enseigner les concepts de logique dans l espace mathematique

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N° d’ordre 224-2013 Année 2013 THÈSE DE L’UNIVERSITÉ DE LYON délivrée par L’UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON 1 et préparée en cotutelle avec L’UNIVERSITÉ DE YAOUNDE 1 ÉCOLE DOCTORALE Education, Psychologie, Informatique et Communication DIPLÔME DE DOCTORAT (arrêté du 7 août 2006 / arrêté du 6 janvier 2005) soutenue publiquement le 29 novembre 2013 par NJOMGANG NGANSOP Judith Spécialité : Didactique des Mathématiques TITRE : Enseigner les concepts de logique dans l’espace mathématique francophone : aspect épistémologique, didactique et langagier. Une étude de cas au Cameroun Sous la co-direction de Viviane DURAND-GUERRIER et Lawrence DIFFO LAMBO RAPPORTEURS M. DELCROIX Antoine et Mme GUEUDET Ghislaine JURY : M. MERCAT Christian, Président du jury Mme GUEUDET Ghislaine, Rapporteur M. ANDJIGA Nicolas Gabriel, Examinateur Mme CHELLOUGUI Faiza, Examinatrice M. DIFFO LAMBO Lawrence, Co-directeur Mme DURAND-GUERRIER Viviane, Co-directrice

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  • N dordre 224-2013 Anne 2013

    THSE DE LUNIVERSIT DE LYON

    dlivre par

    LUNIVERSIT CLAUDE BERNARD LYON 1

    et prpare en cotutelle avec

    LUNIVERSIT DE YAOUNDE 1

    COLE DOCTORALE

    Education, Psychologie, Informatique et Communication

    DIPLME DE DOCTORAT

    (arrt du 7 aot 2006 / arrt du 6 janvier 2005)

    soutenue publiquement le 29 novembre 2013

    par

    NJOMGANG NGANSOP Judith

    Spcialit : Didactique des Mathmatiques

    TITRE :

    Enseigner les concepts de logique dans lespace mathmatique francophone : aspect

    pistmologique, didactique et langagier. Une tude de cas au Cameroun

    Sous la co-direction de Viviane DURAND-GUERRIER et Lawrence DIFFO LAMBO

    RAPPORTEURS

    M. DELCROIX Antoine et Mme GUEUDET Ghislaine

    JURY :

    M. MERCAT Christian, Prsident du jury

    Mme GUEUDET Ghislaine, Rapporteur

    M. ANDJIGA Nicolas Gabriel, Examinateur

    Mme CHELLOUGUI Faiza, Examinatrice

    M. DIFFO LAMBO Lawrence, Co-directeur

    Mme DURAND-GUERRIER Viviane, Co-directrice

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    RSUME

    Lobjet de notre tude porte sur la logique et le langage la transition entre le lyce et luniversit dans le contexte camerounais.

    Au Cameroun, dans lenseignement secondaire, les concepts de logique sont trs peu explicits en classe de mathmatiques, du fait que leur enseignement nest pas prescrit par les nouveaux programmes1 officiels. Ce nest pas le cas de lenseignement suprieur o un cours de logique formelle sous forme de rappel, est souvent donn en dbut danne. Ce cours nest pas prescrit par les programmes, mais certains enseignants en voient la ncessit.

    Les rsultats de plusieurs travaux ont montr que certaines des difficults que les tudiants rencontrent dans la pratique des mathmatiques proviennent dune mauvaise matrise des concepts de logique. Nous faisons lhypothse quils sont insuffisamment pris en charge par les enseignants dans la classe de mathmatiques, qui pensent quils sont disponibles chez les tudiants, du fait de leur utilisation dans la vie courante dune part, et progressivement dans lactivit mathmatique.

    La thse que nous soutenons est que, pour rendre opratoire les concepts de logique chez les tudiants nouvellement arrivs luniversit, un minimum dexplicitation de ces concepts en relation avec leur usage dans lactivit mathmatique est ncessaire pour les apprentissages en mathmatiques tout le moins dans lenseignement suprieur.

    Pour dfendre notre thse, nous avons divis notre travail en deux parties. Dans la premire partie, nous prsentons des lments thoriques et analytiques ncessaires notre travail, et une revue des travaux antrieurs en relation avec notre problmatique.

    La deuxime partie porte sur les rsultats dune exprimentation que nous avons mene avec des lves de terminale C dun lyce de Yaound2, et des tudiants de premire anne de licence de mathmatiques de lEcole Normale Suprieure de Yaound. Elle sest droule en deux temps : nous avons fait passer un questionnaire portant sur la logique et le langage aux lves et aux tudiants, et la suite de ce questionnaire, nous avons organis un module de suivi avec huit tudiants ayant pass ce questionnaire. Le questionnaire nous a permis de reprer certaines conceptions des lves et des tudiants concernant les concepts de logique, et le module de suivi a permis de provoquer des dbats qui permettaient dans certains cas daffiner nos analyses et nous donnaient des lments permettant didentifier des occasions pour expliciter certaines notions.

    1 La mise en place des nouveaux programmes officiels de mathmatiques a commenc ds lanne scolaire 1994-1995 par la classe de sixime, et sest faite progressivement. 2 Au Cameroun

  • 4

    TITLE

    "Teaching of the concepts of logic in francophone mathematics area: epistemological, didactic and language aspects. Case study in Cameroon." ABSTRACT Our study focuses on logic and language at the transition between high school and university in the Cameroonian context.

    In Cameroon secondary education, the concepts of logic are paid little attention in mathematics classes, due to the fact that their teaching is not prescribed in the new official syllabuses3. This is not the case of higher education, where a course on formal logic is often given at the beginning of the year to first year university students, with a refreshing purpose. That course is not required in the syllabus, but some teachers see the need.

    Several scientific studies have shown that some of the difficulties encountered by students while practicing mathematics come from their poor familiarity with concepts of logic. We assume that these students are insufficiently attended to by their teachers who think that the concepts are at their reach, since they are used in everyday life on the one hand, and they are gradually used in mathematical activities, on the other hand.

    In this thesis, we stand for the point that, for the concepts of logic to become real operational tools to a student who begins university studies, some teaching of these concepts which should address the connections with mathematical activities is necessary, at least as a starting point in higher education studies. To defend our thesis, we have divided our work into two parts which are as follows :

    In the first part, we present theoretical material necessary to our work as well as other technical tools that will be needed. We also provide a review of previous studies related to our issue.

    The second part is on an experiment we carried out with students from the Upper Sixth class - science option - of a high school in Yaound (Cameroon), and with first year university students of mathematics of the Yaound Higher Teachers Training College. This experiment had two stages : Firstly, the high school students and the university students filled out a questionnaire on logic and language. Following this, we organized a follow-up module involving 8 students purposely selected from their answers to the questionnaire. This questionnaire enabled us to detect meaningful points on how high school and university students grasp the concepts of logic, and the module helped to start debates which enabled in some cases to refine our analysis, and also provided us with strategic approaches for explaining certain concepts of logic.

    DISCIPLINE : Didactique des mathmatiques 3 The new official mathematics syllabuses were instituted at the 1994-1995 school year by first year of secondary school, and was gradually extended to involve all other years of secondary school study.

  • 5

    MOTS-CLES : ngation, implication, quivalence, quantification, prdicat, enseignement,

    apprentissage, logique, langage, raisonnement, transition lyce/universit.

    INTITULE ET ADRESSE DE L'U.F.R. OU DU LABORATOIRE

    Laboratoire S2HEP : Sciences et Socit ; Historicit, Education et Pratiques

    Btiment la Pagode , 38 avenue Niels Bohr- Campus de la Doua

    Universit Claude Bernard Lyon 1, 43 Boulevard du 11 novembre 1918

    69622 Villeurbanne Cedex

  • 6

  • 7

    REMERCIEMENTS

    JJe remercie mon poux Samuel SADJA KAM, qui ma apport son soutien sur tous les plans dans la ralisation de cette thse. Cette thse est la ntre.

    A nos enfants Jol, Serge et Michle-Ange qui ont chacun particip trs significativement ce travail et qui mont entoure de toute leur affection je dis ma reconnaissance.

    Je vous aime trs fort.

    Je remercie Madame Viviane Durand-Guerrier pour tout lencadrement dont jai bnfici au

    cours de la rdaction de ce travail. Jai admir son expertise, sa patience et sa gentillesse ;

    quelle trouve ici lexpression de ma profonde gratitude.

    Je remercie Monsieur DIFFO LAMBO Lawrence davoir accept de codiriger cette thse.

    Je remercie Monsieur Philippe JAUSSAUD, directeur du laboratoire LIRDHIST au moment

    o je commenais ma thse, et Monsieur Philippe LAUTESSE directeur du laboratoire

    S2HEP4, pour toutes les facilitations quils mont accordes pour la rdaction et la soutenance

    de ma thse.

    Je remercie Madame Ghislaine GUEUDET davoir accept dtre rapporteur et examinatrice

    de cette thse, et Monsieur Antoine DELCROIX davoir accept dtre rapporteur de cette

    thse. Quils soient remercis pour leur disponibilit.

    Je remercie Monsieur Nicolas Gabriel ANDJIGA davoir accept dtre membre du jury.

    Quil soit remerci pour le grand intrt quil accorde mon travail, le soutien multiforme

    quil na cess de mapporter depuis le dbut de cette belle aventure.

    Je remercie Monsieur Christian MERCAT, Madame Faiza CHELLOUGUI davoir accept

    dtre membres du jury de cette thse. Quils soient remercis pour lintrt quils portent

    mon travail.

    Je remercie la Coopration Franaise au Cameroun qui ma apport un grand soutien financier

    dans la ralisation de cette thse.

    4 Le laboratoire LIRDHIST a chang de dnomination, il est devenu S2HEP.

  • 8

    Je remercie Monsieur Jol MOULEN et Monsieur Maurice TCHUENTE qui sont lorigine

    de ce travail. Quils trouvent ici ma profonde reconnaissance pour toute la motivation quils

    ont su mapporter.

    Je remercie Messieurs Luc Calvin MEGAMTCHE, Joseph FOTSING, Donatien

    TCHOKONA, Raoul BOUDY, Fidle CIAKE, Hubert NNANG, Bertrand TCHANTCHO qui

    ont accept de participer mon travail en maccordant des interviews, et en mouvrant

    gracieusement les portes de leurs classes pour les enqutes que jy ai menes.

    Je remercie la grande famille des Classes Scientifiques Spciales, en particuliers Mme Marie

    Louise ASSE Messieurs AYINA BOUNI et Donat KENMEGNE pour les services quils ont

    su me rendre avec joie.

    Je remercie pour leur disponibilit les tudiants de MATH1 (2010), eux qui ont accept de

    participer lexprimentation au centre de notre travail de thse.

    Je remercie Mesdames Huguette FOSSO et Berthe TCHENDJE, ainsi que Monsieur

    TCHENDJE pour leur amiti qui ma t si prcieuse. Ils nont pas cess de mencourager

    tout au long de la rdaction de ce travail, ils ont cru en moi.

    Je remercie Madame Jacqueline TINA, la famille GERNEZ et la famille LOMBARD Lyon

    pour mavoir accueillie dans cette grande ville et mavoir ouvert les portes de leur domicile en

    toute confiance.

    Je remercie toute ma famille, en particulier ma sur Isabelle NJOMGANG et mes mamans

    Elisabeth NANGOB NJOMGANG et Jacqueline MAKUISSU KAM pour leur soutien tout au

    long de la rdaction de ma thse.

    Je remercie le Rvrend Pasteur Joseph BAMEKO, Stanislas BALEKE pour le soutien

    spirituel et les prires quils ont leves pour moi.

    Je remercie mes filleuls Herv Lon PRISO, Danielle NDAMZI, Calvin et Lydie SAMBA,

    Franois et Lucianie WANKEU, Galle, Judith et Danielle TCHENDJE, Marlne KOM et

    Manuelle EDOUNG, ma nice Muriel-Laure KOM, mon bb Karelle TCHENDJE pour leurs

    attentions multiformes.

    Pour tous ceux que je nai pas cits et qui ont de prs ou de loin contribu dune faon ou

    dune autre la ralisation de ce travail, je dis MERCI.

  • 9

    Sommaire INTRODUCTION ET PROBLMATIQUE ........................................................................... 19

    PARTIE 1 : tude thorique et analytique ....................................................................... 29

    CHAPITRE 1 : La Thorie des Champs Conceptuels comme cadre thorique dtude de

    nos questions de recherche ................................................................................................. 31

    Introduction ...................................................................................................................... 31

    1. Oprationnalit des connaissances ............................................................................. 33

    1.1. Les schmes ........................................................................................................ 34

    1.2. Les invariants opratoires.................................................................................... 36

    1.3. Forme opratoire et forme prdicative de la connaissance ................................... 40

    2. Le rle du langage dans le processus de conceptualisation : signifiant/signifi ........... 43

    2.1. Importance des reprsentations langagires ......................................................... 43

    2.2. Le langage comme aide au raisonnement ............................................................ 46

    Conclusion du chapitre 1.............................................................................................. 53

    CHAPITRE 2 : Les questions de logique la transition lyce-universit ........................ 55

    Introduction ...................................................................................................................... 55

    1. La logique en uvre dans lactivit mathmatique ..................................................... 56

    1.1. Brve synthse de quelques travaux sur la logique .............................................. 56

    1.2. La logique du premier ordre ................................................................................ 61

    1.2.1. Le calcul propositionnel ............................................................................... 62

    1.2.1.1. La ngation ............................................................................................. 62

    1.2.1.2. Limplication........................................................................................... 63

    1.2.1.3. Lquivalence .......................................................................................... 65

    1.2.1.4. Implication, quivalence et rgles dinfrence. ........................................ 66

    1.2.1.5. Insuffisance du calcul des propositions .................................................... 66

    1.2.2. Le calcul des prdicats ................................................................................. 69

    1.2.2.1. Les fonctions propositionnelles ............................................................... 69

  • 10

    1.2.2.2. La quantification ..................................................................................... 70

    1.2.2.3. La ngation ............................................................................................. 73

    1.2.2.4. Limplication........................................................................................... 76

    1.2.2.5. Lquivalence .......................................................................................... 78

    Conclusion .................................................................................................................... 78

    2. La complexit des concepts de logique dans lusage en mathmatiques ...................... 79

    Introduction ................................................................................................................... 79

    2.1. La quantification ................................................................................................. 79

    2.2. La ngation ......................................................................................................... 82

    2.3. Limplication - Lquivalence ............................................................................. 84

    2.3.1. Limplication ............................................................................................... 84

    2.3.2. Limplication et lquivalence ...................................................................... 87

    Conclusion .................................................................................................................... 89

    3. La complexit logique des noncs mathmatiques la transition Lyce-Universit :

    deux exemples danalyse logique dnoncs mathmatiques ............................................. 89

    3.1. Le premier nonc : caractrisation de la continuit laide des suites

    convergentes ................................................................................................................. 90

    3.2. Le deuxime nonc : la conjecture de Goldbach ................................................ 94

    3.3. La pertinence de lanalyse logique des noncs mathmatiques........................... 97

    Conclusion .................................................................................................................... 98

    Conclusion du chapitre 2 ................................................................................................... 99

    CHAPITRE 3 : Revue des travaux antrieurs ................................................................ 101

    Introduction .................................................................................................................... 101

    1. Transition lyce-universit (Ghislaine Gueudet, 2008) ............................................. 101

    1.2 Un changement des modes de pense et lorganisation des connaissances est

    ncessaire luniversit ............................................................................................... 102

    1.3 Le langage en mathmatiques ........................................................................... 104

    1.4 La transposition didactique et le contrat didactique ........................................... 106

  • 11

    1.5 Quelques propositions de lauteur pour des actions didactiques ......................... 108

    Conclusion .................................................................................................................. 109

    2. Logique et langage ................................................................................................... 110

    Introduction ................................................................................................................. 110

    2.1. Le langage de la quantification (Susanna Epp, 1999) ........................................ 110

    2.1.1. Les formes variables des noncs quantifis............................................... 111

    2.1.2. Des confusions entre le langage mathmatique et le langage naturel........... 112

    2.1.3. Quelques suggestions de lauteur pour lenseignement des mathmatiques 113

    2.2. Structure logique des noncs mathmatiques (Annie Selden et John Selden, 1995)

    114

    2.2.1. Dfinition des concepts cl ........................................................................ 115

    2.2.1.1. Preuve et validation ............................................................................... 115

    2.2.1.2. noncs informels ................................................................................. 115

    2.2.1.3. Lexplicitation des noncs informels .................................................... 116

    2.2.1.4. Les structures des preuves ..................................................................... 117

    2.2.2. Les questions sous-jacentes ........................................................................ 117

    2.2.2.1. Les relations entre explicitation dune structure logique et validation

    Implication dans les activits mathmatiques ........................................................ 117

    2.2.2.2. Les images mentales lies un nonc (statement Images) .................... 118

    2.2.3. Les rsultats de lexprimentation .............................................................. 118

    2.2.4. Quelques suggestions des auteurs............................................................... 120

    2.3. Ngation logique et ngation grammaticale (Durand-Guerrier & Ben Kilani, 2005)

    120

    2.3.1. Quelques lments dpistmologie dAristote Quine .............................. 121

    2.3.1.1. Le concept de ngation chez Aristote..................................................... 121

    2.3.1.2. La ngation dans la logique du premier ordre ........................................ 121

    2.3.2. La ngation dans la grammaire franaise .................................................... 123

    2.3.2.1. La ngation totale des noncs universellement quantifis ..................... 123

  • 12

    2.3.2.2. La ngation partielle des noncs universels .......................................... 123

    2.3.2.3. Les ambiguts smantiques relatives la ngation des noncs universels

    en franais ............................................................................................................ 123

    2.3.3. Des rsultats observs dans lusage de la ngation en contexte tunisien ...... 124

    2.3.3.1. Le contexte tunisien............................................................................... 124

    2.3.3.2. Quelques phnomnes observs dans la pratique de la ngation

    mathmatique ....................................................................................................... 125

    Conclusion .................................................................................................................. 127

    3. Quantifications multiples ......................................................................................... 127

    3.1. Sur la dpendance des variables (Durand-Guerrier et Arsac, 2003)................... 127

    3.1.1. Motivation de ltude ................................................................................. 127

    3.1.2. La pratique de la dmonstration ................................................................. 128

    3.1.2.1. Exemple gnrique, ncessit et gnralit ............................................ 128

    3.1.2.2. Sur la dmonstration en gomtrie ......................................................... 130

    3.1.3. Le calcul des prdicats ............................................................................... 131

    3.1.4. Une exprimentation .................................................................................. 133

    3.2. Sur le formalisme (Faza Chellougui, 2004) ...................................................... 136

    3.2.1. Le formalisme dans lactivit mathmatique .............................................. 137

    3.2.1.1. Le formalisme mathmatique ................................................................ 137

    3.2.1.2. Rigueur et formalisme ........................................................................... 137

    3.2.1.3. Un exemple dusage du formalisme dans lactivit mathmatique : la

    notion de continuit dans lenseignement suprieur .............................................. 138

    3.2.2. Les noncs de la forme et de la forme ..... 140

    3.2.2.1. La premire exprimentation ................................................................. 140

    3.2.2.2. La deuxime exprimentation ................................................................ 143

    Conclusion .................................................................................................................. 145

    4. Implication et quantification .................................................................................... 145

    Introduction ................................................................................................................. 145

  • 13

    4.1. Quelques aspects de limplication mathmatique (Deloustal-Jorrand, 2000-2001)

    146

    4.1.1. Trois points de vue sur limplication .......................................................... 147

    4.1.1.1. Le point de vue du raisonnement dductif .............................................. 147

    4.1.1.2. Le point de vue ensembliste................................................................... 148

    4.1.1.3. Le point de vue de la logique formelle ................................................... 148

    4.1.1.4. Rapports entre les diffrents points de vue ............................................. 149

    4.1.2. Le fonctionnement de limplication dans quelques manuels ....................... 150

    4.1.2.1. Les manuels du niveau quatrime .......................................................... 150

    4.1.2.2. Les manuels du niveau DEUG scientifique ............................................ 150

    4.1.3. Lexprimentation avec des tudiants-futurs professeurs ............................ 152

    Conclusion ............................................................................................................... 156

    4.2. Modes de traitement de limplication mathmatique par des tudiants avancs

    (Jeanine Rogalski et Marc Rogalski, 2004) .................................................................. 156

    4.2.1. Motivation et hypothse de travail ............................................................. 157

    4.2.2. Les rsultats ............................................................................................... 158

    4.2.2.1. Prsentation globale des rsultats........................................................... 158

    4.2.2.2. Quelques points spcifiques................................................................... 160

    4.2.3. Quelques suggestions ................................................................................. 165

    4.3. Des pratiques mathmatiques en question (Durand-Guerrier, 2005) .................. 166

    4.3.1. Les pratiques de la quantification ............................................................... 167

    4.3.1.1. La quantification borne ........................................................................ 167

    4.3.1.2. La quantification implicite des noncs conditionnels........................... 170

    4.3.2. Linstabilit du statut des lettres dans les dmonstrations ........................... 171

    4.3.3. Quelques propositions de lauteure ............................................................ 173

    Conclusion ............................................................................................................... 174

    Conclusion du chapitre 3 ................................................................................................. 174

  • 14

    CHAPITRE 4 : Analyse de manuel et de polycopi- Analyse de quelques pratiques de

    classe ................................................................................................................................. 177

    Introduction .................................................................................................................... 177

    1. lments de transposition didactique........................................................................ 178

    2. Analyse du manuel de terminale C ........................................................................... 179

    2.1. Arithmtique ..................................................................................................... 180

    2.2. Les fonctions numriques dune variable relle : limite et continuit ................. 187

    2.3. Les fonctions numriques dune variable relle : drivabilit ............................ 193

    2.4. Les suites numriques ....................................................................................... 194

    2.5. Synthse de lanalyse du manuel de Terminale C .............................................. 198

    2.6. Quelques pratiques de classe au lyce ............................................................... 198

    2.6.1. Le cours de logique en dbut danne ........................................................ 199

    2.6.2. La prise en charge des connecteurs logiques .............................................. 200

    2.6.3. Lusage des quantificateurs et le statut des lettres ....................................... 203

    2.6.4. Synthse des entretiens et quelques propositions des enseignants ............... 205

    Conclusion .................................................................................................................. 207

    3. Analyse du polycopi de premire anne de licence de mathmatiques .................... 208

    3.1. Le corps des nombres rels ............................................................................... 208

    3.2. Fonction numrique une variable relle .......................................................... 214

    3.3. Synthse de lanalyse du polycopi ................................................................... 219

    3.4. Quelques pratiques de classe en dbut duniversit ........................................... 220

    3.4.1. Le cours de logique en dbut danne ........................................................ 220

    3.4.2. Lusage des quantificateurs ........................................................................ 221

    3.4.3. Le point de vue dun enseignant du suprieur au sujet du questionnaire

    tudiant 222

    Conclusion .................................................................................................................. 223

    Conclusion du chapitre 4 ................................................................................................. 223

    PARTIE 2 : EXPRIMENTATION AVEC LES LVES ET LES TUDIANTS ...... 225

  • 15

    INTRODUCTION ............................................................................................................ 227

    CHAPITRE 5 : Prsentation gnrale des questionnaires et du module de suivi .......... 229

    1. Modalits de passation des questionnaires ................................................................ 229

    2. Prsentation des exercices des questionnaires ........................................................... 229

    Conclusion .................................................................................................................. 235

    3. Prsentation du module de suivi ............................................................................... 235

    CHAPITRE 6 : Les exercices centrs sur la ngation ..................................................... 239

    Introduction .................................................................................................................... 239

    1. Exercice 3 ................................................................................................................ 239

    1.1. Analyse a priori du questionnaire et du module de suivi .................................... 239

    1.2. Analyses a posteriori ......................................................................................... 248

    1.2.1. Analyse des rponses des tudiants et du module de suivi .......................... 248

    1.2.2 Analyse des rponses des lves ................................................................ 258

    Conclusion .................................................................................................................. 261

    2 Exercice 4 ................................................................................................................ 263

    2.1 Analyse a priori ................................................................................................ 263

    2.2 Analyses a posteriori des rponses des tudiants ............................................... 267

    Conclusion .................................................................................................................. 276

    Conclusion du chapitre 6 ................................................................................................. 277

    CHAPITRE 7 : Les exercices centrs sur la quantification ............................................ 279

    Introduction .................................................................................................................... 279

    1 Exercice 2 ................................................................................................................ 279

    1.1 Analyse a priori ................................................................................................ 280

    1.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 291

    1.2.1.1 Analyse a posteriori des rponses des tudiants et du module de suivi .... 291

    1.2.2 Analyse a posteriori des rponses des lves et mise en perspective avec les

    rponses des tudiants .............................................................................................. 309

  • 16

    Conclusion .................................................................................................................. 318

    2 Exercice 5 ................................................................................................................ 319

    2.1 Analyse a priori ................................................................................................ 319

    2.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 324

    2.2.1.1 Analyse des rponses des tudiants et du module de suivi ...................... 324

    2.2.2 Analyse des rponses des lves ................................................................ 337

    Conclusion .................................................................................................................. 347

    3 Exercice 8 ................................................................................................................ 347

    3.1 Analyse a priori ................................................................................................ 347

    3.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 351

    3.2.1.1 Analyse des rponses des tudiants et du module de suivi ...................... 351

    3.2.2 Analyse des rponses des lves ................................................................ 356

    Conclusion .................................................................................................................. 357

    Conclusion du chapitre 7 ................................................................................................. 357

    Chapitre 8 : Les exercices centrs sur limplication ........................................................ 359

    Introduction .................................................................................................................... 359

    1 Exercice 1 ................................................................................................................ 359

    1.1 Analyse a priori ................................................................................................ 359

    1.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 363

    1.2.1 Analyse des rponses des tudiants et du module de suivi .......................... 363

    1.2.2 Analyse des rponses des lves ................................................................ 369

    Conclusion .................................................................................................................. 370

    2 Exercice 6 ................................................................................................................ 371

    2.1 Analyse a priori ................................................................................................ 371

    2.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 378

    Conclusion .................................................................................................................. 391

    3 Exercice 7 ................................................................................................................ 392

  • 17

    3.1 Analyse a priori ................................................................................................ 392

    3.2 Analyses a posteriori ......................................................................................... 395

    Conclusion .................................................................................................................. 401

    Conclusion du chapitre 8 ................................................................................................. 402

    Chapitre 9 : Du langage naturel au langage formel ........................................................ 405

    Introduction .................................................................................................................... 405

    1 Analyse a priori ....................................................................................................... 405

    2 Analyse a posteriori des rponses ............................................................................. 410

    Conclusion du chapitre 9 ................................................................................................. 415

    CONCLUSION GNRALE ET PERSPECTIVE ........................................................ 417

    Cadres thoriques ............................................................................................................ 417

    Quelques rsultats antrieurs ........................................................................................... 418

    Quelle transposition pour les concepts de logique ? ......................................................... 419

    Lexprimentation ........................................................................................................... 420

    La ngation.................................................................................................................. 420

    La quantification ......................................................................................................... 421

    Limplication ............................................................................................................... 422

    Le changement de langage ........................................................................................... 423

    Perspectives de recherche :.............................................................................................. 423

    1. Proposition denseignement .................................................................................. 423

    2. La formation des enseignants ................................................................................ 424

    3. tudier les effets du bilinguisme sur lapprentissage des concepts logiques ......... 424

    BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 427

  • 18

  • 19

    INTRODUCTION ET PROBLMATIQUE

    Notre tude porte sur la logique et le langage la transition entre le lyce et

    luniversit, dans le contexte camerounais. Elle est motive par limportance des questions de

    logique et de langage, leurs relations dans lactivit mathmatique, et leurs apprentissages la

    fin du secondaire et en dbut duniversit.

    La question de la place de la logique dans lenseignement est une question difficile qui est trs

    controverse dans lespace francophone et ailleurs dans le monde depuis la rforme des

    mathmatiques modernes. Les opposants sappuient sur divers travaux conduits dans cette

    priode, que ce soit en ducation mathmatique ou en Psychologie du raisonnement. Ces

    travaux montrent en effet quun enseignement per se de la logique ne se transfre pas

    ncessairement dans la classe de mathmatiques et namliore pas ncessairement les

    aptitudes au raisonnement dductif (Durand-Guerrier, 1996 Durand-Guerrier et al. 2012).

    Dans sa thse de doctorat, V. Durand-guerrier (1996) a mis en vidence le fait que la thorie

    logique de rfrence habituellement considre pour ces travaux est le calcul des propositions,

    qui ne permet pas de prendre en compte les phnomnes de quantification, alors que ceux-ci

    sont au cur de lactivit mathmatique. Les travaux dvelopps ensuite (Durand-Guerrier &

    Arsac 2003, 2005, Chellougui 2004, Durand-Guerrier 2005, 2008) ont tabli que la thorie

    logique de rfrence pertinente pour lanalyse des phnomnes denseignement et

    dapprentissage des mathmatiques est la logique des prdicats du premier ordre, celle-ci tant

    pertinente tant pour analyser les noncs en langue naturelle que pour analyser les noncs

    formaliss (Durand-Guerrier, 2005, 2012). Les travaux empiriques conduits dans cette

    perspective ont montr que les lves de la fin du secondaire et les tudiants en dbut

    duniversit et au-del, rencontrent de fait des difficults rsistantes dans la manipulation des

    noncs comportant des quantifications (Durand-Guerrier 1996, 2003, 2005; Durand-Guerrier

    & Arsac 2003, 2005 ; Chellougui 2004, Barrier 2009). Au-del de lespace francophone, ces

    difficults sont attestes au niveau international (Selden & Selden, 1995; Epp, 2003; Gueudet,

    2008; Durand-Guerrier & al. 2012). Les travaux de Ben Kilani (Ben kilani 2005; Durand-

    Guerrier & Ben Kilani 2004) ont en outre montr, sur le cas de la ngation dans le contexte

    tunisien, que ces difficults sont renforces dans le cas dun enseignement en franais langue

    seconde, ce qui est le cas au Cameroun, mme si les contextes ducatifs sont trs diffrents de

    ce point de vue.

  • 20

    Une question qui reste ouverte est celle de la prise en compte des rsultats de ces travaux de

    recherche pour faire des propositions denseignement la transition lyce/universit. Notre

    tude vise apporter des lments de rponse cette question en prenant comme thorie

    logique de rfrence le calcul des prdicats du premier ordre.

    Au Cameroun, dans lenseignement secondaire, les concepts de logique sont trs peu

    explicits en classe de mathmatiques du fait que leur enseignement nest pas prescrit par les

    derniers programmes5 officiels. Ce nest pas le cas de lenseignement suprieur o un cours

    de logique sous forme de rappel , est souvent donn en dbut danne. Ce cours nest pas

    prescrit par les programmes officiels des universits6, mais certains enseignants en voient la

    ncessit.

    Notre travail se situe dans un contexte multilingue. En effet, le Cameroun possde deux

    langues officielles que sont le franais et langlais. Par ailleurs, le systme denseignement

    francophone est diffrent du systme denseignement anglophone. Le choix du systme

    denseignement pour un enfant sopre ds la maternelle, et il est difficile de changer de

    systme en cours de cycle primaire ou secondaire. Dans lenseignement suprieur, les cours

    sont donns indiffremment en franais et en anglais dans la zone francophone, alors que dans

    la zone anglophone, ils sont donns exclusivement en anglais.

    En dehors de ces deux langues officielles, on rencontre environ deux cent trente langues

    locales7 qui sont classes en six grands groupes au sein desquels on observe des variations

    linguistiques plus ou moins grandes. Comme la montr Franoise Tsoungui (1980) pour la

    langue Ewondo, ces langues locales dteignent sur la pratique du franais, ce qui nest en

    gnral pas pris en compte dans le cours de mathmatiques. Or, le travail de Ben Kilani

    (2005) dans le cas de la Tunisie, met en vidence les effets que le passage de la pratique de la

    langue arabe la langue franaise peut avoir sur lapprentissage de la logique et des

    mathmatiques en gnral.

    Dans le secondaire comme dans le suprieur, le cours de mathmatique est port par la langue

    naturelle qui est le franais ou langlais. Nous avons choisi de nous intresser exclusivement

    aux enseignements faits en franais.

    5 La mise en place des nouveaux programmes officiels de mathmatiques a commenc ds lanne scolaire 1994-1995 par la classe de sixime, et sest faite progressivement. 6 Les programmes officiels en vigueur dans les universits camerounaises ont t arrts depuis juillet 1999. 7 Source : Institut National de la Cartographie (Yaound, Cameroun)

  • 21

    Le traitement des concepts de logique ne fait pas lobjet dune vritable explicitation

    luniversit. Pour les enseignants, ces concepts sont supposs tre disponibles chez les

    tudiants qui entrent luniversit. Ils en font en consquence un usage explicite travers le

    formalisme. On assiste alors un changement de mode dexpression entre les niveaux

    secondaire et universitaire : dans le secondaire, les noncs mathmatiques sont traits dans le

    langage courant, alors qu luniversit cest un langage mixte8 qui est utilis.

    Les difficults auxquelles sont confronts les tudiants qui entrent en premire anne

    duniversit sur ces questions sont souvent repres par les enseignants et attestes par la

    littrature et de nombreux travaux de recherche que nous avons cits ci-dessus. Sans prtendre

    lexhaustivit, citons celles de ces difficults qui sont rcurrentes :

    les tudiants ne savent gnralement pas reconnaitre ou expliciter la diffrence entre

    une proposition mathmatique, une proprit, une expression en mathmatiques. Bien

    quils utilisent rgulirement les connecteurs logiques, ils nen connaissent pas bien la

    dfinition ;

    lquivalence est parfois utilise ou interprte en lieu et place de limplication ;

    les tudiants ne font pas toujours la distinction entre le et et le ou ;

    les symboles de quantificateurs existentiel et universel dont lutilisation nest pas

    recommande (voire dconseille) dans le secondaire, sont utiliss surtout comme des

    abrviations. Par ailleurs, les mots dsignant les quantificateurs ne sont pas toujours

    identifis comme tels par les apprenants ;

    les tudiants ont du mal nier un nonc comportant un ou plusieurs quantificateurs.

    Ces difficults se rencontrent dans lensemble de lactivit mathmatique et se rvlent

    particulirement dans la pratique de la dmonstration dont le schma se complexifie dans

    lenseignement suprieur : cest le cas de la mise en uvre dune dmonstration dont lnonc

    contient une quantification multiple.

    Dans le secondaire, le schma courant du raisonnement se rduit gnralement une suite de

    pas de dduction prenant comme prmisse soit les donnes du problme, soit des rsultats

    intermdiaires issus de lapplication des thormes universels et des rsultats gnraux.

    On peut faire lhypothse que lenseignement de logique donn en dbut danne

    luniversit ne fournit pas aux tudiants les outils ncessaires qui leur permettent de dpasser

    ces difficults. Cette hypothse sappuie sur une analyse de louvrage intitul Cours

    dalgbre de Roger Godement (1973), et du cours danalyse 1 de Guy LAFFAILLE et 8 Mlange de langage courant et langage formel

  • 22

    Christian PAULY9 dans le cadre de notre mmoire de Master 210. Il en ressort quil est

    difficile pour ltudiant dtablir le lien entre les objets de la logique qui sont prsents dans

    le cours de logique et les outils logiques utiliss dans la pratique des mathmatiques : le cours

    de logique porte sur la logique propositionnelle, alors que lanalyse du discours mathmatique

    porte sur la logique des prdicats.

    Concernant le formalisme logico-mathmatique dont le but est de lever les ambiguts de la

    langue, il est quasiment absent dans lenseignement secondaire. En effet, lutilisation des

    symboles logico-mathmatiques nest pas recommande ce niveau dtude. Mais ces

    symboles sont brutalement introduits luniversit sans que le plus souvent le sens prcis en

    soit donn. Les travaux de Chellougui (2004) montrent que, loin dclairer les concepts

    mathmatiques, le formalisme semble plutt reprsenter un obstacle pour les jeunes tudiants.

    La complexit croissante des noncs mathmatiques renforce davantage les difficults dj

    bien relles auxquelles sont confronts ces tudiants. En consquence, ces derniers font un

    usage des symboles peu contrl, souvent erron. En particulier, ils les utilisent comme des

    abrviations sans en respecter la syntaxe. Nous citons le cas de limplication qui est une

    notion polysmique (Durand-Guerrier, 2003, 2005) trs utilise dans le langage courant sous

    la forme si alors . luniversit, elle est introduite avec le signe , mais son

    traitement ne sloigne pas beaucoup de lusage courant11, comme lont montr Rogalski &

    Rogalski (2004) pour une population dtudiants dune universit de Lille, titulaires dune

    licence de mathmatiques.

    Avec lquivalence souvent appele bi-implication, ces concepts sont au centre de toute

    activit mathmatique et sont essentiels dans tout raisonnement scientifique.

    Par ailleurs, la ngation participe fortement de la dmonstration : dmonstration par labsurde,

    par contraposition, par contre-exemple. Sa matrise est galement ncessaire pour une

    appropriation complte des concepts mathmatiques : il ne suffit pas de savoir reconnatre

    qu'un objet donn possde une proprit, il faut aussi pouvoir reconnatre qu'il ne possde pas

    cette proprit. Lutilisation de ce concept dans la pratique courante depuis lenfance pourrait

    laisser croire qu'il est acquis en fin d'tude secondaire ; ce nest pourtant pas le cas. Dans

    notre mmoire de Master 2, nous avons fait ressortir les difficults que des lves titulaires

    dun baccalaurat scientifique, en anne de prparation pour les concours des grandes coles

    9 Professeur luniversit de Montpellier 2 10 Intitul Comment enseigner les concepts logico-mathmatiques : cas de la ngation (2008). 11 Evaluer la vrit dune limplication dans son utilisation au sens courant, consiste vrifier la vrit de lantcdent.

  • 23

    au Cameroun, et des tudiants de premire anne de licence de mathmatiques de luniversit

    Claude Bernard Lyon 1, prouvaient construire la ngation des noncs quantifis (Durand-

    Guerrier & Njomgang, 2009). Un constat analogue avait dj t fait par la commission Inter

    IREM12 Universit (CI2U) auprs d'tudiants primo arrivant l'universit, dans diverses

    universits franaises.

    En outre, les travaux de Ben Kilani (Ben Kilani & Durand-Guerrier (2004), Ben Kilani

    (2005)) ont montr que la syntaxe de la ngation varie dune langue lautre, pour ce qui

    concerne le franais et larabe, et que cela est une source de difficults supplmentaires pour

    les tudiants dont la langue naturelle est larabe, et qui tudient les mathmatiques en franais.

    Nous faisons lhypothse que ceci est galement vrai dans le contexte camerounais o les

    langues maternelles utilises en famille ne sont pas le franais, et quil en est de mme pour

    les autres concepts.

    Toutes ces difficults sont renforces et rvles par le rle crucial de la quantification

    dans les noncs mathmatiques luniversit, et selon Durand-Guerrier (1996, 2005), Epp

    (1999), Chellougui (2004), Arsac & Durand-Guerrier (2005), par les pratiques mathmatiques

    qui tendent laisser implicites un certain nombre de manipulations relatives lutilisation des

    quantificateurs par les enseignants du suprieur. Cest le cas de la quantification borne, de la

    quantification implicite des noncs, du jeu dapparition/disparition des quantificateurs et de

    limplication dans les noncs et leur traitement. Mais ces implicites ne sont pas toujours

    partags par les tudiants. Les enseignants peuvent contrler ces pratiques par leur matrise

    des contenus mathmatiques. Mais ce nest pas le cas pour les tudiants qui doivent apprendre

    matriser en mme temps les concepts mathmatiques et les outils logiques ncessaires au

    travail mathmatique.

    Dans ce travail, nous retenons les lments suivants :

    - limplication est une notion polysmique (Durand-Guerrier, 2005) et son utilisation

    dans le langage courant peut dteindre sur lactivit mathmatique (Rogalski &

    Rogalski, 2004) ;

    - lutilisation de limplication dans des situations o il y a quivalence entre des

    noncs, amne les tudiants travailler sur des noncs conditionnels dans un cadre

    o il y a effectivement une quivalence. Cela ne favorise pas la comprhension de la

    12 Institut de Recherche pour lEnseignement des Mathmatiques

  • 24

    distinction entre implication et quivalence. De plus l'quivalence est parfois utilise

    en lieu et place de lgalit ;

    - les notions de condition ncessaire et condition suffisante restent assez opaques pour

    les tudiants (Rolland (1999), Deloustal-Jorrand, (2003)) ;

    - la ngation produit des noncs qui peuvent tre source dambigut rfrentielle, en

    particulier en ce qui concerne la diffrence entre ngation et contraire (Fuchs, 1996) ;

    - lappropriation de la ngation ncessite larticulation de rgles syntaxiques

    (grammaire des noncs) et de contraintes smantiques (sur les valeurs de vrit) et

    pragmatiques (prenant en compte en particulier les connaissances du sujet) (Durand-

    Guerrier & Ben Kilani (2004), Durand-Guerrier (2005)) ;

    - les pratiques mathmatiques relatives la quantification (quantification borne,

    quantification implicite des noncs) ne sont pas toujours partages par les tudiants

    (Durand-Guerrier (1996), Chellougui, (2004)) ;

    - pour beaucoup dtudiants, la permutation des quantificateurs et nest pas

    significative (Chellougui, 2004) ;

    - la quantification dans un nonc mathmatique, quelle soit implicite ou explicite,

    engendre la question du statut de la variable qui nest pas toujours clair (Durand-

    Guerrier, 2003).

    Nous pouvons rsumer cela en disant que la matrise de loutil logique, ncessaire pour faire

    des mathmatiques, est encore loin dtre assure tant dans lenseignement secondaire que

    dans lenseignement suprieur.

    Nous faisons les hypothses suivantes :

    - les difficults relatives ces concepts logiques sont assez mconnues par la plupart

    des enseignants, aussi bien dans le secondaire que dans le suprieur ;

    - l'enseignement et l'apprentissage de ces concepts ne sont pas, ou peu, pris en charge

    par les enseignants qui supposent quils sont disponibles du fait de leur utilisation dans

    la vie courante d'une part, puis progressivement dans l'activit mathmatique d'autre

    part.

  • 25

    - un minimum dexplicitation des concepts logiques en relation avec leur usage dans

    lactivit mathmatique est ncessaire pour les apprentissages en mathmatiques tout

    le moins dans lenseignement suprieur.

    Dans notre travail, nous avons test ces diffrentes hypothses pour ce qui concerne

    lapprentissage de la logique au Cameroun.

    Ceci nous amne la question de recherche suivante :

    Comment rendre opratoires les concepts logico-mathmatiques chez les tudiants

    qui entrent en premire anne duniversit, pour qui les questions de logique et de

    langage nont jamais fait lobjet dun enseignement ?

    Y. Chevallard (1991) classe les concepts de logique parmi les objets paramathmatiques,

    cest--dire, des objets qui sont utiliss comme outil dans lactivit mathmatique, mais ne

    sont pas des objets denseignement. Lapprentissage de ces concepts est en grande partie

    laiss la charge des tudiants. De ce fait, leur capacit reconnatre le statut des objets

    logico-mathmatiques et les manipuler est approximative. Les difficults quils rencontrent

    pourraient tre une consquence de la transposition didactique, qui ne prend pas toujours en

    compte la complexit de certains concepts.

    Ceci nous amne reformuler notre question de recherche ainsi : Quelle transposition

    didactique peut-on effectuer afin de rendre opratoire les concepts de logique chez les

    tudiants de premire anne de licence de mathmatiques ?

    Nous avons scind cette question en trois sous-questions :

    - quen est-il de la prise en compte de la complexit de ces concepts et de leur

    utilisation ?

    - comment aider les tudiants surmonter les difficults langagires qui se prsentent

    dans le cours de mathmatiques, tant du point de vue de la langue naturelle que du

    langage symbolique ?

    - peut-on reprer dans les enseignements, des situations idoines pour lexplicitation de

    ces concepts de logique ?

    Pour apporter des lments de rponse nos interrogations, nous avons divis notre travail en

    deux grandes parties.

    La premire partie regroupe des lments thoriques sur lesquels nous nous appuyons pour

    mener nos analyses dans la deuxime partie qui est exprimentale.

  • 26

    Loprationnalit dun concept est le rsultat dune activit cognitive, interne au sujet

    en situation. Cest cette activit cognitive que Vergnaud (1991) a appele la

    conceptualisation. Cet auteur considre que la complexit dans lutilisation des concepts nest

    pas seulement dans le faire, elle est aussi dans le dire : la forme prdicative de la connaissance

    a une part importante dans loprationnalit des concepts. Les concepts de logique se

    dveloppent surtout en acte, c'est--dire lorsque le sujet est en situation. Les enseignants de

    leur ct pensent que ces concepts sont stabiliss chez les tudiants. Ces diffrents points de

    vue ont contribu orienter notre choix sur la Thorie des Champs Conceptuels de Grard

    Vergnaud (2001) et la Dialectique Outils/Objets (R. Douady, 1986), comme cadres thoriques

    pour notre tude. La pertinence de ce choix est dveloppe dans le chapitre 1.

    Au chapitre 2, nous prsentons des lments de la logique du premier ordre, luvre dans

    lactivit mathmatique. Nous montrons la pertinence du calcul des prdicats comme cadre

    danalyse du discours mathmatique. Les difficults gnres par les concepts de logique sont

    bien relles : les concepts en eux-mmes sont complexes en tant quobjet de savoir, et leur

    utilisation en mathmatiques complexifie davantage les noncs traiter. Ces deux points de

    vue sont dvelopps dans ce chapitre.

    Le chapitre 3 est consacr une revue des travaux en lien avec notre problmatique et nous

    permet de situer nos recherches par rapport ces travaux.

    Nous avons ensuite men une analyse dun manuel de terminale C au programme au

    Cameroun, et dun polycopi du cours danalyse, en usage en premire anne de la filire

    mathmatique de lcole Normale Suprieure de Yaound. Cette analyse permet didentifier

    le type denseignement qui est propos concernant les concepts de logique, et de mettre en

    perspective les rsultats avec les connaissances exigibles pour une bonne pratique des

    mathmatiques. Elle permet dautre part didentifier des situations qui pourraient tre

    problmatiques pour les lves et les tudiants. Paralllement cette analyse, nous proposons

    quelques lments sur les pratiques enseignantes telles que renseignes lors dentretiens que

    nous avons eus avec des enseignants du secondaire et du suprieur. Les rsultats sont

    prsents dans le chapitre 4.

    Dans la deuxime partie de notre travail, nous prsentons une exprimentation que nous

    avons mene avec des lves de terminale C13 dun lyce de Yaound, et avec des tudiants de

    premire anne de mathmatiques de lEcole Normale Suprieure de Yaound.

    13 Ancienne appellation de la terminale S actuelle, et demeure toujours.

  • 27

    Nous avons propos un questionnaire14 ces lves et tudiants. Notre objectif tait dtablir

    un diagnostic des difficults relatives aux questions de logique et de langage rencontres par

    les apprenants, et de mettre lpreuve nos hypothses de travail. Sur la base de ce

    questionnaire, nous avons organis un module de suivi avec huit tudiants volontaires parmi

    ceux ayant rpondu au questionnaire. Le module avait pour but, dune part, de provoquer des

    dbats entre les tudiants, afin que chacun puisse sexprimer sur les raisons du choix de sa

    rponse aux items proposs et, dautre part, dexpliciter les concepts rencontrs. Il sest

    droul en quatre sances dune trois heures chacune. Les traces orales recueillies ont

    contribu enrichir notre corpus et ont permis de dpasser certaines des limites inhrentes

    aux questionnaires, nous permettant de prciser ce que les diffrentes situations pourraient

    permettre de travailler dans le cadre du cours ordinaire de la classe. Les analyses sont menes

    en parallle avec celles des rponses au questionnaire.

    Au chapitre 5, nous prsentons les questionnaires et les modalits de leur passation. Nous

    avons regroup ces exercices en fonction des concepts qui sont au centre de leur traitement.

    Pour chacun des exercices du questionnaire, nous prsentons une analyse a priori que nous

    avons mene en rfrence aux cadres thoriques dvelopps dans les chapitres prcdents,

    puis une analyse a posteriori des rponses obtenues la suite de la passation du questionnaire

    et du module de suivi. Cest ainsi quau chapitre 6, nous avons regroup les exercices centrs

    sur la ngation, au chapitre 7, les exercices centrs sur la quantification et au chapitre 8, les

    exercices centrs sur limplication. Le chapitre 9 est consacr au changement de langage dans

    lactivit mathmatique, avec toutes ses implications.

    Nous concluons notre travail par une synthse des rsultats obtenus.

    Nous faisons ressortir les possibilits que nous avons identifies en vue dune amlioration

    de la prise en charge des concepts de logique par les enseignants de mathmatiques. Quelques

    pistes de recherche sont galement prsentes pour avancer sur la question des apprentissages

    dans un contexte multilingue que nous navons pas pu traiter dans ce travail.

    14 Nous avons propos pour chaque niveau un questionnaire en fonction des enseignements qui ont t faits.

  • 28

  • 29

    PARTIE 1 : tude thorique et analytique

  • 30

  • 31

    CHAPITRE 1 : La Thorie des Champs Conceptuels comme cadre

    thorique dtude de nos questions de recherche

    Introduction La thse que nous soutenons est que, pour rendre opratoires les concepts de logique pour

    lactivit mathmatique des lves et des tudiants, un minimum dexplicitations de ces

    concepts en relation avec leur usage dans lactivit mathmatique est ncessaire. Pour cela,

    nous faisons lhypothse que les catgories logiques participent du processus de

    conceptualisation (Durand-Guerrier 2011).

    Pour dvelopper notre propos, nous nous appuyons sur trois articles. Le premier, Jeux de

    cadres et dialectique outil-objet , est de Rgine Douady. Il est paru en 1986 dans la revue

    Recherche en Didactique des Mathmatiques, Vol. 7, n2, pp 5-31.

    Les deux autres sont de Grard Vergnaud :

    - La thorie des champs conceptuels paru en 1991 dans la revue Recherche en

    Didactiques des Mathmatiques, Vol. 10/2.3, pp.133-170 ;

    - Forme opratoire et forme prdicative de la connaissance , confrence publie dans

    les Actes de Colloque GDM-2001.

    Grard Vergnaud dfinit la thorie des champs conceptuels comme : Une thorie cognitiviste, qui vise fournir un cadre cohrent et quelques principes de base

    pour ltude du dveloppement et de lapprentissage des comptences complexes,

    notamment de celles qui relvent des sciences et des techniques. [] Sa principale finalit

    est de fournir un cadre qui permette de comprendre les filiations et les ruptures entre les

    connaissances. (Vergnaud, 1991, p. 135)

    Dans cette citation, la signification quil attribue au mot connaissances est aussi bien les

    savoir-faire que les savoirs exprims . Comme nous lavons annonc au dbut de notre

    travail, nous nous intressons aux connaissances en logique des lves et des tudiants la

    transition entre le lyce et luniversit.

    Les concepts de logique sont des notions-outils au sens de Yves Chevallard (1991), cest--

    dire, des objets qui sont utiliss dans la pratique de lactivit mathmatique sans tre

    normalement des objets dtude . Cette dfinition de notion-outil est proche de celle que

    Rgine Douady (1986) donne dun concept en tant quoutil dans larticle sus-cit : un

    concept est outil lorsque nous focalisons notre intrt sur lusage qui en est fait pour rsoudre

    un problme (Douady, 1986, p.9).

  • 32

    Seulement, lutilisation dun concept exige du sujet en activit, une bonne connaissance de sa

    syntaxe, des significations quil peut avoir selon les situations, et de ses proprits : en chos

    Chevallard (1991), nous disons quil doit tre appris . Pour cela, il doit tre transform en

    objet de pense. Un moyen de transformation consiste en la mise en uvre de la dialectique

    outil-objet que Rgine Douady (1986) dfinit comme un processus qui a cours en situation de

    rsolution de problme, et qui consiste transformer un concept ayant le statut doutil en un

    objet de savoir.

    Plusieurs travaux en didactique de mathmatiques (Durand-Guerrier (1996), Epp (1999),

    Deloustal-Jorrand (2000-2001, 2003), Rogalski & Rogalski (2004), Chellougui (2004),

    Durand-Guerrier & Arsac (2003, 2005), Bloch & Ghedamsi (2005), Ben Kilani (2005)) ont

    montr que tant la quantification que la ngation et limplication sont des concepts que les

    tudiants qui entrent luniversit ont beaucoup de difficults manipuler :

    - la quantification implicite des noncs, les phnomnes dapparition/disparition des

    quantificateurs dans les dfinitions et la dmonstration, la manipulation des noncs

    quantifis qui contiennent les quantificateurs universel et existentiel, sont des

    pratiques expertes qui ne sont pas explicites dans la classe de mathmatique ;

    - la ngation est considre comme un objet naturel du fait de son usage dans la vie

    courante. Cette naturalisation de lobjet ngation est faite tort comme le montrent les

    travaux de Ben Kilani (2005) et les rsultats que nous avions produit dans notre

    mmoire de Master. La complexit du concept se rvle entre autre, dans la

    construction de la ngation des noncs contenant des quantificateurs et des noncs

    conditionnels. Les dmonstrations par contraposition et par labsurde sont galement

    des activits mathmatiques qui en exigent une bonne connaissance : les noncs

    nier sont souvent dune grande complexit, comme nous le montre lexemple que nous

    tudions la section 3.1 du chapitre qui suit.

    - le terme implication recouvre plusieurs notions, savoir, conditionnel, syllogisme,

    infrence, implication matrielle, implication formelle. Savoir valuer une implication

    matrielle, dmontrer quune implication formelle est vraie, faire la distinction entre

    une implication ouverte et une implication formelle dont la quantification est implicite

    sont des comptences qui relvent dune bonne matrise de limplication. En outre, la

    reconnaissance des infrences valides nest pas avre chez les tudiants nouvellement

    entrs luniversit : ils ont, dans certaines situations, tendance traiter limplication

    comme lquivalence (Durand-Guerrier, 1996).

  • 33

    toute cette complexit dans lusage des concepts ci-dessus cits, il faut ajouter les

    difficults dordre langagier et linguistique : lintroduction du formalisme dans les textes, le

    passage dun langage un autre, principalement du langage courant au langage formel et

    rciproquement (Duval, 1988), les changements de langue dans le cursus scolaire (Ben Kilani,

    2005), la pratique courante dune langue qui nest pas la langue dans laquelle les tudes sont

    faites (Tsoungui, 1980, Barwell & Barton & Setati (2007)).

    Notre objectif est de montrer la pertinence du choix de la Thorie des Champs Conceptuels et

    de la dialectique outil-objet comme des cadres thoriques de notre travail.

    Nous prsentons dans les paragraphes 2 et 3 du chapitre 2, quelques lments qui mettent en

    vidence la complexit des concepts de logique et les difficults relatives leur utilisation.

    Cela nous permet de soutenir lide selon laquelle les concepts de logiques et leur

    apprentissage relvent des connaissances complexes, et ainsi de motiver le choix du cadre des

    champs conceptuels pour nos recherches.

    Nous inspirant de Douady (1986), nous disons quun lve a des connaissances en logique

    sil est capable den provoquer le fonctionnement comme outils explicites15dans des

    problmes quil doit rsoudre, [] sil est capable de les adapter lorsque les conditions

    habituelles demploi ne sont pas exactement satisfaites, pour interprter les problmes ou

    poser des questions leurs propos (op. cit., p. 11-12) : cette dfinition pose le problme de

    loprationnalit des concepts qui est la question centrale de notre travail, en lien avec leur

    forme prdicative ; cest lobjet de la premire partie.

    Lnonciation des objets et de leurs proprits sappuie dune part sur le langage, et dautre

    part sur les catgories logiques ; elle est essentielle dans le processus de conceptualisation, et

    doit prendre en compte les systmes signifiant/signifi. Dans la deuxime partie, nous

    argumentons dans ce sens en mettant en vidence le rle crucial du langage dans les

    apprentissages.

    1. Oprationnalit des connaissances Un concept est utilis dans diverses situations, et dans chacune delle, il nest pas mis en

    uvre de la mme manire, comme nous lillustrons pour limplication et de la ngation au

    paragraphe 2 du chapitre 2 ; cela rend compte de la complexit de ces concepts. Des

    proprits diffrentes du concept dont la pertinence est variable selon les situations traiter,

    15 On parle doutil explicite pour les notions quun lve met en uvre, quil peut formuler et dont il peut justifier lemploi (Douady, 1986, p.10)

  • 34

    doivent tre mobilises pour rsoudre le problme pos. Nous adhrons ainsi lide de

    Vergnaud qui affirme un principe dlaboration pragmatique des connaissances : Cest travers des situations16 et des problmes rsoudre quun concept acquiert du sens pour

    lenfant. Ce processus dlaboration pragmatique est essentiel pour la psychologie et la

    didactique, comme il lest dailleurs pour lhistoire des sciences. [] Si lon veut prendre

    correctement la mesure de la fonction adaptative de la connaissance, on doit accorder une place

    centrale aux formes quelle prend dans laction du sujet. La connaissance rationnelle est

    opratoire ou nest pas. (Vergnaud, 1991, pp.135-136)

    Une connaissance est dite opratoire lorsquelle permet de faire et de russir (Vergnaud,

    2001), ce qui signifie quil faut savoir quand on doit lutiliser, quand il ne faut pas, dans quels

    champs elle doit intervenir.

    Pour limplication, laspect opratoire se manifeste par les infrences permises dans une

    situation donne ; pour la quantification, il se manifeste par lidentification des noncs

    quantifis et du type de quantification en jeu (quantification implicite, multiple, noncs de la

    forme et de la forme ).

    Le choix quun sujet opre parmi les diffrentes possibilits dutilisation dun concept en

    situation de rsolution de problme, rsulte des oprations cognitives qui ne sont pas toujours

    visibles mais qui se manifestent par certaines des conduites que le sujet adopte.

    1.1. Les schmes Daprs G. Vergnaud, deux classes de situations peuvent se prsenter pour un sujet en

    apprentissage :

    - des classes de situations pour lesquelles le sujet dispose dans son rpertoire des

    comptences ncessaires au traitement relativement immdiat de la situation. Pour ces

    classes de situations, les concepts sont utiliss comme outils : ceci correspond la

    phase a Ancien dans le processus dialectique outil-objet ;

    - des classes de situations pour lesquelles le sujet ne dispose pas de toutes les

    comptences ncessaires, ce qui l'oblige un temps de rflexion et d'exploration, des

    hsitations, des tentatives avortes et le conduit ventuellement la russite,

    ventuellement lchec. Dans cette classe de situations, certes, les connaissances

    sont galement des outils, mais leur oprationnalit nest plus immdiate. Llve

    recherche des moyens nouveaux adapts : cest daprs R. Douady (1986), la phase b

    Recherche nouveau implicite dans le processus dialectique outil-objet. On est

    gnralement en prsence des situations nouvelles, jamais rencontres auparavant.

    16 Le mot situations qui apparait ci-dessus dsigne une tche rsoudre, et non une situation didactique.

  • 35

    Mais quest ce que la comptence ? Nous avons choisi les dfinitions donnes par Vergnaud

    (2001) :

    A est plus comptent s'il dispose d'un rpertoire de ressources alternatives qui lui

    permet d'utiliser tantt une procdure, tantt une autre, et de s'adapter ainsi plus

    aisment aux diffrents cas de figure qui peuvent se prsenter ou alors A est plus

    comptent s'il sait "se dbrouiller" devant une situation nouvelle d'une catgorie jamais

    rencontre auparavant. (Vergnaud, 1991, pp. 2- 3)

    Ainsi vu, le concept de comptence traduit, entre autre, une capacit dadaptation du sujet

    devant une situation nouvelle, et contient la notion de performance. Or lauteur estime quil

    est trop gnral de parler dadaptation lenvironnement ; ce qui sadapte se sont les schmes,

    et ils sadaptent des situations. Donc pour lune et lautre classes de situations, des schmes

    organisent les conduites. Il donne quatre dfinitions complmentaires des schmes : 1- Un schme est une totalit dynamique fonctionnelle ;

    2- Un schme est lorganisation invariante de la conduite pour une classe de situations donne ;

    3- Un schme est ncessairement compos de quatre catgories de composantes - un but (ou plusieurs), des sous-buts et des anticipations

    - des rgles daction, de prise dinformation et de contrle

    - des invariants opratoires, (concepts-en-acte et thormes-en-acte)

    - des possibilits dinfrences

    4- un schme est une fonction qui prend ses valeurs dentre dans un espace temporalis

    dimensions et qui produit ses valeurs de sortie dans un espace galement temporalis

    dimensions : et tant trs grands. (Vergnaud, 2001, p.4)

    On peut, dune part, dire que le fonctionnement cognitif du sujet repose sur le rpertoire de

    schmes disponibles antrieurement forms et, dautre part, bien percevoir le caractre

    adaptatif du schme.

    Comme exemple de schmes associs au concept dimplication, on trouve des conduites

    infrentielles classiques rendant compte des rgles dinfrences comme le Modus Ponens ou

    la rgle de transitivit dantcdent consquent et dans une moindre mesure la rgle du

    Modus Tollens (Durand-Guerrier, 1996, p. 107).

    Comme exemple de schmes associs la ngation, nous rencontrons la mise en uvre de la

    forme ngative, tant pour des propositions singulires que pour les noncs quantifis, ou

    encore lidentification de la structure dun nonc puis lapplication des rgles syntaxiques.

    Cest dans les schmes quil faut rechercher [] les lments cognitifs qui permettent

    laction du sujet dtre opratoire (Vergnaud, 1991, p.136). Ces lments cognitifs sont des

    rgles daction et danticipation, des infrences, et aussi les invariants opratoires.

  • 36

    1.2. Les invariants opratoires Les invariants opratoires pilotent la reconnaissance par le sujet des lments pertinents la

    situation. Il en existe de trois types :

    - les invariants de type propositions qui sont susceptibles dtre vrais ou faux ; les

    thormes-en-acte17 sont de ce types ;

    - les invariants de type fonction propositionnelle : ils ne sont pas susceptibles dtre

    vrais ou faux, mais ils constituent les briques indispensables la construction des

    propositions. Ce sont les concepts-en-acte ou les catgories-en-acte ;

    - les invariants de type argument qui peuvent tre des objets matriels, des

    personnages, des nombres, des relations, des fonctions propositionnelles et mme des

    propositions. (Vergnaud, 1990, p. 142-145)

    Thormes-en-acte et concepts-en-acte sont la composante pistmique des schmes, et ne

    sont gnralement pas lobjet dune formulation explicite dans le processus de

    conceptualisation, comme cest le cas des thormes et des concepts. Vergnaud le prcise

    lorsquil dit : Concepts et thormes explicites ne forment que la partie visible de liceberg de la

    conceptualisation : sans la partie cache forme par les invariants opratoires, cette partie

    visible ne serait rien. Rciproquement, on ne sait parler des invariants opratoires intgrs

    dans les schmes qu laide des catgories de la connaissance explicite : proposition,

    fonctions propositionnelles, objets-arguments. (Vergnaud, 1991, p.145)

    Nous proposons dans lexemple qui suit, repris de Durand-Guerrier (1996), une illustration de

    cette pense.

    Considrons lexercice suivant :

    Donner lensemble des entiers naturels suprieurs ou gaux 20 qui vrifient

    (P) Si x est pair, alors son successeur est premier.

    (P) est une implication ouverte au sens o la variable x est une variable libre susceptible de

    recevoir des affectations de valeurs18. La rsolution de cet exercice requiert de ltudiant la

    connaissance des conditions de vrit dune implication matrielle, savoir quune

    implication matrielle est fausse seulement dans le cas o son antcdent est faux et son

    consquent vrai ; dans tous les autres cas elle est vraie. On est amen dire ici, pour chaque

    implication matrielle obtenue par instanciation de par une valeur comprise entre 0 et 20, si

    elle est vraie ou fausse.

    17 Thormes qui sont utiliss dans laction du sujet et dont le domaine de validit est gnralement restreint. 18 Ceci est prcis au chapitre 2

  • 37

    Lutilisation et la manipulation de limplication sont couramment rencontres dans la classe

    de mathmatiques, dans lnonciation des thormes (implication formelle) ou dans la

    dmonstration (implication au sens de Quine) o elle est utilise pour exprimer des

    infrences. Cest par exemple le cas de la dmonstration de la formule (F).

    Un domaine tant dfini, pour la vrit de cette proposition, il est dhabitude de supposer que

    est vrai et de montrer que la vrit de suit. Or la formule (F) est vraie si pour

    chaque instance de , limplication matrielle obtenue est vraie. Le cas o lantcdent est

    faux nest jamais examin, du fait que limplication est vraie, et cela nest pas en gnral

    exprim. On ne regarde que le cas o la proprit antcdente est vraie. Le thorme-en-acte

    selon lequel, montrer quune implication est vraie consiste se placer dans le domaine

    caractris par la proprit antcdente et montrer que la proprit consquente suit, est un

    invariant opratoire.

    En effet, la dmonstration des noncs de la forme , les infrences

    effectues au cours dun raisonnement, savoir que, lorsque est vrai, on en dduit ( et

    tant des formules du calcul des prdicats), o seule la vrit de lantcdent est prise en

    compte, sont des classes de situations qui ont contribues installer chez les lves, le

    thorme-en-acte ci-dessus cit.

    Pour ce qui concerne lnonc (P), on observe trs frquemment la mise en uvre de cet

    invariant opratoire, ne considrer que les nombres pairs. Ici, cet invariant opratoire est mis

    en dfaut car il ne sagit pas de prouver une implication, mais dvaluer la valeur de vrit de

    chacune de ses instances. Le fait que les nombres impairs compris entre 0 et 20 satisfont la

    phrase ouverte (P) met en dfaut ce thorme-en-acte : il ne sapplique pas cette classe de

    situations, il a une validit locale. On est en prsence dune situation nouvelle nous dirions

    peu familire, qui pourrait contribuer la dstabilisation des comptences acquises par les

    tudiants dans le traitement de limplication.

    Au cours de lactivit, lmergence des invariants opratoires de type propositions rsulte en

    gnral du rle important quils jouent dans la rsolution dun problme nouveau. Lorsque les

    apprenants restent confronts aux classes de situations pour lesquelles ces thormes-en-acte

    sont opratoires, il y a une institutionnalisation locale du savoir.

    En cho Vergnaud, nous disons que lapprentissage et lenseignement dun concept ne

    peuvent se ramener ni la dfinition de ce concept, ni son utilisation pour une classe de

    situations : son oprationnalit doit tre prouve travers des situations varies.

    Litem (P) figure dans les questionnaires que nous avons proposs aux lves et aux

    tudiants ; cest lexercice 1.

  • 38

    Une autre illustration de la prsence et de limportance de la prise en compte des invariants

    opratoires dans lactivit cognitive du sujet en situation de rsolution de problme est tire

    de larticle de Durand-Guerrier (2011), Quelques apports de lanalyse logique du langage

    pour les recherches en didactique des mathmatiques , qui est un cours de lEcole dEt de

    Didactique des Mathmatiques en 2011.

    Il sagit dun problme19 qui a t expriment deux annes successives, dabord dans une

    seule classe de 5me (lves gs de 12-13 ans), puis lanne suivante dans toutes les classes

    dun mme collge. Le sujet est le suivant :

    Dans lexpression , si on remplace par nimporte quel nombre entier

    naturel, on obtient toujours un nombre qui a exactement deux diviseurs ?

    Les lves sont dabord invits une recherche individuelle, puis une recherche en groupe qui

    sachve par la production dune affiche prsentant le rsultat et les ides du groupe et une

    explication pour convaincre les autres de la validit de leurs rsultats. Dans un troisime

    temps ils dbattent sur les affiches qui sont prsentes par le professeur et, enfin, le quatrime

    temps est consacr une synthse sur les dbats et (ou) sur linsuffisance de certaines preuves

    qui ont t mises en vidence au cours du troisime temps.

    Nous relevons et commentons quelques interventions au cours des dbats relatifs laffiche

    A, o les lves ont rpondu OUI et qui porte les inscriptions suivantes : Le rsultat na toujours que deux diviseurs car cest toujours un nombre premier (donc impair)

    car le premier rsultat (qui est est gal un nombre pair donc celui-ci +11 un

    nombre premier (impair)

    1er nombre pair parce que gal multipli par son premier nombre

    infrieur :

    Exemple :

    Tableau 1 : Laffiche du groupe A (op. cit. p.19)

    (4) Graldine : nous ne sommes pas convaincus car si on remplace par 11, cela donnera

    qui est gal et qui a trois diviseurs ; ; et .

    (36) Graldine : Cest vrai, il ny a que 11 comme exception, mais cest pas entirement juste, mais pas

    entirement faux non plus.

    Ces deux interventions de Graldine montrent dune part une remise en question du rsultat

    par la production dun contre-exemple, et dautre part le refus de rejeter compltement le

    19 Cet exemple provient de Arsac et al. (1992)

  • 39

    rsultat du groupe. On peut faire lhypothse que Graldine na pas pris en compte la

    quantification universelle qui se traduit par toujours. Elle travaille comme avec une phrase

    ouverte. (6) Paul : Nous ne sommes pas convaincus car il ny a que deux exemples. Rien ne prouve quavec les autres

    nombres cette thorie marche.

    Paul considre quil est en prsence dun nonc universel, et que 5 et 8 lments singuliers

    qui ont une valeur dlment gnrique pour le groupe, sont des exemples pour lesquels

    lnonc ouvert associ lnonc universel est vrai, mais ces exemples ne suffisent pas.

    Graldine a donn 11 en contre-exemple. Marie pense quil faudrait en trouver dautres pour

    rejeter lnonc, do la raction de Paul : (18) Paul : Un seul suffit

    Un autre lve aborde dans le mme sens que Paul en donnant une justification sa rponse : (40) Elve : Y a une exception, donc cest pas toujours !

    (49) Elve : Cest marqu toujours ; donc on rpond non, cest pas toujours.

    Dans cette intervention, la quantification universelle est prise en compte par lElve. Sans

    lexpliciter, il utilise la rgle du contre-exemple.

    Lauteur conclut que les interventions mettent en vidence la prsence des diffrentes

    catgories logiques ci-dessous, qui ne sont pas explicites mais qui, on le voit bien, pilotent

    laction des diffrents lves :

    - noncs clos (universels) quil faut valuer variable lie ;

    - nonc ouvert associ avec lequel les lves travaillent variable libre avec le statut de

    marque-place ;

    - termes complexes : expression algbrique ;

    - lments singuliers : valeurs substitues la variable ;

    - lment gnrique (sur laffiche ) ;

    - exemples, contre-exemples ; - nonc existentiel (implicitement) : lintervention (4) de Graldine est la formulation

    implicite dun nonc existentiel ; - noncs contingents (parfois vrai, parfois faux) : intervention (36) de Graldine.

    Il est essentiel de pouvoir bien identifier ces diffrentes catgories logiques en

    mathmatiques. En effet, si nous considrons que lnonc du problme donn est un

    universel, cest--dire une proposition cause de la prsence de toujours, alors a le statut

    dlment li, et lexhibition dune exception un contre-exemple, produit la rponse NON. Si

    par contre on considre quon a un nonc ouvert, la rponse correspondra celle de

  • 40

    Graldine en (36), que nous reformulons en la proprit est vrifie par certains lments,

    mais non vrifie pour dautres lments . Dans cet exemple, les lves travaillent de fait

    avec lnonc ouvert, alors quils doivent se prononcer sur la valeur de vrit de lnonc

    clos.

    La prise en compte des catgories logiques dans les apprentissages en logique ont orient le

    choix des items qui figurent dans le questionnaire que nous avons proposs aux lves et aux

    tudiants. Dune part, leur identification par les apprenants est importante pour le traitement

    des problmes poss, et dautre part, il est possible, par une analyse fine des rponses de ces

    lves et tudiants, davoir accs la partie cache de liceberg de la conceptualisation qui

    pilote les oprations de pense ncessaires pour traiter certaines classes de situations, et rend

    les connaissances opratoires.

    Daprs Vergnaud : La complexit nest pas que dans le faire, elle est aussi dans le dire. Lnonciation des objets et

    de leurs proprits est essentielle dans le processus de conceptualisation (Vergnaud, 2001, p.9).

    Il pose la ncessit dtablir des relations entre la forme opratoire de la connaissance et sa

    forme prdicative, celle qui prend la forme de textes, dnoncs, de traits et de manuels.

    Dans lexemple ci-dessus, la forme prdicative U