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La décision d'admission au séjour des membres de famille au titre du regroupement familial peut être remise en cause après l'arrivée sur le territoire français, voire après la délivrance du titre de séjour. En cas de rupture de la vie commune. le conjoint entré en France dans le cadre du regroupement familial peut se voir retirer son titre de séjour en cas de séparation ou de divorce dans les trois années qui suivent la délivrance du titre de séjour (excepté les algériens). La loi réserve le cas des violences conjugales : dans ce cas le préfet peut accorder le maintien ou le renouvellement du titre de séjour de la victime des violences. Même si les violences ont lieu avant la délivrance de la carte de séjour, dès l'entrée en France, le titre de séjour sera délivré. Le préfet a l'obligation de renouveler le titre de séjour si vous êtes bénéficiaire d'une ordonnance de protection, sauf menace à l'ordre public. La loi du 24 juillet 2006 a ajouté deux autres cas de protections : 1) la rupture de la vie commune est due au décès d'un des conjoints ; 2) le couple a eu des enfants, si l'étranger, qui doit être titulaire de la carte de résident, établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à leur entretien et à leur éducation. En cas de polygamie Si l'étranger qui a demandé le regroupement familial vit déjà en France avec une première épouse, le titre de séjour du conjoint pour qui il a été sollicité le regroupement familial est retiré ; de même pour les enfants autres

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La décision d'admission au séjour des membres de famille au titre du regroupement familial peut être remise en cause après l'arrivée sur le territoire français, voire après la délivrance du titre de séjour.

En cas de rupture de la vie commune.

le conjoint entré en France dans le cadre du regroupement familial peut se voir retirer son titre de séjour en cas de séparation ou de divorce dans les trois années qui suivent la délivrance du titre de séjour (excepté les algériens).

La loi réserve le cas des violences conjugales : dans ce cas le préfet peut accorder le maintien ou le renouvellement du titre de séjour de la victime des violences. Même si les violences ont lieu avant la délivrance de la carte de séjour, dès l'entrée en France, le titre de séjour sera délivré. Le préfet a l'obligation de renouveler le titre de séjour si vous êtes bénéficiaire d'une ordonnance de protection, sauf menace à l'ordre public.

La loi du 24 juillet 2006 a ajouté deux autres cas de protections :  1) la rupture de la vie commune est due au décès d'un des conjoints ; 2) le couple a eu des enfants, si l'étranger, qui doit être titulaire de la carte de résident, établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à leur entretien et à leur éducation.

En cas de polygamieSi l'étranger qui a demandé le regroupement familial vit déjà en France avec une première épouse, le titre de séjour du conjoint pour qui il a été sollicité le regroupement familial est retiré ; de même pour les enfants autres que ceux qu'il a eu avec l'épouse installée en France.

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Journal d'un avocatEn France, les femmes battues sont protégées. Sauf les Algériennes.

Par Eolas le mercredi 21 mai 2008 à 13:41 :: Droit des étrangers :: Lien permanentS'il était encore besoin de démontrer que le droit et la morale sont deux choses distinctes, la Cour administrative d'appel (CAA de Paris) vient d'y pourvoir dans un arrêt du 3 avril dernier.

Les faits étaient les suivants. Madame X, ressortissante algérienne, avait épousé un Français, Monsieur Y. De ce fait, elle était titulaire d'un certificat de résidence valable un an renouvelable, délivrée par la préfecture du Nord (les époux Y habitaient près de Valenciennes).

Il faut en effet préciser que les ressortissants algériens sont soumis, pour leurs conditions d'entrée et de séjour en France, non pas au Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) mais à une convention bilatérale, l'Accord Franco-Algérien du 27 décembre 1968. Cela jouera un grand rôle dans la suite du litige. Cet accord prévoit que le titre de séjour des algériens s'appelle un certificat de résidence, qu'il soit valable un an ou dix ans, et non une carte de séjour ou une carte de résident.

Monsieur Y ayant une tendance exagérée à confondre son épouse et un punching-ball, celle-ci l'a quitté et est allée vivre sur Paris pendant sa procédure de divorce. À l'expiration de son certificat de résidence, elle en a demandé le renouvellement à la préfecture de police. Le préfet de police a refusé ce renouvellement, car aux termes des stipulations[1] de l'Accord Franco-Algérien, article 6 :

Le certificat de résidence d'un an portant la mention ‘‘vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (…) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (…) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2° ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux.

Or, constate le préfet, cette communauté de vie a cessé car madame est à Paris et monsieur à Valenciennes. Puisque le sud l'attire, qu'elle continue dans cet azimut jusqu'à Alger. Et de prendre le 10 juillet 2007 un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

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Madame X saisit le juge administratif en lui tenant à peu près ce langage : “ Certes, la communauté de vie a cessé de mon fait, mais que diantre, je recevais des coups. J'invoque donc la protection de la loi, puisque l'article L.313-12 du CESEDA dispose que :

Le renouvellement de la carte de séjour (…) est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut accorder le renouvellement du titre.”

Et de produire le jugement de divorce rendu entre temps par le juge aux affaires familiales[2] de Valenciennes prononçant le divorce aux torts exclusifs de l'époux violent. La décision du préfet de police, qui n'a même pas examiné la possibilité de délivrer un titre en raison des violences conjugales est donc, conclut madame X, illégale.

Ce n'est pas ce que juge la CAA de Paris, par un raisonnement parfaitement juridique :

Certes, dit la cour, par l'article L.313-12 du CESEDA, la République offre (si elle le veut bien, notez bien que « le préfet peut accorder le renouvellement du titre ») sa protection aux époux battus, fussent-ils homme ou femme, à condition qu'ils soient étrangers.

Mais le CESEDA, comme nous l'avons vu, ne s'applique pas aux Algériens, qui relèvent de l'Accord Franco-Algérien de 1968. Or cet accord qui ne prévoit aucune stipulation en faveur du conjoint martyr. Fermez le ban et attachez vos ceintures, les issues de secours se trouvent à l'avant, sur les côtés et à l'arrière de l'appareil.

En conclusion, l'époux algérien battu ne peut bénéficier du renouvellement de son titre sauf à rester vivre avec son bourreau. La décision du préfet de police est confirmée, et l'OQTF, validée.

Je précise que madame X n'a pas eu d'enfant avec monsieur Y, sinon sa situation n'aurait pas posé de problème, elle aurait eu droit à un titre de séjour en qualité de mère d'enfant français.

Une petite citation pour clore ce billet.

"A chaque femme martyrisée dans le monde, je veux que la France offre sa protection en lui donnant la possibilité de devenir française."

Nicolas Sarkozy, le 29 avril 2007 à Bercy.

Sauf les Algériennes en France, vous aurez rectifié de vous même.

Source : CAA Paris, 3 avril 2008, n°7PA03996.

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Notes

Conventions bilatérales: ces conflits de loi qui empêchent les homos de se marierPublié par Julien MassillonC'est au procureur de la République d’apprécier, au cas par cas, si l’existence d’une de ces conventions fait obstacle à la célébration du mariage. Une décision qui peut être contestée devant les tribunaux.

La nouvelle est tombée comme un couperet pour plusieurs centaines de couples: en vertu de conventions bilatérales nouées avec 11 pays – la Pologne, le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo, la Slovénie, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l'Algérie –, les ressortissant.e.s de ces États ne sont pas autorisé.e.s à épouser une personne de même sexe en France. «On est tombées des nues, s'indigne Lise qui a témoigné sur Rue89. Pendant toutes ces heures de débat, on n'a jamais trouvé le temps d'en parler? J'ai l'impression qu'on nous a pris pour des cons.» Même déception chez ce Français qui vit au Cambodge: «La loi était porteuse de beaucoup d'espoir mais elle ancre la discrimination d'une minorité au sein d'une minorité, déplore-t-il. C'est un couac magistral, cette loi est extrêmement mal finie.»

Mal finie ou mal commencée? Le sujet n'a pas fait les gros titres, mais dès l'étude d'impact, publiée en novembre 2012, le gouvernement avait pris en compte les traités internationaux qui font primer la loi personnelle sur le droit positif interne. En langage non-juridique, cela signifie que pour se marier, les citoyen.ne.s de ces 11 États doivent respecter les dispositions légales de leur pays d'origine. Le mariage

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entre personnes de même sexe y étant prohibé, l'interdiction s'applique aussi en France. Alors que l'opposition s'époumonait sur les risques fantasmagoriques d'une immigration massive attirée par la promesse de l'ouverture du mariage, la ministre de la Justice a évoqué ces traités – alors au nombre de 13 – lors de la première séance du vendredi 1er février:

«Même lorsque la loi personnelle d’un des conjoints ne prévoit pas la possibilité d’un mariage entre personnes de même sexe, ce mariage peut avoir lieu en France, compte tenu du fait que la loi française ouvre dorénavant la possibilité de mariage, à l’exception, évidemment, des conventions internationales ou des traités – il en existe treize exactement – qui précisent le contraire.»

«SOUS RÉSERVE DES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE»Les engagements internationaux ayant plus de poids que la législation votée par le Parlement, député.e.s et sénateurs/trices n'étaient pas en mesure d'écarter les conventions internationales. La question n'a pas non plus échappé au rapporteur du projet de loi Erwann Binet. Dans un amendement déposé en Commission des lois (à la 50e page), il a voulu simplifier la disposition prise par le gouvernement à ce sujet. À l'origine, le projet de loi disposait: «La loi personnelle d’un époux est écartée, sous réserve des engagements internationaux de la France, en tant qu’elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe, lorsque la loi de l’État sur le territoire duquel est célébré le mariage le permet.» Une formulation qui laissait à désirer à en croire le professeur Hugues Fulchiron, qui a publié une étude à ce sujet dans la revue spécialiséeLa Semaine juridique.

«Si la réserve peut, à première vue, paraître sage, elle est en réalité source d'innombrables difficultés. Soit par exemple un Français qui veut épouser un Algérien, ou deux Tunisiennes résidant en France qui souhaitent s'y marier: leur opposera-t-on un refus en invoquant les engagements internationaux de la France, alors que deux Égyptiennes résidant en France (en l'absence de convention) (…) pourront convoler en justes noces? Ne risque-t-on pas de créer un ordre public à deux vitesses, opposable ou non selon qu'un accord antérieur a été conclu ou non avec le pays d'origine, dans un contexte d'ailleurs radicalement différent?»

Erwann Binet a proposé une nouvelle formulation après avoir auditionné l'enseignant. La loi dispose désormais que «deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet». La mention des «engagements internationaux de la France» a disparu car comme l'indique le rapport issu de la Commission des lois, «la Commission a, par ailleurs, estimé inutile de mentionner expressément la réserve diplomatique: le mariage ne pourra être célébré que dès lors qu’une convention internationale ne s’y oppose pas». Pendant les débats, Christiane Taubira a précisé qu'elle aurait préféré que cette mention reste inscrite dans la loi, mais elle a respecté le choix souverain du pouvoir législatif à cet égard.

LE RETOUR DES CONVENTIONSLa mention explicite des traités a disparu du texte de loi mais les conventions ont fait leur retour dans la circulaire du 29 mai émise par les services de Christiane Taubira.

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Censées interpréter la loi et aider les agents de l'administration à adopter une application uniforme du droit sur l'ensemble du territoire, les circulaires sont des outils indispensables dans les mairies pour la mise en œuvre de la législation. À moins d'être spécialistes des subtilités du droit international, peu de municipalités se seraient amusées à exhumer les conventions bilatérales qui empêchent certain.e.s ressortissant.e.s étrangèr.e.s d'épouser une personne de même sexe. Pierre, qui vit au Cambodge, s'indigne de la façon dont la convention est aujourd'hui remise à l'ordre du jour. «Elle n'a jamais été utilisée pour les  hétéros, soutient-il. On ne la retrouve qu'une fois dans la jurisprudence quand un couple de Français a divorcé à la fin des années 60 au Cambodge. Mais personne n'en avait le souvenir!» À cet égard, la circulaire a tous les torts. En rappelant la législation en vigueur, elle a empêché les ressortissant.e.s de 11 États de bénéficier de la loi ouvrant le mariage.

Or, la Garde des Sceaux en mentionnait 13 devant l'Assemblée nationale. Entre février et mai, deux pays – le Vietnam et Madagascar – auraient-ils viré leur cuti et renoncé aux conventions qui les lient à la France? Interrogée à ce sujet par Yagg, la Chancellerie indique que «la convention malgache ne fait pas obstacle au mariage entre personnes de même sexe. L’appréciation des conventions se fait au cas par cas, en fonction des clauses qu’elles contiennent». Lorsque l'on se plonge dans le texte même des traités, d'autres questions ne manquent pas d'être soulevées. Une ressortissante polonaise s'est ainsi étonnée d'apprendre qu'elle ne pouvait épouser sa compagne en vertu d'une convention signée en 1967 (chapitre II, article 4)… quand la Pologne était encore un État totalitaire et non-démocratique. La particularité de cette convention est qu'elle est reconductible de façon tacite tous les cinq ans. Hasard du calendrier, elle peut toutefois être dénoncée par la France, qui a jusqu'au mois de septembre pour le faire. Selon Pierre-Yves Le Borgn', député des Français.es de l'étranger dans cette circonscription, une telle initiative pourrait «momentanément tendre les choses» entre les deux pays, sans pour autant provoquer une crise internationale: «Il ne s'agit pas d'imposer le mariage pour tous en Pologne». À l'ambassade de Pologne, on admet d'ailleurs que «la situation est assez particulière» car «ce cas n'était pas du tout prévu à l'époque».

UNE INTERPRÉTATION À DEUX VITESSES…Le traité avec le Maroc (chapitre I, article 5) impose de respecter les conditions de fond requises par ce pays. Or, Rabat interdit notamment à ses ressortissantes d'épouser une personne non-musulmane. Une interdiction écartée par la France au nom de l'ordre public. Si l'on écarte cette condition de religion, pourquoi ne pas aussi se passer de la condition de genre au nom de l'égalité entre les citoyen.ne.s voulue par la France?

C'est la solution que semble privilégier le ministère de la Justice. Interpellée par Yagg, la Chancellerie invite les couples à qui le procureur de la République a notifié un refus du fait d'une de ces conventions à «saisir les tribunaux afin de contester cette décision. Il appartiendra alors aux tribunaux d’apprécier si l’ordre public international français permet de passer outre et d'autoriser, malgré l’existence de cette convention, la célébration du mariage». Au-delà des juridictions françaises, les traités contractés entre pays européens ne manqueront pas «de susciter l'intérêt de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour de justice de l'Union européenne», a prédit le professeur Hugues Fulchiron dans La Semaine Juridique.

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… ET TROP EXTENSIVEUn seul traité (chapitre II, articles 3 et 4), contracté alors avec la Yougoslavie, régit aujourd'hui la situation de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie, du Kosovo et de la Slovénie. De la même façon, une seule convention touche aussi bien les Cambodgien.ne.s que les Laotien.ne.s (article 19, alinéa 3). Dans ces deux pays d'Asie, comme pour le traité qui lie la France à la Tunisie (article 2), il n'est question que des «ressortissants de l'Union française», des «Français» et «des personnes de nationalité française» pour que prime à leur égard leur loi personnelle, la loi française. C'est pourtant sur la base de ces textes que la Chancellerie estime aujourd'hui que des personnes de nationalité étrangère, et donc pas explicitement citées par la convention, ne peuvent pas se marier en France. L'interprétation choisie donne à la France des obligations égales à celles qu'elle attend de ses partenaires. Elles ne figurent toutefois pas dans le texte des traités.

Il semble que le même mode d'interprétation a été choisi pour l'Algérie, avec qui ont été signés les accords d'Evian conclus en 1962. La disposition qui empêche aujourd'hui les Algérien.ne.s d'épouser une personne de même sexe en France est celle-ci: «Le statut personnel, y compris le régime successoral, des ressortissants français sera régi par la loi française». Appliquer cette disposition à des personnes algériennes est d'autant plus saugrenu qu'elle figure à l'article 6 du titre III, spécialement dévolu aux «Français résidant en Algérie en qualité d'étrangers». La France aurait-elle là aussi fait le choix d'une interprétation bilatérale? Pourquoi alors ne pas également appliquer cette interprétation à une autre disposition présente quelques lignes plus haut pour la rendre réciproque: «Les Français ont le droit d'utiliser le français dans tous leurs rapports avec la justice et les administrations»?

UNE PÉTITION EN LIGNE

Renégocier la totalité de ces traités prendrait plusieurs années et requiert une volonté diplomatique ferme. Sollicité à ce sujet par Yagg, le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu'il serait à même de donner quelques éléments de réponse «dans le courant de la semaine prochaine». Des élus ont également réfléchi à la question. Le rapporteur Erwann Binet a interrogé le ministère des Affaires étrangères, demandant «des éclaircissements concernant les engagements internationaux de la France en la matière» et «si des modifications seront apportées à ces accords». Président du groupe Gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée, André Chassaigne a lui aussi interpellé la Garde des Sceaux dans une question écrite. Le sénateur des Français.es de l'étranger Jean-Yves Leconte a fait de même. Tout comme Pierre-Yves Le Borgn', qui a écrit à la ministre de la Justice. Contacté par Yagg, il indique avoir reçu «une réponse informelle de sympathie». «Christiane Taubira comprend la démarche que j'ai entreprise, précise-t-il. J'attends formellement un courrier qui me donne la position de la ministre.»

En attendant, les couples concernés s'impatientent. Lise a lancé une pétition, adressée à Laurent Fabius, qui a déjà recueilli plus de 15000 signatures. Mais quand on est une citoyenne lambda, «dur de savoir à qui s'adresser», déplore-t-elle. Lutter contre cette injustice est «un travail monumental» qu'elle mène en plus de sa vie personnelle et de son travail. Un groupe de travail interassociatif a été créé il y a quelques semaines. Il rassemble des militant.e.s de l'Inter-LGBT, de l'Ardhis et de

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l'Autre Cercle, entre autres. Pour faire pression sur le gouvernement, ce collectif cherche à recueillir le plus grand nombre de témoignages (écrire à [email protected]). Il voudrait ensuite recourir à la voie judiciaire. Geoffrey Roos, de l'Autre Cercle, s'étonne ainsi que «la France soit le seul pays d'Europe à avoir signé des conventions bilatérales» de cet ordre. «Les Pays-Bas aussi sont passés par là», rappelle-t-il, tout comme la Belgique. Le groupement interassociatif a sollicité un rendez-vous auprès du ministère de la Justice et attend une réponse.

«INFERNAL»«Cette bataille administrative, c'est un peu infernal, juge une ressortissante polonaise. La France devait être le pays où la vie est plus facile mais je ne me sens pas voulue ici. On continue à envoyer des lettres et des demandes d'explication. On va épuiser les possibilités administratives. Et on attend septembre.» «Je reste optimiste, mais c'est frustrant, nous confie un Français qui vit au Cambodge avant d'ajouter en guise de boutade: «Vu que personne ne nous répond, il ne nous reste plus qu'à attendre la règle selon laquelle le silence de l'administration vaut consentement et on pourra se marier!»

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Répudiation musulmanejeudi 02 septembre 2010

 Textes

 Convention franco-algérienne du 27 août 1964 

Protocole du 22 novembre 1984, n° VII, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme

Actualité

7 novembre 2009

Un jugement marocain constatant une répudiation unilatérale par l'époux, contraire à l'ordre public international, ne peut être reconnu en France

4 janvier 2006

Lorsque les parties ont leur domicile en France, le divorce (répudiation unilatérale) est contraire à l'ordre public international (Cour de Cassation. 1re civ., 3 janvier 2006, n° 04-15.231, Boulaarassi c/ Maktoubi)

Il résulte des articles 13, alinéa 1, de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 et des articles 16, 19 et 21 de la convention franco marocaine du 5 octobre 1957 que les décisions marocaines constatant ou prononçant la dissolution du lien conjugal ne produisent effet que si la partie défenderesse a été légalement citée ou représentée. Est contraire à l'article 5 du Protocole du 22 novembre 1984 n° VII additionnel à la convention EDH - et, dès lors que les parties ont leur domicile en France - à l'ordre public international la décision d'une juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et en privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial. 

Jurisprudence

Cour d'appel de Versailles, 2e ch., 1re sect., 25 février 2010, n° 08/06618, B. c/ S.

Un divorce est prononcé au Maroc mais la décision de divorce est un acte de répudiation révocable, qui méconnaît le principe fondamental d'égalité entre époux, dans le mariage et lors de sa dissolution, tel qu'il est défini à l'article 5 du protocole n°7 de la Convention EDH applicable à toute personne résidant sur le territoire français, ce qui est le cas de l'épouse. Celle-ci n'avait aucune possibilité de s'opposer à la répudiation décidée unilatéralement. 

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Dès lors, l'acte de répudiation homologué en 2006 et invoqué par l'époux est déclaré inopposable à l'épouse résidant en France, en ce qu'il apparaît contraire à l'ordre public international. Mais la cour précise qu'il s'agit de l'ordre public international français… et européen. Au sens des droits de l'homme, donc au sens de l'Europe des 27.

Cour d'appel de Paris, Chambre 1, section C, 9 Avril 2009, Infirmation partielle, N° 08/06079S'agissant de la compétence du juge algérien, celle-ci s'apprécie conformément à l'article 1er de la Convention franco-algérienne ainsi qu'aux principes généraux qui régissent la compétence internationale, selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'État où la décision doit être exécutée. Toutes les fois que la règle française de conflit de compétence exclusive aux tribunaux français, comme c'est le cas en matière de divorce, le tribunal étranger doit être reconnu pour compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge est saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux. En l'espèce, les deux époux étaient algériens lors de la saisine du tribunal algérien, leur réintégration dans la nationalité française n'étant intervenue que postérieurement et il n'est pas contesté que le mari vivait en Algérie au jour du dépôt de la requête. Le litige présente donc des liens de rattachement suffisamment caractérisés à l'égard de l'Algérie pour que la compétence de la juridiction algérienne puisse être reconnue. Contrairement à ses affirmations, l'épouse a été effectivement représentée à la procédure. L'examen de la décision étrangère ne fait pas apparaître qu'elle a fait l'objet d'une répudiation unilatérale par son mari, la décision n'est donc pas contraire à l'ordre public international.

Cour d'appel de Reims, Chambre civile, 20 Mars 2009, Confirmation, N° 08/02081Le divorce prononcé par les juges algériens au seul motif admis par la loi algérienne que le divorce doit être prononcé sur la seule volonté de l'époux, constitue une répudiation unilatérale du mari et est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction et donc à l'ordre public international, empêchant le juge français de reconnaître au jugement prononcé par les juges algériens en l'espèce, l'autorité de chose jugée devant les juridictions françaises, d'autant plus que les documents exigés pour cela par l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, applicable, ne sont pas produits en l'espèce.

Cour d'appel de Metz, Audience publique du mardi 6 janvier 2009, n° de RG: 07/00613Un divorce qualifié de "révocable" intervenu conformément à la seule volonté de l'époux, sans qu'aucune cause de divorce ne soit examinée, s'analyse en une répudiation, laquelle est contraire au principe d'égalité des époux durant le mariage et lors de la dissolution du mariage, énoncé par l'article 5 du protocole nº 7 du 22 novembre 1984, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.En conséquence la demande en divorce introduite au MAROC par l'époux et le jugement subséquent n'étant pas conformes à l'ordre public français et ne pouvant pas être pris en compte par le juge français, l'exception de litispendance présentée par l'époux doit être rejetée.

Cour de Cassation, 1ère civ, n° 1352 F-PB, 20 septembre 2006 (2 espèces)

Le juge de l'Etat dont les époux ont la nationalité est compétent pour statuer sur leur « divorce », alors même qu'ils sont domiciliés en France. Toutefois, ce domicile des époux en France appelle le jeu de l'exception d'ordre public, en application de laquelle la décision étrangère de répudiation ne peut être reconnue.

Texte

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Bibliographie

Reconnaissance en France d'un divorce étranger par répudiation unilatérale, note sous Cour de cassation, chambre civile, 3 juillet 2000, Mme X c/ Y, de Thierry VIGNAL, professeur à l'université de Cergy-Pontoise.La Semaine juridique Edition générale n° 10 (6 mars 2002), pp. 453 à 455.

 La Convention européenne des droits de l’Homme est-elle supérieure aux conventions bilatéralesreconnaissant les répudiations musulmanes ?, de Lyn FRANCOIS, docteur en droit à la faculté de Limoges, membre de l’Observatoire des mutations institutionnelles et juridiques.Le Dalloz, n° 39 (7 novembre 2002), pp. 2958 à 2967.

 Le rejet des répudiations musulmanes, note de Patrick COURBÉ, professeur à l'université de Rouen, sous Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 février 2004.Le Dalloz, n° 12 (25 mars 2004), pp. 815 à 820.

 Du dernier râle avant trépas des répudiations musulmanes unilatérales ?, note d'Hélène PÉROZ, maître de conférences, membre du centre de recherches en droit privé de l'université de Caen, sous Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 février 2004, M. Ait X. c/ Mme Y., n°01-11549.Les Petites affiches, n° 156 (5 août 2004), pp. 13 à 20.

 L'avenir du nouveau revirement de la Cour de cassation sur la reconnaissance des répudiations musulmanes, par Marie-Laure NIBOYET, professeur à Paris X-Nanterre.La Gazette du Palais, n° 247 à 248 (3 et 4 septembre 2004), pp. 27 à 31.

 La primauté constitutionnelle de la convention européenne des droits de l'homme sur les conventions bilatérales donnant effet aux répudiations musulmanes, par Frédéric GUERCHOUN, avocat.Journal du droit international, n° 3 (juillet-août-septembre 2004), pp. 695 à 737.

L'exécution de plein droit des jugements de répudiation : vers la fin d'une exception ? A propos de Cour de Cassation 1re civ., 25 juin 2008, n° 07-14.342, Kaddouri c/ ChetyouyPar Gazette du Palais 2009 n° 158 à 160 page 37 - 1 pages

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Doc. 9487

12 Juin 2002

Situation des femmes maghrébines

Rapport

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteuse: Mme Yvette Roudy, France, Groupe socialiste

Résumé:

Les femmes maghrébines, notamment algériennes et marocaines sont encore maintenues dans un ghetto juridique au mépris des Conventions internationales.

L’Assemblée a estimé qu’elle devait se préoccuper du statut des femmes, notamment dans les familles d’immigrés, statut qui engendre bien des conflits en raison des différences de cultures et de coutumes.

Elle propose par conséquent que les gouvernements des Etats membres révisent les conventions bilatérales pour les rendre conformes aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme et que les pays du Maghreb modifient notamment le Code de la famille afin d’instaurer une véritable égalité entre les femmes et les hommes en conformité aux traités et aux conventions internationales en vigueur et que les consulats rappellent aux ressortissants maghrébins la nécessité, sous peine d’expulsion, de respecter les lois en vigueur dans les pays d’accueil.

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I.       Projet de résolution

1. Malgré les évolutions positives intervenues au cours des dernières décennies dans les pays du Maghreb, les femmes maghrébines restent encore maintenues dans une sorte de ghetto juridique au mépris des conventions internationales qu’ils ont ratifiées, notamment la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes.

2. Les sociétés maghrébines sont encore prises entre l’archaïsme des us et coutumes et la modernité. Dans ces sociétés, la femme se trouve toujours dans un état de dépendance, voire de soumission, par rapport à l’homme et ce même dans des pays comme la Tunisie où les droits des femmes se sont considérablement développés.

3. L’Assemblée condamne fermement l’application de la répudiation et de la polygamie qui sont contraires au principe de la dignité humaine. Elle condamne également le principe encore en vigueur dans les sociétés algérienne et marocaine du statut de mineure à vie de la femme.

4. L’Assemblée attire l’attention sur le fait que les droits de la femme qui sont inscrits dans les traités et dans les conventions internationales ne doivent absolument pas être transgressés au nom des traditions religieuses et culturelles et qu’il ne faut en aucune manière que les mouvements religieux se placent au-dessus des droits humains.

5. Elle déplore également les contradictions flagrantes entre les Codes de la famille et les principes régissant la Convention européenne des droits de l’homme.

6. Il est particulièrement inquiétant que le taux d’analphabétisme chez les femmes maghrébines reste encore très élevé et les adolescentes sont systématiquement mises à l’écart dans les zones rurales. Il est aussi regrettable qu’un pourcentage élevé de femmes interrompe leur formation secondaire.

7. Dans les pays du Maghreb, comme dans beaucoup d’autres pays, la faible participation des femmes au marché du travail résulte de la discrimination pour des raisons liées au sexe.

8. L’Assemblée estime que la femme doit pouvoir conquérir son identité sur le plan individuel, en dehors des religions, des traditions et des cultures et que les vêtements, les valeurs, les modes de vie et les habitudes doivent être une question de strict choix personnel.

9. L’Assemblée estime également que la procréation devrait être une question concernant le couple mais, en cas de divergence entre les époux, le dernier mot doit revenir à la femme. On constate que malheureusement les fonctions reproductrices des femmes sont encore souvent contrôlées par la famille, la législation nationale et/ou les chefs religieux et qu’en outre la majorité des responsables sont des hommes.

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10. L’Assemblée estime qu’il faut informer les immigrés maghrébins des lois en vigueur dans le pays d’accueil, notamment, celle interdisant toute discrimination à l’égard des femmes, et de la nécessité de s’y soumettre, sous peine d’expulsion.

11. L’Assemblée estime inconcevable qu’une femme qui a partagé la vie d’un homme pendant de longues années puisse se retrouver du jour au lendemain, répudiée et sans toit.

12. L’Assemblée demande par conséquent aux gouvernements des Etats membres:

i. de réviser les conventions bilatérales afin de garantir les principes énoncés dans la Convention européenne des Droits de l’Homme;

ii. d’autoriser les consulats à établir des visas de façon individualisée pour les femmes, même si le passeport est un passeport familial;

iii. d’accorder à titre individuel les permis de résidence pour les femmes;

iv. de veiller à assurer l’égalité des traitements lors de la demande de permis de travail et de résidence et d’améliorer le statut juridique des migrants;

13. L’Assemblée invite les gouvernements des pays du Maghreb à:

i. modifier le Code de la famille afin d’instituer une véritable égalité entre les femmes et les hommes et de donner un véritable statut juridique à la femme et de le rendre conforme aux traités et aux conventions internationales en vigueur;

ii. abolir la répudiation et la polygamie qui sont contraires au principe de la dignité humaine;

iii. permettre aux femmes d’obtenir les mêmes droits successoraux que les hommes;

iv. autoriser les femmes à demander le droit au divorce sur les mêmes bases que les hommes;

v. garantir le droit au travail, à l’éducation ainsi qu’au droit d’accéder aux instances décisionnelles et à exercer des fonctions publiques;

vi. appliquer les conventions internationales garantissant l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes;

vii. veiller à promouvoir le rôle des femmes dans la vie sociale et économique;

viii. assurer une formation professionnelle adéquate aux femmes;

ix. permettre aux femmes de concilier la vie professionnelle et la vie familiale;

x. assurer un accès libre pour les femmes aux instruments financiers et aux instruments de crédit;

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xi. assurer l’accès des femmes aux services de santé reproductive et instaurer un système de planification familiale;

xii. sensibiliser les médias pour que leurs informations soient moins négatives lorsqu’ils parlent des populations immigrées.

14. L’Assemblée demande aux parlements nationaux des Etats membres d’inviter les partis politiques à:

i. assurer une représentation de la population immigrée au sein des assemblées parlementaires en veillant à ce qu’il y ait une représentation féminine;

ii. assurer une représentation paritaire des communautés immigrées des deux sexes sur les listes électorales municipales.

II.       Exposé des motifs par Mme Roudy

Introduction

1. Le Conseil de l’Europe doit s’intéresser à l’évolution du statut et des conditions de vie des femmes au Maghreb, car l’Afrique du Nord est très proche de l’Europe et l’importance de la population immigrée engendre souvent des problèmes d’intégration pour ces populations. Il est vrai que nous apprécions la main d’œuvre immigrée qui doit, de son côté, accepter et respecter nos lois.

2. Si nous avons des devoirs envers les populations immigrées et si nous souhaitons leur donner des droits, la réciproque doit également s’appliquer. En effet, nous ne pouvons, au nom du respect de la culture, séparer le public du privé et accepter que les femmes issues de l’immigration ne bénéficient pas de droits égaux à ceux de l’homme.

3. En effet, il faut rappeler que dans la plupart des cultures, les femmes sont habituées à être placées à «l’arrière-plan». Dans les systèmes fondés sur la différenciation des genres, les hommes ont le plus souvent des privilèges sociaux, économiques, politiques et sexuels, en un mot le pouvoir, la femme étant cantonnée dans la sphère du «privé», les hommes se réservant la sphère noble, du «public». On retrouve ce clivage d’une manière beaucoup plus nette chez les femmes du Maghreb.

4. Cependant, la situation des femmes maghrébines a connu des évolutions positives au cours de ces dernières décennies. Depuis leur déclaration d’indépendance proclamée dans les années 1960, les pays du Maghreb ont adopté des textes juridiques en faveur des femmes. Les législations tunisienne et marocaine reconnaissent des droits égaux aux femmes et aux hommes et il n’existe pas, sur le plan juridique, de discriminations entre les sexes. Ainsi, la Constitution algérienne de 1966 accorde aux hommes et aux femmes des droits égalitaires. Mais si les textes existent, la réalité est différente.

5. La rapporteuse s’est rendue dans les pays du Maghreb du 9 au 13 mars (voir programme de la visite en annexe 1), afin d’avoir une meilleure analyse de la

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situation. Elle déplore toutefois que la visite ait été trop brève pour pouvoir approfondir toutes les questions et faire la part des choses entre les discours officiels et la réalité des faits. Cette visite lui a toutefois permis de constater qu’il existe encore d’énormes différences entre les classes sociales qui engendrent un sentiment de malaise et de souffrance.

6. Au cours de sa visite, la rapporteuse a pu constater que, malgré le soutien des autorités pour l’avancée des femmes, la religion pèse encore lourd sur le statut de la femme.

7. Ce rapport constitue, par conséquent, un rapport d’étape, en espérant qu’un suivi lui sera donné pour pouvoir constater les progrès enregistrés. Le tableau qui figure à l’annexe 2 devrait servir de base pour la prochaine étape.

8. Lors de cette visite, la rapporteuse a constaté que les femmes maghrébines, notamment algériennes et marocaines, sont encore maintenues dans un ghetto juridique au mépris des conventions internationales, et ce par leur Code de famille respectif. On peut dire que les sociétés maghrébines prises entre l’archaïsme des us et coutumes et la modernité sont ambiguës à l’égard des femmes. Leur place dans la société et dans les mentalités reste toujours anachronique, puisque le principe de départ demeure que la femme dépend de l’homme, ce qui a engendré un développement alarmant d’une sorte de schizophrénie chez les femmes et que la rapporteuse a pu constater elle-même au cours des différentes rencontres.

9. Même en Tunisie, où les droits des femmes se sont considérablement développés sous l’impulsion du Président Bourguiba, certaines inégalités entre les hommes et les femmes subsistent. Les femmes maghrébines n’héritent que de la moitié de la part d’un homme. Au Maroc et en Algérie, la répudiation et la polygamie sont maintenues.

10. En Algérie, malgré le principe d’égalité entre les hommes et les femmes proclamée dans la Constitution de 1966, le Code de la famille, adopté en 1984, maintient la femme dans un état d’infériorité et institutionnalise sa minorité à vie.

11. Au cours des dernières années, les différents gouvernements marocains et algériens ont tenté de réformer leur Code de la famille, mais n’y sont pas parvenus.

12. Les femmes maghrébines résidant en Europe se trouvent dans une situation semblable à celles résidant dans leur pays d’origine, car la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe réservent aux étrangers le droit de conserver le statut personnel du pays d’origine par le biais de conventions bilatérales. Ainsi, en Europe, les femmes maghrébines ne sont pas traitées équitablement.

13. En outre, les médias ne donnent pas toujours une vision très objective des populations immigrées.

I.       Situation dans les pays d’origine

A.       Algérie

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14. Les lois fondamentales algériennes ne comportent aucune disposition discriminatoire fondée sur le sexe des individus. L’article 29 de la Constitution de 1966 prévoit l’égalité des citoyens devant la loi, «sans que l’on puisse se prévaloir d’aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute condition ou circonstance personnelle ou sociale». L’Algérie a, par ailleurs, ratifié la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979.

15. Les femmes peuvent disposer librement des services de santé, au même titre que les hommes, ainsi que des conseils relatifs à la planification familiale. Mais l’interruption volontaire de grossesse reste encore sévèrement réprimée par la loi.

16. De plus, l’article 53 de la Constitution garantit l’égal accès des deux sexes à l’enseignement, gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans. Il faut souligner que de plus en plus de jeunes filles poursuivent leurs études mais que par la suite, la plus grande partie n’exerce pas d’activité professionnelle et reste à la maison pour éduquer ses enfants mais dans une optique plus moderne et plus ouverte. Il est vrai que par leur histoire les femmes ont toujours été des «opposantes de l’ombre» pour lutter contre les intégristes qui leur fermaient la porte du monde des études et du travail.

17. En outre, l’on constate des disparités entre les villes et les campagnes, et notamment des discriminations entre l’instruction des petites filles et des petits garçons ainsi qu’un très fort taux d’analphabétisation chez les adultes et particulièrement chez les femmes. Les chiffres de déperdition scolaire publiés dans une enquête MDG Algérie réalisée par le Ministère de la santé et de la population au troisième trimestre 1996 confirment ce diagnostic. Ainsi, 72 % de filles achèvent le premier cycle, le seul obligatoire, contre 86 % des garçons. On rencontre plus de filles analphabètes que les garçons: dans la tranche d’âge 15-24 ans, 37,8 % d’entre elles ne savent ni lire, ni écrire contre 13,8 % des garçons. Le taux de femmes analphabètes est de 53 %, alors qu’il n’est que de 28 % à 30 % pour les hommes.

18. Par ailleurs, le Code de la famille, adopté le 9 juin 1984, place la femme mariée sous tutelle. Elle peut ainsi occuper les plus hautes fonctions dans la direction des affaires de l’Etat, mais doit supporter polygamie et répudiation.

19. La femme est enfermée dans la famille par filiation. Elle est sous l’autorité du père ou, à défaut, du tuteur matrimonial (frère, oncle). Puis, par le mariage, elle passe sous celle de son mari qui doit subvenir à ses besoins, mais dispose de sa vie. Le devoir d’obéissance au mari exigé par l’article 39 du Code de la famille permet, par exemple, au mari d’interdire à sa femme de travailler. Cet article du code prévoit, en effet, que «l’épouse est tenue d’obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille…»

20. Les femmes ne sont également pas libres de consentir seules au mariage, quel que soit leur âge. Le consentement de la femme est subordonné à celui de son tuteur matrimonial, en l’occurrence le plus proche parent mâle. De plus, une musulmane n’a pas le droit d’épouser un non-musulman; par contre, un musulman peut épouser une non-musulmane.

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21. Le principe de la communauté de biens est inexistant et la séparation est de fait et de droit. La femme peut, en théorie, gérer ses biens de façon autonome sans l’intervention de son mari, de son père ou de son frère. Le Code civil fixe la responsabilité civile à 19 ans révolus, de sorte que la jeune fille a le droit d’établir des contrats civils ou commerciaux.

22. La dissolution du mariage est facile pour l’homme qui peut, à tout moment, répudier son épouse et contracter jusqu’à quatre mariages, selon ses moyens financiers. Par contre, le divorce est difficile à obtenir pour la femme qui doit fournir des preuves précises sur les fautes de son mari ou racheter sa liberté en versant une somme d’argent.

23. Le divorce met la femme dans une situation catastrophique tant sur le plan matériel que moral. C’est le cas où le Code de la famille est le plus préjudiciable et injuste pour la femme. Le domicile conjugal revient à l’homme après le divorce même si la mère a la garde des enfants. Si elle retourne au domicile paternel, elle et ses enfants y sont le plus souvent rejetés. Si aucun tuteur ne peut l’accueillir, elle n’a droit à un logement fourni par l’ex-mari que selon les possibilités de celui-ci. Le plus souvent, la femme ne bénéficie pas de pension alimentaire. Elle n’a aucune chance de trouver un emploi, n’ayant ni formation, ni expérience d’autant plus que le droit à l’instruction et au travail est conditionné par l’autorisation du père ou tuteur matrimonial, puis du mari. C’est ainsi que, depuis 1984, des milliers de femmes avec enfants se retrouvent dans la rue, sans toit, sans ressources et sans recours.

24. Selon l’article 55 de la Constitution algérienne, le droit au travail est garanti pour tous. De nombreux articles de la loi 90-11 du 21 avril 1990 sur les rapports sociaux et hiérarchiques assurent en théorie la non-discrimination. Le droit au travail, garanti par la Constitution, est, il faut le rappeler, contredit par les pouvoirs donnés au mari d’empêcher sa femme de travailler. Néanmoins, l’écart entre les hommes et les femmes concernant leur participation au monde du travail est frappant. Sur les millions de femmes en âge de travailler, il n’y en a aujourd’hui que 610 000 environ qui occupent effectivement un emploi, soit un taux d’activité global de 13,2 %. Pour des raisons autant sociologiques qu’économiques (le taux de chômage global avoisine les 30 %), le taux réel d’activité des femmes est faible. Les femmes ne représentent pas plus de 5 % de la population active. Le taux d’activité des femmes est très inégal d’une région à l’autre, avec des très nets écarts entre villes et campagnes.

25. Les femmes actives sont principalement enseignantes (pour 38 % des emplois dans ce secteur d’activité), techniciennes de santé (44,5 %), employées d’administration ( 18 %) et, dans une moindre proportion, cadres moyens (11,8 %) ou supérieurs (7,2 %). Elles sont, en revanche, faiblement représentées dans l’industrie (11 % des emplois), l’agriculture (3,8 %) et le commerce (4,6 %) et sont pratiquement absentes des métiers de la police et de l’armée.

26. De plus, il faut noter que les salariées risquent de se faire licencier plus facilement en raison d’une interprétation tendancieuse de la loi sur les licenciements. Celle-ci définit, en effet, un ordre prioritaire pour les licenciements: les salariés les plus âgés et les moins performants, les travailleurs ayant moins de personnes à charge, les travailleurs ayant des emplois réservés et prioritaires. Les femmes se

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retrouvent souvent dans la deuxième catégorie: célibataires, elles dépendent du père; mariées, elles dépendent du mari, qui est tenu d’assurer son entretien en vertu de l’article 37 du Code de la famille.

27. L’article 8 du code qui concerne la polygamie précise que si les épouses précédentes ne consentent pas au remariage du mari, elles peuvent demander le divorce. Le consentement des épouses n’est pas une condition nécessaire au remariage. Le mari est seulement tenu de les informer. Protégées en théorie de la polygamie, elles ne peuvent en pratique empêcher leur mari de se marier avec d’autres femmes. De plus, en cas de polygamie, la femme préfère bien souvent rester au domicile conjugal, quels que soient les comportements de son époux, pour ne pas sombrer dans une misère inévitable.

28. Le père exerce seul la tutelle sur les enfants. Celle-ci ne peut être exercée par la mère qu’en cas de décès de l’époux. Même en cas de divorce et même si la garde des enfants échoit à la mère, le père conserve seul cette tutelle. Cette disposition, comme on le verra plus tard, peut avoir des conséquences dramatiques si le père disparaît dans des conditions inconnues.

29. En cas de décès du mari, s'il y a une descendance, la veuve n’a droit qu’au huitième de ce que laisse son mari alors que le veuf a droit au quart et en matière de succession, l’héritier reçoit une part de succession double de celle de l’héritière.

30. Ce Code de la famille, au lieu de protéger la femme, la livre à toutes les incertitudes. Il est en totale contradiction avec la Constitution de l’Etat algérien qui garantit l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ainsi qu’avec les droits fondamentaux tels que consignés dans les textes internationaux. Les droits des femmes sont en totale discordance avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’Homme et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes signée et ratifiée en 1996 par l’Algérie.

31. De nombreuses associations féminines militent pour l’abrogation du Code de la famille. Une importante personnalité a confié à la rapporteuse que selon lui, seule une ordonnance décidée par le Président pouvait abroger ce code à l’instar de ce que le Général de Gaulle avait décidé en 1944 en France à propos du droit de vote des françaises.

32. La présence des femmes dans les différents gouvernements a toujours été symbolique. En effet, bien qu’elles aient pris part activement à la lutte pour la libération, les femmes ont souvent été reléguées au second plan pour les plus influentes et aux tâches domestiques pour les autres. Elles n’ont donc pas pu intervenir directement au niveau gouvernemental pour obtenir la modification du Code de la famille. Comme on peut le constater au tableau qui figure en annexe, il n’y a aucune femme au sein du Gouvernement.

33. C’est la raison pour laquelle les associations de femmes ont milité activement pour l’abrogation du Code de la famille, en revendiquant notamment la scolarisation obligatoire des filles jusqu’à 18 ans, ainsi que la mixité, le relèvement de l’âge du mariage, la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, l’égalité devant

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l’emploi et les salaires, la promotion de la femme rurale et l’assistance juridique aux femmes en détresse (femmes répudiées, battues, etc.).

34. Victimes de discriminations institutionnalisées par la norme juridique, les femmes algériennes ont vu leur situation se dégrader avec le conflit armé qui dure depuis 1992. Les islamistes ont déclaré la guerre aux femmes. Ils ne lésinent pas sur les moyens: intimidations, bastonnades, vitriol, incendies de domiciles, pour arriver à leur fin.

35. Les femmes algériennes sont également les premières victimes du terrorisme. Durant ces neufs dernières années, les groupes armés, quelle que soit leur dénomination, se sont rendus coupables de violations massives des droits élémentaires de la personne humaine: assassinats, attentats aveugles, enlèvements et viols de femmes, raids meurtriers visant des familles de civils, voire des villages entiers. On dénombre 3500 jeunes filles et femmes violées par les groupes terroristes.

36. Un autre problème, qui a été récemment mis en exergue, est celui des femmes de disparus. L’Association nationale des familles de disparus (ANFD) a recensé plus de 3 500 cas de disparitions. Les témoignages des familles recueillies par centaines ne laissent pas de doute quant à l’ampleur du phénomène et l’implication des divers services de sécurité et des milices dans l’enlèvement ou l’arrestation de personnes disparues. Victimes de la disparition d’un être cher, ces femmes le sont aussi en tant que femmes, en raison du Code de la famille.

37. En Algérie, elles sont des milliers à être concernées par ce paradoxe insupportable du double statut: de femmes mariées et de veuves. Pourtant, la loi définit expressément chacune des deux qualités que les épouses de disparus peuvent revendiquer. Lorsqu’il y a disparition, comme c’est le cas des femmes algériennes appartenant à l’ANFD, cette disparition entraîne des conséquences dramatiques tant au préjudice des épouses qu’à celui des enfants. Les épouses doivent entreprendre une procédure longue et coûteuse afin d’obtenir un jugement de décès, quatre ans après, en temps de guerre ou de circonstances exceptionnelles. En temps de paix, le juge est habilité à fixer une période d’attente à l’expiration des quatre années. Les épouses des disparus rencontrent de nombreuses difficultés pour obtenir un jugement de décès, car les autorités présumées responsables de la disparition de leur époux refusent d’admettre cette responsabilité et de délivrer des attestations de disparitions. Ces femmes, auxquelles on refuse le statut de veuves doivent se battre des années pour obtenir la reconnaissance de droits élémentaires.

38. Durant tout ce temps, la femme ne peut se prévaloir du statut de divorcée bien qu’elle en subisse les effets néfastes, notamment l’impossibilité pour elle de disposer de sa part successorale (la succession n’étant ouverte qu’à la mort effective du conjoint) ainsi que la non-jouissance de la tutelle sur les enfants mineurs et l’interdiction de fait de divorcer. La privation légale de ses droits pour l’épouse du disparu entraîne des effets préjudiciables sur la garde, l’éducation et l’entretien des enfants qui nécessitent des moyens financiers énormes inexistants chez la majorité des femmes de disparus. Elles ne peuvent se substituer légalement au père de leur

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enfant pour l’autorisation de déplacement à l’étranger, pour des soins ou pour tout problème lié à son éducation.

39. Les femmes et jeunes filles algériennes, vivant en Europe, y compris celle ayant la nationalité d’un pays européen, peuvent être soumises au Code de la famille algérien.

40. Il faut souligner toutefois, à la lumière de ce constat, que lors d’une enquête réalisée à la demande du «Collectif 95 Maghreb-Egalité» en novembre 2000 auprès d’un échantillon représentatif de la population algérienne sur le degré d’adhésion aux valeurs d’égalité entre hommes et femmes, les femmes sont considérées comme de fortes concurrentes sur le marché de l’emploi. Toutefois, la grande majorité de la population serait malgré tout prête à élire une femme maire ou députée, mais plus réticente à élire une femme présidente. Cette enquête a également montré qu’il existe une majorité écrasante de la population qui serait disposée à ce que la femme divorcée puisse rester dans le domicile conjugal avec ses enfants. Toutefois, en ce qui concerne la question de la garde des enfants après divorce, 4 algériens sur 10 pensent que le père et la mère doivent être également concernés par cette garde, alors que 6 sur 10 sont favorables pour que la mère garde ses enfants lorsqu’elle se remarie.

B.       Maroc

41. Le problème de la place et du rôle des femmes dans la société marocaine est posé depuis des décennies. Récemment, ce problème a pris une actualité et une dimension qui interpellent non seulement les pouvoirs publics mais aussi l’ensemble des organisations politiques et de la société civile, à savoir celle de l’équation authenticité/modernité.

42. En effet les femmes marocaines souffrent de diverses formes de discrimination, à la fois juridique et culturelle car leur statut juridique est régi par la Moudawana ou Code du statut personnel qui est basé sur le droit musulman. Ce statut personnel s’applique en considération non pas de la nationalité mais de la religion de la personne.

43. A l’occasion du 51e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, S.M. le Roi Mohammed VI a exprimé son engagement à accorder un intérêt particulier à la promotion de la femme. Cette démarche, qui est le résultat d’une lutte et d’un travail intense des femmes, devrait constituer un atout dans la mise en œuvre d’une stratégie d’intégration de la femme.

44. Au cours de sa visite, la rapporteuse a été informée de la proposition de loi visant à augmenter le nombre de femmes parlementaires. Ce projet, original en soi, propose l’établissement d’une liste parallèle constituée essentiellement par des candidatures féminines et permettrait de porter à 10 % la représentation des femmes au parlement. Ce projet est actuellement encore à l’étude et il faut espérer qu’il soit adopté, car son acceptation constituerait une grande avancée pour la représentation politiques des femmes au Maroc.

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45. Il faut rappeler, dans ce contexte, qu’au moment de l’arrivée au pouvoir de l’opposition de gauche en 1997, un «plan d’intégration de la femme au développement» fut proposé en 1998. Il prévoyait une révision de la Moudawana, le Code de la famille inspiré de la charia, la loi islamique. Il envisageait l’interdiction de la polygamie, le relèvement de l’âge des jeunes filles au mariage de 15 à 18 ans et la suppression de la répudiation. L’hostilité de certains membres du gouvernement ainsi que des conservateurs a contraint le gouvernement à abandonner ce projet.

46. Suite à cette déclaration une commission spéciale a été créée pour réfléchir à des réaménagements du droit. Le plan d’action («La Khouta») qui a été mis en place à cet effet comprend 215 clauses dont les 4 axes principaux sont:

- la scolarisation et la lutte contre l’analphabétisation dans le monde rural;

- la santé reproductive;

- la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du rôle économique des femmes;

- l’amélioration du statut juridique et politique de la femme.

47. Parmi les 215 clauses, 14 traitent le changement d’articles du Code de la famille (Moudawana) à savoir:

- passer l’âge du mariage de 15 à 18 ans, conformément à la Convention sur les droits des enfants que le Maroc a ratifiée en juin 1993;

- autoriser la fille majeure à choisir et à conclure son mariage sans l’autorisation de son tuteur matrimonial;

- introduire le divorce judiciaire et supprimer la répudiation;

- supprimer la polygamie.

48. Toutefois, depuis la création de cette commission aucune évolution n’a été enregistrée alors que l’on pensait que les normes internationales auxquelles le Maroc avait adhéré pourraient constituer un catalyseur de réformes.

49. La rapporteuse s’est cependant rendue compte, au cours des différents contacts, que la grande partie des interlocutrices nourrissaient de grands doutes quant à l’efficacité des travaux de cette commission et qu’elles étaient d’avis que seule une intervention énergique, par le biais par exemple, d’une ordonnance, pourrait faire évoluer la situation de manière positive.

50. Pour promouvoir les droits de la femme, il faut non seulement des mesures législatives et réglementaires mais également des mesures dans le domaine de l’éducation. Une des priorités serait, par conséquent, la lutte contre l’analphabétisation, car l’éradication de l’ignorance constituerait une première victoire

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bien que le taux d’alphabétisation des femmes marocaines est passé de 16 % à 31 % entre 1980 et 1995.

51. L’on constate toutefois une évolution positive des mentalités en ce qui concerne la polygamie, cette dernière ayant, en effet, tendance à disparaître. Cette tendance ne résulte cependant pas d’un changement de mentalité mais résulte essentiellement de la situation économique. En effet, le Coran stipule qu’un homme ne peut se remarier qu’à la condition expresse de pouvoir assurer les mêmes ressources financières à toutes ses femmes, ce qui dans les faits est quasiment impossible.

52. En ce qui concerne le divorce, qui fait partie des demandes de changements, ce dernier, à l’heure actuelle, peut s’effectuer sous trois formes: la répudiation, demandée par le mari, le divorce, qui peut être demandé par la femme mais rarement autorisé et le divorce sur une base compensatoire, la femme pouvant ainsi «acheter» sa liberté moyennant une certaine somme d’argent.

53. Au Maroc la loi pénale réprime l’adultère tout en accordant des circonstances atténuantes à l’époux offensé qui déciderait de faire justice lui-même. Ainsi, si le mari tue son épouse infidèle, sa peine se verra réduite à un emprisonnement de 1 à 5 ans. Mais la réciproque n’existe pas pour la femme.

54. En ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse, cette dernière est punie sévèrement par la loi et la peine prévue pour la femme est de 6 mois à 2 ans et une amende de 120 à 500 dirhams.

55. Une autre contradiction est celle relative à l’interdiction pour une femme musulmane de contracter un mariage avec un non-musulman alors que ceci ne se pose pas pour un marocain musulman avec une non-musulmane.

56. Ainsi, comme on peut le constater, la condition juridique de la femme reste prisonnière de contradictions entre la Constitution et les textes régissant la moudawana. En effet, alors que tous les textes politiques et économiques sont entièrement laïcs, ceux définissant le statut de la femme et des relations familiales s’inspirent du droit musulman classique, consacrant ainsi l’infériorité juridique de la femme. Si plusieurs réformes sont intervenues, il n’en demeure pas moins qu’il subsiste encore des points sombres qui relèvent d’une vision patriarcale et conservatrice de la famille.

57. Pour certaines associations de femmes marocaines, la source de tous leurs maux et de tous leurs problèmes au sein de la société marocaine résulte de la Moudawana, qui constitue un ensemble de lois réglementant la vie des femmes au sein de leurs familles de façon très discriminatoire.

58. A la lecture de ce texte, l’on constate que du premier article jusqu’au dernier, il existe une discrimination flagrante. S’il est vrai que la femme a énormément contribué au développement de l’économie de ce pays, il n’en demeure pas moins qu’elle reste considérée comme mineure, placée dans un rang anormal. A titre d’exemple, l’on parle encore d’obéissance et du droit du mari de réglementer les visites de l’épouse à sa famille.

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59. Tous ces textes aboutissent à enchaîner les femmes et à les rejeter, les renier et les dénigrer. Il est absolument criminel d’expulser une femme du foyer conjugal, après répudiation. Ceci les pousse, si elles n’ont aucune ressource financière, à la prostitution, vers la mendicité ou la délinquance.

60. En ce qui concerne la tutelle, les femmes divorcées n’ont pas le droit d’ouvrir un compte au nom de leurs enfants et pour ce faire, elles doivent demander l’autorisation de leur ex-mari. Mais même après cela, la femme ne peut disposer de cet argent.

61. Il faut rappeler que le Maroc avait ratifié en 1977 la convention relative aux droits civils et politiques qui inclut son article 3 relatif à l’égalité entre hommes et femmes et l’article 23.4 qui accorde les mêmes droits lors du mariage et lors de sa dissolution.

C.       Tunisie

62. La société tunisienne est différente des sociétés algérienne et marocaine. Elle a subi de profondes mutations structurelles. Depuis l’indépendance, la condition de la femme en Tunisie a connu de véritables progrès. La polygamie et la répudiation son interdits.

63. Le Code du statut personnel, adopté sous la présidence de Habib Bourguiba, a accordé aux femmes de nombreux droits dont elles ne bénéficiaient pas auparavant. La législation tunisienne assure, en effet, des droits égaux aux femmes et aux hommes et il n’existe quasiment aucune discrimination entre les deux sexes sur le plan juridique. En effet, selon l’article 6 de la Constitution «tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi» et selon les articles 20 et 21, la femme est électrice et éligible.

64. En raison de ces mutations structurelles, le taux d’alphabétisation féminin a augmenté de 32 % à 55 % entre 1980 et 1995, la présence des femmes dans l’éducation supérieure et dans la population active n’a pas cessé d’augmenter. La jeune tunisienne d’aujourd’hui est scolarisée, elle est de plus en plus présente dans les entreprises, dans les administrations, elle vit dans un autre univers culturel du fait de l’influence des médias modernes.

65. Selon les indications fournies par les membres de la Chambre des Députés, l’on compte environ 25 % de femmes juges, 11 % de femmes parlementaires, 20 % de femmes dans les collectivités locales et 56 % dans les universités. Les filles sont scolarisées à 89 %.

66. Plusieurs facteurs ont permis de contribuer à la réalisation des droits des femmes en Tunisie, parmi lesquelles figure notamment la volonté du chef de l’Etat, l’existence de mécanismes permettant la mise en application des droits des femmes et la ferme volonté des femmes de pouvoir exercer leurs droits. C’est ainsi qu’en 1993, le Code du statut personnel a été amendé pour demander que les époux se traitent mutuellement avec bienveillance et s’entraident dans la gestion du foyer et des affaires des enfants.

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67. Les autres amendements portaient sur le consentement de la mère pour le mariage de son enfant mineur, la participation de la mère à la gestion des affaires des enfants et l’octroi du droit à la fille mineure mariée de conduire sa vie privée et ses affaires.

68. Le statut des femmes tunisiennes est sans doute le plus libéral du monde musulman. Leur émancipation est essentiellement due aux décisions innovatrices prises par Habib Bourguiba, dès la fin des années 1950, notamment en cas de divorce par la création d’un fonds garantissant le versement des pensions alimentaires au profit de la femme divorcée et de ses enfants. Depuis le 5 avril 1996, la femme se voit automatiquement octroyer des allocations familiales pour la garde de ses enfants. Elle a été renforcée par le Président Ben Ali qui, au cours de son premier mandat, a accentué leur intégration dans la vie publique et économique. Une campagne contre le port du voile a même été orchestrée au début des années 1990.

69. La Tunisie a également développé une stratégie de planification familiale, comme on peut le constater au tableau figurant en annexe 2 qui montre que 50 % des femmes ont recours à la contraception.

70. En effet, l’accent a été mis sur l’amélioration des infrastructures de base qui offrent une grande variété de soins préventifs et curatifs aux femmes qui se présentent dans les centres.

71. En outre, la nomination de deux femmes ministres (ministère des Affaires de la femme et de la Famille et ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi), de trois femmes secrétaires d’Etat, montre la volonté de faciliter l’accès des femmes aux postes de responsabilité. C’est ainsi que de 1989 à 1999, le taux d’intégration des femmes est passé de 4,3 % à 11,5 % des sièges à la Chambre des députés où une femme a été élue vice-présidente.

72. Un Conseil National de la femme et de la famille a été également créé en 1992 sous la présidence du Ministre des Affaires de la femme et de la famille. Depuis 1997, le Conseil s’est doté de trois commissions visant notamment à assurer le suivi de l’image des femmes dans les médias et à veiller à l’application des textes juridiques et à leur mise en œuvre pour garantir l’égalité des chances.

73. Il faut également souligner que les associations féminines sont très actives et la rapporteuse souhaite citer, à titre d’exemple, l’initiative de l’association des femmes tunisiennes qui a créé des centres de formation pour les femmes tunisiennes. Ces centres de formation ont notamment permis à certaines jeunes femmes d’obtenir des micro-crédits afin de pouvoir créer une petite activité salariale, le plus souvent dans le domaine de l’artisanat ou de dispenser des cours pour que les femmes puissent, à leur tour, se rendre dans les campagnes pour informer les femmes et les jeunes filles de leurs droits.

74. Néanmoins, des efforts doivent encore être fournis, car rien n’est jamais définitivement acquis et l’objectif d’une égalité totale des femmes se heurte encore à des tendances lourdes. Parmi les Tunisiens qui, en deux générations, ont vu les femmes passer de l’état d’esclaves soumises à celui de salariées immergées dans une société moderne, des noyaux de résistance subsistent.

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75. Sur le plan juridique, le dernier combat des femmes est celui concernant l’héritage: en droit musulman, une femme hérite de la moitié de la part d’un homme. Le président Bourguiba lui-même n’avait pas osé touché à cette règle qui figure dans le Coran, qui stipule expressément «Dieu vous recommande pour vos enfants: la part du mâle équivaut à la part de deux femelles». Aujourd’hui, les féministes tunisiennes demandent, pétition à l’appui à l’initiative de l’Association des femmes démocrates, que l’égalité soit aussi respectée dans ce domaine. Il faut souligner que depuis 1998, les époux peuvent se marier sous le régime de la communauté des biens ce qui entraîne une égalité des époux dans la propriété qui s’achève à la mort par une inégalité de la femme par rapport à l’homme.

76. Un autre problème subsiste également en matière de violence domestique. Selon des militantes du droit des femmes, l’impunité prévaut en raison du manque d’investigations de la part de la police et de l’indifférence des juges qui considèrent la violence familiale comme une affaire strictement privée.

77. Le choc de la crise économique traversé par le pays depuis plus d’une décennie a entraîné une prise de conscience aiguë de la nécessité pour la femme de participer au soutien économique du ménage. Il y a cependant des résistances plus familiales que sociétales: on est toujours d’accord pour que la femme du voisin travaille, mais pas la sienne. Par les contraintes des mutations socioculturelles, l’image de la femme dans le travail est de plus en plus acceptée et voire même souhaitée. Cependant, le changement des mentalités demeure lent. L’influence des mœurs, d’un héritage islamique mal interprété et d’une mentalité patriarcale, fait que la place de la femme dans la société est négligée.

II.        La situation de la femme maghrébine en Europe

A.        Dans la sphère privée

78. Suite aux accords bilatéraux existant entre les pays d’origine et les pays d’accueil, les Codes de la famille en vigueur en Algérie et au Maroc sont appliqués aux femmes maghrébines en Europe. Des jeunes filles, des femmes vivant en Europe, y compris celles ayant la nationalité d’un des Etats européens, peuvent être soumises à un Code de statut personnel étranger, par le jeu de la loi d’origine. On observe les effets de l’application de ces Codes de la famille à travers le divorce expéditif qu’on appelle répudiation, le mariage forcé des jeunes filles, les enlèvements d’enfants et les crimes d’honneur. A l’heure actuelle, on note, d’ailleurs, une recrudescence des mariages forcés.

79. Un grand nombre de femmes algériennes sont tributaires du Code de la famille algérien, même si elles vivent en Europe. Elles sont donc maintenues dans un statut d’inégalité par rapport à leur mari, leur père ou à leur tuteur matrimonial. Il faut souligner que les femmes parlementaires algériennes sont prêtes à travailler avec les femmes migrantes résidant en Europe pour essayer d’améliorer leur situation et les aider à s’intégrer dans leur pays d’accueil.

80. A cet égard, l’on pourrait, à titre d’illustration, citer deux exemples dramatiques:

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–- Le premier est celui d’une femme de nationalité algérienne, mariée en 1981, vivant à Lyon avec son mari. Elle ne travaille pas et son mari pourvoit à la subsistance de la famille. Ils ont trois enfants de 18, 16 et 13 ans. En 1989, à la suite d’un conflit dans le couple, ils se séparent provisoirement et, à la rentrée de septembre 1989, le mari ne réintègre pas le domicile. Sa femme reçoit alors un jugement de divorce unilatéral, que son mari a obtenu devant le tribunal d’Alger le 25 juillet 1989. Elle n’a jamais reçu de convocation à ce procès et elle s’aperçoit à la lecture du jugement qu’on lui accorde une pension alimentaire d’entretien de 100 francs français par enfant par an.

– Le deuxième est celui d’une femme de 52 ans qui vit en France depuis 30 ans. Son mari est à la retraite. Ils ont trois enfants. Le couple se sépare pour mésentente avec violence. La femme obtient un jugement de contribution aux charges du mariage, jugement rendu en janvier 1997 en France, qui condamne le mari à payer 3 800 francs par mois pour l’entretien et l’éducation des enfants. Elle demande alors le divorce, toujours en France. Mais son mari se rend en Algérie, saisit le tribunal de Bejaïla et obtient sur place en 7 jours, un jugement de divorce. Ce jugement est applicable en France par le jeu de l’exequatur, procédure qui consiste à demander au juge français une ordonnance rendant applicable sur le territoire français un jugement prononcé à l’étranger. Et c’est le jugement rendu en Algérie qui est appliqué, parce qu’il intervient avant que le jugement rendu en France ne soit devenu exécutable. C’est une véritable course contre la montre: celui qui va le plus vite gagne. Ce jugement est plus favorable au mari et sa femme se trouve déniée de ses droits français.

81. Un tiers des personnes d’origine tunisienne vivant en France sont des femmes et leur principal problème repose sur la difficulté d’intégration, sans perdre leurs racines.

82. L’on dénombre environ 96 cas de répudiation de femmes marocaines en Belgique. En outre, l’on a également constaté que jusqu’en 1998, la mention « répudiée » figurait même sur les documents d’identité de ces femmes.

83. L’une des difficultés majeures des femmes maghrébines en Europe a trait au manque de programmes d’éducation pour les enfants ainsi qu’au regroupement familial. De nombreuses législations européennes ne reconnaissent pas ce droit aux familles immigrées. On a dénombré un grand nombre de cas où les mères étaient séparées de leurs enfants, sans aucune possibilité de se défendre devant les tribunaux. Il s’avère donc impératif de modifier le droit de la famille dans ces pays.

B.        Dans la sphère économique

84. Un des problèmes majeurs auquel se heurtent les femmes maghrébines est celui du chômage. La méconnaissance de la langue et la faible qualification des femmes maghrébines expliquent, en partie, leur difficulté à trouver un emploi. Même les personnes les plus diplômées et les plus qualifiées ont des difficultés à trouver un emploi du fait de leurs origines. A âge, sexe et diplômes égaux, le risque de chômage est plus important pour les jeunes maghrébines immigrées. Seules les femmes naturalisées sont un peu plus avantagées du fait de leur statut. Les femmes maghrébines qui n’ont pas la possibilité de fréquenter les écoles dans le pays

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d’accueil n’ont quasiment aucune chance de trouver du travail. Si elles y parviennent, leur arrivée en Europe conduit souvent à un déclassement prononcé et durable, vu les conditions du marché du travail actuel. Cette impossibilité d’accéder à un emploi empêche tout développement sur le plan personnel.

85. Les ressortissants algériens ont très souvent la double nationalité. Toutefois, l’on a constaté que, par exemple, les binationaux franco-algériens ne sont pas protégés par la France s’ils sont victimes des persécutions politiques en Algérie, car aucun de ces deux pays ne reconnaît l’autre nationalité.

86. La population maghrébine vit très souvent dans des logements sociaux situés dans les zones industrielles ou défavorisées. Il n’existe aucune politique pour aider la population à s’intégrer.

Conclusions

87. La rapporteuse souhaite à nouveau souligner l’importance de ce rapport et de la nécessité pour le Conseil de l’Europe de se préoccuper du statut des femmes, notamment dans les familles d’immigrés, statut, comme on vient de le voir, qui engendre des situations conflictuelles en raison des différences de cultures et de coutumes.

88. Elle estime, par conséquent, que seule une pression très forte de la communauté internationale pourrait faire avancer les choses. Elle est également d’avis qu’il faudrait davantage sensibiliser les administrations et les consulats à ces questions et rappeler aux ressortissants maghrébins la nécessité, sous peine d’expulsion, de respecter les lois en vigueur dans les pays d’accueil, ce qui permettrait d’éviter une scission entre la sphère privée et la sphère publique.

89. A la lumière de ce qui précède, il apparaît indispensable de demander aux gouvernements des pays du Maghreb de:

- modifier les Codes de la famille afin de garantir les mêmes droits aux femmes ainsi qu’aux hommes;

- prendre des mesures pour instaurer un système de planification familiale;

- élaborer des programmes d’insertion sociale ainsi que des structures d’accueil;

- mettre en place des centres d’alphabétisation;

- encourager les femmes à accéder davantage à la fonction publique;

- organiser des campagnes d’information sur les droits des femmes et créer des centres d’information et d’accueil à travers les pays ouverts aux femmes en quête de soutien;

- sensibiliser les médias pour que leurs informations soient moins négatives lorsqu’ils parlent des populations immigrées.

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90. L’Assemblée demande aux gouvernements des pays membres de:

- veiller à l’application de la législation des pays de résidence, conformément aux règles de droit international privé;

- améliorer le statut juridique des migrants;

- mettre en place la double nationalité;

- rendre accessible aux étrangers la fonction publique.

91. L’Assemblée demande aux parlements nationaux des Etats membres d’inviter les partis politiques à:

- assurer une représentation de la population immigrée au sein des assemblées parlementaires en veillant à ce qu’il y ait une représentation féminine;

- assurer une représentation paritaire des communautés immigrées des deux sexes sur les listes électorales municipales.

Annexe 1

Programme de la Visite de Mme Roudy (France, SOC) en Algérie, Tunisie et Maroc dans le cadre de la préparation du rapport sur la situation des femmes maghrébines

Samedi, 9 mars 2002

13h45       Arrivée à Alger et accueil à l’aéroport par Mme Khalida MESSAOUDI, Députée à l’Assemblée Populaire Nationale

15h00       Participation à la rencontre organisée par les femmes parlementaires avec les femmes de la société civile, au siège de l’APN

20h00       Dîner de travail offert par les femmes parlementaires à l’hôtel «El-Djazaïr»

Dimanche, 10 mars 2002

8h30-9h15       Monsieur Abdelaziz ZIARI, Ministre délégué auprès du Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères et de la Communauté internationale à l’étranger

9h30-10h00        Visite du Centre d’accueil des femmes en détresse « DARNA »

11h20       Départ à destination de Tunis

12h30       Arrivée à Tunis et installation à l’Hôtel Hilton

15h30       Départ de l’Hôtel

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16h00       Visite du Musée de Carthage

      Visite de la Ville de Sidi Bou Saïd

Lundi, 11 mars 2002

8h30       Départ de l’Hôtel

9h00       Entretien avec Mme Boutheina Gribaa, Directrice du Centre des Recherches, des Etudes, de la Documentation et de l’Information pour la Femme (CREDDIF)

10h00        Entretien avec Mme Saïda Agrebi, Présidente de l’Association Tunisienne des Mères (ATM)

11h00       Entretien avec Mme Naziha Ben Yedder, Ministre des Affaires de la Femme et de la Famille

12h00       Entretien avec Mme Chadija Boukchine, Deuxième Vice-Présidente de la Chambre des Députés et Présidente de l’Union Nationale de la Femme Tunisienne (UNFT)

15h30       Visite à l’espace «Sadika Keskes»

17h00       Entretien avec Madame Leïla Khayat, Présidente de la Chambre Nationale des Femmes Chefs d’Entreprises (CNFCE)

18h30       Entretien avec Mme Abdel Yaoued, Présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (Hôtel Hilton)

Mardi, 12 mars 2002

7h00       Départ de l’hôtel pour l’aéroport

10h10       Arrivée à Casablanca, Maroc

      Accueil par Mme B. SQALLI, Député socialiste

12h00       Ligue Démocratique pour les Droits de la Femme (LDDF)

12h30       Déjeuner à l’hôtel

15h00       Rencontre avec Mesdames B. SQALLI et F. BELMOUDEN, députés socialistes

16h00       Rencontre avec les ONG: Association Démocratique des Femmes du Maroc, Association de l’espoir féministe, Association de l’Union du Travail des femmes et JOSSOUR

17h00       Rencontre avec M. A. RADI, Président de la Chambre des Représentants

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18h00       Rencontre avec Mme N. CHEKROUNI, Ministre chargée de la condition de la femme

Mercredi, 13 mars 2002

9h00       Départ vers la ville de Casablanca

10h00       Visite de la Mosquée Hassan II

10h30       Départ vers l’aéroport Mohamed V

12h00       Départ de la délégation

Annexe 2

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