribué à l’obtention et à la
mise en forme des informations recueillies pour la production du présent rapport.
A toutes et à tous, nous exprimons nos sentiments de sincères reconnaissance et gratitude.
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Sommaire
Introduction ..................................................................................................................................................... 4
1. Objectifs de l’étude ..................................................................................................................................... 5
2. Résultats attendus ........................................................................................................................................ 5
3. Approche méthodologique .......................................................................................................................... 6
3.1. Clarification conceptuelle......................................................................................................................... 6
3.2. Les travaux préparatoires ......................................................................................................................... 8
3.3. Collecte des données .............................................................................................................................. 11
3.4. Exploitation et analyse des données ....................................................................................................... 12
3.5. Difficultés rencontrées ........................................................................................................................... 13
4. Résultats .................................................................................................................................................... 14
4.1. Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des enquêté(e)s .......................................... 14
4.2. Le poids des femmes dans l’économie nationale ................................................................................... 17
4.3. La participation des femmes et leurs rôles dans les instances de prise de décision................................ 21
4.4. Le handicap des femmes à la participation politique ............................................................................. 27
4.5. La discordance entre le poids économique des femmes et leurs rôles dans les sphères de décision ...... 32
4.6. Analyse de la discordance entre participation économique et participation politique des femmes ........ 40
5. Recommandations et plan de mise en œuvre ............................................................................................ 43
5.1. Suggestions des enquêtés ....................................................................................................................... 43
5.2. Recommandations .................................................................................................................................. 44
Conclusion ..................................................................................................................................................... 49
Annexes… ..................................................................................................................................................... 51
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Introduction
Au Bénin, la femme est traditionnellement considérée comme le gestionnaire de l’espace
familial, c’est-à-dire de tout ce qui est domestique, alors que l’homme est naturellement le maître
du monde extérieur. Cependant, tout le monde s’accorde pour reconnaître que les femmes
contribuent énormément de nos jours à la vie économique nationale. De plus en plus, l’image de
la femme « huési » (maîtresse de maison), habituellement véhiculée par la tradition fon, laisse
place à cette femme décidée et engagée à transformer ces conditions de vie. Elles sont en effet,
convaincues que, ce faisant, elles améliorent leur propre position et renforcent les valeurs
sociales dans une perspective plus large de développement national.
Malgré ce noble choix, les femmes continuent de faire face à d'énormes obstacles dus
essentiellement à la répartition inégale des tâches et des bénéfices générés à tous les niveaux. La
reconnaissance croissante de leurs contributions à la vie économique ne s'est traduite ni par une
amélioration sensible de leur accès aux ressources, ni par un accroissement de leur taux de
participation aux sphères de prise de décision.
Bien que la société accorde plus de valeur aux activités liées à la reproduction en ce qui concerne
les femmes, l’histoire politique du Bénin mentionne une participation de qualité des femmes à la
vie publique et politique depuis le 19 siècle, référence faite précisément, aux braves amazones
dans la défense de la patrie, face à l’ennemi, sous le règne du roi GUEZO (1818-1858).
Mais cette présence des femmes dans la vie politique s’est progressivement érodée au contact du
système colonial. En effet, le constat est que depuis l’indépendance du Bénin, la présence des
femmes au parlement, au gouvernement, aux plus hautes instances du pouvoir judiciaire, dans les
conseils locaux et aux plus hauts postes de prise de décisions, demeure encore faible.
Malgré les acquis juridiques et les progrès notables enregistrés au niveau de la participation des
femmes à la vie politique et à la prise de décision publique notamment depuis la 4ème
conférence
de Beijing en 1995 et les nombreux engagements auxquels le Bénin a souscrit, la situation
politique des femmes reste toujours en-deçà des attentes et des exigences démocratiques. La
volonté affichée du gouvernement, à travers la politique nationale de promotion du genre et une
législation favorable aux droits des femmes, n’a pas suffi à établir l’égalité des sexes au niveau
politique. Ceci crée une discordance entre l’engagement des femmes dans la vie économique et
leur représentativité dans les sphères de prise de décision.
C’est dans le souci d’une meilleure compréhension de cette situation en vue de poursuivre avec
plus d’efficacité les actions relatives à la reconnaissance du rôle des femmes béninoises dans le
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processus de développement de la nation que l’Institut National pour la Promotion de la Femme
a initié, sur financement du Danemark, la réalisation de la présente l’étude.
1. Objectifs de l’étude
Cette étude a pour but d'apporter un éclairage, un approfondissement qui permettra une meilleure
compréhension de la discordance entre le poids des femmes dans l’économie nationale et leur
participation à la vie politique, cadre privilégié de prise de décisions.
De façon spécifique, il s’agit de :
Faire une revue de la littérature, des études et des connaissances dans le domaine ;
Collecter des données quantitatives et qualitatives sur la participation des femmes à la vie
économique et politique puis leurs rôle dans le développement national, particulièrement
en termes de prise de décision ;
Analyser le poids des femmes dans l’économie béninoise ;
Analyser la participation et le rôle des femmes dans les sphères de décisions ;
Identifier et analyser les causes de la discordance entre poids économique des femmes et
leurs rôles dans les sphères de prise de décision ;
Faire des recommandations pour réduire la discordance entre poids économique des
femmes et leurs rôles dans les sphères de décision ;
Proposer un plan de mise en œuvre des recommandations.
2. Résultats attendus
Au terme de cette étude,
Des données quantitatives et qualitatives pouvant permettre d’apprécier le poids
économique des femmes au niveau national et leurs rôles dans les sphères de prise de
décisions sont disponibles ;
Les facteurs de discordance entre le poids économique des femmes et leurs rôles dans les
sphères de prise de décision sont identifiés ;
Des recommandations sont faites pour réduire la discordance entre poids économique des
femmes et leurs rôles dans les sphères de décision ;
Un projet de plan de mise en œuvre des recommandations est disponible.
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3. Approche méthodologique
Des données qualitatives et quantitatives ont été collectées, afin d’établir les liens entre le vécu
des femmes et leur engagement dans la vie publique. En plus des différents documents pertinents
recueillis et analysés, un examen minutieux a été fait du contenu des entretiens réalisés auprès
des personnes ressources identifiées et des enquêtés. Toute chose qui a permis de faire ressortir
les thèmes centraux pouvant contribuer à analyser les informations existantes. Cela a fourni une
base descriptive, à laquelle se sont ajoutés des concepts théoriques, des expériences personnelles
et des spécificités des communes visitées.
3.1.Clarification conceptuelle
Par souci de clarté, il est important de définir certains concepts clés qui sont au cœur de cette
étude, à savoir :
Poids économique de la femme
On entend par poids économique, les forces exercées dans un pays pour promouvoir la richesse
nationale.
Le poids économique de la femme se résume en tout ce que les femmes entreprennent et qui
contribuent positivement à la promotion de la richesse nationale. Il comprend aussi bien les
activités productives que celles liées à la reproduction et à la vie communautaire.
Discordance
Selon le dictionnaire universel, la discordance est l’absence ou le défaut d’accord, d’harmonie
Dans le cadre de la présente étude, l’hypothèse principale est qu’il existe une désharmonie/un
désaccord entre la vie économique des femmes et leur vie politique, avec une focalisation sur
leur participation aux sphères de prise de décisions.
Participation
C’est l’action de participer à quelque chose. En matière de genre, il s’agit essentiellement de
rechercher et d’œuvrer pour une participation effective des femmes au processus de
développement. Cela suppose pour elles, l’acquisition de pouvoir de s’organiser pour leur propre
prise en charge.
La participation politique désigne l'ensemble des activités par lesquelles les citoyens entrent en
relation avec le monde du pouvoir et exercent une influence sur les autorités politiques, en pesant
sur les décisions qui ont des conséquences à court, à moyen ou à long terme sur la vie de la
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communauté et des personnes. La participation politique se réalise à travers le droit de vote et le
droit d’être élu ce qui correspond à l’exercice de la citoyenneté.
Elle pourrait s’étendre à tout ce qui concourt à produire le processus électoral (intérêt porté à la
vie politique par l’écoute des émissions politiques, lecture de la presse, discussions et débats
politiques, participation à des meetings, soutien à des partis, adhésion et militantisme…).
L’implication du citoyen dans la vie politique peut être « conventionnelle » lorsqu’elle prend des
formes légales ou légitimes, librement exercées telles que, entre autres : militer dans un parti
politique, assister à un meeting politique, s’inscrire sur une liste électorale, adhérer à un parti
politique, voter, …
La participation économique se caractérise par l’intégration d’un individu dans le marché de
l’emploi. Une personne participe à l’économie du pays en exerçant une activité professionnelle
dans les secteurs primaire (agriculture, élevage, pêche), secondaire (activités industrielles,
industries agroalimentaires travaux publics etc.), tertiaire (commerce, transports, et
télécommunications, tourisme, services liés aux entreprises et aux ménages).
Division du travail
Dans chaque société, il existe une division de travail entre les hommes et les femmes, propre à
chaque culture et à chaque époque.
N.B. La division de travail entre les hommes et les femmes est l’un des facteurs souvent cités au
cours de l’étude comme favorisant l’inégalité d’accès, l’option des femmes beaucoup plus en
faveur de l’activité économique au détriment de la participation à la vie politique.
Triple rôle
Le triple rôle de la femme se manifeste par :
- le rôle (travail) lié à la production : production de biens et de services voués à la
consommation ou au commerce ; tout emploi générant un revenu ;
- le rôle (travail) lié à la reproduction : entretien du ménage, tâches domestiques, soins et
éducation des enfants, collecte d’eau, du bois,……
- le rôle (travail) lié à la collectivité : toute activité permettant d’améliorer le maintien et
l’établissement des liens : cérémonies et fêtes, participation à mouvements sociaux……
Dans l’analyse des données, il est clairement apparu que le triple rôle des femmes leur donne peu
d’espace et de temps pour garantir un accès égal des femmes et des hommes aux ressources et
aux bénéfices, aux structures de définition des politiques et décisions au niveau de la famille, de
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la collectivité et de l’Etat, au contrôle par l’homme et la femme des ressources du travail, des
bénéfices, des sphères de décision et au pouvoir législatif, judiciaire et exécutif.
3.2. Les travaux préparatoires
3.2.1. La revue documentaire
Dans ce cadre, la consultation des documents ou études antérieures, des statistiques disponibles,
des rapports d’activités et d’évaluation, a largement renseigné sur la participation des femmes
aux instances de prise de décision et leur contribution à l’économie nationale. Non seulement des
centres de documentation ont été visités, mais aussi, l’outil Internet a été mis à contribution afin
d’explorer des éléments d’une meilleure appréciation de l’ampleur du sujet dans la sous région et
dans le monde.
Par ailleurs, les données de cette revue ont permis d’affiner l’orientation de l’étude, d’identifier
les données complémentaires devant faire l’objet d’une enquête de terrain et de finaliser les
outils de collecte. Cette revue a enfin permis de finaliser l’échantillonnage en définissant les
tailles précises des différentes cibles à enquêter.
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3.2.2. Identification de la zone de l’étude
L’étude a couvert 24 communes sélectionnées de façon aléatoire, à raison de deux (02) par
département. Le tableau suivant présente la liste des communes couvertes par l’enquête :
N° Départements Communes
1. Alibori Kandi
Banikoara
2. Atacora Natitingou
Kérou
3. Atlantique Abomey-Calavi
Allada
4. Borgou Parakou
Nikki
5. Collines Savalou
Dassa
6. Couffo Aplahoué
Klouékanmey
7. Donga Djougou
Bassila
8. Littoral 9ème
arrondissement
13ème
arrondissement
9. Mono Comé
Lokossa
10. Ouémé Porto-Novo
Sèmè Kpodji
11. Plateau Kétou
Pobè
12. Zou Bohicon
Covè
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3.2.3. Echantillonnage
Compte tenu du souci majeur d'avoir des données essentiellement d’ordre qualitatif, l’option
d’un échantillonnage raisonné est apparue plus indiqué. Le nombre d'individus choisi est non
seulement fonction de l'hétérogénéité des réactions dans la population face à l'implication des
femmes dans la prise de décision et dans la production de richesse, mais aussi et surtout de la
méthode d'analyse (la dialectique) retenue dans le cadre de cette étude. Ainsi, fort de toutes les
informations qui précèdent, nous avons constitué les échantillons de la population en nous
assurant de la variété des personnes à interroger et en vérifiant qu'aucune situation importante
pour les sujets abordés ne soit omise, une fois que les travaux de collecte vont commencer sur le
terrain.
Ainsi l’échantillon de l’étude se compose de cibles provenant des secteurs privé et public.
a) Pour les entretiens individuels
Il est prévu des :
femmes et hommes occupant ou ayant occupé des postes de responsabilités 104 : 8 au niveau
de l’administration centrale, puis 96 au niveau des structures déconcentrées (2 personnes par
commune et par sexe) ;
associations professionnelles, ONGs ou associations locales de promotion de la femme, 48 à
raison de 2 par commune ;
Membres de la communauté, 192 à raison de 8 par commune : 4 exerçant dans le secteur
primaire, 2 dans le secondaire, puis 2 dans le tertiaire.
b) Pour les focus group
Le focus group, axé essentiellement sur la collecte des données qualitatives, a été adressé dans
chaque commune à des hommes, à des femmes, à des jeunes (garçons et filles séparément) ;
Pour les focus group, il a été réalisé 4 par département dont :
- 2 focus group auprès des femmes ;
- 1 focus group auprès des filles ou des garçons et;
- 1 focus group auprès des hommes.
3.2.4. Recrutement et formation des agents enquêteurs
Dans le cadre de la collecte des données, il a été procédé au recrutement du personnel de collecte
composé d’agents enquêteurs devant administrer les outils aux différentes cibles.
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Dans un premier temps, 15 agents ont été présélectionnés sur étude de dossier en fonction de
critères de sélection bien précis. Ces agents enquêteurs recrutés disposent de compétences et
expériences avérées en collecte de données, avec un niveau d’étude d’au moins BAC + 3.
Un atelier d’un jour de formation, a été organisé à leur attention. Les modules conçus à cette fin
ont suffisamment renseigné le personnel de collecte sur les objectifs de l’étude, la procédure de
collecte et leur rôle et responsabilité dans sa mise en œuvre. A titre indicatif, la formation a porté
sur les éléments ci-après :
- les objectifs visés par l’étude ;
- les résultats attendus ;
- l’examen détaillé des outils de collecte ;
- la procédure adoptée pour la bonne exécution de l’enquête ;
- le consentement des enquêtés ;
- la gestion du matériel d’enquête ;
Dans un second temps, il a été organisé une évaluation finale des agents enquêteurs à l’issue de
la formation afin de sélectionner les 12 meilleurs agents qui ont participé aux opérations de
collecte proprement dite, pour avoir fait preuve de maîtrise théorique et pratique des outils de
collecte. Chaque agent de collecte a reçu ces fiches de collecte et la lettre de mission établie à la
signature de la présidente de l’INPF.
3.3. Collecte des données
Recueil des données
La collecte de données de cette étude s’est déroulée du 09 au 20 novembre 2012. Elle a été
menée à bien par une équipe de 15 personnes y compris la consultante qui a non seulement
réalisé certains entretiens mais aussi, assuré la supervision de tout le processus de collecte. Le
mode de collecte de données optimal pour la présente mission a été l’entretien direct individuel
ou de groupe focalisé. En plus de la revue documentaire utilisée pour faire l’état des lieux, des
données disponibles, il a été procédé à une collecte de données complémentaires sur le terrain.
Techniques et outils de collecte
Les deux techniques de collecte utilisées sont :
- l’entretien individuel approfondi sur la base de questionnaires spécifiques à chaque
catégorie d’acteurs et ;
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- le « focus group » (entretien de groupe focalisé d’hommes, de femmes et des jeunes) sur
la base d’un guide d’entretien.
Supervision de la collecte
Dans le souci de garantir la qualité des données collectées, la supervision des agents enquêteurs a
été assurée par la consultante elle-même, assistée de deux collaborateurs (un socio-
anthropologue et un statisticien. Cette supervision a permis de contrôler le respect des
procédures de collecte, d’apprécier la qualité des données collectées, d’apporter des solutions
aux difficultés des agents sur le terrain, au fur et à mesure du déroulement de l’enquête. Le
premier niveau de la supervision est assuré par les deux collaborateurs, substitués en cas de
nécessité par la consultante elle-même.
3.4. Exploitation et analyse des données
3.4.1. Saisie et apurement des données
Il a été procédé au recrutement de quatre agents de saisie, soumis à un jour de formation. Lors de
la formation, des essais ont été faits pour non seulement tester les masques de saisie mais aussi
pour familiariser les agents aux masques de saisie conçus à cet effet. Il a été veillé
particulièrement à ce que le masque, conçu à l’aide du logiciel CsPro 5.0 avec des clés de
contrôle, pour limiter les erreurs de saisie, soit conforme à la version finale des outils. Pour ce
qui est des données qualitatives, elles ont été saisies à l’aide du logiciel Word.
Les opérations de saisie ont duré six jours (trois pour la première saisie et trois jours pour la
seconde) et se sont déroulées sous la supervision du personnel d’appui qui a procédé à une
vérification quotidienne des données. A la fin de la saisie, les données saisies ont été contrôlées
et corrigées afin de garantir la prise en compte de toutes les modalités de chaque caractère d’un
fichier.
3.4.2. Analyse des données
L’analyse des données de cette étude, à la fois qualitative et quantitative, a été orientée de façon
à mesurer la contribution des femmes à la création de richesse pour le pays, en vue
d’appréhender, à partir de données chiffrées, la participation des femmes dans l’économie
nationale en relation avec leur poids démographique, d’apprécier leur implication aux instances
de prise de décision. Ceci a finalement permis de fournir de meilleures explications sur les
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logiques et les interprétations sociales, qui sous-tendent la place actuelle de la femme dans la vie
politique.
A l'aide de SPSS 17, une analyse descriptive a été faite pour présenter les grandes tendances des
données et des informations recueillies.
Les données qualitatives obtenues à partir des entretiens et discussions de groupe ont été
codifiées en procédant au découpage des informations collectées en unités sémantiques (unité de
codage ou unité d’analyse) et construites en fonction des objectifs de l’étude. Ces unités
sémantiques ont permis de catégoriser les idées clés énoncées par les interviewés. Il s’agit donc
d’une analyse thématique du contenu des informations recueillies.
3.5. Difficultés rencontrées
En dépit des dispositions prises pour faciliter l’étude, deux difficultés ont jalonné
l’accomplissement de la présente mission. Il s’agit essentiellement de l’indisponibilité des
personnes à interviewer, notamment des acteurs occupant ou ayant occupé des postes de
responsabilité, et les contraintes liées à la mobilisation des participants au focus group.
Ceci a amené à changer les cibles initialement identifiées, avec pour conséquence 2 ou 3 jours
complémentaires. Malgré cette disposition, toutes les personnes planifiées n’ont pas pu être
touchées : il s’agit surtout des personnes occupant ou ayant occupé des postes de responsabilité.
Par ailleurs, le court délai d’exécution réservé à la mission n’ont pas facilité sa mise en œuvre.
Toutefois, ces difficultés n’ont point entaché le bon déroulement de la mission et surtout la
qualité des données collectées qui, après analyse, ont permis d’obtenir les résultats présentés
dans le chapitre suivant.
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4. Résultats
4.1.Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des enquêté(e)s
Cette section décrit les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles de la population
des enquêté(e)s (structure par âge, sexe, situation professionnelle et niveau d’instruction). Deux
catégories d’acteurs ont été globalement enquêtés : il s’agit des acteurs occupant ou ayant occupé
des postes de responsabilités d’une part et les acteurs de la communauté d’autre part. L’examen
de ces caractéristiques est en effet important dans l’appréciation des données qui seront présentés
dans la suite de ce rapport.
4.1.1. Caractéristiques sociodémographiques des enquêté(e)s
Acteurs occupant ou ayant occupé des postes de responsabilités
L’enquête a touché 104 hommes et femmes occupant ou ayant occupé des postes de
responsabilité. Les femmes représentent 51% de cette population enquêtée contre 49% pour les
hommes.
Cette population est très instruite. Plus de la moitié, (52%) des personnes interviewées, a un
niveau supérieur contre seulement 6,3% qui ont un niveau inférieur ou égal au primaire.
Cependant, lorsqu’on désagrège les données suivant le sexe, la proportion de femmes ayant un
niveau supérieur est en dessous de 50%. Elle est de 42,9% contre 61,7% pour les hommes, ce
qui témoignage d’un déséquilibre entre hommes et femmes disposant d’un niveau d’étude
supérieur.
Tableau 1 : Niveau d’instruction des enquêtés occupant ou ayant occupé des postes de responsabilités
Niveau d’instruction Masculin (%) Féminin (%) Ensemble
Primaire 6,4 6,1 6,3
Secondaire 1 8,5 20,4 14,6
Secondaire 2 23,4 30,6 27,1
Supérieur 61,7 42,9 52
Total 100 100 100
A la question relative au mode d’accession au poste de responsabilité, les personnes interrogées
(hommes et femmes), occupant ou ayant occupé un poste de responsabilité, affirment à peu près
dans les mêmes proportions l’être par nomination. Pour ce qui est du mode des élections, on note
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une légère ascendance des hommes (38,3% contre 32,7% pour les femmes). Ceci pourrait
s’expliquer par le nombre assez élevé des candidats de sexe masculin. Quant au mode du
recrutement à un poste de responsabilité, ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses
(28,6% contre 23,4%).
Graphique 1 : Mode d’accession au poste de responsabilité des enquêtes
Acteurs de la communauté
Au niveau des communautés, en dehors des participants aux 48 focus group réalisés, 191
personnes ont été interviewées. Contrairement à la population des acteurs occupant ou ayant
occupé des postes de responsabilité, cette population est très peu instruite. Plus de la moitié des
enquêté(e)s, 51,6% ont le niveau du cours primaire et seulement 4% ont le niveau du supérieur.
0,0% 10,0% 20,0% 30,0% 40,0%
Recrutement
Nomination
Election
23,4%
34,0%
38,3%
28,6%
34,7%
32,7%
FEMININ
MASCULIN
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Tableau 2 : Caractéristiques sociodémographiques des enquêté(e)s de la communauté
Un peu plus de trois enquêtées sur quatre sont mariées (77,5%). Pour les enquêtés qui ont des
enfants, le nombre varie entre 1 et 11 enfants. Mais seulement les proportions relativement
importantes ont été présentées dans le tableau.
Le nombre d’enfant, lorsqu’il est élevé peut négativement influer la participation politique de la
femme. En effet, prendre soin d’un grand nombre d’enfants prends plus de temps.
4.1.2. Profil socio-professionnel des enquêté(e)s
En ce qui concerne le statut professionnel des enquêtés, la population des acteurs occupant ou
ayant occupé des postes de responsabilité est majoritairement constituée de travailleurs du
secteur formel occupant d’importants postes de responsabilité tandis que celle des acteurs de la
communauté est en grande partie constituée des travailleurs du secteur informel sans grande
distinction entre les hommes et les femmes. Ces derniers sont pour la plupart des artisans, des
revendeurs, des commerçants et des agriculteurs.
Caractéristiques sociodémographiques des enquêté(e)s
Niveau d’instruction
Primaire 51,6
Secondaire 1 32,5
Secondaire 2 11,9
Supérieur 4,0
Situation matrimoniale
Célibataire 11,8
Veuf (ve) 9,0
Divorcé(e) 1,7
Marié(e) 77,5
Nombre d’enfants
0 7,0
1 14,0
2 18,3
3 15,1
4 12,9
5 12,9
6 11,3
7 4,8
8 2,7
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4.2. Le poids des femmes dans l’économie nationale
Selon les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2002, environ
65,5% de la population du Bénin est officiellement considérée comme active, dont 42,2% dans le
primaire, 18,1% dans le secondaire et 39,7% dans le tertiaire. Le taux d’activité global de 63,8%
relevé par le RGPH 3 de 2002 masque un écart favorable aux hommes de 9%. Cet écart révèle la
différence entre le taux d’activité masculine (68,3%) et le taux d’activité féminine de (59,7%).
Le secteur public n’utilise que 0,8% de la population active (dont 1,1% des hommes et 0,4% des
femmes). Le secteur privé formel utilise 1,2% des hommes et 0,5% des femmes.
Avec une population représentant plus de 70% de l’ensemble, le secteur agricole fournit environ
38% du Produit Intérieur Brut (PIB), 80% des recettes d’exportation et 75% de l’emploi (RGPH
3,2002). Les hommes y sont dominants et représentent 63,3% contre 36,7% pour les femmes.
Selon le RGPH 3, environ une femme active sur trois se retrouve dans l’agriculture.
Au niveau du secteur tertiaire où elles sont les plus présentes, on note qu’elles sont dans les
circuits de distribution des produits vivriers et manufacturés, les services de restauration et
d’habillement. Ceci explique le taux de femmes dirigeantes d’établissements de
commerce (78,7%) et de restauration (92,6%). Les conditions d’exercice du commerce par les
femmes sont caractérisées, essentiellement, par le difficile accès aux moyens de production, à
leur contrôle et au bénéfice qu’ils génèrent. En effet, selon la tradition au Bénin, les femmes
n’ont pas accès ou n’héritent pas de la terre, du gros bétail, etc. Elles ne disposent donc pas de
gros capitaux à investir dans les affaires, d’où leur adhésion limitée aux structures formelles de
financement telles que les banques. La situation des femmes qui arrivent à bénéficier des crédits
n’est toujours pas facile non plus.
4.2.1. Niveau d’activité/d’occupation des femmes
Le tableau 3 présente le niveau d’activité et d’occupation des femmes
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Tableau 3 : Niveau d’activité/d’occupation des femmes
Taux de
chômage
élargi
Taux
d'occupation
(15-64ans)
Pourcentage
de travailleurs
dans le secteur
Informel
Pourcentage de
jeunes 15-24 ans
ni dans le
système éducatif
ni d'emploi
Proportion de
la population
active
occupée
disposant de
moins de 1$
Proportion
de bas
salaire
Proportion de
personnes
travaillant plus
de 48H par
semaine
HOMME 2,4 73 86,3 5,4 46,9 18,7 30,9
FEMME 2,8 69,2 95,2 9,2 48,2 44,3 22,61
BENIN 2,6 71 90,8 7,3 47,6 31,4 26,6
Source : Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménages 2ème édition (EMICOV 2011)
Il apparaît clairement à la lecture de ce tableau que le niveau d’occupation des femmes est au
dessus de celui des hommes. En réalité, en dehors du taux d’occupation qui traduit une
proportion plus élevée d’hommes qui travaillent, on se rend bien compte de ce que la junte
féminine est beaucoup plus sollicitée. Il faut cependant relativiser puisque le travail des femmes
sur le plan domestique (ménage et soin/entretien des enfants) n’est point pris en compte. Malgré
cet état de chose, la femme ne profite guère pleinement de sa situation. C’est encore au niveau de
ce sexe que l’on retrouve les plus forts taux de proportion de bas salaire (plus du double du ratio
des hommes). Tout ceci masque néanmoins le caractère très masculin de certaines fonctions où
l’on ne retrouve que très peu de femmes. On peut citer entre autre les professions libérales telles
que les avocats (14,6 %), les architectes (5,6 %), les géomètres (2,8%), les pharmaciens (36,6%),
les comptables (20,7%), les vétérinaires (10,3%), les dentistes (22,2%), les opticiens (46,6%), les
pilotes (10,5%), les physiothérapeutes (22,2%), les diététiciens (55,3%) et les statisticiens
(20,9%). Les écarts femmes/hommes dépassent 90 % pour les métiers suivants (dominés par les
hommes à plus de 95 %) : conducteurs de véhicules, mariniers, soudeurs, cordonniers, forgerons,
briquetiers, électriciens, techniciens de génie civil, vitriers.
4.2.2. Les femmes dans l’économie formelle (par secteur d’activité)
Au regard des multiples efforts et progrès réalisés, on assiste de plus en plus à une émergence de
la femme à travers l’important rôle qu’elles assument. Elles sont effectivement dans l’agro
pastoral, le commerce, les services, l’artisanat.
1 Ce taux ne prend pas en compte le travail domestique des femmes
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 19
Au niveau du secteur agricole, la plupart des femmes béninoises exercent des activités dans les
domaines de la production agricole et rurale. Selon les statistiques démographiques de l’INSAE,
la population rurale béninoise est de 3,8 millions d’habitants en 1999 dont 51,3% de femmes. On
note aussi que, de par leurs travaux sur les parcelles appartenant aux hommes et dans leurs
champs personnels, les femmes rurales représentent 50 à 60 % de la main d’œuvre agricole. La
société béninoise étant de tendance patriarcale, les femmes sont véritablement marginalisées
dans le domaine foncier. Le rapport national sur les statistiques agricoles différentiées par genre,
fait apparaître que sur 22% des parcelles acquises par mode sécurisant (héritage, attribution
coutumière et achat) seulement 13% appartiennent aux femmes. Par ailleurs, les superficies
moyennes des parcelles des femmes sont en général plus petites que celles des hommes.
Au Bénin, le secteur tertiaire contribue pour 35,7% au PIB environ avec une contribution à la
croissance moyenne de 1,3%. Ce secteur repose, en particulier, sur le commerce de réexportation
avec le Nigeria, les activités de transit vers les pays de l’hinterland et la restauration. Sur la
période de 2001 à 2011, la valeur ajoutée du secteur tertiaire a connu une évolution en dents de
scie, en passant de 5,8% en 2001 à 2,9% en 2011. Il constitue la chasse gardée des femmes qui
sont les plus actives. De plus, une entreprise sur cinq dans ce secteur, est dirigée par les femmes
au Bénin. Maîtresses du commerce à 88,2% contre 11,8% pour les hommes, d’après les données
du troisième recensement (2002), elles assurent les circuits de distribution des produits vivriers
et manufacturés, les services de restauration et d’habillement d’où le taux élevé de dirigeantes
d’établissements de commerce (78,2%) et de restauration (92,6%). Les conditions d’exercice du
commerce par les femmes sont caractérisées, essentiellement, par le difficile accès aux moyens
de production, à leur contrôle et au bénéfice qu’ils génèrent.
En effet, selon la tradition au Bénin, les femmes n’ont pas accès ou n’héritent pas de la terre, du
gros bétail. Elles ne peuvent donc en général pas disposer de gros capitaux à investir dans les
affaires, d’où leur adhésion limitée aux structures formelles de financement telles que les
banques et autres institutions financières.
4.2.3. Les femmes dans l’économie informelle
La population béninoise est occupée en majorité dans le secteur informel. Ce secteur utilise dans
son ensemble 98,3% de la population active dont 99,3% des femmes contre 97,7% des hommes.
Les femmes reconnues comme actives représentent un peu moins de 50% de la population en
activité. Il existe une différence sensible entre les emplois des hommes et ceux des femmes.
D’après les données du recensement de 2002, les femmes exercent dans le commerce à 88,2%
contre 11,8% pour les hommes.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 20
En effet, le secteur formel ne représente que 5% réparti de façon presque égale entre le public
(2,6%) et le privé (2,4%). Dans le secteur formel privé, on dénombre 41 femmes pour 100
hommes. Selon une étude réalisée par l’Observatoire de l’Emploi avec l’appui du PNUD et
portant sur les données de 1997, 10,1% des emplois sont détenus par les femmes dans les
entreprises modernes contre 89,9% pour les hommes. L’activité formelle et permanente qui
demande plus d’instruction et de qualification demeure un privilège des hommes dont le niveau
d’instruction reste plus élevé que celui des femmes.
Les femmes sont majoritaires dans le secteur informel où elles se retrouvent à 97% contre 93%
pour les hommes, soit 105 femmes pour 100 hommes. Le commerce occupe le premier rang, que
ce soit en milieu rural ou urbain. Les produits qui y sont vendus sont souvent de première
nécessité. Les femmes espèrent ainsi faire rapidement des bénéfices, sans compter avec les aléas
climatiques et les fluctuations de prix sur le marché.
4.2.4. Le travail non-reconnu et non-valorisé des femmes : le secteur invisible de l’économie
Dans la plupart des pays en développement essentiellement rural dont le Bénin, les femmes ont
la responsabilité d’une part importante de la production agricole : planter, désherber, récolter,
mais aussi prendre soin du bétail. Elles passent également beaucoup de temps à aller chercher de
l'eau, à ramasser du bois de chauffage, à faire la cuisine et à s'occuper des enfants et de la
parentèle malade, ce qui fait que la journée ordinaire d'une femme est bien plus longue que celle
d'un homme.
Selon les données du Rapport sur le Développement Humain du PNUD 1998, les activités
domestiques représentent 13,5% de la journée de travail des femmes en ville et 13,6% à la
campagne contre 4,3% et 4,5% pour les hommes. Cependant, les activités reproductives des
femmes dans la sphère domestique ne sont pas comptabilisées économiquement. Si les activités
domestiques étaient prises en compte, alors le temps d'activité des femmes serait supérieur de
plus de 43% à celui des hommes aussi bien dans les zones urbaines que rurales.
Lorsque l’activité des femmes en tant qu’employée domestique est rémunérée, son activité est
comptabilisée comme économique. Seules 18 568 femmes sont concernées et représentent ainsi
1,3% de l’ensemble des femmes officiellement employées (au nombre de 1 390 279). Mais dans
le cas contraire, c’est-à-dire, lorsque les mêmes activités sont exercées dans le ménage, la femme
qui en est l’actrice est déclarée inactive parce que cette activité est non rémunérée. En effet,
53,9% des femmes sont déclarées inactives, dont 42,7% en milieu urbain et 57,3% en milieu
rural. Ces femmes « inactives » se retrouvent au foyer sans aucun niveau d’instruction (78%) ;
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 21
seulement 10% d’entre elles ont le niveau du primaire et 5% ont pu franchir ce cap. Ces résultats
comparés à ceux de 1992, renseignent que l’activité de ménage sans rémunération est en
régression probablement au profit du secteur informel. A cet effet, on comptait 610 991
ménagères en 1992 contre 472 354 en 2002.
4.3. La participation des femmes et leurs rôles dans les instances de prise de décision
4.3.1. Les femmes au gouvernement
La faible présence des femmes en politique date depuis l’époque coloniale. Certes, à cette
époque, très peu de dahoméens participaient aux instances de prise de pouvoir mais la situation
était beaucoup plus prononcée dans la junte féminine. Pour ce qui est de la période post
indépendance, c’est à la faveur du régime de Mathieu Kérékou, lors de la révolution que les
premières tentatives d’introduction de femme dans les instances de prise de décision ont germé.
En effet, c'est grâce à la création, le 14 septembre 1973, du Conseil National de la Révolution
(CNR) et de ses instances locales que l'accès au pouvoir chez les femmes béninoises a été
perceptible. Les femmes avaient à ce moment un quota fixe de six conseillères dans chaque
instance locale élue, ce qui permit à 19 600 femmes sur 70000 conseillers en 1975, soit 28%, de
se faire élire.
Toutefois, au niveau de la présence des femmes au gouvernement, il fallut attendre le 4 août
1989 pour enfin voir, pour la première fois, une femme à la tête d’un ministère au Bénin. En
effet, ce fut lors d'un remaniement ministériel que Mathieu Kérékou nomma la première femme
ministre de l'histoire du Bénin : Rafiatou Karimou. Depuis lors, la situation a évolué de façon
mitigée. Mais depuis l'avènement du renouveau démocratique, l'on vit une légère augmentation
de la représentation féminine dans les gouvernements successifs béninois.
En 1996 et 200l, seules deux femmes étaient nommées ministres sur un total de 21, soit 9,5%. Ce
n'est que le 12 juin 2003, sous le règne du président Kérékou, qu'on est passé à trois sur un total
de vingt ministres soit 15%. Ce taux augmenta encore à 20% lors du gouvernement du 5 février
2005 où cette fois, le président Kérékou nomma quatre femmes.
En 2006, lors de l'arrivée au pouvoir du nouveau Président Yayi Boni, ce fut la première fois
qu'on vît autant de femmes ministres nommées dans un gouvernement béninois depuis le début
du processus démocratique. En effet, le Président Yayi Boni, nomma cinq femmes sur un total
21 ministres, ce qui augmenta la proportion de femmes au sein du gouvernement béninois à
23.81%, le taux le plus élevé depuis 1990. Il est important de souligner que parmi ces femmes,
l'une d'entre elles, occupa le poste de Ministre des Affaires Étrangères, du jamais vu au Bénin.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 22
Somme toute, au niveau de l’Exécutif, le pourcentage des femmes au sein du gouvernement
depuis le renouveau démocratique, de 1991 à 2007, a fluctué entre 5,5 % (1996-1998) à 23,81 %
(2005-2006). De 22,72% en 2006, ce taux est passé à 23,08% en 2007; ce taux a varié d’un
gouvernement à l’autre de 22,72 % en 2006 à 23,08 % en 2007 on est passé à 13,33% en 2008.
Ces taux n’ont jamais atteint le seuil de 33% retenu par la conférence de Beijing.
A sa réélection en 2011, le président Yayi BONI a continué ses efforts pour une meilleure
représentativité des femmes au gouvernement. Ainsi le 28 mai 2011, huit femmes furent
nommées ministres sur un nombre total de 26 ministres, soit un taux record de 30,76%. Depuis
cette date, deux réaménagements techniques sont intervenus. Actuellement le nombre de femmes
au gouvernement est de 7 sur 26, soit 27%
4.3.2. Les femmes au parlement
Le tableau 4 présente l’évolution du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale de 1991 à
2011
Tableau 4 : Evolution du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale de 1991 à 2011
Législatures Total de
députés
Nombre
d’hommes
Nombre de
femmes
Pourcentage de
femmes élues
1ère
(17 février 1991) 64 60 4 6,25%
2ème
(28 mars et 28 mai 1995) 83 78 5 6,02%
3ème
(30 mars 1999) 83 78 5 6,02%
4ème (30 mars 2003) 83 77 6 7,23%
5ème
(31 mars 2007) 83 74 9 10,84
6ème
(30 avril 2011) 83 75 8 9,63%
Source : BENIN, Parliamentary Chamber : http://www.ipu.org/parline-f/reports/1033.htm
La sous représentativité des femmes au sein du parlement béninois (généralement au-dessous de
10%) constitue une preuve assez expressive de leur absence au niveau des instances de prise de
décision. Cette quasi absence de la scène politique de notre pays démontre bien le peu
d’engouement et/ou d’environnement favorable à l’émergence des femmes dans les instances de
prise de décisions ou d’exercice du pouvoir. Cependant l’élection de ces femmes confirme bien
leurs capacités à mobiliser et à faire adhérer des personnes à leur cause.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 23
4.3.3. Les femmes dans la gestion du pouvoir local
La représentativité des femmes dans la gestion du pouvoir local s’est globalement améliorée
entre 2002 et 2010. Mais lorsqu’on analyse la situation par département, une baisse du nombre
de femmes élues est constatée entre 2002 et 2010 dans certains départements. Le cas le plus
frappant est celui des départements du Mono (13,3% en 2002 contre 1,1% en 2008), du Couffo
(2,9% en 2002 contre 0,9% en 2008) et de l’Atlantique (7,5% en 2002 contre 5,2% en 2008). Le
tableau 5 présente l’évolution de la situation pour l’ensemble des départements du pays.
Tableau 5 : Effectif comparatif de la représentation des femmes conseillères aux élections
communales et municipales de 2002 et 2008
Evolution des femmes élues conseillères
Année 2002 Année 2008
Total F % Total F %
ALIBORI 94 1 1,1% 113 2 1,8%
ATACORA 117 3 2,6% 163 4 2,5%
ATLANTIQUE 134 10 7,5% 155 8 5,2%
BORGOU 126 5 4,0% 159 15 9,4%
COLLINES 90 2 2,2% 116 3 2,6%
COUFFO 102 3 2,9% 117 1 0,9%
DONGA 60 1 1,7% 74 2 2,7%
LITTORAL 82 1 1,2% 49 5 10,2%
MONO 45 6 13,3% 91 1 1,1%
OUEME 139 4 2,9% 160 8 5,0%
PLATEAU 82 5 6,1% 97 7 7,2%
ZOU 129 4 3,1% 141 4 2,8%
BENIN 1200 45 3,8% 1435 60 4,2%
Source : Fondation Friedrich Ebert, Femmes du Bénin au cœur de la dynamique de changement, 2008.
Graphique 2 : Evolution des femmes élues conseillères entre 2003 et 2008
Source : Revue documentaire
-15,0%
-10,0%
-5,0%
0,0%
5,0%
10,0%
ALI
BO
RI
ATA
CO
RA
ATL
AN
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BO
RG
OU
CO
LLIN
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CO
UFF
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A
LITT
OR
AL
MO
NO
OU
EME
PLA
TEA
U
ZOU
BEN
IN
0,4%
accroissement
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 24
4.3.4. Les femmes dans les autres institutions de la République
La sous représentativité des femmes est également constatée dans les autres institutions de la
République.
Tableau 5 : Représentativité des femmes dans les autres instances de la République
Mandat Composition
Postes Occupés Hommes Femmes % femmes
1993 - 1998 6 1 14,28 Présidente
1998 - 2003 5 2 28,57 Présidente &
Conseillère
2003 - 2008 5 2 28,57 Présidente&
Conseillère
2008 - 2013 5 2 28,57 Vice- Présidente &
Conseillère Source : Revue documentaire
Au niveau de la Cour Constitutionnelle, la représentation des femmes est restée constante de
2006 à 2008. Toutefois, durant trois (3) mandats, deux (2) femmes se sont succédées à la
présidence de l’institution et ont eu une contribution exceptionnelle à l’enracinement de la
démocratie dans notre pays.
A la Haute Cour de Justice, on note un très faible taux de représentation des femmes avec
seulement 1 femme sur 13 membres, soit 7,69% à chacune des deux premières mandatures. Par
contre, une légère amélioration s’observe à la troisième mandature avec 3 femmes sur 13
membres, soit un pourcentage de 23,08 %.
Au conseil Economique et Social, le taux de représentation des femmes est le plus bas par
rapport à l’ensemble des institutions : 1 femme sur 30, soit 3,33% à la première mandature et 2
femmes sur 30, soit 6,66% aux deuxième, troisième et quatrième mandatures.
A la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, on a noté la présence deux
femmes sur 9 conseillers pour la mandature de 2004-2009, soit un pourcentage de 22 % et de 0
femme pour la mandature qui a commencé le 20 juillet 2009.
Au sein des bureaux des centrales syndicales, les femmes sont de plus en plus présentes. A la
Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (CGTB), le secrétariat exécutif compte 4
femmes sur 19 membres, 21,05 % (mandature 2001-2008), à la Confédération des Organisations
syndicales Indépendante du Bénin (COSI-Bénin), le bureau exécutif compte 6 femmes sur 23
membres, 26,08 % (mandature 2005-2010), à la Confédération des Syndicats Autonomes du
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 25
Bénin (CSA-Bénin), le bureau national compte 2 femmes sur 9, 22,22 % (mandature 2006-2010)
et à la Centrale des Syndicats du Secteur Privé Informel (CSPIB), le bureau national compte 3
femmes sur 18 membres, soit 16,66 % (mandature 2007-2011).
Par contre, dans les mouvements associatifs, les femmes béninoises se font remarquer par leur
grand nombre. En 2008, la Direction de la promotion de la femme et du genre du Ministère de la
famille a recensé 1217 groupements féminins qu’elle appuie à travers les centres de promotion
sociale ouverts dans les départements. Ces groupements et organisations féminins œuvrent dans
divers domaines comme la santé des populations, l’éducation sociale, la micro finance, la
culture, la décentralisation, l’agriculture et l’élevage, l’eau et l’assainissement, la protection de
l’environnement, l’alphabétisation, la défense des droits des femmes et des enfants, la lutte
contre le VIH/SIDA.
4.3.5. Les femmes dans la gestion du pouvoir au sein de la famille
De l’analyse des données, aussi bien des focus groups que des entretiens individuels, il ressort
que, quels que soient le milieu (urbain ou rural) ou le niveau d’instruction, les femmes
apparaissent comme confinées dans leur dépendance sociale, culturelle et économique ; ce qui
fait qu’à bien des égards, elles demeurent souvent subordonnées aux hommes.
A la question de savoir quels sont les rôles des femmes, des hommes et des enfants (filles et
garçons), la plupart des enquêtés, quels que soient le sexe ou le lieu, déclarent presque
invariablement que le rôle principal de l’homme est de subvenir aux besoins du ménage et
prendre des décisions, tandis que celui de la femme est de s’occuper de la famille.
Les réponses recueillies des quatre types de focus group (hommes, garçons, femmes et filles),
les femmes sont considérées et se considèrent elles-mêmes comme les gardiennes de la famille ;
elles sont responsables de la santé, de l’éducation et du bien-être de leurs enfants et de leur mari.
Ainsi, la notion d’identité influe sur la réparation des pouvoirs et des tâches au sein du ménage
entre les hommes et les femmes. Dans la majorité des cas, c’est l’homme qui prend des
décisions importantes « surtout celles relatives aux dépenses », tandis que la femme est
responsable des enfants et du ménage.
Les attitudes relatives à la supériorité de l’homme et à l’infériorité de la femme au sein du
ménage et du cercle familial sont encore très répandues dans beaucoup de nos communautés sur
toute l’étendue du territoire national. Plutôt qu’un partenaire au statut égal à celui de la femme,
l’homme continue d’être généralement considéré comme le « chef de famille », jouissant
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 26
socialement d’un statut supérieur et d’un plus grand pouvoir de décision, ainsi que de plus de
liberté d’actions et de mouvements, alors que l’article 26 de la loi fondamentale stipule :
« …L'homme et la femme sont égaux en droit. L'Etat protège la famille et particulièrement la
mère et l'enfant… »
Dans la plupart des communautés béninoises, les femmes sont exclues des postes de commande
et des décisions. Elles ne sont pas admises à part entière aux processus de décision à l'échelle
familiale ou communautaire. Aussi, leur représentation dans les organisations paysannes ou
professionnelles est faible. Au niveau de la communauté, près de trois femmes sur quatre,
enquêtées, déclarent que les décisions importantes du ménage sont prises de façon unilatérale par
l’homme. La question de l'intervention des femmes dans les processus de décision n'est pas
simple. Les intérêts des hommes et des femmes sont parfois divergents. Pendant longtemps, les
femmes n’ont pas bénéficié des mêmes possibilités que les hommes : conditions de s'exprimer,
de participer, de décider. Les femmes sont reconnues, dans le discours, comme contribuant
activement à la constitution du produit agricole et à la subsistance des familles, depuis des temps
immémoriaux. Il est assez fréquent de constater aussi que ce sont les femmes elles-mêmes qui
résistent au changement et qui tiennent un discours conservateur. Elles font souvent référence à
la tradition, à la coutume, aux habitudes, à l'ordre établi, à la nécessité de transmettre tout
l'héritage culturel et à l'impossibilité de modifier le cours des choses.
Pendant longtemps, les systèmes d'épargne et de crédit, mutualistes ou non, ont été pensés par
rapport à l'agent économique masculin, chef de famille. C’est progressivement qu’avec les
multiples efforts de promotion de la femme, ces mécanismes bancaires se sont ouverts aux
femmes parce qu'elles étaient elles-mêmes demandeuses. Le budget familial commun entre
l'homme et la femme est encore rare. Si la répartition sexuelle du travail est un fait, il en est de
même pour les budgets. Chacun est responsable d'engagements financiers et de dépenses précises
dans le temps. Le budget de l'homme a comme unité périodique, souvent le mois ou la semaine,
celui des femmes le jour.
Les attitudes relatives à la supériorité de l’homme et à l’infériorité de la femme au sein du
ménage et du cercle familial sont encore très répandues dans beaucoup de nos communautés.
Plutôt qu’un partenaire au statut égal à celui de la femme, l’homme est généralement considéré
comme le « chef de famille » jouissant d’un statut supérieur et d’un plus grand pouvoir de
décision, ainsi que de plus de droits et de libertés. Les changements économiques et l’évolution
consécutive du rôle des hommes et des femmes provoquent nécessairement des tensions
familiales et sont parfois source d’humiliation et de conflit de part et d’autre. Les hommes qui ne
peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille se sentent impuissants, inutiles et encombrants
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 27
et réagissent violemment. Les femmes, quant à elles, continuent à s’occuper de leurs familles ou
choisissent parfois de mette fin à une relation humiliante. Les femmes prennent confiance quand
elles commencent à gagner de l’argent et à le garder, mais malgré tous les efforts faits au Bénin
pour la promotion du genre, ces préjugés résistent et persistent.
4.4. Le handicap des femmes à la participation politique
4.4.1. Au plan socio culturel
Selon la conception anthropologique africaine, l'homme tout seul ne saurait se réaliser.
« L'homme en tant qu'individu n'a jamais rien fait de bon dans la solitude de son sexe. Il a
besoin de sa deuxième dimension féminine pour devenir lui-même ». Reprenant la même idée
dans le contexte béninois, Mme HOUETO affirme « l'homme et la femme ont chacun leur rôle
dans le ménage familial ». L’homme, le puissant, le virile est désigné pour s’occuper de tout ce
qui est activité externe au ménage. La femme (méjilô: celle qui donne la vie) a un rôle intérieur,
c'est-à-dire qu'elle veille à son foyer et à tout ce qui a trait à la vie, car c'est elle qui entretient la
vie physique et morale.
C’est pourquoi, on les voit très peu engagées dans les affaires politiques.
Tout laisse croire que du point de vue de l’implication de la femme dans les sphères de prise
de décision politique, il y a encore du chemin à faire.
Malgré l’honnêteté des femmes et les différentes sensibilisations, les hommes ne leur
accordent souvent pas la chance de participer aux activités politiques. Elles sont pour la
plupart là pour mobiliser les électeurs et gonfler le nombre pour les meetings et les marches
de soutien.
A quelques différences près, la situation est pratiquement la même partout quel que soit le
département.
A Lokossa, sur la dizaine de femmes interviewées sur la question seulement trois ont ou avaient
eu une vie politique active (l’ancienne chef d’arrondissement de Dogbo, une opératrice
économique et une femme du secteur primaire), et seul deux participaient aux prises de
décisions dans leur mouvement politique.
A Comé sur les dix femmes interviewées, cinq (une ancienne conseillère, une couturière, une
maraichère, une commerçante et une responsable d’ONG) participent réellement à la vie
politique. Sur les cinq, on dénombre trois qui participent aux prises de décision du groupe
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 28
politique auquel elles appartiennent (l’ancienne conseillère, la couturière et la responsable
d’ONG).
Du point de vue général que ce soit à Kérou ou à Natitingou, les femmes sont présentes dans
l’animation de la vie politique de leur localité mais sont pratiquement inexistantes au niveau des
postes de responsabilité et de prise de décision. Celles qui difficilement essaient d’évoluer dans
la vie politique, ne sont souvent pas soutenues par leurs sœurs.
Dans la commune de Natitingou, il y a certaines femmes qui ont pris conscience du fait qu’elles
doivent participer à l’animation de la vie politique et essaient de sensibiliser les autres. Il en est
de même pour la commune de Kérou. Les femmes ne se sentent toujours pas libres de mener une
vie politique, car malgré les nombreuses sensibilisations, celles qui veulent s’y adonner subissent
des pressions, dans cette localité de culture batonu où la femme n’a pas droit à la parole en
public et surtout devant les hommes. Pourtant, la commune est dirigée par l’une des rares
femmes qui ont su s’imposer par leur leadership.
Si on tient compte de l’influence des hommes et de la pesanteur socioculturelle de notre
communauté, participer à la vie politique, c’est se créer de problèmes dans son foyer. En
effet, les hommes ne veulent pas de femmes qui reviennent tardivement le soir, or les
réunions politiques prennent parfois beaucoup de temps. Elles ne peuvent pas militer
activement dans le même parti que son mari. Quand la femme n’est pas du même bord
politique que son mari, il y a des problèmes : cela peut être source de conflits.
Même dans le Littoral, où on pourrait s’attendre à une meilleure appréhension de la situation, les
réalités sociales quant à la participation des femmes à la vie politique semblent persister. En
effet, du focus group réalisé dans le 13ème
arrondissement avec les hommes, il est souvent
ressorti des propos du genre « …. la femme peut faire de la politique si elle est libre de tout
engagement ; … la politique est comme une perte de temps et le temps c’est précisément ce dont
les femmes ne disposent pas en tant que femmes au foyer. Elles préfèrent se consacrer à leurs
activités qui sont plus bénéfiques ».
Pour les femmes de la même localité : « La vie politique suppose des contraintes tant sur le plan
intellectuel que sur le plan temporel. Or nous les femmes, nous sommes limitées car il faut déjà
obligatoirement cumuler la vie de ménage et la vie économique. Car « la femme est par
excellence l’éducatrice des enfants, la sentinelle du foyer et à ce titre, faire de la politique pour la
femme poserait de problèmes dans la société ». Pour un groupe d’hommes, « malgré tout (le
poids économique des femmes, leur nombre très important dans la société, le travail appréciable
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 29
de sensibilisation des ONG, il est indiscutable que les femmes ne sont pas encore
intellectuellement, psychologiquement, culturellement, financièrement et sociologiquement aptes
ou prête à assumer leur part de responsabilité politique qui leur permettra de se retrouver dans les
sphères de prise de décision. Cette affaire n’est pas seulement une question de diplôme ou de
moyens financiers. (….) les femmes qui sont réellement engagées en politique ne vivent pas
maritalement. C’est pour dire en fin de compte qu’il n’aura de femmes véritablement
politicienne que lorsque les hommes seront réellement flexibles et compréhensibles de leurs
situation…….».
4.4.2. Au plan de la scolarisation
La pauvreté et l’effet des normes sociales sur les femmes, ont tous deux une grande part de
responsabilité dans l'accès à l'éducation des jeunes filles et dans l'alphabétisation des femmes au
Bénin. En effet, au sein d'une famille pauvre l'on choisissait de garder les filles à la maison
puisque c’est à elles qu’incombent les tâches ménagères ou domestiques. La répercussion directe
de cet état de chose est qu'une grande majorité d'analphabètes en sont encore des femmes. En
effet, au nombre des causes les plus pertinentes de la pauvreté au Bénin se trouve
l’analphabétisme qui concerne 67,4% de la population totale avec 78,1% de femmes
analphabètes contre 44% d’hommes ; d’où la connotation féminine poussée de l’analphabétisme
au bénin.
En 2007, l’écart fille et garçon est passé à 12,16 points avec un taux brut de scolarisation des
filles de 92, 17% et des garçons de 104,33%. L’analyse situationnelle selon le genre permet de
cerner les rapports sociaux qui justifient ces écarts persistants. Ils sont relatifs à la décision en
matière de scolarisation des enfants décrite plus haut et aux préférences selon le sexe. Au bénin,
on continue de penser que ce sont les garçons qui gardent la maison et que le bien être d’une
famille dépendra beaucoup plus de l’avenir des garçons. Il y a toujours une réticence à la
scolarisation des filles observée dans plusieurs localités, car estime-t-on les filles finissent
souvent par abandonner l’école pour se marier et/ou procréer.
Au secondaire, en 2005 les filles représentaient 36% de l’effectif total au premier cycle et 26%,
au second cycle avec un Taux Brut de Scolarisation (TBS) des filles qui a évolué de 09 % en
2005. Néanmoins sur la même période l’écart fille garçon s’est accru de plus de 2 point. Dans la
formation technique et professionnelle, même si l’écart s’est réduit d’environ 10 point entre 1993
et 2005, il reste défavorable pour les filles qui représentaient 41% de l’effectif des inscrits en
2005. Elles sont seulement 5% dans les filières des sciences et techniques agricoles. Ainsi par
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 30
rapport aux garçons, ce sont les filles qui sont les moins scolarisées, qui ont le plus faible taux de
promotion, le plus faible taux d’achèvement, le plus fort taux de redoublement, et le plus fort
taux d’abandon. Par conséquent la performance des filles est une préoccupation majeure dans
tous les ordres d’enseignement de la part des acteurs du système éducatif comme les
gouvernements, les ONG nationales, les institutions ou ONG internationales, les partenaires du
gouvernement qui développent des programmes projets pour améliorer l’éducation et la
formation des filles sur tout le territoire.
Graphique 3 : Proportion de filles scolarisées par cycle
Source : Rapport spécial 2010 d’evaluation de la mise en oeuvre des objectifs du millenaire pour le developpement (OMD) au
Bénin
Il apparaît clairement au regard de ce graphique que si les efforts sont perceptibles quant à
l’inscription et au maintien des filles à l’école (aux niveaux maternel et primaire), au fil des ans
l’écart se creuse davantage. Pour un niveau de présence presque identique dans le primaire, la
présence n’est que de 3 femmes pour 10 hommes dans le supérieur. Cette forte déperdition de la
gente féminine au cours de scolarisation a pour conséquence directe de les priver d’une certaine
manière à l’accès aux postes de responsabilité.
Par ailleurs, les statistiques nationales (EDSB II, 2001) montrent que la majorité des femmes de
15-49ans (64%) n’ont aucune instruction, contre 40% chez les hommes âgés de 15-64ans. La
proportion de femmes sans instruction est particulièrement élevée dans les zones rurales (78%)
contre 44% en milieu urbain. Les résultats de l’enquête démographique de 2006 (EDSB III,
2006) montrent que 58 % des personnes de sexe féminin n’ont aucun niveau d’instruction. Chez
9,3 9,8 10,0 9,8 9,8
7,5 7,7
10,0
8,2 8,2
4,8 5,2
3,5
5,2 5,2
2,8 2,8 3,1 3,2 3,2
0,0
2,0
4,0
6,0
8,0
10,0
12,0
2004 2005 2006 2007 2008
Nombre de filles pour 10 garçons
Maternel
Primaire
Secondaire
Supérieur
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 31
les hommes, cette proportion s’élève à 37 %. Ces statistiques montrent qu’il existe une
disproportion entre l’effectif des hommes instruits et celui des femmes.
Tableau 6 : Taux d’alphabétisation par sexe
Taux d'alphabétisation des 15-
24 ans (femme)
Taux d'alphabétisation des
15-24 ans (homme)
2010 2011 2010 2011
BENIN 56,60% 55,20% 74,00% 74,80% Source : Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménages 2ème édition (EMICOV 2011)
Au dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH3), l’écart entre le taux
d’alphabétisation des femmes et celui des hommes était de 23,1 points, soit 21,9% pour les
femmes et 45% pour les hommes.
4.4.3. Au plan économique (niveau de pauvreté)
Comme indiqué plus haut, les femmes excellent dans les activités économiques. Les femmes
sont présentes dans les trois secteurs d’activités (le primaire, le secondaire et le tertiaire) à
travers la production, la transformation et la commercialisation. Plus les femmes s’attachent aux
activités génératrices de revenus, plus elles se désintéressent de ce qui est lié à politique. Ce
comportement est plus prononcé non seulement dans la catégorie des femmes artisanes et
agricultrices dont les chiffres d’affaires sont bas, mais aussi chez les grandes commerçantes.
Selon les femmes enquêtées, la forte présence des femmes dans la vie économique est favorisée
par l’octroi de crédits qui leur procure des fonds de commerce, mais le système de
remboursement est un peu contraignant. Pour être crédibles et solliciter un montant plus élevé de
crédits, il faut respecter le délai. Ceci fait, entre autres, que les femmes n’ont pas de temps à
consacrer aux activités politiques, dans un contexte où elles n’ont aucune garantie. Même
lorsque certaines d’entre elles y participent, elles sont conscientes d’un fait : lutter pour la
sauvegarde de leur secteur d’activités. D’autres ont envie d’aller plus loin dans leurs
activités économiques, de participer activement à l’économie nationale, mais elles n’ont pas de
crédits à leur disposition pour s’approprier des produits à commercialiser. Elles doivent prouver
ce dont elles sont capables pour bénéficier de crédits : cela suppose qu’il faut travailler dur pour
en arriver là ; ce qui nécessite du temps que les femmes n’ont souvent pas de par leur triple rôle.
La société les responsabilise entièrement pour ce qui est des activités liées à la reproduction et à
la vie communautaire (cérémonies, assistance à la réalisation d’infrastructures communautaires,
…). Les femmes elles-mêmes se sont engagées dans une lutte déterminée pour leur autonomie
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 32
économique, par le biais des activités génératrices de revenus, des petites et moyennes
entreprises créées essentiellement grâce aux micro-crédits aux pauvres. Le constat est que les
femmes elles mêmes croient à leur émergence, à partir du renforcement de leur pouvoir
économique. Pour ce qui est de la participation effective à la vie politique, il reste encore du
chemin à faire.
4.5. La discordance entre le poids économique des femmes et leurs rôles dans les
sphères de décision
Les efforts de ces dernières années ont permis de renforcer généralement le niveau économique
des femmes, mais leur nombre reste réduit dans la sphère de prise de décision. Un écart est noté
entre la participation économique des femmes d’une part et leur participation politique au
processus de développement. En effet, les données de la revue de littérature nous ont révélés
qu’il n’existe actuellement aucune étude qui présente le poids économique réel des femmes dans
l’économie nationale. De ce fait la problématique de la discordance entre le poids économique
des femmes et leurs rôles dans les sphères de prise de décision, dans cette étude, se réduit donc à
la problématique de la discordance entre la participation économique des femmes et leur
participation politique au processus de développement. Aussi, il importe de préciser que
l’objectif de cette étude n’est pas d’apprécier si la discordance est une bonne ou mauvaise chose
mais plutôt de mettre en lumière ses déterminants.
4.5.1. Conciliation vie économique et vie politique
Contrairement à la politique, la culture africaine en général et béninoise en particulier accepte
facilement le rôle économique des femmes. La société tolère plus facilement que les femmes
fassent le commerce qui est apparemment beaucoup plus utile pour leur ménage et pour elles que
la politique. D’ailleurs seulement 32,5% des femmes interviewées au sein de la communauté ont
déclaré s’intéresser et participer à la politique au sein de leur localité alors qu’elles exercent
toutes, une activité économique des femmes. Des discussions de groupe, il ressort des propos de
certains participants que : « Les filles sont envoyées à l’école, non pas pour devenir des
personnalités politiques, mais pour être plutôt de bonnes mères et épouses demain. La femme
préfère se donner à ses activités économiques qui lui permettent de subvenir à ses besoins. Elle
n’a pas le temps nécessaire pour exercer les activités politiques avec des réunions qui se font
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 33
tardivement dans la nuit. Les femmes préfèrent investir pour sauvegarder leur foyer. De plus,
elles y sont plus épanouies ».
En effet, selon certains enquêtés, quand la femme exerce une activité qui lui procure de l’argent,
elle cherche à en gagner davantage. Et tant qu’elle peut en gagner davantage, elle se bat pour
cela. Or gagner beaucoup d’argent exige qu’elle s’occupe véritablement de ses activités. Celles
qui réussissent véritablement dans leurs activités économiques, n’ont pas le temps pour les
réunions politiques, alors que c’est au cours des réunions politiques, que les personnes
influentes, généralement les hommes, influencent les décisions ».
Selon un responsable d’une grande institution financière de la place « 40 à 50% des femmes
d’affaires les plus riches de leur portefeuille ont un niveau d’instruction relativement bas, le
BEPC; celles qui ont un niveau d’instruction élevé, leur nombre est insignifiant. Et parfois pour
celles là dont les maris sont des hommes politiques, si elles ne prennent pas leur distance par
rapport aux activités politiques de leurs maris, cela peut – être pour elles une source de
difficultés».
En effet, il y a ce que les banques appellent "Hommes politiquement exposés". Si vous êtes un
homme politique, cela peut constituer un obstacle à l’accès aux financements car le risque est
très élevé. Et les banques préfèrent s’entourer de beaucoup de garanties, car l’Etat a un pouvoir
discrétionnaire très fort et pour des questions de règlements de comptes politiques, « l’Etat peut
demander à la banque que vos comptes soient mis sous scellés jusqu’à nouvel ordre ». Et si la
banque n’exécute pas la décision, les implications peuvent aller jusqu’à sa fermeture : « Si tu
veux que tes activités économiques prospères, il faut faire très attention avec la politique si non
tu auras beaucoup d’ennuis. Il suffit d’une prise de décision ou d’un règlement de compte pour
que tes marchandises fassent l’objet d’un blocage au port ou pour que votre entreprise fasse
l’objet d’un contrôle fiscal suivie d’un redressement fiscal ».
Par ailleurs, si les femmes sont si présentes sur l’échiquier économique, comment s’attendre à ce
qu’elles s’imposent dans l’arène politique ? Elles ne peuvent pas être partout et efficaces. Il faut
donc penser à leur intégration, mais en prenant la précaution de ne pas les y forcer, les
traumatiser pour en définitive les déséquilibrer et déséquilibrer la famille. Par contre celles qui
sont conscientisées sur leur utilité à la chose politique, et qui s’y intéressent doivent être
soutenues et encouragées. De même, il y a des femmes qui accompagnent rigoureusement leurs
maris et qui sont le socle de leurs actions politiques.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 34
4.5.2. Conciliation entre vie familiale et vie politique
Au Bénin comme dans la plupart des pays de l’Afrique au sud du Sahara, une femme n’est bien
vue quand elle a une famille (mari et enfants) dont elle s’occupe convenablement. Nombreuses
sont les femmes qui n’arrivent pas à pleinement assumer leur poste de responsabilité dès la
naissance d’un enfant, en raison d’un manque d’infrastructures pour la prise en charge d’enfants
en bas âge et d’une inégale répartition du temps et des responsabilités domestiques (soins et suivi
scolaires des enfants, activités ménagères, assistance aux parents âgés, etc.). Cette situation
pénalise la participation citoyenne, et explique largement, en ce qui concerne les femmes, le
ralentissement de la carrière, l’acceptation d’un travail à mi-temps ou d’un salaire moins élevé
pour disposer de plus de temps pour les enfants, le refus d’un poste à responsabilités ou
comprenant des déplacements.
Pour contourner cette réalité, la majorité des femmes préfère travailler à leur propre compte. Les
femmes qui ont un emploi ou une activité qu’elles concilient avec les obligations domestiques
font en moyenne 3 à 4 heures de travail domestique par jour, ce qui empiète sur le temps de
travail et sur le temps de la citoyenneté, c’est-à-dire le temps de la participation politique. Ce
temps est encore plus important pour les femmes qui n’ont pas un emploi rémunéré. Plus de la
moitié des femmes interrogées dans la communauté, soit 53,1% déclarent exercer au moins une
autre activité génératrice de revenus en plus de leur fonction principale. Quant aux
préoccupations de savoir « comment elles arrivent à concilier toutes ces occupations elles
répondent, pour la plupart « on est habitué, il suffit de bien s’organiser ».
Les femmes participent moins à la politique que les hommes car elles sont prises par d’autres
contraintes, notamment la famille. Un nombre important de personnes enquêtées pensent que :
« bien souvent, les femmes en politique et les femmes qui occupent des postes de cadre à hautes
responsabilités, ont des enfants déjà grands, ou elles sont célibataires ou veuves »
En effet, les contraintes de la politique sont telles que si la femme doit s’y consacrer, elle ne
pourra convenablement pas s’occuper de sa famille. Comme contraintes, elle doit quitter tôt la
maison, aller partout où besoin sera et rentrer tard alors que les enfants sont là. Par contre à partir
d’un âge et d’un niveau social donné, la femme peut y aller plus facilement parce qu’ayant moins
de contraintes familiales. Pour une femme enquêtée, occupant un poste de Secrétaire Général
dans l’un des ministères du pays, « les grandes réunions politiques se tiennent la nuit et c’est à
des heures tardives que se prennent les grandes décisions : combien de femmes peuvent rester
au-delà de 00h ? »
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 35
Il importe aussi de préciser que pour un grand nombre de personnes interviewées (hommes
comme femmes), la politique représente pour la femme une menace pour la stabilité de son
couple, surtout lorsqu’elle n’a pas le plein soutien de son mari. Pour certains, « c’est un milieu à
risque, parce que jonché de beaucoup de vices ». Pour d’autres « c’est un terrain de jeux
d’intrigues ». S’inscrivant dans la même logique, un enquêté, cadre supérieur dans un des
services de l’administration déclare :
« En politique, il y a trop de risque. Si vous voulez émerger, vous êtes obligé de tout accepter
et c’est votre dignité qui en prend un coup. C’est un milieu à haut risque. Moi-même, je suis
dans la politique et je vois ce qui se passe. C’est un milieu pourri : des femmes mariées qui
sont harcelées, certaines sont mêmes violées et ne peuvent même pas dénoncer leurs
bourreaux. Moi, il y a par exemple certaines missions de ma femme auxquelles je m’oppose
parce que je n’ai pas confiance aux gens avec qui, elle doit aller en mission. Faire de la
politique pour la femme, c’est s’exposer. Il y a beaucoup d’hommes qui n’aiment pas que
leur femme travaille dans l’administration à cause des vices de ces patrons "indignes" ».
Il y a aussi beaucoup de femmes qui ne vont pas à la politique parce qu’elles ont peur du « qu’en
dira-ton », du « ils vont dire que je suis une prostituée, que je suis si, je suis ça ». Il y a
beaucoup de femmes qui sont des braves mais qui n’y vont pas parce qu’elles pensent que « pour
vivre heureux, il faut vivre caché ». Pour la majorité de ces femmes « faire de la politique, c’est
s’exposer. Tu n’as plus de vie privée ». Ce qui n’est pas le cas pour les activités économiques.
4.5.3. Le pouvoir de l’argent en politique
La politique demande beaucoup de temps et d’argent, or l’argent, très peu de femmes en ont.
Celles qui en ont, préfèrent en gagner davantage en consacrant plus de temps à leurs affaires. Le
manque d’argent pour entretenir financièrement l’électorat est un grand handicap pour les
femmes. Dans un pays comme le Bénin, la valeur humaine du candidat, la qualité de son
programme, ou de son projet de société n’a pratiquement aucun effet sur la mobilisation des
électeurs. La mobilisation des électeurs se fait à coup de billets de francs CFA,
« malheureusement, les femmes n’ont pas les moyens. Dans un pays où la démocratie se conçoit
au sein des partis politiques comme un processus qui permet au plus riche d’invertir et de tirer
le maximum de profits une fois l’objectif atteint, il ne peut y avoir de places pour la femme »,
affirme une responsable d’ONG de promotion de la femme. Toujours selon les propos de cette
responsable, les femmes bénéficient rarement du soutien de leurs partis or, elles jouent un rôle
important dans les campagnes électorales, en tant que militantes au sein des partis.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 36
Sans une baisse du pouvoir de l’argent dans la politique, les femmes auront toujours de
difficultés à prendre le pouvoir. La femme n’a pas l’argent. Et même celles qui en ont,
n’aimeraient pas gaspiller cela dans l’achat des consciences comme le font les hommes.
4.5.4. La lenteur des changements liés à la culture
Depuis quand a-t-on commencé par faire la promotion de la femme dans les sphères de prise de
décision ? Les changements de mentalités ne peuvent être que progressifs. La tradition a
longtemps fait de la femme "un sous homme", ce qui fait qu’elle accepte facilement l’homme
décider à sa place. Des entretiens réalisés au niveau de la communauté, il ressort que 4 enquêtés
(hommes et femmes confondus) sur 10 pensent qu’il est acceptable que les femmes jouent les
mêmes rôles que les femmes. Toujours sur cette question, mais au niveau des jeunes filles et
jeunes garçons, la proportion de réponse favorable est de 56,4%, ce qui dénote d’une évolution
des représentations par rapport aux ainés.
La conscience collective n’accepte pas facilement la participation de la femme à la chose
politique. Celles qui le font, sont qualifiées d’audacieuses. La société accepte plus facilement
le rôle économique des femmes que leur participation politique, parce qu’elle pense que le
commerce est plus une question des femmes.
Pour changer quelque chose que la culture a sédimenté dans la mentalité des populations, le
changement de mentalité ne peut se faire du jour au lendemain. Aussi, les actions de
promotion de la femme tiennent très peu compte de la réalité des femmes. En effet, la
majorité des femmes ne sont pas alphabétisées et les efforts sont concentrés dans les villes
alors que les femmes sont majoritairement dans les villages. De plus, les efforts sont
concentrés sur les femmes sans grande implication de leurs maris. Et ce faisant ces derniers,
parce que se sentant écartés, deviennent plus réfractaires à toute collaboration et à tout
changement.
Dans ce processus de participation politique des femmes, la lenteur de la mise en œuvre des
décisions et du changement des attitudes envers les femmes et leur droit à participer au
processus de développement à tous les niveaux reste quelque chose de difficile à maîtriser.
Il y a toutefois eu des changements notables comme l’amélioration du niveau d’instruction
des femmes dans la plupart des communes du pays, l’accès à l’emploi formel, et la
participation à des postes de direction ou de prise de décision, pour n’en citer que quelques-
uns. Cependant, 17 ans après Beijing, la majorité des femmes béninoises sont encore aux
prises avec des besoins élémentaires de survie en raison d’une pauvreté généralisée.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 37
« Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les changements sociaux, ladite émancipation des
femmes qui veulent faire comme leurs sœurs européennes n’ont pas l’air d’avoir changé
profondément leurs conditions de vie sociale », s’est éclatée une participante au focus group.
Ceci confirme l’idée de la camerounaise Marie-Pierre Essimi NGUINA qui, dans son article
intitulé « Globalité et Localités » soutient que « la mondialisation des échanges économiques
véhicule des transformations sociales qui déstabilisent les relations genre », mais le poids de
la culture et des coutumes demeurent encore considérables.
Outre leurs multiples responsabilités domestiques, les femmes se sont progressivement
donnés à des activités économiques, pour avoir des possibilités de gagner de l’argent, et de
contribuer ou subvenir aux besoins multiples et de plus en plus grandissants des enfants. Mais
cela n’est pas sans risque sur la durée de leur journée, puisqu’elles travaillent désormais à
l’extérieur, à longueur de journée, sans que cela réduise leurs tâches domestiques. Ce constat
est valable aussi bien pour les femmes que pour les filles. En effet, à la question de savoir
quelles sont les activités menées journellement par les femmes, les hommes, les filles ou les
garçons, les réponses recueillies sont, à quelques exceptions près, invariables en ce qui
concerne les femmes et les filles. Cela ne surprend pas, lorsqu’on sait que dès le bas âge, les
filles sont éduquées par leur mère à perpétuer la tradition. En plus des activités domestiques,
les femmes s’engagent à contribuer à l’amélioration de l’économie nationale, alors que les
hommes ne sont pas prêts à partager les travaux domestiques ou communautaires pour la
soulager et gagner du temps, denrée rare pour plus d’efficacité dans la vie politique.
4.5.5. Facteurs de discordance entre poids économique et rôles des femmes dans
les instances de décision
Différents facteurs ont été cités par les hommes, femmes, garçons et filles ayant participé aux
48 focus réalisés dans les 24 communes couvertes par l’enquête. Le graphique 2 présente les
réponses des enquêtés, dont les plus essentielles sont :
- Faible niveau d’instruction des femmes (18%):
- Pesanteurs sociologiques (16%)
- Analphabétisme (14%)
- Manque de confiance en soi (11%) et ;
- Manque de soutien, aussi bien de l’entourage (mari, famille) que de son parti politique
(10%).
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 38
Graphique 4 : Facteurs de discordance entre poids économique et rôles des femmes dans les
instances de décision
Il est intéressant de noter que la plupart des obstacles sont exprimés par les enquêté(e)s, en
termes de « manque » : manque d’instruction, manque de formation à la vie politique, manque
de confiance en soi, manque d’intérêt ou de motivation, manque de soutien, manque de
solidarité entre les femmes..., traduisant ainsi le maintien des stéréotypes traditionnels sur les
rôles sociaux masculins et féminins et une image assez négative de la vie politique. S’y
ajoutent de vieux complexes d’infériorité et d’insuffisance qui les tiennent en retrait de la
place publique, complexe renforcé par la non scolarisation ou le bas niveau d’instruction.
Ceci justifie le fait que la plupart des enquêtés identifie le manque d’instruction comme le
facteur par excellence de blocage qui maintient les femmes dans une situation de dépendance
vis-à-vis de leur famille et de la société.
L’appréciation faite des différents facteurs identifiés par l’étude permet globalement de
dénombrer des facteurs aussi bien individuels qu’institutionnels qui influencent le niveau de
participation politique des femmes au Bénin (Tableau : 7)
18 16
14
11 10
6 6 5 5 4 4
2
0% 2% 4% 6% 8%
10% 12% 14% 16% 18% 20%
Facteurs de discordance
Tableau 7 : Facteurs influençant le niveau de participation politique des femmes au Bénin
CITOYENS CANDIDATES POTENTIELLES CANDIDATES ELITE POLITIQUE
Vote Recrutement Sélection Election/Nomination Représentation
Facteurs institutionnels Facteurs institutionnels Facteurs institutionnels Facteurs institutionnels Facteurs institutionnels
Niveau d'information
Niveau d'éducation
Culture démocratique
Niveau de développement
Pesanteurs socio
culturelles
Société civile
Préjugés populaires;
Division sexuelle du
travail
Egalite entre sexe
Système électoral
Procédure de sélection
Critère de sélection
Organisation Féminines
Manque de solidarité
féminine
Procédure de vote
Position sur les listes
Place dans les instances
politiques
Nomination
Préjugés de
l’environnement immédiat
Stabilité du système
politique
Structure de rapport
Facteurs individuels Facteurs individuels Facteurs individuels Facteurs individuels Facteurs individuels
Intérêt politique
Pots de vin
Manque d’engagement
Situation maritale
psychologique
Origine familiale
Manque de confiance en
soi
Degré d'organisation
Expérience civique
Appui/Soutien
Lien d’appartenance
Attrait électoral
Faible engagement/volonté
Ressources financières
Influence
Rémunération
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 40
4.6. Analyse de la discordance entre participation économique et participation
politique des femmes
Au-delà des obstacles à la présence des femmes dans les instances de prise de décisions, une
analyse des conditions d’accès au pouvoir des femmes ayant occupé ou occupant actuellement
des postes de responsabilité révèle trois différents types de statuts d’accès au pouvoir. Il s’agit
des "femmes techniques politiques", des "femmes techniques cooptées politiquement" et des
"leaders d’associations cooptées politiquement".
Les premières, les femmes techniques politiques, sont, en grande majorité, des femmes
militantes et qui ont milité dans des mouvements politiques, puis dans des partis politiques.
Les deuxièmes, les femmes techniques cooptées politiquement sont des femmes qui arrivent
au pouvoir sans être militantes d’aucun parti politique. Ces dernières se démarquent, non
seulement, par le fait qu’elles possèdent un diplôme universitaire ou l’équivalent, mais se font
aussi remarquer par leur charisme et/ou leur leadership. La troisième catégorie de femmes
politiques, les leaders d’associations cooptées politiquement, sont des femmes avec une
éducation au dessus de la moyenne (mais pas forcément universitaire). Leaders d’associations
féminines ayant plus ou moins une grande notoriété, elles mobilisent beaucoup de femmes à
la base.
Par ailleurs, il existe d’autres facteurs favorables à la participation politique des femmes. Ces
facteurs relèvent essentiellement de la vie privée et des réseaux associatifs. En effet, il en
ressort que ce sont les liens familiaux et personnels avec les ténors du pouvoir, la capacité à
mobiliser un réseau social en appui à la participation politique, la détention d’une scolarité
hors normes, la confiance en soi que peut renforcer l’appui de l’époux qui constituent les
éléments déterminants pour l’accès et le maintien de ces femmes au pouvoir politique. Le fait
d’être nommée à un haut poste exécutif, notamment celui de ministre, facilite ensuite l’accès
des femmes au pouvoir électif (législatif et municipal). L’expérimentation de la politique des
quotas par le pouvoir peut également permettre d’augmenter le nombre des femmes pour les
mandats législatifs et municipaux.
En outre, d’autres facteurs non moins importants méritent d’être évoqués. Certains facteurs
tels que le comportement du mari jouent dans l’un et l’autre sens, comme facteur catalyseur
ou comme frein selon qu’il encourage sa femme ou s’oppose à son engagement politique. Le
deuxième, est que le facteur réseau personnel et social est un facteur déterminant que ce soit
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 41
pour les femmes techniques politiques ou les femmes techniques cooptées politiquement ou
encore les leaders d’association cooptées politiquement. En effet, l’important n’est pas depuis
combien d’années tu milites dans un parti. Il y a des femmes non affiliées à un parti politique
qui sont nommées ministres. Qui es-tu ? Quelle légitimité as-tu auprès de l’électorat qui, il
importe de le souligner, opère plutôt un vote affectif en fonction des individus et non, des
projets politiques. La participation des femmes au pouvoir politique demeure ainsi accessoire
et largement tributaire de la volonté ou des choix des ténors du pouvoir. Le troisième facteur
est que le registre traditionnel où la femme est absente de l’exercice direct du pouvoir est
toujours prégnant. La carte politique correspond d’une certaine manière à la carte sociale,
c’est-à-dire que les sociétés qui, traditionnellement, font plus de place aux femmes sont celles
également qui leur font le plus de place dans l’exercice du pouvoir moderne.
Malgré cette discordance entre participation économique et participation politique, il ne fait
pas de doute que la prise de conscience sur la situation des femmes s’est légèrement améliorée
ces dernières années.
Tout d’abord, les rares femmes présentes en politique, qui ont fait objet d’interviews, désirent
toute y rester, et ce, pour des raisons diverses. Ainsi, comme l’indique le graphique 2 ci-
dessous, les raisons pécuniaires ne constituent que 21% des sources de motivation de ces
femmes.
Graphique 5 : Sources de motivation des femmes pour rester en politique
Amour de servir 20%
Desir de prouver que les femmes sont "Capables"
19%
Moyen pour satisfaire ses
besoins 21%
Passion amour de la tâche accomplie
24%
Autres 16%
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 42
Ensuite, avec les efforts accrus du gouvernement d’une part et des partenaires techniques et
financiers d’autre part, les femmes sont de plus en plus instruites, le taux de mortalité
maternelle est en baisse, la disponibilité des contraceptifs donne aux femmes un droit de
contrôle sur leur fécondité et par voie de conséquence sur les naissances. Le statut juridique
des femmes s’améliore progressivement. Plus spécifiquement, l’attitude de la société vis-à-vis
des femmes commence à changer. Il faut toutefois admettre qu’il reste encore un long chemin
à parcourir avant que les femmes ne jouissent pleinement d’un statut égal à celui des hommes
ou d’opportunités égales.
L’absence de la pleine intégration de la femme à la vie publique et politique constitue un
gaspillage drastique de ressources. En effet, la moitié de la population béninoise souffre d’une
éducation et d’une formation insuffisantes et sa disponibilité en tant que ressource productive
est dès lors limitée. L’importance de la contribution des femmes au foyer ne fait aucun doute.
Toutefois, confiner les femmes aux seules activités ménagères revient à les priver, ainsi que la
société dans son ensemble, d’une participation potentiellement productive au processus du
développement national. Dans les économies primitives caractérisées par le besoin de la force
physique pour faire face aux nécessités de la vie, la séparation des rôles entre les sexes
pouvait se justifier. Cette époque est aujourd’hui révolue. L’égalité entre femmes et hommes
relève des Droits de l’Homme et c’est une condition de la justice sociale. C’est aussi un
préalable essentiel à l’égalité, au développement et à la paix. Un nouveau partenariat fondé
sur l’égalité des femmes et des hommes est indispensable si l’on veut parvenir à un
développement durable au service de l’individu. Un engagement soutenu et durable est
essentiel pour que les femmes et les hommes puissent relever ensemble, pour eux-mêmes,
pour leurs enfants et pour la société, les défis du XXIe siècle.
La réussite des actions visant la promotion de la femme exige un engagement ferme des
gouvernants et des organisations et institutions internationales à tous les niveaux. Cela exige
une mobilisation de ressources suffisantes aux niveaux national et international afin de
renforcer les institutions nationales de promotion féminine. Il faudra aussi une ferme volonté
d’assurer l’égalité des droits, des responsabilités et des chances, et la participation égale des
femmes et des hommes dans tous les organes et processus de décision aux niveaux national,
régional et international. L’égalité de participation des femmes aux prises de décision n’est
pas seulement une question de gestion et de démocratie. Elle est la condition nécessaire pour
la prise en compte effective des intérêts des femmes. Sans une implication des femmes à tous
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 43
les niveaux de prise de décisions, les objectifs d’égalité et de développement durable ne seront
jamais atteints.
5. Recommandations et plan de mise en œuvre
Les recommandations ici présentées sont issues des analyses faites des suggestions des
personnes enquêtées comme approches de solutions à la situation de discordance notée
actuellement entre l’importance du rôle économique joué par les femmes dans la société et le
faible taux de leur participation à la vie politique nationale.
5.1. Suggestions des enquêté(e)s
Les propositions faites par les enquêté(e)s pour améliorer le faible taux de participation des
femmes à la vie publique, particulièrement en ce qui concerne l’occupation de postes de prise
de décisions se présentent comme ci-dessous indiqués.
- Poursuivre la promotion de la scolarisation des filles ;
- promouvoir un environnement favorable à la représentation égale et équitable des
hommes et des femmes dans les sphères de prise de décision (individuel, familial,
associatif, communautaire) ;
- organiser des séances de plaidoyer à l’endroit du gouvernement et de l’Assemblée
Nationale pour accélérer le processus de vote de la loi sur la parité ;
- développer un mécanisme d’information et de communication pour un changement de
comportement en faveur des hommes ;
- introduire dans le système éducatif la valorisation des activités non visibles des
femmes et la nécessité du partage des responsabilités ;
- organiser des séances de plaidoyer à l’endroit des hommes pour leur soutien aux
femmes en vue de leur engagement progressif à la vie politique et leur meilleure
participation aux postes de prise de décisions.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 44
5.2. Recommandations
La plupart des documents consultés, corroborent la thèse selon laquelle la féminisation de la
main-d’œuvre et la progression de l’économie informelle témoignent beaucoup plus de
« l’affaiblissement de la position des hommes, et non de l’amélioration des possibilités
économique des femmes ». Le travail rémunéré des femmes, s’ajoutant à leurs tâches
traditionnelles n’est pas nécessairement un facteur d’émancipation sociale, ni un facteur
d’équité et de paix au sein du ménage ou de la communauté. Les occupations économiques
renforcent les capacités des femmes à se prendre en charge, mais elles ont exclusivement
tendance à prendre en main la satisfaction des besoins domestiques.
Certaines femmes enquêtées ont reconnu que leur indépendance économique, les rend plus
fortes face aux difficultés et renforce leurs capacités, en particulier du point de vue travail à
l’extérieur. Les focus groups ont permis de constater que contrairement aux adultes, les jeunes
ont fait montre de la nécessité d’un changement dans la répartition des tâches entre les
hommes et les femmes. Les jeunes constituent donc une cible privilégiée pour des actions en
vue d’un changement de qualité.
Pour une meilleure optimisation de la participation des femmes aux activités politiques, il
s’agira alors, tout en poursuivant les actions actuelles de renforcement des capacités
économiques des femmes, de trouver une stratégie qui : i) leur donne l’occasion de mieux
s’intégrer dans les mécanismes de gestion de la vie politique nationale ; ii) met les hommes à
contribution, en les convaincant de la nécessité de la participation de la femme à la vie
politique ; iii) favorise l’adhésion de toutes les femmes elles-mêmes à la cause, car elles sont
malheureusement encore nombreuses à croire que le monde politique n’est pas du ressort de
la femme.
Les défis majeurs à relever en vue de la participation de la femme à l’animation de la vie
politique, consistent : i) à lutter efficacement contre la non scolarisation des filles et/ou
l’analphabétisme des femmes à tout point de vue ; ii) à créer des conditions favorables à leur
indépendance économique ; iii) à faire reculer les pesanteurs socioculturelles qui pèsent sur la
femme et qui ne lui permettent pas de se prononcer autant que l’homme sur les importantes
décisions nationales.
L’atteinte des objectifs liés à la relève desdits défis passe nécessairement par la mise en
exécution du plan d’action de mise en œuvre de la politique nationale de promotion du genre.
A défaut, les actions élémentaires suivantes se doivent d’être menées, à savoir :
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 45
assurer l’accès des filles à l’école et l’accès des femmes non instruites à
l’alphabétisation ;
renforcer les capacités intellectuelles et organisationnelles des femmes afin qu’elles
puissent comprendre davantage leurs droits et devoirs et être représentatives dans les
sphères de décision (organisations locales de développement, associations et
groupements) ;
poursuivre et étendre sur toute l’étendue du territoire national, les activités d’octroi de
crédits aux femmes en vue de renforcer les capacités financières de la grande majorité
des bénéficiaires ;
renforcer les capacités décisionnelles en leadership des femmes en vue de garantir leur
implication effective dans la définition des politiques de développement à la base et
s’assurer de la prise en compte du genre dans toutes les actions de développement ;
développer, en faveur des femmes, les activités artisanales génératrices de revenus qui
étaient traditionnellement réservées uniquement aux hommes.
C’est pourquoi il est proposé le présent plan dont les actions devront être approfondies pour
validation et finalisation au cours d’un atelier réunissant les principaux acteurs de promotion
de la femme et du genre. Cet atelier devra prioritairement concerner aussi bien les acteurs de
mise en œuvre de la politique de promotion du genre que les responsables de partis politiques.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 46
5.3. Plan de mise en œuvre des recommandations
STRATEGIES D'ACTIONS ACTIONS DESCRIPTIF DE L'ACTION
Renforcement du cadre
institutionnel et organisationnel
des structures de promotion du
Genre
Dynamisation du fonctionnement
des points focaux à divers niveaux
et de toute organisation ayant
pour but la promotion du genre
Il s'agit de décliner des activités susceptibles de favoriser la
fonctionnalité permanente des différents organes de prise en compte
du genre, notamment la tenue effective des sessions de
concertations
Mise en place d'un système
d'informations statistiques sur le
genre
Il faut collecter et traiter toutes les informations susceptibles d'être
désagrégées par sexe au niveau du MEF et procéder à son
actualisation périodique
Renforcement des capacités en
moyens matériels et financiers
Il faut programmer à ce niveau des activités relatives à la création
d'une ligne consistante de crédit spécifique aux actions genre, à la
mise à disposition des moyens adéquats pour le fonctionnement des
structures en place
Intégration systématique du genre
dans les documents de
programmatique des structures de
l’Etat
Les documents de politique, de stratégies de plan d'actions, etc.
doivent être revus pour prendre en compte la dimension genre.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 47
STRATEGIES D'ACTIONS ACTIONS DESCRIPTIF DE L'ACTION
Renforcement des capacités des
ressources humaines à divers
niveaux en genre
Sensibilisation/information de
l'ensemble du personnel des
structures de promotion du genre
sur les divers documents juridique
et institutionnel relatifs à l'égalité
homme-femme
Les activités à programmer sont relatives à l'organisation d'ateliers,
séminaires et séances d'Information Education et Sensibilisation
sur les divers documents juridiques et institutionnel sur l'égalité
homme-femme dont la constitution de 1990, le code des personnes
et de la famille, les textes sur les violences basées sur le genre, etc.
L'action prend en compte aussi des activités de plaidoyer à l'endroit
des autorités et divers responsables du pays pour l'adhésion à la
cause et la mobilisation des ressources financières, matérielles et
humaines nécessaires.
Formation/éducation
Assurer le maintien des filles à l’école et les encourager à achever
le cycle supérieur ; les longues études devraient aussi être l’affaire
des filles ;
Recyclage en technique
d’intégration du genre
Il s'agit de décliner des activités de formation distinctes de tous les
membres de la cellule focale genre et du comité de gestion de la
cellule focale genre. Des activités de formation concernent en outre
les autres acteurs du MEF qui seront ciblés en fonction de leur
mission.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 48
STRATEGIES D'ACTIONS ACTIONS DESCRIPTIF DE L'ACTION
Veille à l’intégration du genre
dans les budgets des ministères
sectoriels et différentes structures
des administrations (publiques
et/ou privées)
Il s'agit d'élaborer des CDMT qui intègrent la dimension genre. Il en
est de même pour les lettres de cadrage envoyées aux ministères
sectoriels. Par ailleurs, des activités doivent être programmées
exécutées suivant ce principe
Suivi de la mise en œuvre des
actions d'intégration du genre
Renforcement et adaptation du
mécanisme de suivi de l'exécution
des actions de promotion du genre
Le mécanisme et les outils y afférents seront révisés et mis à
disposition de tous (acteurs directs, décideurs, utilisateurs…)
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 49
Conclusion
En conclusion, nous pouvons soutenir que les femmes sont de plus en plus impliquées dans la
vie économique, surtout à travers les Activités Génératrices de Revenus. Cependant, elles sont
beaucoup plus présentes au niveau des activités économiques secondaires dont les revenus ne
sont souvent pas très consistants ; ce qui leur garantit difficilement une véritable autonomie
financière. Il se révèle aussi l’émergence d’une nouvelle classe de femmes entrepreneurs,
mais qui ne s’affichent pas en politique comme le font les hommes d’affaires.
L’amélioration de la condition économique des femmes a eu des conséquences remarquables
sur les conditions financières des ménages dont le maintien des enfants à l’école, car elles
reconnaissent ne plus avoir besoin d’attendre les pères de famille qui, malheureusement
semblent démissionner devant certaines de leurs anciennes responsabilités sans en en prendre
de nouvelles.
Dans la majorité des cas, la grande partie des charges familiales revient à la femme dont la
scolarisation des enfants notamment, surtout celle de la fille. C’est le prix à payer
certainement pour le moment par les femmes pour avoir leur place dans la vie publique.
Le second constat est dû à la non prise en compte des activités non rémunérées mais
déterminantes de la femme pour le développement durable à visage humain. Le vrai poids de
la contribution des femmes à la vie économique nationale reste à définir.
Le troisième constat est que la participation des femmes à la vie politique reste encore très
faible pour plusieurs raisons dont la fondamentale, est le triple rôle des femmes.
Le quatrième constat est que les femmes, à travers les ONG et les réseaux de femmes,
mènent un faisceau d’actions pour un changement de la situation.
Enfin, cinquième et dernier constat, lorsqu’on tient compte de la détermination des femmes
à œuvrer pour leur autonomisation économique, comparativement à leur engagement politique
(proportion de femmes à l’Assemblée Nationale et au gouvernement, nombre de femmes à la
tête de partis politiques, nombre de femmes membres de partis politiques), on est en mesure
de soutenir que beaucoup d’efforts restent à consentir pour une amélioration de la situation.
Etude sur la discordance entre le poids économique des femmes et leur rôle dans les sphères de prise de décision Page 50
Bibliographie
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le monde 2012
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Bénin, Projet d’appui à l’ordonnateur national 9ACP BEN 012
Colette HOUETO, « La femme, source de vie dans l'Afrique traditionnelle », dans
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Fenneke REYSOO, Economie mondialisée et identités de genre, les Colloques genre de
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Annexes