eloge des voyages insensés

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Monter une agence à partir de zéro ? Se lancer dans un métier pratique- ment inconnu ? Réussir malgré les nombreuses contraintes ? Laurence Bapaume, décorée le 26 juin dernier de l’Ordre National du Mérite, l’a fait. Et elle explique comment. Le Courrier de Russie : Voici maintenant 16 ans que vous êtes en Russie. Quelle mouche vous a-t-elle donc piquée, en 1992, quand vous avez décidé de vous installer à Moscou ? Laurence Bapaume : Le hasard ! Eh oui, je suis arrivée en Russie en y rejoignant mon petit ami de l’époque. La Russie ne m’at- tirait pas du tout et j’avais un bon poste à Paris. En arrivant en 1992, j’ai eu un choc. Au début, c’était très difficile, les condi- tions de vie n’étaient pas celles d’aujour- d’hui, il y avait très peu d’étrangers et je ne connaissais personne. LCDR : Et puis, en 1993, vous montez une société de recrutement. Pas banal pour une juriste en propriété industrielle... L.B. : En fait, fin 92, je me retrouve dans un dîner au milieu d’hommes d’affaires qui font tous le même constat : « Ici, c’est incroyable, on ne sait pas comment recruter du personnel : pour embaucher, on passe par la secrétaire qui a une sour, un cousin, une belle-soeur qui pourrait faire l’affaire. » Les anglosaxons halluci- naient ! En sortant du restaurant, mon ami me dit : « Et pourquoi ne monterais- tu pas une société de recrutement ? ». Pour trois raisons, je ne vois pas com- ment… je ne connais pas le métier, je ne connais personne et je n’ai jamais géré de personnel de ma vie. L’idée germe dans ma tête. Bref, pour les fêtes de Noël, je rentre en France, je vais voir un ami « chasseur de tête », et lui demande de m’expliquer son métier. Ensuite, je dévalise la FNAC de tous les livres sur le recrutement et en janvier 1993 je me lance ! Avec un fax, un ordinateur… à l’époque, il n’y avait pas de mail. LCDR : Le succès est quasiment immédi- at… L.B. : Le patron de la Société générale me fait confiance et me demande de constituer son équipe… Certains d’entre eux l’auront suivi dans toute sa carrière en Russie. Il me met ensuite en contact avec d’autres grosses sociétés comme Exxon, City Bank, American Express… LCDR : Et les candidats, d’où viennent- ils ? L.B. : A l’époque, les diplômés se trou- vaient plus facilement que les gens expérimentés… Je suis donc allée faire des présentations dans les grands insti- tuts et les universités en expliquant ce qu’était un CV, une carrière profession- nelle. Le niveau d’étude est excellent en Russie et j’ai rencontré des étudiants motivés et parlant anglais, ce qui était primordial pour mes clients. LCDR : Vous restez donc en Russie ? L.B. : Oui, car quand j’ai commencé à travailler, ma vie a changé… J’ai eu envie de rester car j’ai rencontré dès le départ des gens extraordinaires, russes et occi- dentaux qui m’ont donné envie de continuer… J’ai reçu énormément de ce pays et j’y suis arrivée à une époque où tout était encore possible. Certes, ce n’était pas tous les jours évident… J’ai vécu une période où je devais me lever à 2 heures du matin pour envoyer des fax au Kazakhstan, car les lignes téléphoniques étaient saturées pendant la journée… Je ne vous parlerai pas non plus de la milice débarquant dans mon appartement- bureau, me forçant à stopper mon activité sur le champ et à déménager dans les 48 heures pour rédémarrer ailleurs. LCDR : Et aujourd’hui, quel est votre métier ? L.B. : Nous ne nous occupons que de recrutement de cadres, russes et occiden- taux, pour les sociétés russes et étrangères. Le marché est très différent ici de ce qu’il est en Europe. C’est un marché récent, avec seulement 15 ans d’existence. Au départ, les Russes allaient se former et acquérir un savoir-faire au sein de sociétés occidentales. Maintenant, pour des raisons financières, ces mêmes candidats sont attirés par des sociétés russes. Les salaires y sont très élévés. Beaucoup de Russes avaient quitté leur pays après la perestroïka car on leur offrait ailleurs, au Canada par exemple, des opportunités interessantes. Certains sont partis faire des MBA et maitenant ils reviennent. Les Russes sont très patriotes, et leur pays leur offre maintenant des opportunités bien plus intéressantes qu’en Occident. LCDR : La Russie attire-t-elle les Occidentaux ? L.B. : Bien évidemment. Le marché russe est un véritable eldorado pour qui a de l’ambition. En Europe, les problèmes économiques rendent les opportunités bien moins intéressantes, en termes de postes comme en termes de salaires. Il y a ici un dynamisme qu’il n’y a plus en France. Tout est encore possible en Russie ! Propos recueillis par Carine Borg COMMUNAUTE 8 Le Courrier de Russie Le Courrier de Russie Du 18 juillet au 1 août 2008 LIBRAIRIE FRANCAISE Pangloss Bolchoi Tcherkaskii Per 13/14 bat 4 Metro Kitai-Gorod sortir du côté de la rue Ilinka, première à droite. Tél : 625 58 19 www. pangloss.ru MESTACULTURE MESTARESTAURANT Crêperies de Paris www.creperie.ru Tél : 250 06 55 - M. Maïakovskaïa Tél : 125 83 00 - M. Akademitcheskaïa Tél : +7(499) 264 11 04 - M. Sokolniki Menu du 14 juillet Carré Blanc Seleznevskaya, 19/2 Tél : 258 44 03 Terrasse d'été • bistrot P'tit Carré • business lunch • banquets La vraie cuisine française C ertains livres, forts de leur succès national, traversent les frontières à la conquête de nouveaux lecteurs. D’autres passent inaperçus dans leur pays d’origine avant de percer à l’étranger une fois traduits – nul n’est prophète en son pays ?. L’Eloge des voy- ages insensés de Vassili Golovanov fait partie de ces derniers. Remarqué par un libraire de Tulle – petite ville du Limousin – qui en a commandé et vendu quelques centaines d’exemplaires, le livre est devenu un phénomène de la dernière rentrée littéraire en France. Pendant des siècles, les voyageurs ont tant exploré et décrit les moindres recoins de la planète que les nouvelles généra- tions, semble-t-il, ne peuvent plus éprou- ver l’ivresse de la découverte. Aux voyageurs d’aujour- d’hui, il appartient de restituer le mystère dévoilé par leurs prédécesseurs et de sauver l’humanité du « cauchemar de l’om- niscience et de la fatu- ité ». « C’est l’idée de l’île que j’ai aimée, bien avant d’y mettre le pied », avoue l’au- teur, rappelant à la vie les fantômes de Stevenson, Defoe et Jules Verne. Il n’est pas le seul à invoquer leurs esprits car « la généalogie poétique des îles » a toujours exercé sur l’homme une attraction parti- culière : de Gauguin à Rockwell Kent, de Robert Merle à Michel Houellebecq, d’Antonioni à Pavel Lounguine, les voyageurs du siècle dernier ont souvent rêvé « l’île », où le rêve et le réel s’en- tremêlent et se font gardiens des secrets. Mais tout voyage n’est-il pas en réalité un voyage à l’intérieur de soi ? Il permet de fuir un monde devenu pâle copie de celui que l’on nous promettait à l’adoles- cence, et surtout de « comprendre de quoi est faite une vie humaine, ce qui reste en mémoire jusqu’à la vieillesse, ce qui, dans cette vie, est le plus important ». C’est ce voyage qu’entreprend le journaliste Vassili Golovanov en 1992 sur l’île de Kolgouev, ellipse presque parfaite perdue dans la mer de Barents. Là, sur ce morceau de terre austère aux couleurs polaires, l’auteur se plonge dans la vie des Nenets, un peuple du Nord oublié de tous, même si « en Russie, être loin des autorités a toujours été considéré comme un bien. » Golovanov porte un regard de lumière sur ces terres perdues, comme s’il venait de mettre un peu de neige fraîche sur ses paupières engourdies par la vie « sans destinée ni destin », celle des gens qui connaissent la malédiction de Sisyphe sans avoir « commis ses crimes ni accompli ses exploits : stupidement, rouler encore et encore la pierre de la vie jusqu’au sommet de la montagne, sans réfléchir ». Sa plume, précise et évasive à la fois, insai- sissable, rêveuse, rappelle les aquarelles de Ciurlionis. L’histoire de ce « voyage insensé » dans le Nord est ponctuée par des digres- sions et des incursions dans la mytholo- gie, la littérature ou la philosophie, et le roman devient con- versation, échange spirituel avec un ami proche. Mais Golovanov dirige notre regard encore au-delà de la vie des habitants d’une île polaire ou des erre- ments d’un intel- lectuel dans le chaos de l’après-perestroï- ka. Plus qu’une sim- ple entité géo- graphique, son « Île » est un bouquet composé de rafales de vent, de couleurs du soleil couchant et de l’odeur du feu de bois. Renversant. Daria Moudrolioubova Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés, ou L’Île, Paris, Editions Verdier, 2008. 505 p. Traduit du russe par Hélène Châtelain. Chronique littéraire Ile libératrice Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés Les Français en Russie Entretien avec la directrice de l’agence de recrutement Brainpower Programme de TV5 Union sacrée Policier d’Alexandre Arcady, 1988 Simon est juif et Karim est arabe, tout les sépare. Simon,agressif et percutant, est l’un des meilleurs éléments de la Brigade des Stupéfiants. Agent secret, Karim est à l’opposé : la vie souterraine, la guerre des ombres. Leurs trajectoires vont se croiser lors d’une mission : l’arraisonnement d’un cargo chargé de drogue en provenance du Moyen-Orient. C’est ensemble qu’ils vont mener à bien ce combat, et vont former l’union sacrée. Avec Richard Berry, Patrick Bruel, Bruno Cremer, Claude Brasseur. Le 30 juin à 20h30 Série noire d’Alain Corneau, 1979 Marié à Jeanne qui ne l’aime plus, Frank Poupart est vendeur de vêtements : il fait du porte-à-porte. Ce jour-là, il vient de vendre sa dernière robe de chambre. Comble du sordide, sa cliente le paye avec sa nièce, Mona, 16 ans, prostituée. Et Mona s’attache à Frank désespérément car il va pouvoir l’aider à récupérer l’argent de la vieille, puis la tuer. Frank se donne alors, enfin, l’impression de vivre, tel un héros de roman policier. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant, Bernard Blier. Le 23 juin à 20h30 Mes meilleurs copains Comédie de Jean-Marie Poiré, 1988 Cinq copains, la quarantaine, se retrouvent le temps d’un week-end pour le passage en France de Bernadette, une vedette de rock qu’ils ont aimée autrefois. C’est l’occasion de régler quelques vieux comptes. Avec Gérard Lanvin, Christian Clavier, Jean-Pierre Bacri, Marie-Anne Chazel. Déconseillé aux moins de 10 ans (-10) Le 26 juin à 23h, le 29 juin à 01h35 La vie d’artiste Comédie de Marc Fitoussi, 2007 Alice, comédienne, rêve que son nom soit à l’affiche. Bertrand, professeur de français, voudrait devenir écrivain à succès. Il tente péniblement de terminer son second roman. Cora espère bouleverser le monde de la chanson française. En attendant, elle doit se contenter d’un poste d’animatrice dans un bar karaoké… le chemin de la gloire est parsemé d’embûches. Avec Sandrine Kiberlain, Denis Podalydès, Emilie Dequenne, Aure Atika. Le 3 juillet à 23h Retrouvez la liste des programmes sous-titrés en russe sur www.tv5.org Visas et enregistrements Voyage de reconnaissance Recherche de logement Renégociation du bail Un service professionnel proposé par des expatriés pour des expatriés (+7 495) 229.67.00 www.wellcomeabroad.ru AIDE A L'EXPATRIATION Le roman devient conversation, échange spi- rituel avec un ami proche. « La vie, de quoi est-elle faite, capitaine ? Comment, en quelles unités mesurer le sentiment qui naît du mélange léger de la brume du soir, du crépuscule et de l’odeur du samovar fumant sur le pont du bateau qui remonte le fleuve ? Que diriez-vous, capitaine ? » Laurence Bapaume : « Il y a ici un dynamisme qu’il n’y a plus en France » Laurence Bapaume en compagnie de Michel Perhirin et son épouse D.R.

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L'une des meilleures surprises littéraires de l'année 2008, le livre de Vassili Golovanov: critique

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Page 1: Eloge des voyages insensés

Monter une agence à partir de zéro ?Se lancer dans un métier pratique-ment inconnu ? Réussir malgré lesnombreuses contraintes ? LaurenceBapaume, décorée le 26 juin dernierde l’Ordre National du Mérite, l’a fait.Et elle explique comment.

Le Courrier de Russie : Voici maintenant16 ans que vous êtes en Russie. Quellemouche vous a-t-elle donc piquée, en1992, quand vous avez décidé de vousinstaller à Moscou ?Laurence Bapaume : Le hasard ! Eh oui, je

suis arrivée en Russie en y rejoignant mon

petit ami de l’époque. La Russie ne m’at-

tirait pas du tout et j’avais un bon poste à

Paris. En arrivant en 1992, j’ai eu un choc.

Au début, c’était très difficile, les condi-

tions de vie n’étaient pas celles d’aujour-

d’hui, il y avait très peu d’étrangers et je ne

connaissais personne.

LCDR : Et puis, en 1993, vous montezune société de recrutement. Pas banalpour une juriste en propriété industrielle...L.B. : En fait, fin 92, je me retrouve dans

un dîner au milieu d’hommes d’affaires

qui font tous le même constat : « Ici, c’est

incroyable, on ne sait pas comment

recruter du personnel : pour embaucher,

on passe par la secrétaire qui a une sour,

un cousin, une belle-soeur qui pourrait

faire l’affaire. » Les anglosaxons halluci-

naient ! En sortant du restaurant, mon

ami me dit : « Et pourquoi ne monterais-

tu pas une société de recrutement ? ».

Pour trois raisons, je ne vois pas com-

ment… je ne connais pas le métier, je ne

connais personne et je n’ai jamais géré de

personnel de ma vie. L’idée germe dans

ma tête. Bref, pour les fêtes de Noël, je

rentre en France, je vais voir un ami

« chasseur de tête », et lui demande de

m’expliquer son métier. Ensuite, je

dévalise la FNAC de tous les livres sur

le recrutement et en janvier 1993 je me

lance ! Avec un fax, un ordinateur… à

l’époque, il n’y avait pas de mail.

LCDR : Le succès est quasiment immédi-at…L.B. : Le patron de la Société générale

me fait confiance et me demande de

constituer son équipe… Certains d’entre

eux l’auront suivi dans toute sa carrière

en Russie. Il me met ensuite en contact

avec d’autres grosses sociétés comme

Exxon, City Bank, American Express…

LCDR : Et les candidats, d’où viennent-ils ? L.B. : A l’époque, les diplômés se trou-

vaient plus facilement que les gens

expérimentés… Je suis donc allée faire

des présentations dans les grands insti-

tuts et les universités en expliquant ce

qu’était un CV, une carrière profession-

nelle. Le niveau d’étude est excellent en

Russie et j’ai rencontré des étudiants

motivés et parlant anglais, ce qui était

primordial pour mes clients.

LCDR : Vous restez donc en Russie ?L.B. : Oui, car quand j’ai commencé à

travailler, ma vie a changé… J’ai eu envie

de rester car j’ai rencontré dès le départ

des gens extraordinaires, russes et occi-

dentaux qui m’ont donné envie de

continuer… J’ai reçu énormément de ce

pays et j’y suis arrivée à une époque où

tout était encore possible. Certes, ce

n’était pas tous les jours évident… J’ai

vécu une période où je devais me lever à 2

heures du matin pour envoyer des fax au

Kazakhstan, car les lignes téléphoniques

étaient saturées pendant la journée… Je

ne vous parlerai pas non plus de la milice

débarquant dans mon appartement-

bureau, me forçant à stopper mon activité

sur le champ et à déménager dans les 48

heures pour rédémarrer ailleurs.

LCDR : Et aujourd’hui, quel est votremétier ?L.B. : Nous ne nous occupons que de

recrutement de cadres, russes et occiden-

taux, pour les sociétés russes et étrangères.

Le marché est très différent ici de ce qu’il

est en Europe. C’est un marché récent,

avec seulement 15 ans d’existence. Au

départ, les Russes allaient se former et

acquérir un savoir-faire au sein de sociétés

occidentales. Maintenant, pour des

raisons financières, ces mêmes candidats

sont attirés par des sociétés russes. Les

salaires y sont très élévés. Beaucoup de

Russes avaient quitté leur pays après la

perestroïka car on leur offrait ailleurs, au

Canada par exemple, des opportunités

interessantes. Certains sont partis faire des

MBA et maitenant ils reviennent. Les

Russes sont très patriotes, et leur pays leur

offre maintenant des opportunités bien

plus intéressantes qu’en Occident.

LCDR : La Russie attire-t-elle lesOccidentaux ?L.B. : Bien évidemment. Le marché russe

est un véritable eldorado pour qui a de

l’ambition. En Europe, les problèmes

économiques rendent les opportunités bien

moins intéressantes, en termes de postes

comme en termes de salaires. Il y a ici un

dynamisme qu’il n’y a plus en France. Tout

est encore possible en Russie !

Propos recueillis par Carine Borg

C O M M U N A U T E8 Le Courrier de RussieLe Courrier de Russie Du 18 juillet au 1 août 2008

LIBRAIRIE FRANCAISE

Pangloss

Bolchoi Tcherkaskii Per 13/14 bat 4Metro Kitai-Gorod sortir du côté de la

rue Ilinka, première à droite.Tél : 625 58 19 www. pangloss.ru

MESTA•CULTUREMESTA•RESTAURANT

Crêperies de Pariswww.creperie.ru

Tél : 250 06 55 - M. MaïakovskaïaTél : 125 83 00 - M. AkademitcheskaïaTél : +7(499) 264 11 04 - M. Sokolniki

Menu du 14 juillet

Carré BlancSeleznevskaya, 19/2Tél : 258 44 03

Terrasse d'été • bistrot P'tit Carré

• business lunch • banquets

La vraie cuisine française

Certains livres, forts de leur succès

national, traversent les frontières

à la conquête de nouveaux

lecteurs. D’autres passent inaperçus

dans leur pays d’origine avant de percer à

l’étranger une fois traduits – nul n’est

prophète en son pays ?. L’Eloge des voy-ages insensés de Vassili Golovanov fait

partie de ces derniers. Remarqué par un

libraire de Tulle – petite ville du

Limousin – qui en a commandé et

vendu quelques centaines d’exemplaires,

le livre est devenu un phénomène de la

dernière rentrée littéraire en France.

Pendant des siècles, les voyageurs ont

tant exploré et décrit

les moindres recoins

de la planète que les

nouvelles généra-

tions, semble-t-il, ne

peuvent plus éprou-

ver l’ivresse de la

découverte. Aux

voyageurs d’aujour-

d’hui, il appartient de

restituer le mystère

dévoilé par leurs

prédécesseurs et de

sauver l’humanité du

« cauchemar de l’om-niscience et de la fatu-ité ». « C’est l’idée de l’île que j’ai aimée,bien avant d’y mettre le pied », avoue l’au-

teur, rappelant à la vie les fantômes de

Stevenson, Defoe et Jules Verne. Il n’est

pas le seul à invoquer leurs esprits car « lagénéalogie poétique des îles » a toujours

exercé sur l’homme une attraction parti-

culière : de Gauguin à Rockwell Kent,

de Robert Merle à Michel Houellebecq,

d’Antonioni à Pavel Lounguine, les

voyageurs du siècle dernier ont souvent

rêvé « l’île », où le rêve et le réel s’en-

tremêlent et se font gardiens des secrets.

Mais tout voyage n’est-il pas en réalité

un voyage à l’intérieur de soi ? Il permet

de fuir un monde devenu pâle copie de

celui que l’on nous promettait à l’adoles-

cence, et surtout de « comprendre de quoiest faite une vie humaine, ce qui reste enmémoire jusqu’à la vieillesse, ce qui, danscette vie, est le plus important ». C’est ce

voyage qu’entreprend le journaliste

Vassili Golovanov en 1992 sur l’île de

Kolgouev, ellipse presque parfaite perdue

dans la mer de Barents. Là, sur ce

morceau de terre austère aux couleurs

polaires, l’auteur se plonge dans la vie

des Nenets, un peuple du Nord oublié de

tous, même si « en Russie, être loin desautorités a toujours été considéré commeun bien. »

Golovanov porte un regard de lumière

sur ces terres perdues, comme s’il venait

de mettre un peu de neige fraîche sur ses

paupières engourdies par la vie « sansdestinée ni destin », celle des gens qui

connaissent la malédiction de Sisyphe

sans avoir « commis ses crimes ni accomplises exploits : stupidement, rouler encore etencore la pierre de la vie jusqu’au sommetde la montagne, sans réfléchir ». Sa

plume, précise et évasive à la fois, insai-

sissable, rêveuse, rappelle les aquarelles

de Ciurlionis.

L’histoire de ce « voyage insensé »

dans le Nord est ponctuée par des digres-

sions et des incursions dans la mytholo-

gie, la littérature ou la philosophie, et le

roman devient con-

versation, échange

spirituel avec un ami

proche. Mais

Golovanov dirige

notre regard encore

au-delà de la vie des

habitants d’une île

polaire ou des erre-

ments d’un intel-

lectuel dans le chaos

de l’après-perestroï-

ka. Plus qu’une sim-

ple entité géo-

graphique, son

« Île » est un bouquet

composé de rafales de vent, de couleurs

du soleil couchant et de l’odeur du feu de

bois. Renversant.

Daria Moudrolioubova

Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés, ou L’Île,

Paris, Editions Verdier, 2008. 505 p. Traduit du russe

par Hélène Châtelain.

Chronique littéraire

Ile libératrice Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés

Les Français en Russie

Entretien avec la directrice de l’agence de recrutement Brainpower

Programme de TV5

•Union sacrée Policier d’Alexandre Arcady, 1988

Simon est juif et Karim est arabe, tout les sépare. Simon,agressif et percutant, est l’un des meilleurs éléments

de la Brigade des Stupéfiants. Agent secret, Karim est à l’opposé : la vie souterraine, la guerre des ombres. Leurs

trajectoires vont se croiser lors d’une mission : l’arraisonnement d’un cargo chargé de drogue en provenance

du Moyen-Orient. C’est ensemble qu’ils vont mener à bien ce combat, et vont former l’union sacrée. Avec

Richard Berry, Patrick Bruel, Bruno Cremer, Claude Brasseur.

Le 30 juin à 20h30•Série noire d’Alain Corneau, 1979

Marié à Jeanne qui ne l’aime plus, Frank Poupart est vendeur de vêtements : il fait du porte-à-porte.

Ce jour-là, il vient de vendre sa dernière robe de chambre. Comble du sordide, sa cliente le paye avec

sa nièce, Mona, 16 ans, prostituée. Et Mona s’attache à Frank désespérément car il va pouvoir l’aider

à récupérer l’argent de la vieille, puis la tuer. Frank se donne alors, enfin, l’impression de vivre, tel un

héros de roman policier. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant, Bernard Blier.

Le 23 juin à 20h30•Mes meilleurs copains Comédie de Jean-Marie Poiré, 1988

Cinq copains, la quarantaine, se retrouvent le temps d’un week-end pour le passage en France de

Bernadette, une vedette de rock qu’ils ont aimée autrefois. C’est l’occasion de régler quelques vieux

comptes. Avec Gérard Lanvin, Christian Clavier, Jean-Pierre Bacri, Marie-Anne Chazel.

Déconseillé aux moins de 10 ans (-10)

Le 26 juin à 23h, le 29 juin à 01h35•La vie d’artiste Comédie de Marc Fitoussi, 2007

Alice, comédienne, rêve que son nom soit à l’affiche. Bertrand, professeur de français, voudrait devenir

écrivain à succès. Il tente péniblement de terminer son second roman. Cora espère bouleverser le

monde de la chanson française. En attendant, elle doit se contenter d’un poste d’animatrice dans un

bar karaoké… le chemin de la gloire est parsemé d’embûches. Avec Sandrine Kiberlain, Denis

Podalydès, Emilie Dequenne, Aure Atika.

Le 3 juillet à 23h

Retrouvez la liste des programmes sous-titrés en russe sur www.tv5.org

• Visas et enregistrements• Voyage de reconnaissance• Recherche de logement

• Renégociation du bail

Un service professionnel proposépar des expatriés pour des expatriés

(+7 495) 229.67.00www.wellcomeabroad.ru

AIDE A L'EXPATRIATION

Le romandevient

conversation,échange spi-rituel avec unami proche.

« La vie, de quoi est-elle faite, capitaine ? Comment, en quelles unités mesurer le sentiment

qui naît du mélange léger de la brume du soir, du crépuscule et de l’odeur du samovar

fumant sur le pont du bateau qui remonte le fleuve ? Que diriez-vous, capitaine ? »

Laurence Bapaume : « Il y a ici un dynamismequ’il n’y a plus en France »

Laurence Bapaume en compagnie de Michel Perhirin et son épouse

D.R

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